M. le président. Le sous-amendement n° 60 rectifié, présenté par Mme Hoarau, M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa de l'amendement n° 411, insérer un alinéa ainsi rédigé :
La liste de ces investissements est arrêtée après concertation avec les collectivités concernées.
La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, je retire ce sous-amendement, auquel M. le secrétaire d’État a apporté des réponses.
M. le président. Le sous-amendement n° 60 rectifié est retiré.
L'amendement n° 199, présenté par MM. Patient, Antoinette, S. Larcher, Lise, Gillot, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1613-7 du code général des collectivités territoriales, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Au cours de la première année de la réalisation d'un investissement, l'aide apportée par le fonds exceptionnel d'investissement outre-mer peut bénéficier aux dépenses de fonctionnement induites par ledit investissement.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Je salue bien sûr la mise en place de ce fonds, qui est la reconnaissance par l’État de la nécessité de faire un important effort de rattrapage en faveur des collectivités ultramarines.
Comme je le disais à l’instant à M. le secrétaire d’État, tout investissement a des effets sur le fonctionnement. Vous le savez, les collectivités de Guyane, comme toutes celles d’outre-mer, ont du mal à faire face à leurs dépenses de fonctionnement résultant d’investissements importants.
Par exemple, en Guyane, beaucoup d’efforts de rattrapage sont faits pour les équipements scolaires, qui peuvent être réalisés grâce à des apports de la collectivité, de l’État ou à des emprunts.
Mais les conséquences sur le fonctionnement sont très fortes. Ainsi, la réalisation de tout nouvel équipement scolaire entraîne immédiatement un surcroît de dépenses de fonctionnement correspondant à 15 % au moins du montant de l’investissement.
Dès lors, il serait, nous semble-t-il, important de consacrer une partie des ressources de ce fonds aux dépenses de fonctionnement des collectivités locales lors de la mise en place de tels équipements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. L’amendement n° 411 vise à rédiger intégralement l’article 16, ce qui a pu susciter chez nous quelques interrogations, car la rédaction initiale de cet article nous satisfaisait.
Nous l’avons constaté, aux termes de la nouvelle rédaction proposée pour l’article 16, le renvoi à un décret pour la définition des modalités d’attribution des aides, la clause interdisant l’attribution d’une aide aux projets pour lesquels l’État et les collectivités ont déjà conclu une convention de financement et l’intégration d’un tel dispositif au sein du code général des collectivités territoriales seraient supprimés.
Nous nous sommes interrogés sur ces trois points, estimant notamment que la clause relative à l’attribution des aides aux projets faisant déjà l’objet d’une convention entre l’État et les collectivités locales ou l’inscription au code général des collectivités territoriales pouvaient être des mesures intéressantes.
Dès lors, nous serions plutôt tentés d’émettre un avis de sagesse positive. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu les arguments que vous avez invoqués pour défendre votre amendement.
L’amendement n° 199 témoigne de la satisfaction suscitée par la création du fonds exceptionnel d’investissement. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, si un tel dispositif était étendu à certains départements métropolitains, je pense que nombre de nos collègues seraient tout à fait disposés à le soutenir. (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Encore faudrait-il que la situation de nos finances publiques nous le permette !
M. Éric Doligé, rapporteur. Je vous l’accorde, mon cher collègue. Comme nous avons bien compris qu’elle ne nous le permettait pas, nous n’irons tout de même pas jusqu’à déposer un sous-amendement en ce sens. (Nouveaux sourires.)
Sur le fond, nous comprenons bien que tout investissement entraîne en général des frais de fonctionnement. D’ailleurs, à titre personnel, je regrette que certaines collectivités locales décident parfois de réaliser des investissements sans anticiper les frais de fonctionnement supplémentaires. Cela peut causer bien des surprises !
Quoi qu’il en soit, mon cher collègue, il n’est pas possible de déroger à la règle. Il s’agit bien d’un fonds d’investissement et nous ne pouvons pas l’étendre aux dépenses de fonctionnement.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Je confirme les propos que j’ai tenus en présentant l’amendement n° 411.
