M. le président. L'amendement n° 94, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Boutant, Teston, Daudigny, Bourquin, Ries et Mirassou, Mme Bourzai, MM. Patriat, Percheron, Courteau, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant la fin de l'année 2009, une concertation entre l'État, Réseau ferré de France et les communes devra être engagée sur la manière de compenser les préjudices socio-économiques et fiscaux que l'implantation des lignes à grande vitesse engendre pour les communes qu'elles traversent.
Elle devra, par la signature d'un accord, déterminer quel moyen de compensation est possible et préférable entre :
- l'assujettissement des concessionnaires d'infrastructures ferroviaires au versement de la taxe professionnelle au profit des communes traversés, au prorata des emprises de ces infrastructures sur leur territoire, à l'image de la législation en vigueur pour les infrastructures autoroutières ;
- et l'instauration d'une imposition forfaitaire, sous la forme d'une redevance, sur les lignes de chemin de fer à grande vitesse concédées, que devra verser le concessionnaire des infrastructures ferroviaires et qui sera calculée sur la base du nombre de kilomètres implantés sur le territoire de la commune.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Cet amendement vise à élargir le champ de la concertation prévue en ce qui concerne le programme des futures lignes à grande vitesse. Nous proposons qu’elle porte également sur la compensation des préjudices socio-économiques et fiscaux que l’implantation des lignes à grande vitesse engendre pour les communes qu’elles traversent.
Nous souhaitons que les concessionnaires d’infrastructures ferroviaires soient assujettis au versement de la taxe professionnelle au profit des communes traversées, au prorata des emprises de ces infrastructures sur leur territoire, à l’image de la législation en vigueur pour les infrastructures autoroutières.
À travers cet amendement, nous vous proposons de réfléchir au vide juridique que constitue le régime fiscal des concessionnaires de voies ferrées.
En effet, compte tenu des incidences financières engendrées, pour les communes traversées, par les lignes à grande vitesse et de l’ouverture du marché des voies de chemin de fer à la concurrence, l’exploitation de ces infrastructures pouvant donc être assimilée à une activité économique, cette mesure nous semble parfaitement justifiée.
Elle est demandée par l’ensemble des maires des communes traversées par les lignes à grande vitesse. Elle permettrait de compenser les pertes de revenus et de recettes fiscales relatives à la disparition des taxes d’habitation et de foncier bâti et non bâti, à la perte de taxe professionnelle due aux déplacements d’activités économiques et à la baisse de recettes pour les activités liées au tourisme.
Si une telle disposition, pour légitime qu’elle soit, mérite d’être encore étudiée, elle pourrait donner lieu à précision d’ici à l’examen du prochain projet de loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Monsieur le président, je me permettrai de donner des explications un peu longues sur cet amendement, mais mon commentaire vaudra aussi pour les amendements nos 95 et 34 rectifié quater, qui ont des objets très voisins.
Se pose, tout d’abord, un problème de principe. Pourquoi se concentrer sur les seules lignes de TGV concédées et non viser l’ensemble du réseau à grande vitesse, alors qu’il n’y a, pour le moment, pas un seul kilomètre de ligne concédée et que, dans quelques années, seule une très petite partie du réseau, sur deux tronçons déterminés, sera concernée ? Deux situations particulières sont en effet visées : les 304 kilomètres de la LGV Sud-Europe-Atlantique reliant Bordeaux et Tours et les 25 kilomètres situés entre Perpignan et Figueras, soit, en tout et pour tout, 329 kilomètres sur les 2 000 kilomètres que compte le réseau français à grande vitesse !
Rien n’est prévu, en revanche, pour les lignes existantes ni pour les autres lignes à construire, comme la poursuite du TGV Est ou les différents tronçons du TGV Rhin-Rhône.
J’imagine que cette restriction est claire pour l’ensemble des signataires de ces amendements.
Je crois comprendre que ce choix consistant à ne faire payer que les concessionnaires correspond à la volonté de reproduire ce qui existe déjà pour les autoroutes concédées à des entreprises privées, qui effectuent des versements aux communes traversées dans la mesure où elles perçoivent des péages, étant entendu qu’il n’y a pas de péages sur les routes nationales, qui appartiennent à la collectivité.
Mais cette analogie n’est pas pertinente puisque, en matière ferroviaire, même si une ligne est exploitée par le gestionnaire public RFF, ce dernier perçoit des péages, au même titre que les futurs concessionnaires. La différence de traitement qui nous est proposée est donc difficile à comprendre.
