M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Jean-François Voguet l’a rappelé, la réforme qu’appellent de leurs vœux le Président de la République et le Gouvernement est une véritable casse de l’organisation démocratique de notre pays.
En fait, le Président de la République n’admet pas que les collectivités puissent être des lieux de résistance à sa politique, où la démonstration peut encore être faite qu’une politique publique de services publics est indispensable à la qualité de vie de nos concitoyens.
Les habitants de notre pays doivent pouvoir bénéficier, quel que soit l’endroit où ils vivent, quelles que soient leurs ressources, de services de qualité qui répondent à leurs besoins à tout moment. Les collectivités y consacrent des moyens importants, ce dont les habitants se félicitent.
Le Gouvernement a décidé d’attaquer la réforme sans parler de la profondeur des modifications envisagées. Il est clair, par exemple, que la création des métropoles marque la fin des communes situées dans leur aire géographique, la fin d’une relation privilégiée entre les élus et leurs concitoyens ; c’est la mise en cause d’un système démocratique dont on sait qu’il est facteur de respect et de cohésion sociale et dont on connaît la capacité à faire vivre l’intérêt général.
Lors des auditions de la mission, de nombreux témoignages ont bien montré cette réalité du terrain.
Pour notre part, nous voulons développer cette vie démocratique, permettre aux citoyens de mieux se saisir de tout ce qui façonne leur vie, en quelque sorte. C’est pour cela que nous nous attachons à faire vivre des services publics de qualité dans les collectivités dont nous assumons la responsabilité.
C’est aussi la raison pour laquelle nous ne pouvons partager l’exigence de la suppression d’une part décisive, car une part dynamique, des recettes de nos collectivités : je veux bien évidemment parler de la taxe professionnelle, cet impôt économique grâce auquel les communes et les intercommunalités, les conseils généraux, les conseils régionaux réalisent les infrastructures indispensables à leur développement, organisent la formation initiale et professionnelle aux côtés de l’État, assurant de ce fait aux entreprises des salariés bien formés.
Le Président de la République, dans son discours de Versailles, s’est ainsi interrogé : « Allons-nous continuer à taxer la production et à taxer le travail alors que nous savons bien qu’en faisant peser des charges fixes trop lourdes sur le travail et sur la production, nous détruisons nos emplois et nos industries ? »
Nous ne partageons pas le constat. Si la taxe professionnelle pèse plus sur le secteur de la production – le plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée a cependant permis d’atténuer l’écart –, c’est parce que, jusqu’à aujourd’hui, personne n’a accepté d’étudier notre proposition de modernisation de cette taxe tendant à intégrer la richesse financière dans les bases de son calcul. Cela permettrait de revenir à une plus grande égalité devant l’impôt et d’alimenter un fonds de péréquation national.
Le Président de la République affirme, comme le Gouvernement, que la taxe professionnelle est une entrave dont il faut se défaire. Une telle mesure serait « un choix stratégique en faveur du travail et de la production ».
Mais si tel est véritablement le cas, pourquoi le Gouvernement refuse-t-il toujours de faire le bilan des réductions successives de taxe professionnelle décidées depuis 1987 ? L’allégement de 16 % des bases, la suppression de la part salaires, les dégrèvements pour investissements nouveaux ont-ils eu une efficacité économique ? Laquelle ? Qui l’a mesurée ?
Le seul document qui donne un éclairage sur ce sujet est le rapport Cotis, alors que tel n’était pas son objet. On peut y lire que la part consacrée à la rémunération des actionnaires augmente ces vingt dernières années, tandis que celle qui est dévolue aux investissements diminue. C’est cette situation qui fait courir de grands risques à notre tissu économique de production.
Lors de la séance du 10 juin, M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation ne nous a apporté aucune réponse sur ce bilan. Or n’est-il pas de bonne politique de faire un diagnostic avant de choisir les soins qui seront prodigués au malade ? Si, demain, les collectivités n’ont plus la capacité de répondre aux attentes de nos concitoyens, des entreprises, en particulier des PME qui, avec les artisans, contribuent à la dynamique des territoires, ce sont eux qui vous demanderont des comptes.
