M. Yvon Collin. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Dans le cadre du programme de développement et de modernisation des itinéraires, le PDMI, l’État demande aux collectivités locales, d’ici au 15 juillet, au moins 30 % de cofinancement !
Le rapport de la mission sénatoriale a fait l’objet, jusqu’à l’avant-dernier soir, d’un très large consensus. D’aucuns considèrent aujourd’hui que les propositions formulées ne vont pas suffisamment dans le sens de la réforme, chaque strate ayant eu ses farouches zélateurs.
Nous constatons que les représentants de chaque strate ont une tendance manifeste à revendiquer la clause de compétence générale, avec le souci affiché de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens. C’est souvent vrai, mais pas toujours !
Il est exact que les dépenses de personnel des collectivités locales sont passées, entre 2001 et 2007, de 32 millions d’euros à 46 millions d’euros. (M. Jean-Pierre Fourcade opine.) Les transferts de compétences et de charges, pas toujours compensés, ont pesé lourd.
M. Yvon Collin. Oui !
M. Jacques Mézard. Mais qui niera que le service décentralisé, donc le service de proximité, est naturellement plus coûteux ? L’exemple des lycées et collèges est, à cet égard, révélateur.
Sachons aussi constater l’accumulation assez fréquente de frais de fonctionnement dans de multiples structures, à chaque strate, telles les agences économiques, les agences touristiques, pour ne citer que ces exemples. Nous constatons également fréquemment, à tous les étages, et au nom de la proximité, des concurrences de pouvoir entre toutes les sensibilités politiques. Je n’irai pas jusqu’à parler de féodalité, ce serait excessif…
Mme Nathalie Goulet. Pas du tout !
M. Jacques Mézard. Reconnaissons que des progrès importants sont à réaliser en matière de mutualisation des services, par exemple entre ville-centre et intercommunalité.
Quant à la jungle de la fiscalité locale, incompréhensible pour le citoyen, mais non dépourvue d’effet sur son portefeuille, les élus locaux n’en sont point responsables. D’échéance électorale en échéance électorale, d’alternance en alternance, la réforme fut en effet repoussée.
Le rapport de la mission sénatoriale peut ouvrir la voie à une réforme profonde et sage.
Sur la question des compétences, réserver la clause de compétence générale aux communes et aux départements est acceptable si les départements et les régions disposent de larges compétences spéciales, complétées par quelques compétences facultatives, un système qui existe d’ores et déjà pour les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI. Il convient en tout état de cause de préserver la possibilité de contractualiser et de planifier sur les dossiers structurels.
En ce qui concerne la gouvernance, l’objectif de boucler la carte intercommunale pour 2011 est bon. Il suppose l’augmentation progressive des compétences obligatoires, le fléchage de l’élection communautaire – même si l’on peut formuler des réserves sur ce point, et je vous renvoie ici aux propos de Jean-Pierre Chevènement –, l’absorption de syndicats intercommunaux et la confirmation de grandes métropoles d’équilibre, indispensables à l’aménagement des territoires.
La question la plus conflictuelle, dans la réflexion actuelle, est certainement celle des conseillers territoriaux. Un nouveau découpage cantonal est indispensable ;...
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jacques Mézard. ... il devrait coller à la réalité des bassins de vie intercommunaux. Ce peut être un socle pour l’élection des conseillers régionaux, aujourd’hui sans prise directe avec le territoire, mais nous ne voulons pas d’un système qui n’aurait pour but que de servir une manœuvre électorale au reste assez évidente, avec l’instauration du scrutin proportionnel en zone urbaine, et qui conduirait sans le dire à l’effacement progressif des départements, et avec eux des sous-préfectures et de certaines préfectures.
La proposition de la mission sur les conseils des exécutifs est un moyen de coordination, donc d’économie, entre collectivités de toutes sensibilités.