Je souhaite maintenant faire trois observations complémentaires sur la mesure elle-même.
Premièrement, il est très probable que le coût de la compensation envisagée sera intégré par les entreprises dans leur proposition au moment du choix du concessionnaire. C’est donc bien entendu le voyageur qui payera indirectement ce prélèvement, alors que ce sont les collectivités – régions, départements – qui contribuent au financement des nouvelles LGV.
Deuxièmement, je ne comprends pas pourquoi faire compenser les nuisances occasionnées par les LGV alors que, de toute évidence, elles sont beaucoup moins importantes que celles qu’engendrent les trains de fret, généralement bruyants, qui traversent nos villes la nuit, par exemple. En France, les LGV sont réservées à l’usage exclusif du transport de voyageurs et elles provoquent peu de nuisances puisque les trains en cause ne circulent généralement pas la nuit.
Troisièmement, le fait qu’une commune soit traversée par une LGV signifie, compte tenu de la taille du territoire français, qu’elle se situe à moins d’une heure ou de trois quarts d’heure d’une gare TGV. Or on sait bien qu’une telle situation peut avoir des effets très positifs pour les communes en question, notamment en termes d’attractivité à l’égard d’activités productives ou d’accueil de résidences secondaires. Il existe aussi des retombées fiscales directes au travers de l’appréciation du foncier, à telle enseigne que, dans de nombreux pays, une part des projets d’infrastructures est financée par la captation de cette rente foncière liée à l’arrivée d’un nouvel équipement.
Globalement, l’implantation d’une LGV peut donc être bénéfique pour un territoire, même s’il est simplement traversé par cette ligne. Il serait paradoxal d’instaurer des transferts financiers supplémentaires, à moins de distinguer entre les collectivités traversées celles qui sont gagnantes et celles qui sont perdantes en termes de valeur foncière. Ce serait créer une nouvelle usine à gaz !
Les amendements nos 94, 34 rectifié quater et 95, compte tenu de l’appartenance de leurs signataires à différents groupes peuvent, théoriquement, recueillir une majorité dans notre assemblée, mais il est clairement apparu à la commission qu’elle ne pouvait que s’opposer à ces propositions au regard des nombreux problèmes que je viens d’énumérer
Cela étant, ces amendements permettent de souligner qu’il existe des situations particulières, très localisées ; certaines collectivités ont peut-être rencontré des difficultés spécifiques, comme celles qui sont situées sur la LGV Sud-Europe-Atlantique entre Tours et Bordeaux. Si tel est le cas, ces situations appellent des réponses particulières. Le Gouvernement ne pourrait-il pas s’engager solennellement, en cet instant, à les examiner ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Le Gouvernement fait sienne la démonstration du rapporteur, mais il est tout à fait prêt à travailler sur ce sujet. C’est d’ailleurs ce qu’il fait déjà actuellement, dans le cadre d’une discussion avec les collectivités sur la section Tours-Angoulême de la ligne Sud-Europe-Atlantique. Je note au passage, monsieur le rapporteur, que la section Tours-Bordeaux – entre la sortie sud de Tours, située à Monts, et l’entrée nord de Bordeaux – représente non pas 304 kilomètres, mais 302 kilomètres. Ces quelques kilomètres en moins réduiront le coût de la ligne ! (Sourires.)
M. le président. Vous pouvez constater, mes chers collègues, que M. le secrétaire d’État connaît bien ses dossiers ! (Nouveaux sourires.)
La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. La proposition contenue dans l’amendement n° 94 est une proposition a minima : le Gouvernement ne peut pas faire moins que d’accepter – et, ce faisant, il ne courra aucun risque – une concertation qui très attendue sur le sujet. En effet, il existe réellement un problème ; sinon cette question n’aurait pas été abordée par différents groupes politiques.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Monsieur Zocchetto, il est très difficile d’accepter une injonction au Gouvernement. C’est la raison pour laquelle j’ai émis un avis défavorable.
Cependant, il existe un réel débat. Je lisais à l’instant une dépêche de l’Agence France-Presse selon laquelle des communes situées sur la LGV que vous connaissez bien, puisqu’elle est située entre Le Mans et Rennes, demandent maintenant une indemnisation. Cela va très loin ! Il faut régler le problème de la taxe professionnelle, des partenariats. Imaginons une commune réclamant une indemnisation alors qu’elle participe au financement par le biais de la communauté de communes dont elle est membre. On aboutit à des situations absurdes !
