M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Dans le prolongement des propos que viennent de tenir M. le rapporteur général et M. le ministre du budget, je voudrais dire à Nicole Bricq que, tout en saluant sa créativité, je comprends mal ce type de propositions.
Les actionnaires et l’entreprise pourraient optimiser de telles modulations. Quand on est actionnaire d’une société cotée en bourse, les plus-values sont au moins aussi importantes que les dividendes distribués.
Dans le cas particulier, il pourrait être tentant de ne rien distribuer de façon à payer moins d’impôt sur les sociétés, de survaloriser les affectations en réserve et de vendre des actions qui se seraient appréciées
Autrement dit, de telles initiatives contribuent à rendre encore plus complexe ce qui est déjà une véritable usine à gaz ! Il s’agit là de merveilleux outils pour tous ceux qui sont experts en optimisation. En définitive, tout cela est donc parfaitement vain ; cela coûte aux finances publiques.
Bref, nous pourrions faire l’économie de telles propositions, pour aller au contraire résolument vers une simplification et une plus grande lisibilité de notre législation.
L’objectif que vous visez, madame Bricq, ne se trouverait, à mon avis, nullement atteint, ce qui me fait dire qu’une telle initiative peut être considérée comme relevant de la gesticulation. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Rassurez-vous, monsieur le président, je n’ai pas l’intention de gesticuler ! (Sourires.)
Je ne crois pas avoir jamais proposé dans cet hémicycle quelque leçon de gymnastique que ce soit ! Et ce n’est pas faute de ne pas pouvoir le faire… (Nouveaux sourires.)
Je donne acte à M. le ministre du budget de son explication sur le fait que, techniquement, et sur la durée, le dispositif proposé est difficile à mettre en œuvre, nous l’avons expérimenté nous-mêmes.
À travers le présent amendement, nous voulons soulever le problème de l’impôt sur les sociétés et de l’investissement.
Quand on considère la période récente, force est de constater que l’impôt sur les sociétés a beaucoup rapporté à l’État, qui d’ailleurs n’en a pas fait bon usage ! De plus, l’investissement, notamment dans les secteurs les plus novateurs, autrement dit ceux qui pourraient nous faire réaliser des sauts technologiques et assurer notre compétitivité, n’a pas été suffisant dans nos entreprises, y compris dans les plus importantes.
D’une certaine manière, quand vous privilégiez dans votre plan l’aide à l’investissement, même si celle que vous pratiquez est contestable, puisqu’elle consiste essentiellement en mesures de trésorerie, c’est bien que vous comprenez que l’État doit prendre la relève du secteur privé. Or, telle est bien l’idée sur laquelle repose cet amendement.
Mes collègues du groupe socialiste et moi-même ne sommes pas aux manettes de l’État, ni ministres. Par conséquent, il ne nous revient pas de réfléchir à la mise en œuvre de ces dispositifs. C’est à vous de le faire ! Donc, très franchement, si vous vous contentez de nous dire que le débat est clos au motif que le mécanisme est techniquement compliqué à appliquer, cela signifie que vous n’avez guère envie de vous retrousser les manches pour faire face à la crise !
La possibilité de faire bouger les choses passe par ce genre de mesures. Si l’on veut que l’investissement augmente plus vite, il convient d’actionner les bonnes manettes. Pour notre part, nous pensons que l’impôt sur les sociétés est l’une de ces manettes. Mais on peut voir les choses autrement !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Ce n’est pas l’argument de la complexité que j’opposerai à Mme Bricq, que je félicite d’ailleurs d’essayer de trouver de bons systèmes pour accélérer l’investissement dans notre pays.
Je pense à la sortie de crise, et je considère que nous devons mettre à profit la période actuelle pour essayer d’harmoniser autant que possible le système d’imposition des sociétés dans notre pays avec les pratiques constatées dans l’ensemble des pays européens.
Mme Nicole Bricq. On est d’accord !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Notre système est complexe. Il est vrai que nous avons des progrès à faire sur l’assiette de l’impôt sur les sociétés, mais le mécanisme que vous nous soumettez est trop national. Il faut au contraire aller vers une harmonisation aussi rapide que possible de l’imposition des sociétés dans l’ensemble des pays européens. C’est la raison pour laquelle je m’opposerai à votre amendement.
Mme Nicole Bricq. Je suis d’accord avec vous, mais je maintiens mon amendement !
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini, Botrel, Raoul, Repentin et Guillaume, Mme Herviaux, MM. Muller, Patriat, Teston, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - La section 1 du chapitre IV du titre II du livre III de la troisième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L'article L. 3324-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3324-1. - La réserve spéciale de participation est égale à 40 % du bénéfice après impôt. Les dividendes versés aux actionnaires sont au plus égaux au dixième de la réserve spéciale de participation. »
2° En conséquence, la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 3324-2 est supprimée.