Nous ne voulons pas attendre qu’un tel scénario se réalise. Nous voulons au contraire inciter tous ceux qui s’intéressent au développement de l’ensemble de notre pays, de tous ses territoires, de toute sa population, à agir pour que leurs attentes soient entendues. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Charles Guené. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 22 juin dernier, devant le Parlement réuni en Congrès, le Président de la République a réaffirmé sa volonté d’aller « jusqu’au bout de la réforme des collectivités locales » et de ne se dérober ni devant la réduction du nombre des élus régionaux et départementaux, ni devant le problème de la répartition des compétences.
M. Didier Guillaume. Tout est dit !
M. Charles Guené. Les membres du groupe UMP du Sénat soutiennent avec conviction cette volonté réformatrice. Rien ne serait pire qu’une demi-réforme qui s’arrêterait au milieu du gué et se contenterait de repeindre les murs de l’immobilisme et du conservatisme.
Les travaux menés par la mission temporaire présidée par notre excellent collègue Claude Belot, ses déplacements sur le terrain, ainsi que les contacts que nous avons tous eus dans nos départements, montrent l’ampleur des attentes des élus locaux et de l’ensemble de nos concitoyens.
Les maires, en particulier, en ont assez des doublons administratifs, des financements croisés et des procédures interminables, sources d’un gaspillage de temps et souvent aussi d’argent public. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.- Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.) Ils nous demandent de clarifier, de simplifier et de mettre fin au « millefeuille » administratif, en renforçant la légitimité des élus et en redonnant de la lisibilité à notre système, donc à l’action publique. (Protestations continues sur les travées du groupe socialiste.)
C’est un constat que nous partageons, monsieur le président de la mission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, même si nous divergeons sur certaines des solutions à apporter.
Je tiens, à cet égard, à saluer l’esprit de dialogue et d’ouverture dans lequel se sont déroulés les travaux au sein de la mission, sous la présidence de notre collègue Claude Belot.
En matière d’intercommunalité, les propositions de la mission ne sont pas très éloignées de celles du groupe de travail de la majorité parlementaire animé par nos collègues Jean-Patrick Courtois et Dominique Perben et au sein duquel j’ai eu l’honneur d’animer un atelier.
Nous sommes très attachés à la commune, échelon principal de proximité, à laquelle nous souhaitons réserver la clause de compétence générale, ou à l’intercommunalité, par délégation.
Nous proposons également d’achever la carte de l’intercommunalité d’ici à la fin de l’année 2011, de réformer la composition des commissions départementales de coopération intercommunale en renforçant la place des intercommunalités existant en leur sein, et de leur donner davantage d’autonomie, voire un pouvoir de décision, ainsi que je l’ai moi-même proposé.
Un système plus souple de fusion des communes, des intercommunalités et des syndicats pourrait être mis en place avec pragmatisme. Il n’y aurait plus de création de nouveau pays et les pays existants seraient progressivement insérés dans les dispositifs de coopération intercommunale.
Les délégués communautaires seraient élus au suffrage universel direct à l’occasion des élections municipales par un système de fléchage et leur nombre serait plus proportionné à la taille des communes.
Il nous paraît par ailleurs nécessaire de prévoir l’accord de la commune représentant la majorité de la population au sein des communautés d’agglomération pour les décisions la concernant.
Un vote à la majorité qualifiée serait en particulier exigé pour l’adoption de la section d’investissement du budget communautaire, hors remboursement du capital des emprunts, par exemple.
Enfin, pour ce qui concerne les élections municipales, il est envisagé de supprimer le panachage jusqu’à un seuil à déterminer – il pourrait être fixé à 500 habitants – et d’encadrer plus strictement le nombre de membres des exécutifs des intercommunalités.
Vous le voyez, nous partageons non seulement le constat établi à propos de l’intercommunalité, mais aussi la plupart des orientations du rapport présenté par nos collègues Jacqueline Gourault et Yves Krattinger.