Cela dit, monsieur Zocchetto, votre demande est tout à fait légitime – le Gouvernement a d’ailleurs ouvert un débat avec l’Association des régions de France, l’Assemblée des départements de France et l’Association des maires de France – au moment où nous nous préparons à construire 2 000 kilomètres de lignes de TGV, et 2 500 kilomètres après 2020, au moment aussi où est lancée une réflexion sur la taxe professionnelle, réflexion du reste alimentée par le rapport Balladur.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Monsieur le secrétaire d’État, l’amendement n° 94 ne comporte aucune injonction au Gouvernement ! Pensez-vous réellement que nous oserions agir ainsi ? (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, cette question a déjà donné lieu à des débats lors de l’examen du Grenelle 1. Il me semble que les deux représentants du Gouvernement alors présents avaient indiqué que ce dernier y réfléchissait.
Afin que cet amendement soit acceptable, je pourrais envisager de le rectifier de manière à prévoir que l’État pourra mener une étude sur la question juridique majeure du régime fiscal des concessionnaires de voies ferrées. À ma connaissance, rien n’existe en la matière.
M. le président. Apparemment, mon cher collègue, votre dernière proposition ne suscite aucun écho…
Je mets aux voix l'amendement n° 94.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 95, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Boutant, Teston, Daudigny, Bourquin, Ries et Mirassou, Mme Bourzai, MM. Patriat, Percheron, Courteau, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1501 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - La valeur locative des lignes de chemin de fer à grande vitesse concédées, qui sera révisée chaque année, est fixée selon le tarif suivant :
« Pour 2009, à 10 000 euros par kilomètre de ligne de chemin de fer à grande vitesse.
« La taxe professionnelle sera due par le concessionnaire des infrastructures ferroviaires dès la mise en service de la ligne de chemin de fer à grande vitesse. »
La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Cet amendement est complémentaire du précédent : il vise à fixer à 10 000 euros par kilomètre la valeur locative des lignes de TGV.
Vu la volonté apparente du Gouvernement d’ouvrir la concession des infrastructures ferroviaires à la concurrence, le corollaire légitime serait de considérer cette exploitation comme une activité économique et donc redevable de la taxe professionnelle.
Le montant de cette redevance, calculé en accord avec les communes concernées, permettrait une juste compensation des manques à gagner engendrés par l’installation d’une ligne à grande vitesse, comme cela a été expliqué lors de la défense de l’amendement précédent.
Dans la suite du débat qui vient de se dérouler, je veux souligner que les lignes à grande vitesse, comme les autoroutes, ont des effets différents selon les territoires. Nous savons très bien – ce point est vérifiable en tout lieu – que les villes ou les communes qui bénéficient le plus de l’effet autoroutier ou de l’effet ferroviaire disposent également d’un diffuseur ou d’une gare. Cet effet est d’autant plus sensible lorsqu’elles sont situées à un carrefour.
En revanche, les territoires qui se trouvent entre les diffuseurs ou entre les nœuds de raccordement peuvent être complètement vidés de leur substance, le surcroît d’activité, et donc de ressources, ayant tendance à se concentrer autour des diffuseurs.
Cet amendement vise à instaurer une mesure de justice à l’égard de territoires qui, notamment dans les zones rurales fragiles, peuvent être dépouillés par les axes autoroutiers ou par les lignes à grande vitesse.
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié quater, présenté par MM. Zocchetto et de Legge, Mme N. Goulet, M. Dubois, Mme Férat, MM. Merceron, Jégou et Maurey, Mme Payet, MM. Biwer, Mercier, Amoudry, Deneux, J.L. Dupont, Paul, Beaumont, Trillard, Cléach et Couderc, Mme Garriaud-Maylam, M. Lecerf, Mme Mélot, MM. Belot, Laurent, Doublet et Milon, Mme Hermange et MM. du Luart, Lefèvre et Carle, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de la section VII du chapitre premier du titre premier de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts est complété par une division ainsi rédigée :
« C : Imposition forfaitaire sur les lignes de chemin de fer à grande vitesse.
« Art. 1519 D. - Les communes sur le territoire desquelles sont implantées des lignes de chemin de fer à grande vitesse perçoivent chaque année une imposition forfaitaire en raison de cette implantation.
