M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. J’aimerais tout d’abord revenir sur des idées largement répandues, mais qui sont erronées.
Ce matin, l’un de nos collègues a prétendu que les études de médecine coûtaient cher à l’État. Nous avons expliqué que tel n’était pas le cas.
Par ailleurs, je viens d’entendre affirmer, sur les travées de la gauche, que les médecins tireraient en fait l’essentiel de leurs ressources des deniers publics !
M. François Autain. Absolument !
M. Alain Milon, rapporteur. C’est faux !
M. François Autain. C’est la couverture socialisée !
M. Alain Milon, rapporteur. La sécurité sociale a été mise en place non pas pour payer le médecin, mais pour rembourser le patient ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est incroyable d’entendre cela !
M. Alain Milon, rapporteur. Elle a été créée pour rembourser le patient du coût des soins qu’il peut recevoir d’un médecin.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans les pays où il n’y a pas de sécurité sociale, combien y a-t-il de médecins ?
M. Alain Milon, rapporteur. Ma chère collègue, vous n’allez tout de même pas vous plaindre du nombre de médecins en France !
J’en reviens à l’article 18. Il touche à un point sensible, celui des discriminations, qui sont une difficulté réelle en matière d’accès aux soins pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle, de la couverture maladie universelle complémentaire ou de l’aide médicale d’État.
La sanction de ces comportements contraires à la déontologie professionnelle doit être renforcée, et c’est ce qui justifie l’intervention des caisses d’assurance maladie. La commission des affaires sociales n’a pas souhaité revenir sur ce point. De plus, elle a proposé que la conciliation ne soit pas obligatoire dans les cas de récidive. Enfin, elle a clarifié la procédure, estimant en effet qu’il serait préjudiciable à son efficacité de l’alourdir en multipliant les intervenants potentiels.
La condamnation du refus de soins ne peut être qu’unanime.
M. François Autain. Hypocrisie !
M. Alain Milon, rapporteur. Pour préciser nos débats, je tiens à rendre aux faits leurs justes proportions. Comme l’a souligné M. Chadelat dans son rapport remis en novembre 2006, qui se fonde sur les relevés d’activité des médecins dont disposent les caisses primaires d’assurance maladie, le refus de soins est cantonné à certaines spécialités, dans certaines zones géographiques. Il relève le chiffre de 171 omnipraticiens n’ayant aucun patient bénéficiaire de la CMU dans leur clientèle, soit 0,29 % des généralistes. Cela signifie que, pour 99,7 % des généralistes, la part des bénéficiaires de la CMU, de la CMU-C ou de l’AME parmi leurs patients se rapproche plus ou moins de leur proportion au sein de la population. Le refus systématique de soins est donc le fait d’une petite minorité.
Dès lors, il me paraît que la pratique dite du testing ferait peser un soupçon injuste sur les médecins, d’autant que le caractère démonstratif de ces méthodes n’est pas prouvé et que les résultats obtenus ont d’abord vocation à susciter un écho médiatique, comme le montre la dernière campagne menée par les associations afin d’influer sur nos débats.
Cette campagne a d’ailleurs fait la preuve que ceux qui veulent pratiquer le testing n’ont pas besoin de la loi pour le faire, ce qui justifie que la commission des affaires sociales en ait supprimé la mention à l’article 16.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, sur l'article.
Mme Isabelle Debré. Je pense que nous sommes tous d’accord…
M. François Autain. Non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument pas !
Mme Isabelle Debré. Laissez-moi finir !
M. Christian Cambon. Ils veulent toujours avoir raison !
Mme Isabelle Debré. Nous sommes au moins tous d’accord pour dire que tout le monde a les mêmes droits, dont celui de se faire soigner. Mais cela implique que tout le monde a aussi les mêmes devoirs.
Sans entamer une polémique, je voudrais confirmer les propos de ma collègue Catherine Procaccia.
J’ai moi aussi mené une petite enquête dans mon département, celui des Hauts-de-Seine.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez fait du testing ?
Mme Isabelle Debré. Il en est ressorti que le problème essentiel, s’agissant des patients titulaires de la CMU, réside dans le paiement des médecins par les caisses d’assurance maladie. Voilà quelques instants encore, un orthoptiste me confiait que le règlement de la consultation pouvait prendre de trois à six mois dans ce cas.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas une raison pour pénaliser les malades !
