M. Pierre-Yves Collombat. Voilà !
M. Philippe Richert, rapporteur. Car l’État n’a pas su accompagner les communes dans l’exercice de cette nouvelle compétence. J’ai d’ailleurs pu le remarquer, à titre personnel, dans mon propre département.
À l’appui de ce constat, j’évoquerai trois idées reçues largement répandues et qui n’ont pas été assez démenties.
Premièrement, il n’est pas vrai que les communes doivent organiser le service pour l’ensemble de leurs écoles. L’obligation s’applique seulement dans celles où le taux de grévistes déclarés dépasse 25 %. Il ne suffit donc pas qu’une seule école soit en grève pour que le service doive être organisé dans toutes les autres écoles de la commune. Voilà qui limite d’emblée le nombre d’enfants à accueillir.
Deuxièmement, contrairement à ce que l’on pourrait croire, tous les enfants qui sont en droit de bénéficier du service n’en profitent pas effectivement, car nous savons bien qu’il y a des parents qui peuvent prendre en charge eux-mêmes leurs enfants et qu’ils ne les envoient pas nécessairement à l’école pour utiliser le service minimum.
Ce point est important, car il conduit les communes à raisonner sur des ordres de grandeur erronés. Par exemple, dans une grande ville où sont scolarisés 18 000 enfants, cela ne signifie pas qu’il faudra accueillir 18 000 enfants le jour de la grève.
Mme Annie David. Comment fait-on pour le savoir ?
M. Philippe Richert, rapporteur. Là encore, la charge pesant sur les communes s’en trouve considérablement allégée : il suffit de demander à l’avance aux familles si elles souhaitent ou non que leur enfant soit accueilli.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En quarante-huit heures ?
M. Philippe Richert, rapporteur. Certaines d’entre elles changeront peut-être d’avis, mais l’ordre de grandeur pourrait être connu plusieurs jours à l’avance.
Je vous rappelle en effet, mes chers collègues, que, si la commune ne connaît que quarante-huit heures avant le nombre de grévistes déclarés, elle peut être prévenue plus de dix jours à l’avance de la grève qui se prépare.
La loi que nous avons votée en juillet dernier comprenait en effet un volet consacré à la prévention des conflits. Avant tout dépôt d’un préavis de grève, une négociation préalable doit se dérouler, ce qui laisse le temps d’informer les communes. Jusqu’ici, cette partie du texte était restée inappliquée, faute de décret. Celui-ci étant désormais paru, les communes auront à l’avenir plus de temps pour s’organiser et donc pour évaluer le nombre d’enfants qu’elles devront accueillir.
Troisièmement, les communes ne sont en rien obligées d’avoir recours à leurs fonctionnaires ou à leurs agents, bien au contraire.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Peuvent-elles vraiment faire autrement ?
M. Philippe Richert, rapporteur. Lorsque ceux-ci sont capables d’accueillir des élèves, cela leur simplifie bien entendu la tâche. Je constate au demeurant que, dans toutes les petites communes disposant d’agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, ou ATSEM, ces derniers participent à l’organisation du service et cela suffit généralement.
Mme Annie David. Et s’ils sont eux aussi en grève ?
M. Philippe Richert, rapporteur. Mais pour toutes les communes qui n’ont pas en propre les personnels nécessaires, la loi a explicitement prévu que les maires peuvent avoir recours à toute personne capable à leurs yeux d’accueillir et d’encadrer des enfants.
Mme Annie David. Des enseignants à la retraite, par exemple ?
M. Philippe Richert, rapporteur. Encore faut-il les trouver, bien entendu. C’est pourquoi j’avais proposé, lors de l’examen du projet de loi que les communes établissent régulièrement une liste des personnes qui pourraient organiser le service. Je m’étais alors heurté à des objections : quand établir cette liste et selon quelle périodicité la renouveler ? Évidemment, on ne va pas préciser le mois, ni même l’année où un tel recensement doit être fait !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas une obligation légale, que je sache !
M. Philippe Richert, rapporteur. C’est laissé bien entendu à l’initiative des maires.
Ce que nous devons faire, c’est accompagner les maires et tous les élus concernés, pour les aider à mettre en place ce vivier dont le but est qu’ils disposent d’une liste de personnes disponibles régulièrement tenue à jour.
