M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour vous être agréable, monsieur Sueur, je vais vous lire l’alinéa 5 de cet article : « L’auteur d’une proposition ou d’un amendement peut participer aux débats de la commission. La participation du Gouvernement est de droit. » En d’autres termes, le Gouvernement est présent tout au long de l’examen du texte.
Cela étant, l'amendement n° 20 sera mis aux voix avant l'amendement n° 173…
M. René Garrec. L'amendement n° 173 n’aura donc plus d’objet !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … et il vous reviendra de vous déterminer sur votre vote, monsieur Frimat. Mais sachez que l’objectif nous est commun.
M. Charles Revet. Bref, l’amendement est satisfait !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il en est de même pour l'amendement n° 174, qui est un amendement de coordination.
Enfin, la précision prévue à l'amendement n° 41 rectifié ne relève pas de la loi organique.
Sur le fond, la publicité des travaux des commissions sur les articles et les amendements sera assurée par les rapports et les bulletins des commissions, comme c’est le cas aujourd’hui. D’ailleurs, dans le cadre de la nouvelle organisation des débats, nous avons décidé d’apporter une amélioration supplémentaire, en mentionnant la plupart du temps dans le rapport le sort dévolu aux amendements, alors que cela ne figurait jusqu’à présent que dans le bulletin des commissions. Ce sera ainsi beaucoup plus lisible.
Vos préoccupations sont donc bien prises en compte, madame Escoffier. Les dispositions que vous proposez figurent dans le règlement du Sénat et nous les mettons déjà en pratique, mais elles ne sont pas de nature organique. C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je souhaite revenir sur les différences qui existent entre le règlement de l'Assemblée nationale et celui du Sénat.
Initialement, le règlement de l'Assemblée nationale prévoyait, à l'article 45, une disposition identique à celle du règlement du Sénat : le Gouvernement se retirait au moment du vote de la commission.
Lors de la réforme du règlement de l'Assemblée nationale du 26 janvier 1994, les mots « les ministres se retirent au moment du vote » ont été supprimés. Pierre Mazeaud avait alors justifié cette décision : « La participation des ministres à certaines discussions d’amendements – qui implique que soit supprimée l’obligation de se retirer lors des votes – paraît de nature à donner aux décisions des commissions une autorité nouvelle et à contribuer à alléger les débats en séance publique, notamment en permettant que les points de vue du Gouvernement et des députés soient exposés et confrontés plus tôt et que des compromis, aujourd’hui recherchés en séance, soient élaborés dès le stade de la commission. »
Depuis que nous débattons de ce projet de loi organique, je n’ai cessé d’insister sur le fait que nous sommes face à un équilibre nouveau,...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. ... ce qui suppose que le Gouvernement et le Parlement acceptent l’un comme l’autre d’expérimenter les modalités pratiques du dispositif.
J’entends bien les arguments du rapporteur, de Bernard Frimat, de Jean-Pierre Sueur : oui, je le sais, le règlement actuel du Sénat prévoit que les ministres ne sont pas présents au moment des votes.
Il est d’ailleurs bien naturel qu’une assemblée veuille conserver son règlement : pourquoi les dispositions qu’il contient ne seraient-elles pas pérennes ?
Sauf que…. sauf que, mesdames, messieurs les sénateurs, la donne a changé ! Une révision constitutionnelle a eu lieu. Désormais, c’est le texte de la commission qui sera examiné en séance publique.
Jusqu’à présent, que le Gouvernement soit présent ou non au moment du vote des amendements en commission était sans incidence, puisque c’était le texte du Gouvernement qui était examiné en séance publique.
Je ne dis pas que, dorénavant, le débat législatif aura lieu pour l’essentiel en commission et non en séance plénière. Mais nous aurons le délai de six semaines – en commission ! -, nous aurons le débat - en commission ! –, nous aurons tous les amendements adoptés sur le texte – en commission ! – et c’est donc ce texte présenté en commission, modifié en commission, transformé en commission, qui sera débattu en séance publique.
Concrètement, le rôle du Gouvernement sera différent : le ministre qui occupera ma place à ce banc devra défendre ses convictions – avec succès ou non, cela dépendra - et vous aurez à vous prononcer, mesdames, messieurs les sénateurs, pour ou contre.
En refusant la présence du Gouvernement au moment des votes en commission, alors que c’est le texte adopté par la commission qui sera examiné en séance publique, vous empêchez que le Gouvernement tienne en commission le rôle qu’il occupe aujourd'hui en séance publique.
