Article 13
I. - L'article 39 bis A du code général des impôts est ainsi modifié :
A. - Le 1 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « générale », sont insérés les mots : « , soit un service de presse en ligne reconnu en application de l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, consacré pour une large part à l'information politique et générale » ;
2° Le a est ainsi modifié :
a) Après le mot : « exploitation », sont insérés les mots : « du service de presse en ligne, » ;
b) Après la première et la troisième occurrences du mot : « entreprises », les mots : « de presse » sont supprimés ;
c) Après le mot : « alinéa », sont insérés les mots : « ou l'exploitation d'un service de presse en ligne mentionné au même alinéa » ;
3° Au b, les mots : «, extraites du journal ou de la publication, » sont supprimés ;
4° Après le b, il est inséré un c ainsi rédigé :
« c) Dépenses immobilisées imputables à la recherche, au développement technologique et à l'innovation au profit du service de presse en ligne, du journal ou de la publication. » ;
B. - Le 2 est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « publications », sont insérés les mots : « et pour les services de presse en ligne reconnus » ;
2° Après la première phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Pour l'application de la phrase précédente, la limite est calculée, pour les entreprises exploitant un service de presse en ligne reconnu et exerçant d'autres activités, à partir du seul bénéfice retiré de ce service de presse en ligne » ;
C. - Au 2 bis, les mots : « mentionnées aux 1 et 2 qui sont regardées » sont remplacés par les mots : « et des services de presse en ligne mentionnés aux 1 et 2 qui sont regardés » ;
D. - Au dernier alinéa du 3, après les mots : « des publications », sont insérés les mots : « et pour les services de presse en ligne reconnus ».
II. - Le I s'applique aux exercices clos à compter de la publication de la présente loi – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 13
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par MM. Renar, Ralite et Voguet, Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé un conseil pluraliste réunissant des auteurs, des artistes, des écrivains, des journalistes, des chercheurs, des juristes, des architectes, des informaticiens, des représentants des internautes, des fournisseurs d’accès, des industriels, des parlementaires et les pouvoirs publics. Ce conseil élabore de manière collégiale la définition des conditions de rémunération des auteurs à l’heure numérique.
Les conditions de désignation des membres du conseil sont fixées par décret.
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Par cet amendement, nous proposons la création d’un conseil véritablement pluraliste pour discuter de la manière de rémunérer justement le travail des auteurs à l’heure de l’économie numérique et des échanges qu’elle permet et provoque.
Je dis « véritablement pluraliste » parce que, jusqu’ici, les discussions qui ont eu lieu, notamment celles qui ont abouti aux accords Olivennes, ne l’étaient pas. Nombre d’acteurs ont été laissés en dehors d’un débat qui les concernait au premier chef. Ces accords Olivennes sont fondamentalement des accords d’industriels, et non des accords de société, qui étaient pourtant nécessaires sur une question aussi importante que celle du droit d’auteur.
Le résultat, c’est que, à l’issue de longues heures de discussions, rien n’est véritablement réglé, les positions s’étant parfois fortement durcies de part et d’autre et la plus grande des confusions régnant autour d’un projet de loi dont tout le monde, quelles que soient par ailleurs les opinions, s’accorde à reconnaître qu’il est inapplicable.
Si la page de ce texte est, d’une certaine manière, déjà tournée avant que d’avoir été vraiment lue, en raison de ce caractère inapplicable, nous proposons, avec cet amendement, la page qui permettra d’écrire la règle véritablement commune de la création à l’heure d’internet, celle d’une réelle concertation, la plus équilibrée possible, c’est-à-dire la plus pluraliste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. L’idée avancée par les auteurs de cet amendement est, certes, intéressante, mais elle n’a pas de portée législative. Rien n’empêche, en effet, qu’une réunion des partenaires, notamment de ceux qui ont signé les accords de l’Élysée, puisse dans l’avenir voir le jour et suivre les évolutions dans ce domaine.
Dans ces conditions, nous avons émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Je comprends bien les intentions qui animent les auteurs de cet amendement, mais j’ai déjà fait part de ma volonté d’ouvrir une nouvelle phase de concertation, précisément sur les nouvelles ressources des créateurs, leur répartition entre les artistes et les producteurs, le développement des nouvelles offres légales et l’« explosion » des indépendants. Je souhaite y associer tous les acteurs, y compris, bien entendu, le Parlement.
Il ne me semble donc pas nécessaire de créer un conseil de plus, d’autant que ce qui est préconisé par les auteurs de l’amendement n’est pas d’ordre législatif.
