M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud, pour explication de vote.
M. Adrien Giraud. Nous avons connu, à Mayotte, ce problème de carburant. À l’époque, c’était l’armée qui nous approvisionnait et non pas une société pétrolière.
Nous avons aujourd'hui un opérateur, la société Total, désigné à la suite d’un appel d’offres lancé voilà trois ans. Le contrat passé avec cette compagnie pose comme condition que les stations-service desservies puissent embaucher du personnel au lieu de recourir à la formule du libre-service.
Ne pourrait-on généraliser ce moyen pour essayer de diminuer le chômage ?
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Le groupe socialiste soutient pleinement cet amendement.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez dit qu’il fallait rechercher une solution d’équilibre. Mais, si l’on met en place un dispositif de taxation visant à faire payer plus les consommateurs, la mesure ne servira à rien.
Ce raisonnement ne vaut que si les lois du marché sont appliquées. En revanche, s’il y a une situation de monopole, comme plusieurs intervenants l’ont souligné, un tel raisonnement ne tient plus, et il appartient aux autorités de régulation de trouver les règles permettant d’instaurer un juste équilibre.
Tel est le fond du problème. On voit bien aujourd’hui que la SARA réalise des profits substantiels.
Total, la société mère, jouit aujourd’hui d’une situation excessivement florissante, au point qu’il serait légitime de lui demander de rembourser un certain nombre d’aides publiques qui lui ont été octroyées. Des profits de 14 milliards d’euros, le chiffre est considérable !
Mais nous discutons en ce moment d’une problématique plus locale. Si nous ponctionnons partiellement les bénéfices de la SARA, qui s’élèvent à 60 millions d’euros, et si nous instituons une régulation et un contrôle satisfaisants de la part des autorités publiques, le consommateur ne sera pas amené à supporter le coût de cette mesure en dernier ressort.
La SARA est en situation de monopole et nous pouvons très légitimement prétendre la soumettre à un contrôle afin de répondre aux exigences du présent et doter le fonds exceptionnel d’investissement outre-mer de ressources supplémentaires.
Cet amendement est tout à la fois raisonnable dans le contexte actuel et légitime du point de vue économique, car les entreprises visées jouissent d’une situation de monopole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Je voudrais éviter toute confusion.
Le raisonnement tiendrait si le prix des carburants n’était pas administré.
Si cet amendement est voté aujourd’hui et si une taxe est prélevée sur la SARA, elle sera automatiquement répercutée sur les prix à la pompe, tant que nous n’aurons pas changé le système d’administration des prix – nous sommes en train de le faire, mais il faut bien respecter une certaine méthode.
Mme Nicole Bricq. Déposez un amendement !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Il ne suffit pas de déposer des amendements !
S’il est adopté, cet amendement aura donc pour résultat, demain, l’inverse de ce que souhaitent ses auteurs, compte tenu de la réglementation en vigueur, qui n’est pas bonne, mais que l’actuel gouvernement n’a pas inventée – aucun des groupes présents dans cette assemblée ne l’a remise en cause pendant les quinze dernières années. Nous avons donc tous notre part de responsabilité dans la situation actuelle : la SARA existe depuis longtemps et Lucette Michaux-Chevry a rappelé qu’elle avait remis à Christian Paul un rapport, resté sans suites, sur les dérives de cette société. Ne faisons donc pas de cette question un combat politique !
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas le cas !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Je propose d’agir avec méthode.
La mission d’inspection, au terme d’un travail de quatre mois, nous rend son rapport. Un comité de suivi du prix de l’essence a été mis en place ; les présidents des collectivités départementales et régionales y participent, ainsi que les maires et des représentants de l’intergroupe parlementaire. Nous allons prendre des décisions pour mettre fin au système actuel dans lequel le préfet administre les prix.
Mais, si cet amendement était adopté aujourd’hui, la taxe qu’il a pour objet de créer serait, en vertu de la réglementation actuelle, immédiatement prélevée dans la poche du consommateur, car le préfet serait obligé d’appliquer la formule – je ne la développerai pas maintenant parce qu’elle est complexe – qui permet à la SARA de répercuter automatiquement et en toute légalité cette taxe sur ses prix, donc sur les prix à la pompe.
