M. Bruno Sido, rapporteur. Défavorable.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 555, 661 et 124 rectifié bis n'ont plus d'objet.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 70, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer la dernière phrase du septième alinéa (c) de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec les amendements visant à regrouper l'ensemble des dispositions relatives à la filière apicole après l'article 28.
M. le président. L'amendement n° 679, présenté par MM. Bizet, Deneux, Doublet, Laurent, Pointereau et Revet, est ainsi libellé :
Après les mots :
et s'appuiera notamment sur
rédiger comme suit la fin de la dernière phrase du septième alinéa (c) de cet article :
les évaluations des risques toxicologiques, pour les abeilles, de l'ensemble des substances chimiques pertinentes effectuées par les instances publiques officielles d'évaluation concernées, ainsi que sur les propositions d'amélioration des pratiques apicoles faites par l'institut scientifique et technique de l'abeille tel que visé à l'article 23 ter.
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Tel que rédigé, le septième alinéa de cet article introduit le principe d'une évaluation toxicologique spécifique aux abeilles applicable à l'ensemble des substances chimiques. L'établissement d'un plan d'urgence doit être réalisé en regard de substances chimiques pertinentes, sur la base d'analyses de risque conduites par ailleurs, telles que celles qui sont réalisées par l'AFSSA, l’agence française de sécurité sanitaire des aliments, dans le cadre de la procédure d'évaluation des produits phytopharmaceutiques préalablement à leur mise sur le marché, tout en s'appuyant sur les travaux visant à l'amélioration des pratiques apicoles conduits par l'institut scientifique et technique de l'abeille.
La pertinence du plan d'urgence doit reposer sur l'ensemble de ces paramètres.
M. le président. L'amendement n° 552, présenté par Mme Blandin, MM. Raoul et Courteau, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries et Teston, Mmes Bourzai, Alquier, M. André et Bonnefoy, MM. Guillaume, Rebsamen, Hervé, Daunis, Antoinette, Gillot, Le Menn, S. Larcher, Lise, Patient, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter la dernière phrase du septième alinéa (c) de cet article par les mots :
en commençant par les neurotoxiques systémiques
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement tend à modifier les dispositions de l’article 28 relatives aux abeilles.
Toutefois, l’amendement n° 70 de la commission visant à supprimer la dernière phrase du septième alinéa de cet article, pour la réintroduire dans un article additionnel après l’article 28, peut-être serait-il plus pertinent de défendre cet amendement au moment où nous évoquerons ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. J’allais vous proposer, mes chers collègues, d’évoquer les abeilles après l’adoption de l’article 28.
Toutefois, je vous informe d’ores et déjà que la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 679 et 552.
Mme Marie-Christine Blandin. C’est parce que vous n’avez pas encore entendu tous nos arguments !
M. Bruno Sido, rapporteur. Probablement ! (Sourires.)
M. le président. En conséquence, l’amendement no 552 est rectifié et sera examiné ultérieurement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n°70. En effet, il est important de traiter conjointement toutes les questions relatives aux abeilles. Cela a été souligné à plusieurs occasions, il s’agit d’un sujet prioritaire en termes tant environnementaux qu’économiques.
Monsieur Revet, s’agissant de l’amendement n° 679, qui vise à mettre en place un protocole d’évaluation scientifique, nous sommes absolument d’accord sur les principes qui le sous-tendent. Toutefois, étant très précis, peut-être n’a-t-il pas sa place dans la loi.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. J’ai bien compris qu’il me fallait rectifier l’amendement n° 679. Je le présenterai donc de nouveau tout à l’heure, par cohérence avec la proposition de M. le rapporteur.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 679 est rectifié et sera examiné ultérieurement.
Je mets aux voix l'amendement n° 70.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. On me fait savoir que l’amendement n° 679 est retiré.