II. - La perte de recettes résultant pour l'État des dispositions du I est compensée par une augmentation à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des dispositions du I est compensée par une augmentation à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. À travers le présent amendement, nous proposons une répartition différente de la réserve de participation des salariés.
Je rappelle que notre collègue Serge Dassault, rapporteur pour avis de la commission des finances sur le projet de loi en faveur des revenus du travail, examiné à la fin de l’année dernière, avait alors soutenu un amendement, que nous avions nous-mêmes également présenté et qui consistait à répartir en trois tiers la réserve de participation des salariés.
Dans le présent amendement, nous tenons compte de la crise et de la nécessité d’encourager à la fois l’investissement et les revenus du travail. Nous vous proposons donc d’adopter la répartition suivante, qui ne repose plus sur trois parts égales : 50 % pour l’investissement, 40 % pour les salariés et 10 % pour les actionnaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Comme vient de l’indiquer notre collègue, cette idée a déjà été évoquée dans notre hémicycle, même si nous la voyons réapparaître aujourd’hui sous un jour un peu nouveau, et avec une répartition différente entre les ayant-droits.
J’avais considéré à l’époque que la démarche de Serge Dassault était utile et intéressante, au moins sur le plan pédagogique.
Mais je suis au moins aussi sensible à l’argument de Jean-Pierre Fourcade qui est de simplifier notre fiscalité afin de la rendre compatible avec les pratiques généralement constatées dans les pays européens.
Or, si nous usons d’un raffinement toujours plus grand dans l’élaboration de nos dispositifs et creusons ainsi l’écart par rapport aux systèmes des autres États de la zone euro, nous verrons s’éloigner encore plus, mes chers collègues de l’opposition, l’horizon d’une véritable gouvernance économique, à laquelle je vous sais attachés.
On ne peut pas à la fois plaider, comme vous le faites, en faveur d’une gouvernance économique cohérente de la zone euro et défendre des systèmes très franco-français, très spécifiques, en matière d’imposition des sociétés.
Il me semble que le propos de Jean-Pierre Fourcade est à cet égard éclairant ; il nous fixe un cap alors même que la proposition de Serge Dassault reflétait la grande expérience de son auteur et nous permettait d’entamer une réflexion utile.
C’est toute la richesse du groupe se réclamant de notre formation politique – que M. Patrick Devedjian connaît si bien – que de permettre ce type de débat ! Notre hémicycle doit être le lieu où s’expriment ainsi différentes idées.
Dans l’immédiat, la commission des finances est défavorable à l’amendement n° 46 de Mme Bricq.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. En effet, modifier les proportions revient, d’une certaine manière, à taxer plus les entreprises.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas vrai !
M. Éric Woerth, ministre. Par ailleurs, cette idée a déjà fait l’objet d’un débat approfondi en 2008.
En outre, le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié, que nous avons institué, est compétent dans ce domaine. Certes, il conviendra de faire le point sur cette question, mais je ne pense pas que votre amendement soit opportun. En tout cas, il nous manque une étude sur les conséquences éventuelles de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. En ce qui concerne l’intervention de M. Fourcade sur l’impôt sur les sociétés, je voudrais dire que je souscris entièrement aux propos qu’il a tenus.
M. Jean-Pierre Fourcade. Ah ! Enfin ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Il faudra bien trouver les moyens d’aller vers une harmonisation fiscale au sein des pays de l’Union européenne.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut donc travailler dans ce sens !
Mme Nicole Bricq. Mais je fais remarquer que ce dossier n’était pas inscrit sur l’agenda de la présidence française de l’Union européenne, et que, pendant les six derniers mois, le président en exercice n’a pas fait avancer les choses sur cette question pourtant cruciale, aussi bien pour nos entreprises que pour l’Union européenne.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Décidément, notre Président n’a pas travaillé assez ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur général, ce n’est pas moi qui stigmatise les actionnaires ! Il y a moins de dix jours, le Président de la République a prononcé à Vesoul un discours très violent à l’égard de la distribution des dividendes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous n’avez pas bien écouté !
Mme Nicole Bricq. Comme je l’ai dit hier, nous avons bien compris que cela faisait partie d’un plan de communication : dividendes, bonus, dix milliards d’euros supplémentaires pour les établissements rétifs, accordés sans contrepartie pour débloquer l’économie, notamment en termes de crédit.