Permettez-moi d’observer qu’il n’est pas si fréquent qu’un membre du Gouvernement suive aussi attentivement les débats. Jacques Gillot et ceux qui soutiennent son amendement ont raison de dénoncer la situation actuelle, mais, si nous agissons sans méthode, nous risquons d’obtenir le résultat inverse de celui qui est ici recherché.
Le souhait du Gouvernement, une fois que le rapport de la mission d’inspection sera publié, est de définir, en concertation avec la commission de suivi, un nouveau mode de fixation des prix qui pourrait, je l’espère, être opérationnel avant l’été. Une fois que la contrainte du prix administré sera levée, nous pourrons alors faire évoluer le monopole et envisager une taxation, afin qu’une partie des bénéfices des sociétés pétrolières soit réinvestie outre-mer.
Je suis favorable au principe d’une telle mesure mais, si elle était adoptée aujourd’hui – bien que je comprenne le souhait des élus d’outre-mer de revenir avec ce trophée, car ce sujet était au cœur de la crise que nous venons de traverser –, elle aurait pour effet paradoxal de faire augmenter les prix des carburants dans les semaines qui viennent, sans que nous puissions agir contre ! (M. François Marc manifeste sa désapprobation.)
Vous n’avez pas l’air de me croire, monsieur le sénateur, mais faites-moi la grâce d’admettre que je me suis plongé dans ce dossier comme personne ne l’avait fait depuis des années : nous sommes en train de soulever des questions que personne n’a jamais posées. Nous sommes animés par une vraie volonté de transparence absolue et de remise à plat du système. Cependant, si nous agissons sans méthode, non seulement nous en subirons les conséquences, mais tout le combat mené en commun pour imposer la transparence et trouver des réponses aura été vain si les consommateurs s’aperçoivent que le prix de l’essence augmente et que le prélèvement imposé à la SARA ne change rien à son fonctionnement. En somme, nous aurons tout chamboulé pour rien !
Prenons le temps de changer le mode d’administration des prix et, d’ici à l’été, nous introduirons une taxation, soit par la négociation, soit par une loi de finances rectificative – si je l’ai évoquée, c’était pour bien montrer ma volonté de ne pas renvoyer le règlement de cette question aux calendes grecques – en ayant soigneusement soupesé les avantages et les inconvénients des solutions possibles pour choisir in fine la plus juste.
Je tiens à vous convaincre de ma sincérité dans ce combat : je ne veux protéger personne ! Je me réjouis que les compagnies pétrolières ne soient pas en faillite et réalisent des bénéfices, mais je pense aussi que, lorsqu’un tel niveau de rentabilité est atteint, les bénéfices doivent être partagés pour que chacun s’y retrouve.
J’ajoute enfin que la SARA occupe quatre cents salariés en Martinique.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Combien en Guadeloupe ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Il faut aussi y penser afin que toute évolution imposée à cette société prenne en compte l’aspect social de la situation : je ne voudrais pas que certains petits malins profitent de la création d’une nouvelle taxe pour justifier un plan social. L’actualité récente nous montre suffisamment d’exemples de cette nature…
M. François Marc. Oh !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. On peut le regretter et pousser des cris d’orfraie, mais cela arrive !
Avec de la méthode, du consensus et de la transparence, nous serons plus efficaces que si chacun essaie de jouer tout seul sa propre carte, sans cohérence. Ce dossier représente l’une des préoccupations majeures du Gouvernement, qui vous assure de sa volonté d’avancer en toute transparence.
L’adoption de cet amendement, si elle exprime une revendication que j’ai bien entendue, risquerait d’aboutir, je le répète, à un résultat contraire à celui qui est visé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les propos que j’ai tenus sur cette question démontrent que nous sommes tout à fait en phase et que nous partageons la volonté de progresser dans le même sens. Alors, faisons-le avec méthode !
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, pour explication de vote.
M. Jean-Étienne Antoinette. Je m’associe, au nom de la Guyane, aux propos tenus par Lucette Michaux-Chevry et par Jacques Gillot, sénateurs de la Guadeloupe. J’ajouterai deux observations.
En premier lieu, il faut compléter cette analyse, en ce qui concerne la Guyane, par la prise en compte du coût du transport entre la Martinique et la Guyane.