Les amendements nos 658 rectifié et 659 sont présentés par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L’amendement n° 658 est ainsi libellé :
Compléter le septième alinéa (c) de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Cette évaluation s'attachera à mesurer les effets combinés des molécules chimiques sur l'affaiblissement de la résistance des abeilles aux pathologies qui lui sont coutumières.
L'amendement n° 659 est ainsi libellé :
Compléter le septième alinéa (c) de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Le plan sera actualisé tous les ans selon les résultats des évaluations.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter ces deux amendements.
Mme Marie-Christine Blandin. Les amendements nos 658 rectifié et 659 concernent également le plan de protection des abeilles. Nous les rectifions, afin de les présenter après l’article 28.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 658 rectifié et 659 sont rectifiés et seront examinés ultérieurement.
Il s’agit d’une transhumance importante, mes chers collègues ! (Sourires.)
L'amendement n° 231, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le septième alinéa (c) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) De développer fortement les circuits courts et l'incitation directe du consommateur à s'y fournir afin d'encourager les productions agricoles de proximité, de limiter les impacts environnementaux des transports de denrées alimentaires sur de longues distances, et de satisfaire les besoins alimentaires des populations à des prix raisonnables. À cette fin, l'État mettra à l'étude des modalités d'incitations financières pour les consommateurs les plus modestes se fournissant dans ces circuits. L'État et les collectivités territoriales étudieront les différentes formes possibles de soutien aux démarches de mise en place de circuits courts solidaires, et l'installation d'agriculteurs s'intégrant dans ces circuits, notamment dans le secteur du maraîchage.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Aujourd’hui, le transport des denrées alimentaires contribue aux bouleversements climatiques de notre planète. L’importation de denrées à des prix dérisoires induit des pratiques nocives au niveau tant de l’environnement que de la santé. Il faut mettre fin à l’importation de produits agricoles issus de pratiques non respectueuses de l’environnement. Il est urgent de nous réorienter vers des circuits de commercialisation courts et vers une agriculture autonome, économe et non polluante. Par ailleurs, pour pouvoir observer une mutation des modes de consommation des produits alimentaires, il est nécessaire de garantir au consommateur des denrées à prix raisonnables.
La mise en place des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, les AMAP, en est un très bon exemple. Ce nouveau mode de partenariat entre des consommateurs et une ferme permet la vente directe par souscription des produits de cette dernière, sans aucun intermédiaire. En 2004, on en dénombrait une cinquantaine en France.
Une relation naît entre le consommateur et le producteur. Ce type de consommation favorise l’échange et assure aux consommateurs des aliments sains, cultivés dans un environnement préservé.
Aujourd’hui, dans les zones urbaines où se sont développées de telles structures, la demande pour ce type de partenariat est supérieure à l’offre. Un tel indicateur témoigne de l’effet positif de cette démarche.
Plus ces structures se développeront, plus les circuits courts coexisteront enfin avec le système général de consommation.
Ces circuits s’organisent selon les axes du développement durable, qui sont une écologie saine, un lien social équitable et, enfin, une économie viable.
Élus politiques locaux et nationaux, nous devons développer et favoriser ce type d’organisation, en soutenant ces démarches auprès tant des consommateurs modestes que des agriculteurs qui décident d’intégrer ce type de structures.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous vous demandons de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement est long et alourdirait le texte du projet de loi s’il était adopté.
Au-delà de cette considération, je voudrais souligner que, encore confidentiels, notamment dans les zones urbaines, les circuits courts de production et de distribution de produits agricoles doivent aujourd’hui se développer. Leur apport social et environnemental est en effet indéniable.
Néanmoins, trois raisons nous conduisent à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Premièrement, au travers des dispositions encourageant la saisonnalité et le recours à des produits à faible impact environnemental, l’article 28 favorise déjà ce type de mises en marché.
Deuxièmement, l’amendement tel qu’il est rédigé conduit à instaurer une préférence pour les produits les plus proches géographiquement, ce qui est absolument contraire aux règles internationales de libre-échange.
