Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la mission temporaire. Je passerai rapidement sur la réduction du nombre des syndicats intercommunaux. Il n’est pas question ici d’idéologie : tout le monde sait qu’ils sont très nombreux, même si, bien sûr, certains sont nécessaires et doivent perdurer.
L’élection des conseillers communautaires par fléchage sur les listes des candidats aux élections municipales a fait l’objet d’un accord presque unanime. Le principe a été approuvé par la mission, avec son corollaire, le changement du mode de scrutin, avec l’abaissement des seuils pour le panachage.
À titre personnel, je voudrais cependant attirer l’attention sur les conséquences de ce fléchage, notamment en termes de fonctionnement, dont il faudra prendre la mesure.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, en ce qui concerne les finances locales, je tiens à rappeler, pour compléter les propos de mon collègue Yves Krattinger, le consensus obtenu, là aussi, sur la nécessaire réaffirmation de l’autonomie financière des collectivités territoriales.
Il importe en outre de maintenir le lien entre les entreprises et les territoires, de réviser les bases d’imposition et d’établir une véritable péréquation.
Dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État pour l’année 2008, la Cour des comptes, dans sa grande vigilance, s’inquiète avec raison de l’extension, en 2009, du périmètre de l’enveloppe normée incluant le fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA. En effet, dans la mesure où ce dernier s’apparente à une dépense dynamique, il nous est permis d’avoir des doutes sur l’évolution des autres dotations.
Nous préconisons donc une plus grande lisibilité dans les finances locales. En la matière, chaque loi de finances contient son lot d’adaptations, voire de changements de méthode : il faut que cela cesse.
Par ailleurs, la mission temporaire, à l’unanimité, a reconnu le fait métropolitain, point que mon collègue Yves Krattinger a longuement développé. La France gagnera à voir ainsi consacrées ses métropoles de taille européenne.
Le rapprochement entre le département et la région est une autre question d’importance.
MM. Belot et Krattinger l’ont rappelé, la mission est favorable à l’instauration d’un conseil régional des exécutifs, perçu comme l’élément essentiel du rapprochement entre les départements et la région. Certains de mes collègues ne partageaient pas cette position et auraient préféré retenir l’idée, avancée par le comité Balladur, des « conseillers territoriaux ».
Je ne sais pas si la création de cette nouvelle catégorie d’élus figurera dans la loi. Ce qui est sûr, c’est que, pour l’instant, le rapport de ce comité n’a pas force de loi ! Au demeurant, ayant entendu M. Balladur s’exprimer sur ce sujet à l’occasion d’une conférence organisée dans mon département, j’ai pu constater que sa position avait d'ores et déjà évolué depuis la publication du rapport, notamment sur le mode d’élection.
M. Yvon Collin. C’est une bonne nouvelle, cela prouve qu’il nous écoute et qu’il est attentif à nos travaux !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la mission temporaire. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je sais que je touche là un point sensible, mais, n’ayant pas l’habitude de contourner les problèmes, je préfère être directe !
L’intercommunalité en est le plus bel exemple, les consciences peuvent évoluer dans le temps. Je me souviens, comme sans doute beaucoup d’entre vous, que la mise en place des intercommunalités, à son début, s’est heurtée à de nombreuses réticences. M. Chevènement, ici présent, ancien ministre de l’intérieur, peut d’ailleurs en témoigner. Dans certains départements, il y a même eu des mesures de protection prises en réaction.
Je tiens à le souligner, la mission temporaire, dans le cadre de ses travaux, a reconnu l’intercommunalité comme un élément positif et une réussite indéniable, même si, c’est vrai, elle est encore perfectible.
Par conséquent, mes chers collègues, point n’est besoin de nous couvrir d’invectives, car chacun peut évoluer dans ses positions !
M. Christian Poncelet. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la mission temporaire. Monsieur le ministre, à titre personnel, je vous le dis tout net : si l’on engage la réforme territoriale en proclamant qu’il faut supprimer un tiers des élus, c’est, à coup sûr, raté !
J’ai pourtant lu hier des déclarations allant dans ce sens. Cela me fait penser à l’annonce du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. (Murmures sur certaines travées de l’UMP.) J’ai tout de même le droit de m’exprimer, mes chers collègues ! Vous pourrez en faire de même tout à l’heure !
Cette suppression serait un très mauvais signal, car chacun connaît l’importance du rôle des élus, notamment communaux, sur notre territoire.
