M. Michel Charasse. Ce ne serait pas la première fois !
M. Jean-Claude Carle. Mais c’est sans doute ainsi que nos collègues du groupe CRC-SPG conçoivent l’opposition constructive.
Cela étant dit, je conçois aisément que nos collègues du groupe CRC-SPG aient, dès l’origine, rejeté le principe même de cette loi. Ils ne pouvaient approuver que soit épargnée aux parents la double peine qui leur était jusqu’alors infligée. (Exclamations et rires sur les travées du groupe CRC-SPG.) Non seulement les enfants n’avaient pas cours, mais en plus les parents étaient obligés de renoncer à une journée de travail, ou même de salaire lorsqu’ils ne pouvaient plus poser de congé.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous nous préoccupons plus que vous des salaires !
M. Jean-Claude Carle. Nous avons estimé à l’époque que la grève était parfaitement légitime, mais pas au point d’empêcher celles et ceux qui le souhaitent de travailler.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les chômeurs sont votre lot !
M. Jean-Claude Carle. Le droit de travailler est aussi important que le droit de grève, surtout dans le contexte actuel.
M. Guy Fischer. Travailler plus pour gagner plus !
M. Jean-Claude Carle. C’est donc pour mettre un terme à l’injustice liée à une telle double peine que nous avions adopté la loi du 20 août 2008 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire.
Ce texte, voulu par le Président de la République, a permis de concilier deux libertés d’égale importance : la liberté de faire grève, qui est évidemment respectée, et la liberté de travailler.
Nous avons ainsi garanti l’égalité de traitement entre tous les parents, ceux qui ont les moyens de faire garder leurs enfants en cas de grève et ceux dont les revenus ou les conditions de vie les en empêchaient. En votant une telle loi, nous avons assuré l’égal accès de tous au service public, mettant ainsi en œuvre un des devoirs fondamentaux de l’État.
Nous avons adopté ce texte d’autant plus volontiers qu’il avait été considérablement amélioré par plusieurs amendements.
Je pense d’abord aux amendements déposés par la commission. L’un d’eux, qui portait sur la responsabilité, a permis de dissiper les craintes des élus locaux. Un autre visait à préciser les règles en matière de confidentialité applicables aux personnels enseignants. Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est offerte pour saluer le travail effectué par celui qui était alors déjà notre rapporteur, M. Philippe Richert.
Je pense également à l’amendement que j’avais déposé en compagnie de plusieurs collègues et qui visait à garantir un forfait minimum revalorisant la compensation accordée aux communes. Monsieur le ministre, vous avez su prendre en compte les préoccupations des élus ruraux, en particulier celles dont les représentants de l’ANEM se sont fait l’écho auprès de vous, vous y avez fait allusion tout à l’heure. Le progrès est réel : le forfait minimum de 200 euros couplé à une compensation de 110 euros, au lieu de 90 euros, est une formule plus équitable.
Nos collègues du groupe CRC-SPG justifient leur proposition de loi en affirmant qu’il n’est pas nécessaire de légiférer pour quatre jours de grève par an.
Mme Annie David. Absolument !
M. Jean-Claude Carle. Nous pensons au contraire qu’il fallait passer par la loi et l’autorité afférente pour permettre l’application effective du droit d’accueil sur l’ensemble du territoire. Il n’aurait pas été supportable que l’accès des familles au service public dépende des positionnements idéologiques des élus ou réponde à des calculs politiciens. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Nos collègues du groupe CRC-SPG prétendent en outre qu’il est impossible pour les communes de s’organiser. Une telle généralisation est bien hâtive. En effet, il faut établir une distinction entre les maires des petites communes qui, de bonne foi, ne peuvent pas appliquer la loi faute de personnel suffisant et ceux qui refusent de la mettre en œuvre par pure idéologie,…
Mme Annie David. Ce n’est pas de l’idéologie ! C’est simplement que la loi est inapplicable !
M. Jean-Claude Carle. … alors qu’ils en auraient les moyens.
Monsieur le ministre, vous venez de le rappeler, c’est en distinguant bien ces deux situations que vous avez rencontré le président de l’AMF le mois dernier. Il s’agissait de mieux concilier, d’une part, le besoin pour les familles de bénéficier de ce droit d’accueil les jours de grève et, d’autre part, les contraintes auxquelles les maires des petites communes doivent faire face. Votre volonté d’aider ces derniers est manifeste, et nous nous en félicitons.
