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Communication d’un avis sur un projet de nomination
M. le président. J’informe le Sénat que, saisie en application de l’article L. 531-4 du code de l’environnement, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur le projet de nomination de Mme Catherine Bréchignac aux fonctions de présidente du Haut Conseil des biotechnologies.
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Loi de finances rectificative pour 2009
Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixe paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 (n° 319).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous rendre compte des conclusions de la commission mixte paritaire du jeudi 2 avril sur un texte qui constitue, déjà, le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2009.
Sur les vingt-quatre articles qui restaient en discussion, les membres de la CMP ont arrêté leurs positions par consensus ou à l’unanimité. Ce point mérite d’être souligné et témoigne de l’esprit de responsabilité des deux assemblées dans le contexte économique difficile que nous connaissons.
Les deux chambres avaient largement modifié le texte initial, qui comportait huit articles, avec un léger avantage pour le Sénat, qui a inséré treize articles additionnels, tandis que l’Assemblée nationale n’en a introduit que douze.
La CMP a confirmé la décision du Sénat de supprimer deux articles. Il s’agissait d’initiatives tendant à revenir sur des dispositifs introduits tout récemment.
Le premier, l’article 8 C, visait à autoriser les préfets à déroger, au cas par cas, à la règle de l’exclusion des communes classées dans la zone C prévue pour l’application du régime d’incitation fiscale à la construction dit Scellier-Carrez. Le Sénat a décidé de supprimer cet article, d’une part, pour des raisons d’ordre constitutionnel, d’autre part, parce qu’il semble préférable d’attendre la parution du décret annoncé, qui doit modifier le classement de plusieurs centaines de communes pour l’adapter à la réalité du marché immobilier.
Le second, l’article 8 D, concernait le régime des sociétés holdings dans lesquelles des contribuables assujettis à l’ISF sont en mesure d’investir. La commission mixte paritaire a bien voulu se ranger à ce que j’appellerai la « doctrine » de la commission des finances du Sénat en la matière : l’intermédiation ne doit pas être trop encouragée, car le fondement même de cette mesure fiscale favorable – au demeurant excellente pour les fonds propres des petites et moyennes entreprises – réside dans la prise de risque, qui passe par l’affectio societatis. Tout système qui faciliterait une mutualisation excessive du risque nous semble donc contraire aux objectifs fixés dans la loi TEPA adoptée en 2007.
La commission mixte paritaire a validé trois grandes catégories d’adaptations aux dispositions votées par l’une et l’autre assemblée : les mesures de réglage du plan de relance ; les ajustements à la marge, qui sont plutôt des corrections techniques de régimes fiscaux récents ; l’introduction de mesures de régulation dans le contexte actuel de crise mondiale.
Pour ce qui est des mesures de réglage du plan de relance, l’allégement de l’impôt sur le revenu des foyers de condition moyenne, disposition phare du présent projet de loi, a été adopté conforme. Les articles qui restaient en discussion présentaient souvent un caractère très technique et visaient, notamment, les modalités d’intervention de la société de financement de l’économie française ou l’extension de la liste des collatéraux éligibles à ces interventions.
Dans le même esprit, afin de réamorcer les circuits de financement, le Sénat avait adopté un amendement permettant d’étaler sur la durée du contrat de crédit-bail le montant de la plus-value de cession.
Sur l’initiative de la commission des finances et avec l’appui du Gouvernement, le Sénat avait introduit à l’article 1er ter une mesure permettant à des entreprises endettées de racheter leurs dettes à un prix décoté ; l’objectif était d’améliorer la liquidité bancaire et le bilan des entreprises concernées. Comme on pouvait le prévoir, la CMP a partiellement réécrit cette disposition, avec le concours des meilleurs spécialistes.