Je ne traiterai pas en cet instant de la composante fiscale de la réflexion menée, faute de temps. De surcroît, le 10 juin, lors du débat sur la taxe professionnelle, j’ai très largement développé, à cette même tribune, la nécessité d’une réforme globale de la fiscalité locale.
En revanche, je souhaite évoquer nos divergences, plus importantes, sur la question des métropoles et, surtout, sur celle de la gouvernance, intimement liée à la précédente.
Nous devons les assumer clairement, tout en respectant le point de vue de chacun, dans l’esprit de dialogue insufflé par le Président du Sénat, même si nous avons largement laissé l’opposition développer ses points de vue durant les travaux de la mission. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire. Quelle grandeur d’âme !
M. Charles Guené. C’est la raison pour laquelle les membres du groupe UMP ont demandé et obtenu légitimement, me semble-t-il, la possibilité de joindre une contribution au rapport de la mission.
Par cette contribution, nous tenons à réaffirmer notre volonté de créer, par la loi, un nombre limité de métropoles aux pouvoirs réellement renforcés – dans un premier temps, sept ou huit – et de donner la possibilité à d’autres agglomérations de s’organiser en « groupements métropolitains de projets », pour tenir compte de leurs spécificités et de leurs initiatives de coopération locale.
Ces métropoles se verraient accorder la clause de compétence générale, les compétences départementales et la compétence économique, partagée avec la région, sur l’ensemble de leur territoire.
Nous pensons en effet qu’en ce domaine nous devons être audacieux pour donner aux métropoles les moyens de leurs ambitions et leur permettre de rivaliser avec les plus grands centres urbains européens, sans les cantonner dans le rôle de communautés d’agglomération bis.
Les conseillers métropolitains seraient élus au suffrage universel direct selon un système de fléchage à l’occasion des élections municipales et à la proportionnelle des résultats obtenus.
Là encore, nous avons besoin d’une gouvernance claire pour conduire des politiques fortes et cohérentes.
La question du périmètre des métropoles devra être aussi franchement posée, tout en privilégiant la recherche de solutions pragmatiques et différenciées pour la partie résiduelle du département non intégrée à la grande métropole, pour respecter son identité et lui assurer un développement durable.
Nous sommes en effet favorables aux grandes métropoles mais opposés à la fracture territoriale.
L’autre principal point de divergence porte sur la clarification de la gouvernance et des compétences entre départements et régions.
Notre collègue Yves Krattinger souligne dans son rapport que deux options ont été débattues au sein de la mission.
La première, qu’il privilégie, vise à mettre en place un conseil régional des exécutifs, pour retenir les orientations et pour faciliter les arbitrages nécessaires à la conduite des politiques territoriales, ainsi qu’une conférence départementale des exécutifs dans chaque département.
M. Didier Guillaume. Très bonne mesure !
M. Charles Guené. La création de ces nouvelles structures, certes légères, suscite certaines réserves, car elle risque de ne pas aller dans le sens de la simplification souhaitée.
M. Didier Guillaume. La souplesse !
M. Charles Guené. Nous savons, en outre, que ces cénacles de rencontre, qui existent déjà sur le terrain, n’ont d’efficacité réelle que grâce aux qualités et à la bonne volonté des femmes et des hommes qui les composent.
Par ailleurs, on voit mal comment leur avis pourrait s’imposer à des collectivités de plein exercice, sauf à nous situer dans la cité idéale de Platon ou de Thomas Moore ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, et nous avons dès le début de la réflexion posé le problème en ces termes, la réforme des collectivités locales ne peut s’appuyer que sur une clarification nette des compétences…
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
M. Charles Guené. … et sur une gouvernance rationalisée entre les départements et les régions.
Faute d’avoir tranché sur la répartition des compétences essentielles et, surtout, sur celles qui sont source d’aménagement du territoire et d’enjeux de pouvoir, la mission aurait dû logiquement porter le fer sur la gouvernance.
Une trop grande volonté de consensus l’a amenée sur ce point essentiel à une proposition non aboutie, à une sorte de statu quo qui relève du diagnostic posé.