Au demeurant, je vous le rappelle, existe déjà le CSPLA, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, où sont représentés aussi bien les créateurs que les fournisseurs d’accès à internet.
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. Nous soutenons avec enthousiasme l’appel lancé par nos collègues du groupe CRC-SPG.
Nous souhaitons par ailleurs, madame la ministre, que la nouvelle phase de concertation que vous avez évoquée soit lancée très rapidement et qu’on ne perde pas une fois de plus deux ou trois ans avant d’entamer les discussions. C’est tout de suite qu’il faut mettre en place une instance de dialogue et c’est pourquoi nous voterons cet amendement.
M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi, qui va s’achever dans quelques instants a connu quelques… péripéties. En vérité, les événements qui se sont produits à l’Assemblée nationale n’honorent pas forcément le Parlement dans son ensemble : ils ont donné prise aux arguments des imbéciles et des adversaires de la démocratie, qui les utilisent pour discréditer le travail législatif, alors que l’immense majorité des parlementaires, de tous bords, travaille sérieusement. Je regrette donc vivement qu’un tel incident ait pu avoir lieu. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur le banc de la commission.)
M. Jean-Pierre Plancade. Pour le reste, le texte que nous nous apprêtons à voter nous donne l’impression d’être une sorte de ligne Maginot. On comprend bien qu’il n’est pas facile de légiférer en cette matière. Pouvions-nous faire autrement ? Probablement ! Pouvions-nous faire mieux ? Je ne sais pas !
Quoi qu’il en soit, par-delà le texte lui-même et ses imperfections, dont nous sommes conscients, il était nécessaire d’envoyer un signe aux créateurs,…
Mlle Sophie Joissains. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. …de leur apporter notre soutien.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Plancade. Il importait également d’envoyer un message clair aux fournisseurs d’accès à internet et à l’ensemble de la population : nous ne laisserons plus faire n’importe quoi sur la Toile ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mlle Sophie Joissains. Bravo !
M. Jean-Pierre Plancade. Mes chers collègues, le RDSE s’apprête à voter ce texte sans états d’âme. Il ne jouera pas, contrairement à ce que j’ai pu entendre, un rôle de « supplétif ». Pour ma part, j’ai beaucoup de compassion intellectuelle pour ceux qui, dans un premier temps, ont voté pour et qui, aujourd’hui votent contre ou s’abstiennent.
La quasi-totalité des membres du RDSE votera ce texte, car ce groupe est composé de femmes et d’hommes libres. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je déplore que ce projet de loi, de nature technique, ait conduit à un clivage politique, la gauche étant supposée nécessairement s’y opposer et la droite, non moins nécessairement le soutenir. Selon moi, la démocratie aurait gagné à ce que la situation soit plus « pacifiée », d’autant que les torts sont partagés entre la droite et la gauche.
Si, comme vient de le dire notre collègue M. Plancade, ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale n’était pas très positif pour l’image de la démocratie, il faut savoir que, parmi les députés de la majorité, un certain nombre a délibérément refusé de participer au vote, afin de ne pas cautionner des dispositions sur lesquelles ils n’étaient pas d’accord. D’ailleurs, hier encore, quarante parlementaires de la majorité ont refusé, malgré les amicales pressions dont ils ont fait l’objet, d’apporter leur caution à ce projet de loi.
Dans de telles affaires, on aboutit bien souvent à la situation suivante : si vous appartenez à la majorité, vous appuyez sur tel bouton ; si vous appartenez à l’opposition, vous appuyez sur tel autre. Il ne faut pas s’étonner ensuite que les parlementaires désertent la séance publique ! En effet, un parlementaire ne devrait pas être un « presse-bouton », qui obéit purement et simplement aux instructions de son parti politique. C’est en tout cas ma conception de la démocratie.
Sur la forme, je regrette la promptitude avec laquelle ce projet de loi est revenu devant nous. Je regrette surtout qu’un certain nombre de protagonistes ne se soient pas montrés beaux joueurs. Après l’adoption du texte par l’Assemblée nationale, nous aurions pu demander une lecture supplémentaire : il n’y aurait alors eu aucune raison de procéder avec autant de fébrilité ! Ce projet de loi a été déposé voilà plus d’un an : pour quelle raison fallait-il tout à coup boucler l’affaire sous huit jours ? J’ai fort peu apprécié le fait que, à peine voté par l’Assemblée nationale, ce texte soit immédiatement discuté au Sénat.
