M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2006, l’endettement des ménages français représentait, en moyenne, 62 % du revenu disponible, contre 80 % dans la zone euro.
Selon l’Observatoire des crédits aux ménages, 14 millions de ménages français avaient un crédit en 2008, soit 52,6 % des ménages ; c’est un des niveaux les plus élevés de ces dernières années. Parmi ces ménages, 31,3 % détenaient un crédit immobilier et 33,8 %, un crédit à la consommation. Les Français sont donc désormais plus nombreux à être endettés au titre du crédit à la consommation qu’à celui du crédit immobilier.
Selon le baromètre du surendettement mis en place par la Banque de France en décembre 2006, la France comptait, à la fin du mois de décembre 2008, 710 000 ménages surendettés.
Chacun sait que le surendettement est lié à la dégradation de la situation financière et sociale de ménages, de personnes seules ou de familles monoparentales. Le surendettement est devenu le miroir de la fragilisation sociale, voire de l’exclusion touchant une partie de la population française.
Il a été beaucoup dit et écrit – c’est le cas dans votre rapport, monsieur Dominati – que le surendettement résulte, dans 75 % des cas, d’un accident de la vie.
Ce chiffre diffère des résultats de l’étude menée en mars 2009 par l’association CRESUS. En effet, 62 % des personnes interrogées affirment que le recours à un nombre trop important de crédits constitue l’une des deux principales causes de leur situation de surendettement.
Cette enquête a également révélé que le crédit renouvelable est utilisé par 89 % des personnes surendettées interrogées, et qu’il est souvent une solution de remplacement pour faire face aux refus de prêt des banques « classiques ».
Quoi qu’il en soit, il existe clairement un lien étroit entre le surendettement et le crédit renouvelable, le crédit renouvelable contribuant très largement au surendettement.
Selon l’UFC-Que Choisir, le crédit permanent est le deuxième crédit en termes d’encours, avec 32,7 milliards d’euros, derrière le prêt personnel.
L’association relativise cependant ces chiffres et estime que, en termes de nombre, le crédit renouvelable prime.
De plus, si la France accuse un certain « retard » par rapport aux autres pays européens en termes d’encours de crédit à la consommation, elle est beaucoup plus avancée en termes de crédit renouvelable : en effet, avec plus de 20 % des crédits à la consommation réalisés sous forme de crédits renouvelables, la France est le troisième pays le plus utilisateur de ce type de crédit et le second pays le plus utilisateur en termes d’encours de crédit renouvelable.
L’UFC-Que Choisir a démontré qu’un client souhaitant acheter un bien à crédit est le plus fréquemment orienté vers un crédit renouvelable, même si ce dernier n’est absolument pas le type de crédit le plus adapté.
Je réfléchissais à ce débat lorsque, hier, j’ai trouvé dans ma boîte aux lettres un dépliant fort intéressant annonçant que l’on « offrait » – dans ces dépliants, on « offre » toujours ! – jusqu’à 6 000 euros, avec zéro euro à rembourser pendant trois mois. C’est donc formidable ! (Sourires.)
Bien entendu, en tournant la page, j’ai pu lire en caractères microscopiques : « Le TEG » – encore faut-il savoir que c’est le taux effectif global ! – « révisable en vigueur au 08/09/08 est de 19,95 % »…
M. Yvon Collin. Ce n’est pas cher ! C’est donné ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. … « et le coût total du crédit dépend de la durée et du montant emprunté. »
M. Jean-Louis Carrère. C’est comme la TVA !
M. Jean-Pierre Sueur. On n’en sait pas plus !
Des offres de ce type, qui prolifèrent d’ailleurs, sont véritablement scandaleuses ! Il est donc essentiel de prendre des mesures afin de mettre fin à ces publicités qui abusent nos concitoyens, notamment ceux d’entre eux qui connaissent des difficultés.
Ce texte y contribue certes. Mais nous aurions souhaité trouver de surcroît dans ce dernier – Mme Nicole Bricq en a parlé – certaines dispositions permettant d’atteindre l’effet escompté. Or, elles n’y figurent pas, en tout cas pas de manière suffisamment claire et forte.
D’abord, nous sommes partisans d’une distinction des genres, des fonctions et des missions. Nombreuses ont été les associations qui ont réclamé une distinction claire entre les logiques commerciale et financière, distinction qui doit passer par la séparation nette – plusieurs collègues l’ont souligné – entre carte de fidélité, carte de paiement et réserve d’argent. La proposition de loi dont le premier signataire est Mme Nicole Bricq prévoit ainsi d’interdire l’usage des cartes de fidélité comme cartes de crédit ou comme réserve monétaire.
