M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. L’article 22 définit l’éducation thérapeutique du patient, c’est-à-dire la possibilité pour les personnes atteintes de pathologies longues ou chroniques de prendre en charge certains aspects de leur traitement.
Disons-le d’emblée, l’éducation thérapeutique est un élément important pour accompagner les traitements et conforter les droits des malades, mais ses effets thérapeutiques restent à prouver.
Elle mobilise autour du patient de nombreux acteurs : les personnels soignants, l’entourage du malade, les associations, les services du ministère, la Haute Autorité de santé, ou HAS, et les entreprises.
Plusieurs tensions travaillent les relations entre ces intervenants : la défiance réciproque entre les associations et les médecins, la volonté d’encadrement du ministère, le souhait des entreprises de promouvoir l’usage des médicaments et dispositifs qu’elles élaborent. Dès lors, un problème éthique se pose : celui de l’implication des entreprises dans l’éducation thérapeutique du patient.
À la suite du rapport présenté à Mme la ministre par M. Christian Saout, président du bureau du Collectif interassociatif sur la santé, trois niveaux de mise en œuvre ont été distingués. Pour résumer, il s’agit d’un niveau médical, les programmes d’éducation, d’un niveau associatif, les actions d’accompagnement, et d’un niveau entreprises, les programmes d’apprentissage.
Cette distinction repose sur une idée portée par les associations selon laquelle il est possible de séparer ce qui relève de la thérapeutique, qui serait réservé aux personnels soignants, et ce qui relève de l’information, qui pourrait être mis en œuvre par les associations.
Cette distinction n’est pas sans fondement, mais elle n’est pas absolue : l’information participe de la thérapeutique.
L’Assemblée nationale a estimé que les garanties éthiques offertes par le texte initial étaient insuffisantes et a donc rendu quasiment impossible la participation des entreprises aux différents programmes et actions. Cela a suscité une grande inquiétude des associations qui dépendent des entreprises pour leur financement.
M. François Autain. Ce n’est pas sain, tout cela !
M. Alain Milon, rapporteur. Dès lors que l’on interdit la participation des entreprises à l’éducation thérapeutique, il faudrait, pour être parfaitement logique, passer à un système de financement public. Mais il faut reconnaître que cela n’est pas réaliste et aurait pour conséquence immédiate de mettre fin aux programmes existants. Cette mutation brusque s’effectuerait donc au détriment des malades.
La commission des affaires sociales a donc cherché à trouver le moyen de garantir la séparation entre les entreprises et les patients, tout en tenant compte des souhaits exprimés par les associations.
La possibilité pour une entreprise d’élaborer un programme sera donc soumise à une triple condition : la participation des associations de patients et des professionnels de santé, une autorisation par l’Agence régionale de santé, ou ARS, et une évaluation par la HAS.
Par ailleurs, j’ai souhaité inclure l’observance dans la définition de l’éducation thérapeutique, sous l’appellation désormais consensuelle d’« adhésion aux traitements prescrits », et conservé le rapport demandé par l’Assemblée nationale sur la création d’un fonds national.
Sous réserve de certaines améliorations rédactionnelles, je pense que ce système est équilibré.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le président, je voudrais d’abord remercier les différents intervenants de la tonalité extrêmement positive de leur contribution.
Effectivement, avec cet article 22, nous introduisons une petite révolution conceptuelle dans nos politiques de santé publique, en y inscrivant l’éducation thérapeutique du patient.
Cette activité fait ainsi partie du parcours de soins des patients atteints de maladies chroniques et peut-être des autres, même si, à l’évidence, ce sont les premiers qui sont notre principal public.
L’enjeu de santé publique est majeur, car les maladies chroniques concernent aujourd’hui environ 15 millions de personnes, soit plus de 20 % de la population, et près de 60 %, voire 70 % dans quelques années, du total des remboursements d’assurance maladie.