« Le montant de l'imposition forfaitaire est calculé à due concurrence du nombre de kilomètres de lignes implantés sur le territoire de la commune.
« Pour 2009, l'imposition forfaitaire est fixée à 10 000 euros par kilomètre de ligne de chemin de fer à grande vitesse.
« Ces chiffres sont révisés chaque année.
« Cette imposition forfaitaire est due par le concessionnaire des infrastructures ferroviaires. Le fait générateur de l'imposition est la mise en service de la ligne de chemin de fer à grande vitesse.
« Cette imposition forfaitaire peut être perçue au profit d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, sur délibérations concordantes de cet établissement public de coopération intercommunale et des communes sur le territoire desquelles est située la ligne de chemin de fer à grande vitesse. »
La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Nous nous interrogeons sur l’équilibre entre les avantages et les inconvénients des lignes à grande vitesse et sur la répartition de ces avantages et inconvénients.
Certes, les grandes villes qui disposent d’une gare ne peuvent pas se plaindre d’être desservies par une ligne à grande vitesse. Mais, pour les communes traversées, qui sont le plus souvent rurales, une LGV engendre une somme de sujétions de toute sorte, et sans contrepartie.
J’évoquerai les préjudices environnementaux, comme les atteintes au paysage, les nuisances sonores, et les préjudices socio-économiques : des entreprises contraintes de se déplacer, des surfaces agricoles réduites. Point n’est besoin de donner des exemples, tous ceux dont le département est traversé par une ligne à grande vitesse pourraient en citer.
Je mentionnerai également des préjudices fiscaux pour les communes, liés à une diminution des ressources de taxe professionnelle, de taxe d’habitation, de taxe foncière sur les propriétés bâties, sachant que des projets de construction de lotissements peuvent être bouleversés.
Pour permettre la réalisation de ces lignes à grande vitesse, il est fait appel à la solidarité nationale, ce qui est normal dans la mesure où un tel équipement intéresse tout le monde. Il serait équitable que, au nom de cette même solidarité, soit prévue une compensation en faveur des collectivités qui subissent de réels préjudices.
Se pose aussi la question de la concession de ces lignes à grande vitesse. Nous sommes dans une économie marchande. Les entreprises concernées ont donc vocation à dégager des profits sur les nouvelles lignes. Il paraît dès lors juste qu’elles contribuent, directement ou indirectement, à compenser les préjudices subis par les communes.
Je fais observer que, s’agissant des autoroutes et des lignes à haute tension, des mesures spécifiques sont d’ores et déjà prévues.
Pour les supports de lignes à 500 000 volts, un arrêté du mois de janvier dernier a fixé la compensation versée en faveur des communes à 3 404 euros par an. De plus, la construction de certaines lignes à très haute tension, comme la ligne Cotentin-Maine, fait l’objet de plans d’accompagnement générant des subventions en faveur des travaux communaux.
Pour ce qui concerne les autoroutes, tous les ans, en vertu de l’article 1 501 du code général des impôts, est fixée la valeur locative des voies de circulation, donnant ainsi lieu à des recettes de taxe professionnelle pour les communes traversées.
Il ne paraît pas justifié que rien ne soit prévu pour les lignes à grande vitesse, qui sont appelées à se développer. Il est donc normal que nous nous saisissions de cette question, qui n’a pas été évoquée voilà dix ans ou quinze ans puisque ces lignes n’existaient pas ; dans la mesure où nous sommes à la veille de connaître un développement important de ces lignes, je pense que nous devons légiférer sur ce sujet.
À cet égard, deux voies me paraissent susceptibles d’être envisagées : soit appliquer la taxe professionnelle, mais il semble que l’avenir cette taxe soit quelque peu compromis ; soit imposer aux concessionnaires une redevance tarifaire forfaitaire en fonction du nombre de kilomètres de lignes à grande vitesse construits sur le territoire de la commune concernée, et cette piste me paraît plus prometteuse.
Tel est l’objet de cet amendement. Je le défends au nom de nombreux collègues des groupes Union centriste et UMP, mais je constate que le groupe socialiste a déposé un amendement qui tend à exprimer la même préoccupation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. J’ai déjà donné l’avis de la commission sur ces deux amendements, et il est défavorable.