S’agissant des finances locales, la mission a confirmé son attachement à deux principes : préserver l’autonomie des collectivités et ne pas substituer les dotations à l’impôt local.
Oui, les compétences doivent être spécialisées sur un nombre limité de collectivités, lisibles et compréhensibles par le contribuable, avec des assiettes larges et une réelle capacité de fixer les taux. Oui, il convient de cesser de créer de nouveaux dégrèvements et de nouvelles exonérations.
L’actualisation des valeurs locatives relève certainement d’une véritable urgence : elle est prioritaire par rapport à la création de conseillers territoriaux, et elle exige un véritable courage politique. Le système est aujourd’hui obsolète et injuste, aggravant des déséquilibres entre les territoires.
Un large consensus s’est exprimé sur la nécessité de maintenir un impôt économique en lien avec le territoire.
Surtout, la mission a placé au centre de sa réflexion la mise en place d’une véritable péréquation régulant les écarts considérables entre les territoires. La diversité doit être compatible avec la justice. C’est possible en dégageant des ressources pour les dotations de péréquation à partir des dotations forfaitaires, en réduisant le nombre des bénéficiaires des mécanismes de péréquation et en créant un fonds national de péréquation.
Si la réforme des collectivités territoriales n’intègre pas la péréquation comme l’un de ses axes fondamentaux, ce sera une faute lourde de conséquences, le déni d’une véritable politique d’aménagement des territoires ; la décentralisation ne doit pas élargir le fossé entre les territoires.
Le premier jour d’avril 1999, devant cette assemblée, M. Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’intérieur, traçait des lignes claires en rappelant qu’il n’y avait pas de solidarité territoriale sans mutualisation des ressources, qu’il ne convenait pas d’opposer le rural et l’urbain, et expliquait que son projet de loi, s’il était d’apparence modeste, comprenait des dispositions pratiques porteuses d’efforts importants à moyen et long terme. Veillons à ne pas connaître l’inverse !
Il ne s’agit pas de « surfer » sur les attentes contradictoires de nos concitoyens – plus de services et moins d’impôt ! –, mais de rendre le meilleur service au meilleur coût sur l’ensemble du territoire. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.- Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, devant le Congrès, le Président de la République a tranché : « Nous irons jusqu’au bout de la réforme des collectivités locales », a-t-il dit. « Nous ne nous déroberons pas devant la réduction du nombre des élus régionaux et départementaux. Nous ne nous déroberons pas devant le problème de la répartition des compétences. Nous ne nous déroberons pas devant l’effort qui sera demandé à toutes les collectivités ».
Le cap est donné, la feuille de route est affichée, l’objectif est fixé. Il s’agit de réduire le nombre, l’action et les dépenses de nos collectivités locales, avec la volonté de déstabiliser toute l’organisation territoriale de notre République.
M. Christian Cambon. Mais non !
M. Jean-François Voguet. Ainsi, après avoir changé « de » République avec la réforme constitutionnelle, nous sommes appelés à changer « la » République.
Dans ces conditions, nous ne pouvons que mesurer les limites de notre mission et de son rapport.
L’avis des sénateurs ne semble pas intéresser le Président de la République. Nous le déplorons car, bien que nous fassions une analyse critique du rapport de notre mission, nous reconnaissons que celui-ci maintient les trois niveaux de collectivités et la clause de compétence générale.
Tout va donc se jouer au cours du prochain débat parlementaire. Il s’agirait même, dit-on, de jouer le peuple contre les élus.
Aussi, avec ce rapport, notre responsabilité est engagée pour soutenir d’autres propositions.
Sous couvert de réorganisation, c’est en fait la suppression des communes qui est planifiée avec le renforcement des intercommunalités. Le périmètre de celles-ci pourra être imposé et leur pouvoir sera étendu. Peu à peu, le rapport de force, le fait majoritaire, remplacera la coopération librement consentie. Dans le cadre des métropoles, c’est le pouvoir des villes-centres qui va s’imposer. Ainsi, sous couvert de coopération, c’est la perte d’autonomie qui s’annonce.