Les programmes d’éducation thérapeutique du patient visent à aider les patients ou leur entourage – car le malade n’est pas seul ; il a une famille et des proches – à acquérir ou à maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer leur maladie de façon plus autonome, responsable, citoyenne, afin de devenir coacteurs de leurs soins.
Les actions d’accompagnement relèvent majoritairement du champ associatif. À ce propos, je veux saluer l’implication de très nombreuses associations.
Le Collectif interassociatif sur la santé, le CISS, a porté ce concept d’éducation thérapeutique et est à l’origine de nombre d’éléments contenus dans ce titre III. Dans ce domaine, comment ne pas évoquer aussi l’action d’associations comme la Ligue contre le cancer, qui accompagne les malades de façon remarquable ?
Ces actions d’accompagnement sont donc une assistance et un soutien aux malades et à leur entourage.
Par ailleurs, l’article 22 vise à encadrer les programmes d’apprentissage des gestes techniques complexes, tels que les modalités de préparation et d’autoadministration, pour l’utilisation de médicaments le nécessitant. C’est le cas de certains médicaments particulièrement innovants.
Ces programmes sont mis en œuvre par des professionnels de santé qui interviennent pour le compte d’un opérateur pouvant être financé par l’entreprise se livrant à l’exploitation du médicament, une association de patients, seule ou conjointement. Ils sont initiés par le médecin prescripteur lors de la consultation, après consentement du patient ou, le cas échéant, de sa famille.
Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale permettent d’inscrire l’éducation thérapeutique du patient, ETP, comme un élément de la prise en charge des personnes atteintes de maladies chroniques dans leur parcours de soins.
Elles permettent de définir les compétences pour dispenser l’ETP. Certains d’entre vous m’ont interpellée sur ces compétences : médicales, paramédicales, diététiques, en soins infirmiers, médicosociales aussi, nouvelle dimension introduite dans le parcours de soins pour connaître les aides et les accompagnements possibles, ainsi que les contraintes auxquelles sera soumis l’entourage. Les questions d’aide au logement ou au travail sont particulièrement importantes, comme on a pu le constater avec les malades atteints du sida.
Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale permettent encore de développer une offre d’éducation thérapeutique du patient de qualité, qui devra être conforme à un cahier des charges national – je réponds là à ceux d’entre vous qui s’interrogeaient sur l’articulation entre niveaux national et local – et dont la mise en œuvre sera concertée avec les acteurs concernés dans le cadre du projet régional de santé.
Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale permettent encore de ne pas rendre opposable l’éducation thérapeutique à un patient, celle-ci ne pouvant pas être la source de sanctions financières. Il est très important de respecter la liberté de la personne.
Elles permettent également de fournir aux ARS les outils conventionnels pour assurer le financement de ces programmes en vue d’un maillage territorial équilibré entre la ville et l’hôpital, en privilégiant, dans la mesure du possible, l’offre de proximité.
Pour répondre à la question de MM. Milon, Autain et de Mme Schillinger, j’indiquerai que nous voulons présenter au Parlement, avant le 30 décembre 2010, un rapport sur les conditions de mise en œuvre de la création d’un fonds national relatif au développement de l’ETP. Cette proposition, qui ressortait du rapport sur l’éducation thérapeutique, permettra, en quelque sorte, de créer l’étanchéité que vous appelez de vos vœux, monsieur Autain. Certes, la mise en œuvre de ce fonds présente quelques difficultés, mais c’est une idée que nous voulons expertiser.
Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale permettent aussi de structurer les actions d’accompagnement des patients sur la base d’un cahier des charges national, de clarifier et de circonscrire le rôle de l’industrie pharmaceutique dans les programmes d’éducation thérapeutique du patient et les actions d’accompagnement, ainsi que dans les programmes d’apprentissage. Ces derniers feront l’objet d’une autorisation délivrée par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS.
Cet article prévoit, en outre, des sanctions pénales pour les opérateurs qui ne respecteraient pas la procédure d’autorisation.
