M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation à Gaza et dans le sud d’Israël dont nous sommes les témoins depuis trois semaines est dramatique.
Nous sommes entrés dans un contexte de guerre. Comme toute guerre, celle-ci ne peut qu’être insupportable et susciter l’émotion, voire l’indignation, de la communauté internationale et de chacun d’entre nous.
Mes collègues m’ont fait l’honneur de me réélire, hier soir, à la présidence du groupe interparlementaire d’amitié France-Israël du Sénat. J’ai pu dire, à cette occasion, combien je suis, comme vous tous, accablé par cette situation et par ses conséquences pour les populations civiles, accablé par ces blessés que l’on compte par milliers, ces morts par centaines, en grande partie des enfants, par les images terribles relayées par les médias ces derniers jours.
Toute guerre est un drame humanitaire. La situation si particulière de Gaza démultiplie l’impact du conflit sur les populations civiles : la population, dont la densité est exceptionnellement élevée – près de 4 000 habitants par kilomètre carré –, vit recluse sur un territoire exsangue, qui subit depuis des années les contraintes de l’isolement, sur les plans économique et politique.
Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, lors de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies du 8 janvier dernier, « l’heure est à la gravité ».
L’heure est également à l’urgence absolue, pour que cessent au plus vite ces violences. La réaction de la France, par la voix du Président de la République, et de la communauté internationale est à cet égard à saluer. Elle a été à la hauteur, dès le départ, de la gravité et de l’urgence de la situation.
Cependant, le combat est encore loin d’être achevé, et l’engagement déterminé de la France, de l’Europe, des Nations unies et des pays arabes voisins d’Israël sera décisif dans les jours, les semaines et les mois à venir.
J’ai souhaité intervenir à l’occasion de ce débat, monsieur le ministre, pour que nous n’occultions pas, derrière ce drame humain qui frappe Gaza, la situation elle aussi intolérable que subissent les populations du sud d’Israël.
Depuis 2001, près de 6 000 tirs de roquettes et d’obus – imaginons ce que cela peut représenter ! – ont frappé le sud du Néguev. Ces tirs se sont intensifiés depuis que le Hamas contrôle la bande de Gaza. Les « alertes rouges » font partie du quotidien de 250 000 civils israéliens qui vivent à portée de missiles Qassam, Katiousha et Grad devenus de plus en plus puissants : avec les progrès technologiques, leur portée dépasse désormais quarante kilomètres, si bien qu’ils peuvent désormais toucher près d’un million d’Israéliens, soit un habitant du pays sur sept. Qu’en sera-t-il demain ?
À Sderot, ville de 25 000 habitants, les sirènes retentissent parfois plusieurs dizaines de fois par jour. La peur fait partie du quotidien des familles, ce qui entraîne des traumatismes psychologiques chez les enfants, notamment. Aucun État ne tolérerait qu’une partie de sa population vive ainsi dans l’insécurité permanente et la peur.
Le Gouvernement israélien déploie des moyens considérables pour protéger sa population dans le sud du pays, avec la construction d’abris anti-bombes dans les immeubles ou le blindage des salles d’école. Ces efforts ont permis de limiter les pertes humaines du côté israélien, ce en dépit de la recrudescence des tirs de roquettes depuis la fin de la trêve de six mois, déclarée officiellement par le Hamas le 19 décembre.
Cette réaction sécuritaire d’Israël à l’égard de ses populations civiles ne peut constituer une solution durable et viable. Elle n’a été d’ailleurs que le prélude à une riposte militaire qui engage la région dans un nouveau cycle de violences et compromet les espoirs de parvenir rapidement à une paix durable.
Israël paie un prix fort, subissant ces dernières semaines un assaut de critiques, largement relayées dans les médias et auprès de l’opinion publique. La « martyrisation » de Gaza, où tout laisse à penser que prévaut une logique d’exposition des populations civiles sur une logique de protection,…
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C’est scandaleux !
M. Philippe Richert. … ne sert pas les intérêts présents et futurs d’Israël.
Monsieur le ministre, vous avez insisté à plusieurs reprises sur la nécessité d’une approche équilibrée du conflit et d’un juste partage des responsabilités.
Il s’agit en effet d’un point central.