Je rappellerai seulement à nos collègues que ces dispositions, si elles étaient adoptées, ne s’appliqueraient qu’aux lignes concédées, soit une toute petite partie du réseau, et qui reste à construire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Je tiens à être très clair sur ce sujet. Je m’exprime d'ailleurs aussi en tant que président d’un département qui s’apprête à verser 30 millions d'euros pour que quatre de ses communes rurales soient traversées à 320 kilomètres par heure, sans arrêt, c'est-à-dire sans diffuseur, pour reprendre le terme employé par Mme Bourzai.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout de même rappeler certains faits.
Tout d'abord, un système de compensation sera institué pour les communes. Il s’agira soit de la taxe professionnelle, qui frappe déjà les sociétés d’autoroutes, soit, si cette imposition disparaît, de la ressource qui lui succédera. En tout cas, il est hors de question que des moyens ne soient pas affectés aux communes traversées par les lignes concédées.
Nous travaillons d'ailleurs avec le ministère du budget pour élaborer un système de compensation qui soit l’équivalent de ceux qui existent dans les autres pays, mais aussi de celui qui, comme l’a rappelé François Zocchetto, s’applique pour les autoroutes et les pylônes électriques.
Nous connaissons tous des communes qui ont la « malchance » d’être traversées à la fois par des lignes électriques à haute tension et par une autoroute. Mais cela peut être aussi regardé comme une chance, car elles disposent de ressources que leurs voisins leur envient, même si, quand ces installations sont mises en place, les habitants de la commune ne témoignent pas d’un enthousiasme débordant !
Je le répète, il est hors de question qu’aucune ressource ne soit affectée aux communes traversées.
En outre, contrairement à ce que vous affirmiez tout à l'heure, madame Bourzai, le développement des territoires ne se fait plus aujourd'hui uniquement dans les villes centres ; j’ignore ce qu’il en est dans le département dont vous êtes l’élue, mais c’est ce que j’observe dans celui dont j’ai la responsabilité.
À l’évidence, le phénomène dominant aujourd'hui est celui de la « péri-ruralité ». Ce n’est pas parce que deux gares sont situées à cinquante kilomètres l’une de l’autre que la population n’augmentera pas dans toutes les communes, à proximité de la ligne, là où le foncier est moins cher. Dans le département dont je préside le conseil général, ce sont plutôt les communes rurales qui gagnent des habitants, compte tenu du phénomène que je viens d’évoquer.
Enfin, des travaux seront menés, et ceux-ci rapportent gros ! Des bases de travaux seront implantées ici ou là et l’activité induite créera des emplois pendant plusieurs années.
La construction de la ligne Tours-Bordeaux représente ainsi quelque 30 000 emplois. Celle du tronçon Le Mans-Rennes, monsieur Zocchetto, dont la longueur est deux fois moins importante, induira au moins 10 000 emplois pendant quatre ou cinq ans, avec de surcroît des effets considérables pendant cette période sur l’activité des restaurants, des cafés et des hôtels des communes concernées. Et n’oublions pas que les installations de travaux sont parfois rétrocédées ensuite aux communes, qui s’en servent, notamment, comme bases logistiques.
Il faut donc bien prendre en compte à la fois la richesse issue des travaux, la diffusion de la population, qui ne concerne pas uniquement les villes où se trouvent les gares, mais aussi les territoires alentour, et l’indispensable mise en place d’une ressource de compensation pour les communes traversées par les lignes à grande vitesse. Ce sera soit la taxe professionnelle, qui frappe déjà les concessionnaires d’autoroutes, soit, si celle-ci est supprimée, une ressource équivalente. Il s'agit là d’un engagement que le Gouvernement prend devant la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 45 rectifié, présenté par Mme Schurch, M. Billout, Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'État s'engage à la reprise de la dette de l'entreprise publique Réseau Ferré de France.
II. - Les conséquences financières résultant pour l'État du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. À travers cet amendement, nous souhaitons revenir sur une question qui nous semble essentielle, notamment pour ce qui concerne le développement de l’offre de transport dans notre pays. Il s’agit du sous-financement des infrastructures de transports, qui se fait sentir depuis de nombreuses années, et en particulier de l’épineuse question de l’étranglement de Réseau ferré de France par la dette qui lui a été confiée à sa création et qui n’a cessé de croître depuis lors.
En 2005, déjà, les auteurs de l’audit réalisé par l’École polytechnique de Lausanne estimaient que, si rien n’était fait, entre 30 % et 60 % des lignes ne seraient plus utilisables d’ici à quelques années. Ils affirmaient que les subventions de l’État devaient augmenter de 400 millions d’euros par an pendant dix ans pour que le réseau ferré national soit remis à niveau.