M. Yvon Collin. Très bien ! Arrêtons de les diaboliser ! Nombre d’entre eux sont bénévoles !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la mission temporaire. Absolument !
Monsieur le ministre, si vous supprimez trop de postes d’élus, je crains qu’il ne faille justement augmenter le nombre de fonctionnaires. (Applaudissements les travées de l’Union centriste, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Il pourrait arriver – pourquoi pas ? – que la réforme territoriale, une fois la loi votée, ait pour conséquence une réduction du nombre des élus, mais le fait de poser celle-ci comme un principe de départ est inacceptable pour le Sénat et pour tous ses membres qui défendent le développement de leurs territoires.
M. Yvon Collin. Voilà qui est pertinent !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la mission temporaire. Nous, élus, conscients du contexte difficile que nous traversons et des efforts à faire face à la crise, sommes nombreux à réclamer une clarification et une plus grande efficacité. Mais, mes collègues l’ont rappelé avant moi, la participation des collectivités territoriales aux dépenses publiques est d'ores et déjà très significative.
Monsieur le ministre, j’ai été le rapporteur pour le Sénat du projet de loi relatif à la fonction publique territoriale quand vous-même étiez chargé, au gouvernement, des collectivités territoriales.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. J’en garde un excellent souvenir !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la mission temporaire. Vous savez donc combien cette fonction publique joue un rôle extrêmement important aux côtés des élus.
En conclusion, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, j’espère que l’important travail fait par les sénateurs inspirera, en partie du moins, le Gouvernement dans sa volonté de réforme, dont nous sommes très nombreux à sentir la nécessité. De notre côté, nous sommes tous prêts. Et vous, êtes-vous prêts à faire confiance à l’intelligence territoriale ? (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Bruno Retailleau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire.
M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, « pourquoi, oui, pourquoi [est-il] si difficile de réformer notre pays [ ?] », s’interrogeait à haute voix Nicolas Sarkozy la semaine passée. Peut-être, tout simplement, parce que ce pays a compris que ce qu’on lui présente le plus souvent comme des « réformes »…
M. Patrice Gélard. Il a raison !
M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire. …est, en fait, des contre-réformes (Exclamations sur certaines travées de l’UMP), non pas un progrès, mais une régression.
Toutefois, me direz-vous, aller en avant ou en arrière, c’est toujours bouger. C’est la seule chose qui compte en ces temps médiatiques.
La réforme, pour nos collectivités, c’est pousser plus loin, approfondir la décentralisation. Ce fut un processus lent, d’abord, accéléré depuis 1982, libérant l’initiative et les énergies locales par la démocratie. Il a transformé notre pays, au point que l’on pourrait parler, sans exagérer, des « Vingt-Cinq glorieuses de la décentralisation ».
Aujourd’hui, cela a été dit, les collectivités territoriales assurent les trois quarts de l’investissement public et une part grandissante des dépenses sociales. En 2008, les seules dépenses sociales des départements auront représenté 46,1% de celles du budget de l’État, hors retraite des fonctionnaires, bien sûr, mais déduction faite des concours.
La contre-réforme, ce serait casser cette dynamique, au moment même où la crise rend l’engagement des collectivités encore plus essentiel. Sans leur concours, le plan de relance aurait ainsi perdu son point d’appui le plus solide.
Selon les chiffres annoncés par le Gouvernement, leur effort d’investissement, 53 milliards d'euros, représenterait une hausse de 18,7 milliards d'euros par rapport à la moyenne annuelle constatée sur la période de référence 2004-2007. Ces chiffres sont à comparer aux montants – 4 milliards d'euros chacun – des investissements prévus par l’État et des dépenses supplémentaires des grandes entreprises publiques que sont EDF, la SNCF ou la RATP.
« Les élus territoriaux ont parfaitement joué le jeu de la mobilisation quelle que soit leur casquette politique », a d’ailleurs reconnu le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance.
Sans les collectivités territoriales, il n’y aurait pas non plus d’accompagnement social de nos concitoyens les plus fragiles.
En ce qui concerne le RMI, après deux ans de baisse, le nombre d’allocataires est reparti à la hausse.
Pour le RSA, 100 000 demandes étaient validées à la fin du mois de mai dernier, et 300 000 à la mi-juin, ce qui représenterait, selon les observateurs, 15 % seulement des bénéficiaires potentiels, l’essentiel des « travailleurs pauvres » ne s’étant pas encore manifesté. Le dispositif RMI basculant sur le RSA, le nombre d’allocataires s’élèvera, au début du mois de juillet, à 1,5 million.
