M. François Patriat. Bien sûr !
M. David Assouline. En effet, ce n’est pas le niveau en soi du bénéfice réalisé par le groupe pétrolier français qui pose problème, c’est la manière dont ses dirigeants ont décidé de le répartir : en distribuant un dividende total de 5,4 milliards d’euros, Total s’installe résolument comme le « champion des dividendes » du CAC 40, pour reprendre les termes d’un hebdomadaire financier.
Ces 5,4 milliards d’euros sont à comparer aux 109 millions d’euros versés aux employés au titre de l’épargne salariale et aux 50 millions d’euros que le groupe pétrolier a généreusement proposé d’affecter au Fonds d’investissement des expérimentations pour les jeunes.
M. Daniel Raoul. Et sur cinq ans !
M. David Assouline. Les dirigeants de Total se donnent ainsi bonne conscience à peu de frais, et Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi, peut faire semblant de ne pas avoir crié au scandale en vain !
Quant aux jeunes, auxquels le plan de Martin Hirsch n’offre que quelques centaines de contrats aidés, précaires et sous-qualifiés, quant aux salariés des sites de Total touchés par les 555 suppressions de postes prévues, quant à ceux des sous-traitants et des fournisseurs des activités concernées du géant pétrolier, ils n’ont qu’à ravaler, en silence, leur sentiment d’humiliation !
Pour éviter que ce silence ne se transforme en révolte, il faut que ce gouvernement et sa majorité renoncent à leur désastreuse politique fiscale, qui est une politique de classe.
Alors que des responsables politiques de droite du niveau d’Alain Juppé préconisent de suspendre temporairement l’application du bouclier fiscal, il est révoltant de lire, comme tout récemment, dans un grand quotidien, que, selon le secrétaire général de l’UMP, « augmenter les impôts serait une absurdité ».
Messieurs les secrétaires d’État, chers collègues de la majorité, sur la loi TEPA, allez-vous rester enfermés dans votre prison doctrinaire ?
M. David Assouline. Ôtez donc vos œillères ! Quand finirez-vous par entendre la société française appeler, quasiment d’une seule voix, à moins d’inégalités et à plus de solidarité ?
Si le président Sarkozy veut sortir de la posture du volontarisme virtuel pour agir réellement en faveur de l’intérêt général, il lui reste à prendre des mesures courageuses et déterminées en ce sens, comme celles qui consisteraient à soumettre les bénéfices commerciaux aux cotisations sociales ou à conditionner véritablement le bénéfice des aides publiques à des objectifs en termes d’investissement productif et de création d’emplois.
En 1777, Condorcet écrivait : « Si l’on me demandait quelle est la première règle de la politique ? C’est d’être juste. Quelle est la seconde ? C’est d’être juste. Et la troisième ? C’est encore d’être juste. »
En cette période de crise, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, le Gouvernement de la République devrait faire de cette maxime un impératif catégorique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Ladislas Poniatowski. Nous faire traiter de doctrinaires par M. Assouline, cela ne manque pas de sel ! (M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement s’esclaffe.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à saluer les diverses interventions qui ont eu lieu tout au long de cette matinée. Quelle que soit la sensibilité politique de leurs auteurs, elles ont toutes été intéressantes, et le Gouvernement partage un certain nombre des réflexions formulées. Pour autant, bien sûr – ce n’est pas un scoop ! –, il ne souscrit pas aux conclusions qu’en tire M. Rebsamen.
M. Jean-Jacques Mirassou. Forcément…
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Je voudrais commencer par évoquer ce qui peut nous rassembler, avant d’aborder ce qui nous divise.
Premier constat : personne, à quelques rares exceptions près, ne fait porter à ce gouvernement la responsabilité de la crise financière actuelle. C’est déjà très bon signe si chacun considère que cette dernière, qui a frappé l’ensemble du monde et qui se traduit par un ralentissement économique sans précédent, s’impose à nous et nous contraint à prendre un certain nombre de mesures. Du reste, beaucoup de gouvernements, d’orientations politiques diverses, en ont adopté de semblables.