Nous saluons l’aide de l’État en faveur des plus petites communes afin qu’elles puissent constituer des listes de personnes susceptibles d’être mobilisées pour assurer ce service d’accueil, ainsi que l’appui fourni à ces mêmes communes pour leur permettre d’évaluer correctement les besoins, grâce à une meilleure prévision du nombre des enseignants présents ou absents et du nombre d’enfants à accueillir les jours de grève.
Nous nous réjouissons tout particulièrement de l’initiative par laquelle l’État a mis fin aux actions contentieuses engagées contre les petites communes qui, compte tenu de leur manque de moyens, n’avaient pas pu mettre en œuvre le service d’accueil le 20 novembre dernier. Cette mesure de bon sens, annoncée par le Président de la République devant le dernier congrès des maires, illustre l’esprit de dialogue qui anime le Gouvernement. Elle était très attendue par les maires qui avaient fait tout leur possible pour appliquer la loi. Il aurait été inconcevable de traiter ces communes de la même manière que celles dont les représentants ont publiquement manifesté leur intention de bafouer la loi de la République.
Nous vous remercions, monsieur le ministre, d’avoir réparé cette injustice.
Comme je l’avais souligné lors de son examen par le Sénat, cette loi correspond à l’intérêt de tous : les parents, qui ont la garantie de voir leurs enfants accueillis ; les enfants, qui prennent conscience que l’obligation scolaire doit être respectée tous les jours, y compris les jours de grève,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À vous entendre, on dirait que les enseignants font grève tous les jours !
M. Jean-Claude Carle. … et j’insiste une nouvelle fois sur la nécessaire exemplarité des institutions publiques dans la formation de ces jeunes consciences ; les enseignants, car leurs mouvements de grève seront d’autant mieux compris et acceptés qu’ils n’auront pas de conséquences pénibles pour la vie quotidienne des familles.
En d’autres termes, si la proposition d’abrogation déposée par nos collègues du groupe CRC-SPG était adoptée, se trouveraient compromis le droit au travail des parents,…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce sont surtout les licenciements qui le compromettent !
M. Jean-Claude Carle. … la formation civique des enfants et les intérêts bien compris des enseignants. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Annie David. C’est caricatural !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et dogmatique !
M. Jean-Claude Carle. Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, le groupe UMP suivra les conclusions de notre collègue Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous l’avons tous constaté sur le terrain – beaucoup d’entre nous l’avaient d’ailleurs prédit lors de l’examen de ce texte législatif, l’été dernier –, la loi du 20 août 2008 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire s’est révélée, à l’usage, très difficile à appliquer.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Anne-Marie Escoffier. C’est en particulier le cas dans les petites communes, qui sont les plus nombreuses en France.
Cela tient à plusieurs raisons, que je voudrais rappeler brièvement.
C’est, premièrement, l’impossibilité pour un maire d’organiser l’accueil lorsqu’il ne dispose que de quarante-huit heures pour le préparer.
C’est, deuxièmement, l’impossibilité de disposer d’un vivier suffisant de personnes capables de participer au service d’accueil, comme l’ont d’ailleurs fort justement souligné les auteurs de la proposition de loi dont nous débattons. Rappelons en effet qu’il faut un adulte pour garder pour vingt enfants. Où ira-t-on chercher ces personnes ? Selon quels critères les choisira-t-on ? Qui les formera ? Et comment seront-ils formés ?
C’est, troisièmement, l’impossibilité de recenser les compétences professionnelles des bénévoles requis par les maires.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Anne-Marie Escoffier. Pourtant, en matière d’éducation, les critères sont particulièrement stricts. Dès lors, d’une manière ou d’une autre, une telle disposition entre de facto en contradiction avec la réglementation existant en la matière.
Dans nos villages, combien de personnes non enseignantes possèdent les diplômes ou les agréments requis pour être en conformité avec la loi, qui prévoit l’embauche de « personnes possédant les qualités nécessaires pour accueillir et encadrer les enfants » et, serais-je tentée d’ajouter, pour éviter de ne faire de cet accueil qu’une mauvaise garderie ?
C’est, quatrièmement, l’impossibilité d’assurer le service de restauration des enfants.