Sur le fond, je le concède volontiers, le développement d’internet a créé un certain nombre de situations tout à fait anormales. En revanche, je ne suis pas persuadé que le problème du droit d’auteur soit le plus urgent. Il y a en effet une question infiniment plus grave, dont on parle beaucoup mais pour laquelle on ne fait jamais rien : c’est la diffamation sur internet. À l’heure actuelle, une personne diffamée sur le réseau est totalement privée de moyens de réagir. J’aurais donc souhaité un projet de loi global, susceptible de mettre un frein à l’« anarchie » qui règne sur internet.
Pour ma part, je voterai contre ce projet de loi parce que je suis tout à fait hostile à la multiplication d’organismes administratifs, c'est-à-dire non juridictionnels, qui se permettent d’infliger des pénalités financières, comparables à des amendes. Car, en fin de compte, payer son abonnement sans pouvoir en bénéficier, cela revient un peu à la même chose que payer une amende pour stationnement interdit quand on ne se sert pas de sa voiture !
Nous ne sommes tout de même pas encore sous une dictature ! Il est très grave que des organismes non juridictionnels puissent faire n’importe quoi, sans aucun garde-fou. Il y a un minimum de règles à respecter ! D’ailleurs, la majorité qui s’est dégagée au Parlement européen sur ces questions – et je rappelle que l’Union européenne regroupe de grandes démocraties – montre bien qu’il existe là une réelle difficulté.
Malheureusement, en France, cette question est devenue une affaire politique : le fond, on n’en a pas grand-chose à faire ! Certains sont contre, pour des raisons souvent purement partisanes ; d’autres, qui ne veulent pas perdre la face, sont pour et cherchent à forcer la main aux premiers. Tout cela n’est pas très bon, non plus, pour la démocratie. Pour ma part, je voterai donc contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, hâte et piste bancale sont sans doute motivées par des considérations quasi philosophiques, du type « qui veut la fin veut les moyens ». À moins qu’on ne raisonne comme notre collègue du groupe RDSE : on sait que cela ne fonctionnera pas, mais l’important, c’est d’envoyer un message aux créateurs !
M. Michel Charasse. Parce que ça fonctionne, aujourd’hui ?
Mme Marie-Christine Blandin. À nos yeux, la création vaut mieux que cela et les créateurs sont capables de travailler avec nous à un autre projet de soutien. Ils nous ont d’ailleurs suggéré d’arrêter de saboter le régime de l’intermittence, laquelle est aussi un lieu de création.
Un autre aspect, tout aussi central, est à l’origine du rejet de ce texte par les Verts : c’est le cavalier scélérat contre les journalistes ; vous vous en accommodez, chers collègues de la majorité, et nous en sommes navrés. Notre détermination à dénoncer ce que vous venez subrepticement de faire sera très forte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Madame la ministre, nous ne pouvons soutenir votre projet de loi, car il porte atteinte au respect de la vie privée et professionnelle.
Dans la droite ligne établie par vos prédécesseurs depuis 2002, vous mettez en place une surveillance généralisée de l’internet, particulièrement intrusive et injuste.
Ce texte, en effet, n’ouvre pas de possibilité de recours et ne permet pas de procès équitable avant que n’intervienne une coupure de l’accès à internet décidée par une énième « autorité administrative indépendante », en l’occurrence la HADOPI. Ce processus restreignant encore un peu plus les libertés de nos concitoyens vise singulièrement les plus jeunes, que vous avez décidément beaucoup de mal à comprendre, tant sur le plan économique et social que sur le plan culturel.
Le Parlement européen n’est pas du tout sur la même longueur d’onde, vous le savez, puisqu’il vient de rendre ce texte obsolète, par un vote acquis à une écrasante majorité, en rappelant que toute coupure de l’accès à internet ne pouvait se faire sans la décision préalable de l’autorité judiciaire.
Le système que vous proposez repose de surcroît sur une identification des « coupables », techniquement inefficace parce que hasardeuse, pour ne pas dire arbitraire. Pour prévenir le téléchargement sur les bornes publiques sans fil – le fameux Wifi –, qui nous entourent, y compris dans le jardin du Luxembourg, le Gouvernement est même allé jusqu’à envisager la création de « listes blanches », censées répertorier les sites autorisés !
À ces subtilités quasi surréalistes, à défaut d’être virtuelles, s’ajoute une « triple peine », qui additionne suspension de la connexion, poursuite du paiement de l’abonnement et persistance des poursuites civiles ou pénales.