Pour pouvoir accueillir effectivement les enfants les jours de grève, il faut en effet disposer d’un vivier d’intervenants rapidement mobilisables. L’expérience a montré d’ailleurs que, lorsque les communes sont parvenues à constituer ce vivier par avance, l’essentiel des problèmes a été résolu.
Les difficultés des communes ne sont donc pas imputables à la loi elle-même, mais à l’insuffisance des efforts d’information et d’accompagnement engagés par l’État après l’adoption du texte.
Chacun des points que je viens d’aborder aurait dû être expliqué clairement aux communes, éventuellement par petits groupes, de la même manière que l’État aurait dû les accompagner dans la constitution de leur vivier.
Nombreux sont en effet les personnels et les associations qui interviennent dans le cadre scolaire sans être pour autant agents de l’État. Les associations familiales, les organisations de parents d’élèves, les professeurs contractuels, les assistants d’éducation sont autant d’intervenants qui pourraient constituer, s’ils en étaient d’accord, la base du vivier des communes.
C’est pour cela que j’avais évoqué, lors de l’examen du projet de loi, la possibilité de confier conjointement aux communes et aux services de l’éducation nationale la responsabilité de constituer ce vivier. Cette proposition avait éveillé des inquiétudes. Je constate pourtant aujourd’hui son bien-fondé !
Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vos services – au niveau déconcentré, bien sûr, c'est-à-dire au plus près possible du terrain –, ainsi que ceux du ministère de l’intérieur s’impliquent pleinement dans l’organisation du service d’accueil.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il va falloir leur en donner le pouvoir !
M. Philippe Richert, rapporteur. C’est en effet à eux qu’il revenait d’informer et d’accompagner les communes. Ils ne l’ont pas assez fait, avec les conséquences que l’on sait : dans certaines communes, les maires, bien que de bonne foi, ne sont pas parvenus à appliquer la loi.
À mes yeux, cet accompagnement doit prendre la forme de rencontres régulières entre les maires et les représentants de l’État. De telles rencontres, de toute façon, ne pourraient être que bénéfiques !
Je pense aux sous-préfets, qui pourraient ainsi participer aux réunions des associations locales des maires, pour mieux comprendre les difficultés et les interrogations des communes, et y répondre. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Je remercie également ceux de mes collègues qui ponctuent mon exposé de leurs commentaires !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est pour vous soutenir dans l’adversité…
M. Jean-Claude Carle. Ça prouve qu’ils sont intéressés ! (Sourires.)
M. Philippe Richert, rapporteur. Je prendrai un seul exemple : celui du statut et du mode de rémunération des personnels qui organisent le service d’accueil. De nombreuses communes ignorent toujours sous quel statut recruter ces intervenants et comment les rémunérer. Dans mon département, certains maires sont encore aujourd’hui en attente de précisions sur ces principes !
Rien ne serait plus simple que de leur répondre, en leur exposant en quoi consiste le statut de contractuel et en leur expliquant les démarches et les formalités à accomplir. Il en va de même pour la rémunération, puisque l’État verse une compensation de 110 euros par groupe de quinze élèves accueillis, et ce chiffre permet de déterminer le montant de la rémunération pouvant être versée aux intervenants.
J’y insiste, ces soucis pratiques n’ont rien de négligeable. Pour de nombreuses communes, et notamment les plus petites, ils sont à l’origine de bien des inquiétudes. L’État se doit donc d’accompagner les communes dans toutes ces formalités. Je suis persuadé que cela aurait pour conséquence de favoriser et faciliter la mise en œuvre du service minimum d’accueil.
Je me réjouis donc, monsieur le ministre, qu’un certain nombre d’initiatives aient été prises à la suite du discours du Président de la République lors du Congrès des maires de France.
Ainsi, il est bon que les recours engagés contre les municipalités ayant tenté de bonne foi d’organiser le service soient abandonnés. La célérité avec laquelle l’État formait des recours contrastait singulièrement avec l’inertie qui était parfois la sienne lorsqu’il s’agissait de répondre aux maires qui les interrogeaient !
M. Pierre-Yves Collombat. Et les autres, vous allez les juger ?
M. Philippe Richert, rapporteur. Il est toutefois logique et même souhaitable que les recours soient maintenus à l’endroit des communes qui ont décidé, en toute connaissance de cause, de ne pas appliquer la loi.