Le groupe UMP s’est, quant à lui, voulu audacieux et résolument novateur pour proposer à notre pays la réforme qu’il attend (Applaudissements sur les travées de l’UMP), en développant une seconde option, à laquelle nous sommes très majoritairement favorables : la création de conseillers territoriaux siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.-Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Nous soutenons la création de conseillers territoriaux, non par idéologie mais par pragmatisme. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Nous souhaitons, en effet, spécialiser les compétences des départements et des régions pour mettre un terme aux doublons et aux financements croisés et accroître l’efficacité de leurs politiques. (Mme Marie-France Beaufils s’exclame.)
Pour atteindre cet objectif, la solution la plus efficace consiste à faire prendre les décisions par les mêmes élus, qui exerceraient un seul mandat mais deux fonctions aux deux niveaux de collectivités qui subsisteraient. (M. Pierre-Yves Collombat, vice- président de la mission temporaire, s’exclame.)
Cette intégration des assemblées départementales et régionales favoriserait l’harmonisation des politiques mises en œuvre et ferait émerger une solidarité territoriale plus forte entre les départements et les régions.
Cette nouveauté permettrait de recentrer l’action des deux collectivités autour d’élus moins nombreux et donc plus identifiables par les électeurs. (Protestations renouvelées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
M. Charles Guené. Cela mettrait également un terme à la concurrence institutionnelle, et donc financière, que l’on a vu apparaître entre les deux assemblées au cours de ces vingt dernières années.
Nous n’ignorons pas qu’il reste des questions d’ordre technique et constitutionnel à examiner ainsi que le mode de scrutin à envisager,…
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
M. Charles Guené. … même si nous sommes très attachés à l’ancrage territorial et au canton, en particulier en milieu rural. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.-Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je le précise pour répondre aux inquiétudes de notre collègue Jacques Mézard.
Afin d’éviter que l’on nous accuse de vouloir changer les règles du jeu à la veille du prochain scrutin, et pour rassurer particulièrement M. Peyronnet, nous proposons d’ailleurs un calendrier de mise en place progressive : les conseillers régionaux seraient élus en 2010 selon le mode actuel, pour un mandat de quatre ans, et la moitié des conseillers généraux en 2011, toujours selon le mode en vigueur, pour un mandat de trois ans.
M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire. Pourquoi trois ans ?
M. Charles Guené. L’élection générale des conseillers territoriaux n’interviendrait donc qu’en 2014.
Ces conseillers territoriaux constituent néanmoins pour nous la pierre angulaire de la réforme ambitieuse que nous appelons de nos vœux. Si nous voulons réellement clarifier les compétences, nous devons impérativement simplifier la gouvernance en faisant confiance aux élus.
M. Michel Boutant. La confiance ? On commence par les éliminer !
M. Charles Guené. Notre objectif est à la fois de faire mieux de manière moins coûteuse, de sortir du « jardin à la française » pour mieux prendre en compte la diversité territoriale de notre pays et de revoir la gouvernance des collectivités pour renforcer la légitimité des élus et améliorer l’efficience de la gestion publique.
Tel est le sens de la réforme majeure que nous souhaitons engager pour répondre aux attentes des élus locaux et de l’ensemble des Français. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je considère pour ma part que les conclusions de la commission Balladur sont globalement très positives…
M. Jean Louis Masson. … sur plusieurs points : la clarification de l’intercommunalité, la modernisation du mode de scrutin dans les communes de 500 à 3 500 habitants et le fléchage des délégués dans les intercommunalités.
De même, il fallait à l’évidence revoir les rapports entre les départements et les régions : on ne pouvait pas continuer de la sorte. L’interdiction du chevauchement de compétences permettra notamment de réduire les rivalités stériles qui sont tout à fait dramatiques compte tenu des difficultés auxquelles est confronté notre pays. Le problème des financements croisés devra, me semble-t-il être résolu à un moment ou à un autre.