Mme Isabelle Debré. Malgré cela, ce professionnel n’a jamais refusé, je m’en porte garante, de recevoir un bénéficiaire de la CMU.
Des consignes devraient être données pour accélérer un peu les règlements par la caisse primaire d’assurance maladie. Il n’y a en effet aucune raison qu’un praticien attende six mois le règlement d’une consultation. Si tout se passait bien, aucun médecin ne refuserait de recevoir les bénéficiaires de la CMU !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On pourrait s’en assurer en faisant un testing avant et après !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’article 18 est extrêmement important.
Le code de déontologie encadre et réprime le refus de soins, qui constitue une pratique particulièrement grave contre laquelle il faut lutter avec une détermination sans faille. Elle touche en effet les assurés les plus fragiles, c’est-à-dire les bénéficiaires de la CMU-C, de l’aide médicale d’État ou de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS. L’article 18 vise à renforcer les sanctions contre ces comportements inadmissibles.
Pour intensifier la lutte contre les refus de soins, il est prévu d’interdire très clairement toute discrimination financière ou sociale, en visant explicitement les refus de soins à l’encontre des bénéficiaires de la CMU-C, de l’AME et de l’ACS. L’article 18 complète également l’article L. 1110-3 du code de la santé publique en visant directement les critères du code pénal, à savoir l’origine, le sexe, les mœurs, l’âge, le handicap, l’appartenance à une ethnie, à une nation ou à une religion, etc.
Il est en outre prévu de mettre en place une conciliation préalable – c’est une initiative de l’Assemblée nationale –, qui n’interviendra pas en cas de récidive – c’est une modification du dispositif apportée par la commission des affaires sociales du Sénat –, par une commission mixte réunissant des représentants du conseil de l’ordre professionnel concerné et de l’assurance maladie devant laquelle le professionnel incriminé devra s’expliquer. L’échec de cette conciliation entraînera la saisine de la chambre disciplinaire ordinale par le conseil de l’ordre. Si ce dernier ne transmet pas la plainte, les directeurs de caisse pourront sanctionner directement les professionnels de santé par des pénalités financières, après avis d’une commission des pénalités composée en partie de professionnels de santé, et ce dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale.
À ma demande, le Gouvernement avait inséré dans le projet de loi initial la possibilité d’apporter des éléments de preuve en ayant recours au testing. Pourquoi avais-je besoin de ce fondement juridique ?
Quand des opérations de testing sont menées à la demande de la HALDE, la discrimination est établie par des faits : on peut constater que quelqu’un s’est vu refuser la location d’un appartement ou une embauche en raison de la couleur de sa peau. En revanche, en milieu médical, la personne qui procède au test n’est ni malade ni réellement bénéficiaire de la CMU-C, de l’AME ou de l’ACS.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la même chose avec l’envoi de CV !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La HALDE m’avait donc demandé de donner un fondement juridique à cette pratique en milieu médical.
Le testing est une technique qui permet de mieux protéger les plus défavorisés, en leur permettant de prouver plus facilement la discrimination dont ils ont été victimes, mais aussi, je tiens à le souligner, les professionnels, contre des accusations abusives. Le testing est en effet un moyen d’apporter les éléments objectifs permettant à ces derniers de se disculper définitivement.
M. le rapporteur l’a dit, dans certaines zones géographiques et dans certaines spécialités, les refus de soins représentent certes un phénomène important, mais, rapportés à l’ensemble de la population médicale, ils ne concernent qu’une proportion très faible des praticiens. Je ne vois d’ailleurs pas ce qui fait peur aux médecins, puisqu’ils disent eux-mêmes qu’ils ne refusent pas de recevoir les bénéficiaires de la CMU, de l’ACS ou de l’AME. Le testing prouvera qu’ils respectent la loi et leur permettra même de se disculper d’éventuelles accusations abusives.
À ce propos, l’argument selon lequel certains médecins refuseraient de soigner les titulaires de la CMU ou de l’AME en raison de retards de paiement des consultations ne me paraît pas recevable. Le rôle social du médecin est d’accueillir des personnes en difficulté, et il faut savoir que les bénéficiaires de la CMU représentent moins de 8 % de la population.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui, vous vous rendez compte !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Leurs consultations sont donc loin de constituer la plus grande part de la rémunération des médecins, et le fait que le paiement par la caisse d’assurance maladie intervienne avec un peu de retard…
Mme Catherine Procaccia. Un peu ? Ce n’est jamais remboursé !