S’agissant de l’APA, vous le savez comme moi, elle poursuit son irrésistible ascension.
Vous vouliez des propositions de réformes, mes chers collègues ? Nos rapporteurs vous en ont donné ! Je citerai les plus significatives, au premier rang desquelles la reconnaissance de l’autonomie fiscale des collectivités, par le biais de trois mesures.
Il s’agit, d’abord, de la mise en place d’un mécanisme permanent de révision des bases de l’impôt sur les ménages.
Il s’agit, ensuite, de l’instauration d’un impôt sur l’activité économique dynamique, équitable, peu sensible à la conjoncture et non pénalisant pour les entreprises qui investissent ou qui sont le plus exposées à la concurrence internationale.
Il s’agit, enfin, de la création de nouvelles ressources, pour permettre aux collectivités de financer les infrastructures de transport, qui relèvent désormais de leur responsabilité. Outre le livret d’épargne populaire dédié, qu’a évoqué Yves Krattinger, il convient d’ajouter la généralisation de la taxe sur les poids lourds et la taxation des plus-values foncières.
Les rapporteurs de la mission temporaire proposent également la mise en place de « dispositifs de péréquation » : péréquation verticale, par une réforme des dotations de l’État et la création d’un fonds national ; péréquation horizontale, sur le modèle du fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France.
Mme Gourault et M. Krattinger préconisent en outre l’achèvement, la rationalisation et la démocratisation de l’intercommunalité.
Ils souhaitent que soient créées des métropoles sur les espaces urbains de rayonnement au moins européen. Ces nouveaux EPCI pourront alors devenir des collectivités locales de plein exercice, avec mutualisation des dotations et des ressources fiscales, sur délibérations concordantes des communes membres. Dotées d’un bloc minimal de compétences obligatoires, mais aussi d’une capacité d’initiative pour la mise en réseau du territoire périmétropolitain, elles seront en mesure d’exercer, par délégation, des compétences du département, de la région ou de l’État.
Par ailleurs, les deux rapporteurs suggèrent l’organisation d’une coordination systématique et institutionnelle entre les acteurs principaux d’un territoire : conseils régionaux des exécutifs et conférences départementales des exécutifs.
Ils veulent conférer aux régions la capacité non seulement d’animer les politiques dans le domaine de l’économie, de la recherche, de l’enseignement supérieur et de la formation, mais également d’exercer la compétence emploi, qui est actuellement de la responsabilité de l’État. Y-a-t-il meilleur moyen de répondre aux besoins des entreprises et des travailleurs, d’impulser des politiques économiques vraiment anticipatrices ?
L’État n’exerçant plus ce rôle, le département verrait affirmée sa vocation à mettre à la disposition des communes rurales et de leurs intercommunalités l’ingénierie publique qui leur manque cruellement.
Toutefois, le fait de réduire le nombre des élus locaux serait une contre-réforme démocratique pour d’hypothétiques économies dérisoires. La mission temporaire ne formule pas une telle proposition, qui reviendrait, pour l’essentiel, à se priver du concours de bénévoles non indemnisés, tandis que l’économie potentielle faite sur ceux qui sont indemnisés serait marginale.
M. Josselin de Rohan. Des voitures pour tout le monde !
M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire. Ne disposant pas de chiffres nationaux, je me suis amusé à évaluer, à partir d’un échantillon, assez représentatif, de cinq départements – l’Aube, les Landes, le Rhône, les Hauts-de-Seine et le Var – le coût de leurs élus pour les contribuables : cela représente 0,28 % des dépenses réelles de fonctionnement !
M. Yvon Collin. Voilà la réalité !
M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire. Le montant total des dépenses réelles de fonctionnement se montant à 45,7 milliards d'euros, d’après le chiffre de 2007, année du dernier compte administratif à notre disposition, la dépense s’élève donc à 128 millions d'euros pour l’ensemble des départements.