M. Jean-Pierre Sueur. La séance publique suffit !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Mais c’est le texte de la commission et non plus celui du Gouvernement qui est discuté dans l’hémicycle !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous l’avez voulu !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur Sueur, ne me reprochez pas d’avoir fait voter une révision constitutionnelle que vous avez refusée. La chose est faite, et, pour ma part, je suis partisan d’un nouvel équilibre.
La rédaction actuelle du règlement du Sénat, qui prévoit que les ministres ne sont pas présents au moment du vote, correspond à l’organisation des débats qui prévalait avant la révision constitutionnelle.
Désormais, c’est le texte de la commission qui vous sera soumis en séance publique. Le nouvel équilibre qui a été décidé rend légitime la présence du ministre tout au long de l’examen en commission. C’est d’ailleurs déjà le cas à l'Assemblée nationale. Son règlement le prévoyait avant même la révision constitutionnelle. Pour Pierre Mazeaud, et ce n’est donc pas moi qui le dis, une telle décision avait pour but de revaloriser le travail en commission et de consolider le lien entre le Gouvernement et les parlementaires, quelle que soit leur appartenance politique.
Avec tout le respect et l’amitié que j’ai pour lui, je répète à M. le président de la commission des lois que nous cherchons à établir un nouvel équilibre dans le travail parlementaire.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Exact !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Pour ce faire, il a été décidé que ce serait le texte de la commission qui serait discuté en séance publique. Dès lors, on ne peut pas refuser au Gouvernement d’être présent au moment où sont votées les éventuelles modifications liées à ce texte. Cela poserait inévitablement problème. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Cette difficulté n’est pas insurmontable et nous trouverons certainement des moyens de fonctionner. Il n’en reste pas moins que nos débats traduisent une véritable divergence d’analyse sur ce point.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne peut émettre un avis favorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune.
C’est la première fois dans la discussion de ce projet de loi organique que le Gouvernement demande le rejet d’un amendement de la commission, monsieur le rapporteur ; croyez que j’en suis bien désolé. Je ne puis garantir qu’il en aille de même pour les prochains textes, mais c’est sans doute la dernière fois pour celui-ci ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’amendement n° 109 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le secrétaire d'État, nous établissons un nouvel équilibre, dites-vous. Je sens toutefois que vous regrettez que ce nouvel équilibre ne soit pas un peu plus déséquilibré…
M. Pierre-Yves Collombat. Le seul point positif de la révision constitutionnelle, c’est que le Parlement débattra désormais en séance publique du texte adopté par la commission.
Lors de l’examen du texte en commission, le ministre sera présent et fera valoir ses arguments ; il aura tout loisir de convaincre. Qu’apportera sa présence au moment du vote ? N’est-ce pas seulement lui offrir un moyen de pression ?
Puisqu’une part essentielle du travail parlementaire se fera en commission, il est tout à fait normal que le Gouvernement soit présent et intervienne. Sinon, cette révision constitutionnelle aura été inutile et il n’est qu’à continuer d’examiner le texte du Gouvernement en séance publique.
Le débat aura donc eu lieu, le Gouvernement aura développé tous ses arguments. Je trouve cet acharnement à vouloir maintenir le quatrième alinéa de l'article assez suspect.
Pour ma part, je voterai la suppression de l’alinéa ou une nouvelle rédaction, comme il est proposé.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Madame la présidente, je demande le vote par priorité de l'amendement n° 20.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme la présidente. La priorité, de droit, est ordonnée.
La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote sur l'amendement n° 20.
M. Nicolas Alfonsi. J’ai écouté avec attention les raisons et les explications de M. le secrétaire d'État.
Je vois dans cet alinéa une tentative pour ruiner ce qui, à l’occasion de la révision constitutionnelle, avait été présenté comme la clef de la revalorisation du rôle du Parlement.
De deux choses l’une : ou bien nous restons nous-mêmes et nous maintenons le dispositif auquel nous sommes habitués – le ministre est entendu par la commission, mais se retire au moment des votes – ; ou bien le débat qui avait auparavant lieu en séance publique est déplacé en commission, et c’est en commission que le Gouvernement doit faire preuve de toute sa force de conviction. Il faut, dans ce dernier cas, que l’autonomie de la commission se manifeste et je voterai des deux mains le texte de la commission des lois.
Je veux insister fortement sur un point : la commission a tenté de trouver un passage pour améliorer le texte qui résulte des travaux de l’Assemblée nationale, compte tenu des contraintes qu’elle supporte par ailleurs.
Avec les membres de mon groupe, je voterai l’amendement de la commission.