Malheureusement, cette séparation, que nous aurions souhaitée stricte, entre les différents types de cartes et la mise à disposition d’une réserve d’argent n’a pas été retenue. L’article 5 du projet de loi se borne seulement à interdire la subordination d’avantages commerciaux à l’utilisation de la fonction crédit d’une carte de fidélité. Les mesures prévues concernent donc uniquement l’utilisation de la fonction crédit d’une carte de fidélité à laquelle le client a déjà souscrit.
L’accès à des promotions ou à des avantages conditionnés à la souscription d’un crédit renouvelable est absent de ce projet de loi, et ce malgré le caractère fondamental d’une telle distinction.
Il serait souhaitable – notre proposition de loi va d’ailleurs dans ce sens – que l’on puisse distinguer le lieu du crédit – une banque – du lieu de vente. Il faut séparer très clairement le métier de la banque, qui consiste à accorder des prêts dans des conditions à définir, du métier de la distribution.
Mes chers collègues, vous le savez, à partir du moment où l’on refuse de distinguer ces deux fonctions parce qu’il est avantageux pour la distribution que le crédit fasse partie de la distribution et soit en quelque sorte mélangé avec elle, le ver est dans le fruit !
Il serait sage que l’on ne puisse pas effectuer les deux opérations dans le même lieu, en tout cas pas en même temps. Or la confusion est généralisée. Malheureusement, ce projet de loi ne permettra pas de distinguer une carte de crédit d’une carte de fidélité. Les deux fonctions resteront mêlées alors qu’il serait sain de les séparer.
De la même manière, nous avons présenté en commission des amendements, que nous aurons l’occasion d’évoquer, qui visaient à bien distinguer le crédit des opérations de promotion.
Il nous a été objecté que ces amendements constituaient une atteinte à la liberté. Je ne le crois pas. Il est important que le consommateur sache, d’une part, ce qui est crédit – quel crédit ? À quel taux ? Quel sera le coût total ? – et, d’autre part, les avantages promotionnels, car il est bien normal que les distributeurs soient attachés à présenter des stratégies promotionnelles pour vendre leurs produits.
Dans les faits, à quoi conduit ce mélange ? En réalité, on vend une carte de fidélité en même temps qu’une carte de crédit, un crédit en même temps qu’une promotion ! Mais le crédit présenté dans le dépliant dont j’ai fait état tout à l’heure, crédit que vous payez zéro euro pendant trois mois, vous coûtera in fine 50 euros pour une promotion de 5 euros que l’on vous aura fait miroiter ! En résumé, gagnez 5 euros, remboursez zéro euro pendant trois mois pour le crédit, mais payez tôt ou tard au prix fort le montant de ce crédit ! C’est inacceptable, et nous regrettons que ce projet de loi n’aille pas beaucoup plus loin à cet égard.
Le deuxième point qui nous préoccupe concerne le répertoire national des crédits à la consommation, appellation que nous préférons à celle de « fichier positif ».
À partir du moment où l’on pose le principe selon lequel le prêteur doit prêter en connaissance de cause, il est nécessaire que celui-ci dispose d’un certain nombre de données. Prenons toutes les précautions. Bien entendu, saisissons la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et respectons ses recommandations.
Répondons aux craintes de chacun, y compris à celles des associations de consommateurs avec lesquelles nous ne sommes pas toujours d’accord à ce sujet. Je pense, notamment, à l’UFC-Que Choisir, qui propose de rénover le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP, et de rendre sa consultation obligatoire. Soit ! Mais une telle mesure est insuffisante : le prêteur doit avoir toutes les données sur la table pour que soit conclu un prêt dans de bonnes conditions.
Les remarques de l’association française des usagers des banques peuvent par ailleurs être utiles. Je pense, notamment, à la consultation des derniers relevés bancaires, à l’imposition d’un pourcentage maximal d’endettement par rapport au revenu mensuel, etc.
Pour notre part, nous sommes persuadés de la nécessité de mettre en œuvre ce répertoire national des crédits à la consommation. Selon Guy Raymond, professeur honoraire de la faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers, la création d’un tel fichier constitue une nécessité, car il est impossible d’instaurer une responsabilité réelle des établissements de crédit si on ne les met pas en situation de pouvoir accéder à une information fiable et complète.