M. Yvon Collin. Montant ridicule !
M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le fait de réduire de 30 % le nombre des élus départementaux entraînerait donc une économie potentielle, à condition de ne pas créer, comme l’a évoqué Jacqueline Gourault tout à l’heure, des dépenses nouvelles de substitution, de 38, 4 millions d'euros, soit le tiers du budget de l’Élysée pour 2009, fixé à 112,7 millions d'euros, et seulement un peu plus de trois fois l’augmentation de 11,5 millions d'euros dudit budget entre 2008 et 2009 ! Autant dire, une misère ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Yvon Collin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, vice-président de la mission temporaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. Rémy Pointereau, vice-président de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis de nombreuses années, nous ne cessons, les uns et les autres, de dénoncer l’enchevêtrement des prérogatives des différents acteurs publics locaux et nationaux, source de confusion des responsabilités, de perte de temps, bref, de complexité administrative.
On ne peut donc que saluer la décision du Président de la République d’ouvrir un grand chantier pour réformer les structures des administrations locales.
Créée en octobre dernier par le Président du Sénat, Gérard Larcher, que je tiens à saluer pour cette initiative, la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, rassemblant toutes les sensibilités, s’est vu confier le soin de réfléchir en amont et de formuler des propositions.
Je tiens à féliciter le président Claude Belot pour le travail réalisé, qui n’était pas aisé au regard du nombre et de la puissance des intérêts en jeu, d’ailleurs parfois contradictoires.
Je veux féliciter également les rapporteurs pour le bon climat qu’ils ont su faire régner, respectueux des différentes opinions qui se sont exprimées et des quelques divergences qui ont pu voir le jour, ce qui est bien normal compte tenu du caractère pluraliste de la mission.
Les travaux sont donc le fruit d’un véritable débat démocratique. Pour ma part, je les ai suivis avec assiduité.
Je voudrais vous faire part des points sur lesquels nous sommes tombés d’accord, mais également de nos quelques divergences. Je le rappelle à Mme le rapporteur, nous ne sommes pas parvenus à un consensus sur les quatre-vingt-dix propositions.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la mission temporaire. À quelques nuances près !
M. Rémy Pointereau, vice-président de la mission temporaire. Sur le fond, je trouve que ce rapport a été assez loin dans le détail.
Je suis en phase sur un certain nombre de points : le renforcement du couple commune-communauté de communes, qui fonctionne bien ; l’élection, par fléchage, des délégués communautaires ; la volonté de conforter le rôle des communes, échelon de proximité par excellence dont 80 % des élus sont des quasi-bénévoles ; le renforcement de la péréquation entre les collectivités territoriales ; la préservation de l’autonomie financière et fiscale des collectivités, avec la révision des valeurs locatives ; l’accent mis sur l’existence du lien fiscal entre les entreprises et les collectivités territoriales, donc le lien avec le territoire.
En fin de compte, les propositions relatives aux finances locales sont, à mes yeux, intéressantes et vont dans le bon sens.
Je me retrouve moins dans les propositions relatives aux compétences territoriales mais, je le disais, les divergences de vue font partie du débat démocratique.
À mes yeux, le couple « département-région » doit fonctionner comme le couple « commune-communauté de communes ». Ainsi, les communes conservant la compétence générale et déléguant des compétences spécifiques aux communautés de communes, leur faisant faire ce qu’elles-mêmes ne peuvent pas faire, le département pourrait, lui aussi, avoir une compétence générale et déléguer des compétences spécifiques aux régions. Si les communes avaient elles seules la compétence générale, certaines, compte tenu de leur taille, ne pourraient tout assumer.
Certaines propositions me paraissent, en outre, complexes à mettre en œuvre, comme la proposition 39, qui prévoit d’« ouvrir la possibilité pour une collectivité d'agir sur la base d'une procédure de "constat de carence", favorisant une approche négociée de la répartition des compétences ». L’arbitrage me paraît difficile à réaliser et risque de nous emmener dans des procédures qui freineront les projets.
S’agissant de la gouvernance territoriale, j’approuve les vingt et une premières propositions. Je serai plus réservé sur les propositions suivantes, concernant le conseil régional des exécutifs ou la conférence départementale des exécutifs, quoiqu’elles puissent être intéressantes sur la forme. Je me demande si cela permettra véritablement de résoudre les problèmes de fond que sont la concurrence institutionnelle ou la cohésion des politiques, car, après ces grands-messes, chacun revient dans sa collectivité d’origine avec des vœux pieux qui ne se transforment que rarement en réelles actions.
