M. Michel Charasse. Ainsi que le règlement !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Exactement, et le Conseil appréciera sans doute sévèrement toute disposition excessive figurant dans le règlement du Sénat ou dans celui de l'Assemblée nationale.
J’entends dire : nous sommes peut-être tranquilles pour aujourd’hui, mais cela ne garantit rien pour demain. D’abord, la loi organique ne permet pas d’aller trop loin, ensuite, le Conseil constitutionnel vérifiera que les règlements, quelles que soient les majorités au pouvoir, respectent effectivement ce droit fondamental qu’est le droit d’amendement.
J’ajoute que le Conseil constitutionnel sera aussi amené à connaître des lois auxquelles on appliquerait le temps programmé. Il censurerait donc vraisemblablement une loi qui aurait été examinée dans des conditions incompatibles avec les droits que je viens d’énoncer. C’est d’ailleurs tout l’intérêt des dispositions de l’article 13 bis, qui imposent clairement aux règlements de respecter les droits des groupes d’opposition et des groupes minoritaires pour ce cas spécifique. Je vous rappelle que le nouvel article 51-1 de la Constitution a, pour la première fois, reconnu l’existence et le travail de ces groupes. Le Conseil constitutionnel disposera ainsi d’une accroche très claire pour censurer tout abus.
Bien évidemment, le droit d’amendement demeure un droit individuel, monsieur Fauchon. Les amendements ne transiteront pas par les groupes. Il appartiendra simplement à ceux-ci d’organiser une sorte d’autodiscipline en leur sein. Cela ne me paraît pas insensé dans une assemblée au sein de laquelle le débat dans l’hémicycle s’engagera sur le texte élaboré par la commission, et non sur celui du Gouvernement. Ce dernier devra alors déterminer son attitude face à un texte qui ne sera pas le sien, et un vrai débat s’engagera. Chaque parlementaire pourra déposer ses amendements sans droit de regard de son groupe et s’exprimer ensuite en séance. Il appartiendra simplement à chacun de faire preuve, sinon d’autodiscipline, du moins d’une certaine rapidité, dans un esprit de courtoisie et de responsabilité.
Reste bien sûr le cas de l’obstruction massive, que l’on peut connaître à l’Assemblée nationale. On prétend que le temps programmé va empêcher les parlementaires de s’exprimer. Mais, rappelez-vous, lorsque 15 000, 20 000 ou 100 000 amendements étaient déposés sur un projet de loi, le Gouvernement n’avait d’autre choix que de recourir à ces armes atomiques que sont l’article 49, alinéa 3, ou le vote bloqué, avec des conséquences bien pires pour le droit d’amendement, puisque le débat était immédiatement interrompu et que bien des amendements ne pouvaient, dès lors, ni être présentés ni être mis aux voix.
M. Jean-Pierre Bel. Ces outils subsistent !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Oui, mais, d’une part, le recours à l’article 49, alinéa 3, a été considérablement restreint par la dernière révision constitutionnelle et, d’autre part, en ce qui nous concerne, nous n’avons jamais utilisé ces procédures. On peut toujours me rétorquer que nos successeurs pourront le faire. Certes, c’est une vraie question…
En tout cas, les discussions qui ont lieu aujourd’hui à l’Assemblée nationale autour du président Accoyer montrent que, en dehors des cas d’obstruction massive, le temps qui sera attribué à chaque groupe sera large et profitera, en particulier, aux groupes d’opposition et minoritaires. En effet, un temps identique sera attribué à chacun des groupes, auquel s’ajoutera un temps proportionnel à leur importance. Il s’agit quand même d’une avancée significative.
M. Jean-Louis Carrère. Les grands groupes seront perdants !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Les groupes d’opposition et minoritaires n’y perdront pas, y compris les grands groupes. Seul le groupe majoritaire sera légèrement perdant.
Ce matin, lors de la conférence des présidents de l'Assemblée nationale, un accord a été trouvé sur la répartition des questions au Gouvernement. Jusqu’ici, ces questions étaient réparties à la proportionnelle. La majorité et l’opposition se les partageront désormais par moitié. Un équilibre a donc été trouvé, et je vois que le président Louis Mermaz sait de quoi je veux parler.
