compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

Secrétaires :

M. Alain Dufaut,

M. François Fortassin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décisions du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 3 mars 2009, en application de l’article 61 de la Constitution, le texte de deux décisions du Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi organique relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Acte est donné de cette communication.

3

Organismes extraparlementaires

M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein d’organismes extraparlementaires.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des affaires sociales à proposer deux candidats pour siéger au sein du Haut conseil de la famille.

J’invite également la commission des lois à proposer un candidat pour siéger au sein du Conseil supérieur des archives.

La nomination au sein de ces deux organismes extraparlementaires aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

4

Candidatures à des organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger, d’une part, au sein du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et, d’autre part, au sein de l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement.

La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose les candidatures de M. Alain Gournac et de Mme Anne-Marie Payet pour siéger respectivement en qualité de membre titulaire et de membre suppléant au sein du premier organisme extraparlementaire.

La commission des finances a fait connaître qu’elle propose la candidature de Mme Nicole Bricq pour siéger au sein du second organisme.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

5

Article 2 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 2 bis

Loi pénitentiaire

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pénitentiaire (projet n° 495, 2007-2008, texte de la commission n° 202, rapports nos 143, 201 et 222).

Dans la discussion des articles du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 2 bis.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 2 ter

Article 2 bis

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté contrôle les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté confiées à l'administration pénitentiaire.

M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans cet article, remplacer le mot :

contrôle

par les mots :

ou ses collaborateurs contrôlent

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, cet amendement a pour objet d’intégrer dans la loi pénitentiaire la référence aux collaborateurs du contrôleur général des lieux de privation des libertés qui sont amenés, en vertu de la loi du 30 octobre 2007, à seconder le contrôleur dans sa mission de contrôle des lieux de privation de liberté.

Cet amendement vise donc à intégrer une référence aux collaborateurs dans la mesure où ces derniers peuvent être amenés, dans l’exercice de leurs fonctions, à prendre connaissance des conditions de prise en charge des détenus au même titre que le contrôleur lui-même.

Les articles 4 et 5 de la loi du 30 octobre 2007 font déjà référence à ces collaborateurs. Je vous propose donc qu’il en soit de même dans cette loi pénitentiaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission avait tenu à ce que figure dans le texte de loi la référence au contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui est par excellence l’organe de contrôle du service public pénitentiaire. Nous ne sommes donc pas loin d’être sur la même longueur d’onde sur ce point.

Mais la référence au contrôleur incluant nécessairement les contrôleurs qui l’assistent, la précision ne nous semble pas indispensable.

Nous avons prévu de faire référence aux délégués du Médiateur parce que ce sont eux qui jouent un rôle en prison. Si le Médiateur avait lui-même joué ce rôle, la référence au médiateur aurait suffi.

Dans le cas des collaborateurs du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la précision n’est pas nécessaire, nous semble-t-il, et la commission émet donc un avis défavorable bien qu’elle soit en phase intellectuellement avec Mme Boumediene-Thiery.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Pour les mêmes arguments qui viennent d’être avancés par M. le rapporteur, le Gouvernement émet un avis défavorable, non pas sur le fond, mais parce qu’il est fait référence au contrôleur, ce qui inclut nécessairement ses collaborateurs. Cette précision est donc superfétatoire.

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l’amendement n° 5 rectifié est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. J’ai bien compris les arguments qui viennent d’être présentés, et s’il est certain, comme l’ont affirmé Mme le garde des sceaux et M. le rapporteur, que les collaborateurs du contrôleur général sont bien concernés,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est tout à fait le cas !

Mme Alima Boumediene-Thiery. …j’accepte de le retirer.

M. le président. L’amendement n° 5 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 2 bis.

Article 2 bis
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Article 2 quater

Article 2 ter

Un conseil d'évaluation est institué auprès de chaque établissement pénitentiaire afin d'évaluer les conditions de fonctionnement de l'établissement et de proposer, le cas échéant, toutes mesures de nature à les améliorer.

La composition et le fonctionnement de ce conseil sont déterminés par décret. – (Adopté.)