En effet, le coût du transport entre la Martinique et la Guadeloupe est assumé par l’ensemble des consommateurs martiniquais et guadeloupéens. En revanche, les consommateurs guyanais supportent seuls le coût du transport entre la Martinique et leur département.
En second lieu, je voudrais revenir sur le concept même de prix administré, qui ne peut se réduire, monsieur le secrétaire d’État, à suivre de manière linéaire l’évolution des coûts. Il s’agit également de contrôler les différentes données qui entrent dans la détermination de ces coûts. Or ce travail n’a pas été réalisé de manière satisfaisante par les services déconcentrés de l’État, d’où les conclusions des divers rapports.
La logique du prix administré consiste, d’une part, à vérifier quel est le vrai prix et, d’autre part, à établir le niveau du juste prix. Si nous considérons que le juste prix est inférieur au vrai prix, compte tenu de l’étroitesse du marché, il s’agit de déterminer qui doit payer la différence pour que l’économie puisse fonctionner normalement. En l’occurrence, il me semble que nous n’avons jamais appliqué le véritable prix administré.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Virapoullé. Cet amendement est bon, mais le contexte législatif et réglementaire nous est hostile. La réglementation sur les prix des hydrocarbures en vigueur date du Moyen Âge, ou presque (Sourires), et ne correspond plus aux impératifs actuels du marché.
Dans ces conditions, deux hypothèses sont à envisager : soit nous votons contre cet amendement parce que, bien que nous soyons favorables à l’idée, le contexte ne s’y prête pas ; soit, après cette discussion, ses auteurs le retirent. Je souhaiterais que nous parvenions à un consensus en faveur du retrait, car il ne serait pas bon que nos collègues subissent un vote négatif.
J’ai été désigné par l’intergroupe parlementaire pour siéger à la commission sur les produits pétroliers – elle s’est réunie lundi, en présence de M. le secrétaire d’État et des représentants des quatre départements d’outre-mer. Cette réunion m’inspire plusieurs réflexions.
En premier lieu, les compagnies pétrolières sont, plus que des citadelles, quasiment des États dans l’État. Nous ne pourrons pas fonder le dialogue avec elles sur des illusions – mes illusions se sont totalement évanouies, mais mes convictions sont renforcées. Nous devrons nous armer d’arguments pour que, soit par l’application du droit européen de la concurrence, soit par une législation qui reste à forger – il y faudra du temps, monsieur le secrétaire d’État, et l’année 2009 n’y suffira pas, à mon avis –, nous parvenions à mettre en place un dispositif de vérité et de transparence des prix dans ce secteur.
En second lieu, les données, telles qu’elles nous ont été présentées, sont complexes et diverses : il existe non pas une série de données mais plusieurs. Prenons l’exemple de l’approvisionnement : pourquoi la SARA s’approvisionne-t-elle en pétrole brut acheté à Rotterdam, alors que la région compte de nombreux producteurs de pétrole ? Voilà une question à éclaircir, que le rapport des experts que nous avons entendus n’aborde pas : ils ont simplement justifié cette source d’approvisionnement par le fait que le pétrole vendu sur le marché de Rotterdam était conforme aux normes européennes. C’est une blague ! Le pétrole brut, lorsqu’il jaillit, n’est pas aux normes européennes ou aux normes mondiales ! Il va donc falloir clarifier cette question, car nous ne pourrons plus nous satisfaire de justifications aussi fantaisistes.
Il faut également prendre en compte d’autres paramètres, la raffinerie, les procédures d’achat, les marges, le trading, etc. Si nous prenons donc le temps, mes chers collègues, de créer les conditions d’un consensus général et de nous rassembler au-delà des clivages politiques – nos forces ne suffiront peut-être pas forcément à la tâche – nous parviendrons peut-être à établir la transparence et la vérité dans ce dossier. Ce n’est qu’ensuite que nous pourrons définir le remède pour imposer un prix compatible avec les normes du marché et les souhaits de la population.
Je serais gêné de voter contre cet amendement, car cela signifierait que je ne suis pas d’accord avec ses auteurs, mais, si je vote pour, j’apporte de l’eau au moulin de ces compagnies qui nous exploitent !