En ce qui concerne les départements et les régions, ne nous y trompons pas, c’est la fin des départements qui est planifiée.
Avec la création des conseillers territoriaux, c’est la disparition de l’autonomie départementale qui est recherchée, et non pas quelques économies, par ailleurs d’un montant ridicule. Les conseillers territoriaux qui ne siégeront qu’en formation départementale verront leur possibilité d’action diminuée du fait tout à la fois de l’encadrement strict de leurs propres compétences, du renforcement des compétences attribuées à la région et de la création de métropoles.
Le but ultime de la réforme, sa logique même, est de créer les conditions d’une évolution lente, un glissement progressif mais assuré vers une organisation territoriale de notre République reposant uniquement sur des intercommunalités et des métropoles plus ou moins importantes, devenues des collectivités locales de plein exercice, et sur des régions au pouvoir étendu, au sein d’un État dont le pouvoir central ne détiendra plus que les pouvoirs régaliens.
L’ensemble des politiques publiques, très encadrées, seraient alors régionalisées et la gestion des affaires courantes, pourrait-on dire, relèverait des intercommunalités.
Si nous ne réagissons pas, c’est toute l’histoire démocratique de notre pays, la forme actuelle de notre République et l’équilibre des pouvoirs qui sont appelés à disparaître. Les lieux de décision s’éloigneront toujours plus des citoyens. Les populations de nos territoires ne pourront plus choisir librement leur destinée. Toute notre vitalité démocratique sera mise à mal. L’investissement citoyen, l’engagement local, le bénévolat au profit de la chose publique, les solidarités locales, vont perdre de leur sens et disparaîtront peu à peu.
Enfin, avec l’encadrement et la réduction drastique des pouvoirs et des moyens financiers de nos collectivités locales, c’est l’avenir même des services publics locaux répondant aux préoccupations de chacun qui est aujourd’hui en question.
Nous sommes donc bien en face d’une vaste et dangereuse opération de remise en cause de nos institutions, de tout ce qui fait la force de nos services publics et de notre conception du « vivre ensemble » et de la fraternité.
Aussi, compte tenu des enjeux, nous en appelons à la mobilisation de l’ensemble des élus locaux et de toute la population pour résister à ce projet de réforme.
Nous sommes conscients qu’il nous faut, pour réussir cette mobilisation, ouvrir la voie à des transformations utiles et porter les modifications nécessaires : le statu quo n’est pas possible, en effet.
Nous le ferons en réaffirmant la nécessité de l’existence de toutes les collectivités locales, de leur autonomie, du développement de leur coopération, en insistant sur l’importance du renforcement de leurs moyens pour répondre aux besoins et aux attentes des populations, et en proposant le développement d’une démocratie locale renouvelée et revivifiée.
Pugnace et déterminée pour résister et proposer, telle sera notre attitude dans le débat qui va s’ouvrir sur le projet de réforme des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste, je crois pouvoir présenter mes félicitations à l’équipe qui a animé, pendant huit mois, les travaux de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales.
Je dis bien « l’équipe », car j’ai le sentiment qu’il est légitime d’englober dans ces compliments le président, les deux vice-présidents et les deux rapporteurs de cette mission, qui ont travaillé dans un esprit de consensus pour aboutir à une position synthétique, reflet de la plus large partie de l’opinion de notre assemblée.
Pour leur part, les représentants du groupe socialiste ont joué le jeu du travail collectif, qui imposait l’écoute, la discussion et le compromis, au point même de demander que des votes intermédiaires soient différés lorsque la gauche se trouvait majoritaire au sein de la mission, considérant que, dans ce cas-là, celle-ci n’était pas représentative du Sénat.