Au titre des mesures en faveur de la relance, la commission mixte paritaire a approuvé la création du Fonds de sécurisation du crédit interentreprises. Ce dispositif, que vous avez souhaité introduire, monsieur le ministre, tend à éviter que des entreprises, notamment des PME, ne soient mises en danger par la défaillance du marché de l’assurance-crédit. Le Fonds de sécurisation du crédit interentreprises est ainsi autorisé à couvrir, à titre onéreux, un montant maximal de 5 milliards d’euros de crédits non pris en charge par les assureurs-crédit. Ce mécanisme tire les conclusions du succès très partiel, à ce jour, du complément d’assurance-crédit public adopté lors de la discussion, en décembre dernier, du projet de loi de finances rectificative pour 2008.
Enfin, il a été ajouté, dans cet article 1er ter, un dispositif spécifique de réassurance relatif aux constructeurs de maisons individuelles.
J’en viens à l’ajustement de certains régimes fiscaux récents ou, plus exactement, aux initiatives que nous avons prises pour mieux coordonner des dispositifs et éliminer certaines scories.
À l’article 8 DA, la commission mixte paritaire a adopté, dans le texte du Sénat, l’amendement de notre collègue Yann Gaillard visant à aménager le régime du crédit d’impôt dont bénéficient certaines productions cinématographiques.
Aux articles 9 et 9 bis, elle a adopté les mesures introduites par le Sénat et qui tendent, d’une part, à préciser la portée du prélèvement sur les ressources financières des organismes d’HLM insuffisamment actifs – il s’agit d’un amendement du groupe de l’Union centriste – et, d’autre part, à clarifier la position statutaire des directeurs desdits organismes au regard de leurs cotisations de retraite.
L’article 8 B, qui vise à aménager le régime de la réduction d’impôt pour les loueurs en meublé non professionnel dans les résidences avec services, a été adopté dans le texte du Sénat, de même que l’article 8 F, qui a pour objet de réparer une imprécision rédactionnelle de la loi de juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, en rappelant que le commandement de payer a bien pour effet d’interrompre la prescription.
Toujours au titre des ajustements ponctuels, j’évoquerai l’article 8 G qui, sur l’initiative de la commission des finances du Sénat, tend à rendre déductibles les rachats d’années d’études dans les régimes spéciaux de retraites.
J’en arrive aux mesures de régulation. La crise change la donne et fait apparaître sous un jour très cru certaines pratiques de rémunérations qui, lorsqu’il s’agit d’entreprises bénéficiant de l’aide de l’État, choquent le Parlement comme l’opinion.
Dans un premier temps, le Gouvernement avait, par voie réglementaire, visé les entreprises bénéficiant de l’intervention publique, notamment sous la forme de mesures destinées à renforcer les fonds propres des banques.
Avec mon collègue Gilles Carrez, rapporteur général de l'Assemblée nationale, je ne peux que me féliciter de l’adoption par la commission mixte paritaire de l’article 11 tendant à encadrer les rémunérations des dirigeants des entreprises aidées par l’État. Vous n’êtes pas sans savoir, mes chers collègues, que cette mesure résulte d’un amendement présenté par le président Jean Arthuis. Cette disposition renforce la portée du décret du 30 mars 2009, tout en en reprenant l’architecture.
Le texte, adopté à l’unanimité par la commission mixte paritaire, prévoit une intervention de l’État à trois niveaux.
Pour les entreprises bénéficiant des prêts de la société de financement de l’économie française, les conventions passées avec l’État comporteront un volet relatif aux rémunérations des dirigeants.
Pour les entreprises bénéficiant de l’aide de la société de prises de participation de l’État ou du plan de soutien à la filière automobile, l’État pourra interdire l’attribution de stock-options ou d’actions gratuites aux dirigeants. Il sera également susceptible d’encadrer les autres éléments de rémunération des mêmes dirigeants.
Enfin, les entreprises publiques et celles qui bénéficient des interventions du Fonds stratégique d’investissement devront adopter des règles pour encadrer les rémunérations de leurs mandataires sociaux et de leurs dirigeants.