Nous voulons introduire plus de souplesse dans le dispositif, notamment pour permettre à des opérations faisant déjà l’objet d’un contrat entre l’État et les collectivités locales de bénéficier du fonds, dans la limite, bien sûr, des crédits accordés par l’État. À mon sens, en cette période de relance, nous avons effectivement besoin de souplesse dans l’utilisation de tels crédits. On rencontre toujours des personnes qui ont des idées, mais il est parfois plus difficile de trouver des projets concrets susceptibles d’être mis en œuvre dans l’année !
Par ailleurs, je suis sensible aux difficultés soulevées par les auteurs de l’amendement n° 199. C’est notamment dans cet esprit que nous avons proposé la création d’une agence de vie scolaire, afin d’essayer de mutualiser certains frais de fonctionnement des collectivités locales, en l’occurrence en matière d’établissements scolaires.
Pour autant, il serait effectivement très compliqué de réserver une partie des ressources du fonds d’investissement à des dépenses de fonctionnement, ne serait-ce que pour des raisons de coût. Contrairement aux dépenses d’investissement, les dépenses de fonctionnement doivent être renouvelées chaque année. À terme, le fonds finirait par être exclusivement consacré aux frais de fonctionnement.
Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Néanmoins, je souhaite insister sur le travail que nous avons engagé avec les collectivités locales. Nous avons ainsi mis en place un groupe d’études afin de trouver des recettes pour les collectivités locales de Guyane. Il s’agit notamment de desserrer l’étau qui pèse sur elles, car elles n’arrivent plus, aujourd'hui, à assumer leurs dépenses de fonctionnement.
Enfin, monsieur le rapporteur, si vous souhaitez étendre le bénéfice de ce fonds aux départements métropolitains, il faudrait également prendre les difficultés qui ont justifié sa création. (Sourires.)
M. Claude Lise. Voilà !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Je pense notamment à la terrible pression migratoire à laquelle la Guyane est confrontée – l’augmentation de la population de ce département est l’une des plus fortes au monde – ou aux 22 % de chômeurs de l’outre-mer ! Je ne suis pas certain que les départements métropolitains auraient à y gagner !
Je suggère donc de réserver les outils spécifiques à des difficultés spécifiques, en l’occurrence celles de l’outre-mer.
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour explication de vote sur l'amendement n° 411.
M. Georges Patient. Le dispositif que je propose pour les dépenses de fonctionnement concerne uniquement l’aide au démarrage. Il n’est pas question de le pérenniser sur toute la durée de vie d’un équipement.
C’est surtout une fois l’investissement réalisé, donc après la mise en place de l’équipement concerné, que l’on observe les conséquences les plus fortes sur les frais de fonctionnement, au moins pendant la première année. La disposition que je suggérais avait donc vocation à s’appliquer juste après la réalisation de l’investissement.
Mais j’attendrai des mesures plus spécifiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote sur l'amendement n° 411.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le secrétaire d’État, le groupe de l’UMP votera évidemment cet amendement. La nouvelle rédaction proposée pour l’article 16 est très assouplie et permet d’intervenir dans des conditions rapides pour financer des investissements importants. J’ai bien noté l’expression que vous avez employée.
À cet égard, je souhaite former un vœu. Pour sortir les départements et les collectivités d’outre-mer d’un certain nombre de difficultés, les décisions relatives au financement des investissements devraient respecter les cinq priorités que nous avons évoquées au début de l’examen du présent projet de loi.
Compte tenu de la situation géographique de ces départements et collectivités, il est clair que nous pouvons insister sur les problèmes d’énergie, d’environnement et de nouvelles technologies.
De notre point de vue, l’aide que le fonds apportera à l’ensemble des départements doit s’inscrire dans une telle ouverture vers l’avenir. Les véritables solutions résident bien plus dans les nouvelles technologies que dans des allégements fiscaux. Ce qu’il faut à présent, c’est s’orienter clairement vers les technologies du développement durable et de la protection de l’environnement.