Nous devrions donc trouver aujourd’hui un consensus pour dire au Gouvernement : banco ! Puisqu’il nous propose de relever un défi, qu’il nous communique les données, comme l’a dit Lucette Michaux-Chevry, pour que nous nous fassions une opinion sur cette question complexe. Quand nous aurons tout remis à plat, nous pourrons nous armer législativement et réglementairement pour remettre de l’ordre dans ce dossier dont la valeur symbolique est considérable. La « profitation » existe, notamment dans ce domaine : si nous voulons y mettre fin, nous devons nous donner les moyens d’une réflexion approfondie ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.
M. Joël Bourdin. Je souhaitais formuler deux observations. La première portait sur le fond, mais notre collègue Virapoullé l’a déjà exposée avec brio, je n’y reviendrai donc pas. La seconde porte sur la forme.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez dit tout à l’heure que vous exprimiez un avis personnel avant de nous donner l’avis du Gouvernement. Non ! Au Sénat, seuls les sénateurs peuvent émettre un avis personnel. Le représentant du Gouvernement n’exprime que l’avis du Gouvernement. Vos propos ont entraîné une certaine confusion : il faudra y remédier !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Depuis le début de cette discussion sur le développement économique de l’outre-mer, nous butons sur la question de la formation des prix. M. le secrétaire d’État a pris des engagements au nom du Gouvernement : il va vraiment falloir créer outre-mer des brigades spéciales au sein de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (M. Jean-Paul Virapoullé applaudit), et veiller à ce que leurs agents ne fassent pas carrière trop longtemps dans ces territoires ! (Applaudissements.) Je veux dire par là qu’ils devront avoir suffisamment d’indépendance et de distance par rapport à la formation des prix.
Cependant, monsieur Gillot, ce n’est pas en créant une taxe supplémentaire que vous allez régler la question. François Marc est venu à votre secours, mais c’est vraiment la fausse bonne idée : si vous multipliez les taxes, vous ne faites qu’accroître le prix demandé au consommateur. Et vous êtes pris dans une fuite en avant qui conduira à un système économique dans lequel, demain, seuls gagneront de l’argent ceux qui mettent sur le marché et ceux qui sont agents de la fonction publique. Tous ceux qui produisent auront disparu, et tout cela se traduira par des déficits publics, du moins aussi longtemps qu’il y aura des personnes prêtes à les financer !
De grâce, sortons de cette chimère et renoncez à votre amendement, mon cher collègue.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je comprends les arguments du Gouvernement, et M. Virapoullé les a bien résumés : oui sur le principe ; non dans le contexte et alors que nous ne disposons pas des résultats de toutes sortes de travaux en cours. J’ai entendu également Mme Michaux-Chevry, qui pointe du doigt le problème essentiel, dont nous avons débattu il y a à peine deux jours : la situation monopolistique.
M. Jean-Paul Virapoullé. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq. Je comprends aussi les arguments du président de la commission des finances quand il nous dit qu’il faut des brigades d’agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Mais notre collègue Joël Bourdin a raison de rappeler aussi que le Gouvernement doit parler d’une seule voix, car, en l’occurrence, il ne faudrait pas que, concomitamment, on assiste à un démantèlement de la DGCCRF, qui est tout de même, en matière d’enquête sur des fraudes, le principal acteur sur le terrain. Voilà pourquoi je comprends tout à fait nos amis qui défendent cet amendement.
Je tiens à ajouter que la société de raffinage dont nous parlons est la filiale d’un grand groupe. Je ne veux pas ouvrir de polémiques inutiles sur les bénéfices ou sur la situation de l’emploi de cette entreprise, mais on pourrait le faire. Je me contenterai de faire observer qu’une filiale participe à la consolidation des bénéfices de sa holding.
Mme Odette Terrade. Bien sûr !
Mme Nicole Bricq. L’État a les moyens de compenser l’éventuelle hausse de prix consécutive à la répercussion, sur le consommateur, de la taxe envisagée, d’autant plus qu’il taxe lui-même les carburants. Il y a donc des solutions.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien compris qu’un travail était en cours et qu’il ne serait achevé que dans quelques semaines. Mais le présent texte, bien que l’urgence ait été déclarée, passera devant l’Assemblée nationale. Dans cette perspective, le vote de l’amendement de notre collègue Jacques Gillot permettra de prolonger au Palais-Bourbon le débat sérieux que nous avons ce matin.