Article 2 ter
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Article 2 quinquies

Article 2 quater

Afin de permettre aux personnes détenues de bénéficier des dispositions de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République, le Médiateur de la République désigne pour chaque établissement pénitentiaire un ou plusieurs délégués affectés à cette mission. – (Adopté.)

Article 2 quater
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Article 2 sexies

Article 2 quinquies

Un décret détermine les conditions dans lesquelles un observatoire, chargé de collecter et d'analyser les données statistiques relatives aux infractions, à l'exécution des décisions de justice en matière pénale et à la récidive, établit un rapport annuel et public comportant les taux de récidive par établissement pour peines afin de mesurer l'impact des conditions de détention sur la réinsertion.

M. le président. L'amendement n° 219, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous nous interrogeons sur les éventuelles implications de l’article 2 quinquies quant aux établissements pénitentiaires.

Cet article prévoit en effet qu’un observatoire sera chargé d’établir « un rapport annuel et public comportant les taux de récidive par établissement pour peines ».

Cette disposition ne risque-t-elle pas d’entraîner une sorte de compétition entre les établissements pour peines et d’influer sur les transferts de prisonniers ? Les établissements pourraient vouloir transférer ou accélérer le transfert de personnes condamnées et récidivistes ou considérées par l’administration pénitentiaire comme susceptibles de récidiver, dans le seul objectif de faire baisser ce taux. Le risque d’arbitraire dans les transferts n’est donc pas à exclure.

De plus, l’article 2 quinquies renvoie à une vision carcérale la lutte contre la récidive : or, celle-ci dépend avant tout des aménagements de peine et des moyens donnés à l’insertion et à la réinsertion du condamné – nous le disons d’ailleurs à chaque occasion – et à l’individualisation de son parcours de peine.

Dans le projet de loi, et singulièrement dans l’article 2 quinquies, le principe de la lutte contre la récidive est constamment mis en avant sans qu’il acquière jamais un contenu ou une définition.

Si les aménagements de peine étaient plus souvent prononcés – espérons qu’ils le seront après l’adoption de la loi – et si les services pénitentiaires d’insertion et de probation disposaient des moyens pour préparer le plus en amont possible un projet d’insertion et de réinsertion avec la personne condamnée, il ne serait peut-être pas nécessaire d’établir des statistiques établissement par établissement, s’agissant de la récidive.

C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article 2 quinquies.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le Gouvernement entend instituer un observatoire national de l’exécution des décisions pénales et de la récidive. Cette nouvelle instance devrait permettre de centraliser l’ensemble des statistiques relatives à l’activité pénale, ce qui nous semble tout à fait intéressant.

Dans ce cadre, il a paru intéressant à la commission des lois de bénéficier d’études sur les taux de récidive par établissement pour peines – je dis bien « établissement pour peines », car cela n’aurait pas de sens pour les maisons d’arrêt –, et ce afin de mesurer l’impact des conditions de détention sur la réinsertion, ce qui permettra d’orienter utilement la politique pénitentiaire.

Je prendrai quelques exemples.

J’ai été très marqué, voilà déjà plusieurs années, par la visite de la prison de Casabianda, prison tout à fait particulière, sans miradors, sans murs, où sont incarcérés des délinquants sexuels, pour la plupart des délinquants sexuels intrafamiliaux : ces délinquants sont soumis à un régime de travail qu’ils ont choisi, régime d’ailleurs assez intense, et il semble que ce dernier donne des résultats tout à fait intéressants, notamment en termes de récidive.

J’ai également visité la prison de Mauzac sur la suggestion de mon collègue Robert Badinter, et j’ai été intéressé de la même manière par son fonctionnement. J’ai visité la prison de Caen, qui est également une prison pour délinquants sexuels, et j’ai intuitivement l’impression – mais je me trompe peut-être – que le taux de récidive doit être plus important à Caen qu’à Mauzac et plus important encore qu’à Casabianda.

Je souhaite que l’on puisse bénéficier de ce type de statistiques non pas pour établir un palmarès, comme on le faisait autrefois pour le meilleur député ou le meilleur sénateur, mais pour que l’on puisse « investir » sur des expériences de l’administration pénitentiaire, qui sont des expériences positives.

Madame le garde des sceaux, l’administration pénitentiaire réalise des expérimentations tout à fait intéressantes, mais elle a du mal ensuite à les généraliser.