En 2006, après l’adoption du plan de renouvellement du réseau ferré national qu’il avait lui-même commandé à la SNCF et à RFF, l’État avait fait de l’entretien du réseau une priorité, en tout cas dans les discours officiels.
Toutefois, le projet de loi de finances pour 2009 prévoit une baisse de 63 millions d’euros des crédits destinés à la régénération du réseau ferré, ce qui ne nous semble pas répondre à cette urgence !
Par ailleurs, le désengagement massif de l’État au regard des besoins de financement de RFF a conduit l’entreprise publique à pratiquer une hausse exponentielle – et non une modulation, monsieur le rapporteur ! – des péages, financée par la SNCF, et à céder son patrimoine immobilier.
Le rapport d’information du Sénat qui a été remis l’année dernière et auquel je faisais allusion tout à l'heure – celui de la mission d’information que présidait notre estimable collègue Francis Grignon et dont j’étais co-rapporteur (Sourires) – a également dressé un constat unanime et alarmant sur cette situation. Mes chers collègues, permettez-moi d’en citer un passage particulièrement éclairant :
« Votre mission d’information rappelle […] que RFF comptabilisait en 2006 une dette nette de 26 milliards d’euros. Celle-ci a pesé très lourd sur les comptes de l’établissement dès sa création, et a même progressé de 30 % depuis 1997.
« Dès lors, il n’est guère étonnant de constater que sur les 2,5 milliards d’euros de dépenses en capital de l’Etat versés en 2004 à RFF et à la SNCF, seuls 320 millions d’euros étaient destinés à de nouveaux investissements (TGV Est notamment).
« Le poids de la dette de RFF et les coûts d’entretien d’un réseau ferré à bout de souffle obèrent les capacités d’investissement de l’établissement public. Il en résulte que RFF est réduit à n’être qu’un simple “compte d’enregistrement” de la dette, ce qui l’empêche en fait de jouer son rôle de constructeur et de gardien du réseau ferroviaire français. Cette situation ne peut perdurer et nécessite qu’une solution soit rapidement apportée par les pouvoirs publics. »
Nous souhaitons donc, monsieur le secrétaire d'Etat, vous interpeller sur cette question, qui semble aujourd’hui faire presque consensus dans la classe politique ; je m’exprime toutefois avec précaution, car M. le rapporteur m’affirmera peut-être n’avoir adopté cette position que pour que le rapport de la mission d’information soit voté à l'unanimité ! (Sourires.)
En tout cas, chacun dans cette assemblée se pose la question de la reprise de la dette de l’entreprise publique.
D’autres pays se sont d'ailleurs engagés dans un processus de désendettement de leur système ferroviaire ; je pense, notamment, à l’Allemagne.
En outre, monsieur le secrétaire d'État, nous tenons à vous faire remarquer que la crise que nous traversons a conduit les pays membres de l’Union européenne à dégager des milliards d’euros pour soutenir le système bancaire. Rien qu’en France, ce sont 360 milliards d’euros qui serviront à alimenter un système qui a failli !
Le plan de relance adopté voilà quelques semaines devait également dégager des marges de manœuvre afin de favoriser l’investissement public et privé dans les secteurs clefs de l’économie française. Pourtant, rien n’est encore prévu pour améliorer la situation de RFF, alors même que le désendettement de cette entreprise constitue un levier important pour le développement des infrastructures de transport !
Au moment où est voté un projet de loi, le Grenelle 1, qui est censé faire de l’essor des transports collectifs, notamment ferrés, une priorité au regard du développement durable, nous estimons qu’il est grand temps que le Gouvernement s’engage à reprendre la dette de RFF, afin de permettre à cette entreprise d’effectuer les investissements qui sont nécessaires dans les infrastructures.
Y compris dans votre logique libérale, monsieur le secrétaire d'État, il s’agit d’un préalable à toute ouverture à la concurrence ! En effet, le dynamisme des opérateurs ferroviaires, mais aussi, bien plus largement, de l’ensemble du tissu économique dépend de la qualité des infrastructures ferroviaires et de leur accessibilité.
Nous attendons donc de vous un acte significatif, dans l’esprit du Grenelle de l’environnement, pour que soient, enfin, dégagées des marges d’investissement dans des transports publics qui en ont tant besoin.