Second constat partagé : mieux vaut que les entreprises, les grandes comme les petites, fassent des bénéfices.
M. David Assouline. Oui !
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. J’apprécie donc particulièrement cette prise en compte de la réalité tant par M. Rebsamen que par MM. Patriat et Assouline.
En effet, lorsque les entreprises françaises, comme d’autres, sont frappées par la crise et qu’elles enregistrent des pertes, lorsque leur situation les conduit à des restructurations ou, pis encore, à la cessation d’activité, ce sont d’abord nos territoires, puis l’ensemble du pays qui sont affectés. Cela démontre, a contrario, à quel point nous avons besoin d’entreprises florissantes et puissantes.
Je veux dire ici combien nous devons tirer une légitime fierté des activités de nos entreprises, en particulier celles du secteur énergétique : EDF, GDF Suez, Total, mais aussi Areva et Alstom, en remportant des contrats importants à l’exportation et en affichant leurs ambitions en termes d’internationalisation, sont ainsi en mesure de soutenir favorablement la comparaison avec les grandes entreprises étrangères. Il est pour le moins réjouissant de constater la relative bonne santé de ces entreprises françaises.
Cela étant, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, nombre d’éléments nous opposent.
Premier motif de division, le fait que vous pointiez du doigt les bénéfices spectaculaires réalisés en 2008. C’est une réalité que nul ne peut nier. Cependant, vous avez omis de donner les chiffres d’évolution du résultat des grandes compagnies pétrolières pour le premier trimestre 2009, parus mardi dernier, qui devraient tous nous interpeller : Total affiche ainsi un bénéfice en baisse de 44 % par rapport au premier trimestre 2008.
M. Jean-Jacques Mirassou. Au vu de l’importance du bénéfice obtenu l’an dernier, cela doit tout de même représenter un montant non négligeable !
M. David Assouline. Pourquoi alors distribuer autant de dividendes ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Une diminution de près de 50 % n’a tout de même pas de quoi porter à l’optimisme ! Il faut prendre en compte l’ensemble des chiffres, et non pas retenir uniquement ceux qui vous arrangent !
Dès lors, est-il bien judicieux d’envisager de taxer – fût-ce à titre exceptionnel, comme on nous le dit – les profits réalisés, au moment où l’entreprise emblématique qu’est Total, citée à de nombreuses reprises ce matin, a vu son bénéfice diminuer de près de moitié sur les trois premiers mois de l’année ?
Le deuxième motif de division entre nous tient à l’analyse que vous faites de la genèse de ces profits, lesquels, selon vous, sont largement liés aux prix supportés par les consommateurs.
Comme l’ont relevé MM. Poniatowski et Houpert, les prix de l’électricité sont, en France, inférieurs de 20 % à ce qu’ils sont dans les autres pays européens,…
M. Ladislas Poniatowski. C’est exact !
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. …et ceux du gaz, de 10 %. Cela montre bien que la politique de prix menée dans ce secteur ne pèse pas plus sur les consommateurs français que sur les autres.
En outre, je tiens à rappeler que la hausse des tarifs de l’électricité en 2008 a été, pour les particuliers, inférieure à l’inflation : 2 % contre 3,6 %.
Quant aux évolutions du prix du gaz naturel distribué par GDF Suez, celles-ci sont dues, vous le savez bien, à l’application d’une formule tarifaire qui a été validée par la Commission de régulation de l’énergie, laquelle la présente d’ailleurs sur son site en toute transparence. Par les hausses qu’il a décidées en 2008, le Gouvernement n’a fait que répercuter strictement l’augmentation des coûts d’approvisionnement en gaz supportée par l’entreprise.