Je cesse ici cette énumération, qui pourrait continuer, mais qui explique déjà pourquoi ce texte a suscité l’opposition des syndicats, des fédérations de parents d’élèves et, dès sa promulgation, la réticence des élus locaux.
Certes, je peux le concevoir, à l’origine, l’instauration d’un droit d’accueil dans les écoles les jours de grève était une idée à creuser, puisqu’il s’agissait d’aider les familles. Mais, selon moi, sa mise en place a constitué une sorte de « supercherie » : on a promis aux familles une aide qu’il était très difficile, voire impossible de mettre en œuvre. Cela n’est convenable ni sur le fond ni sur la forme, car l’État ne saurait avoir plusieurs paroles et offrir plusieurs visages.
« Gouverner, c’est prévoir », a-t-on coutume de dire. Mais c’est également proposer des solutions réalistes aux problèmes qui se posent à nos compatriotes, et non considérer qu’ils sont définitivement réglés dès lors qu’un texte est voté, ni se désintéresser des conditions dans lesquelles le nouveau dispositif se met en place sur le terrain.
C’est la première conclusion qui s’impose à moi en l’occurrence.
Avant d’évoquer la deuxième, je voudrais m’étonner que l’on ait pu ici mettre en doute la capacité des fonctionnaires à informer et à conseiller les élus dans leurs missions. Je connais trop les préfets et les sous-préfets,…
Mme Anne-Marie Escoffier. … les inspecteurs d’académie – beaucoup sont de mes amis – pour douter de la volonté qui a été la leur de faciliter la tâche des élus.
J’en viens maintenant à ma deuxième conclusion. À trop charger la barque des communes, on finira par la faire couler. Il faut arrêter de demander tout et n’importe quoi aux collectivités territoriales, dès lors que l’État, refusant d’honorer ses engagements, se défausse plus ou moins systématiquement sur elles sans se demander comment elles pourront appliquer des mesures qu’elles n’ont, le plus souvent, pas réclamées.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Guy Fischer. Voilà !
Mme Anne-Marie Escoffier. Du reste, et nous nous en sommes bien rendu compte en considérant le nombre important de communes qui n’ont pas appliqué le service minimum d’accueil lors des dernières grèves – je pense autant à certaines petites communes qu’à des villes moyennes ou à d’importantes métropoles, comme Toulouse, Saint-Étienne ou même Paris –, la difficulté d’application de cette loi est générale, même si j’ai volontairement limité mon intervention aux petites communes, qui sont largement majoritaires dans le département rural dont je suis l’élue.
Au demeurant, la justice a, dans de nombreux cas, donné raison aux maires réfractaires. Je pense notamment à l’arrêt du tribunal administratif de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, qui fera sans doute jurisprudence à l’avenir et selon lequel « aucune mesure ne peut plus être utilement ordonnée aujourd’hui pour contraindre le maire à assurer l’accueil des enfants scolarisés ». Il s’agit d’un argument imparable, qu’on peut transcrire ainsi : « Nul ne saurait être contraint de faire ce qu’il ne peut objectivement pas mettre en œuvre. » (Mme Françoise Laborde applaudit.) D’ailleurs, c’est conforme à la jurisprudence du Conseil d'État sur la recevabilité des recours en référé.
M. Michel Charasse. Exact !
Mme Anne-Marie Escoffier. C’est la preuve – et cela doit servir de leçon tant pour le Gouvernement que pour le Parlement – qu’une loi insuffisamment pensée n’a pas d’avenir et qu’il n’est pas d’avancée possible, dans ce domaine peut-être plus que dans tout autre, sans rigueur préalable.
C’est pourquoi, dans la logique qui a inspiré mon propos, la majorité des membres du groupe du RDSE a déposé un amendement visant à autoriser les petites communes à ne pas assumer une telle charge, c'est-à-dire à être dispensée de l’obligation d’assurer l’accueil des élèves de maternelle et de cours élémentaire en cas de grève des enseignants. Cela permettrait d’éteindre l’incendie qui a été malencontreusement allumé à la fois dans le milieu scolaire et dans les communes de France, notamment celles qui ont le moins de moyens.
C’est la voix de la sagesse. D’ailleurs, si j’en juge par certaines déclarations récentes, je crois que, au moins pour partie, ce sentiment est partagé en haut lieu. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le droit d’accueil – je devrais plutôt dire « l’obligation d’accueil » – fait partie des multiples annonces sur l’éducation nationale en même temps que des innombrables contraintes imposées aux communes sans aucune concertation.