Je réaffirme également, comme je l’ai fait dans le cadre de la mission avec certains de mes collègues, dont Charles Guené, que l’idée de remplacer en 2014 les conseillers généraux et régionaux par des conseillers territoriaux qui siégeraient à la fois au conseil général de leur département et au conseil régional me semble être la meilleure solution pour mettre un terme à la concurrence institutionnelle, et donc financière, que l’on a vu apparaître entre régions et départements au cours de ces vingt dernières années. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Cela permettrait, me semble-t-il, de parvenir à une véritable clarification des compétences et à la diminution des financements croisés.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Rémy Pointereau, vice-président de la mission temporaire. De même, cela faciliterait la tâche des élus locaux et des acteurs économiques, qui souhaitent que l’on mette fin à la confusion des responsabilités.
M. Jean-Claude Etienne. Absolument !
M. Rémy Pointereau, vice-président de la mission temporaire. Une telle réforme permettrait également de recentrer les actions respectives des départements et des régions et de mettre plus de cohérence entre elles, car elles relèvent de logiques de territoires distinctes dont découlent des missions différentes. Pour cette raison, la suppression de la région ou sa fusion avec le département ne paraissent pas souhaitables. Cela n’empêche pas de chercher une meilleure coordination, une meilleure articulation entre les deux collectivités.
Cela renforcerait enfin le rôle des élus locaux, devenus ainsi « élus territoriaux », qui seraient élus en 2014 selon un mode de scrutin dont il reste à débattre. Même s’il est trop tôt pour en décider, nous pouvons d’ores et déjà envisager plusieurs hypothèses : le scrutin de liste départemental, qui politise davantage ; le scrutin de liste par territoire et bassin de vie au sein même d’un département ; ou encore un dernier mode d’élection, qui aurait ma préférence, un scrutin mixte, combinant la proportionnelle dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants et un scrutin uninominal à deux tours sur des cantons élargis, qui permettrait de mieux identifier les élus. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Le scrutin de liste risque de trop politiser et de ne pas faire émerger des élus de qualité qui ne seraient membres d’aucun parti.
Par ailleurs, s’agissant du nombre des élus, même s’il est également trop tôt pour aborder la question au fond, je voudrais que ceux qui n’hésitent pas à évoquer une réduction de 50 % se montrent un peu plus réservés. Le poids démographique relatif des départements d’une même région ne devra pas être le seul critère. Il faudra bien tenir compte de l’étendue et de la spécificité des départements,…
M. Jean-Patrick Courtois. Tout à fait !
M. Rémy Pointereau, vice-président de la mission temporaire. … notamment les plus fragiles, qui risquent parfois d’être sous-représentés en raison d’une situation économique difficile au sein d’une région où d’autres départements connaîtraient moins de problèmes.
Des territoires ruraux trop grands risqueraient aussi d’être plus difficiles à gérer, avec une multitude de commissions et de réunions, concernant l’action sociale, l’action économique, les lycées, les collèges, les appels d’offres.
Si cette solution est retenue, il faudra donc tenir compte de l’espace rural et des problèmes de désertification. Il ne faut pas que la ruralité soit sacrifiée par rapport aux zones urbaines, comme c’est souvent le cas avec les scrutins de liste départementaux, car les élus territoriaux ruraux devront souvent porter à bout de bras les projets de leur territoire, tout en ayant une vision départementale et régionale.
Je pense qu’une diminution comprise entre 25 % et 30 % du nombre total des élus départementaux et régionaux manifesterait déjà cette volonté de montrer l’exemple à nos concitoyens, qui souhaitent des élus plus identifiables, qui souhaitent aussi plus de lisibilité, plus de réactivité, plus de cohérence entre les deux niveaux de collectivités, et ce tout en conservant une gestion de proximité.
Dans cette réforme des collectivités territoriales, les gains financiers se feront d’ailleurs plus par la mise en cohérence des actions entre collectivités que par une diminution du nombre des élus. En sortant du « jardin à la française », en renforçant la légitimité des élus et en améliorant l’efficience de la gestion publique, on fera mieux, de manière moins coûteuse et plus rapidement. Rappelons qu’il faut, en France, deux fois plus de temps que dans les autres pays européens pour réaliser des projets structurants.
On peut, bien sûr, espérer que, à la suite de l’important travail accompli par la mission sénatoriale, et après le débat d’aujourd’hui, le projet de loi sur la réforme des collectivités territoriales s’inspirera de nos travaux et aussi des réflexions que nous aurons formulées au cours de ce débat.