M. Christian Cointat. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Les membres de mon groupe voteront également l’amendement n° 20, qui correspond à l’autonomie du Sénat et à l’esprit dont nous voulons qu’il soit celui du règlement que nous sommes en train d’élaborer.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, pour explication de vote.
M. Jean-Patrick Courtois. Aux termes de l’amendement n° 20, « Les règlements des assemblées déterminent les modalités selon lesquelles les ministres sont entendus, à leur demande, à l’occasion de l’examen d’un texte en commission. »
Les membres du groupe UMP souscrivent à cette formule, qui garantit au Gouvernement son droit d’expression en commission, tout en ménageant une certaine souplesse. La rédaction que nous propose M. le rapporteur est équilibrée et, surtout, préserve l’autonomie des assemblées.
Toutefois, dans la mesure où désormais sera discuté dans l’hémicycle le texte de la commission, le Gouvernement devra naturellement pouvoir être présent en commission, et encore plus qu’aujourd’hui, afin de débattre avec les élus de tous les groupes de l’évolution du texte et de ses modifications par voie d’amendement.
Les commissions ne pourront pas se contenter, à mon sens, de simples auditions destinées à la présentation d’un projet de loi, comme c’est le cas actuellement. Il est essentiel que le Gouvernement puisse faire valoir son avis sur les amendements, afin que les commissaires statuent en toute connaissance de cause.
Toutefois, un grand nombre de sénateurs de mon groupe estiment que le Gouvernement ne saurait être présent pendant le vote des amendements, sous peine de porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois. Sous réserve de ces observations, les membres du groupe UMP voteront l’amendement n° 20. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. M. Courtois vient d’exprimer avec concision, précision et autorité le point de vue que je m’apprêtais à défendre. Je considère en effet, monsieur le rapporteur, que l’amendement de la commission est parfaitement bienvenu, car il éclaire la nature même du bicamérisme dans notre pays.
J’ai été élu à quatre reprises à l’Assemblée nationale et je soutiens avec conviction le Gouvernement. Je dois cependant rappeler que les députés sont élus au scrutin majoritaire à deux tours dans le sillage de l’élection présidentielle. Ils ont seuls la capacité de censurer le Gouvernement. Les relations qu’ils entretiennent avec ce dernier sont donc de nature différente de celles que nous, sénateurs, avons avec l’exécutif.
Législateurs, nous le sommes, et profondément législateurs. Du fait de notre mandat et des conditions de notre élection, nous avons la volonté de garder cet espace de liberté qui caractérise notre assemblée, qui justifie le bicamérisme et qui lui permet d’avoir sur l’actualité immédiate le recul nécessaire la conduisant parfois à améliorer un texte dans un sens qui n’était peut-être pas, à l’origine, celui de l’exécutif. Les uns et les autres, quelle que soit notre tendance politique, en avons apporté la démonstration vis-à-vis des différents gouvernements que nous avons soutenus.
C’est pourquoi je pense que le travail en commission au Sénat doit reposer sur le libre engagement des sénateurs.
Monsieur le secrétaire d’État, je rappelle que nous appartenons à des groupes politiques auxquels il revient, en liaison avec l’exécutif qu’ils soutiennent, d’assurer la coordination. Toutefois, le législateur, dans le cadre des travaux en commission, doit pouvoir exprimer en toute liberté sa conviction. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien évidemment, les membres de mon groupe vont voter l’amendement de la commission.
Cependant, contrairement à ce que vient de dire M. Longuet, aucune raison, selon moi, ne justifie une différence de traitement entre le Sénat et l’Assemblée nationale en ce qui concerne l’acte législatif. De même que lors de l’examen de l’article 13, je me demande si l’on peut soutenir une telle idée.
Aujourd’hui, le Gouvernement peut assister à sa demande, si toutefois cette dernière est acceptée – mais comment pourrait-il en être autrement ? –, aux travaux des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Comme la procédure législative va être modifiée à la suite de la révision constitutionnelle – cet élément est important, quel que soit le point de vue des uns et des autres par ailleurs sur cette réforme –, sera examiné en séance plénière non pas le projet de loi initial mais le texte issu des travaux de la commission, donc un texte éventuellement modifié.
Il est assez délicat d’accepter la présence du Gouvernement au moment du vote en commission. Ce principe paraît contraire à l’esprit de cette innovation constitutionnelle qui accorde une certaine autonomie au Parlement par rapport au projet gouvernemental.