J’irai plus loin. Avec la loi du 20 août 2008 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, il semble que l’État cherche parfois à déstabiliser les communes et les liens que les élus locaux ont tissés avec leurs concitoyens.
Or, et le dernier rapport de la Cour des comptes sur le sujet vient de le rappeler, les écoles maternelles et élémentaires relèvent largement de la responsabilité des communes, qui assurent 40 % de leur financement. Il n’est donc pas possible, dans une démocratie digne de ce nom, de prendre des décisions d’une manière aussi unilatérale.
Les élus nous alertent quotidiennement sur les difficultés rencontrées sur le terrain. Encore récemment, j’ai reçu un vœu adopté par le conseil municipal de Moëlan-sur-Mer, dans le Finistère, sur les difficultés d’application d’une telle loi.
Le service minimum d’accueil laisse pantois quant à la connaissance qu’a le Gouvernement de la vie quotidienne dans nos communes, en particulier dans les communes rurales. Mais les petites communes ne sont pas les seules concernées et il est inadmissible que le Président de la République oppose les communes entre elles, sciemment ou non.
M. Guy Fischer. Sciemment !
M. Jean-Luc Fichet. Bernard Poignant, le maire de Quimper, m’a également fait part de ses difficultés dans un courrier du 1er décembre dernier où il écrivait ceci : « Dans un esprit républicain, et avec la meilleure volonté du monde, malgré un travail acharné des services de la ville de Quimper, et sans revenir sur l’esprit de cette loi, mais en s’attachant aux seules modalités techniques, il est tout bonnement impossible de la mettre en œuvre. » Et Quimper n’est pourtant pas une commune rurale !
Ces revendications sont relayées par le président de l’Association des maires de France lui-même. Dans un courrier qui vous a été adressé, monsieur le ministre, Jacques Pélissard écrit : « Il ressort globalement des remontées du terrain un sentiment de pagaille que j’ai le devoir de vous rapporter. »
Les huées qui ont accueilli le Gouvernement au dernier congrès des maires montrent le « ras-le-bol », mais aussi la colère des élus locaux.
Le service minimum d’accueil est une remise en cause du droit de grève, pourtant fondamental et garanti depuis 1864. Le droit de grève est reconnu par la Constitution au même titre que le service public. Vous ne pouvez pas les opposer ainsi, en faisant fi de l’un au profit de l’autre. Mais vous en avez décidé autrement, balayant du revers de la main toute contestation comme tout droit. Qu’importent les complications, les communes doivent courber le dos, car telle est la volonté du Gouvernement !
Doit-on faire subir aux collectivités locales les conséquences d’un dialogue social défaillant entre l’État et ses fonctionnaires ? Les communes n’ont pas été interrogées sur la pertinence de ce dispositif et encore moins associées à la réflexion en amont. Alors, de grâce, ne leur demandez pas aujourd’hui d’assumer les réparations de tous ces manquements !
Monsieur le ministre, vous devriez tout mettre en œuvre pour éviter les causes des grèves, dialoguer plutôt que chercher à contrer ces mouvements et cesser de décréter l’état d’urgence permanent quant à la nécessité de légiférer. Le temps est notre maître. Il est utile, incontournable même, pour prendre les bonnes mesures et éviter les conflits que nous connaissons aujourd’hui entre le ministre de l’éducation nationale et les enseignants.
Par ailleurs, cette loi sur le service minimum d’accueil est une fois de plus le signe notable d’une volonté de désengagement de l’État, et ce à double titre.
Il s’agit d’abord d’un désengagement vis-à-vis de la mission de service public de l’éducation, et je veux, à cet égard, insister sur un paradoxe : ce système est mis en œuvre au nom de la continuité du service public, mais il met à mal le service public de l’éducation. D’ailleurs, il n’est plus question d’éducation, mais bien d’accueil ! Or l’école n’est pas une gare et les élèves ne sont pas des usagers. La continuité du service public que nous vend le Gouvernement n’est donc pas celle du service public d’enseignement.