Il est en effet difficilement compréhensible que des maires puissent s’émanciper par principe d’obligations mises à leur charge par la loi lorsque, pour une raison ou pour une autre, celles-ci ne leur conviennent pas.
À cet égard, je tiens à saluer le fait que les auteurs de la présente proposition de loi n’aient jamais remis en cause le principe même de la loi que nous avons votée en juillet dernier. Malgré leurs réserves sur ce sujet, ils reconnaissent en effet, par esprit républicain, que la loi votée par le Parlement et déclarée conforme à la Constitution par le juge constitutionnel a vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire de notre République.
Je me réjouis également, monsieur le ministre, des propositions récentes que vous avez faites aux associations représentant les maires, et notamment à l’AMF.
D’abord, le 2 décembre dernier, il a été acté que les services de l’État allaient s’efforcer de simplifier la mise en œuvre concrète du droit d’accueil en communiquant aux communes, en temps réel, le taux de grévistes déclarés. Cela permettra aux maires, deux ou trois jours avant le conflit, d’avoir une première idée des effectifs d’élèves à accueillir.
Ensuite, il a été décidé, de la même manière, que les services de l’éducation nationale allaient demander aux familles d’indiquer, quelques jours à l’avance, si elles souhaitaient bénéficier du service, ce qui permettra là encore aux maires d’avoir une vue approximative du nombre d’élèves à accueillir.
Enfin, le ministère proposera aux communes qui le souhaitent, pour constituer leur vivier, d’avoir recours aux services d’intervenants habituels de l’école – contractuels, intervenants associatifs, associations familiales ou parents d’élèves –, sous réserve, bien entendu, que ceux-ci acceptent.
Tous ces points figurent d’ores et déjà dans la note que vous avez adressée aux inspecteurs d’académie le 15 janvier dernier. (M. le ministre de l’éducation nationale opine.)
C’est une très bonne chose, mais il reste, monsieur le ministre, à vous assurer que vos services auront perçu toute l’urgence et la nécessité d’une véritable implication de l’État dans l’organisation du service d’accueil.
Je crois également nécessaire que le comité de suivi et d’évaluation de la loi, dont la création a été annoncée il y a quelques jours, soit mis en place au plus vite. Toutes les difficultés pratiques rencontrées par les communes doivent être recensées, et une réponse rapide et concrète doit leur être apportée. Il serait en effet incompréhensible que la carence de l’État sur ce sujet dure plus longtemps.
Aux trois questions que je posais au début de mon intervention, mes chers collègues, il semble à votre commission qu’il faille répondre de la manière suivante.
D’abord, il est vrai que les communes ont bien rencontré des difficultés dans la mise en œuvre du service, faute d’une aide et d’une information suffisantes apportées par l’État. Mais ces communes ne doivent pas être confondues avec celles qui ont sciemment décidé de ne pas appliquer la loi et qui invoquent aujourd’hui ces difficultés pour justifier leur choix.
Ensuite, il est faux de dire que ces difficultés sont insurmontables, puisque, dès la première fois où le problème s’est posé, près de 80 % des communes, dont de nombreuses communes rurales, ont réussi à proposer le service.
Rien n’empêcherait donc que toutes les communes puissent y parvenir. Il suffirait, pour les unes, qu’elles en aient la volonté et, pour les autres, qu’elles reçoivent l’aide nécessaire.
Enfin, ces difficultés ne sont pas principalement imputables à la loi.
Mme Annie David. Si !
M. Philippe Richert, rapporteur. Celle-ci fournit à toutes les communes les instruments nécessaires pour organiser le service d’accueil. Bien sûr, cette tâche est plus ou moins complexe selon la taille et les particularités de la commune. Mais l’expérience a montré que toutes les communes pouvaient y parvenir et qu’aucune catégorie de communes n’était confrontée à des difficultés par nature insurmontables.
Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté la présente proposition de loi, tout en souhaitant aujourd’hui appeler solennellement les ministères concernés à accompagner les communes dans l’organisation du nouveau service d’accueil. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la mise en place d’un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques représente indéniablement, pour les familles qui ont déjà pu en bénéficier, une avancée considérable, et c’est bien ainsi qu’elles le considèrent, d’après les études d’opinion qui ont été effectuées.