Madame Schillinger, vous avez raison, les professionnels de santé qui vont s’impliquer dans l’éducation thérapeutique des patients, ce que je souhaite, ne peuvent pas être rémunérés à l’acte. Précisément, le chemin que je propose pour le développement des modes de rémunération alternatifs trouve tout son sens dans ces programmes d’éducation thérapeutique.
Cela passe par les contrats d’amélioration des pratiques individuelles, ou CAPI, dont nous avons parlé hier soir. Les premiers ont été signés la semaine dernière. Les médecins qui s’engagent bénéficieront d’une rémunération supplémentaire. L’éducation thérapeutique est bien évidemment un élément qui pourra figurer dans ces contrats.
Grâce aux lois de financement de la sécurité sociale pour 2008 et pour 2009, et avec les missions régionales de santé, MRS, nous pouvons développer, dans six régions expérimentales, des maquettes de modes de rémunération alternatifs. J’ai d’ores et déjà donné les voies et les moyens de permettre ces autres financements, car, comme vous, je suis persuadée que le paiement à l’acte stricto sensu rendra très mal compte des nécessités de l’éducation thérapeutique.
Je vous remercie de vos contributions sur cet article fondamental.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 653 rectifié, présenté par MM. Vial, Pinton et Garrec, est ainsi libellé :
Remplacer la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1161-1 du code de la santé publique par trois phrases ainsi rédigées :
L'éducation thérapeutique, comme l'éducation pour la santé, a une mission de prévention et s'inscrit dans la promotion de la santé. Sa spécificité est qu'elle s'adresse à des patients et à leur entourage. Elle fait partie intégrante de la prise en charge du patient et de son parcours de soins.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 1258, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1161-1 du code de la santé publique, supprimer les mots :
fait partie de l'éducation pour la santé et
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet amendement vise à supprimer de la définition de l’éducation thérapeutique du patient la notion d’éducation pour la santé.
D’un côté, l’éducation thérapeutique est destinée à des malades et fondée sur un programme individuel personnalisé. De l’autre, l’éducation à la santé est une démarche collective de communication, de prévention primaire en direction de personnes en bonne santé, afin de leur faire acquérir des comportements adaptés pour conserver leur patrimoine santé.
Ces deux approches complémentaires reposent sur des concepts, des objectifs, des méthodes, des modes opératoires et des « personnes ressources » différents.
Je demande à votre Haute Assemblée de bien vouloir adopter cet amendement de clarification.
M. le président. L'amendement n° 790, présenté par MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1161-1 du code de la santé publique, après le mot :
partie
insérer le mot :
intégrante
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement fait partie d’une série qui vise à établir un principe général d’interdiction de tout contact direct ou indirect entre les laboratoires pharmaceutiques et les patients en matière d’éducation thérapeutique.
On pourrait se réjouir de voir l’éducation thérapeutique reconnue dans la loi. Malheureusement, elle n’occupe pas la place qu’elle devrait et, comme nous l’avons souligné dans notre intervention sur l’article 22, elle fait l’objet d’une rédaction encore trop floue et d’une définition réductrice, ce qui rend peu visible la politique que vous souhaitez mener dans ce domaine et ne garantit pas une bonne application pour le bien des malades.
Cela est évidemment accentué par le renvoi à des décrets sur des points aussi fondamentaux que la formation ou la compétence nécessaire pour dispenser l’éducation thérapeutique.
Il est important de bien distinguer « l’observance » ou l’accompagnement des traitements que peut mener l’industrie pharmaceutique concernant ses médicaments, et l’éducation thérapeutique.
Un récent rapport a montré combien l’éducation thérapeutique est un élément important de l’amélioration de la qualité de la prise en charge et de l’accompagnement des patients, plus particulièrement pour les maladies chroniques. Il faut encourager et développer cette approche qui conjugue plusieurs aspects, tels que l’éducation du patient pour sa santé, l’éducation du patient à sa maladie et les actions d’éducation liées au traitement préventif et curatif.
Contrairement à l’amendement que vous avez présenté et qui distingue l’éducation thérapeutique destinée aux malades de l’éducation à la santé destinée aux biens portants, nous pensons qu’il s’agit, au contraire, d’un ensemble imbriqué et complémentaire.
