compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
M. Alain Dufaut,
M. Jean-Pierre Godefroy.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Réforme de l’hôpital
Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi déclaré d’urgence
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion d’un projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (nos 290, 380 et 381).
Nous en sommes parvenus à l’article 22 B.
Article 22 B
M. le président. L’article 22 B a été supprimé par la commission.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 787 rectifié bis, présenté par M. Desessard, Mme Voynet, MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mmes Demontès et Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complété par un titre VII ainsi rédigé :
« TITRE VII
« ÉDUCATION POUR LA SANTÉ
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 1171-1. - Les maladies modernes étant des maladies de civilisation, largement liées aux comportements et aux modes de vie, leur prévention passe par un nouveau développement d'une politique d'éducation pour la santé. L'éducation pour la santé comprend notamment la prévention comportementale et nutritionnelle, la promotion de l'activité physique et sportive et la lutte contre les addictions. Elle s'exprime par des actions individuelles ou collectives qui permettent à chacun de gérer son patrimoine santé. Cette politique mobilisera un réseau d'acteurs dans les secteurs sanitaire, social et éducatif, soutenu par l'expertise des centres-ressource que constituent les Comités Régionaux d'Éducation pour la Santé, réunis dans la Fédération Nationale de l'Éducation pour la Santé (FNES) et partenaires de l'Institut National de Prévention et d'Éducation pour la Santé (INPES). »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, nous souhaitons par cet amendement faire vivre le mot « santé » que vous avez cité dans le titre de ce projet de loi, contrairement aux documents qui nous sont remis ne mentionnant que la réforme de l’hôpital.
En conséquence, nous souhaitons réintroduire l’article 22 B adopté par l’Assemblée nationale et supprimé par la commission des affaires sociales du Sénat. Son objet, louable, était d’introduire dans le code de la santé publique un chapitre sur « l’éducation à la santé ».
Tout d’abord, je reviendrai sur un débat sémantique auquel nous avons assisté dans cet hémicycle la semaine dernière.
Nous souhaitons que soit reconnue l’expression « éducation pour la santé ». Elle signifie qu’il faut éduquer les personnes pour qu’elles prennent conscience des comportements néfastes pour leur patrimoine santé et construisent elles-mêmes leur propre itinéraire de santé. L’expression « éducation à la santé », défendue par M. le rapporteur la semaine dernière face à notre collègue Dominique Voynet, laisse davantage entendre que les institutions et les milieux médicaux savent seuls ce qui est bon pour 1a santé face à des citoyens passifs et ignorants !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela a été tranché !
Mme Marie-Christine Blandin. De plus, la formule « pour la santé » est plus conforme à l’esprit de la rédaction initiale de l’article 22 B, suivant laquelle « des actions individuelles ou collectives [...] permettent à chacun de gérer son patrimoine santé ».
Enfin, je soulignerai que cette dénomination a été retenue pour l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, et vous rappellerai au passage, mes chers collègues, que la dénomination de cette institution a été votée par le Sénat.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous souhaitons donc intituler l’article 22 B : « Éducation pour la santé ».
J’en viens maintenant au contenu même de l’article que nous avons souhaité compléter. Il nous paraît important de rappeler le rôle des structures existantes en matière d’éducation pour la santé et la nécessité de renforcer ce rôle dans le cadre d’une nouvelle politique de prévention des maladies de civilisation par l’éducation.
Les affections de longue durée, ALD, dont le nombre ne cesse d’augmenter, touchent aujourd’hui 8 millions de personnes, soit 14,2 % de la population française. Leur coût représente 64 % des remboursements de l’assurance maladie, dont 58 % de dépenses d’hospitalisation.
En 2007, les ALD ont augmenté de 4,2 %, dont seulement 1 % correspondait au vieillissement de la population. Le reste est donc essentiellement lié à une épidémie de maladies de civilisation, telles que le diabète, l’obésité, les maladies cardio-vasculaires, la dépression, les cancers, l’infertilité, l’asthme et les allergies, épidémie due aux comportements individuels et aux conditions de vie, mais aussi à la dégradation de l’environnement.
Pour pallier l’apparition de ces nouvelles maladies, il convient d’organiser une politique ambitieuse d’éducation pour la santé.
Dans cette perspective, il faut s’appuyer sur la compétence d’un réseau d’experts en pédagogie de la santé. Ce réseau existe : ce sont les comités régionaux d’éducation pour la santé, aidés par des comités départementaux, organisés au niveau national en une fédération.