Enfin, cela a été dit par Mme Nicole Bricq et sera certainement répété par Daniel Raoul dans un instant, nous ne sommes pas d’accord sur la question du taux de l’usure.
Monsieur le rapporteur, vous avez très bien résumé notre position dans votre rapport, et je vous en remercie. Vous écrivez ainsi que nous proposons « pour fixer le taux de l’usure, d’affecter au taux des prêts sur le marché interbancaire à douze mois un coefficient déterminé par décret après avis du Conseil national du crédit et compris entre deux et sept. Cette solution a pour avantage incontestable de lier le coût du crédit à celui de la ressource des établissements bancaires : elle est dès lors compréhensible pour le public qui, aujourd’hui, s’étonne légitimement que les taux d’intérêt du crédit à la consommation demeurent aussi élevés alors même que le prix du refinancement bancaire a atteint des niveaux historiquement bas. »
Mais la phrase qui suit ce bon résumé de nos propositions m’a particulièrement intéressé, monsieur le rapporteur : « Mais elle [notre solution] n’est cependant pas dénuée d’inconvénients, dont le plus important est sans conteste le retour à la fixation administrée d’une norme économique. »
Les bras m’en tombent un peu ! C’est toujours la même chose : dès que l’on parle d’encadrer les choses, de fixer des normes, des règles, vous brandissez l’horreur absolue de la fixation administrée d’une norme économique ! Nous ne sommes pas d’accord !
Nous sommes favorables à une économie de marché. Nous savons depuis bien longtemps que les milliards d’équations que le marché résout chaque jour seraient toujours moins bien résolues s’il fallait que l’administration le fît.
Cependant, nous savons également que le marché, pour nécessaire qu’il soit, est myope et qu’il ne suffit pas, en particulier, à régler le problème posé par le taux de l’usure. Voilà pourquoi nous proposons d’instaurer des règles pour encadrer le marché.
Pour finir, je souhaite évoquer la question du crédit social, qui figure dans notre proposition de loi. C’est du volontarisme.
Nous sommes pour l’économie de marché, mais nous pensons que l’autorégulation du marché ne permet pas d’apporter des réponses à ceux qui sont sur la pente de la détresse, dans le cercle infernal de l’endettement qui se développe et s’exacerbe inéluctablement. C’est pourquoi nous sommes favorables au crédit social et disons, je le répète, que c’est du volontarisme. Oui, nous sommes pour une société de liberté, mais nous sommes aussi pour le volontarisme, qui permet à chacun de vivre dans la liberté et dans la dignité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au cours de la récente campagne pour les élections européennes, certaines voix se sont fait entendre pour affirmer que les réglementations européennes étaient trop tatillonnes, voire trop contraignantes.
En l’espèce, on ne peut que remercier les autorités de l’Union européenne d’avoir adopté la directive concernant les contrats de crédit aux consommateurs. Sans elle, nous n’aurions peut-être pas aujourd’hui ce débat, dont je me réjouis personnellement. Je rappelle que j’avais déposé une première proposition de loi sur ce thème voilà cinq ans.
Le projet de loi que vous avez présenté, madame la ministre, comporte quelques avancées qui méritent d’être soulignées : l’avertissement légal, qui devra figurer sur les publicités de crédit et que nous avions suggéré dans notre proposition de loi ; la consultation obligatoire du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP, avant tout octroi de crédit ; l’obligation d’un amortissement minimum dans les échéances du crédit renouvelable ; l’interdiction de subordonner les avantages d’une carte de fidélité à l’utilisation du crédit qui lui est lié.
Sur ce dernier point, j’observe que notre commission spéciale n’a pas prévu de découplement entre carte de fidélité et carte de crédit. De ce fait, les pratiques que nous connaissons risquent de perdurer. Ainsi, les grandes surfaces et magasins spécialisés continueront-ils de vanter les mérites de leur carte de fidélité-crédit, une réserve monétaire qui, en cas d’utilisation, coûtera 20 % d’intérêts au consommateur, sur des sommes toujours plus élevées et abondantes, puisque la mise à disposition d’avances renouvelables est régulièrement proposée.