Il s’agit donc d’un progrès social. Or nous discutons aujourd’hui des conclusions de votre commission des affaires culturelles sur une proposition de loi visant à abroger cette avancée.
Le rapporteur, M. Philippe Richert, vient à l’instant d’exposer excellemment les raisons qui l’ont amené à présenter, au nom de la commission, des conclusions négatives. Je souscris évidemment à ces conclusions.
Au demeurant, je ne conteste pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que la mise en œuvre du droit à l’accueil les jours de grève ait constitué, pour les communes qui en ont la charge, un défi nouveau, …
Mme Annie David. C’est plus qu’un défi, c’est une difficulté !
M. Xavier Darcos, ministre. … avec son lot de contraintes parfois difficiles à surmonter.
J’observe cependant que beaucoup de communes sont parvenues à l’organiser, même s’il est vrai que cela n’a pas été le cas pour d’autres, y compris des communes de bonne foi. Je sais que certains d’entre vous souhaiteraient même distinguer par exemple le cas des communes rurales de celui des zones urbaines.
Mais, en créant une telle inégalité, nous nous heurterions à un principe constitutionnel. Comment prétendre en effet qu’un enfant des champs ait moins besoin de ce service qu’un enfant des villes !
Il est cependant certain que les petites communes ont des contraintes différentes de celles des grandes villes.
Il faut sans doute du temps pour parvenir à concilier le droit de grève des enseignants et le droit des familles de travailler librement lorsque ces grèves se sont déclarées. C’est le temps qui, comme toujours, dans l’histoire, finit par surmonter les réticences, par faire émerger des solutions aux problèmes que l’on croyait les plus insolubles. Et pourtant, c’est ce temps, si nécessaire au progrès de tous, dont on veut nous priver aujourd'hui en proposant l’abrogation d’un dispositif qui n’a eu que deux occasions de se mettre en place, après six mois à peine d’existence.
Pourtant, de nombreuses avancées ont été menées au cours des derniers mois ; Philippe Richert y a fait allusion.
Tout d’abord, le décret instaurant une négociation préalable, paru le 2 décembre 2008, sera pour la première fois mis en application à l’occasion de la prochaine grève. Aujourd’hui même, nous nous sommes réunis à ce sujet avec les partenaires syndicaux. Cette négociation préalable permettra une meilleure anticipation de la conflictualité, grâce au dispositif d’alerte. Les inspecteurs d’académie pourront ainsi évaluer avec davantage de précision la portée du conflit, et parfois l’apaiser, voire y mettre fin.
Ce décret représente une avancée majeure : nous allons passer de la culture du conflit à celle de la négociation.
Mme Annie David. C’est de la provocation !
M. Xavier Darcos, ministre. Ce dispositif d’alarme sociale constitue un élément nouveau pour prévenir et limiter les conflits sociaux dans le premier degré en améliorant le dialogue social et en réduisant la gêne occasionnée aux familles les jours de grève. Les personnels seront informés des résultats de la négociation et pourront décider en connaissance de cause de faire ou de ne pas faire la grève.
Par ailleurs, conscient des difficultés que certaines communes, notamment les plus petites d’entre elles, ont pu rencontrer dans l’organisation de ce service, je me suis entretenu avec le président de l’Association des maires de France, Jacques Pélissard, et nous avons identifié les évolutions nécessaires à la bonne réalisation de ce droit pour les familles.
C’est à la suite des discussions que nous avons eues que j’ai envoyé une instruction aux inspecteurs d’académie leur demandant : premièrement, de procéder à un comptage fin du nombre des grévistes et de transmettre au fur et à mesure ces données aux communes ; deuxièmement, d’aider les communes qui auraient des difficultés à constituer un vivier de personnes susceptibles de participer à l’accueil des élèves – je tiens à rappeler que cette question tient particulièrement à cœur à votre rapporteur, Philippe Richert, qui est à l’origine de cette idée ; troisièmement, de transmettre, dans la mesure du possible, des données prévisionnelles sur le nombre d’enfants qui pourraient être accueillis.
Voilà qui permettra des relations plus étroites, plus suivies, plus fructueuses entre l’inspecteur d’académie et les élus.