Je suis également partisan de la création de conseillers territoriaux, qui permettra de rapprocher progressivement les départements et les régions, les mêmes personnes gérant les mêmes dossiers en complémentarité.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, je formulerai toutefois deux réserves importantes. Cette réforme, si elle est faite, doit l’être honnêtement, en dehors de toute logique politicienne. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) C’est là tout le problème !
M. Didier Guillaume. Quel aveu !
M. Jean Louis Masson. Cela suppose, premièrement, que le mode de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux soit cohérent et que l’on ne nous monte pas une usine à gaz comme pour les élections européennes. Pour ma part, je suis partisan soit d’un scrutin proportionnel infra-départemental, comme l’a proposé le comité Balladur, soit d’un scrutin uninominal à deux tours, donc majoritaire à deux tours, mais certainement pas d’un scrutin mixte ménageant la chèvre et le chou.
M. Gérard Collomb. C’est vrai !
M. Jean Louis Masson. Deuxièmement, outre cette clarté du mode de scrutin, il faut aussi, me semble-t-il, que sa mise en œuvre se fasse de manière honnête : je pense en particulier au risque de charcutage, qui est ici fondamental. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Il n’y a là rien qui prête à rire, chers collègues ! Au cours de ma carrière politique, j’ai vu bien des projets de redécoupage, notamment en 1986, pour les élections législatives et aujourd'hui même encore. Je sais donc que l’on peut être confronté à des situations particulièrement regrettables. Si l’on veut que les conseillers territoriaux aient une légitimité, si l’on veut que la réforme puisse faire l’objet d’un consensus, il faut alors renoncer à ces pratiques de charcutage que l’on a constatées encore récemment.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean Louis Masson. Je termine monsieur le président.
Si l’on crée une commission, bien sûr neutre et objective, ou prétendue telle, pour donner un avis sur les projets de découpage, il faudra ensuite la suivre : ce n’est pas la peine de créer une commission si c’est pour ne tenir aucun compte de son avis ! Vous voyez ce à quoi je fais allusion, monsieur le ministre…
En conclusion, je souhaite vivement que l’on prenne en considération cet aspect dans le cadre de la création des conseillers territoriaux et que, s’agissant d’un dossier beaucoup plus actuel, on tienne compte également de l’avis de la commission.
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Collomb. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les membres de la mission temporaire, j’espère que l’on m’en excusera dans cette enceinte républicaine, mais, pour saluer la venue, au banc du Gouvernement, de notre ancien collègue Michel Mercier, je souhaiterais commencer en citant saint Augustin : « Credo quia absurdum », je crois parce que c’est absurde. (Rires.)
Lorsque j’écoute les rapporteurs et le président de la mission temporaire, j’ai envie de croire, oui j’ai envie de croire à une réforme qui serait guidée par l’intérêt supérieur du pays, à une réforme qui viserait la meilleure efficience des territoires, à une réforme qui ferait en sorte que, dans les zones rurales comme dans les zones urbaines, chacun puisse apporter sa part d’excellence.
Oui, j’ai envie de vous croire, chers collègues, et de croire que le président du Sénat souhaite que nous nous engagions dans cette voie. Hélas, quand j’écoute nos collègues Rémy Pointereau et Charles Guené, tous deux membres de la mission temporaire, je doute.
Mes chers collègues, de deux choses l’une : soit on prend en compte l’intérêt supérieur de notre pays pour que la France soit compétitive par rapport à ses partenaires européens, soit on vise de très petits intérêts, et je reconnais que la démarche peut avoir une efficacité certaine.