Monsieur Rebsamen, à vous entendre, le Gouvernement aurait négligé d’appliquer cette formule, alors que cela aurait pu permettre de faire baisser le prix du gaz durant l’hiver dernier. Toutefois, si nous avons choisi de geler les tarifs au cours de cette période, c’est justement parce que, s’agissant d’une formule « à déclenchement lent », nous aurions été contraints, en l’appliquant, d’augmenter les tarifs pour l’hiver. Nous avons donc préféré un gel des prix, en répercutant, dès que cela a été possible, la baisse du prix du pétrole. Les tarifs du gaz ont ainsi baissé de 11,3 % au 1er avril 2009.
Contrairement à ce que vous dites, ce n’est pas parce que notre stratégie a échoué que nous organisons régulièrement, à Bercy, des réunions avec les compagnies pétrolières. Ces rencontres hebdomadaires n’ont d’autre but que de faire le point, et force est de constater que les engagements qu’elles ont pris, c’est-à-dire lisser les hausses et répercuter immédiatement les baisses, ont été respectés.
Troisième motif de désaccord entre nous, vous semblez oublier que les bénéfices de GDF Suez et de Total proviennent, pour l’essentiel, de leurs activités hors de France. Il s’agit pourtant d’un point très important : la vente de gaz aux particuliers français représente moins de 20 % du chiffre d’affaires de GDF Suez ; pour Total, le marché français ne contribue que pour moins de 5 % à son résultat net.
Sans vouloir offenser quiconque, j’estime tout de même qu’il est un peu « léger » de prétendre que de tels bénéfices tirent leur origine de l’activité de ces sociétés en France, alors qu’ils sont réalisés au niveau mondial.
Par ailleurs, vous soutenez que ce sont les plus faibles et les plus fragiles qui supportent le plus difficilement la situation économique.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est incontestable !
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Mais c’est l’évidence même ! Malgré tout, le Gouvernement a su réagir, et je tiens à le souligner, car cela n’a été évoqué qu’à de rares reprises, et encore de manière peu explicite.
Nous avons élargi les critères d’éligibilité au tarif social de l’électricité. Depuis le mois d’août dernier, le nombre de foyers éligibles a quasiment doublé, passant de 1,1 million à 2 millions, ce qui n’est tout de même pas négligeable. À cette même date, nous avons créé le tarif social du gaz en faveur de ces mêmes foyers. Il s’agit d’une réduction forfaitaire, pouvant atteindre 120 euros, qui est financée par un prélèvement sur le fournisseur de gaz.
En ce qui concerne la prime à la cuve, que nous avons créée, je voudrais rappeler les chiffres exacts : celle-ci est passée de 150 euros pour l’hiver 2007-2008 à 200 euros pour l’hiver 2008-2009, et ce sont près de 830 000 foyers qui en bénéficient.
J’en viens maintenant à la situation de Total, entreprise dont, je le rappelle, nous pouvons être fiers, et à ses investissements en France.
Au prix de raccourcis faciles, certains ont un peu rapidement évoqué des licenciements. Je ne peux pas laisser proférer de tels propos. Certes, 555 postes ont bien été supprimés, mais sans aucun licenciement. En parallèle, le groupe pétrolier investit un milliard d’euros en vue d’adapter son outil industriel au marché. D’un côté, il réduit la production d’essence ; de l’autre, il augmente celle du gazole.
En outre, Total a fait le choix, ô combien important, d’investir également dans l’industrie de l’énergie solaire photovoltaïque, dont M. Houpert a souligné tout l’intérêt.
Par ailleurs, plus de 10 % des investissements du groupe sont effectués en France, alors que, je le répète, celui-ci y réalise moins de 5 % de son résultat. Telle est la réalité !
Vous avez quelque peu ironisé sur l’engagement de Total au côté de Martin Hirsch, mais cet engagement représente tout de même une enveloppe spécifique de 50 millions d’euros sur cinq ans pour soutenir l’emploi des jeunes et il ne mérite pas qu’on l’accueille avec une telle désinvolture. Je rappelle que cette mesure prise par Total n’était ni obligatoire ni même stipulée.