M. François Trucy. Très bien !
M. le président. En conséquence, l'article 16 est ainsi rédigé, et l'amendement n° 199 n'a plus d'objet.
Articles additionnels après l’article 16
M. le président. L'amendement n° 103, présenté par Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le cadre d'un marché public, lorsque la valeur de la fourniture, du service ou des travaux est inférieure à 90 000 euros hors taxe, le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice fixe un nombre minimum d'entreprises dont l'activité relève de la liste mentionnée à l'annexe du décret n° 98-246 du 2 avril 1998 relatif à la qualification professionnelle exigée pour l'exercice des activités prévues à l'article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat et qui seront admises à présenter une offre.
La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Cet amendement vise à faciliter l’accès des petites entreprises, qui connaissent un certain nombre de difficultés, aux procédures d’appel d’offres.
Nous demandons la fixation d’un nombre minimal d’entreprises exerçant une activité artisanale dans les procédures d’appel d’offres de fournitures, de services ou de travaux pour les marchés de faible importance. Il s’agit en fait de relever le taux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. Nous pouvons parfaitement, me semble-t-il, comprendre la volonté de notre collègue Lucette Michaux-Chevry de permettre à des petites entreprises artisanales de participer à des marchés d’une valeur inférieure à un certain seuil.
En revanche, le dispositif proposé nous paraît particulièrement complexe à mettre en œuvre. En outre, nous estimons qu’une telle mesure, si elle devait entrer en vigueur, devrait s’appliquer sur l’ensemble du territoire national, ce qui créerait un certain nombre de difficultés.
En fait, le présent projet de loi n’est peut-être pas le cadre adapté pour régler le problème soulevé par notre collègue. Compte tenu de la complexité du sujet, la commission sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Mme Lucette Michaux-Chevry pointe une véritable difficulté : l’accès des très petites entreprises à l’activité et aux marchés publics.
Toutefois, comme l’a excellemment souligné M. le rapporteur, il s’agit d’un sujet national, qui dépasse les seuls territoires ultramarins. Nous ne parviendrons donc pas à régler une telle question avec cet amendement, même s’il est très précis.
En revanche, madame la sénatrice, un certain nombre de mesures répondant aux préoccupations qui sont les vôtres figurent déjà dans le projet de loi.
Je pense d’abord aux dispositions du plan de relance, dont nous venons d’évoquer certains éléments, à commencer par le fonds exceptionnel d’investissement. Ce dispositif permettra de faire travailler des petites entreprises.
Je mentionne également le travail que nous avons engagé avec les chambres consulaires pour les inciter à soutenir des groupements d’entreprises. À mon sens, l’une des clés de l’accès des petites entreprises aux marchés publics réside dans leur capacité à créer des groupements, même temporaires. À défaut, même si la loi fixe des obligations, il est souvent impossible pour une toute petite entreprise ne serait-ce que de satisfaire aux demandes minimales à remplir pour être présent dans un appel d’offres. Un groupement d’entreprises peut donc permettre de mutualiser le savoir.
Comme je l’ai indiqué aux présidents des chambres consulaires, je suis prêt à financer une expertise pour les aider à monter ces groupements d’entreprises susceptibles de répondre à des appels d’offres. Il est nécessaire de se donner les moyens en administration partagée, ne serait-ce que pour remplir les dossiers. Il y a là une voie qui, je le crois, est extrêmement intéressante et permettra de fortifier les entreprises.
Enfin, le Gouvernement a réintroduit la défiscalisation de la réhabilitation des logements en mettant une barre qui était non plus à quarante ans, mais à vingt ans. Cela apportera directement du travail aux entreprises artisanales : quand on réhabilite son logement privé en profitant d’une défiscalisation, on le fait évidemment non pas avec des entreprises générales, mais avec les artisans. Selon nous, cette mesure réintroduira plusieurs millions d’euros en faveur de l’artisanat.
Pour ma part, j’interprète cet amendement comme ayant vocation à indiquer une orientation. D’ailleurs, cela rejoint la volonté du Président de la République d’envisager, y compris à l’échelon européen, un « small business act à la française », afin de permettre l’accès des petites entreprises aux marchés publics. C’est le même débat.
Dans ces conditions, le retrait de l’amendement n° 103 n’enlèverait rien à la force des arguments de Mme la sénatrice, mais éviterait au Gouvernement d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Madame Michaux-Chevry, l'amendement n° 103 est-il maintenu ?
Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous vous êtes rendu sur le terrain, vous avez entendu une revendication qui est juste.
Il y a de nombreuses sociétés qui bénéficient en métropole de tarifs bancaires bien plus intéressants que les petites entreprises locales.
Nombre d’élus, qu’ils soient maires ou présidents d’un exécutif local, ont essayé d’engager des procédures de sous-traitance directe pour faciliter l’accès des petites entreprises, qui sont ainsi sûres d’être payées sans être exploitées.
Or vous avez entendu des grosses entreprises, qui ont parfois seulement un bureau chez nous, faire pression pour que les petites entreprises n’acceptent pas la sous-traitance directe.
Aussi, je retire mon amendement, mais j’aborderai de nouveau le sujet lors des états généraux.
Je n’accepte pas l’argument selon lequel ce problème devrait être traité de la même manière sur l’ensemble du territoire national. Vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État, nous avons beaucoup plus de petites entreprises performantes qui font l’effort de recruter des jeunes et de prendre en charge des formations très orientées. Or ces petites entreprises se trouvent écartées du marché des commandes publiques, qui constituerait tout de même une promotion pour elles.
M. le président. L'amendement n° 103 est retiré.
L'amendement n° 118, présenté par MM. Gillot, S. Larcher, Lise, Patient, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Les entreprises dont l'objet principal est, en Guadeloupe, Martinique et Guyane ou à la Réunion, d'effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants doivent acquitter, à compter du 31 mai 2009, une taxe exceptionnelle.
Le montant de cette taxe est fixé l'État.
II. - Le produit de cette taxe vient abonder le fonds exceptionnel d'investissement outre-mer.
La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Le prélèvement sur les profits pétroliers créé par l’article 67 de la loi du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 pour financer l’aide à la cuve a été prorogé en 2008.
Les profits pétroliers réalisés par les sociétés monopolistiques que sont aux Antilles et en Guyane la Société anonyme de la raffinerie des Antilles, ou SARA, filiale de Total, qui a d’ailleurs annoncé des profits records de 13,9 milliards d’euros, et la Société réunionnaise de produits pétroliers, ou SRPP, à la Réunion sont considérables et résultent en partie d’enrichissement sans cause. Nous proposons donc d’instaurer le même type de prélèvement et d’affecter son produit au fonds exceptionnel d’investissement outre-mer.
Le taux de cette taxe sera fixé par l’État en fonction des informations recueillies par la mission interministérielle et par la mission d’information parlementaire de l’Assemblée nationale.
M. le président. Le sous-amendement n° 444, présenté par Mme Hoarau, M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du I de l'amendement n° 118 :
Le tarif de cette taxe est fixé par l'État, en concertation avec les collectivités locales.
La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Les profits de l’industrie pétrolière, depuis plusieurs années, sont indécents.
La situation de monopole en matière de distribution de produits pétroliers en outre-mer vient encore renforcer cet effet de prédation.
Les mouvements sociaux qui se sont amplifiés en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion ont largement fait l’écho des prix trop élevés à la pompe et des profits scandaleux des opérateurs de ce secteur.
En plus de favoriser l’autonomie énergétique des territoires, notamment par le développement de l’éolien, du solaire ou de la biomasse, nous devons nous attacher, dans un principe de justice sociale, à taxer les profits exorbitants de ces sociétés, comme la SARA aux Antilles-Guyane ou la SRPP à la Réunion.
Nous appuyons donc la proposition du groupe socialiste, visant à prélever une partie des profits pour abonder le fonds exceptionnel d’investissement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur. On comprend facilement l’objet de cet amendement, qui est de prélever une taxe exceptionnelle sur les profits exceptionnels, dont le produit serait utilisé à d’autres fins utiles dans les départements d’outre-mer.
Mme Odette Terrade. Par exemple, les profits de Total !
M. Éric Doligé, rapporteur. La commission estime que la création d’une taxe exceptionnelle pesant sur les entreprises de première transformation risquerait de conduire à une augmentation des prix.