Madame la ministre, la vérité est sans doute difficile à avouer : vous avez promis aux acteurs de la création de proscrire ce qui ne peut l’être techniquement. Il est en effet apparu clairement au cours des débats au Parlement que l’adresse IP, numéro qui identifie chaque ordinateur connecté à internet, peut être aisément masqué ou même détourné par un utilisateur tiers.
Vous établissez une véritable présomption de culpabilité qui, à notre sens, est contraire à la Constitution, comme d’ailleurs le non-respect du principe de l’imputabilité. Cette loi sanctionne non pas le téléchargement en soi, mais le défaut de sécurisation par l’abonné de sa connexion à internet. Elle impose à tous les citoyens de maîtriser leur outil informatique, alors même que les professionnels admettent sans fard qu’ils n’en sont pas toujours capables.
Pour prouver sa bonne foi, l’internaute devra installer un logiciel faisant office de mouchard, dont la désactivation pourra être sanctionnée pour chaque équipement connecté.
Madame la ministre, au lieu de concentrer votre énergie à défendre, durant deux mois, l’indéfendable, pour vous attirer les faveurs électorales de quelques grands industriels de la culture, il eût été préférable d’essayer d’adapter le droit d’auteur à l’ère numérique. Comme lors de l’examen, en 2006, de la loi relative au droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information, qui promettait déjà tout et ne réglait rien, vous avez été d’une discrétion absolue sur ce sujet beaucoup plus complexe.
Vous concevez toujours la création comme un patrimoine statique qu’il faut défendre et, surtout, ne pas rendre accessible au plus grand nombre. Seule une nouvelle rémunération du droit d’auteur, qui régulerait aussi la part de chaque acteur de la création, est en effet adaptée aux réalités d’internet. S’il n’est pas possible d’adapter internet au droit d’auteur, c’est le droit d’auteur qu’il faut faire évoluer, dans l’esprit qui lie les artistes à leur public.
Madame la ministre, vous avez fini par déclarer, voilà quelques jours, que cette loi avait pour seul but de créer « un cadre psychologique ». Vous aviez déjà endossé il y a quelques semaines le rôle de gendarme du Net ; vous jouez donc désormais un second rôle, celui d’analyste du monde virtuel. Peut-être eût-il été préférable que vous restiez, tout simplement, ministre de la culture…
Parce que ce projet de loi est fondamentalement liberticide, structurellement inefficace et qu’il ne saisit pas l’occasion de repenser les rapports économiques du monde de la culture, les sénateurs du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon et moi-même, voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG - M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Ayant déjà eu l’occasion de m’exprimer au nom du groupe CRC-SPG dans la discussion générale, je serai bref.
Je voudrais tout d’abord revenir sur l’organisation du travail législatif. Il est excessivement grave de créer des clivages artificiels et, surtout, de vouloir réduire la loi à un simple outil de communication : une telle pratique humilie le législateur, tout autant que les destinataires de la loi, et, finalement, disqualifie le travail parlementaire, ce qui suscite chez un certain nombre de personnes un sentiment de colère, qui se mêle bientôt d’impuissance lorsque ces mêmes personnes constatent que, finalement, tout passe en force.
Nous voyons poindre une nouvelle pratique parlementaire, pilotée d’une main de fer par l’Élysée. On connaît, ceux qui sont pour, on connaît ceux qui sont contre, et l’on fait en sorte que ceux qui n’ont pas encore fait leur choix, en leur montrant que les jeux sont en réalité déjà faits, se démobilisent. Nous assistons ainsi à la création d’une minorité majoritaire !
Si cette démarche politique n’était pas fondamentalement aussi grave, elle aurait quelque chose de comique au regard de la réforme constitutionnelle censée accroître les droits du Parlement !
J’évoquerai ensuite deux amendements que nous avions souhaité présenter, et qui ont été d’’emblée écartés. En particulier, celui qui tendait à faire payer les fournisseurs d’accès à internet, les FAI, a été balayé brutalement, sans même qu’une étude préalable ait été effectuée. Une fois de plus, les grandes affaires sont épargnées, alors même qu’elles sont riches, prospères, qu’elles emmagasinent en ce moment les profits !
De même, l’article 40 de la Constitution a été invoqué contre un amendement communiste qui tendait à créer une plate-forme publique de téléchargement. Il s’agissait pourtant simplement de rappeler au Gouvernement un engagement contenu dans la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information et qui, voilà deux ans, avait été adopté à l’unanimité de l'Assemblée nationale et par une majorité au Sénat.