Troisièmement – cet argument est peut-être le plus important – un groupe de travail sur ce thème, rassemblant l’ensemble des acteurs concernés dans le prolongement des assises de l’agriculture et du Grenelle de l’environnement, se réunit jusqu’en mars. Il devrait ensuite présenter ses propositions, sur la base desquelles sera arrêté un plan d’action. Dès lors, il semble préférable de laisser ce groupe de travail examiner la question et d’attendre ses conclusions.
Je vous demande donc de retirer votre amendement. À défaut, notre avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’ensemble des arguments développés par M. le rapporteur et émet le même avis que la commission.
M. le président. Monsieur Danglot, maintenez-vous votre amendement ?
M. Jean-Claude Danglot. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 423 rectifié bis, présenté par Mmes Herviaux et Blandin, MM. Repentin, Teston, Ries, Raoul, Guillaume, Raoult, Le Menn et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du huitième alinéa (c bis) de cet article, remplacer les mots :
et notamment les protéagineux et les légumineuses
par les mots :
notamment en relançant la production des cultures de protéagineux et autres légumineuses
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Nous avons déjà eu à plusieurs reprises l’occasion d’évoquer les besoins en protéines végétales destinées à l’alimentation du bétail.
Nous savons que la France importe actuellement environ 4,8 millions de tonnes de soja chaque année, soit la plus forte consommation en Europe. Son déficit protéique atteint près de 50 % de la consommation.
Cette situation est problématique à plusieurs niveaux.
Sur le plan du développement durable et solidaire, tout d’abord, nous sommes en contradiction avec la notion de solidarité envers les pays du sud ou certains pays qui viennent juste de dépasser le stade de pays émergents, à cause de la déforestation et de la culture intensive du soja.
Par ailleurs, ces importations massives entraînent une croissance du transport et soulèvent des difficultés de traçabilité au niveau des filières, notamment dans les zones d’arrivée du soja où il faut faire cohabiter des filières comprenant des variétés d’organismes génétiquement modifiés et des filières n’en comprenant pas, ce qui engendre un surcoût important.
Enfin, ce système rend plus vulnérable l’élevage français en cas de rupture des approvisionnements.
Nous avons déjà évoqué le cadre réglementaire international, qui découle des accords de Blair House signés en 1992. On peut toujours évoluer et on doit le faire ! Il est souhaitable que la surface maximale d’oléoprotéagineux soit portée au-delà du niveau fixé de 30 % des besoins de l’Union européenne.
Comme l’écrit M. le rapporteur, « il convient désormais, dans une vision stratégique de long terme, de se donner les moyens de reconquérir une indépendance alimentaire et énergétique ». Il me semble qu’une telle évolution entre bien dans cet objectif !
Le redéploiement des cultures protéiques sur le territoire français est d’autant plus nécessaire qu’il permet de limiter l’empreinte écologique de l’agriculture et les risques économiques induits par la dépendance vis-à-vis des états fournisseurs.
Tel est l’objet du présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Mme Odette Herviaux apporte une précision très utile au projet de loi et rappelle l’embargo lancé par des gens qui se disent pourtant ultralibéraux. Quand il n’y en a pas assez, on garde évidemment tout pour soi ! C’est cela aussi le libéralisme…
Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement, tout en soulignant que la relance de la filière protéagineuse passera certainement par une augmentation du prix des produits. Sans hausse tarifaire, les agriculteurs ne peuvent effectivement pas soutenir cette culture.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. La relance de la production des protéagineux est une priorité absolue du Gouvernement. Nous émettons donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 182 rectifié ter, présenté par MM. Fortassin, Charasse, Mézard et Milhau, est ainsi libellé :
Après le huitième alinéa (c bis) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) De favoriser le maintien et la restauration des prairies et des herbages afin que les producteurs des filières bovines, ovines, équines et caprines puissent nourrir leurs cheptels majoritairement à l'herbe et aux graminées issues des pâturages ;
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Mes chers collègues, cet amendement vise à vous proposer d’affirmer qu’il convient que les herbivores mangent de l’herbe ! (Sourires.) Au-delà de cette évidence, de ce lieu commun, je voudrais le défendre en étayant mon raisonnement sur quatre points.