M. David Assouline. C’est la mesure qui est désinvolte !
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Certains ont dénoncé la faible contribution des grandes entreprises du secteur de l’énergie au plan de relance. Or EDF a investi 2,5 milliards d’euros et GDF Suez 200 millions d’euros. Quant au groupe Total, il contribue au plan de relance par ses investissements en France à hauteur de 1,5 milliard d’euros en 2009.
Je tiens également à citer une action quelque peu méconnue que mène, de façon exemplaire, le groupe Total : l’accompagnement des PME à l’exportation. Je peux vous dire, pour en avoir rencontré un certain nombre des dirigeants de PME concernés, qu’ils sont loin de juger négligeable l’action de Total, car elle a contribué à leur croissance à l’international.
J’en viens à la question de la taxation des profits des entreprises, que M. Rebsamen, qui croit en la bonté de la nature humaine, qualifie de « contribution exceptionnelle ».
M. David Assouline. Oui, exceptionnelle !
M. François Rebsamen. Et donc temporaire !
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Dois-je vous rappeler, monsieur le sénateur, que la vignette automobile avait également été créée à titre temporaire en 1951 et qu’elle n’a été supprimée qu’en 2001 ? Il y a des mesures temporaires qui durent !
M. David Assouline. Il suffisait d’attendre que les socialistes arrivent au pouvoir ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Moi, je ne partage pas la fièvre fiscale qui vous atteint. Méfiez-vous : la fièvre fiscale, tout comme d’autres fièvres, peut être très dangereuse !
M. David Assouline. Dites-le à Barack Obama !
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Vous n’ignorez probablement pas que les bénéfices des grandes entreprises du secteur de l’énergie, en France, sont soumis à l’impôt dans les mêmes conditions que ceux des autres entreprises. Ils sont ainsi taxés au titre de l’impôt sur les sociétés au taux de 33,33 %, à quoi s’ajoute une contribution sociale de 3,3 %, ce qui fait un taux effectif d’imposition de 34,43 %. Et laissez-moi vous dire que ce taux d’imposition ne place pas la France en position favorable par rapport à nos partenaires européens ! On sait les problèmes que peut entraîner une taxation trop importante…
Je vous rappelle que les résultats annoncés par les grandes entreprises françaises du secteur de l’énergie concernent leurs bénéfices comptables mondiaux consolidés, et non les bénéfices imposables en France, c'est-à-dire ceux qui sont réalisés uniquement sur notre territoire. En cas d’option pour le régime consolidé, il faut déduire des bénéfices mondiaux les impôts déjà réglés par les entreprises dans les pays étrangers. Ainsi, la majeure partie des bénéfices dégagés par les deux sociétés que vous avez évoquées, Total et GDF, ne sont pas susceptibles d’être imposés en France, car ils ont été réalisés principalement à l’étranger.
De surcroît, les opérations d’exploration-production sont déjà lourdement taxées dans les pays producteurs de pétrole et de gaz. La Russie, par exemple, taxe ces opérations à un taux supérieur à 50 %. Voilà la réalité !
M. Jean-Jacques Mirassou. On ne va pas pleurer sur Total, monsieur le secrétaire d’État !
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Je précise enfin qu’en tant qu’actionnaire de GDF Suez à hauteur de 35 % l’État perçoit déjà sous forme de dividendes une partie des bénéfices de ce groupe, y compris de ceux réalisés à l’étranger. Ainsi, en 2008, les dividendes versés par GDF Suez à l’État se sont élevés à 1,7 milliard d’euros.
Au cours de ce débat, certains sénateurs de gauche ont évoqué l’« envol des inégalités ». J’ai eu la curiosité d’examiner de près l’étude de l’INSEE à laquelle les uns et les autres ont fait allusion : ni l’étude de l’INSEE ni le rapport Cotis ne font mention d’un tel « envol » !