Ils n’en ont été que plus consternés par l’attitude du groupe UMP qui, le 17 juin, dernier jour de nos travaux, a présenté, en fin de matinée, au cours d’une séance de « bouclage », une contribution que l’on a pu penser destinée à se substituer à certaines parties approuvées du rapport.
Finalement renvoyée en annexe et édulcorée par la suppression de certaines propositions aussi surprenantes que la réduction du nombre de conseillers municipaux, y compris ruraux, cette contribution n’en contient pas moins des propositions donnant à penser que, depuis la lettre de mission du Président de la République au comité Balladur, il ne s’est rien passé au Sénat !
Ainsi nombre des propositions de l’UMP sont-elles en contradiction flagrante avec ce que ses représentants ont approuvé au fil des mois au sein de la mission.
Je pense, par exemple, aux compétences des départements, transférées en bloc aux métropoles. Je pense à la clause générale de compétence, que la mission maintient au bénéfice des différents niveaux territoriaux, mais que l’UMP réserve aux seules communes et intercommunalités. Je pense encore, mais j’y reviendrai, à la proposition, il est vrai plus attendue, de substitution des conseillers territoriaux aux conseillers généraux et régionaux.
Tout cela est surprenant : s’il n’y avait pas consensus, il fallait le dire au cours des débats !
La question se pose désormais de savoir quelle est la valeur de l’énorme travail fourni par la mission. Doit-on considérer dès maintenant qu’il a été inutile ? Doit-on considérer qu’en tout état de cause il n’y aura pas de position claire du Sénat sur la réforme des collectivités ? Doit-on considérer que nous travaillerons sur les propositions des seuls conseillers de l’Élysée ?
Si tel était le cas, il s’ensuivrait une situation humiliante pour les animateurs de la mission et, en particulier, pour son président, sénateur de l’UMP, perçu, au fil des débats, comme un homme d’une grande qualité par l’ensemble de ceux qui ont participé aux travaux de la mission.
Mais c’est pour vous, monsieur le président du Sénat, que la situation serait encore plus humiliante. J’avais en effet cru comprendre que votre souhait, au lendemain de votre élection, était de donner toute sa force à l’initiative parlementaire dans le cadre des principes affichés de la dernière révision constitutionnelle.
Il me semble, monsieur le président du Sénat, que vous êtes directement concerné et que vous devez nous dire votre sentiment à ce sujet. Nous saurons alors si cette mission était un leurre ou si vous comptez promouvoir ses travaux, à tout le moins, les utiliser afin que, pour une fois, l’initiative parlementaire, et plus particulièrement sénatoriale, trouve, dans le respect de l’équilibre des pouvoirs, sa juste place.
Y a-t-il moyen dans ce pays d’avancer sans que, systématiquement, la majorité parlementaire, quelle qu’elle soit, se couche devant les propositions de l’exécutif ?
Y a-t-il un moyen pour que l’on reconnaisse enfin, autrement que par de simples pétitions de principe, que l’opposition existe et que l’on peut dialoguer avec elle ?
Pour notre part, nous approuvons, je le répète, les propositions de la mission et nous souhaitons - sans illusion excessive - qu’elle inspire la réforme à venir. Certes, ce n’est pas le big bang qui ferait table rase du passé. Cette réforme est-elle pour autant conservatrice ? Je ne le crois pas et, en matière de reconnaissance du fait métropolitain, de renforcement de l’intercommunalité, de clarification des compétences, de renforcement de la coordination entre les différents niveaux territoriaux, de principes fondamentaux en matière fiscale, de péréquation, notamment, elle propose une mine de retouches qui aboutiraient à une réforme profonde.
Nous approuvons pleinement cette démarche. Nous avons quelque droit à revendiquer la paternité véritable d’une décentralisation qui, dans les années quatre-vingt, a été très violemment combattue par la droite parlementaire. Très vite, cependant, sur tout l’échiquier politique, chacun a reconnu ses mérites et la profonde rénovation de notre vie administrative qui en est résultée. C’est du moins ce qui était proclamé. Mais, à voir ce qui se prépare hors de la mission, on peut se demander si certains ont bien accepté ce qui, pour le coup, était une révolution !