Comme le souligne Philippe Richert dans son rapport, nombre de communes n’ont pas mis en place le service d’accueil faute d’explications ou d’informations. Pour remédier à ce manque, j’ai encouragé les inspecteurs d’académie à rencontrer les maires et à ouvrir un dialogue permanent avec eux.
Dans le même temps et dans un esprit d’apaisement, comme l’a souhaité le Président de la République, Michèle Alliot-Marie et moi-même avons envoyé une instruction aux préfets leur demandant de se désister des actions contentieuses dirigées contre les municipalités qui n’avaient pas fait connaître d’opposition de principe à l’application de la loi mais qui n’avaient pas, pour autant, réussi à la mettre en place. Celles-ci représentent environ un tiers des cas.
En revanche, les poursuites seront maintenues à l’encontre des municipalités qui auraient délibérément refusé de mettre en œuvre ce service pour des raisons politiques, idéologiques, bafouant ainsi la volonté du législateur. À cet égard, madame Gonthier-Maurin, il n’est pas exact que Paris échappe à cette règle puisque le commissaire du Gouvernement a conclu à l’annulation de la décision de principe de la Ville de Paris de ne pas appliquer la loi.
Les aménagements que je viens d’évoquer devraient améliorer la mise en œuvre du service d’accueil sans position partisane ni recherche de stigmatisation. Je crois en l’esprit républicain de l’ensemble de nos élus et je veux leur donner toutes les clés pour qu’ils puissent mettre en œuvre la loi.
Nous sommes à leur écoute. J’ai rencontré récemment une délégation de l’Association des maires de grandes villes de France, ainsi que l’Association nationale des élus de montagne. Je rencontrerai demain la Fédération des maires des villes moyennes et, la semaine prochaine, l’Association des maires ruraux de France. Bref, nous essayons de trouver à l’amiable les meilleures solutions pour que le service minimum d’accueil fonctionne.
Bien entendu, comme l’a souhaité Philippe Richert, nous mettrons en place un comité de suivi de la loi afin que chacun ait un lieu d’expression, de confrontation des idées et des pratiques, et puisse dire ses difficultés et esquisser des solutions.
Mesdames et messieurs les sénateurs, la loi est nouvelle, son application récente. Nous devons faire confiance au temps pour que les choses se mettent en place progressivement sur le terrain entre les communes, les parents et les professeurs. Près de 12 000 communes qui devaient mettre en place ce service l’ont effectivement appliquée lors des dernières grèves, dont des communes de moins de 2000 habitants, ce qui montre, si besoin était, que cette loi est parfaitement applicable et qu’elle donne satisfaction aux familles. (Mme Annie David proteste.)
Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de voter les conclusions négatives présentées par votre commission et de laisser en l’état cette loi – qui doit beaucoup à votre rapporteur, Philippe Richert, et à votre assemblée –, loi dont les vertus, approuvées par les Français, ne cesseront de s’affiner au fil du temps. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés que, au nom de mon groupe, je soutienne la proposition de loi que vient de défendre ma collègue et amie Brigitte Gonthier-Maurin.
Ce débat, après quelques mois d’application de la loi instituant, de façon mal nommée, un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, doit nous permettre de mener l’une de nos missions, à savoir contrôler l’application des lois. Or, force est de constater que son application pose problème, comme vous venez vous-même de le reconnaître, monsieur le ministre.
Outre la grande difficulté de mettre en œuvre cette loi pour l’ensemble des maires de notre pays, nous ne saurions analyser les conditions de son application en dehors des raisons idéologiques qui ont conduit votre majorité à l’adopter et du contexte politique et social dans lequel elle s’applique.
Ainsi, je ne saurais oublier le sourire ironique du Président de la République, Nicolas Sarkozy, peu de temps après le dépôt de cette loi, lorsqu’il déclara devant les cadres de son parti, avec une joie non dissimulée, que dorénavant plus personne ne se rendrait compte des grèves. (Mme Christiane Hummel proteste. – Eh oui ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)
C’est cette situation, qu’il espérait voir devenir une réalité, qui le rendait aussi heureux ce jour-là. Or, force est de constater que, dans l’éducation comme dans les transports ou ailleurs, il n’a pas atteint son but, loin s’en faut. Les mobilisations sociales sont là, malgré toutes vos tentatives de les réduire.