M. François Autain. Les médecins ont des problèmes de trésorerie, c’est bien connu !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cela étant, un médecin a parfaitement le droit de refuser de continuer de traiter un patient, qu’il relève ou non de la CMU, quand sa relation avec celui-ci est gravement perturbée, en cas par exemple de violences physiques, de menaces verbales ou d’absence réitérée aux rendez-vous. Si ce patient est titulaire de la CMU ou de l’AME, comment le médecin pourra-t-il prouver qu’il ne s’agit pas d’une discrimination ? C’est impossible ! Son attitude sera considérée comme répréhensible alors même que l’arrêt du traitement était fondé sur des éléments objectifs. Avec le testing, le médecin aurait les moyens de se disculper définitivement. Pour ma part, je suis une militante de cette technique, qui protège tant les malades que les médecins.
Monsieur le rapporteur, je ne vous suis pas dans votre argumentation lorsque vous dites que ce qui s’est passé avec le CISS invalide la démarche législative. C’est le contraire ! En refusant d’encadrer par la loi le testing et de l’organiser en concertation avec les professionnels de santé, on s’expose à ce que des associations le pratiquent de manière sauvage, sans contrôle, au détriment des médecins !
M. François Autain. Elle a raison !
M. Jacky Le Menn. C’est vrai !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En effet, je peux vous garantir que, avant deux ans, les magazines qui titrent sur le classement des lycées ou sur la cote de l’immobilier en Île-de-France dénonceront en couverture « les médecins qui refusent de soigner les pauvres » !
Le Gouvernement a pris acte que la représentation nationale n’avait pas entendu son message. Je le regrette, parce que la transparence et la défense des plus vulnérables d’entre nous se situent au cœur de mon engagement et de mon combat politique, mais je ne déposerai pas d’amendement visant à réinscrire le testing dans le projet de loi.
M. Gilbert Barbier. Très bien !
M. François Autain. C’est dommage !
M. le président. L'amendement n° 569, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du I de cet article :
« Un professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne en raison de ses mœurs, de sa situation de famille, de son handicap ou de son état de santé, de son origine ou de son appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, pour tout autre motif visé au premier alinéa de l'article 225-1 du code pénal ou au motif qu'elle est bénéficiaire de la protection complémentaire ou du droit à l'aide prévus aux articles L. 861-1 et L. 863-1 du code de la sécurité sociale, ou du droit à l'aide prévue à l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles. »
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement tend à revenir à la rédaction du projet de loi antérieure à l’examen du texte par la commission des affaires sociales.
Certes, les éléments que nous présentons comme constitutifs d’actes de discrimination dans l’accès aux soins sont déjà visés dans le code pénal, notamment en son article 225-1, auquel nous faisons référence dans notre amendement afin de ne rien omettre.
Toutefois, il nous a semblé qu’il était préférable de faire explicitement mention, dans l’article 18, des actes constituant une discrimination illégale, afin de permettre aux personnes qui s’estimeraient victimes d’une discrimination en matière d’accès aux soins de trouver dans cet article tous les éléments pertinents. Il s’agit en somme de simplifier sinon le droit, du moins sa lecture par les personnes qu’il est censé protéger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission estime qu’une véritable simplification consiste à renvoyer au code pénal, dont les dispositions sont plus largement connues. De plus, ce renvoi permettra d’éviter l’éventuelle apparition, au fil du temps, de différences de rédaction entre les dispositions du code de la santé publique et celles du code pénal, qui seraient cause d’incompréhension et de complexités juridiques importantes.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 491, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase du troisième alinéa du I de cet article :
Toute personne qui s'estime victime d'un refus de soins illégitime peut soumettre les faits qui permettent d'en présumer l'existence directement au directeur de l'organisme local d'assurance maladie ou au conseil départemental de l'ordre professionnel compétent ou par l'intermédiaire des associations mentionnées à l'article L. 1114-1.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le rapporteur, vous savez très bien que c’est grâce au financement socialisé de la santé que la grande majorité de nos concitoyens ont accès aux soins, même si beaucoup renoncent à certains soins en raison de l’évolution de notre système de sécurité sociale. Sans ce financement socialisé, qui place la France dans une situation avantageuse, en matière de santé, par rapport à d’autres pays ayant suivi des voies différentes, nous compterions beaucoup moins de médecins sur notre territoire. Tout le monde le sait ! Il suffit d’établir des comparaisons simples entre les pays très développés dotés d’un système de financement public et les autres pour s’en convaincre. Dire qu’il est faux d’affirmer que les médecins, en France, ne vivent pas du financement public n’est donc pas admissible !
