M. Jean-Pierre Godefroy. Le PACS aura bientôt dix ans. En une décennie, son succès n’a cessé de croître : 6 151 PACS ont été conclus en 1999, plus de 146 000 en 2008, dont 94 % entre personnes de sexes différents. Aujourd’hui, il est entré dans les mœurs, pour devenir une forme d’union comme une autre.
Le 3 mars dernier, le Médiateur de la République a rendu publiques quatre propositions de réforme visant à en pallier les imperfections. En effet, le succès du dispositif a révélé certaines inégalités de droit liées à la nature de l’employeur des personnes concernées ou à leur nationalité.
Vous venez de donner une suite favorable, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’une de ces propositions, relative à la reconnaissance en France des PACS conclus à l’étranger.
Une deuxième proposition a pour objet « d’étendre le bénéfice du capital décès au partenaire lié à un fonctionnaire par un PACS » : actuellement, le partenaire d’un fonctionnaire d’État décédé se voit refuser le paiement du capital décès alors que peut en bénéficier toute personne pacsée avec un salarié relevant du régime général de la sécurité sociale ou avec un fonctionnaire territorial. Concernant le régime spécial des fonctionnaires, cette réforme-là est d’ordre réglementaire, et nous espérons que le Gouvernement y procédera rapidement. Sans doute serez-vous en mesure, monsieur le secrétaire d’État, de préciser dès maintenant ce point.
Une troisième proposition tend à « réintroduire le droit au congé de quatre jours accordé aux salariés pour la conclusion d’un PACS ». Cette mesure figurait dans la loi de 1999, mais a été supprimée en 2007.
Enfin, une quatrième proposition consiste à « ouvrir le droit à pension de réversion aux partenaires pacsés depuis deux ans », comme cela se pratique dans la plupart des pays européens ayant institué des partenariats civils.
Nous avions déposé un amendement n° 109 qui visait à étendre le droit à pension de réversion aux partenaires pacsés depuis deux ans, mais il a été déclaré irrecevable par la commission des finances, au titre de l’article 40 de la Constitution. Je le regrette vivement, car cela signifie que seul le Gouvernement peut prendre l’initiative de cette réforme. Or, depuis plusieurs années, il s’y oppose. Pourtant, cette proposition est soutenue non seulement par le Médiateur de la République, mais aussi par la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, et par le Conseil d’orientation des retraites.
Ne reste donc que le présent amendement n° 108 rectifié, qui tend à réintroduire dans le code du travail un congé de quatre jours pour les salariés du privé contractant un PACS. Dans le secteur public, un droit au congé pour conclusion d’un PACS permet aux fonctionnaires de bénéficier de cinq jours au maximum d’autorisation exceptionnelle d’absence. En revanche, aucune disposition équivalente n’existe pour les salariés du secteur privé.
De même, il est prévu, dans le code du travail, l’octroi d’un congé de quatre jours aux salariés qui se marient, mais rien n’est accordé aux salariés qui se pacsent. Le PACS étant reconnu comme une forme d’union, rien ne justifie cette discrimination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Saugey, rapporteur. Ces amendements tendent à créer un droit nouveau au bénéfice des salariés désirant conclure un pacte civil de solidarité, ce conformément aux souhaits du Médiateur de la République et de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.
La question mérite d’être posée, car il est vrai qu’un tel droit à congé a été reconnu aux fonctionnaires – par voie de circulaire, précisons-le. Pour autant, elle ne relève pas, selon moi, d’un texte de simplification du droit.
En outre, l’adoption d’une telle disposition induirait un coût certain pour les entreprises : si l’on considère qu’un peu moins de 90 000 pactes civils de solidarité sont enregistrés chaque année, cela représenterait environ 360 000 journées de travail perdues… Certes, l’article 40 ne peut être invoqué, puisque ce sont les entreprises qui seraient mises à contribution !
En tout état de cause, il serait à mon sens préférable de traiter cette question dans le cadre de la négociation collective.
La commission est donc plutôt défavorable à ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Ces amendements, loin de constituer une mesure de simplification, renvoient à un débat de société qui n’est pas l’objet de la présente proposition de loi.
La loi du 15 novembre 1999 ne visait nullement à étendre aux partenaires d’un PACS l’autorisation exceptionnelle d’absence de quatre jours pour mariage, qui existe, elle, dans le code du travail.