La France a une position privilégiée pour porter ce message et prôner des voies de règlement du conflit elles aussi équilibrées, en raison, d’une part, des liens d’amitié profonds qui l’unissent à Israël, et, d’autre part, des relations de confiance qu’elle entretient avec les autorités palestiniennes du Fatah et le président Mahmoud Abbas.
Certes, la réponse militaire israélienne peut paraître disproportionnée et n’apportera pas de solution pérenne. Nous en sommes tout à fait conscients. La France l’a condamnée fermement, et il n’aurait pu en être autrement.
Cependant, nous condamnons également – M. le Président de la République l’a affirmé clairement – les tirs de roquettes du Hamas sur Israël, qui ont servi de déclencheur de cette riposte militaire.
Le cessez-le-feu ne peut être que réciproque et simultané. En effet, pour Israël, le retour au statu quo ante, c’est-à-dire à une situation d’insécurité permanente pour une grande partie de sa population sous le feu quotidien des missiles, n’est pas une voie acceptable.
Dans cette perspective, le rôle de la France est important : sa voix compte dans la région. Je fais confiance à la détermination du Président de la République et du Gouvernement pour poursuivre les efforts engagés la semaine dernière en vue d’un arrêt immédiat des violences et relancer ensuite le processus normal des négociations de paix.
Je salue, en outre, le fait que M. le Président de la République fasse de la reconnaissance d’Israël par le Hamas un préalable à toute négociation avec cette organisation.
Les initiatives de paix ont déjà conduit à l’instauration, depuis le 7 janvier, d’un cessez-le-feu quotidien de trois heures permettant la mise en place, par l’armée israélienne, d’un corridor humanitaire vers Gaza. Ces avancées sont importantes, mais encore largement insuffisantes.
Pour aller plus loin, la mobilisation de l’Europe, de la communauté internationale, mais également des pays arabes voisins d’Israël est elle aussi primordiale.
Je salue à cet égard le rôle qu’a assumé l’Égypte, par l’engagement du président Moubarak dans la résolution du conflit. Son intermédiation est essentielle pour rétablir le dialogue entre les Palestiniens du Fatah et ceux du Hamas. Elle l’est également pour renforcer le contrôle de la frontière avec Gaza, afin de lutter contre la contrebande d’armes qui « alimente » le Hamas.
Cependant, les autres pays arabes ont également un rôle clé dans la résolution d’un conflit vieux de soixante ans.
Nous en sommes tous convaincus : la seule issue est la création d’un État palestinien viable aux côtés d’Israël, qui, pour sa part, a droit à la sécurité, d’un État palestinien doté d’institutions stables, qui puisse être un interlocuteur solide et véritable, d’une économie source de croissance et de progrès pour la population.
Dans cette optique, l’aide de l’Europe, de la France, d’Israël et de la communauté internationale devra être renforcée. Je forme le vœu que l’Union pour la Méditerranée puisse également accompagner le développement économique de Gaza, mais aussi favoriser, autour de projets concrets, la coopération et les échanges entre Israéliens et Palestiniens. La question de la gestion de l’eau, cruciale dans la région, est un point d’intérêt commun qui peut contribuer à consolider ce dialogue dans un esprit constructif.
La création de cet État palestinien viable est la seule réponse juste et durable aux aspirations légitimes d’Israël à la sécurité.
En parallèle, Israël devra faire des efforts et lutter aussi, de son côté, contre ses tentations les plus extrémistes. Je l’ai entendu souligner à plusieurs reprises à cette tribune : les Israéliens ont pris largement conscience que des compromis douloureux seront indispensables pour faire avancer le processus de paix. J’ai pu mesurer cette évolution des mentalités à travers mes fréquents échanges avec nos partenaires israéliens. Selon moi, il n’y aura pas d’État palestinien viable, et donc pas de paix durable, sans un arrêt définitif de la politique de colonisation israélienne. Cela ne se fera pas sans douleur du côté israélien, mais c’est indispensable.
Je souhaite également rappeler, à l’occasion de ce débat, le sort du jeune Guilad Shalit, otage du Hamas depuis l’été 2006. J’ai pu rencontrer le père de ce jeune garçon franco-israélien avec un certain nombre de nos collègues sénateurs, à l’automne dernier. La détresse de cette famille, laissée sans véritable preuve de vie de son fils, trouve un large écho en Israël. Cela ne contribue pas à un apaisement des esprits et ne sert pas la paix.