Si l’on regarde le nombre d’amendements déposés habituellement sur un texte, il est clair, monsieur Mercier, que ceux-ci pourront être normalement discutés et mis aux voix. La présentation des amendements est un élément important du débat. J’insiste sur le fait que l’article 13 n’entend nullement porter atteinte au temps dont disposent les parlementaires pour présenter leurs amendements.
M. Bernard Frimat. C’est faux !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Il ne pourra évidemment pas en aller ainsi si 120 000 amendements sont déposés sur un texte. De toute façon, le recours au vote bloqué ou à l’article 49-3 ne le permettait pas non plus. À condition de rester dans un cadre normal, le temps de discussion des amendements sera donc large à l'Assemblée nationale et ne sera nullement contraint au Sénat, dont le fonctionnement est un peu différent. Qui pourrait d’ailleurs imaginer que les parlementaires de l’opposition, mais aussi et surtout ceux de la majorité, accepteraient une telle restriction ?
L’hypothèse ultime d’une mise aux voix sans discussion est réservée aux cas où des dizaines de milliers d’amendements auraient été déposés. Mais ce problème se posait déjà sans l’article 13.
Je tiens à rassurer chacun d’entre vous et à réaffirmer l’importance du droit d’amendement et la nécessité de pouvoir discuter aussi bien en commission qu’en séance.
De même, le droit de sous-amender demeure, évidemment. Dans le cas de figure où un parlementaire souhaiterait sous-amender un amendement qui ne pourrait plus être défendu par un groupe dont le temps programmé serait épuisé, il faudrait que ce groupe retrouve du temps de parole pour défendre cet amendement que l’on propose de sous-amender. Je le dis pour le Conseil constitutionnel.
M. Michel Mercier. C’est pourquoi j’avais posé la question.
M. Jean-Louis Carrère. Nous allons systématiquement sous-amender et ce sera réglé !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Il faut être pragmatique. Je ne crois absolument pas que l’on puisse enserrer le débat dans un carcan absolu. Simplement, le Gouvernement cherche sincèrement à rendre le débat démocratique plus lisible et plus visible, en lui laissant le temps de se dérouler, aussi bien en commission que dans l’hémicycle, mais aussi en cherchant à éviter les quelques rares dérives auxquelles on a assisté à l'Assemblée nationale.
Le temps programmé ne s’appliquera que de manière souple et claire ; c’est d’ailleurs ce qui a été acté entre le président Accoyer et les présidents de groupe. Il ne faut imaginer ni le couperet, ni le bâillon, mais une organisation harmonieuse permettant à chacun de mieux travailler au Parlement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et du RDSE.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 53 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 121 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 181 est présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mme Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous avons déjà défendu en grande partie cet amendement dans le cadre de nos prises de parole sur l’article.
M. Charles Revet. C’est bien de le reconnaître !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je souhaite néanmoins ajouter un commentaire qui, je pense, relève du bon sens.
Depuis le début du débat, on nous dit que cet article 13 ne concernerait pas le Sénat. Nous débattrions donc d’une disposition qui n’intéresserait que l’Assemblée nationale, puisque les sénatrices et sénateurs seraient plus disciplinés que leurs collègues députés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Plus raisonnables !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous prenons acte de cette désolidarisation de l’objet et de l’esprit de l’article 13 du projet de loi organique et de cette volonté de ne pas le voir appliqué aux travaux de la Haute Assemblée.
Toutefois, nous nous retrouvons bien aujourd’hui pour voter cet article d’un projet de loi qui a vocation à s’appliquer à l’ensemble du Parlement, et je rappelle que ce dernier comprend deux chambres, dont la nôtre.
De la décision du Sénat découlera la réouverture du débat ou pas. Il nous appartient de décider si le débat est clos ou si cet article n’est pas acceptable en l’état. Et, même si cet article ne nous concernait pas, il concernerait tout de même tous les Français, car ce sont eux qui confient à leurs députés le soin de les représenter. Ce sont eux, en conséquence, que l’on prive de la possibilité de s’exprimer sur des questions les intéressant. Ce sont eux qui pâtiront de cette restriction au droit des parlementaires de discuter et d’améliorer la loi.