Dans ce texte, n’est prévue qu’une autorisation exceptionnelle d’absence de deux jours en cas de décès du conjoint ou du partenaire dans le cas d’un PACS, les deux formes d’union, mariage et PACS, ouvrant ainsi droit à une autorisation identique. Les autres autorisations d’absence énumérées ne concernent que les situations de famille –naissance, décès d’un ascendant ou d’un descendant, mariage d’un enfant – et n’ont pas été étendues aux signataires d’un PACS, le législateur ayant choisi de faire du PACS un contrat civil, et non un acte juridique portant création d’une famille.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l’amendement n° 86.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je soutiens bien entendu ces amendements, notre groupe ayant déposé des propositions de loi allant dans ce sens voilà déjà un certain temps.
Je constate que le Médiateur de la République a insisté sur la nécessité d’étendre la portée du PACS, qui remporte un succès croissant auprès de nos concitoyens.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous opposez cet argument que l’objet de ces amendements ne correspond pas à celui de la présente proposition de loi, à savoir la simplification du droit. Pourtant, nombre des orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale ont montré que ce texte allait bien au-delà de la simplification du droit !
Nous ne saurions donc accepter les arguments que vous avancez. Le Sénat s’honorerait aujourd’hui en faisant siennes les préconisations du Médiateur de la République. Nombre de nos concitoyens vivant une union durable souffrent de se voir privés d’un certain nombre d’avantages et de droits dont bénéficient les couples mariés, par exemple en matière de capital décès ou de pension de réversion.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je suis un peu surpris de la position de la commission : j’avais cru comprendre qu’elle était plutôt favorable à notre proposition. Un revirement a dû se produire, dont nous aurons peut-être l’explication…
Quoi qu’il en soit, monsieur le rapporteur, je ne puis être d’accord avec vous quand vous invoquez le coût élevé qu’entraînerait, pour les entreprises, l’instauration de ce droit au congé pour la conclusion d’un PACS. Votre argument est tout de même un peu spécieux, dans la mesure où un tel droit est accordé aux fonctionnaires, ce qui représente également un coût.
M. Éric Doligé. Ce n’est pas la même chose !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il existe donc bien une discrimination entre fonctionnaires et salariés du privé.
Par ailleurs, en cas de mariage, ce congé est accordé à tous les salariés. Comment, dans ces conditions, ne pas voir dans ce refus d’étendre aux salariés du privé le bénéfice de la disposition faisant l’objet de notre amendement une forme d’attaque sournoise contre le PACS ?
Monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas répondu à ma question concernant le capital décès, dont le bénéfice est accordé pour les salariés relevant du régime général et pour les fonctionnaires territoriaux, mais non pour les fonctionnaires d’État.
On constate donc des anomalies dans les deux sens, pénalisant tantôt les fonctionnaires, tantôt les salariés du privé. Puisque nous examinons un texte de clarification du droit, ce devrait être l’occasion d’harmoniser les droits, mais vous vous y refusez !
Votre réponse n’est pas satisfaisante. À vous entendre, le présent texte n’est pas le véhicule adéquat pour prendre ce type de mesures : alors quand le fera-t-on ?
Ainsi, nous essayons depuis plusieurs années d’engager le débat sur l’ouverture du droit à la pension de réversion pour les personnes pacsées. Or nos tentatives sont régulièrement anéanties par l’invocation de l’article 40, ce qui est une façon commode de ne pas aborder le fond du problème, sur lequel le Gouvernement ne fait jamais de proposition ! Quand acceptera-t-il d’en discuter ? Quand se décidera-t-il à procéder à une harmonisation sur ce point, le PACS concernant désormais plus de 140 000 personnes chaque année ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous objectez que les auteurs de ces amendements ouvrent un débat de société, ce qui ne correspond pas à l’objet de cette proposition de loi.
J’y reviendrai tout à l’heure : cette proposition de loi est devenue un fourre-tout dans lequel le Gouvernement a introduit, par voie d’amendements, toute une série de dispositions qui, à mon avis, sont à la limite de l’inconstitutionnalité. J’espère d’ailleurs que le Conseil constitutionnel sera appelé à se prononcer sur ce texte.
En outre, le non-respect du principe de l’égalité des citoyens devant la loi est un motif supplémentaire d’inconstitutionnalité : aujourd’hui, en effet, les fonctionnaires pacsés ont acquis des droits – certes par la voie d’une simple circulaire – dont ne bénéficient pas les salariés du secteur privé. Quelle est la raison de cette différence de traitement ?
Mme Jacqueline Panis, rapporteur pour avis. Les fonctionnaires n’ont pas le même statut que les salariés du privé. C’est tout !