Je forme le vœu que les démarches engagées par le Président de la République auprès de la Syrie ou de l’Égypte puissent faire avancer les choses. Pouvez-vous nous apporter des informations sur ce point, monsieur le ministre ?
Enfin, je déplore, comme vous tous, mes chers collègues, que le conflit à Gaza puisse avoir des répercussions dramatiques dans notre pays. S’il est normal qu’il suscite un débat, même passionné, il n’est pas tolérable qu’il serve de prétexte à des actes racistes ou antisémites, qui sont indignes et intolérables, telles les attaques au cocktail Molotov contre la synagogue de Saint-Denis ou à Schiltigheim, dans le Bas-Rhin.
Je salue, à cet égard, l’attitude responsable des autorités représentatives des différentes religions, qui ont noué un dialogue constructif, dans un esprit de compréhension mutuelle et d’apaisement.
Les populations juives et arabes coexistent en paix dans notre pays, comme elles le feront aussi un jour au Proche-Orient, j’en suis convaincu. Les populations civiles expriment depuis déjà plusieurs années, tant du côté israélien que du côté palestinien, une lassitude devant la répétition des conflits et l’engrenage de la violence et du terrorisme. Il est de la responsabilité de l’ensemble de la communauté internationale de répondre à ces aspirations fortes à la paix et à la sécurité qui se font jour des deux côtés de la frontière.
L’instabilité au Proche-Orient a en effet des répercussions bien au-delà de la région. Une détermination unanime à poursuivre et à relancer le dialogue est la seule voie possible pour qu’un tel drame ne se répète pas.
Je tiens ici, monsieur le ministre, à vous remercier, ainsi que, à travers vous, le Gouvernement et le Président de la République, de l’action menée de façon déterminée et équilibrée, avec une lucidité qui ne permet pas l’enthousiasme dans la situation dramatique que nous connaissons. Je puis vous assurer que nous soutenons sans réserve vos efforts en faveur de la paix, dans cette région et dans le monde. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’initiative de M. le Président de la République de se rendre dans les pays du Proche-Orient les plus concernés par le conflit de Gaza doit être saluée. Il était peu probable que la paix résulte de ce voyage, mais il était indispensable que la France montre avec pugnacité la voie pour sortir de la résignation générale devant un conflit faire-valoir du terrorisme international.
La réactivité du Président de la République était essentielle, car la France est sans doute l’un des rares pays, sinon le seul, à pouvoir parler aux belligérants et à être entendu d’eux.
Ami d’Israël, le Président de la République peut se permettre de lui dire des choses difficiles à entendre ; il a affirmé que « le seul langage qui vaille, y compris en matière de diplomatie, c’est le langage de la vérité ».
La France, amie du monde arabe et musulman, bénéficie aussi de sa confiance.
Cette initiative était indispensable pour mettre en place un mécanisme contraignant les deux camps à un cessez-le-feu.
Lorsque Mme Tzipi Livni dit « trop, c’est trop », elle a raison : que la population civile soit sous la menace de roquettes Qassam, de bombes humaines, que le Hamas prévoie la destruction d’Israël est insupportable pour les Israéliens.
Qu’aucune résolution des Nations unies ne soit respectée par Israël, que 400 000 nouveaux colons se soient implantés, que Gaza soit totalement verrouillée depuis dix-huit mois, qu’un mur inacceptable soit érigé, que des dirigeants du Hamas aient été assassinés pendant la trêve est révoltant pour les Palestiniens.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Bravo !
M. Aymeri de Montesquiou. Le Hamas savait qu’en lançant des roquettes sur le sud d’Israël, il ne pouvait qu’amener ce pays à réagir ; Israël savait qu’en désespérant tous les Palestiniens, il provoquerait cette révolte.
Mme Annie David. Bien sûr !
M. Aymeri de Montesquiou. Israël savait qu’en bombardant, malgré les protestations de la Croix-Rouge internationale, de Médecins Sans Frontières et des ONG, ce tout petit territoire où sont emprisonnés un million et demi de Palestiniens, il y aurait des centaines de morts – plus d’un millier à l’heure actuelle.