Madame la ministre, mes chers collègues, les moyens existent pour organiser une véritable politique de prévention, qui a toute sa place dans ce projet de loi. Je vous demande donc de voter pour cet amendement, pour l’éducation pour la santé et pour une véritable politique préventive. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Excellent !
M. le président. L'amendement n° 1257, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complété par un titre VII ainsi rédigé :
« TITRE VII
« PRÉVENTION DES FACTEURS DE RISQUES POUR LA SANTÉ
« Chapitre unique
« Art. L. 1171-1. - Une fondation contribue à la mobilisation des moyens nécessaires pour soutenir des actions individuelles ou collectives destinées à développer des comportements favorables à la santé. Ces actions contribuent notamment à la promotion d'une alimentation équilibrée, de l'activité physique et sportive ainsi qu'à la lutte contre les addictions. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’amendement n° 1257 vise à créer un titre unique pour développer des actions de prévention des facteurs de risques pour la santé au travers d’une fondation.
Je regrette que la commission des affaires sociales ait supprimé cette disposition et je vous propose aujourd’hui cet amendement pour inscrire de nouveau cette fondation dans la loi. Pourquoi ?
Il est évidemment particulièrement important que des moyens soient affectés aux actions destinées à l’ensemble de la population avec une priorité, rappelée par nombre d’entre vous, pour les publics les plus fragiles.
La création d’une fondation permet de mobiliser des moyens supplémentaires pour la prévention des comportements à risques et la promotion de la santé. Elle permettra à la société civile de participer plus activement à ces actions de prévention en synergie avec un certain nombre d’acteurs institutionnels.
Cette fondation participera à la promotion d’habitudes de consommation responsables ainsi que d’activités physiques et sportives régulières. Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous êtes tous des fervents adeptes de cette activité physique et sportive régulière ! (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les actions de prévention des facteurs de risques développées dans le cadre de cette fondation viendront en appui des volontés territoriales en matière de santé publique et l’inscription dans la loi d’une fondation s’inscrit dans les objectifs d’une politique de santé publique et de promotion de la santé pour contribuer à mobiliser les décideurs et les acteurs nationaux, locaux, publics et privés, dans un cadre reconnu et contrôlé.
C’est la raison pour laquelle je vous propose cet amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 1348, présenté par M. Laufoaulu, Mme Hermange et M. B. Fournier, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 1257 pour l'article L. 1171-1 du code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable dans les Iles Wallis et Futuna. »
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la sénatrice de Paris que je suis n’est pas devenue tout d’un coup sénatrice des îles Wallis et Futuna, mais mon collègue Robert Laufoaulu m’a demandé très amicalement de défendre tous ses amendements, ce que je fais volontiers.
Le sous-amendement n° 1348 vise à ce que l’article 22 B soit applicable aux îles Wallis et Futuna, où les problèmes tant alimentaires que d’addiction et de santé publique sont nombreux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’amendement n° 787 rectifié bis est issu d’une fusion de deux amendements identiques : l’amendement de M. Desessard et l’amendement du groupe socialiste. Nous en avons déjà beaucoup parlé en commission et également en séance publique ces dernières semaines. Il ne me semble pas utile de définir l’éducation pour la santé, qui se traduit concrètement par l’action des institutions créées à cet effet ; je pense en particulier à l’INPES, dont les actions ne sont pas contestées.
La commission émet donc un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 1257, la rédaction proposée me semble préférable à la rédaction initiale de l’article 22 B, car elle ne mélange pas la définition de l’éducation à la santé et la création d’une fondation.
La commission émet donc un avis favorable.
Quant au sous-amendement n° 1348, il vise à ce que la fondation puisse également mener des actions dans les îles Wallis et Futuna où les problèmes tant alimentaires que d’addiction sont nombreux. La commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je crains que la querelle portant sur les expressions « éducation pour la santé » ou « éducation à la santé » ne soit assez byzantine ; je n’ai donc pas d’avis formel sur cette question.
En revanche, l’amendement n° 787 rectifié bis ne prévoit pas la création d’une fondation consacrée à la santé publique. Or il faut absolument rétablir la rédaction d’un article prévoyant la création de cette fondation. Par conséquent, pour des raisons à l’évidence tout à fait compréhensibles, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 787 rectifié bis.
Quant au sous-amendement n° 1348, je partage, bien entendu, la préoccupation de M. Laufoaulu, madame la sénatrice. Il faut que la fondation puisse exercer dans les îles Wallis et Futuna.