Au demeurant, arrêtons de dire que cet article ne nous concerne pas ! Si, un jour, la procédure devait être également instaurée au Sénat, que dirions-nous alors ?
En tout cas, si cette disposition porte atteinte à l’autonomie des assemblées, comme beaucoup ici le pressentent, il serait préférable de la supprimer.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien entendu, nous nous sommes déjà exprimés sur les raisons qui justifient cet amendement de suppression. Mais le débat et tout particulièrement la longue réponse de M. le secrétaire d’État, au travers de laquelle il a tenté de nous expliquer que le Gouvernement n’avait nullement l’intention de brider les parlementaires, comme l’intervention de M. Portelli, qui n’a rien trouvé de mieux que de traiter nos collègues députés de malades pour justifier l’action du Gouvernement, appellent quelques commentaires.
Monsieur le secrétaire d'État, avec votre bonhomie habituelle, vous nous expliquez que, malgré la révision constitutionnelle, qui, d’ailleurs, selon vous, offrirait de nouveaux droits au Parlement, malgré le présent projet de loi organique, par lequel vous vous apprêtez à réduire le temps de parole des parlementaires, le Gouvernement n’a pour seule volonté que de permettre aux parlementaires de s’exprimer davantage.
Vous avouerez que, en cette période de crise économique et sociale très grave, cette bonne volonté du Gouvernement est difficile à croire, surtout si l’on en juge par la manière dont le Premier ministre et le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer gèrent le mouvement social qui traverse actuellement les départements d’outre-mer, mouvement qui prend de l’ampleur et dont les acteurs ne se satisfont pas des promesses qui leur sont faites.
Certes, le Président de la République, qui, nul n’en doute, est le chef du Gouvernement, après être intervenu durant quatre-vingt-dix minutes voilà quelques jours à la télévision, s’exprimera de nouveau par le même biais demain ou après-demain. Mais pour autant, aucun débat n’est prévu au Parlement et aucune information ne lui est transmise.
Pardonnez-moi, mais nous ne pouvons aucunement vous croire, monsieur le secrétaire d'État, lorsque vous nous affirmez que le Président de la République et le Gouvernement ont la volonté de rendre les parlementaires plus actifs dans la vie politique.
Pourquoi toutes ces explications ? Pour essayer de justifier ce projet de loi organique visant à limiter le droit de parole des parlementaires ! En fait, l’ensemble de vos propos nous confortent dans l’idée qu’une loi organique n’est pas nécessaire et que le règlement de chaque assemblée suffit à organiser le déroulement des débats.
À vous entendre, nos concitoyens pourraient croire que, à l’heure actuelle, la parole des députés ou des sénateurs est libre et que ces derniers peuvent parler à satiété. Il n’en est rien ! Des procédures existent actuellement. Mes chers collègues de la majorité, même si vous le réfutez, vous y avez-vous-mêmes eu recours ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Quand le dépôt de milliers d’amendements vous a-t-il empêchés d’aller au bout de la discussion d’un projet de loi, c'est-à-dire jusqu’à son adoption ? Jamais ! Les procédures existent, et le Gouvernement n’a qu’à les utiliser.
En réalité, vous voulez instaurer un « 49-3 parlementaire ». Or il relève de la responsabilité du Gouvernement d’imposer, s’il le souhaite, à un moment donné, la fin d’un débat. Ensuite, à l’évidence, c’est à la majorité de trancher. Respectueux de la démocratie, nous ne contestons absolument pas cette procédure majoritaire. En revanche, nous refusons que les parlementaires limitent par eux-mêmes leur temps de parole. Vos explications toutes plus longues et plus fumeuses les unes que les autres pour démontrer qu’il n’en est rien ne nous convainquent aucunement. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
J’ajoute que l’article 44 révisé de la Constitution visait sans aucun doute à contourner la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 7 novembre 1990, par laquelle les magistrats de la rue Montpensier avaient précisé que, pour que le droit d’amendement soit réel, il fallait que les amendements puissent être défendus et discutés. À l’évidence, je le répète, le nouvel article 44, qui dispose simplement que le droit d’amendement « s’exerce en séance ou en commission », n’a d’autre objet que de contourner cette décision. Chaque amendement doit pouvoir être défendu. Il est certain, quoi que vous prétendiez, que l’impossibilité de défendre un amendement contreviendrait à la jurisprudence du Conseil constitutionnel telle qu’elle résulte de sa décision rendue en 1990.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Mais non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La loi organique ne peut pas, tant soit peu, limiter le droit de défense des amendements des parlementaires, qu’ils soient députés ou sénateurs.