En d’autres termes, une politique pertinente et efficace en la matière doit fournir les moyens d’agir, en amont comme en aval, afin de permettre une démarche d’accompagnement et d’intervention adaptée aux différents aspects. C’est pourquoi nous vous proposons, avec cet amendement, de préciser que l’éducation thérapeutique fait bien partie intégrante de l’éducation à la santé.
M. François Autain. Le Gouvernement n’est pas d’accord !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 1258 du Gouvernement répond à un souci des associations. La commission a estimé que la mention n’était pas essentielle ; elle a donc émis un avis favorable.
Je note toutefois que, si l’éducation thérapeutique ne fait pas partie de l’éducation pour la santé, la participation de l’INPES dans ce domaine est problématique.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’Institut national de « prévention » et d’éducation pour la santé !
M. Alain Milon, rapporteur. Sur l’amendement n° 790 du groupe socialiste, puisque nous soutenons l’amendement du Gouvernement, notre avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Étant donné que l’amendement n°790 est diamétralement opposé à celui que j’ai moi-même déposé, vous comprendrez, monsieur le président, que mon avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. La question qui se pose est de savoir si l’éducation thérapeutique fait partie intégrante de l’éducation pour la santé.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elle en fait partie, c’est évident.
M. François Autain. Dans ce cas, pourquoi Mme la ministre demande-t-elle la suppression du membre de phrase qui précise justement ce point ? Je n’avais pas d’opinion tranchée sur le sujet, mais quelques recherches m’ont permis de trouver un rapport qui me semble faire autorité, en raison tant de son ancienneté que de la personnalité de celui qui l’avait demandé, M. Bernard Kouchner, alors ministre délégué à la santé.
M. Jean-Pierre Fourcade. A ce rythme-là, nous ne terminerons jamais !
M. François Autain. Ce rapport, commandé à Mme Brigitte Sandrin-Berthon, établissait que l’éducation thérapeutique faisait partie de l’éducation pour la santé. Vous noterez d’ailleurs qu’on ne parlait pas à cette époque « d’éducation à la santé ».
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est la même chose.
M. Jean-Pierre Fourcade. Évidemment !
M. Guy Fischer. Nous discutons sur le sexe des anges ! (Sourires.)
M. François Autain. Ce rapport, je le répète, me semble intéressant, ne serait-ce qu’en raison de la personnalité de son commanditaire. Il y est écrit que l’éducation thérapeutique fait partie de l’éducation pour la santé, qu’elle s’adresse aux patients et à leur entourage, qu’elle est intégrée aux soins et mise en œuvre par des professionnels de santé, en ville ou à l’hôpital, qu’elle est destinée plus particulièrement aux personnes atteintes de pathologies comme le diabète, l’épilepsie, l’asthme ou le cancer, qu’elle aide à assumer au quotidien leur maladie et ses conséquences sur la vie familiale, professionnelle et sociale, à gérer leur traitement, et à prévenir les complications et les rechutes, qu’elle concerne également les personnes qui présentent certains facteurs de risque, telle l’hypertension artérielle, qu’enfin elle est aussi mise en œuvre dans le cadre de la préparation à l’accouchement, puis de la maternité. Cette définition ne saurait être remise en cause.
C’est pourquoi je pense qu’il n’y a pas lieu de dissocier l’éducation thérapeutique de l’éducation pour la santé. Nous voterons donc contre cet amendement, même si, selon M. le rapporteur, il répond à une demande des associations. Nous ne sommes d’ailleurs pas contraints de respecter au pied de la lettre tout ce qu’elles demandent.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En effet !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je ne me lancerai pas dans un cours de sémantique, ni dans une controverse byzantine, mais je serai extrêmement pragmatique et opérationnelle. En tant que ministre de la santé, je souhaite rappeler la distinction entre ces démarches complémentaires, qui s’inscrivent effectivement toutes deux dans une perspective sanitaire. Il y a d’un côté ce qu’on appelle l’éducation à la santé. C’est une démarche collective, qui trouve son illustration dans les grandes campagnes, par exemple sur la contraception ou la prévention du sida. De l’autre côté, nous avons l’éducation thérapeutique. Je tiens à ce qu’il n’y ait pas de confusion.