Cependant, je vous demande de retirer ce sous-amendement, car nous avons un obstacle juridique et je vous remercie de bien vouloir transmettre mes observations à votre collègue.
L’article 18 de la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, qui est la base légale de la fondation, a été étendu aux îles Wallis et Futuna par une ordonnance du 14 mai dernier, mais qui n’a pas encore été ratifiée, comme l’exige désormais l’article 38 de la Constitution. Il convient de prévoir un certain délai pour qu’un prochain vecteur législatif opère cette ratification. Nous devons attendre et nous sommes en ce moment dans une sorte de « sas » juridique.
Il faut que la base législative de cette disposition soit stabilisée. L’extension proposée pourrait plus opportunément intervenir dans le cadre de l’ordonnance prévue par un amendement gouvernemental à l’article 33, qui permettra d’étendre les dispositions de la loi aux collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution.
M. le président. Madame Hermange, le sous-amendement n° 1348 est-il maintenu ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. Notre collègue Robert Laufoaulu m’a confié que je pourrais retirer son amendement si vous vous engagiez, madame la ministre, à prendre en compte cette disposition dans l’ordonnance, ce dont je vous remercie.
Mme Marie-Thérèse Hermange. En conséquence, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 1348 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 787 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 1257.
Mme Marie-Christine Blandin. Chacun peut se réjouir de ce que des moyens sont mobilisés en faveur de l’éducation à la santé. Cependant, la plus grande vigilance s’imposera, car de grands trusts de l’agroalimentaire se complairont à vanter leur action, qui en faveur de la diminution de la teneur en sucre de tel produit, qui en faveur de la diminution de la teneur en graisse de tel autre, pour prévenir l’obésité. L’argent sera facile, et Bercy mettra un euro pour un euro.
M. Guy Fischer. Ce sera défiscalisé !
Mme Marie-Christine Blandin. Quel contrôle pourra-t-on exercer ?
Par ailleurs, avec la création de fondations, toutes thématiques confondues, nous entrons dans une démarche suivant laquelle ce n’est plus le Parlement qui définit les orientations de la politique sanitaire, ce sont les citoyens ou les entreprises qui en ont les moyens et qui pourront bénéficier de déductions fiscales, comme c’est le cas dans d’autres domaines.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Pour les mêmes raisons, nous sommes opposés à cet amendement. Cela ne vous étonnera pas, mes chers collègues, puisque nous avons déposé, tout au long de ce débat, des amendements visant à établir une séparation très nette entre les entreprises agroalimentaires ou les fabricants de médicaments et la santé.
Selon nous, les actions de santé publique doivent être financées par la solidarité nationale et par l’État, et non par des entreprises dont les intérêts ne servent pas toujours l’intérêt général.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Il faut le répéter, toutes les grandes entreprises que sont les laboratoires pharmaceutiques ou les entreprises agroalimentaires pourront soustraire de leurs impôts les sommes qu’elles auront consacrées à ces fondations.
M. Jean Desessard. Tout à fait !
M. Guy Fischer. Ce point n’est pas négligeable.
M. le président. Cet article a été supprimé par la commission.
Articles additionnels avant l'article 22 (réservés)
M. le président. L’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 22 a été réservé jusqu’après l’article 25 septdecies.
Article 22
(Texte modifié par la commission)
I. - Le livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complété par un titre VI ainsi rédigé :
« TITRE VI
« ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE DU PATIENT
« CHAPITRE IER
« Dispositions générales
« Art. L. 1161-1. - L'éducation thérapeutique fait partie de l'éducation pour la santé et s'inscrit dans le parcours de soins du patient. Elle a pour objectif de rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie. Elle n'est pas opposable au malade et ne peut conditionner le taux de remboursement de ses actes et des médicaments afférents à sa maladie.
« Les compétences nécessaires pour dispenser l'éducation thérapeutique du patient sont déterminées par décret.
« Dans le cadre de l'éducation thérapeutique, tout contact direct entre un malade ou son entourage et une entreprise se livrant à l'exploitation d'un médicament, d'un dispositif médical ou d'un dispositif médical de diagnostic in vitro ou une personne chargée de leur mise sur le marché est interdit.