Je vais voter l’amendement de la commission, mais je crois sincèrement que ceux qui prennent argument de l’autonomie des assemblées pour le justifier, et justifier du même coup une différence de traitement possible entre le Sénat et l’Assemblée nationale, font un contresens.
Mais, après tout, cette disposition intéresse sans doute plus la majorité, celle d’aujourd'hui comme celle de demain. En effet, je ne pense pas que la présence du Gouvernement au moment du vote ait beaucoup d’influence sur l’opposition. En revanche, lorsque les membres de la majorité auront à se prononcer sur le texte de la commission, qui pourra donc être différent du projet de loi initial jusqu’à parfois contrarier le Gouvernement, la présence de ce dernier exercera sur eux une pression non négligeable, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je veux simplement apporter quelques précisions.
Comme bien d’autres membres de cette assemblée, j’ai été député, en l’occurrence pendant dix ans. J’ai à ce titre participé à de nombreuses réunions de l’immense commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et je n’ai pas le souvenir de la présence d’un seul ministre en commission lors des votes.
M. Jean-Pierre Sueur. Ayant ensuite exercé les fonctions de secrétaire d’État, je me suis rendu devant les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat à de nombreuses reprises et je n’ai jamais eu l’idée de rester pour participer au débat sur les amendements ou pour assister aux votes.
Mais je reprendrai à mon tour l’argument de Robert Badinter. En commission, notre collègue a fait valoir que la présence du représentant du Gouvernement lors des votes pourrait être interprétée comme une incitation forte à une expression « cohérente » de la majorité et des formations politiques, alors qu’il est légitime que chacun mène sa réflexion non pas « librement » - la présence du Gouvernement ne supprime aucune liberté -, mais en toute indépendance, selon le principe de la séparation des pouvoirs.
Enfin, je veux formuler une observation pratique. Monsieur le secrétaire d’État, vous constatez que la tâche d’un membre du Gouvernement est lourde.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous le mesurez chaque matin, chaque après-midi, chaque soir, chaque nuit. Sauf à transformer le Gouvernement en armée mexicaine, je ne vois pas comment un ministre pourrait résister. De deux choses l’une : s’il assiste à tous les travaux de la commission et au débat en séance publique, il aura alors beaucoup de mal à supporter une telle charge de travail. La tâche sera beaucoup trop lourde. La tentation sera peut-être grande alors de faire appel à un collaborateur, comme l’évoquait M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il n’en est pas question !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous ne saurions l’accepter, mais l faut tout de même être réaliste.
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a voulu une révision constitutionnelle, ce n’est pas la nôtre, nous ne l’avons pas votée. Vous avez souhaité que désormais l’assemblée plénière débatte du texte qui résultera des travaux de la commission. Très bien ! Ce n’est pas une catastrophe ! Le ministre aura toujours la faculté de présenter des amendements, et à tout moment. En séance publique, il pourra défendre sa position et se prononcer contre certains amendements de la commission. Il le fait bien aujourd’hui ! Le texte examiné en séance sera simplement différent. Le Gouvernement conservera les mêmes droits et les mêmes pouvoirs.
Pour des raisons de fond, pour des raisons pratiques, pour le bon fonctionnement de la procédure parlementaire et pour le maintien de bons rapports entre le Parlement et le Gouvernement, je trouve fort bien que les commissions puissent auditionner les ministres à leur demande. En revanche, il n’est pas bon qu’un ministre soit présent lors de la discussion des amendements, sauf si le Gouvernement estime devoir informer la commission d’une position déterminante. D’ailleurs, son audition est alors de droit, puisqu’il la demande.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Je soutiens, comme tous mes collègues qui viennent de s’exprimer, l’amendement présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement va faire l’unanimité au Sénat… contre sa proposition ! (Sourires.) Les membres de mon groupe vont donc voter l’amendement n° 20, même s’ils se posent toujours un certain nombre questions.
Se référant à la règle de l’« entonnoir » et à l’article 40 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a estimé inconstitutionnelle une procédure plus « parlementaire », si je puis dire, pratiquée au Sénat et a souhaité que la Haute Assemblée adopte une position identique à celle de l’Assemblée nationale. En l’espèce, prévoir un traitement différent entre les deux assemblées, c’est ouvrir une brèche, mes chers collègues.
On pourrait accepter la présence du Gouvernement en commission au moment du vote si la commission votait la loi, mais la révision constitutionnelle, que nous avons rejetée, n’a pas donné ce pouvoir-là aux commissions. Cette révision n’avait pas en effet pour objet de vider la séance publique de sa fonction. C’est en séance publique que la loi est votée…
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Bernard Frimat. … et elle sera votée en fonction non pas d’un texte de la commission complètement étranger au projet initial, mais du projet de loi déposé par le Gouvernement, modifié par la commission. On peut penser qu’entre un gouvernement et sa majorité parlementaire il existe des possibilités de dialogue, même en dehors du débat parlementaire et des assemblées.