Je ne demande pas que la totalité de la population pénitentiaire bénéficie d’un régime semblable à celui de Casabianda, car ce serait totalement déraisonnable ; mais il pourrait peut-être y avoir deux ou trois prisons sur ce modèle plutôt qu’une seule.

Le rapport de l’observatoire nous permettra de mieux réfléchir sur les conséquences des conditions de détention sur la récidive, et nous aurons à notre disposition un outil pour affiner notre législation.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Chaque fois que l’on prend des dispositions particulières, on nous demande si l’on a procédé à une évaluation ou à un bilan.

Cet observatoire national de l’exécution des décisions pénales et de la récidive nous permettra aussi de mesurer l’incidence des aménagements de peine. En effet, les statistiques ou les quelques indicateurs dont nous disposons à cet égard sont peu empiriques. Ils démontrent néanmoins que les aménagements de peine favorisent la réinsertion des personnes détenues et font chuter très fortement la récidive.

Nous pourrons donc nous rendre compte, par le biais de cet observatoire, de toute la valeur ajoutée et de tout l’apport des aménagements de peine.

Cet observatoire nous servira à mesurer l’impact des aménagements de peine et leur nature. Par exemple, la libération conditionnelle favorise-t-elle plus la lutte contre la récidive qu’une semi-liberté ou un placement extérieur ? Nous verrons en fonction des établissements quel est l’impact sur la récidive. Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis tout à fait défavorable.

M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, l'amendement n° 219 est-il maintenu ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je le maintiens, mais ne demande qu’à me tromper ; si la création de cet observatoire est renvoyée à un décret, nous verrons ce qu’il en sera.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la question posée par l’observation de la récidive est importante.

Nous n’avons pas déposé d’amendement allant dans le sens de celui de Mme Borvo Cohen-Seat parce qu’il nous paraît utile d’observer les conséquences des politiques menées en termes de récidive, puisque l’objectif est que le taux de récidive soit le plus faible possible.

Comme un décret déterminera les conditions dans lesquelles cet observatoire sera mis en place, je tiens à vous faire part, madame le garde des sceaux, d’un certain nombre de préoccupations, qui rejoignent d’ailleurs celles qui ont été exprimées par Mme Borvo Cohen-Seat.

Il est clair que nous ne souhaitons vraiment pas en arriver à lire dans les hebdomadaires favoris de chacune et chacun d’entre nous le palmarès des prisons – M. le rapporteur a d’ailleurs insisté sur ce point –, comme il en existe déjà dans plusieurs domaines.

Si je prends l’exemple du palmarès des meilleurs lycées, le lycée Louis-le-Grand n’a aucune peine à être en tête du classement, car il accueille les meilleurs élèves ! Mais tel ou tel lycée d’une banlieue qui se retrouvera en bas du palmarès aura peut-être autant de mérite, sinon plus, car l’enseignement qui y est délivré permet à un certain nombre de jeunes de progresser et de réussir.

De plus, concernant les prisons, les conditions de détention sont fort différentes entre, par exemple, les établissements pour peine et les maisons d’arrêt, et la nature même des personnes qui y sont accueillies, si je puis dire.

À nos yeux, il importe de lutter contre la récidive. Cet observatoire, nous y insistons, doit être un outil de nature à évaluer les politiques publiques menées au regard de l’objectif qui est le nôtre, à savoir la lutte contre la récidive ; il ne doit en aucun cas contribuer à une stigmatisation des prisons, car ce serait alors un échec. L’enjeu est différent d’un classement, qui pourrait être extrêmement démagogique et pernicieux pour les établissements.

Madame le garde des sceaux, vous le savez bien, la politique pénale se traduit malheureusement par un taux d’incarcération très élevé. Et, dans bien des cas, la prison est l’école de la récidive. S’il s’agit de lutter contre la récidive, nous sommes cent fois d’accord, tout comme nous sommes d’accord pour évaluer les dispositifs permettant d’agir efficacement en ce sens.

Nous tenions à préciser notre état d’esprit, s’agissant de cette question.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 219.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2 quinquies.

(L'article 2 quinquies est adopté.)