Nous ne sommes pas convaincus par les explications de la majorité ou du Gouvernement, lesquelles, au contraire, nous confortent dans l’idée qu’il vaut mieux supprimer l’article 13 du projet de loi organique. Du reste, mes chers collègues de la majorité, vous reconnaissez vous-mêmes que nos collègues de l’Assemblée nationale appartenant à la majorité aimeraient bien parvenir à un accord, accord dont il n’est pas possible de se passer et auquel ils ne sont pas parvenus lors de la première lecture.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Je remercie M. le secrétaire d'État de sa réponse et de ses explications. (Murmures continus sur les travées de l’UMP.)
Je serais heureux que nos collègues de l’UMP qui n’écoutent pas aient l’obligeance de bien vouloir aller jouer ailleurs…
M. le président. Mes chers collègues, nous suspendrons la séance après que le Sénat se sera prononcé sur ces trois amendements identiques. En attendant, je vous demande de bien vouloir laisser s’exprimer M. Frimat et de l’écouter attentivement.
Mon cher collègue, veuillez poursuivre, s’il vous plaît.
M. Bernard Frimat. Merci, monsieur le président.
Je tiens donc à rendre justice à M. le secrétaire d'État d’avoir accepté, sur la proposition unanime de la conférence des présidents, et à l’instigation du groupe socialiste, que cet article 13 soit examiné cet après-midi. Nous souhaitions en effet que l’examen de cet article par le Sénat donne lieu à un débat de qualité et qu’il permette d’échanger des arguments, ce qui n’avait pas été le cas, à notre grand regret, à l’Assemblée nationale, nos collègues et amis députés socialistes ayant été placés dans l’incapacité d’exposer leurs positions.
Monsieur le secrétaire d'État, vous nous avez fait part de votre point de vue sur cette question du droit d’amendement et je ne doute pas que vous aurez encore l’occasion d’y revenir. Certes, votre position ne souffre d’aucune ambigüité et j’ai l’intuition que vous serez plutôt défavorable, même si cela vous en coûte, aux amendements de suppression de l’article. Néanmoins, j’aimerais savoir précisément ce que vous répondez à Pierre Fauchon, à Michel Mercier et à moi-même lorsque nous vous demandons si la question de la présentation des amendements peut être détachée de celle du droit d’amendement. Vous nous avez dit qu’il sera possible aux parlementaires de présenter des amendements chaque fois que le temps global ne jouera pas. Mais vous ne garantissez rien dans l’hypothèse où le temps global serait dépassé.
Ensuite, bien que vous n’y ayez pas assisté, vous nous avez relaté les débats internes à l’Assemblée nationale sur son règlement. Ce n’est pas notre problème ! Nous examinons le projet de loi organique. Le moment venu, nous discuterons du règlement du Sénat, sur lequel nous avons eu des discussions intéressantes et ouvertes dans le cadre du groupe de travail constitué en vue de sa modification.
Si, aujourd’hui, nous votons conforme l’article 13, comme le propose la commission, le débat ne pourra plus se poursuivre à l’Assemblée nationale. Reconnaissez que c’est bien là ce que vous recherchez ! Si la commission réunie autour de Bernard Accoyer est parvenue à un accord, pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, refusez-vous aux députés le droit de rouvrir le débat sur l’article 13 ? Pourquoi ne laissez-vous pas l’Assemblée nationale parvenir à un accord qui garantirait ce que nous demandons, à savoir l’assurance que tout amendement pourra être non pas seulement déposé – ce sera toujours le cas – mais, surtout, présenté ?
Vous ne nous apportez aucune garantie en la matière. Vous vous contentez de dire que, si tout se passe bien, il sera loisible à tout parlementaire de présenter ses amendements. Pour notre part, nous demandons que cette faculté lui soit reconnue dans tous les cas. Certes, la question ne se pose pas au Sénat, mais elle se pose pour nos collègues députés.