Mme Isabelle Debré. Bien sûr !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il s’agit d’une démarche individuelle, au plus près du terrain et du malade. Elle ne relève d’ailleurs jamais d’une campagne collective classique d’éducation à la santé. Je vous demande donc de ne pas vous égarer dans une explication de texte – d’ailleurs dénuée d’intérêt puisque nous parlons tous de santé -, mais de bien différencier dans le texte les deux démarches. Bien sûr, nous pourrions nous adonner à des discussions philosophiques, mais faisons plutôt preuve de pragmatisme !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 790 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 654 rectifié, présenté par MM. Vial, Pinton et Garrec, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1161-1 du code de la santé publique, remplacer le mot :
et
par les mots :
, de lui faire acquérir des compétences de soins
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 519, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Au deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1161-1 du code de la santé publique, après le mot :
patient
insérer les mots :
ne relèvent que des seuls éducateurs et professionnels de santé et
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Selon une étude publiée par le Dr Brigitte Sandrin-Berthon, spécialiste de santé publique,…
M. Guy Fischer. …« l’éducation thérapeutique a pour but d’aider les patients à prendre soin d’eux-mêmes, à agir dans un sens favorable à leur santé et à leur bien-être ». Cette démarche s’inscrit dans un processus entamé de longue date : je pense par exemple à la charte d’Ottawa pour la promotion de la santé de 1986, destiné à favoriser l’émergence du concept de promotion de la santé, qui a nourri l’ensemble de la réflexion dans le domaine de la santé publique et a donné lieu à un rapport publié par l’OMS en 1996, intitulé Therapeutic Patient Education.
Cette notion formalise donc une activité qui était jusqu’à présent considérée comme allant de soi. Dans leur pratique quotidienne, les personnels soignants délivrent aux patients des conseils qu’ils répètent sans véritable méthode. Ainsi, la force de ce concept est de considérer que l’éducation thérapeutique, qui permet de lutter contre des maladies en général longues, souvent classées dans la catégorie des affections de longue durée, constitue le véritable prolongement du soin. Elle est indispensable tant au patient, à qui elle apprend à lutter contre sa maladie et à vivre avec elle, qu’au professionnel de santé, puisque le suivi régulier de la maladie par le patient lui-même permet de contrôler la progression de celle-ci.
En ce sens, l’ensemble des recherches menées sur le sujet l’atteste, l’éducation thérapeutique du patient constitue un prolongement du soin en tant que tel, au point que Jean-François d’Ivernois, professeur en sciences de l’éducation n’hésite pas à considérer que les programmes structurés d’éducation thérapeutique représentent à la fois un acte de soin et la continuité des soins.
M. Guy Fischer. C’est en nous appuyant sur cette réflexion, et en sachant que les intérêts de l’industrie pharmaceutique peuvent parfois être contraires aux objectifs recherchés par l’éducation thérapeutique, que nous proposons que seuls les éducateurs et les professionnels de santé soient habilités à dispenser l’éducation thérapeutique. Tel est le sens de notre amendement.
Notre inquiétude au sujet des pratiques de l’industrie pharmaceutique est d’ailleurs partagée, puisque les auteurs du rapport intitulé Pour une politique nationale d’éducation thérapeutique du patient - qui vous a été, madame le ministre, remis récemment - affirment que « l’industrie pharmaceutique se propose également de conduire des actions sous la dénomination de « programmes d’accompagnement des patients ».
M. Guy Fischer. Ils ajoutent que « ces derniers s’inscrivent dans une logique de bon usage du médicament, mais soulèvent des interrogations éthiques, stratégiques et opérationnelles ». Notre amendement nous paraît donc, comme tous ceux que nous déposons, très pertinent.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas toujours le cas !