Sous couvert de répondre à une hypothétique demande des familles d’assurer une permanence d’accueil les jours de grèves, votre objectif, monsieur le ministre, était tout autre.
Vous avez l’ambition de mettre en cause le droit de grève des enseignants,…
M. Jean-François Voguet. …tout particulièrement dans les écoles maternelles et élémentaires, de réduire les mobilisations sociales et de diviser la communauté éducative en tentant d’opposer les enseignants aux parents, pour mieux faire passer les remises en cause de notre système éducatif, qui fondent votre action politique.
Aussi, c’est avec une certaine fierté que les élus communistes et d’autres partis de gauche ont dénoncé ce mauvais coup contre le droit de grève et participent actuellement aux mobilisations qui se développent contre votre politique de régression éducative et de suppressions de postes.
Mais votre objectif principal, qui est de briser le droit de grève, s’appuyait en outre sur une tentative tout aussi grave de mettre au même niveau l’obligation et la gratuité scolaires avec un prétendu droit d’accueil, mettant sur le même plan la continuité de l’enseignement et une garderie.
D’ailleurs, cette loi dont nous demandons la suppression vous permet, monsieur le ministre, de remplacer des enseignants absents par des personnels de garderie sans formation en dehors des grèves ; c’est inacceptable !
De surcroît, pour mettre en œuvre ces choix, vous avez décidé d’obliger les maires à mettre en place ces garderies en cas de grève, alors qu’il est de votre responsabilité d’assumer vos choix et vos méthodes de concertation, qui mettent régulièrement le personnel enseignant dans l’obligation de se mobiliser contre vos projets.
Par-delà les transferts financier et managérial d’une telle décision, c’est évidemment un autre objectif que vous visez. Il s’agit de mettre au pas les maires récalcitrants, qui gèrent leur ville sur de tout autres bases.
Avec cette loi, vous tentez de les mettre au premier rang de la gestion des conflits scolaires, ce qui n’est pas leur place. Ce faisant, vous transformez la mission première d’un maire, qui est de favoriser le « vivre ensemble », les bonnes relations entre tous les habitants et tous les intervenants publics et privés sur un même territoire. C’est presque par définition qu’un maire est un conciliateur.
Vous espérez ainsi leur faire porter la responsabilité de la gêne occasionnée par les mouvements de grève, dont vous êtes seul responsable, pour déstabiliser leur relation avec leur population et avec les enseignants de leur territoire. Et, s’ils n’acceptent pas de tomber dans ce piège, vous les traînerez devant les tribunaux. Si une condamnation pouvait en fragiliser quelques-uns, ce serait sans doute pour vous la cerise sur le gâteau.
En fait, nous le voyons bien, cette loi participe d’une vaste opération politique, généralisée, qui vise à remodeler notre République dans le cadre d’obligations toujours plus contraignantes et qui resserre, recentralise tous les pouvoirs autour du Président de la République et de quelques conseillers.
Pour tenter de parvenir à juguler les conséquences sociales et politiques de vos choix, vous avez adopté cette loi dont nous demandons l’abrogation, dans l’urgence, sans aucune concertation, en prévision des mouvements que vos réformes à venir avaient toutes les chances de faire grandir.
Comment ne pas être inquiet quand vous supprimez en deux ans 25 000 postes d’enseignants et que vous prenez toute une série de mesures touchant tous les secteurs de notre service public d’éducation, y compris le monde associatif y concourant.
M. Guy Fischer. C’est en deçà de la réalité !
M. Jean-François Voguet. Vous vous en prenez aux pratiques pédagogiques qui ont fait leur preuve, par exemple en supprimant les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, qui manquent toujours des financements leur permettant d’atteindre leur but.
Vous êtes, en quelque sorte, un « pyromane » qui crie au feu (Protestations sur les travées de l’UMP) et vous obligez les maires à devenir des pompiers.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Jean-François Voguet. Aussi, pour toutes ces raisons et pour toutes celles qui ont été présentées d’excellente manière par notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi tendant à l’abrogation de la loi n° 2008-790. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Carle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui a pour objet d’abroger la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire.
Avant même de commenter cette initiative sur le fond, je m’étonne que nous examinions un texte abrogeant une loi que nous avons votée le 23 juillet dernier, voilà six mois à peine. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)