Article 2 quinquies
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Article 3

Article 2 sexies

Les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales et les représentants des associations et autres personnes publiques ou privées peuvent participer aux instances chargées de l'évaluation du fonctionnement des établissements pénitentiaires ainsi que du suivi des politiques pénitentiaires sont fixées par décret. – (Adopté.)

Article 2 sexies
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Article additionnel après l'article 3

Article 3

L'État peut, à titre expérimental pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier suivant la publication de la présente loi, confier par convention aux régions ou à la collectivité territoriale de Corse, sur leur demande, l'organisation et le financement des actions de formation professionnelle continue des personnes détenues dans un établissement pénitentiaire situé sur leur territoire.

Six mois avant le terme de la période prévue au premier alinéa, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de ce dispositif.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, sur l'article.

M. Alain Anziani. Cet article est intéressant pour de multiples raisons.

Tout d’abord, il consacre le rôle des régions dans l’organisation et le financement des actions de formation professionnelle continue des détenus dans un établissement pénitentiaire situé sur leur territoire.

À titre liminaire, je tiens à souligner combien il est paradoxal de remettre en cause le rôle des collectivités territoriales, alors que, dans le même temps, on constate très concrètement que celles-ci sont irremplaçables, puisqu’on leur demande parfois de suppléer l’État pour certains financements. Nous sommes d’accord pour que les régions assument cette nouvelle responsabilité, mais je voudrais simplement un peu plus de cohérence.

En réalité, les collectivités se sont déjà engagées dans cette action. En effet, avant même l’examen de ce projet de loi, des expériences ont eu lieu, et quatre régions, dont l’Aquitaine, région que je connais particulièrement bien, se sont portées candidates et ont signé des conventions.

Avant même toute négociation avec l’État, l’Aquitaine a accepté la mission de délivrer une formation qualifiante aux détenus et de conclure des contrats de professionnalisation avec des groupements d’employeurs, dont on peut mesurer toute l’importance. Le coût annuel de cette mission s’élève à 80 000 euros.

Il m’a semblé entendre récemment une réflexion qui a tinté désagréablement à mon oreille, réflexion selon laquelle cette formation professionnelle serait fondée sur n’importe quoi. Or tel n’est pas le cas, car le programme est arrêté par la Chancellerie. S’il y avait des incohérences, ce serait donc à elle qu’il reviendrait de les corriger. Mais de toute façon, il n’y en a pas. Bien souvent, il s’agit de programmes relatifs à la restauration ou au bâtiment.

Je vous poserai, madame le garde des sceaux, deux questions auxquelles j’espère obtenir une réponse.

La première concerne le financement de cette mission, qui est satisfaisante. Tous les financements ne sont pas aujourd'hui assurés. J’observe que de 40 % à 50 % du financement provient du Fonds social européen, le FSE. Mais les crédits ne sont pas transférés aux régions. Celles-ci vont-elles devoir payer sur leurs deniers ou l’État va-t-il mettre en place un dispositif permettant de transférer la totalité des crédits ?

Par ailleurs, se pose la question du calendrier : la loi devrait entrer en application au 1er janvier 2010, et nous sommes déjà au mois de mars.

Outre une négociation avec l’État, une délibération, puis la signature d’une convention, la mise en place d’une formation professionnelle nécessite des marchés, donc des appels d’offres. Or je ne suis pas sûr que les régions soient prêtes à remplir cette mission le 1er janvier prochain, tout simplement parce que certains délais sont incompressibles. Toutefois, cette question est accessoire par rapport à celle du financement.

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article additionnel avant article 4

Article additionnel après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 187, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les procureurs de la République et les juges d'instruction effectuent au moins une fois par an une visite dans chacun des établissements pénitentiaires situés dans le ressort de leur juridiction.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, cet amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 3 prévoit de renforcer l'obligation pour les magistrats du parquet et les juges d'instruction d'effectuer une visite annuelle dans les prisons qui relèvent du ressort de leur juridiction.