Vous invoquez l’Union européenne, mais chaque pays peut déterminer la manière d’attribuer la réserve de participation ! Ce serait un message adressé aux salariés, à condition que l’entreprise dispose d’une réserve de participation. Sont donc plutôt visées les grandes entreprises qui ont conclu des accords salariaux et dans lesquelles un dialogue social a lieu entre organisations représentatives du personnel et direction. Néanmoins, le Sénat s’honorerait d’adopter l’amendement n° 46.
Le Gouvernement, quant à lui, ne se contredirait pas puisque la première tranche de la réserve de participation, la plus importante, serait consacrée à l’investissement.
Je ne sais pas qui se situe dans une démarche idéologique. En tout cas, ce matin, il semblerait que ce soit vous !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. En tant que membre du Conseil supérieur de la participation, auquel se substituera le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié, le COPIESAS, je m’opposerai à cet amendement.
Tous les ans, le calcul de la participation revient sur le tapis, si je puis m’exprimer ainsi !
Mme Nicole Bricq. Revient dans l’hémicycle !
Mme Isabelle Debré. Nous travaillerons sur ce sujet, mais la décision ne doit pas être prise dans l’hémicycle, à la légère. Au sein du CSP, déjà l’unanimité ne se dégageait pas sur ce point alors que les différents syndicats et tous les partis politiques étaient représentés dans cette instance. Laissez travailler le COPIESAS !
Mme Nicole Bricq. Le Parlement est-il en congé ?
M. le président. L'amendement n° 47, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini, Botrel, Raoul, Repentin et Guillaume, Mme Herviaux, MM. Muller, Patriat, Teston, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Lorsque l'entreprise n'est pas couverte par un accord salarial d'entreprise de moins de deux ans en application de l'article L. 2242-8 du code du travail ou par un accord salarial de branche de moins de deux ans en application de l'article L. 2241-2 du même code, le montant de la réduction des cotisations sociales visées à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est diminué de 10 % au titre des rémunérations versées cette même année et jusqu'à ce que l'entreprise soit couverte par un nouvel accord.
II. - Le produit de cette diminution est versé au budget de l'État.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Les membres de mon groupe portent un certain attachement à cette série d’amendements dont vous comprenez la cohérence. Il ne s’agit cependant pas d’un one woman show ! (Sourires.)
L’amendement n° 47 vise à conditionner la réduction des cotisations de sécurité sociale à l’existence d’un accord salarial d’entreprise ou, à défaut, d’un accord salarial de branche de moins de deux ans. Il tend à inciter les entreprises non seulement à engager, mais aussi à conclure des négociations salariales et à moduler les efforts que la collectivité leur demande en fonction des résultats de cette négociation salariale.
Cet amendement reprend d’ailleurs une proposition du Conseil d’orientation pour l’emploi, qui avait été saisi à la fin de l’année 2007.
Ce mécanisme serait valable pour les exonérations générales dites Fillon, pour les exonérations appliquées aux embauches en zone de redynamisation urbaine, en zone de revitalisation rurale, en zone franche urbaine et aux embauches effectuées dans le cadre de la redynamisation d’un bassin d’emploi.
La loi en faveur des revenus du travail, à laquelle j’ai fait allusion tout à l’heure et qui a été promulguée à la fin de l’année dernière, comporte certaines dispositions intéressantes. Monsieur Woerth, vous pouvez constater que les membres de mon groupe trouvent certaines lois dignes d’intérêt !
Certes, la loi précitée oblige les entreprises à entamer des négociations salariales, mais elle ne les contraint pas à les conclure et encore moins à les mener à terme en faveur des salariés.
Au cours des quinze dernières années, comme vous le savez, la part variable de la rémunération a beaucoup crû, notamment avec l’autonomisation des salaires, et a pris une importance excessive par rapport au salaire de base. À l’heure actuelle, nous constatons que la direction des entreprises qui commence à négocier des accords salariaux insiste beaucoup pour diminuer cette part variable.
Si une telle pression est exercée sur les salaires en période de chômage, le mécanisme enclenché est tout sauf vertueux. Or, en raison de la crise économique que nous connaissons, il ne faut certainement pas que les salaires baissent.
Les négociations qui s’ouvrent n’aboutiront pas parce que les salariés refuseront les accords qui leur seront proposés et en tout cas ne se feront pas en leur faveur.
Actuellement, l’État peut exonérer les entreprises des charges sociales – cette mesure peut d’ailleurs être utile – mais il doit prévoir des contreparties qui ne peuvent pas se faire aux dépens des salariés. Or, c’est ce qui risque de se passer. Dans une telle hypothèse, le processus engagé serait déflationniste.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission va s’en remettre à l’avis du Gouvernement.