Il est indigne de vouloir faire croire aux parents que les enfants pourront continuer à apprendre lors des grèves, par la seule intervention divine du service minimum d’accueil. Les enseignants seront remplacés par un personnel qui n’a pas la vocation et encore moins la capacité à enseigner. De là à ce qu’on renomme le ministère de l’éducation nationale ministère de la garderie communale, il n’y a qu’un pas ! Pour ma part, je ne le franchirai pas, car j’estime que les professeurs des écoles doivent garder toute leur place dans le système éducatif.
Le désengagement s’inscrit aussi dans votre volonté de ne pas assumer l’intégralité de la charge financière du dispositif. La loi est très floue sur ce point et les premiers financements ne sont pas à la hauteur des dépenses réelles des communes.
L’État apporte des contributions qui sont insuffisantes et ne permettent pas d’offrir l’encadrement nécessaire aux élèves. Je ne reviendrai pas sur les grandes difficultés budgétaires que l’État rencontre actuellement, mais il faut certainement voir un lien de cause à effet entre ces deux phénomènes.
En tout cas, une nouvelle fois, le Gouvernement se défausse très clairement de sa charge sur les communes et ce transfert se fait sans prise en compte des réalités juridiques et sans évaluation du coût réel. Les collectivités locales ne peuvent pas prendre en charge, à elles seules, les conséquences d’une politique budgétaire irresponsable !
Cette loi est démagogique et inapplicable, qu’il s’agisse des communes rurales ou des communes urbaines !
Les réalités et diversités locales sont totalement oubliées. L’Association des maires de France estime d’ailleurs que, sur les 22 500 communes possédant une école publique du premier degré, 20 000 ne sont pas en mesure d’assurer ce service d’accueil. Elles n’ont pas toujours les équipes nécessaires, sachant que la loi ne précise ni les qualifications du personnel ni le taux d’encadrement exigé. C’est d’ailleurs l’un des rares cas de figure dans lesquels la législation est si peu rigoureuse en matière d’encadrement de jeunes enfants par du personnel non enseignant.
Qu’en est-il effectivement de la sécurité des enfants ? Cet accueil engage la responsabilité des encadrants, fussent-ils occasionnels. Peut-on leur imposer d’exercer la plus grande vigilance, nécessaire dans ce cas, de tenir à jour les registres de présence obligatoire et d’assumer leur pleine responsabilité en matière de sécurité ?
Les besoins spécifiques de chaque enfant ne sont pas non plus pris en compte. Or un enfant de quatre ans ne nécessite pas la même attention qu’un enfant de dix ans.
En outre, en cas de grève conjointe du personnel communal et des enseignants, qu’advient-il du dispositif? Le recrutement au petit bonheur la chance parmi les administrés volontaires…
Mme Annie David. Les retraités de l’éducation nationale !
M. Jean-Luc Fichet. … n’est pas concevable et encore moins responsable. Il devient donc difficile d’anticiper et d’informer les parents dans de bonnes conditions.
Enfin, dans les communes rurales, un regroupement pédagogique est prévu en cas de nécessité. Mais qui paiera le transport des enfants ? Les communes, une fois de plus !
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, on ne peut pas légiférer ainsi au mépris des responsabilités des élus locaux et des réalités du terrain !
Vous connaissez toute cette argumentation, qui démontre très précisément l’aberration du service minimum d’accueil. C’est d’ailleurs pourquoi, incapable de la contourner, vous vous êtes laissé aller à un tonitruant « débrouillez-vous ! » à l’adresse des élus locaux qui vous demandaient simplement comment faire.
Quant aux poursuites pénales qui peuvent peser sur les maires, alors même que la loi est très compliquée à mettre en œuvre, elles sont tout simplement honteuses,…
M. Guy Fischer. Inacceptables !
M. Jean-Luc Fichet. … même si elles sont finalement conformes à l’esprit de la loi sur le service minimum d’accueil.
La décision prise in extremis de stopper les poursuites contre certaines communes met en évidence une première prise de conscience, tardive, des effets collatéraux négatifs que cette loi engendre au niveau local. Cette décision nous laisse penser, monsieur le ministre, que vous avez parfaitement conscience de l’absurdité de ce texte. Alors, allez jusqu’au bout de votre raisonnement : comportez-vous de manière responsable en reconnaissant votre erreur !
Nous ne voulons pas attendre une quelconque évaluation prochaine de cette loi. Nous en voulons simplement l’abrogation, laquelle constituerait, dans cette période difficile, un geste fort en direction des communes.