Le Hamas sait que projeter la destruction d’Israël n’est admissible pour aucun pays.
Israël sait qu’en massacrant les Palestiniens de Gaza, il affaiblit considérablement le président Mahmoud Abbas, son seul interlocuteur, et qu’il va provoquer une vague de haine dans tous les pays musulmans.
Comment la communauté internationale a-t-elle pu tolérer cet engrenage ? Elle n’est pas là pour comptabiliser les exactions de chaque camp. Elle doit mettre fin à une épouvantable tuerie et garantir la sécurité d’Israël. Elle doit faire preuve de plus de courage en faisant respecter ses décisions et passer du rôle de spectateur à celui d’acteur.
Jamais le Hamas et Israël ne parviendront à la paix s’ils n’y sont pas contraints, car, par leurs actions délibérées, tous deux ont choisi la guerre.
L’État d’Israël fut créé par une décision internationale dans des conditions terribles, les Palestiniens ont eu leur Oradour-sur-Glane. Cependant, la décision des Nations unies est opposable à tous et une garantie internationale doit être donnée à Israël.
Il faut absolument que la réciproque soit vraie et que soient appliquées toutes les résolutions des Nations unies, même celles qui ne sont pas favorables à Israël, y compris celles qui prévoient le retour aux frontières de 1967. Aujourd’hui, aucune ne l’est.
La communauté internationale ne peut accepter les massacres de Gaza et le risque d’une déstabilisation, qui pourrait entraîner des conséquences géopolitiques importantes, des pays arabes et musulmans, dont les peuples dénoncent l’apathie de leurs gouvernants. Elle ne peut tolérer non plus qu’Israël soit menacé en permanence.
Elle a commis une grande faute en ne reconnaissant pas le résultat des élections de 2006, pourtant organisées sous son contrôle, qui ont donné au Hamas 42 % des sièges au Conseil législatif palestinien.
Elle a commis une grande faute en refusant un gouvernement de coalition où figurait le Hamas, tout en sachant qu’elle allait de ce fait même engendrer un sentiment d’injustice plus fort que toute réflexion rationnelle.
La communauté internationale a les moyens financiers et commerciaux de faire pression sur Israël. Elle a aussi les moyens politiques de faire pression sur les pays qui aideraient le Hamas. Elle a d’ailleurs commencé à s’engager dans cette voie lorsqu’elle a voulu mettre en place à la frontière entre Gaza et l’Égypte, pour empêcher l’entrée des armes destinées au Hamas, une force militaire turque, venant donc d’un pays musulman aux liens étroits avec Israël.
Pour avoir une chance de trouver une issue à ce conflit, nous ne devons pas nous cacher la réalité : il est évident que la religion joue un rôle. La lutte pour Jérusalem, ville non stratégique mais ville symbole, en est la preuve. L’internationalisation des lieux saints est certainement une solution susceptible de contribuer à la paix.
L’expérience a montré que seules les concessions des négociateurs au passé le plus violent pouvaient être acceptées par leur peuple. Menahem Begin et Yasser Arafat furent, à l’origine, des terroristes. Il faudra donc négocier avec le Hamas, qui, tout en refusant de reconnaître l’existence d’Israël, accepte l’existence de deux États.
Un objectif doit être d’obtenir un cessez-le-feu reconductible de six mois pour mettre en application la feuille de route du roi Abdallah d’Arabie Saoudite, soutenue par la communauté internationale. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
Le Président Sarkozy a mobilisé toute l’Union européenne, mais, je le répète, la France elle-même a un rôle majeur à jouer, et c’est sans doute le seul pays qui le peut. Elle n’a jamais choisi un camp au détriment de l’autre. Elle a toujours choisi celui de la justice et du respect des règles internationales.
Pour appeler à la paix, je me référerai à Winston Churchill : « À la guerre, la maxime “sécurité d’abord” mène tout droit à la ruine. » (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le soulignons les uns après les autres : la situation est tragique et l’effroi règne à Gaza, où l’on compte plus d’un millier de morts et de très nombreux blessés, des horreurs étant commises de part et d’autre.