M. David Assouline. Je n’ai fait que citer le rapport !
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Je cite, au mot près, les conclusions de l’étude de l’INSEE, qui, je le rappelle, portait sur l’année 2007 : « Le rapport entre les 10 % de salariés les mieux payés et les 10 % les moins bien rémunérés est resté stable en 2007, comme les quatre dernières années ». Cela signifie que, si nous mettons entre parenthèses la crise actuelle, ce rapport est resté inchangé.
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai sur les vingt dernières années !
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Les résultats de l’étude, qui sont publiés aujourd’hui, vont dans le sens des conclusions du rapport Cotis sur les écarts de rémunération : entre 1996 et 2006, les rémunérations des salariés les mieux payés ont certes crû un peu plus vite, mais, au total, l’écart ne s’est creusé que de 2,5 % : c’est donc un envol bien modeste dont bénéficient les 0,1 % de salariés les mieux rémunérés !
Je tiens à conclure mon propos en remerciant plus particulièrement M. Ladislas Poniatowski de sa brillante intervention, à rebours de la frénésie fiscale qui paraît s’être emparée de certains. Il a en effet démontré de façon lumineuse le caractère inopportun de cette taxation des entreprises du secteur de l’énergie.
M. Ladislas Poniatowski. N’en faites pas trop, monsieur le secrétaire d’État ! (Sourires.)
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Nous sommes déjà en tête des pays de l’OCDE pour le niveau des prélèvements obligatoires. Cela, vous ne l’avez pas dit, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche ! Dans ces conditions, puiser encore une fois, même à titre temporaire – et on sait quel crédit accorder à ce caractère temporaire ! –, dans les poches de nos concitoyens, fût-ce celles de nos entreprises, n’est assurément pas la bonne solution pour sortir de la crise dans laquelle nous nous trouvons.
M. Ladislas Poniatowski. Bien sûr !
M. David Assouline. Voilà un bel exemple de libéralisme pur !
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Il faut retenir d’autres options et augmenter l’attractivité de notre territoire afin de favoriser nos PME et l’ensemble de notre activité économique.
M. David Assouline. C’est de la doctrine, du sectarisme !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Il ne faut en effet jamais oublier que c’est l’activité économique qui crée l’emploi et la richesse. Si on la décourage, elle se venge en faisant fuir l’un et l’autre ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. On connaît! Johnny Hallyday!
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Vous en avez apporté la démonstration lorsque vous étiez aux affaires !
Le Gouvernement maintient donc sa position et juge tout à fait inopportune l’augmentation de la contribution fiscale de ces entreprises. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. David Assouline. Vous êtes un doctrinaire libéral !
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, auteur de la question.
M. François Rebsamen. Je tiens à remercier mes collègues de leur participation à ce débat, et aux sénateurs de gauche, notamment ceux de mon groupe, de leur soutien à ma démarche.
Monsieur le secrétaire d’État, vous aviez bien commencé votre intervention en rappelant un constat partagé. Mais votre ultralibéralisme a ensuite repris le dessus,...
M. Daniel Raoul. Cela lui rappelle sa jeunesse !
M. François Rebsamen. ... de même qu’une certaine agressivité, à la fin de votre intervention. Cela prouve que nous avons marqué un point, et nous le marquerons encore devant l’opinion, car ces sujets ne peuvent pas être écartés d’un revers de main, en laissant entendre, comme vous l’avez fait, que nous ne nous connaissons pas la vie des entreprises.
En tant qu’élus locaux, nous rencontrons tous les jours des chefs d’entreprise, nous assurons des médiations entre les organisations syndicales et les patrons qui sont obligés de licencier. Tous les jours, nos collectivités apportent soutien et écoute aux PME.
M. Houpert a confondu les entreprises du CAC 40, qui réalisent 14 milliards d’euros de bénéfices, et les PME de Côte d’Or ! Je tiens à le rassurer : aucune des entreprises de notre département ne serait touchée par la contribution que j’ai proposée. Puis, en qualifiant de taxe ce qui est en fait une contribution, il a créé une confusion plus grande encore.