Premièrement, le lait et la viande dépendent en grande partie, pour leur qualité, notamment leur qualité gustative, de la nourriture donnée aux animaux. Or, on le sait, l’herbe et le foin séché restent la meilleure nourriture qu’on peut leur proposer.
Deuxièmement, la pâture permet aussi une bonne qualité d’entretien du paysage pour certains espaces fragiles tels que les alpages et les estives et, plus largement, pour toutes les prairies.
En effet, le pâturage représente la meilleure façon de lutter contre l’enfrichement, l’érosion des sols, les incendies, voire les avalanches. (M. Jacques Muller acquiesce.)Je vais vous expliquer pourquoi.
S’agissant de l’enfrichement, on a l’habitude de dire que, lorsque l’élevage du mouton disparaît dans certaines régions, seule la friche le remplace. Il faut donc, bien entendu, essayer de le maintenir et de le développer.
Je n’ai pas besoin d’argumenter le cas des incendies. Il en va de même pour l’érosion des sols : de toute évidence, les racines permettent un meilleur maintien du sol dans les zones d’herbages.
Enfin, lorsqu’un espace de montagne n’est pas pâturé, les herbes se couchent dès le premier gel ou la première neige, ce qui crée automatiquement une sorte de tapis roulant favorisant le développement des avalanches. En revanche, l’herbe pâturée forme une brosse sur laquelle viennent s’accrocher les flocons de neige.
Voilà pour l’aspect environnemental de cette question !
Troisièmement, le maintien des prairies et des pâturages permet de garantir la qualité de l’eau des nappes phréatiques car le lessivage des sols est de fait beaucoup moins important.
Quatrièmement, sous l’angle de la santé publique, on peut raisonnablement considérer que le problème de la vache folle n’aurait pas existé si on avait mis les animaux à pâturer dans des prairies.
M. Roland Courteau. C’est évident !
M. François Fortassin. Entre un pâturage et une auge remplie d’une farine qui n’est pas d’une qualité extraordinaire, l’animal ne se trompera pas. En revanche, il est évident que, privé de pâturage, il mangera ce qu’on lui mettra dans l’auge. Ce problème de santé publique n’est donc pas neutre !
À ces quatre arguments, j’en ajouterai un cinquième, celui de l’image bucolique. Que seraient, par exemple, nos paysages du pays basque sans les petits moutons blancs qui pâturent, les plateaux de l’Aubrac sans les vaches de Salers et d’Aubrac, ceux du Béarn et des Pyrénées sans les troupeaux transhumants, sans parler de la Baie du Mont-Saint-Michel sans les moutons des prés salés ?
M. Roland Courteau. Quel poète ! Il nous fait rêver ! (Sourires.)
M. François Fortassin. Voilà pourquoi je milite fortement pour que l’herbe et le pâturage constituent l’essentiel de la nourriture des ovins, des bovins, des caprins, voire des équidés. (MM. Robert del Picchia et François Trucy approuvent.)
M. le président. Le sous-amendement n° 814, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa de l'amendement n° 182 rectifié ter par une phrase ainsi rédigée :
Cette réorientation de la production de viande de qualité et respectueuse de l'environnement s'appuie sur un prélèvement sur les crédits européens disponibles au titre du premier pilier de la politique agricole commune.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Ce sous-amendement s’appuie sur l’excellente démonstration qui vient d’être faite par notre collègue François Fortassin et que je compléterai par trois arguments supplémentaires.
D’abord, les animaux élevés à l’herbe ont une qualité de vie bien meilleure. Cela entre aussi dans notre réflexion.