Cet élément est pour nous essentiel. Si tout se passe en commission, la séance publique sera vidée de son contenu, ce qui n’est pas conforme à l’esprit de la révision constitutionnelle.
Notre démarche sera différente de ce qu’elle est aujourd'hui : si le Gouvernement manifeste un désaccord avec la position adoptée par la commission, il déposera des amendements, et chacun sera alors placé devant ses responsabilités. (Marques de lassitude sur les travées de l’UMP.)
M. Pierre Hérisson. Et c’est reparti !
M. Bernard Frimat. Puis-je vous rappeler, mes chers collègues, qu’il est déjà arrivé dans l’histoire de notre assemblée que des amendements adoptés en commission avec une majorité confortable soient rejetés en séance publique, parce que le dialogue entre le Gouvernement et sa majorité avait ébranlé le consensus qui s’était manifesté auparavant ?
Pour toutes ces raisons, nous voterons l’amendement n° 20 de la commission.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 20.
(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 109 rectifié, 173, 41 rectifié et 174 n'ont plus d'objet.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 21 et 108 sont identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission.
L'amendement n° 108 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le dernier alinéa de cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 21.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La détermination des délais applicables au dépôt des amendements examinés lors de la réunion de la commission consacrée à l'élaboration du texte relève davantage du règlement que de la loi organique. Il convient donc de la renvoyer à ce dernier.
C'est pourquoi nous voulons supprimer cet alinéa.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 108.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Le Gouvernement et la majorité veulent déplacer le débat depuis la séance publique vers la commission.
Toutefois, comment le débat pourra-t-il avoir lieu si les parlementaires ne peuvent même plus déposer d’amendements en commission ? En outre, si le droit d’amendement est limité par le temps global de discussion d’un projet de loi en séance publique, il le sera également en commission !
Il faut donc, à l’évidence, supprimer cet alinéa.
Mme la présidente. L'amendement n° 110, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa de cet article, après les mots :
les amendements
insérer les mots :
du rapporteur et
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Le délai de dépôt des amendements envisagé dans cet alinéa, qui a été inséré par l’Assemblée nationale dans le projet de loi organique, ne s’applique qu'aux membres de l’assemblée concernée. Par conséquent, nous souhaitons préciser que le rapporteur du texte y sera également soumis.
Comme vous l’aurez compris, mes chers collègues, il s'agit en fait d’un amendement de repli.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 110 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement n’aurait plus d’objet si les amendements identiques nos 21 et 108 étaient adoptés.
Néanmoins, les règlements des assemblées pourraient prévoir des délais pour le dépôt des amendements en commission. Dans ce cas, ces délais s’appliqueraient aussi aux amendements du rapporteur. La commission des lois expérimente d'ailleurs ce dispositif depuis le début du mois pour les textes qui la concernent.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. En ce qui concerne les amendements identiques nos 21 et 108, le Gouvernement émet un avis favorable, en souhaitant qu’il soit acté, en tout état de cause, que cette suppression ne doit pas être interprétée comme un refus de voir établis de tels délais, qui devront bien sûr apparaître dans les règlements des assemblées.
Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 110.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 108.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 110 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 68, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les amendements du Gouvernement au texte élaboré par la commission mixte paritaire mentionnée à l'article 45 de la Constitution ne sont recevables que s'ils sont destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle.
Cet amendement n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l'article.
Mme Nathalie Goulet. Puisque nous avons déterminé clairement les conditions dans lesquelles s’appliqueront les dispositions de l’article 11, il est important, me semble-t-il, de rappeler que le règlement de notre assemblée prévoira un compte rendu intégral des travaux des commissions.
Ce document sera d’autant plus important que le Gouvernement ne sera pas forcément présent lors de ces réunions et qu’il devra donc s’informer pour connaître l’intention du législateur et suivre le travail des commissions !
Cette question avait été discutée lors du débat sur la révision constitutionnelle. Notre collègue Anne-Marie Escoffier avait déposé et défendu un amendement en ce sens, mais celui-ci est devenu sans objet.
Dès lors que nous discuterons en séance publique du texte issu des travaux de la commission et que l’intention du législateur sera, dans une très large mesure, exprimée dans ce cadre, un tel compte rendu sera indispensable.