M. Jean-Pierre Michel. Enfin, monsieur le secrétaire d’État, vous avez la mémoire courte : vous vous apprêtez à renouveler les erreurs que la droite a commises voilà dix ans, lors de l’instauration du PACS, à l’époque où Mme Christine Boutin, actuelle ministre du logement, défendait des positions sur lesquelles elle reste arc-boutée. J’en veux pour preuve les propos caricaturaux qu’elle a tenus hier, lors du journal de Canal Plus, bien qu’elle n’ait eu de cesse de répéter qu’elle n’était pas la représentante du pape !
Pourtant, le Président de la République lui-même n’a-t-il pas estimé que la position adoptée alors par la majorité avait été une bêtise – pour employer un terme plus choisi que celui qu’il a utilisé ?
Monsieur le secrétaire d’État, nous vous connaissons depuis très longtemps : vous êtes ouvert et intelligent, reconnaissez que votre position est absolument intenable, sur la forme comme sur le fond ! Vous vous montreriez bien inspiré et cohérent avec les propos du Président de la République et de nombreux ministres en acceptant ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Saugey, rapporteur. Monsieur Godefroy, vous avez dû mal me comprendre.
J’ai reconnu que la question soulevée méritait d’être posée,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand ?
M. Bernard Saugey, rapporteur. … compte tenu de l’existence d’une discrimination entre les fonctionnaires et les autres salariés.
Cependant, la présente proposition de loi n’est sans doute pas le véhicule le plus adéquat pour introduire des dispositions tendant à y remédier, sauf à surcharger un texte déjà long et hétérogène.
Mon cher collègue, vous demandez à quelle occasion sera traitée cette question. J’ai une proposition à vous faire : grâce à la récente révision de la Constitution, l’opposition et les groupes minoritaires disposent désormais de séances consacrées à leurs initiatives, au cours desquelles peuvent être examinées des propositions de loi. Je vous invite donc à en élaborer une sur le sujet qui nous occupe ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
Le code électoral est ainsi modifié :
1° L’article L. 30 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « et lorsque les électeurs sont convoqués pour un scrutin » ;
b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis. - Les personnes qui établissent leur domicile dans une autre commune pour un motif professionnel autre que ceux visés aux 1° et 2° après la clôture des délais d’inscription, ainsi que les membres de leur famille domiciliés avec elles à la date du changement de domicile ; » ;
2° L’article L. 32 est ainsi rédigé :
« Art. L. 32. - Les demandes d’inscription sont examinées par la commission administrative prévue à l’article L. 17, qui statue au plus tard cinq jours avant le jour du scrutin. » ;
3° L’article L. 33 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les décisions de la commission administrative sont notifiées dans les deux jours de leur date par le maire à l’intéressé et, s’il y a lieu, au maire de la commune de radiation. » ;
b) Au second alinéa, le mot : « Celui-ci » est remplacé par le mot : « Il » ;
4° Après l’article L. 33, il est inséré un article L. 33-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 33-1. - Les décisions de la commission administrative prises sur le fondement de l’article L. 30 peuvent être contestées par les électeurs intéressés, par tout électeur inscrit sur la liste électorale de la commune, par le préfet ou par le sous-préfet, devant le tribunal d’instance, qui a compétence pour statuer jusqu’au jour du scrutin. ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, sur l’article.
M. Jean-Pierre Michel. Je pensais, avec sans doute tous ceux d’entre nous qui sont parlementaires depuis longtemps, que le temps des lois portant « diverses dispositions » sur des sujets très variés, du type DDOS ou DDOES, était révolu. En fait, le Gouvernement ne s’est plus hasardé à présenter de tels textes depuis que le Conseil constitutionnel, sous la présidence de M. Pierre Mazeaud qui en était un opposant résolu, a estimé qu’ils étaient truffés de « cavaliers ».
Or, aujourd’hui, avec cette proposition de loi, nous avons pire ! Du reste, s’agit-il véritablement d’un texte d’origine parlementaire ou sa rédaction a-t-elle été téléguidée par le Gouvernement ? Finalement, peu importe.
Quoi qu’il en soit, d’après mon décompte, cette proposition de loi vise à réformer les vingt-sept codes suivants – mais peut-être en ai-je oublié : le code électoral, le code de procédure pénale, le code civil, le code de commerce, le code de l’urbanisme, le code de la construction et de l’habitation, le code de l’organisation judiciaire, le livre des procédures fiscales, le code du travail, le code de la santé publique, le code de la consommation, le code des douanes, le code rural, le code forestier, le code général des collectivités territoriales, le code des communes, le code de la sécurité sociale, le code des postes et des communications électroniques, le code de la voirie routière, le code du patrimoine, le code de l’environnement, le code de l’aviation civile, le code de l’action sociale et des familles, le code des assurances, le code pénal, le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, et le code de la mutualité ! (Murmures sur les travées de l’UMP.)