De très petits intérêts, disais-je. Cela pourrait commencer, par exemple, par un discours anti-collectivités locales dans lequel on leur reprocherait d’être dépensières, elles qui, pourtant, réalisent 73 % des investissements et dont l’endettement ne représente que 10 % de celui de l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Et pourquoi ne pas réduire l’autonomie financière et fiscale de ces collectivités ? C’est peut-être là, après tout, que se cache le magot ! Il s'agirait alors de faire supporter par les collectivités locales, et en dernier lieu par les ménages, la diminution des charges des entreprises que l’on projette mais que l’on cherche encore à financer…
Enfin – mais je sais que l’idée n’en est venue à personne, et surtout pas à vous, monsieur Marleix – on pourrait en profiter pour créer un nouveau statut de conseiller territorial qui serait élu, au reste de façon assez ubuesque, au scrutin uninominal dans les zones rurales – là où le scrutin majoritaire vous serait favorable –, mais à la proportionnelle dans les grandes agglomérations, là où le scrutin majoritaire vous serait défavorable. Il s'agit tout de même de ne pas perdre trop de terrain, n’est-ce pas ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mais ce ne sont là évidemment que des fantasmes, et telle n’est pas votre volonté, monsieur le secrétaire d’État !
Je crois au développement des territoires, qui est indispensable pour notre pays, qu’il s’agisse des territoires urbains ou des territoires ruraux, tant il est vrai que ce qui se passe dans les régions rurales, où le département constitue l’armature d’un territoire, est aussi important que ce qui se passe dans nos grandes agglomérations.
Vous nous dites aujourd'hui qu’il faut réajuster le couple métropole-communes. Mais il fonctionne déjà très bien, dans ma communauté urbaine, notamment.
Que voulons-nous ? Nous voulons pouvoir organiser notre territoire sur une plus grande échelle pour le rendre plus performant. Tel est le projet que nous portons, nous, c'est-à-dire la métropole lyonnaise avec la métropole stéphanoise, avec la communauté d’agglomération des pays de l’Isère, mais tel est aussi le projet de Metz et Nancy, de Nantes et Saint-Nazaire.
Alors, donnez à cette organisation nouvelle le nom que vous voulez, celui de « métropole », par exemple, mais, que les choses soient claires, il s’agit d’organiser le territoire afin de pouvoir faire face à quatre types de défi.
Premièrement, s’agissant de la planification du territoire, il faut éviter que nos grandes agglomérations ne se déploient de manière tentaculaire, mitant les espaces naturels et les espaces agricoles, et organiser le développement urbain autour des transports en commun.
Deuxièmement, il faut développer, de manière coordonnée, en commun, nos universités, notre recherche et nos pôles de compétitivité.
Troisièmement, il faut des autorités organisatrices des transports conçues à l’échelle des grandes métropoles.
Quatrièmement, nous devons mutualiser les moyens mis en œuvre pour que les grands événements culturels puissent, au-delà de la région, mais aussi au-delà du pays, rayonner dans toute l’Europe.
Alors oui, messieurs les ministres, si vous portez une réforme qui prenne en compte ces quatre types de défi, vous ferez évoluer notre pays !
En revanche, si vous défendez ces très petits intérêts dont je convoquais le spectre en commençant, vous resterez ou redeviendrez peut-être présidents de conseil général ou de conseil régional, mais vous n’aurez gagné que sur tapis vert, et je puis vous assurer que vous ne resterez pas dans l’Histoire ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, compte tenu du temps qui m’est imparti, je me limiterai à évoquer certains points, et sans être exhaustif.
Comme je l’ai déjà dit à cette tribune à l’occasion d’un précédent débat sur les collectivités locales, je suis convaincu que notre pays a besoin, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, d’une réforme réelle et ambitieuse, et certainement pas d’une réformette.
Trop souvent par le passé, le manque de courage politique a abouti à des réformettes successives, qui, aujourd’hui, contraignent les élus locaux à évoluer dans un cadre juridique complexe et changeant sans cesse.
Je voudrais d’ailleurs souligner que les élus locaux sont beaucoup plus ouverts à la réforme qu’on ne le pense, et peut-être même beaucoup plus qu’un certain nombre d’entre nous.
J’ai adressé aux 675 maires de mon département un questionnaire à la suite de la publication du rapport de M. Édouard Balladur, et j’ai été surpris des réponses recueillies.