En ce qui concerne l’amendement n° 491, il a pour objet de permettre aux personnes qui s’estiment victimes d’un refus de soins répréhensible au sens de l’article 18 de disposer d’un droit de saisine par le biais des associations qui les représentent dans les instances de santé publique.
Cette disposition nous semble propre à recevoir l’approbation de la majorité du Sénat, voire à faire l’unanimité, car elle tend à transposer dans le domaine de la santé des mécanismes de représentation qui existent déjà dans d’autres secteurs, comme le travail ou le logement.
Quand j’entends certains de nos collègues, je me demande si les bailleurs ou les gérants de boîte de nuit ou de salle de spectacles, qui font déjà l’objet d’opérations de testing de la HALDE, ne vont pas exiger leur interdiction. En effet, je ne vois pas pourquoi ils accepteraient d’être soumis à cette pratique alors que les professionnels de santé s’insurgent contre ce qu’ils considèrent comme une atteinte à leur liberté de travail !
M. le président. L'amendement n° 745, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du troisième alinéa du I de cet article, après le mot :
concerné
insérer les mots :
ou son organisme d'assurance maladie complémentaire qui retransmettra sa demande à l'une des deux instances précitées dans un délai et selon des modalités fixées par décret,
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Cet amendement relève du même esprit que le précédent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 491 tend à ouvrir la saisine aux associations de patients. La commission a émis un avis défavorable.
L’amendement n° 745 vise à ouvrir la saisine aux assurances complémentaires pour les plaintes en matière de discrimination. La procédure nouvelle fait déjà intervenir les organismes locaux d’assurance maladie à côté des ordres professionnels. Cette disposition semble suffisante pour garantir que les dossiers seront instruits et il n’y a pas lieu de multiplier les acteurs susceptibles d’intervenir dans la procédure.
La commission a également émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je rappelle que le décret du 27 mars 2007 prévoit que les actions contre un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme peuvent désormais être introduites devant la chambre disciplinaire de première instance par les associations de défense des droits des patients.
Il est effectivement important de viser les associations de défense des droits des personnes malades et des usagers du système de santé. Si les plaintes sont finalement si peu nombreuses, c’est que les personnes les plus démunies, les plus fragiles, vivant dans la plus grande précarité, ont beaucoup de mal à faire valoir leurs droits parce qu’elles sont en général très isolées.
Cela étant, dans cette affaire, il faut marcher sur une ligne de crête, en préservant le principe de l’action sur l’initiative de la victime, afin qu’il y ait un réel intérêt à engager les poursuites, tout en permettant aux associations de défense des droits des malades et des usagers du système de santé ou de lutte contre les discriminations d’accompagner cette action en aidant l’intéressé à établir et à étayer son dossier, par exemple, ou encore en signalant les faits qu’elles auraient constatés.
Je suis défavorable à l’amendement n° 745, car il ne serait vraiment pas de bonne gestion d’inscrire dans la loi qu’un organisme n’ayant aucune prérogative d’action en la matière pourra recevoir les plaintes. Cela pourrait même créer de la confusion.
Néanmoins, un organisme complémentaire peut parfaitement informer ses adhérents sur les possibilités d’action existantes et réorienter, avec l’accord du patient, des plaintes qui lui seraient parvenues par erreur.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 491.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dommage !
M. le président. L'amendement n° 492, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après la deuxième phrase du troisième alinéa du I de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que le refus en cause est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Avec cet amendement, nous entendons revenir à la rédaction initialement présentée par le Gouvernement, que nous estimons, pour ce qui est de la lutte contre la discrimination, préférable aux rédactions établies par l’Assemblée nationale ou par la commission des affaires sociales du Sénat.