Il faut tout de même rappeler que cette contribution exceptionnelle dont nous souhaitons la mise en place est appliquée dans d’autres pays, notamment des pays de l’Union européenne.
M. David Assouline. Et par Obama !
M. François Rebsamen. Vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État, mais vous vous êtes gardé de le dire !
Au Portugal, par exemple, elle est appliquée durant une année, à titre exceptionnel, à des entreprises du secteur de l’énergie qui ont réalisé des superprofits.
Vous avez indiqué à juste titre que Total avait annoncé une baisse de ses bénéfices au cours du premier trimestre. Cependant, vous n’avez pas dit que ces mêmes bénéfices s’élevaient quand même à 2,11 milliards d’euros : tant mieux pour Total, mais ce n’est pas un chiffre négligeable !
Les orateurs de droite ont comparé à tort EDF et Total. Quant à vous, monsieur le secrétaire d’État, c’est pratiquement avec des larmes dans les yeux que vous avez défendu Total ! Que M. Poniatowski, qui préside le groupe d’études sur l’énergie du Sénat, défende le secteur de l’énergie, cela peut se comprendre ! Mais que vous tentiez, monsieur Novelli, avec des trémolos dans la voix, d’effrayer et de faire pleurer le peuple sur le sort de Total, en prétendant que nous souhaiterions mettre ce groupe à mal, c’est un peu fort ! On nous a même accusés de provoquer l’augmentation du prix de l’essence !
M. François Rebsamen. Restons dans le cadre de notre proposition : des mesures temporaires, qui existent déjà dans d’autres pays, et adaptées à la situation exceptionnelle de crise que nous connaissons.
Vous dites que nous sommes frappés de fièvre fiscale. Mais vous aussi, vous êtes frappé d’une fièvre, celle des déficits !
M. François Rebsamen. Il faudra bien finir par dégager des solutions pour gérer les déficits, soit par le biais de l’inflation, soit par l’augmentation des impôts.
M. François Rebsamen. C’est bien ainsi que cela se terminera ! Vous serez bien obligés de trouver des recettes pour combler les trous qui continuent de se creuser !
Notre proposition de contribution exceptionnelle n’est qu’un juste retour des choses : il s’agit de faire participer des entreprises qui sont largement bénéficiaires à l’effort d’investissement et d’innovation, comme l’a fait EDF qui a versé 2,5 milliards d’euros pour faire face à la crise, ce que vous avez omis de dire.
M. François Rebsamen. Et Total serait exempté de toute participation au motif qu’il s’agit d’une entreprise privée ? Certes, je vous l’accorde, pas de toute participation : il va mettre sur la table 50 millions d’euros sur cinq ans. Quel effort ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Vous nous avez aussi répondu que les bénéfices de Total étaient réalisés pour l’essentiel hors de France et qu’en prenant une telle mesure nous risquerions de le faire fuir.
Mais ne vous y trompez pas, monsieur le secrétaire d’État : nous nous intéressons à la vie de cette entreprise, entre autres, et nous la connaissons bien. Nous savons ce qui lie Total à la France : ainsi, on tente actuellement d’associer ce groupe au secteur du nucléaire pour le convaincre de rester « arrimé » à notre pays.
Nous savons, comme vous, que ce groupe réalise 20 % de ses bénéfices sur le territoire français. Alors, faites le calcul : 20 % de 14 milliards d’euros, cela représente à peu près 800 millions d’euros. Total aurait mieux fait de verser cette contribution pour faire face à la crise plutôt que d’annoncer ces 550 suppressions d’emplois que vous justifiez !
Permettez-moi de vous dire, monsieur le secrétaire d’État, sur le ton que vous avez employé vous-même – courtois au début de votre intervention, quelque peu enflammé à la fin –, ...
M. François Rebsamen. ... que votre défense quasi idéologique de Total est complètement déplacée en cette période de crise. Un jour, vous serez obligé de vous rallier à notre proposition ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. Bravo ! Excellente réponse ! Et dépourvue de sectarisme !
M. le président. En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.