Le droit d’auteur est un droit de civilisation et un droit de l’homme. Sa grande plasticité lui a permis de s’adapter à tous les progrès techniques – copie privée, cinéma, etc. – sans pour autant perdre sa raison d’être. Pourquoi en irait-il différemment dans le contexte actuel ? Encore faudrait-il que le pluralisme préside à la réflexion !
Je rappelle que pas un journaliste, pas un artiste, pas un chercheur, pas un syndicaliste, pas un téléspectateur et pas un internaute ne siégeaient à la commission Copé ! D’aucuns prétendent que ces informations sont fausses… Ce n’est pourtant que la stricte vérité, tristement conforme à la mode actuelle !
Nous avons aussi rendez-vous avec les droits fondamentaux. Peut-être serait-il bon de réfléchir à une charte dont l’article 1er disposerait : « La protection du vivant, de l’environnement et de la création de l’esprit constitue un cercle sacré ; c’est un bien commun de l’humanité, non marchand et inviolable. »
M. Jean Desessard. Bravo !
M. Jack Ralite. Sinon, nous en restons à des positions qui, si elles ont pu constituer un progrès par le passé, sont quelque peu désuètes à présent.
En conclusion, j’invite le Président de la République à méditer cette phrase d’un poète que je cite souvent, René Char : « À tous les repas pris en commun, nous invitons la liberté à s’asseoir. La place demeure vide, mais le couvert reste mis. » (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. - Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Je souhaite, à cet instant, formuler simplement quelques remarques.
Engagé à l’automne, ce débat fut marqué, d’abord au sein de la commission, ensuite dans cet hémicycle, par la recherche d’une réponse à une question difficile, plutôt que par un affrontement binaire droite contre gauche.
M. Roland du Luart. Exact !
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Oui, dans tous les pays développés, il est difficile de concilier les droits de la création et le fonctionnement d’internet, comme le montrent les tableaux publiés dans la presse : chaque pays cherche, tâtonne, apporte des réponses variables.
Dès le mois d’octobre, sur toutes les travées de cette assemblée, nous avons été animés par une idée simple : assurer la protection des plus faibles et des plus menacés, c’est-à-dire des créateurs. En effet, s’il est facile de capter sur le réseau le produit de la création des autres, il est toujours plus difficile pour un pays de disposer d’un monde de la création actif, qui perçoit les droits destinés à récompenser le travail qu’il a fourni.
Sur tous ces points, nous avons dialogué et nous sommes parvenus à élaborer un texte qui, à l’automne dernier, a été adopté à la quasi-unanimité du Sénat. C’est l’honneur de la Haute Assemblée d’avoir préféré aux affrontements partisans la recherche d’une réponse réelle à une question difficile. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste et du RDSE.)
De son côté, l'Assemblée nationale a été moins sage que le Sénat.
M. Roland du Luart. C’est souvent le cas !
M. Michel Charasse. Cherchez à qui tout cela profite…
M. Jean-Pierre Plancade. Certainement pas aux artistes !
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. En définitive, si nous débattons encore aujourd’hui, c’est à la suite d’un incident dont nous ne sommes pas responsables, alors que le texte équilibré issu des travaux de la commission mixte paritaire protégeait à la fois l’offre, c'est-à-dire le droit des créateurs, et la demande, notamment grâce à des dispositions destinées à préserver le droit des plus jeunes internautes, qui ont souvent peu de moyens, à l’accès aux produits culturels de leurs rêves.
M. Michel Charasse. Ils ont d’autant plus le droit d’écouter qu’ils ne savent plus lire !
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Si notre débat n’a pas manqué de passion, il a surtout été marqué par l’écoute et le respect. C’est pourquoi je n’ai pas très bien compris la leçon que vous venez de nous assener, monsieur Masson, sur le fonctionnement de notre assemblée et la qualité de nos travaux.
Mon cher collègue, vous êtes membre de la commission des affaires culturelles : venez-y ! Prenez part à nos travaux ! Nous serons heureux de vous entendre ! (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Nous savons que ce texte devra tenir compte des évolutions technologiques et législatives. Mais nous avions besoin d’un acte fort. La France, en pointe dans le domaine de la création, doit protéger ses créateurs. Tel est, modestement, le sens de nos travaux, dont la commission et le Sénat dans son ensemble doivent être fiers ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste et du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 147 :
Nombre de votants | 206 |
Nombre de suffrages exprimés | 203 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 102 |
Pour l’adoption | 189 |
Contre | 14 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet est adopté définitivement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente-cinq.)