Le fait de prévoir un minimum de remboursement de capital pour le crédit renouvelable est bien la moindre des choses. Il n’est pas rare qu’avec des remboursements très faibles la durée d’amortissement d’un tel crédit puisse atteindre, voire dépasser, dix ans, et ce, bien entendu, à des taux proches de l’usure.
J’ai proposé, par voie d’amendement, de réduire à un maximum de trois ans la durée totale de remboursement des crédits renouvelables. C’est également ce que vous avez suggéré dans votre intervention, madame la ministre, et je m’en réjouis.
Il faudrait inciter les consommateurs à se tourner vers des prêts personnels ou affectés à des taux plus raisonnables, plutôt que de succomber aux délices et poisons du crédit revolving, qui constitue une très grande source de surendettement : 80 % des dossiers de surendettement comportent plus de quatre crédits revolving.
Il en est parfois de même pour certaines collectivités territoriales, en particulier des départements comme le mien, qui, à coup d’emprunts in fine, en arrivent à des durées de remboursement de dix ans et plus pour financer leurs besoins, ce qui ne me paraît pas être un bon mode de gestion.
M. le président et M. le rapporteur de la commission spéciale n’ont pas souhaité imposer des justificatifs pour l’octroi de crédits sur les lieux de vente. Cela constitue une très grave lacune. À l’heure actuelle, le prêteur se contente très souvent d’une simple déclaration de l’emprunteur, sans vérifier le moins du monde sa solvabilité. Cela ne peut pas durer.
Je proposerai, par voie d’amendement, d’imposer à l’emprunteur de communiquer au prêteur les trois derniers relevés mensuels du compte bancaire où figurent ses ressources et ses charges. De cette manière, le prêteur aura une vue exacte de la situation financière de l’emprunteur et pourra appliquer les règles prudentielles en vigueur. Une telle procédure, qui est pratiquée de facto par les banques, n’aurait rien inquisitorial. Lorsque la société vous vient en aide, il ne m’apparaît pas illogique que l’on ait vis-à-vis d’elle quelques devoirs ou quelques contraintes.
Votre texte, madame la ministre, demeure cependant muet sur deux points que nous considérons pourtant comme importants pour lutter le plus efficacement possible contre le malendettement ou le surendettement. Il s’agit de la création d’un fichier recensant les crédits affectés aux particuliers, encore appelé « fichier positif », et de la réduction du taux de l’usure pratiqué en matière de crédit revolving ou renouvelable.
Sur ces deux points, la commission spéciale formule des propositions qui ne vont pas aussi loin que ce que nous souhaitons, mais qui ont le mérite d’exister, et j’en remercie son président et son rapporteur.
Les chiffres et les pourcentages que M. le rapporteur a cités à propos de la Belgique sont exacts, mais je nuancerai quelque peu son jugement. Il est vrai que le taux de surendettement a augmenté de 8,8 % en Belgique, et seulement de 3,5 % en France. Mais la Belgique connaissait depuis de nombreuses années un encadrement du crédit à la consommation, tandis que régnait, dans notre pays, la plus grande liberté en la matière.
Vous avez également précisé, monsieur le rapporteur, que seules 18 000 personnes étaient concernées par le problème du surendettement. Derrière ce chiffre, combien de drames personnels ? Madame la ministre, il est de notre devoir de prévoir un certain nombre de dispositions dans ce domaine.
S’agissant enfin du « fichier positif », la commission spéciale a ouvert la voie à sa création en prévoyant qu’un rapport sur ce sujet sera remis dans les trois ans qui suivront la promulgation de la loi. Peut-être ce délai est-il nécessaire pour constater que l’amélioration tant attendue de cette proposition sera plus longue à obtenir et qu’il nous faudra y revenir ?
En règle générale, lorsque l’on souhaite enterrer un projet, on crée une commission ! (M. le rapporteur sourit.) Comme M. le président et M. le rapporteur de la commission spéciale m’ont assuré que tel ne serait pas le cas, je leur fais confiance.
Très honnêtement, pourquoi attendre trois années supplémentaires pour se doter de ce fichier, alors que le surendettement explose littéralement dans notre pays ? Plus de 30 % de dossiers de surendettement ont été déposés en mars 2009 par rapport à mars 2008. C’est le niveau le plus élevé depuis la création des commissions de surendettement. Comme je l’indiquais tout à l’heure, 85 % de ces dossiers concernent des crédits renouvelables dont le taux d’intérêt avoisine les 20 % ! Certes, la crise est là. Il faut non pas se référer à la situation de 2008, mais prendre en compte la situation très particulière que nous connaissons aujourd’hui.