Ensuite, quand les animaux qui ont été cités ne sont pas nourris avec de l’herbe, ils le sont avec des céréales. Or une telle alimentation engendre un gaspillage de céréales, puisqu’il faut environ sept calories végétales pour produire une calorie animale. Par conséquent, utiliser des céréales pour nourrir des ruminants est une manière de gaspiller nos ressources céréalières.
Enfin, le dernier argument reprend le principe de souveraineté alimentaire, que nous avons évoqué au début de notre débat sur l’article 28. Faire manger de l’herbe à des ruminants revient à leur faire consommer de l’amidon et des protéines, parce que l’herbe, contrairement aux céréales, est riche en protéines. Par conséquent, nous réduisons notre facture de protéines importées lorsque nous valorisons la ressource en herbe.
Si, à un moment donné, nous avons transformé les ruminants en monogastriques, c’est bien parce que la politique agricole commune nous avait amenés dans cette direction.
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Jacques Muller. À une certaine époque, la prime à l’herbe atteignait 60 euros par hectare et celle accordée au maïs fourrage 490 euros. Peut-on jeter la pierre aux éleveurs qui, dans ces conditions, ont changé leurs pratiques agricoles ? Je ne le crois pas !
C’est pourquoi je souhaite remettre ce point à l’ordre du jour dans le cadre de l’amendement n°182 rectifié ter. Nous devons utiliser les moyens existants de la politique agricole commune pour réellement favoriser et encourager l’élevage à l’herbe dès qu’il est possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L’amendement n° 182 rectifié ter tend très légitimement à favoriser une alimentation naturelle pour les productions animales herbagères, et les explications données par M. François Fortassin à ce sujet sont très démonstratives.
La commission émet donc un avis favorable sur l’amendement.
S’agissant du sous-amendement n° 814, je voudrais indiquer à M. Jacques Muller que je ne tiens pas à entrer dans des problèmes de tuyauterie institutionnelle et financière, qui n’ont pas à figurer dans une loi concernant l’environnement.
Au demeurant, en analysant plus finement la situation, je constate que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’addition des aides des deux piliers de la politique agricole commune, tout au moins dans mon département, la Haute-Marne, aboutit à un total qui est plus favorable aux productions laitières et animales qu’aux productions céréalières.
La commission émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Nous sommes tout à fait favorables à l’amendement n° 182 rectifié ter.
Vous avez raison, monsieur Fortassin ! L’herbe est importante, non seulement pour ce qu’elle apporte aux animaux et à leur qualité gustative, mais également parce que les herbages constituent des puits de carbone. Il est donc extrêmement important de préserver nos prairies.
S’agissant du sous-amendement n° 814, mon explication sera la même que celle que j’ai déjà fournie à propos d’autres amendements. Les discussions sur la mise en œuvre du bilan de santé de la politique agricole commune en France sont en cours. On ne peut pas préjuger de leurs résultats. Aussi, nous ne soutenons pas la proposition visant à inscrire dès à présent dans le projet de loi certaines dispositions y faisant référence. L’avis du gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'amendement n° 182 rectifié ter.
M. Alain Vasselle. Je voterai en faveur de cet amendement. Pour autant, ne jouons pas les enfants de chœur, mes chers collègues !
Laisser croire à nos concitoyens qu’il suffit de nourrir les bovins avec de l’herbe pour régler tous les problèmes que nous essayons de traiter à travers ce projet de loi et pour que les producteurs de viande s’en sortent sur le plan économique, c’est faire preuve de naïveté et de crédulité.
On sait en effet que nous importons des animaux d’Argentine ou du Brésil auxquels sont administrés des implants. Sans aller aussi loin, rappelons que certains de nos voisins européens ne sont pas aussi exigeants que nous entendons l’être, demain, en matière d’alimentation animale.