Le décret du 30 mars s’applique pleinement jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau dispositif : il n’y a ni hiatus ni délai !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur. Sur l’initiative de sa commission des finances, l’Assemblée nationale a adopté deux amendements de précision, de portée technique, qu’il convient de conserver.
J’évoquerai, pour conclure, des mesures plus catégorielles.
La commission mixte paritaire a accepté la nouvelle rédaction de l’article 8 relatif à l’aide à la filière bois à la suite de la tempête Klaus, ainsi que le report de l’entrée en vigueur en Guyane d’une taxe additionnelle à la taxe spéciale de consommation sur les carburants. Il en est de même de l’article 12 ter issu d’un amendement de notre collègue Gérard Longuet et tendant à donner une base légale à la transmission à des tiers des informations recueillies lors de la mise en circulation des véhicules.
La commission mixte paritaire a entériné l’article 2 ter créant une exonération de charges sociales patronales pour les porteurs de presse.
Elle a accepté, sur l’initiative de la commission des affaires culturelles du Sénat, l’article 8 E, qui exclut le groupement d’intérêt public France Télé numérique du champ de la redevance nouvellement dénommée « contribution à l’audiovisuel public ».
Pour conclure cette énumération, je soulignerai que la diversité des mesures qui sont inscrites dans le présent collectif confère à ce texte un caractère plus « traditionnel » que la première loi de finances rectificative pour 2009, laquelle se concentrait sur les mesures budgétaires du plan de relance.
Il nous appartient maintenant de suivre attentivement les différentes dispositions de ce plan, tant fiscales que budgétaires, ou celles qui comportent des garanties de financement. Il conviendra de faire le point sur leur efficacité avant d’envisager de nouvelles retouches.
En tout état de cause, monsieur le ministre, gérer un déficit public de plus de 104 milliards d’euros,…
Mme Nicole Bricq. Et ce n’est pas fini !
M. Philippe Marini, rapporteur. …susceptible d’approcher les six points de produit intérieur brut en 2009, constitue un défi historique. La dette, quant à elle, pourrait représenter, à la fin de l’année 2009, les trois quarts du PIB.
La commission des finances, dans sa majorité, fait naturellement toute confiance au Gouvernement pour tenir ferme la barre, ce qui est indispensable dans une pareille période.
Nos analyses montrent que le plan de relance mis en œuvre pas la République française pour faire face à cette situation difficile est bien de même ampleur, si l’on se réfère à l’impulsion budgétaire donnée à l’année 2009, que les plans adoptés par les autres grands pays industrialisés.
Il nous faut suivre ces mesures, veiller à ce que leur impact soit aussi rapide et important que possible sur notre tissu économique et sur nos entreprises. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, la lutte contre la crise avance sur tous les fronts : celui de la coordination mondiale des réponses à la crise et du renforcement de la régulation des systèmes financiers, grâce au succès historique du sommet du G20 ; celui de la mise en œuvre des actions de relance, à laquelle contribue ce deuxième collectif budgétaire de l’année, dont nous achevons aujourd’hui la discussion.
Avec ce texte, le Gouvernement a souhaité, par des mesures ciblées et avec le souci constant de la justice et de l’équité, renforcer l’aide qu’il apporte à nos concitoyens les plus exposés et les plus vulnérables à la crise.
L’actualité et les débats, tout à fait légitimes, qui nous ont occupés sur les rémunérations ne doivent pas nous faire oublier la réalité du contenu de ce collectif, dont nous avons débattu la semaine dernière.
Ce texte est un texte de justice. Ce texte soutient les classes moyennes et modestes. Ce texte favorise l’emploi. Ce texte, enfin, est crucial pour notre secteur automobile.
Il traduit, en fait, très concrètement et très rapidement, les mesures annoncées par le Président de la République à l’issue du sommet social du 18 février dernier : 2,6 milliards d’euros aideront directement environ 10 millions de ménages modestes.