Comme vous le savez, ce sujet fait l’objet actuellement d’une réflexion. Il fait partie des points importants qui seront abordés prochainement par une mission sénatoriale sur l’outre-mer qui vient d’être mise en place, ainsi que par les États généraux de l’outre-mer.
La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 118, qui ne lui semble pas opportun, ainsi que sur le sous-amendement n° 444 tendant à le compléter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. À titre personnel, je suis favorable à cet amendement, car la formation des prix de l’essence aux Antilles et à la Réunion soulève un certain nombre d’interrogations.
On ne peut se plaindre à la fois de la faillite de certaines entreprises et des profits réalisés par d’autres. C’est plutôt une bonne nouvelle d’avoir des grandes entreprises, y compris pétrolières, qui dégagent des bénéfices !
Mme Odette Terrade. C’est super !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. J’essaie d’avoir un discours équilibré !
Le Gouvernement a mis en place au mois de décembre dernier une mission interministérielle d’inspection sur la formation des prix des carburants outre-mer.
Dans son rapport, qui fera l’objet d’une publication prochainement, il est indiqué que certaines entreprises – comme celle que vous avez citée, madame la sénatrice, et qui est bien connue aux Antilles – dégagent des marges substantielles.
Mme Nicole Bricq. Oui, c’est pas mal !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Des entreprises, comme la SARA, nous ont expliqué qu’elles avaient été structurées de façon à ne pas avoir la taille suffisante pour survivre. Quand on voit les marges, entre 18 millions et 50 millions d’euros, qu’elles dégagent, on peut se demander ce que seraient leurs critères de rentabilité ! Telle est la réalité !
À des fins de régulation, les formules d’établissement des prix de l’essence sont, pour l’instant, fixes. J’aspire à les transformer, à faire évoluer le dispositif, à permettre le prélèvement d’une partie des marges.
Mais, ne l’oublions pas, les marges – celle de la SARA représente deux centimes par litre d’essence vendu – sont partiellement répercutées dans les prix payés par le consommateur.
J’aspire à ce que ces marges puissent venir abonder soit le fonds exceptionnel d’investissement, soit un fonds de formation professionnelle, comme nous l’avions évoqué ensemble.
Je crains que, si nous adoptions aujourd’hui cet amendement en l’état, l’entreprise ne fasse financer la taxe par le consommateur en augmentant le prix de l’essence.
Je souhaite donc que cet amendement soit réexaminé, peut-être lors de la discussion du projet de loi de finances, une fois que nous aurons mis à plat le système de formation du prix de l’essence, dans une transparence totale voulue par le Gouvernement.
Nous devons, d’abord, engager des discussions sérieuses, et peut-être difficiles, avec les pétroliers, pour voir comment le passé peut être soldé dans de bonnes conditions.
Nous pourrions, ensuite, prévoir ce prélèvement, tout en nous assurant qu’il ne soit pas à la charge du consommateur, ce qui serait, vous l’avouerez, quelque peu antinomique avec l’objectif visé.
Pour être complet, je précise que, actuellement, le prix de l’essence, hors taxes, aux Antilles est inférieur à celui pratiqué en métropole, puisque le litre de super hors taxes s’élève à 54 centimes en Martinique et en Guadeloupe et à 60 centimes en Guyane.
On le voit, les dérives constatées l’année dernière sont en train de se corriger.
Pour me résumer, je donne aujourd’hui, au nom au Gouvernement, un avis défavorable à cet amendement, dans les modalités qui sont proposées, au motif qu’il présenterait beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages et aboutirait à un résultat inverse à ce qui est souhaité.
Mais, à titre personnel, je maintiens que cet amendement, dont l’objet devrait être partagé sur l’ensemble de ces travées, pourrait être réexaminé lors de la discussion du projet de loi de finances, dès lors que nous y verrons plus clair et, surtout, que nous aurons un système devenu sain.
Au nom du Gouvernement, je suis donc défavorable à l’amendement n° 118 et, par voie de conséquence, au sous-amendement n° 444 qui s’y rattache, mais très favorable à l’idée de ne pas lâcher cette affaire.
M. Jean-Pierre Fourcade. L’amendement est prématuré !
M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, pour explication de vote.