Soyons clairs : qui, en France, s’oppose à la création d’un tel fichier ? Il s’agit de la plupart des banques, qui craignent en réalité la concurrence déloyale que pourraient leur causer des organismes de crédit, y compris étrangers, mais qui disposent de leur propre système de contrôle et sont mieux placées que d’autres pour éviter les erreurs. Il s’agit aussi, curieusement, de la Banque de France, qui invoque le coût d’une telle opération et l’important surcroît de travail qu’elle entraînerait.
Cependant, un tel fichier, qui permettrait de recenser les crédits déjà réalisés par les futurs emprunteurs et qui devrait être obligatoirement consulté par le prêteur avant tout déblocage de fonds, s’avère indispensable si l’on veut véritablement lutter contre le surendettement.
Je reconnais que cet instrument seul, pour perfectionné qu’il soit, ne suffira pas à donner la situation financière exacte des futurs emprunteurs. Là, il convient de faire la différence entre ceux qui s’adressent à leur banque et ceux qui s’adressent à un organisme de crédit sur un lieu de vente, ou encore sur internet.
Les banques ont une vue assez exacte de la situation financière de leurs clients et savent ne pas prendre de trop grands risques. Les organismes financiers qui interviennent sur les lieux de vente ou sur internet sont, en règle générale, moins regardants. Les mauvais dossiers, bien souvent compensés par des taux d’intérêt élevés, suffisent à garantir l’équilibre financier des prêteurs. Ensuite, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, ce sont les collectivités locales qui sont sollicitées pour venir en aide aux personnes trop endettées, y compris en subvenant à leurs besoins de base et en payant leurs factures d’eau, d’électricité, etc. Les mesures que nous vous proposerons, au travers de nos amendements, permettraient de responsabiliser les organismes de crédit, mais également les emprunteurs, dont certains, il faut bien le dire, doivent être protégés contre eux-mêmes.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler sur le texte relatif à la réforme du crédit à la consommation adopté par la commission spéciale. En résumé, je dirai qu’il comporte des avancées qui méritent d’être saluées, mais qu’il faut aller encore plus loin si nous voulons vraiment lutter contre le surendettement. Tel sera l’objet de nos amendements, qui, je l’espère, madame la ministre, nous donneront l’occasion de rapprocher nos points de vue. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le crédit à la consommation, du fait même de son développement, a un impact social et économique : social parce qu’il a permis à de très nombreuses familles d’acquérir des équipements facilitant leur vie quotidienne, économique parce qu’il a contribué au développement de l’activité commerciale et, en amont, de l’activité dans les entreprises produisant ces équipements. Mais le manque d’information et de transparence à l’égard de nombreux acheteurs a entraîné des dérives qui ont abouti, pour certaines familles, à des difficultés financières et quelquefois au surendettement. Ce qui était un atout social et économique est en train de devenir un risque important pour la société et un cauchemar pour certaines personnes.
L’augmentation du nombre de dossiers à risques, l’irresponsabilité de certains prêteurs ou emprunteurs ont abouti à une spirale à la hausse des taux d’intérêt. Les taux du marché de l’argent n’ont jamais été aussi bas, ou presque, et les taux de crédit à la consommation jamais aussi élevés.
Sans entrer dans le détail du calcul des taux d’intérêt, il est clair que les besoins de couverture des risques engendrent une majoration de fait des taux d’intérêt pratiqués par les organismes de crédit. Qui plus est, ce sont souvent les familles modestes qui ont à supporter les taux les plus élevés. On ne peut qu’être interpellé !
Cette situation justifie que nous légiférions et que nous mettions en place des dispositions tendant à mieux organiser la gestion des crédits à la consommation.
C’est, à mon sens, en analysant les causes et en allant au fond des choses que nous pourrons trouver des solutions. Me permettrais-je une réflexion générale ? Il n’y a pas de problème qui n’ait de solution, dans quelque domaine que ce soit, si on a le courage de travailler non pas seulement sur les conséquences, ce que nous faisons généralement, mais aussi sur les causes. Je suis convaincu que c’est le cas dans le domaine du crédit à la consommation sur lequel nous légiférons aujourd’hui.
Quatre mots peuvent constituer la trame de notre démarche : formation, information, responsabilité, solidarité.