Faute d’obtenir cette garantie, nous proposons bien évidemment de supprimer l’article 13. D’ailleurs, mes chers collègues, l’adoption de notre amendement de suppression nous ferait gagner un temps considérable, puisque les autres amendements déposés à l’article 13 deviendraient sans objet, ainsi que les articles 13 bis et 13 ter. Sans doute serez-vous sensible, monsieur le secrétaire d'État, aux efforts que nous déployons pour accélérer les débats ! (Sourires.)
Certes, ce n’est pas « sept d’un coup », mais, le cas échéant, nous gagnerions un temps considérable. (Nouveaux sourires.)
Mes chers collègues, la suppression de l’article 13 n’emporterait aucune conséquence néfaste ; en revanche, elle permettrait aux députés, lors de la seconde lecture, de trouver un accord sur sa rédaction. Pourquoi priver nos collègues de la possibilité d’en débattre, s’ils le souhaitent ?
S’agissant de points essentiels du droit parlementaire, toute précipitation est à bannir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet après-midi, j’ai entendu de nombreuses références erronées au droit parlementaire. Comme l’ont rappelé certains de nos collègues, notamment ceux qui sont un peu plus anciens, le dispositif visé à l’article 13 était en vigueur sous la IIIe comme sous la IVe République. Du reste, le règlement de l’Assemblée nationale, dans les premiers temps de la Ve République, a reproduit intégralement les dispositions qui étaient en vigueur sous la IVe République. Ce n’est qu’en 1969 que l’Assemblée nationale a supprimé de son règlement un dispositif visant à fixer un temps limite, dispositif que, pour sa part, le Sénat n’a jamais introduit dans son propre règlement.
Je rappelle que, à l’époque, la conférence des présidents décidait souverainement de l’organisation du débat et fixait l’heure limite à laquelle les votes auraient lieu. Cette organisation concernait non seulement les interventions dans la discussion générale, mais aussi les motions, les articles, les amendements, les explications de vote et même les interruptions de séance et les pointages de scrutins dus à l’initiative d’un membre d’un groupe.
M. Bernard Frimat. Cet article n’a jamais été appliqué !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certes, mais c’était inscrit dans le règlement de l’Assemblée nationale ! Le droit, ce n’est pas seulement ce qui est appliqué, c’est tout ce qui est prévu dans les textes !
Quoi qu'il en soit, à l’époque, personne n’avait considéré que cet article du règlement violait le droit d’amendement tel que vous le définissez aujourd’hui.
Du reste, par différents mécanismes, la commission avait la possibilité de rendre du temps aux groupes. En outre, s’il devenait manifeste, au cours des débats, que les temps de parole étaient devenus insuffisants, l’Assemblée nationale, sur proposition d’un de ses membres, pouvait décider, sans débat, d’augmenter le temps de parole de chaque groupe, et les groupes étaient ainsi en mesure d’utiliser ce temps supplémentaire pour présenter des amendements, ceux qui leur paraissaient évidemment les plus substantiels, pas pour faire de l’obstruction en défendant des amendements purement répétitifs.
En réalité, ce que nous cherchons, c’est avoir des débats organisés. Je signale d’ailleurs que le professeur Marcel Prélot s’est toujours montré très favorable à une organisation des débats. Au demeurant, bien souvent, actuellement, sans le dire, nous faisons en sorte que le débat soit organisé, et c’est heureux !