Je pense que cette affaire du prix du carburant a été un élément central et déclencheur de la lutte menée sur le terrain. Pendant plusieurs semaines, des personnes ont dit : « Ça suffit ! ». (Mme Lucette Michaux-Chevry s’exclame.) Et nous souhaiterions, à travers cet amendement, leur adresser un message. Vous avez raison, monsieur le président de la commission des finances, de dire que cela ne règle pas le problème, mais permettez que nous défendions cette position.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je crois que nous sommes unanimes dans cette assemblée à reconnaître le bien-fondé et la légitimité de l’amendement de notre collègue Jacques Gillot. Cependant, lorsque j’écoute les débats et que je lis le texte de l’amendement, je m’interroge : s’agit-il de suivre la formation des prix avec comme objectif avoué de les faire baisser ou bien d’abonder le fonds exceptionnel d’investissement ?
S’il s’agit de faire baisser les prix, je pense que l’instauration d’une taxe n’est pas la solution pertinente. S’il s’agit d’abonder le fonds exceptionnel d’investissement, je crois qu’il faudrait être beaucoup plus clair et préciser dans l’amendement que la taxe en question doit s’appliquer exclusivement sur les profits réalisés, ce qui n’est pas dit dans la rédaction actuelle. Car, si la taxe intervient dans le processus de formation des prix, elle contribuera forcément à une augmentation des prix à la pompe, et sera donc supportée par le consommateur. Si, en revanche, elle intervient a posteriori sur les bénéfices, il me semble que le consommateur n’en fera pas les frais.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Ces questions ont suscité un long débat, et elles le méritaient.
Monsieur Bourdin, je suis désolé que vous ayez vu de la confusion dans un propos qui n’avait précisément d’autre ambition que la clarté. Je me suis appuyé sur ce que j’ai pu entendre aux Antilles lors de mes nombreux déplacements, ainsi que sur les travaux de la mission, qui nous ont aidés à mieux appréhender ce dossier extraordinairement complexe. Cette complexité et cette opacité expliquent d’ailleurs sans doute que, depuis plus de trente-cinq ou quarante ans que la SARA et ces pratiques existent, personne n’a changé le système.
C’est ce qui justifie la méthode qu’a employée le Gouvernement, en menant tout d’abord une mission d’inspection. De plus, je confirme que j’ai saisi la Haute Autorité de la concurrence, pour qu’elle travaille elle aussi sur ce sujet et me remette, en toute indépendance, ses conclusions avant l’été.
Éclairés de ces deux avis, nous pourrons alors mettre en place les meilleurs dispositifs possibles pour aller dans le sens souhaité par tous : un approvisionnement fluide de l’outre-mer en carburant, à un prix tout à fait raisonnable pour le consommateur. Je rappelle, d’ailleurs, qu’aujourd’hui le prix du carburant aux Antilles, en tout cas en Martinique et en Guadeloupe, est inférieur à celui qui est pratiqué en métropole, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Voilà pourquoi je ne voudrais pas qu’une initiative de notre part vienne changer la donne, car cela ne serait pas compris.
Je comprends évidemment parfaitement que Jacques Gillot défende son amendement avec toute sa conviction, mais il doit pouvoir reconnaître que le Gouvernement met, de son côté, toute sa force pour faire la transparence dans cette affaire complexe de la formation des prix de l’essence, et pour agir avec méthode tout en respectant un calendrier raisonnable.
J’espère qu’après ce long débat le Parlement et, au-delà, nos compatriotes d’outre mer seront éclairés sur la volonté des uns et des autres, et sur l’ambition que je crois commune d’aller dans le sens d’un progrès.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Comme dans une autre vie j’ai dirigé l’administration du contrôle des prix, je voudrais dire que la vraie solution à ce problème est l’ouverture à la concurrence de ce marché captif. C’est votre seul argument de négociation sérieux avec Total et ses filiales, monsieur le secrétaire d’État. Vous devez leur dire que nous allons ouvrir le marché, que l’on pourra introduire des produits raffinés, de l’essence super ou du gazole, dans des conditions tout à fait normales.