Si l’on veut aller dans le sens de M. Fortassin, il faudrait d’abord, et surtout, que tous les produits alimentaires fassent l’objet d’une stricte traçabilité, notamment la viande bovine et ovine importée, afin de s’assurer qu’ils ont été produits dans les mêmes conditions qu’en France. Et si tel n’est pas le cas, nous devrions les rejeter ou les taxer lourdement afin que nos concitoyens puissent acheter une production française de qualité, protectrice de leur santé. Mais aurons-nous les moyens et le courage politique de mener une telle politique ?
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Je voudrais très brièvement rassurer M. Vasselle. J’ai précisé dans l'amendement qu’il s’agissait de favoriser la nourriture du cheptel majoritairement, et non pas exclusivement, à l’herbe. Je suis en effet de ceux qui pensent que les animaux, qu’ils produisent de la viande ou du lait, doivent aussi, parfois, manger des céréales.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Je partage, bien entendu, l’avis de François Fortassin mais je souhaiterais, madame la secrétaire d’État, vous livrer deux réflexions.
Premièrement, l’impact de la politique européenne est considérable. Nous devons, certes, nous préoccuper de ce qui se passe à l’intérieur de nos frontières mais nous ne devons pas oublier non plus que nous faisons partie de l’Europe et que nous sommes engagés dans la mondialisation. Que nous soyons les meilleurs chez nous ne changera rien si nous n’avons pas les moyens d’empêcher les importations ! Je suis Normand et l’image de la Normandie, c’est la verdure. Autrefois, des prairies permanentes existaient dans tous les bassins versants, ce qui présentait le double avantage d’assurer la qualité de la production et d’éviter des inondations.
Mais, dès lors que le maïs fourrage permettait de produire deux fois plus que l’herbe des prairies permanentes et que les aides européennes ont privilégié celui-ci, les agriculteurs ont progressivement supprimé les prairies, car ils doivent bien faire vivre leurs familles ! De ce fait, entre 1995 et 2000, nous avons connu érosion des sols et inondations à répétition. Celles-ci ont, malheureusement, provoqué des décès que l’on aurait pu éviter. Je souhaiterais donc que le Gouvernement français intervienne très vigoureusement au niveau européen pour que les aides accordées tiennent compte de la qualité du produit fini, certes, mais aussi de ces paramètres.
S’agissant, deuxièmement, de la viande, il se trouve, madame la secrétaire d’État, que j’ai été le rapporteur, en 1987, d’un texte de loi sur les anabolisants. Une fois n’est pas coutume, je ne partageais pas l’avis du Gouvernement, que je soutenais pourtant à l’époque. Celui-ci voulait supprimer la loi dite « Rocard » du 31 décembre 1984 alors que je souhaitais, pour ma part, la maintenir. Les mesures ont finalement été prises par décret. Mais, pendant que nous interdisions les anabolisants français d’origine naturelle en 1987, les États-Unis autorisaient leur utilisation. Et, aujourd’hui encore, de la viande américaine fabriquée aux États-Unis avec des anabolisants français entre en France alors que les agriculteurs français n’ont pas le droit d’utiliser ces anabolisants !
Une harmonisation s’avère donc nécessaire. On ne peut pas faire comme si la France vivait dans un bocal, coupée du reste du monde.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Charles Revet. Si je souscris donc à l’amendement présenté par M. Fortassin, qui permettra de produire de la viande de qualité, je souhaite également, madame la secrétaire d’État, que vous preniez en compte tous les éléments que je viens de rappeler.
M. Alain Vasselle. Il ne faut pas seulement essayer ! Il faut contrôler !
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Je serai bref car Charles Revet a déjà presque tout dit !
Nous devons mener une réflexion sur l’équilibre environnement-agriculture ainsi que sur la contradiction qui peut exister entre l’environnement et le caractère intensif de l’agriculture. L’exemple cité par Charles Revet est intéressant. Je pourrais citer le cas, similaire, du parc de l’Avesnois, un territoire de boccages situé dans le nord de la France.
Je comprends qu’un agriculteur ait envie de produire du maïs puisque les rendements comme les primes sont supérieurs.