Je le rappelle, la première loi de décentralisation, relativement récente, n’a que vingt-sept ans. Elle fut suivie d’une série d’autres lois de mise en place et le processus initial ne fut achevé qu’en 1988.
Au demeurant, notre conception était, au vu du constat, de la faire évoluer en permanence. C’est ainsi que d’autres dispositions vinrent la compléter, la corriger ; parmi celles-ci, certaines se révélèrent majeures : je pense à la loi du 12 juillet 1999 sur l’intercommunalité. La réforme Raffarin de 2003-2004, dont nous n’avons pas approuvé tous les aspects, relevait du même principe évolutif.
Que nous propose-t-on aujourd’hui en marge de la mission sénatoriale ? De supprimer, à terme, deux niveaux de collectivités, les départements et les communes, pour ne conserver, selon les préconisations du comité Balladur, que l’intercommunalité et la région.
En effet, le mode d’élection qui se profile pour les intercommunalités favorisera l’émergence de « super-maires » qui ne laisseront aux maires des communes de base que la police et l’état civil.
Mme Nathalie Goulet. Et les cimetières !
M. Jean-Claude Peyronnet. C’est en gros ce qui était préconisé dans le rapport Balladur. Au mieux, les communes seront des communes de quartier, qui ne lèveront plus l’impôt et n’auront plus de réelle possibilité d’initiative. La mission n’est pas d’accord. Est-ce que cela se fera malgré tout ?
Quant aux départements, l’évolution sera la même. Dans les endroits où existeront des métropoles, le transfert de l’ensemble des compétences des départements à celles-ci, selon les propositions du groupe le plus nombreux de notre assemblée, signera la mort brutale du département.
Comme nous l’a expliqué l’un des vice-présidents de la mission temporaire, notre collègue Rémy Pointereau, pour le reste du territoire, la création des conseillers territoriaux, qui siégeront à la fois à la région et au département et seront en nombre réduit, fera du département, à court terme, une subdivision hiérarchiquement soumise à la région, laquelle ne s’en portera d’ailleurs pas mieux parce qu’elle aura été d’une certaine façon « cantonalisée ».
Certes, les départements pourront, au début, continuer à distribuer les grandes prestations nationales que sont l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, ou le revenu de solidarité active, le RSA, par exemple, mais cette fonction exclusive de simple guichet est une rupture avec les fonctions actuelles d’une vraie collectivité territoriale.
Par ailleurs, en réduisant de 30% ou de 50% le nombre des conseillers, on rendra leur mission à peu près impossible ou inopérante.
J’ai ici un document qui émane des services de mon département où l’on recense sur pas moins de 142 pages les différentes organisations dans lesquelles le conseil général est officiellement représenté, que ce soit à l’intérieur et, surtout, à l’extérieur de la collectivité, soit quelque 500 organismes - tous ne sont pas utiles, je le concède – et je ne parle pas du tout de la présence du conseiller général dans les associations de son propre canton.
On voit ainsi comment c’est par leurs rapports avec le monde socioprofessionnel, culturel, sportif, administratif – hôpitaux, maisons de retraite - que les conseils généraux ont tissé du lien social, qu’ils ont été et qu’ils sont à l’écoute des besoins réels de la population.
C’est cela, la décentralisation : être à l’écoute des citoyens, directement ou par leurs organismes représentatifs, et répondre à leurs attentes. Et c’est cela que l’on nous propose de casser !
En effet, comment un conseiller territorial pourra-t-il assurer sa présence sur le terrain ? Supposons qu’un vice-président d’un conseil général chargé de l’économie soit en même temps vice-président du conseil régional chargé de la culture : pour connaître ces deux domaines, vous savez bien qu’il lui sera impossible d’accomplir sa tâche.