C’est la raison pour laquelle, avec mes collègues du groupe UMP, à l’exception peut-être de Mme Michaux-Chevry, dont je respecte la position, nous ne voterons pas l’amendement de M. Gillot, si jamais il le maintenait.
Mes chers collègues, la création d’une taxe dans un système monopolistique ne peut avoir qu’un effet de majoration des prix. L’objectif dans la négociation entamée et dans la remise à plat qui est réclamée de toutes parts est d’ouvrir à la concurrence les Antilles, la Réunion et la Guyane, qui ne doivent pas rester des marchés captifs. C’est à cette condition que l’on pourra avoir une régulation et une baisse des prix.
M. Jean-Paul Virapoullé. Bravo !
M. le président. Monsieur Gillot, l’amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Gillot. Je suis d’accord avec M. le secrétaire d‘État pour dire qu’il faut une méthode. Nous prévoyons d’ailleurs dans notre argumentaire que le taux de la taxe sera fixé par l’État, en fonction des informations recueillies par la mission interministérielle et par la mission d’information parlementaire de l’Assemblée nationale.
Nous avons ici même voté un certain nombre de dispositions pour le présent projet de loi lors de la discussion de la loi de finances pour 2009. Nous avons notamment mis en place plusieurs dispositifs pour la défiscalisation ainsi que les zones franches d’activités, avant même qu’elles ne soient créées. Nous avons de même voté un certain nombre de dispositions pour ce fonds exceptionnel d’investissement, avant même qu’il n’existe. Et nous étions d’accord pour dire qu’il s’agissait de donner un signal fort à nos entreprises.
C’est ce que je voudrais faire encore aujourd’hui. Je souhaite adresser un signal fort en disant que la SARA est effectivement dans une situation monopolistique et que les gouvernements successifs n’ont pas pris en charge ce dossier, ce que le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, M. Jégo, a eu le courage de le reconnaître lors de son passage en Guadeloupe.
Il serait dommage de retirer mon amendement uniquement pour des raisons techniques, alors que cette taxe est juste par rapport à la « profitation » de la SARA. Aussi, monsieur le président, je préfère subir le vote négatif de mes collègues plutôt que de renoncer à adresser, comme il convient de le faire en certaines occasions, des signaux forts aux acteurs, sur le terrain, quitte à mettre des bémols à certains moments.
Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par MM. Gillot, S. Larcher, Lise, Patient, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 31-1 du code minier, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Pour la zone économique exclusive ou le plateau continental français au large des régions d'outre-mer, une redevance spécifique, due par les titulaires de concessions de mines hydrocarbures liquides ou gazeux, est établie au bénéfice de la région d'outre-mer concernée.
« Le barème de la redevance spécifique est, à compter du 1er janvier 2010, établi selon les tranches de production annuelle prévues à l'article 31, le taux applicable à chaque tranche étant toutefois fixé par le conseil régional, dans la limite des taux prévus audit article. »
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Cet amendement vise à instaurer une redevance due par les titulaires de concessions de mines hydrocarbures liquides ou gazeux, au profit de la région outre-mer concernée.
En effet, des permis exclusifs de recherche de mines hydrocarbures ont été délivrés pour des activités sises dans la zone économique exclusive au large des départements français d’Amérique, conduisant à prendre en compte la perspective de l’existence de ressources hydrocarbures exploitables au large de ces régions. Dans ce cas, le code minier prévoit le paiement d’une redevance progressive, mais il précise qu’elle ne s’applique pas aux gisements en mer. Dans l’hypothèse de l’exploitation de telles mines, cette disposition a pour effet de priver les collectivités régionales d’outre-mer de toute participation au produit de l’exploitation, laquelle bénéficierait par ailleurs d’un régime fiscal anormalement avantageux par rapport à celui qui est généralement appliqué dans les situations comparables.
L’amendement a pour objet d’étendre aux régions d’outre-mer, notamment à la Guadeloupe, à la Guyane et à la Martinique, le dispositif spécifique qui avait été adopté par le législateur en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le cadre de la loi de finances pour 1999.