Ainsi, nous supprimons les deux derniers tiers provisionnels de l’impôt sur le revenu pour les contribuables se situant dans la tranche à 5,5 %. Au total, en tenant compte du glissement sur la deuxième tranche à 14 % pour éviter un effet de seuil, ce sont plus de 6 millions de foyers fiscaux qui verront leur impôt diminuer de façon significative en 2009, pour un coût budgétaire de 1,1 milliard d’euros.
Nous versons une prime de 150 euros aux 3 millions de familles modestes ayant des enfants scolarisés, pour un coût de 450 millions d’euros.
Nous permettons à 1,5 million de foyers ciblés de bénéficier de bons d’achat de services à la personne d’un montant de 200 euros.
Nous finançons le fonds d’investissement social, le FISO, à hauteur de 800 millions d’euros, qui s’ajoutent aux 500 millions d’euros initialement prévus, soit 1,3 milliard d’euros. Ce fonds sera en particulier mobilisé pour financer, en premier lieu, une prime forfaitaire de 500 euros en faveur des travailleurs précaires n’ayant pas acquis suffisamment de droits à l’assurance chômage pour être indemnisés, en deuxième lieu, le renforcement de l’accompagnement et de la formation des salariés licenciés économiques, et enfin, en troisième lieu, le recours à l’activité partielle, notamment en passant la rémunération de celle-ci de 60 % à 75 % du salaire brut, soit environ 90 % du salaire net.
À ces mesures s’ajoutent 7 milliards d’euros de prêts pour soutenir notre secteur automobile.
Les dispositions de ce texte s’inscrivent donc dans la continuité des décisions prises jusqu’ici et trouvent leur place dans notre système social déjà très développé, qui joue pleinement son rôle d’amortisseur.
Les discussions ont été denses, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Elles ont permis à chacun, dans la majorité comme dans l’opposition, d’apporter sa pierre au débat nécessaire sur les moyens d’agir contre la crise.
Comme l’a rappelé excellemment M. le rapporteur général, ce texte a été amélioré sur un certain nombre de points.
Je pense, notamment, à l’ouverture de crédits supplémentaires, hors plan de relance, pour venir en aide aux victimes de la tempête Klaus.
Je pense également à l’assurance-crédit, dont on n’a peut-être pas suffisamment parlé, et qui revêt pour les chefs d’entreprise une grande importance. Les mesures prises par le Gouvernement répondent à leurs inquiétudes et à cette réalité complexe des relations avec les assureurs-crédit.
De plus en plus d’entreprises ont des clients qui ne sont plus couverts par les assureurs-crédit. Pour limiter l’impact sur la santé financière des entreprises, nous avons mis en place un complément d’assurance-crédit public, ou « CAP plus », qui permet de garantir jusqu’à 5 milliards d’euros de crédits interentreprises.
Je pense, enfin, aux rachats de créances, qui vont permettre à nos entreprises d’éponger leur dette, sans perte pour le budget de l’État, ou encore à la possibilité que nous leur donnons désormais, grâce à une initiative du groupe UMP, de mobiliser leur immobilier pour dégager des financements en ayant plus facilement recours à des sociétés de crédit-bail.
Sur l’ensemble de ces points, le texte issu de la commission mixte paritaire me semble un très bon compromis.
Je vous confirme également que l’amendement proposé par le président de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis, et conservé, dans son esprit, par la commission mixte paritaire, va dans le sens de l’action du Gouvernement. Il montre, de toute évidence, que le Gouvernement et le Parlement partagent les mêmes objectifs, et je me félicite que vos collègues socialistes et communistes aient, en le votant, souhaité nous soutenir dans nos démarches.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas ainsi que nous l’avions compris !
M. Éric Woerth, ministre. Notre responsabilité collective était de supprimer les abus et les excès. Le Gouvernement et le Parlement ont donc bien, en la matière, la même méthode et les mêmes objectifs : nous avions souhaité privilégier la rapidité en prenant très vite un décret ; par le vote de son amendement, le Parlement a donné une orientation politique claire.