« Art. L. 1161-2. - Les programmes d'éducation thérapeutique du patient sont conformes à un cahier des charges national dont les modalités d'élaboration et le contenu sont définis par arrêté du ministre chargé de la santé. Ces programmes sont mis en œuvre au niveau local, après autorisation des agences régionales de santé et de l'autonomie. Ils sont proposés au malade par le médecin prescripteur et donnent lieu à l'élaboration d'un programme personnalisé.
« Ces programmes sont évalués par la Haute Autorité de santé.
« Art. L. 1161-3. - Les actions d'accompagnement font partie de l'éducation thérapeutique. Elles ont pour objet d'apporter une assistance et un soutien aux malades, ou à leur entourage, dans la prise en charge de la maladie. Elles sont conformes à un cahier des charges national dont les modalités d'élaboration et le contenu sont définis par arrêté du ministre chargé de la santé.
« Art. L. 1161-4. - Les programmes ou actions définis aux articles L. 1161-2 et L. 1161-3 ne peuvent être ni élaborés, ni mis en œuvre par des entreprises mentionnées à l'article L. 1161-1 ou des personnes responsables de la mise sur le marché d'un médicament, d'un dispositif médical ou d'un dispositif médical de diagnostic in vitro ou des entreprises proposant des prestations en lien avec la santé. Toutefois, ces entreprises et ces personnes peuvent prendre part aux actions ou programmes mentionnés aux articles L. 1161-2 et L. 1161-3 dès lors que des professionnels de santé et des associations mentionnées à l'article L. 1114-1 élaborent et mettent en œuvre ces programmes ou actions.
« Art. L. 1161-5. - Les programmes d'apprentissage ont pour objet l'appropriation par les patients des gestes techniques permettant l'utilisation d'un médicament ou d'un dispositif médical le nécessitant.
« Ils sont mis en œuvre par des professionnels de santé intervenant pour le compte d'un opérateur pouvant être financé par l'entreprise se livrant à l'exploitation du médicament ou du dispositif.
« Il ne peut y avoir de contact direct entre l'entreprise et le patient ou, le cas échéant, ses proches ou ses représentants légaux.
« Le programme d'apprentissage est proposé par le médecin prescripteur à son patient.
« La mise en œuvre du programme d'apprentissage est subordonnée au consentement écrit du patient ou de ses représentants légaux.
« Il peut être mis fin à cette participation, à tout moment et sans condition, à l'initiative du patient ou du médecin prescripteur.
« Ces programmes d'apprentissage, ainsi que les documents et autres supports relatifs à ces programmes, sont soumis à une autorisation délivrée par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, après avis des associations mentionnées à l'article L. 1114-1 et pour une durée limitée.
« Les personnes physiques ou morales chargées de la mise en œuvre des programmes sont accréditées par l'agence.
« Si les programmes d'apprentissage ou les supports relatifs à ces programmes ne respectent pas les dispositions de l'autorisation ou sont mis en œuvre par des personnes n'ayant pas obtenu l'accréditation délivrée en application du présent article, l'agence retire l'autorisation et, le cas échéant, ordonne l'arrêt immédiat des actions mises en place et le retrait des documents diffusés.
« Art. L. 1161-6. - Les modalités d'application du présent chapitre sont définies par décret en Conseil d'État.
« CHAPITRE II
« Dispositions pénales
« Art. L. 1162-1. - Est puni de 30 000 € d'amende le fait de mettre en œuvre un programme sans une autorisation ou accréditation prévues aux articles L. 1161-2 et L. 1161-5.
II. - Le chapitre Ier du titre II du livre V de la présente partie du même code est complété par un article L. 1521-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 1521-5. - Le titre VI du livre Ier de la présente partie est applicable dans les îles Wallis et Futuna sous réserve de l'adaptation suivante :
« À l'article L. 1161-2, les mots : «agence régionale de santé et de l'autonomie» sont remplacés par les mots : «agence de santé et de l'autonomie» ».
III. - L'article L. 5311-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'agence est également chargée du contrôle du respect des dispositions des autorisations et accréditations délivrées en application de l'article L. 1161-5. »
IV. - Les promoteurs de programmes d'éducation thérapeutique du patient déjà mis en œuvre avant la publication de la présente loi ont jusqu'au 1er janvier 2011 pour obtenir l'autorisation de ces programmes auprès des agences régionales de santé et de l'autonomie compétentes.
V. - Un rapport sera présenté au Parlement avant le 31 décembre 2010 sur les conditions de mise en œuvre de la création d'un fonds national pour le développement de l'éducation thérapeutique du patient.