Mes chers collègues, c’est à Verberie, commune située dans la circonscription dont M. Éric Woerth est l’élu, que le Président de la République a évoqué, pour la première fois, l’idée de modulation des exonérations de charges sociales.
La disposition susvisée me semble avoir un lien direct avec les préoccupations de la commission et avec les propos que répète avec insistance l’excellent doyen de notre assemblée, Serge Dassault.
J’avais été complètement convaincu par l’idée de subordonner un ticket modérateur très faible – 10 % des exonérations de charges sociales – à une politique salariale équitable. J’étais ressorti de cette séance,…
Mme Nicole Bricq. Ébloui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. …qui avait lieu à l’espace Dagobert,…
M. Philippe Marini, rapporteur général. …avec encore plus de conviction que d’habitude !
Je constate, monsieur le ministre, que vous attestez de la véracité de mes propos, y compris du nom de la salle ! Le roi précité a en effet résidé à Verberie dans un palais depuis longtemps disparu puisqu’il était en bois.
M. Jean-Jacques Jégou. Il était grenello-compatible !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, parce qu’il ne s’inscrivait pas dans un développement durable. (Sourires.)
J’en reviens à mon propos. Les 10 % d’allégement dépendent de l’engagement d’une négociation rendue obligatoire par la loi du 3 décembre 2008.
Nos collègues députés ont renforcé l’effet incitatif du dispositif puisqu’ils ont prévu la suppression totale des exonérations de cotisations patronales lorsque l’employeur ne remplit pas son obligation de négocier pour la troisième année consécutive.
En l’espèce, Mme Bricq soumet à condition la mesure qu’elle propose, à savoir l’existence d’un accord salarial d’entreprise ou de branche. La commission n’est pas choquée par cette démarche. C’est pourquoi elle s’en remet à l’avis du Gouvernement.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Je confirme les propos de M. le rapporteur général sur le contexte de l’annonce susvisée !
Sur le fond, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez récemment adopté la loi en faveur des revenus du travail. La réduction des allégements de charges d’une entreprise est soumise à l’ouverture de négociations salariales. Faut-il aller plus loin ? Il est trop tôt pour le dire, car la disposition vient d’être adoptée. Aujourd’hui, il faut regarder comment les choses se passent.
Quoi qu’il en soit, nous cherchons tous à atteindre le même objectif. J’imagine que tous les sénateurs présents dans cet hémicycle, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, partagent l’idée du Gouvernement de faire en sorte que les entreprises négocient avec les salariés et parviennent à une augmentation des salaires ainsi que, par conséquent, du pouvoir d’achat.
Faut-il aller plus loin et imposer la conclusion des négociations ? Il est beaucoup trop tôt pour se prononcer sur ce point. Une loi vient d’être adoptée. Ne la modifions pas chaque mois !
Au cours de l’année 2009, nous regarderons comment les choses se passent et les personnes compétentes, notamment le ministre du travail, feront le point.
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par Mme Bricq, MM. Rebsamen et Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Sergent, Todeschini, Botrel, Raoul, Repentin et Guillaume, Mme Herviaux, MM. Muller, Patriat, Teston, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le premier alinéa de l'article L. 232-12 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les sommes distribuables sont au préalable, et prioritairement, affectées à la garantie de l'intégralité des salaires des salariés qui, tout en restant liés à leur employeur par un contrat de travail, subissent une perte de salaire imputable soit à la fermeture temporaire de la société qui les emploie, soit à réduction de l'horaire de travail habituellement pratiqué. »
II. - En conséquence, l'article L. 5122-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « À l’exception des salariés dont l'employeur a constitué un bénéfice distribuable visé par les articles L. 232-10 et suivants du code de commerce, pour lesquels la rémunération est intégralement garantie par les sommes distribuables ainsi prioritairement affectées. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Il s’agit du dernier amendement concernant l’affectation des dividendes et la rémunération des salariés.
Le problème en cause est important et douloureux pour ceux qui le vivent puisqu’il s’agit du chômage partiel.
La financiarisation excessive qui a dominé au cours des vingt à vingt-cinq dernières années entraîne aujourd’hui une crise sans précédent. Il est particulièrement injuste que les salariés, qui n’ont jamais été partie prenante, en subissent les conséquences. Ils participent à la richesse du pays sans forcément en bénéficier.
De plus, certaines entreprises ont profité de cette période pour externaliser les fonctions, pour précariser les emplois et in fine pour délocaliser.