Je note que la commission mixte paritaire a, pour l’essentiel, confirmé les orientations qui étaient les nôtres et choisi de renvoyer à un décret les modalités pratiques du dispositif.
Oui, nous devons fixer des règles du jeu pour des rémunérations justes et responsables et le Gouvernement ne tolérera aucun écart, dans ce domaine comme dans d’autres.
Aussi, à l’exception des deux amendements rédactionnels présentés par le président de la commission des finances du Sénat, le Gouvernement souhaite conserver le texte issu de la commission mixte paritaire.
Par ailleurs, prenant acte de la décision de la commission mixte paritaire et des propos par lesquels Philippe Marini a indiqué qu’il veillerait avec nous à ce que celle-ci soit neutre pour les comptes de l’État, je vous propose, avec une grande prudence, un amendement visant à lever le gage sur l’article 8 E, qui exclut le groupement d’intérêt public France Télé numérique des bénéficiaires de la redevance audiovisuelle.
Pour conclure, je remercie le Sénat, la commission des finances, bien sûr, son président et son rapporteur général, mais aussi l’ensemble des sénateurs et des administrateurs, de tout le travail accompli.
Je crois sincèrement que, dans l’univers incertain où nous sommes, les différentes dispositions que nous avons votées depuis six mois, avec méthodologie et transparence, associant le Gouvernement et le Parlement, constituent une réponse réactive et efficace à la crise financière ; elles sont à la hauteur des enjeux et de la gravité de la crise que nous traversons. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur, vous avez dressé un tableau exhaustif du travail de la commission mixte paritaire. Je n’y reviendrai donc pas. Que l’on me permette simplement, à cet instant, de rappeler la position du groupe socialiste sur ce deuxième projet de loi finances rectificative pour 2009.
Je constate que, malgré nos efforts et ceux du groupe CRC-SPG, le débat fiscal n’a eu lieu que d’un côté de l’hémicycle, alors même qu’il se poursuit hors de cette enceinte, notamment avec l’annonce d’un nouveau relèvement du plafond de réduction du montant de l’ISF au titre du financement des petites et moyennes entreprises. Voilà qui explique l’attentisme de la majorité devant nos demandes de suppression du bouclier fiscal et du dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires, ainsi que devant notre proposition de créer une nouvelle tranche d’impôt sur le revenu, visant en particulier à financer les mesures introduites par le Gouvernement concernant la première tranche du barème. Je n’y reviens pas, mais nous pouvons d’ores et déjà en tirer des leçons pour le futur : lorsque l’ISF aura été détricoté,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous pourrons supprimer le bouclier fiscal !
Mme Nicole Bricq. … nous pourrons considérer que la « trilogie » aura vécu.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La trilogie, on s’en approche !
Mme Nicole Bricq. En attendant, force est de constater qu’elle bloque le débat.
À cela s’ajoute, monsieur le ministre – mais vous n’en avez pas parlé dans votre intervention, peut-être dans un souci de concision ! –, l’annonce de ce que l’on pourrait considérer comme une amnistie fiscale, afin de favoriser le « rapatriement » d’un certain nombre d’exilés fiscaux. D’ailleurs, l’un des principaux cabinets de conseil aux dirigeants d’entreprise s’appelle Coblence et associés : tout un programme ! (M. le rapporteur s’exclame.)
L’annonce d’un nouveau relèvement du plafond de la réduction d’ISF pour investissement dans les PME nous éclaire également sur la portée réelle des mesures du plan de relance concernant ces dernières qui ont été inscrites dans la première loi de finances rectificative pour 2009. Comme nous l’avions dit à l’époque de l’élaboration de ce texte, les aides aux entreprises ne sauraient être efficaces, dans la mesure où leur effet est différé. De plus, le crédit se fait rare et le soutien public à la demande est beaucoup trop faible dans notre pays. Vouloir aujourd’hui introduire dans ce nouveau collectif budgétaire des dispositions en faveur du financement des PME témoigne de cette inefficacité.