Nous devons refuser le statu quo, mais le pire serait d’aboutir à une demi-réforme, sans ambition et sans impact sur les défauts les plus criants du système actuel. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Nous devons ainsi faire fi des intérêts particuliers, nous devons faire preuve de courage et d’audace, ne pas nous arc-bouter sur le conservatisme et, finalement, être à la hauteur des enjeux auxquels nous devrons répondre collectivement.
Compte tenu de la responsabilité particulière que la Constitution lui confère dans l’organisation des collectivités territoriales, le Sénat doit avoir un rôle majeur, je dirai même un rôle moteur, à jouer dans cette réforme. Il doit en être, comme l’a dit le président Gérard Larcher lors de son déplacement dans les Pyrénées, un « partenaire actif ».
Voilà, monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les quelques réflexions que je voulais vous livrer à la suite de la présentation d’un rapport riche en propositions qui a le mérite d’aller loin dans le détail et qui est, à mon sens, le point de départ d’une réforme ambitieuse, à la mesure des attentes de tous les Français. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
II. – Point de vue des groupes politiques
M. le président. Nous allons maintenant entendre, dans la suite du débat, le point de vue des groupes politiques.
La parole est à M. Jacques Mézard. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Mézard. Pour avoir été, avec ma collègue Anne-Marie Escoffier, un membre assidu de la mission temporaire, je peux témoigner : la sagesse et l’expérience du président Claude Belot en ont fait un espace d’écoute et de proposition, dont le fruit est le rapport de Jacqueline Gourault et Yves Krattinger, avec son éventail de préconisations de nature à améliorer le fonctionnement de nos collectivités.
Je suis de ceux qui considèrent qu’une simplification de nos structures et de la fiscalité locale est nécessaire.
Lors de la remise de son rapport par le comité Balladur, le Président de la République a mis en exergue l’ambivalence des aspirations des Français, valorisant la proximité et l’adaptation aux réalités locales tout en dénonçant le gaspillage engendré par l’empilement des structures. Il en a conclu, à Versailles, qu’il ne se déroberait ni devant la réduction du nombre des élus régionaux et départementaux, ni devant le problème de la répartition des compétences, ni devant l’effort qui sera demandé à toutes les collectivités…
Il nous est demandé d’investir davantage et de réduire nos frais de fonctionnement : le message est clair !
Nous attendions un mot sur la péréquation ; considérons que nous avons satisfaction avec la phrase suivante : « Je veux dire que, pour atteindre l’égalité, il faudra savoir donner plus à ceux qui ont moins ». En ces temps de crise, oserai-je ajouter ce qui devrait en être la conséquence, à savoir qu’il faut « donner moins à ceux qui ont plus » ?
Voilà le véritable enjeu de la péréquation : tant que, à capital foncier égal, les habitants de Mende, d’Aurillac et de tant de villes moyennes paieront cinq à dix fois plus d’impôt local que ceux de Paris, de Toulouse ou de Neuilly, il ne sera pas de vraie réforme !
Mais il ne serait pas bon d’imposer une réforme en passant en force, après avoir préparé le terrain et jeté le discrédit sur les élus locaux dont on aurait persuadé l’opinion publique qu’ils seraient trop nombreux, qu’ils seraient de mauvais gestionnaires, qu’ils ne feraient qu’augmenter l’impôt local et créer du déficit public.
Faciliter la fusion volontaire de communes et d’intercommunalités est un objectif sage, dont la réalisation prendra du temps. N’oublions pas que plusieurs centaines de milliers de conseillers municipaux bénévoles constituent, sur le territoire, un facteur de lien social inégalable.
Si l’enjeu fondamental de la réforme est de diminuer de moitié ou du tiers le nombre de conseillers généraux et régionaux, on passera à côté de l’essentiel, à moins que le véritable objectif ne soit une digestion lente de l’échelon départemental par l’échelon régional. Mais alors, autant le dire clairement, comme M. Jean-François Copé l’a fait ces derniers jours.
Nous attendons des actes en harmonie avec les discours. Je prendrai un exemple totalement d’actualité : le financement des routes nationales.
Voilà quatre ans, l’État transférait aux départements une grande partie de ces routes, en prenant l’engagement formel de « bannir les financements croisés, euro pour euro », et faisant la promesse « de ne plus rien demander aux départements sur le réseau de routes nationales conservé par l’État ». En ce mois de juin 2009, force est de constater que ces promesses n’ont engagé que ceux à qui on les a faites !