M. le président. La parole est à M. François Autain, sur l'article.
M. François Autain. Je ferai un bref rappel historique de l’article 22.
Afin d’optimiser leur stratégie commerciale face à une relative stagnation des ventes de médicaments, les firmes pharmaceutiques ont souhaité voir leurs programmes dits « d’aide à l’observance » ou encore « d’accompagnement des patients » légalisés ; il s’agit de programmes d’assistance auprès de certains patients.
En février 2007, Xavier Bertrand, alors ministre de la santé et des solidarités, avait retiré d’un texte en discussion les dispositions qui prévoyaient de reconnaître ces programmes et qui avaient rencontré l’opposition des syndicats de médecins, des parlementaires et d’associations telles que l’UFC-Que Choisir.
Le ministre de la santé a saisi l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, pour réaliser un rapport sur ce sujet. Achevé en juillet 2007, ce rapport n’a été rendu public qu’en février 2008 par la ministre de la santé qui lui a succédé.
Nicolas About, qui avait été très actif pendant les débats, …
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. François Autain. … s’est proposé de rédiger une proposition de loi sur ces programmes. Elle était attendue avant l’été 2008, en vain. Nous le déplorons, mais le président de la commission nous donnera peut-être tout à l'heure les raisons précises pour lesquelles il y a renoncé.
Les conclusions du rapport de l’IGAS sont claires.
L’IGAS reconnaît que les motivations et les enjeux commerciaux des firmes sont tels qu’il convient de protéger les patients, notamment en maintenant l’interdiction de tout contact direct et indirect – termes, madame la ministre, qui ne figurent malheureusement pas dans le projet de loi ! – des firmes avec ces patients. C’est pourquoi elle recommande aussi que la France défende cette interdiction au niveau européen.
Par ailleurs, elle décrit avec précision la stratégie de diversion développée par l’industrie pharmaceutique, notamment à travers le financement d’associations de patients destinées à peser sur les décisions publiques. Ainsi, à la page 34 du rapport, on peut lire : « L’industrie pharmaceutique intervient [...] dans le financement d’associations de malades, au point, parfois, de les créer de toutes pièces. Certaines associations soutenues se voient positionnées comme interlocutrices privilégiées par les institutions internationales, notamment par la Commission européenne. »
Elle recommande donc l’interdiction de tels programmes, y compris ceux qui existent déjà dans notre pays en dehors de tout cadre juridique, car ils constituent une forme déguisée de publicité directe auprès du public pour des médicaments de prescription. L’IGAS estime que ces programmes sont avant tout guidés par des considérations commerciales, la « fidélisation » des patients permettant d’augmenter le volume des ventes.
Sous couvert de répondre à l’objectif louable d’améliorer l’information des patients à travers l’éducation thérapeutique et les actions d’accompagnement, l’article 22 du projet de loi remet en cause le travail de l’IGAS.
Cet article fait la part belle aux associations de patients, sans faire le tri et sans prendre en compte les avertissements de l’IGAS. Il ne garantit pas non plus la protection des patients, puisqu’il autorise l’industrie à avoir des contacts indirects avec les sujets concernés, et renonce, en conséquence, à les protéger des intérêts commerciaux des industriels.
Dans ces conditions, cette disposition n’est pas de nature à fournir aux patients une aide désintéressée et à accompagner, pour les rendre plus autonomes, ceux dont la pathologie nécessite un apprentissage et une aide. On est donc bien loin, hélas, de la démocratie sanitaire et de la défense de l’intérêt des patients !
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l'article.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Claude Jeannerot, inscrit sur cet article, mais retenu par des engagements pris de longue date, et qui m’a chargé de vous transmettre ces quelques réflexions.
Madame la ministre, nous ne pouvons que saluer votre volonté d’inscrire enfin l’éducation thérapeutique dans la loi française. Votre démarche est cohérente et répond à la définition que l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, donnait en 1998 de l’éducation thérapeutique, qui « a pour objet de former le malade pour qu’il puisse acquérir un savoir-faire adéquat, afin d’arriver à un équilibre entre sa vie et le contrôle optimal de sa maladie ».
L’éducation thérapeutique du patient est un processus continu qui fait partie intégrante des soins médicaux. Elle comprend la sensibilisation, l’information, l’apprentissage et le support psychosocial, tous liés à la maladie et au traitement. La formation doit aussi permettre au malade et à sa famille de mieux collaborer avec les soignants. L’enjeu de l’éducation est important, puisque 8 millions de Français sont pris en charge par le régime général de l’assurance maladie pour des affections de longue durée.