De surcroît, cette proposition de loi tend également à ratifier vingt-huit ordonnances prises par le Gouvernement en vertu d’une loi d’habilitation – comme cela, d’un coup de baguette magique ! (M. le président de la commission des lois proteste.)
Enfin, par le biais de l’adoption d’amendements d’origine gouvernementale, sept articles d’habilitation législative ont été insérés, portant sur des sujets qui ne sont pas anodins…
Devant une telle situation, de quels droits dispose aujourd’hui le Parlement ? Le Sénat, après l’Assemblée nationale, s’apprête à voter une proposition de loi dont l’objet principal est de faire plaisir au Gouvernement et à sa majorité. Il va ainsi adopter, je le rappelle, sept articles d’habilitation législative, sur lesquels le Parlement n’a, pour l’heure, aucune espèce de droit de regard, entériner vingt-huit ordonnances prises sans aucune discussion en vertu d’une loi d’habilitation…
Je trouve que le procédé est absolument scandaleux, pour ne pas dire plus !
M. Patrice Gélard. Il est surtout constitutionnel !
M. Jean-Pierre Michel. J’espère que le Conseil constitutionnel sera appelé à en juger.
M. le président. L’amendement n° 164, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
...° L’article L. 388 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer » sont remplacés par les mots : « n° ... du ... de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures » ;
b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article dans leur rédaction issue de la loi n° ... du ... précitée entrent en vigueur en Nouvelle-Calédonie le 11 mai 2009. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Santini, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet d’assurer la coordination de l’entrée en vigueur en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna des modifications apportées au code électoral, en tenant notamment compte de la proximité des élections en Nouvelle-Calédonie, prévues le 10 mai prochain.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Saugey, rapporteur. Très favorable !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Le dernier alinéa de l’article 530-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase, les mots : «, à sa demande », sont supprimés ;
2° Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Les modalités de ce remboursement sont définies par voie réglementaire. ». – (Adopté.)
Article 3
Les trois derniers alinéas de l’article 80 du code civil sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de décès dans les établissements de santé et dans les établissements sociaux et médico-sociaux qui accueillent des personnes âgées, les directeurs en donnent avis, par tous moyens, dans les vingt-quatre heures, à l’officier de l’état civil. Dans ces établissements, un registre est tenu sur lequel sont inscrits les déclarations et renseignements portés à la connaissance de l’officier de l’état civil.
« En cas de difficulté, l’officier de l’état civil doit se rendre dans les établissements pour s’assurer, sur place, du décès et en dresser l’acte, conformément à l’article 79, sur la base des déclarations et renseignements qui lui sont communiqués. ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 3
M. le président. L’amendement n° 61, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle et Chevé, M. Daudigny, Mme Demontès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 79-1 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Est considéré comme viable l’enfant né après un terme de 22 semaines d’aménorrhée ou s’il a atteint un poids de 500 grammes. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement a pour objet de donner une base légale valide aux critères de viabilité d’un enfant.
En effet, depuis l’invalidation par la Cour de cassation, par trois arrêts rendus le 6 février 2008, de la circulaire du 2 novembre 2001 qui explicitait les critères de viabilité en référence aux seuils recommandés par l’Organisation mondiale de la santé – un minimum de gestation de vingt-deux semaines d’aménorrhée ou un poids de 500 grammes –, la viabilité ne fait plus l’objet d’aucune définition normative.
À l’époque, j’avais interrogé le ministre de la justice sur les conséquences de ces trois arrêts de la Cour de cassation et sur l’urgence de reconstruire un cadre juridique clair, notamment pour les officiers de l’état civil, qui ont besoin de règles sûres.
La parution au Journal officiel du 22 août 2008 de deux décrets du ministère de la justice et de leurs arrêtés d’application a apporté des améliorations certaines au régime juridique de l’acte d’enfant sans vie, dans un sens plus favorable aux familles, en prévoyant notamment le droit d’organiser des funérailles et d’inscrire dans le livret de famille leur enfant déclaré sans vie, ce qui symbolise son appartenance à l’histoire familiale. Ce sont des dispositions très positives, et j’ai eu l’occasion d’en discuter avec mon collègue Philippe Gosselin, député UMP de la Manche, qui, à l’Assemblée nationale, s’est beaucoup occupé de cette question.
Pour combler le vide juridique, souligné par la Cour de cassation dans ses arrêts du 6 février 2008, le second décret et l’arrêté d’application du ministère de la santé visent notamment à préciser les conditions d’établissement de l’acte d’enfant sans vie, qui sera désormais délivré sur la base d’un « certificat médical d’accouchement », excluant les cas de « fausse couche précoce » ou d’interruption volontaire de grossesse.