En clair, le groupe le plus important du Sénat supprime les deux seules collectivités territoriales de proximité. En effet, chers collègues, vous faites également disparaître les départements, en dehors de ceux où il existera des métropoles.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Ah bon ? Je ne sais pas où vous avez lu cela !
M. Jean-Claude Peyronnet. Avant de modifier dans ce sens la Constitution, il suffira de constater deux choses : d’abord, que les conseillers généraux sont trop peu nombreux pour assurer une bonne administration ; ensuite que, par carence de l’État, les départements seront en situation de non-paiement. Certains le sont déjà !
Contrairement à beaucoup, je n’avais jusque-là jamais insisté sur une évolution vers une recentralisation. En réalité, je crois que nous allons désormais vers un bouleversement qui marque un retour en arrière. La réforme générale des politiques locales, associée à la mise sous tutelle des collectivités territoriales par le biais de la disparition de leur autonomie financière et surtout fiscale, dessine bien un retour de l’État sous son aspect le plus centralisateur. Tout cela est d’ailleurs cohérent avec la mise au pas des pouvoirs intermédiaires dans d’autres secteurs.
Autre domaine sur lequel je passe très vite, le nombre et le coût des élus. Cet argument, je ne conseille à personne de l’utiliser. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Il flatte les instincts les plus bas de la population, toujours prête à crier que nous sommes « tous pourris », alors que le coût des élus est modique, comme l’a souligné M. Collombat.
Agiter de tels arguments est dangereux pour la démocratie, aussi dangereux que le véritable motif de cette réforme : récupérer au profit de la droite le terrain perdu dans les départements et, surtout, dans les régions. Et peu importe si les citoyens n’y trouvent finalement pas leur compte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur quelques travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, s’il est un sentiment partagé par la plupart des élus territoriaux de notre pays, c’est bien que la prochaine réforme des collectivités locales doit être, non un simple replâtrage, mais une réforme qui aille dans le sens de la clarification, de la simplification et de la lisibilité, pour les élus comme pour la population. (Applaudissements sur certaines travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Or, force est de constater que les réformes qui ont touché l’architecture des collectivités territoriales depuis la décentralisation des années quatre-vingt n’ont pas toutes été dans ce sens. Je pense, par exemple, à ces lois qui, en quelques mois, ont créé les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, les pays et les communautés, chacune de ces entités ayant son propre territoire.
Je pense aussi à la loi relative aux libertés et responsabilités locales d’août 2004, présentée comme l’acte II de la décentralisation, mais qui n’a pas été à même de donner un nouveau souffle aux collectivités territoriales.
La réforme dont nous allons débattre dans les prochains mois ne doit donc pas être en demi-teinte si l’on ne veut pas devoir y revenir dans quelques années.
Le premier objectif qu’elle doit atteindre est bien celui de la simplification et de la lisibilité, pour éviter l’empilement des structures et le chevauchement des compétences qui compliquent la gestion d’un dossier et créent de la confusion. Il s’agit de faire en sorte que ce qui va être mis en place soit parfaitement compris et approprié par les élus et les habitants de notre pays.
Or, si beaucoup de responsables d’exécutifs sont parfois tentés de considérer que la complexité est inévitable et qu’il est impossible de remettre en cause les compétences et la manière dont fonctionne leur propre collectivité, force est de constater que beaucoup d’élus locaux sont souvent interrogatifs face à cette répartition des compétences entre les uns et les autres et qu’ils verraient d’un bon œil que l’on évolue vers un dispositif plus clair et plus simple, comme un nombre croissant de nos concitoyens. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Nous devons donc veiller à ne pas être en décalage avec cette attente. Et, pour cela, peut-être faut-il approcher cette réforme plus en termes de services qu’en termes de pouvoir.