Les entreprises du secteur automobile subissent une crise structurelle et non conjoncturelle. Or, jusqu’à présent, ce sont les salariés qui sont touchés ! Nos deux constructeurs nationaux, alors que le dividende par action est passé de 1,35 à 1,50 euro, sollicitent l’État afin qu’il indemnise mieux le chômage partiel et qu’il les fasse bénéficier du mécanisme des heures supplémentaires, dont nous demandons la suppression.
Se pose toujours le problème des contreparties. Ces entreprises doivent choisir entre la distribution de dividendes, si toutefois les actionnaires, dont l’assemblée générale est consultée en dernier ressort, le décident, et l’aide des pouvoirs publics, qui seraient alors libres d’accorder ou non des aides en fonction des politiques salariales menées.
L’amendement n° 48 vise à apporter une réponse d’urgence aux salariés privés d’activité, confrontés au chômage partiel imposé. De ce point de vue, à la fin de l’année dernière, certains salariés du secteur automobile ont subi près de six semaines de chômage partiel.
Demander l’aide de l’État dans une période si troublée, soit ! Mais des contreparties doivent être exigées.
Mieux vaut adopter une loi, madame Debré – tel est d’ailleurs notre rôle : les parlementaires font la loi – que de faire des discours tonitruants qui ne sont pas suivis d’effets et qui correspondent à une stratégie de communication.
Mme Isabelle Debré. Le Parlement doit légiférer sur des propositions !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission n’est pas enthousiasmée par cet amendement, pour deux raisons.
Tout d’abord, nous avons déjà traité tout à l’heure les questions relatives à la rémunération des actionnaires. Je pourrai reprendre les arguments que j’ai alors développés relatifs à l’importance d’avoir des actionnaires dans une économie.
De surcroît, les conditions de rémunération du chômage partiel, comme nous le savons tous, font actuellement l’objet de négociations entre les partenaires sociaux ; l’adoption de cet amendement préjugerait l’issue de ces négociations.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à l’amendement n° 48.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Sur cette question, tant Christine Lagarde que le Président de la République lui-même se sont clairement exprimés : dans leur esprit, les bonus, les dividendes et toutes les formes de rémunération qui pourraient paraître déséquilibrés ou inadaptés à la situation sont à proscrire.
Lorsqu’une entreprise reçoit des aides de l’État, c'est-à-dire du contribuable, elle doit à la fois réduire la rémunération de ses dirigeants et limiter la distribution des dividendes à la juste rétribution du capital, car il faut bien que celui-ci soit tout de même rémunéré, faute de quoi il cessera de s’investir : on ne peut à la fois affirmer que les entreprises ont besoin de capitaux et refuser de rémunérer ceux-ci ! Simplement, cette rétribution doit être adaptée à la situation économique, et nous devons combattre résolument les rémunérations qui seraient excessives.
Il faut fixer des règles, en l’occurrence des règles morales. L’intervention de l’État ne peut qu’être conditionnée par un certain nombre de principes ; je crois d'ailleurs que le Président de la République les a posés de façon précise et qu’il s’y tient. Voyez, madame Bricq, la réunion qu’il a organisée récemment avec les banquiers au sujet de leurs bonus ! Le problème se pose exactement dans les mêmes termes en ce qui concerne les dividendes.
On ne peut donc pas dire que, dans cette affaire, l’État ne se « mouille » pas ! Du reste, si nous voulons obtenir le soutien de l’opinion publique, dans une situation complexe et difficile à expliquer, nous sommes obligés d’adopter des mesures qui reposent sur des bases saines, justes et transparentes.
Enfin, notre politique doit aussi s’appuyer sur une idée très simple : lorsque l’activité se contracte, mieux vaut le chômage partiel que les licenciements. Nous devons donc tout faire pour que le contrat de travail demeure, de façon que le lien entre l’entreprise et le salarié ne soit pas rompu, car il en va de l’intérêt des deux parties. Ainsi, quand l’activité repartira, l’emploi s’en ressentira immédiatement.
Le Gouvernement a, par conséquent, décidé d’améliorer les dispositifs de rémunération de l’activité partielle. Les partenaires sociaux en ont discuté et des accords ont été conclus. Le Gouvernement en approuve le contenu et il augmentera la participation de l’État au financement de l’activité partielle, en fonction de la taille des entreprises.
Notre politique est donc claire, me semble-t-il. D’un côté, nous imposons une moralisation forte des pratiques en vigueur, une répartition capital-travail plus transparente et la définition de règles déontologiques ; de l’autre, nous proposons une participation plus importante de l’État au financement du chômage ou de l’activité partiels.
C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable à l’amendement n° 48, même si, madame Bricq, nous nous posons les mêmes questions que vous. Nous essayons simplement d’y apporter les réponses les plus claires possibles.