L’article 727 du code de procédure pénale prévoit déjà une obligation générale pour les magistrats de visiter les établissements pénitentiaires. Toutefois, force est de constater que très peu d’entre eux ont l’occasion de se rendre sur le terrain, certains d’entre eux se contentant quelquefois d’aller dans le bureau du directeur…

Cette situation est regrettable, d’autant que la décision de mise en détention préventive ou de demande d’une peine d’emprisonnement relève des juges, ce qui implique une connaissance des conditions d’incarcération. On peut espérer qu’une confrontation directe et régulière avec la réalité des établissements carcéraux permettra une meilleure protection des droits des détenus et favorisera le recours aux peines alternatives à la prison.

Par ailleurs, les psychiatres notent que l’absence d’humanité dans les relations entre certains magistrats et les prévenus ou les détenus est l’un des facteurs de déclenchement d’un certain nombre de crises chez ces derniers. Tout ce qui peut contribuer à améliorer la connaissance des conditions de détention et à mieux comprendre ce qui se passe dans la tête des détenus favorisera certainement le travail des uns et des autres.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission des lois a beaucoup apprécié la possibilité offerte aux parlementaires de visiter les prisons, …

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. …et elle considère que le fait de renforcer les visites dans les prisons des magistrats, notamment des procureurs de la République, des présidents des chambres d’instruction et des procureurs généraux, ne peut avoir que des effets positifs.

Il ne s’agit pas de généraliser, car je connais des magistrats qui sont très présents en milieu pénitentiaire, …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait ! Mais d’autres ne veulent pas y aller !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. … mais j’en connais effectivement d’autres qui – c’est un doux euphémisme ! – le sont beaucoup moins.

En conséquence, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. C’est un très bon amendement. Les magistrats qui se rendent déjà en prison…

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Ça ne les gênera pas !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. … continueront à le faire. Quant aux autres, ils seront obligés d’y aller au moins une fois par an.

En conséquence, le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Nous sommes bien sûr favorables à cet amendement. D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement ?

Toutefois, je formulerai quelques remarques.

Comme vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur pour avis, ces visites doivent servir à quelque chose. Quantité de personnes visitent les prisons : c’est parfois quasiment la gare de l’Est à l’heure de pointe ! Mais il faut que ces visites soient suivies d’observations et de recommandations pour la vie des détenus, adressées à l’administration pénitentiaire et au garde des sceaux bien sûr qui en est responsable.

On ne peut bien évidemment pas inscrire dans un amendement que ces visites doivent être efficaces et utiles – ce serait d’ailleurs un vœu pieux –, mais il ne faut pas perdre de vue cet objectif.

Il y avait auparavant les comités de surveillance, qui ne servaient à rien. Ils se réunissaient parfois, ou pas du tout …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela va changer ! Il y a des propositions dans le projet de loi !

M. Richard Yung. Certes ! Nous en reparlerons lorsqu’elles viendront en discussion, et j’espère que le nouvel organisme créé servira à quelque chose !

Quoi qu’il en soit, je suis favorable à cet amendement, mais je souhaite que les visites soient efficaces et suivies d’effet.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, il importe tout d’abord de faire prendre conscience aux magistrats, y compris aux juges d’instruction, car c’est important pour le déroulement de l’instruction, des conditions de vie des détenus.

D’ailleurs, nous avions souhaité, madame le garde des sceaux, que les juges d’instruction puissent parfois se déplacer dans les prisons pour éviter en permanence les transferts des détenus …

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il y a la visioconférence !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certes, mais nous avions aussi prévu dans certains établissements pénitentiaires des salles permettant aux juges d’instruction …

M. Richard Yung. Il n’y en a plus !

M. Charles Gautier. Effectivement !

M. Richard Yung. Ils ont été liquidés !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Écoutez, mes chers collègues, n’anticipons pas sur d’autres réformes !

Monsieur Yung, le travail de longue haleine engagé avec l’instauration du contrôleur général des lieux privatifs de liberté me paraît très important.

Au fil des années, nous n’avons pas simplement souligné des dysfonctionnements ; des contrats ont été passés avec les établissements pénitentiaires afin d’améliorer progressivement la situation, nous inspirant un peu du modèle britannique. Cette démarche est essentielle. Ce qui a été important pour le contrôleur général l’est aussi aujourd'hui pour les magistrats.

Au cours de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France créée en 2000, nous avions auditionné bon nombre de magistrats, parmi lesquels certains ont déclaré ne rien avoir à faire en prison.