En effet, lorsque j’entends dire que la construction, l’équipement et l’entretien des lycées n’ont rien à voir avec la construction, l’équipement et l’entretien des collèges…
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la mission temporaire. Bravo !
M. Yves Détraigne. … et que cela ne peut pas être réuni au sein d’un même service d’une même collectivité mais que cela doit nécessairement dépendre de deux collectivités différentes, je dois avouer que j’ai peine à comprendre et que la nuance m’échappe. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.- Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout cela a déjà été dit !
M. Yves Détraigne. Et je suis tenté de penser que c’est en termes de pouvoir plus que sous l’angle de la simplification, de la clarification et de la lisibilité du service que la question est alors abordée.
M. Jean-François Voguet. C’est faux !
M. Yves Détraigne. Être durable constitue le deuxième objectif pour cette réforme. Il faut en effet éviter d’avoir à y revenir dans les prochaines années. Cela passe, bien sûr, par une refonte complète du financement des collectivités territoriales et la fin des modifications au coup par coup et sans visibilité d’ensemble que l’on connaît depuis des années, loi de finances après loi de finances. Mais cela nécessite aussi de mettre fin aux doublons de compétences et à l’empilement sans coordination des structures et des périmètres.
Si la généralisation de l’intercommunalité à fiscalité propre m’apparaît souhaitable, et même incontournable, encore faut-il que cette intercommunalité soit comprise par la population. Pour cela, il faudra insister sur la cohérence des territoires intercommunaux et se donner les moyens de remodeler, là où ce sera nécessaire, les périmètres des communautés existantes. On ne peut pas conserver des communautés à territoires disjoints ou dont le territoire correspond plus à des accointances entre élus qu’à la réalité d’un bassin de vie.
De même, il faudra veiller à faire disparaître bon nombre de SIVOM et de SIVU, dont on se demande parfois pour quelles raisons ils subsistent encore alors que l’intercommunalité à fiscalité propre s’est développée dans leur secteur.
Dans le même ordre d’idées, si l’on réduit le nombre de SIVOM et de SIVU, je ne pense pas que ce soit pour ajouter dans le même temps aux communautés de communes, aux communautés d’agglomération et aux communautés urbaines une forme nouvelle d’intercommunalité urbaine que l’on appellerait « métropole ». Ou alors, cette nouvelle forme d’organisation métropolitaine doit être d’une autre nature : il faut qu’elle soit réservée aux agglomérations de taille très importante et de rayonnement incontestablement international et que ces métropoles exercent sur leur territoire, outre les compétences d’une communauté urbaine, celles qu’exerce aujourd’hui le département.
Il doit s’agir non pas de créer une intercommunalité de plus, mais bien de prendre en compte le caractère spécifique de nos plus grandes métropoles.
Enfin, je ne peux pas m’empêcher de penser que, comme la commune, le département est une collectivité de proximité. Ces deux entités, parfaitement identifiées par la plupart de nos concitoyens, ont vocation à s’épauler et à se compléter, alors que la région a beaucoup plus vocation à s’occuper des grandes infrastructures d’aménagement du territoire, de la politique de la recherche ou de l’université, pour ne citer que ces quelques exemples.
Ce n’est pas parce que le département a plus de deux siècles d’existence qu’il doit faire les frais de la réforme, n’en déplaise à certains.
Si les communes en milieu rural ont besoin du département, l’État et l’Union européenne ont besoin de régions françaises fortes ; il ne faut pas confondre ces deux niveaux de collectivités, qui ont chacun un rôle bien spécifique.
La mission Belot, comme le comité Balladur, a fait du bon travail et a su esquisser des pistes de réforme intéressantes ; le Sénat doit maintenant s’en emparer et aller au bout du débat pour que la réforme soit à la hauteur des attentes des élus de terrain et des besoins de la population de notre pays. (Applaudissements sur la plupart des travées de l’Union centriste et de l’UMP.)