Ainsi, 88,5 % des élus jugent indispensable ou nécessaire une réforme des collectivités locales ; 68 % d’entre eux souhaitent la fin des financements croisés, ce qui témoigne bien de l’obstacle que ceux-ci représentent en termes de lisibilité ; 77 % des élus considèrent que le rapport Balladur constitue une bonne base de travail ; 59 % d’entre eux - j’en suis moi-même très étonné - sont favorables à un développement des intercommunalités, pouvant aboutir à la création de communes nouvelles.
En revanche, 85 % des maires que nous avons interrogés estiment que les élus sont insuffisamment associés à la réflexion. Il faudra veiller, monsieur le ministre, à ne pas nourrir ce sentiment et à les associer à la prise de décision. La consultation des associations dites représentatives n’est sans doute pas suffisante dans ce domaine.
Lors de notre précédent débat, j’avais exprimé quelques inquiétudes quant à la détermination du Gouvernement sur le sujet. Je craignais que la montagne n’accouche d’une souris ou, pour reprendre l’expression utilisée par Michel Mercier, que l’on ne se limite à « un coup de Ripolin » !
Le Président de la République intervenant devant le Congrès m’a rassuré. J’ai noté avec satisfaction sa volonté de ne pas se « dérober » devant la réduction du nombre d’élus départementaux et régionaux et devant le problème de la répartition des compétences.
Je m’en réjouis car, avec la grande majorité des élus du groupe Union centriste, notamment des sénateurs du Nouveau Centre, je partage pleinement cette vision.
Nous pensons que la mise en place de conseillers territoriaux, dès lors que ceux-ci garderont un lien réel avec le territoire, est positive. Cette évolution permettra de conserver départements et régions, tout en améliorant la cohérence de l’ensemble.
Nous jugeons indispensable de clarifier réellement les compétences de chacun et de mettre fin aux incroyables enchevêtrements de compétences et de financements. Nous voulons rompre avec cette absence totale de lisibilité des politiques publiques.
Nous souhaitons terminer la mise en place de l’intercommunalité et réduire le nombre des syndicats divers et variés. Je crois même qu’il faut aller un peu plus loin, en améliorant le fonctionnement des intercommunalités et en fixant un seuil minimum de compétence.
À terme, dès lors qu’une structure - ou un service - présentera un réel intérêt communautaire, elle devra être reprise par l’intercommunalité. Il n’est pas normal que, encore aujourd’hui, de très nombreux bourgs-centres aient à financer des services ou des équipements qui servent majoritairement à des communes voisines.
Nous souhaitons, bien entendu, que le rôle de la commune, échelon de la démocratie de proximité et échelon du lien social, soit confirmé.
En revanche, s’agissant de la désignation des élus communautaires, je voudrais appeler à la prudence.
Je comprends le souhait de laisser cette désignation aux citoyens, mais je ne suis pas favorable à l’extension du scrutin de liste à toutes les communes de plus de 500 habitants. Il faudrait envisager un seuil plus élevé pour éviter tout risque de politisation de nos petites communes. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Ce sujet mérite donc prudence et réflexion.
Il serait d’ailleurs judicieux que nous désignions une commission spéciale pour examiner les projets de loi qui seront présentés à notre assemblée.
J’ajoute, à la demande de mon collègue Yves Pozzo di Borgo, sénateur de Paris, que, dans le cadre de la réforme des collectivités locales, il faudra aussi traiter la question de la réforme de la loi du 31 décembre 1982, dite loi PLM.
Mes chers collègues, j’ai la conviction que le Sénat doit être aux côtés du Président de la République et du Gouvernement dans sa volonté réformatrice. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Le Sénat, représentant des collectivités locales et des territoires, ne doit pas faire preuve de conservatisme, de frilosité, d’ambiguïté sur un tel sujet, qui interdit les demi-mesures. Nous aurions tout à y perdre ! Au contraire, nous devons être le fer de lance de cette réforme.
Monsieur le ministre, nous attendons donc, avec beaucoup d’impatience et d’espoir, le ou les projets de loi du Gouvernement sur le sujet. Je peux vous assurer que le groupe Union centriste, tout en apportant les modifications qui lui sembleront nécessaires, soutiendra le Gouvernement pour mettre en place une vraie réforme des collectivités locales. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)