Par ailleurs, l’absence de coordination des plans de relance des différents pays de l’Union européenne encourage la prise de mesures protectionnistes, même si cette tendance reste inavouée. Surtout, ces plans ne permettent pas de répondre à l’urgence liée à l’état de la sphère réelle de l’économie et à l’ampleur des dommages sociaux.
Ainsi, dans mon département, la Seine-et-Marne, le taux de chômage est habituellement peu élevé, parmi les plus bas de France. Or, à l’heure actuelle, les services compétents reçoivent vingt demandes d’allocation chômage par jour ! Ce département, par tradition actif, connaît désormais une progression explosive du chômage.
En somme, nous devrons peut-être prochainement nous pencher sur un troisième projet de loi de finances rectificative…
M. Philippe Marini, rapporteur. C’est toujours un plaisir !
Mme Nicole Bricq. En tout état de cause, nous reviendrons sur ces questions lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2010.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est du long terme !
Mme Nicole Bricq. Nous devrons alors tirer les enseignements de la mise en œuvre des diverses mesures qui ont été prises. L’accumulation de la dette publique nous amènera à relancer le débat fiscal : quels impôts augmenter ? Faudra-t-il également accroître les cotisations sociales ?
En outre, si le faible taux d’inflation que nous connaissons actuellement constitue une forme de soutien à la consommation, sa remontée inévitable viendra brider la reprise.
En matière d’encadrement de la rémunération des dirigeants d’entreprises aidées par l’État, la commission mixte paritaire a abouti dès lors que les sénateurs et députés de l’UMP sont convenus, dans l’honneur et l’esprit de compromis, de la primauté de la loi sur un dispositif réglementaire.
Monsieur le ministre, vous nous avez fait sourire, de ce côté de l’hémicycle, lorsque vous avez affirmé, pendant la discussion de ce projet de loi de finances rectificative, que nous avions rejoint le Gouvernement sur ce point.
Mme Nicole Bricq. La nuit était alors bien avancée, et j’ai pensé que vous aviez un moment de faiblesse passager, bien que cela ne vous ressemble pas !
Réaffirmer la primauté de la loi était certes nécessaire, mais cela ne suffit pas, bien évidemment, pour encadrer les rémunérations des dirigeants des entreprises concernées. Depuis nos débats de la semaine passée, chaque jour apporte son lot de révélations à cet égard. Ainsi, les chiffres de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, montrent que, même en temps de crise, les affaires continuent, si j’ose dire : en 2008, 2,2 milliards d’euros ont été distribués sous forme d’actions gratuites et de stock-options !
La question des rémunérations des dirigeants reste donc pendante. Tous les amendements, notamment de nature fiscale, que nous avions déposés sur ce sujet se sont heurtés à un mur d’indifférence du côté du Gouvernement et de la majorité. C’est dommage !
Lors de sa rencontre, avant le sommet du G20, avec les députés et sénateurs membres du groupe de travail sur la crise financière, le Président de la République s’était notamment engagé à ce que la question des rémunérations des traders soit abordée. Or, dans la déclaration finale du G20, seulement trois lignes sont consacrées à la rémunération des dirigeants et aux bonus, et encore ne s’agit-il que d’intentions. Pour le moins, la mise en œuvre concrète des mesures envisagées et leur déclinaison dans chaque pays attendront la réunion du conseil de stabilité financière et des ministres des finances du G20, à l’automne 2009.
Ce projet de loi de finances rectificative sera donc mis aux voix dans quelques minutes, mais ce ne sera qu’un au revoir : tous ces débats vont se poursuivre, dans l’opinion et au sein des groupes politiques, notamment ceux de l’opposition. Viendra bien un moment où il faudra trancher la question fiscale et celle de la rémunération des dirigeants.