En effet, nous considérons que l’inversion de la charge de la preuve en matière de discrimination était un aménagement de nos règles procédurales souhaitable, puisque les discriminations sont par nature difficiles à prouver. Il est au contraire plus aisé, pour le professionnel de santé, de prouver que son refus de soigner un patient ne s’est pas fondé sur une discrimination illégale.
Au-delà, la rédaction du Gouvernement nous semblait conforme à l’évolution de notre droit, intervenue notamment sous l’impulsion de la législation européenne. En effet, la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations prévoit un aménagement de la charge de la preuve qui oblige l’employeur accusé de discrimination à prouver que sa décision n’est pas fondée sur un motif discriminatoire. Ce régime est plus favorable à la partie demanderesse, qui se heurtait jusqu’alors à l’obligation de la preuve.
Cet aménagement, cantonné jadis au droit du travail et au code civil, tend aujourd’hui à concerner l’ensemble du droit positif de notre pays, notamment depuis l’adoption par le Sénat et l’Assemblée nationale de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, puisque toute personne s’estimant victime d’une discrimination directe ou indirecte peut se contenter de présenter devant la juridiction civile compétente les faits qui permettent de présumer l’existence de cette discrimination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’inversion de la charge de la preuve fait peser sur le médecin une obligation de démontrer sa bonne foi qui est particulièrement difficile à assumer. (M. François Autain s’exclame.)
De plus, cette disposition fait en elle-même peser un soupçon infondé sur les professionnels de santé.
À propos d’une telle inversion de la charge de la preuve envisagée, concernant les femmes enceintes, par un projet de directive communautaire, notre collègue Annie David a estimé, dans son rapport établi au nom de la commission des affaires sociales, que « des faits qui laissent simplement présumer l’existence d’une faute ne peuvent suffire à prouver l’existence de celle-ci et qu’en méconnaissant cette règle et en imposant un renversement de la charge de la preuve dans les cas de contentieux concernant son application, la proposition de directive remet en cause le principe de la présomption d’innocence, principe fondamental de la République ».
Je réclame le bénéfice de cette analyse pour les médecins, et j’émets donc un avis défavorable sur l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 748, présenté par MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du troisième alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
peut le convoquer dans un délai d'un mois
par les mots :
le convoque dans un délai de quinze jours
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 748 est retiré.
L'amendement n° 785, présenté par MM. Le Menn, Godefroy et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mmes Ghali et Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du I de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Cette disposition est applicable également quand le refus est commis à l'encontre d'une personne ayant sollicité les soins dans le but de démontrer l'existence du refus discriminatoire.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Cet amendement vise à rétablir la possibilité du recours à la méthode dite du testing, c’est-à-dire la possibilité de pratiquer des tests aléatoires pour démontrer l’existence d’un refus discriminatoire.
Je demande un scrutin public sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Nous nous sommes déjà longuement exprimés sur ce point : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Depuis le début de l’examen de ce texte, je constate que certains, dont, semble-t-il, le Gouvernement, considèrent que le code de déontologie ne suffit plus et qu’il faut prévoir des dispositions législatives pour le renforcer et veiller à son application.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Malheureusement !
M. Alain Vasselle. Dans ces conditions, le code de déontologie conserve-t-il encore sa raison d’être ? Pourquoi faut-il renforcer ses dispositions ? Une évolution du comportement des médecins français justifie-t-elle cette suspicion à leur égard quant au respect du code de déontologie ?
Par ailleurs, j’ai entendu Mme la ministre faire valoir que le testing avait pour objet de protéger les intérêts des patients, notamment des bénéficiaires de l’AME ou de la CMU-C, mais également ceux des médecins.
Or l’Assemblée nationale, en supprimant l’inversion de la charge de la preuve, a contribué à protéger le médecin, en laissant au patient le soin de démontrer qu’il a effectivement été victime d’une discrimination.
Le texte de l’Assemblée nationale me semble donc avoir permis de répondre, au moins en partie, aux préoccupations de Mme la ministre, qui souhaite protéger les médecins contre les accusations abusives de certains patients.
Nous verrons, à l’usage, s’il y a lieu d’aller plus loin. À ce stade, il me paraît sage de s’en tenir au texte équilibré de la commission.