Le groupe socialiste soutient donc la proposition de loi présentée par Mme Brigitte Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC-SPG, qui vise à abroger la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire. Je la voterai avec détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a environ un mois et demi, alors que nous discutions ici-même des crédits de l’enseignement scolaire, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur la loi du 20 août 2008 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire.
Je ne reviendrai ni sur les questions de principe ni sur les questions de forme, bien qu’il y ait certainement encore beaucoup à dire sur le sujet. Je rappellerai toutefois que, à cette occasion, j’avais indiqué combien il était nécessaire d’écouter et de consulter les élus locaux en amont des réformes touchant au domaine scolaire, combien aussi il était grand temps pour le Gouvernement de se rendre compte que les maires sont des acteurs à part entière de l’école, et non les simples exécutants qu’ils ont parfois le sentiment d’être aux yeux de certains hauts personnages.
Ainsi, selon l’édition de 2007 de L’état de l’École, les collectivités assurent près de 23 % des dépenses nationales d’éducation, et même 40 % de ces dépenses si l’on se réfère au financement du seul premier degré, auquel le service minimum d’accueil est destiné.
Que serait l’école si les collectivités ne finançaient pas, par exemple, les classes transplantées, les classes à projet artistique et culturel, les projets d’école, les équipements informatiques, voire la formation à leur utilisation, ou encore les transports scolaires ? Et cette liste n’est pas exhaustive.
Il serait donc tentant de voter l’abrogation d’un texte qui, chez les élus locaux, fait pratiquement l’unanimité... contre lui !
M. Guy Fischer. Il ne faut pas vous gêner !
M. Yves Détraigne. Un texte assez peu réaliste, décidé en haut lieu et non, contrairement à ce qui avait été dit, réclamé à l’origine par les familles,…
Mme Annie David. Très juste !
M. Yves Détraigne. … inapplicable dans de nombreuses communes. Bref, un texte qui a créé plus de problèmes qu’il n’en a réglé !
Néanmoins, nous n’allons pas reprendre aujourd’hui un débat que nous avons déjà eu il y a six mois. Comme l’a rappelé le président de l’Association des maires de grandes villes de France, nous sommes tous républicains et nous ne souhaitons pas remettre en cause le principe d’une loi dont les parents sont désormais en droit de demander l’application et dont l’abrogation créerait d’autres problèmes.
Mme Annie David. Quel dommage !
M. Yves Détraigne. De plus, monsieur le ministre, vous avez su évoluer sur le sujet depuis l’adoption de la loi du 20 août 2008. Vous avez notamment accepté, après avoir rencontré les associations représentatives des élus locaux, que soient mieux conciliés l’intérêt des familles à bénéficier du droit à l’accueil les jours de grève et les contraintes auxquelles doivent faire face certains maires chargés par la loi de l’organisation de ce service.
Au début du mois de janvier, vous avez également accepté le principe de la création d’un comité de suivi et d’évaluation du texte, et demandé aux inspecteurs d’académie d’aider les communes à faire face aux difficultés d’application de la loi, en se rapprochant notamment des instances représentatives des maires.
Ainsi, en qualité de président de l’association des maires de la Marne, j’ai rencontré hier l’inspectrice d’académie de mon département pour examiner ce dossier. Nous avons recherché, de manière tout à fait coopérative, des solutions permettant de faciliter la mise en œuvre du dispositif par les maires.
D’ailleurs, quelques pistes pourraient être examinées, au-delà de celles qui figurent dans l’instruction adressée par vos soins, le 14 janvier dernier, à vos services départementaux et qui ne me paraissent pas toutes aisées à mettre en œuvre.
Ne pourrait-on pas, par exemple, demander aux enseignants – je n’ose, en l’espèce, utiliser le verbe « exiger », sachant qu’il passerait mal – qui envisagent de faire grève de le signaler dans le carnet de correspondance de leurs élèves, de telle sorte que les parents puissent prendre leurs dispositions ?
Ou encore ne pourrait-on pas mettre en place une procédure simplifiée d’embauche, semblable à celle du chèque emploi service, pour les personnes que les communes mobilisent pour l’accueil des enfants ? En effet, l’Élysée et sans doute vos services, monsieur le ministre, semblent ignorer que la procédure d’embauche et le nombre de déclarations à effectuer sont exactement identiques qu’il s’agisse d’un emploi pour une journée ou d’une vacation de plusieurs mois dans la commune.