Eu égard aux éléments que je viens d’exposer, vous aurez compris que le groupe socialiste est résolument opposé à ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat clôt l’examen du présent projet de loi de finances rectificative pour 2009. Je soulignerai d’abord les innovations que celui-ci comporte.
Ce texte vise à mettre en œuvre des mesures exceptionnelles de solidarité et de soutien à l’activité, au-delà de celles qui sont prévues dans le plan de relance.
Il est aussi la traduction législative de mesures de justice et de solidarité en faveur des ménages les plus fragilisés par la crise, afin que ceux-ci puissent, dans les mois à venir, faire face aux épreuves redoutables que sont le chômage, la raréfaction des embauches, les faillites.
Sur la base d’une révision réaliste des données budgétaires et des estimations de recettes fiscales pour 2009, la commission mixte paritaire s’est efforcée, au travers de mesures concrètes, de trouver une voie entre le Charybde de la dépense publique et le Scylla de l’effondrement de l’investissement des entreprises, tout en veillant à éviter une trop forte contraction de la consommation des ménages.
Le Sénat a adopté certaines mesures significatives : qu’il s’agisse de l’étalement de la plus-value de cession d’un immeuble en crédit-bail, de la création d’une exonération de charges sociales patronales pour la presse ou de l’exclusion du GIP France Télé numérique du champ des bénéficiaires de la redevance audiovisuelle, notre assemblée a su faire preuve d’esprit d’initiative et de responsabilité.
Toutefois, je regrette que la disposition du projet de loi tendant à aménager le dispositif anti-abus applicable à la réduction d’impôt de solidarité sur la fortune au titre de la souscription au capital de PME n’ait pas été maintenue lors de nos précédents débats.
Il s’agissait de permettre aux sociétés holding de lever des fonds auprès de plus de cinquante souscripteurs, sous réserve d’investir leurs actifs en titres de PME cibles répondant à la définition de la « petite entreprise communautaire », c’est-à-dire employant moins de cinquante salariés, réalisant un total de bilan de moins de 10 millions d’euros et ayant commencé leur activité voilà moins de dix ans.
Pour les redevables de l’ISF investissant dans ces sociétés, le montant de la réduction d’impôt aurait été déterminé, par souci de transparence, à proportion des fonds effectivement réinvestis par la holding dans le capital des entreprises cibles.
Monsieur le ministre, si, dans la crise économique que nous traversons, nous n’encourageons pas les structures professionnelles dédiées au capital démarrage, il est plus que probable que nombre d’entre elles disparaîtront dans les mois prochains, faute de relais financiers suffisants.
Enfin, je tiens à saluer le maintien par la CMP des mesures d’encadrement concernant les rémunérations des dirigeants des entreprises aidées par l’État, mesures introduites sur l’initiative du président de la commission des finances, M. Jean Arthuis. Dans le climat actuel de crise, ces dispositions répondent à un double objectif de rationalité économique et de justice sociale.
Chacun d’entre nous peut partager le sentiment d’iniquité et d’injustice suscité par les annonces en cascade d’attribution de bonus, d’actions, de stock-options ou de golden parachutes, pour des montants atteignant plusieurs millions d’euros, alors même que se multiplient les fermetures d’entreprises, les licenciements et les mesures de chômage partiel. Ce sentiment est d’autant plus fort que les entreprises dont les dirigeants bénéficient de tels avantages ont été aidées financièrement par l’État, c’est-à-dire par les contribuables, et que, dans certains cas, la gestion des intéressés a été défaillante.
Le dispositif adopté permettra de moraliser des pratiques de rémunération variable comme l’octroi de stock-options, de bonus, d’indemnités de départ ou d’actions gratuites pour les dirigeants des sociétés aidées par l’État. La CMP ne s’y est pas trompée : non seulement elle a maintenu ce dispositif, mais elle en a élargi la portée aux « retraites chapeaux ». Je m’en félicite, et le RDSE unanime a voté l’amendement correspondant.