Mes chers collègues, vous vous souvenez que, lors de la première lecture de la loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, ainsi que l’a rappelé Alima Boumediene-Thiery, il était prévu de confier au seul règlement des assemblées le soin de déterminer les conditions d’exercice du droit d’amendement. Ce n’est qu’au cours de la navette qu’ont été ajoutés les mots « dans le cadre déterminé par une loi organique ». Comme l’a expliqué M. le secrétaire d'État, l’Assemblée nationale avait dans l’idée de prévoir un temps global de débat sur un certain nombre de textes, conformément à la proposition qu’avait faite en ce sens son président de l’époque, Jean-Louis Debré, en 2006.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument ! Mais il avait finalement retiré cette proposition !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Elle avait été retirée, mais cela montrait bien qu’il y avait une difficulté. Bien sûr, on peut toujours vouloir être en mesure de débattre indéfiniment de tout et dans n’importe quelles conditions, mais, aujourd’hui, les débats parlementaires sont déjà organisés : il y a des temps de parole, parfois assez longs et difficiles à supporter.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela dépend !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certes, monsieur Sueur. J’ai d’ailleurs eu souvent l’occasion de constater que vous aimiez beaucoup parler… (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.). Mais c’est ainsi que je vous apprécie, car vous êtes excellent orateur,….
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … bien que parfois un peu long ! Je suis d’ailleurs persuadé que vous ne manquerez pas d’expliquer votre vote !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous pouvez compter sur moi ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si l’Assemblée nationale veut réintroduire de telles dispositions dans son règlement, il faut le prévoir dans le projet de loi organique puisqu’elles doivent être prises « dans le cadre fixé par une loi organique ». Si tel n’avait pas été le cas, l’Assemblée nationale aurait pu inscrire ces dispositions dans son règlement sans qu’il soit nécessaire d’en faire état dans le projet de loi organique.
J’avais mis en garde nos collègues de l’Assemblée nationale. Je leur avais d’abord conseillé de veiller à préserver l’autonomie des assemblées. C’était mon souci permanent et cela doit être notre préoccupation constante en cet instant.
Les députés devront concilier respect du droit d’amendement, peut-être avec quelques aménagements, une présentation brève par exemple, et respect d’un temps global de discussion. Le Sénat ne souhaite pas adopter un tel système, mais, dès lors que l’Assemblée nationale l’a voté et qu’elle souhaite se l’appliquer, ce n’est pas moi qui vais lui imposer de ne pas le faire.
Dans ces conditions, je ne peux qu’être défavorable aux amendements de suppression de l’article 13.
C’est cohérent avec la démarche que nous avons adoptée tant lors de la révision constitutionnelle que dans la discussion du présent projet de loi organique. Il s’agit de laisser la plus grande autonomie possible aux assemblées. N’empêchons pas les autres de faire ce que nous ne voulons pas nous imposer à nous-mêmes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je serai bref, car je me suis déjà longuement exprimé sur l’article 13.
L’ancien article 55, alinéa 4, du règlement de l’Assemblée nationale, qui fut applicable entre 1958 et 1969, permettait d’imposer le vote sans débat d’un amendement. Cet article avait été déclaré conforme par le Conseil constitutionnel en l’absence, à l’époque, de toute habilitation constitutionnelle ou organique.
Pour autant, je souhaite livrer un élément à votre réflexion. J’admets bien volontiers que chaque assemblée, dans son règlement, fera l’interprétation qu’elle souhaite de cette question.
Selon l’interprétation de M. Fauchon, la présentation des amendements doit être possible. Cela peut se défendre. Il reviendra à chaque assemblée de livrer sa propre interprétation et de la mettre en œuvre dans son règlement. En tout état de cause, il n’y a pas là pour nous un interdit : c’est effectivement une interprétation envisageable de l’article 13.
Bref, cet article ouvre la possibilité du temps programmé et laisse des marges très larges au règlement des deux assemblées.
C’est pourquoi le Gouvernement s’oppose à la suppression de l’article 13.
M. Jean-Patrick Courtois. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, il est des moments où l’on doit faire des choix qui ne sont pas sans signification devant l’Histoire. Nous vivons un tel moment.
Ce qui est en jeu, ce sont les libertés parlementaires,…
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Mais non !
M. Jean-Pierre Sueur. … qui constituent un point essentiel de la démocratie et de la République.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Dramatisation inutile !
M. Jean-Pierre Sueur. On nous dit que tout cela est très bénin ? Mais alors, pourquoi cette crispation ? Pourquoi cette volonté, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs du groupe UMP, de ne présenter aucun amendement afin que l’Assemblée nationale n’ait plus à discuter de l’article 13 ?
Si l’on inscrit dans la loi que des amendements peuvent, après un temps couperet, être mis aux voix sans discussion,…