Néanmoins, des ambiguïtés sources de contentieux demeurent puisque, faute d’être précisément définie, la notion de « fausse couche précoce » ne permet pas de savoir à partir de quel moment de la grossesse la perte du fœtus peut entraîner l’établissement d’un acte d’enfant sans vie. De même, le nouveau certificat médical d’accouchement se réfère expressément à la notion de viabilité.
C’est pourquoi il est nécessaire de donner une base légale valide aux critères de viabilité et de compléter les mesures prévues en précisant les conditions d’application du premier alinéa de l’article 79-1 du code civil.
Certes, mes chers collègues, fixer des seuils, c’est toujours introduire un effet couperet qui peut paraître injuste à ceux qui s’en approchent sans les atteindre, surtout dans un cas aussi douloureux que la perte d’un enfant. Toutefois, les seuils auxquels nous faisons référence dans cet amendement correspondent à des recommandations internationales reconnues par l’ensemble de la communauté médicale et à l’état des connaissances scientifiques en la matière. J’ajoute que la plupart de nos voisins européens utilisent, peu ou prou, les mêmes normes pour définir la viabilité. Je vous renvoie sur ce point à l’étude de législation comparée d’avril 2008 que j’avais fait établir par le service des études juridiques du Sénat.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir adopter cet amendement, qui a d’ailleurs été sollicité par M. le Médiateur de la République.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Saugey, rapporteur. Monsieur Godefroy, l’accouchement constitue le critère permettant de dresser l’acte d’enfant sans vie. Les fausses couches précoces ainsi que les interruptions volontaires de grossesse sont, c’est vrai, exclues du nouveau dispositif.
Cette question douloureuse et délicate, en raison des risques d’interférence avec les débats relatifs à l’interruption volontaire de grossesse, peut effectivement justifier l’intervention du législateur – vous nous dites que votre amendement a pour origine une sollicitation du Médiateur de la République : j’apprécie beaucoup M. Delevoye, mais ce n’est pas lui qui fait la loi !
À mon avis, cette question dépasse cependant le cadre d’une proposition de loi de simplification du droit. En outre, la rédaction des dispositions proposées suscite un certain nombre d’interrogations.
D'une part, en définissant dans le code civil les critères de la notion médicale de viabilité d’un enfant, ces dispositions risquent d’introduire une très grande rigidité et de supprimer tout pouvoir appréciation des médecins.
D'autre part, elles risquent également d’avoir des incidences sur la définition de la personnalité juridique et la possibilité d’obtenir non seulement un acte d’enfant sans vie, mais aussi un acte de naissance et un acte de décès.
Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, mon cher collègue. À défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Santini, secrétaire d'État. Cet amendement ne relève pas, une fois de plus, de la simplification du droit. La question des modalités de déclaration des enfants sans vie à l’état civil, qui avait soulevé une vive émotion à la suite des arrêts rendus par la Cour de cassation l’année dernière, est désormais résolue.
Le Gouvernement a en effet pris plusieurs mesures réglementaires, le 20 août dernier, qui clarifient le droit applicable. L’acte d’enfant sans vie peut être dressé sans référence à un seuil de gestation, sur présentation à l’officier de l’état civil d’un certificat d’accouchement délivré conformément au modèle établi par le ministère de la santé. C’est donc l’existence de l’accouchement qui constitue le critère permettant de dresser l’acte d’enfant sans vie.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Godefroy, l’amendement n° 61 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le secrétaire d'État, contrairement à mon attente, vous n’avez pas suggéré de renvoyer l’examen de cette question à une discussion ultérieure : vous venez de clore le débat, estimant que les décrets avaient permis de tout résoudre. Or, à mon sens, il est loin d’être clos !
La Cour de cassation ne s’est nullement prononcée sur le seuil de viabilité en tant que tel, et elle n’avait d’ailleurs pas à le faire ; elle s’est simplement prononcée sur l’application de la circulaire que j’ai citée, jugeant que celle-ci n’avait pas force de loi. Le seuil de viabilité, reconnu depuis longtemps, n’a jamais été remis en cause.
Monsieur le secrétaire d'État, je m’interroge beaucoup sur le sort à réserver à mon amendement. Si vous considérez que le problème est définitivement réglé, je le maintiendrai en tant qu’amendement d’appel. En revanche, si vous me donnez l’assurance que nous pourrons revoir cette question, notamment à l’occasion de l'examen de la prochaine loi de bioéthique, je le retirerai volontiers.