C’est en m’appuyant sur ces quatre mots que j’ai déposé quelques amendements visant à traiter en profondeur, et de manière durable, ce dossier délicat et difficile du crédit à la consommation.
Il n’est pas inutile de rappeler l’enjeu que cela constitue pour les familles et pour notre société.
Malheureusement, et je le dis dès maintenant, deux de mes amendements, que je considérais comme déterminants, n’ont pu franchir l’obstacle de l’arme absolue qu’est l’article 40 de la Constitution.
J’avoue ne pas avoir très bien compris, au moins pour l’un d’entre eux, les raisons de son application. En même temps que je proposais la création d’un fonds de solidarité, je créais les modalités de son financement. Il semble que ce soit plus complexe que cela. Sans doute ne serait-il pas vain que notre assemblée se penche non pas sur l’utilité de l’article 40, car il me paraît normal de prévoir une recette en contrepartie d’une dépense, mais sur les modalités d’application de cet article 40.
Je reviens aux quatre mots que j’ai évoqués : formation, information, responsabilité, solidarité.
Je commencerai par la formation. J’ai déposé un amendement suggérant que, dans le parcours de formation, les jeunes soient préparés à la gestion de leur budget personnel ou familial. Cette proposition concerne l’ensemble de nos concitoyens tout au long de leur vie. Le système éducatif a pour mission de préparer chaque individu à devenir un adulte responsable, capable de s’épanouir dans sa vie personnelle, professionnelle et familiale. La gestion d’un budget me paraît en être un élément essentiel.
Je poursuivrai par l’information. Il faut qu’elle soit complète et totalement transparente, pour le prêteur comme pour l’emprunteur. Il est indispensable qu’avant d’octroyer un crédit l’organisme sollicité ait une connaissance précise de la situation de la personne qui sollicite ce financement, qu’il s’agisse des emprunts déjà en cours, des charges à assumer ou de la capacité de l’emprunteur à couvrir l’ensemble de ces charges. Il faut, ce faisant, que prêteur comme emprunteur soient responsabilisés et assument les conséquences de leurs engagements.
C’est dans cet esprit que j’avais proposé un amendement prolongeant la proposition de loi que j’avais déposée avec d’autres collègues pour créer le fichier positif. Afin de prendre en compte les recommandations de la commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, le système prévu était à double détente. D’une part, ne pouvaient accéder au fichier recensant les personnes bénéficiant de crédits que les organismes agréés par la Banque de France ; d’autre part, la personne disposant du crédit était seule détentrice de la clé permettant de connaître sa situation personnelle en termes d’inscription au fichier, ce qui me semblait préserver la confidentialité.
J’en viens, enfin, à la solidarité. Ma proposition s’appuie sur le constat, souvent évoqué aussi bien du côté des consommateurs que des organismes de crédit, que 80 % des surendettements sont liés à un accident de la vie, perte d’emploi, séparation, décès et d’autres circonstances.
Il me semble légitime de prendre en compte ces situations non prévisibles.
Pour le versement des pensions alimentaires, la caisse d’allocations familiales se substitue au redevable en cas de non-versement des pensions et récupère ensuite les sommes correspondantes auprès du redevable défaillant. Je propose qu’une caisse de solidarité se substitue à la famille ou à la personne concernée pour le remboursement du capital et ensuite mette en œuvre un processus de récupération des sommes.
D’une part, cette proposition permettrait de prendre en compte la situation de la personne dont les difficultés financières peuvent être aggravées par un accident de la vie. D’autre part, la diminution des risques pour les organismes de crédit devrait faire baisser sensiblement les taux d’intérêt pratiqués.
Madame la ministre, vous proposez des avancées intéressantes et importantes en matière d’information et de responsabilisation tant des prêteurs que des emprunteurs. Ce texte contient également, comme vous l’avez indiqué, une clarification entre les différents types de cartes proposées et l’usage qui en est fait.
M. le rapporteur, qui a beaucoup travaillé ce dossier, a apporté sa contribution à travers des dispositions complémentaires qui ont enrichi le texte. Comme M. le président de la commission spéciale l’a rappelé, un travail a été fait pour mieux réguler le taux d’usure. J’y ai personnellement beaucoup participé.
Madame la ministre, j’aurais souhaité, vous le savez, que nous puissions aller plus loin. Cela étant, compte tenu de ce qui est proposé et de l’enjeu que représente le crédit à la consommation pour les familles et pour l’activité économique, je voterai votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)