M. Guy Fischer. Il permettrait de limiter la participation directe des représentants de l’industrie pharmaceutique qui ont, personne ne l’ignore, un grand intérêt à participer à de tels programmes. Il semblerait qu’ils y voient une forme de fidélisation de leur clientèle, ce que nous ne pouvons pas tolérer. Tel est d’ailleurs, madame la ministre, le sens de la proposition formulée par la Direction générale de la santé. Vous comprendrez donc que nous ayons un espoir, même mince, de voir notre amendement adopté.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il est déjà satisfait dans le texte de la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Il n’est pas certain que, en incluant les éducateurs, les auteurs de l’amendement atteignent leur objectif d’encadrement de l’éducation thérapeutique, parce qu’il n’existe pas de définition de l’éducateur. Il est vrai également que l’on ne saurait limiter aux seuls professionnels de santé l’exercice de l’éducation thérapeutique, ce qui reviendrait à en écarter les associations.
M. François Autain. Dans ce cas, il faut la supprimer !
M. Alain Milon, rapporteur. Il est donc préférable de s’en tenir à la rédaction actuelle. Notre avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je voudrais rappeler que, comme nous l’avons vu, l’éducation thérapeutique place les professionnels de santé au cœur du pilotage du dispositif. Comment pourrait-il en être autrement ? Mais elle appelle aussi, je l’ai déjà dit, une prise en charge globale du malade et de la maladie, ce qui implique d’autres intervenants. Nous avons parlé de l’accompagnement associatif et de la prise en charge médico-sociale, qui sont si importants pour les malades atteints de pathologies comme le sida. Or ils supposent l’intervention de travailleurs sociaux et de psychologues. Par conséquent, réserver la prise en charge de l’éducation thérapeutique aux seuls professionnels de santé serait trop réducteur. Lorsque vous avez évoqué les programmes dans lesquels intervient l’industrie pharmaceutique, je crois que vous avez commis une erreur : il ne s’agit pas des programmes d’accompagnement, mais des programmes d’apprentissage, ce qui est très différent.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En effet !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’industrie pharmaceutique intervient dans le cadre de programmes d’apprentissage lorsque sont en cause des produits sophistiqués qui exigent du patient un certain savoir-faire pour prendre son traitement. Or qui mieux que le fabricant, celui qui a mis au point le processus, peut apprendre au consommateur malade à s’en servir ? C’est une évidence. Il existe bien sûr des dispositifs d’encadrement. La loi fixe un cadre pour la mise en œuvre de cette éducation thérapeutique du patient, définit les compétences spécifiques de chacun et, comme je l’ai dit, pose des garde-fous. Chacun doit rester à sa place, et c’est pourquoi je suis opposée à l’amendement n° 519.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous voulions, par cet amendement, préciser notre point de vue. Mais je souhaite également affirmer que cet amendement n’est pas dirigé contre les associations, dont nous reconnaissons le bien-fondé de la participation à l’accompagnement des patients. Ce que nous dénonçons en premier lieu, c’est leur mode de financement.
Aujourd’hui, nous savons que, compte tenu de la faiblesse des moyens dont disposent les associations, les fonds en provenance des laboratoires pharmaceutiques constituent une source de financement non négligeable pour un certain nombre d’entre elles. J’ai déjà été sollicité, et je les ai reçues à plusieurs reprises, par des associations qui luttent contre le sida et mènent de longue date une action sérieuse dans ce domaine : je ne m’élève pas contre elles.
Si l’on pouvait à la fois clarifier leurs ressources et leur donner d’autres sources de financement que celles qui viennent des laboratoires pharmaceutiques, nous aboutirions à l’objectif que nous recherchons.
Même si nous savons que notre amendement ne sera pas adopté, je tenais à apporter ces précisions pour éviter qu’il n’y ait des confusions et pour affirmer que nous continuerons à soutenir les associations. Malgré tout, la question du financement reste pendante.