Aujourd’hui, des associations de malades entourent déjà ces patients, mais il est indispensable qu’elles puissent bénéficier d’un financement pérenne plutôt que de se demander, tous les ans, si leur budget sera reconduit.
En 2007, les affections de longue durée représentaient 65 % des remboursements de l’assurance maladie. Le nombre de personnes en affection de longue durée augmente actuellement de 4 % par an, ce qui représente près de 10 millions de personnes, auxquelles il convient d’ajouter les 18,5 millions de personnes qui souffrent d’une maladie chronique, soit, au total, plus de 28 millions de personnes, c'est-à-dire 44 % de la population.
Les programmes d’éducation thérapeutique ont une influence essentielle sur l’accompagnement des malades et la maîtrise de la consommation médicale. Or, accentuer la prévention est le moyen de réduire les dépenses pour les traitements médicaux. Le projet de loi reconnaît leur importance, mais ne définit ni les programmes ni les financements.
Les textes proposés par la commission pour les articles L. 1161-2 et L. 1161-3 du code de la santé publique prévoient que le contenu des programmes d’éducation thérapeutique du patient et les actions d’accompagnement seront définis par arrêté du ministre chargé de la santé. Nulle trace donc de la politique que vous souhaitez mener dans ce domaine !
J’ajoute que nous sommes également préoccupés par l’absence de dispositions précises concernant la formation et les compétences requises pour délivrer une éducation thérapeutique de qualité.
Le texte proposé par la commission pour l’article L. 1161-1 du code de la santé publique dispose que « les compétences nécessaires pour dispenser l’éducation thérapeutique du patient sont déterminées par décret ». Or, compte tenu de l’importance du sujet, du retard pris et du déficit global qu’accuse notre pays en matière de prévention, il nous semble important que le Parlement ne soit pas dessaisi de ces questions. Qui sera habilité à dispenser l’éducation thérapeutique? Sur la base de quelles compétences ? Pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter des précisions sur ces questions, qui, en tout état de cause, exigent que le Parlement soit consulté et puisse en débattre ?
Nous nous félicitons de constater que ce texte affirme, dès le départ, que l’éducation thérapeutique du patient fait partie de la prise en charge de celui-ci et de son parcours de soins. Le problème, c’est de mettre ces déclarations positives en pratique. À cet égard, nous avons quelques préoccupations.
À l’hôpital, comme en ville, les pratiques éducatives ne peuvent être rémunérées par le seul paiement à l’acte. À l’hôpital public, le rythme imposé par la T2A, la tarification à l’activité, et le désengagement financier de l’État a réduit les crédits et le temps dédié à la prévention.
La T2A implique une recherche de la rentabilité qui ne peut que nuire à la prévention, puisque ce sont les activités de l’hôpital qui déterminent ses ressources. Les difficultés sont du même ordre pour la médecine de ville, puisque le temps que les médecins consacreraient à l’éducation thérapeutique diminuerait d’autant celui qu’ils consacrent aux soins. Demander à des médecins de dégager du temps pour faire de l’éducation thérapeutique, c’est leur demander de diminuer le nombre de leurs actes, et donc d’amputer leurs revenus, ce qui est irrecevable.
Quelles sont vos propositions pour encourager les médecins à faire de l’éducation thérapeutique ? Ne pourrions-nous pas nous inspirer des préconisations issues des États généraux de l’organisation de la santé, tendant à élaborer un mode de rémunération complémentaire ?
Madame la ministre, nous n’émettrons pas de critiques sur cet article, mais nous souhaitons vraiment que les différents éléments de l’éducation thérapeutique soient mis en valeur, soutenus et financés.
Il faut encourager et développer cette approche qui conjugue plusieurs aspects, tels que l’éducation du patient pour sa santé, l’éducation du patient à sa maladie et les actions d’éducation liées au traitement préventif et curatif.
Pour garantir une éducation thérapeutique de qualité, il est primordial que le patient soit préservé de tout contact de nature promotionnelle, comme le souligne le rapport de l’IGAS de décembre 2007 consacré à « l’encadrement des programmes d’accompagnement des patients associés à un traitement médicamenteux, financés par les entreprises pharmaceutiques ».
Le président Obama est en train de réformer le système américain en s’inspirant de notre modèle ; nous ne devrions pas essayer d’américaniser le fonctionnement de notre système, alors même que nous avons pu voir les effets catastrophiques du leur.