M. Jacques Gillot. Monsieur le rapporteur, tout d’abord, je vous rappelle que l’aide à la cuve n’a pas été suivie d’une flambée des prix.
Ensuite, cet amendement, s’il était adopté, permettrait d’encadrer la formation des prix des produits pétroliers. Par conséquent, l’argument que vous avez avancé à ce sujet ne tient pas.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous dites que l’amendement est vertueux, mais qu’il ne serait pas opportun de l’appliquer dès maintenant parce qu’il conduirait à une flambée de prix.
Permettez-moi de vous répondre que, si nous en avons la volonté, nous pourrions encadrer la formation des prix. Par conséquent, rien ne nous empêche de voter cet amendement aujourd’hui, dans l’intérêt des consommateurs notamment guadeloupéens.
Comme vous l’avez dit, nous avons eu des discussions au sujet de la SARA, lors de la semaine où vous étiez en Guadeloupe. La Réunion sera également concernée par le problème.
Cet amendement, s’il était adopté, serait un signal fort du Sénat en direction des sociétés monopolistiques pétrolières afin que cesse leur « profitation ».
M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.
Mme Lucette Michaux-Chevry. S’agissant de la SARA, je considère, pour ma part, qu’une grosse opération doit être réalisée. Nous ne pouvons nous contenter de bricoler.
En 2000, le conseil régional de la Guadeloupe a adressé au secrétaire d’État à l’outre-mer un rapport qui dénonçait une situation scandaleuse au sujet de cette société.
Il indiquait que l’essence était raffinée en Martinique et distribuée en Guadeloupe, et qu’il n’y avait pas de raffinement de l’essence sur les îles de Marie-Galante, où l’on faisait payer aux usagers le traitement de l’essence.
Par ailleurs, la Guadeloupe payait l’octroi de mer sur l’essence et la SARA vendait du carburant aux distributeurs avec un taux d’octroi de mer à 100 %, sans tenir compte de l’évaporation, alors que cette même société bénéficiait, notamment de la part de la région Guadeloupe, d’une exonération de l’octroi de mer sur l’évaporation. Puis la Guadeloupe a vu s’installer sur son territoire une multiplicité de cuves sur lesquelles elle n’exerçait aucun contrôle.
Enfin, j’en viens au prix normal d’importation, ou PNI, qui permet de fixer le prix de l’essence. Or, la douane en Guadeloupe a été dans l’incapacité de nous indiquer le prix d’importation par hectolitre. En effet, alors qu’il s’élève à 44 000 euros en Guyane, il atteint 64 000 euros en Guadeloupe et en Martinique !
Compte tenu de tous ces éléments, mon cher collègue Jacques Gillot, et je soutiens votre amendement, ne croyez-vous pas que le moment est venu de tout mettre à plat dans ce secteur ?
Il convient d’ajouter que la SARA compte au moins deux cent cinquante employés en Martinique et cinquante en Guadeloupe. Ce sont les Guadeloupéens qui paient les employés, le logement et le fonctionnement de la société en Martinique, sans aucune péréquation.
Je suis en mesure de citer encore d’autres éléments, car la Guadeloupe a mené des combats pendant dix ans contre la fixation nébuleuse des prix du carburant.
Nous les avons découverts ensemble, monsieur le secrétaire d’État, et je tiens à le souligner devant la Haute Assemblée, vous avez eu le courage de crever l’abcès.
Je n’ignore pas que des mesures de rétorsion ont déjà été prises par la SARA à l’encontre de certaines entreprises de la Guadeloupe.
Mais la Haute Assemblée doit aller jusqu’au bout de ce dossier, parce que toute l’économie des départements et collectivités d’outre-mer est liée au problème du carburant.
Ce serait peut-être le moment, mes chers collègues, de décider de la création d’une société d’économie mixte, avec une participation de nos collectivités locales au sein de la SARA, afin de nous permettre de gérer nous-mêmes les prix du carburant, qui conditionnent la vie économique chez nous.
Je le répète, je soutiens l’amendement de M. Gillot, tout en soulignant la nécessité de réaliser ensemble une vaste opération dans l’intérêt de nos départements.