On a parlé de Sderot. Je m’y suis moi-même rendue, j’ai vu et entendu les roquettes Qassam s’abattre sur la ville, terrorisant les habitants. La population d’Israël souffre.
Il n’en demeure pas moins que l’utilisation d’armes nouvelles est indigne. Je pense aux obus à phosphore blanc et aux bombes DIME, ces boules de carbone qui se consument et qui brûlent tout. On en voit des images terribles. Cela est insupportable !
Incontestablement, l’émotion nous gagne. Pour autant, elle ne doit pas altérer l’objectivité de notre analyse politique et des opinions ou des avis que nous sommes susceptibles d’exprimer.
Je voudrais, en ce qui me concerne, m’interroger, d’une part, sur le rôle et la responsabilité de la communauté internationale, et, d’autre part, sur l’issue du conflit : la paix est-elle envisageable ? Qui, réellement, la veut ?
Monsieur le ministre, vous avez souligné tout à l’heure les efforts de la communauté internationale, ceux de la France. Cependant, la communauté internationale est diverse, et sa responsabilité me semble lourde et grave.
Trois États ont une grande influence dans la région : les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne.
Les États-Unis et M. Bush ont considéré que ce conflit n’était pas central et ont apporté un soutien permanent et total à Israël et à sa politique.
Les Britanniques ont joué et jouent encore un rôle historique dans cette partie du Moyen-Orient. M. Blair a inscrit son action dans cette continuité mais brille aujourd’hui par son absence…
L’Allemagne, enfin, écrasée par le poids de l’Holocauste, affiche un soutien permanent, sans doute compréhensible, à Israël.
De son côté, notre pays a joué un rôle et a fait entendre sa voix.
La France de Chirac avait pris une position forte. J’étais à Ramallah en 2005, au moment de l’élection d’Abou Mazen, et j’ai gardé le souvenir des murs de la ville tapissés d’affiches représentant Yasser Arafat et Jacques Chirac.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, la France de Sarkozy mène une politique différente. Vous avez pris, cela est vrai, un certain nombre d’initiatives, s’agissant notamment du plan de paix franco-égyptien. La France a affirmé sa présence, dans le cadre de la présidence de l’Union européenne et de celle du Conseil de sécurité des Nations unies. Les actions auxquelles il a été déjà fait référence ce soir me semblent tout à fait opportunes et se révéleront, je l’espère, efficaces.
Toutefois, nous n’avons pas compris cette politique du rehaussement sans conditions des relations entre l’Union européenne et Israël. Était-ce vraiment là le meilleur signal à envoyer ? Monsieur le ministre, permettez-nous d’en douter. D’ailleurs, nombre de membres du Parlement européen ont émis des réserves à ce sujet.
Il convient également de citer l’action du Quartet pour le Proche-Orient, qui regroupe les États-Unis, l’Union européenne, la Russie et l’ONU.
Monsieur le ministre, dans ce débat, il a beaucoup été question des résolutions de l’ONU. Cependant, même si on parvient à obtenir que les États-Unis s’abstiennent, elles ne sont pas forcément appliquées, à l’instar de la dernière d’entre elles, la résolution 1860, et le droit international est bafoué.
Je voudrais maintenant insister avec force sur ce que je considère comme une erreur majeure commise par la communauté internationale en 2006.
L’année précédente, Mahmoud Abbas, président du comité exécutif de l’OLP et porteur d’un certain espoir, avait été élu président de l’Autorité palestinienne dans des conditions tout à fait normales, tandis que le Hamas gagnait les élections municipales.
En 2006 se tinrent les élections législatives, marquées par un face-à-face entre le Fatah et le Hamas. Ces élections voulues, observées – j’ai fait partie des observateurs – et validées par la communauté internationale furent remportées par le Hamas, ce qui a été vécu comme un événement dramatique, terrible ! Qu’a fait alors la communauté internationale ? Elle a refusé le verdict des urnes…
Mme Josette Durrieu. Était-ce vraiment la chose à faire ? Quel tort fait à la démocratie et à la crédibilité de la communauté internationale ! Nous en payons encore maintenant les conséquences.
J’ajoute que quarante-huit membres du Conseil législatif palestinien sont aujourd’hui en prison. Qui en parle ? Personne ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Michel Billout. Très bien !
M. Guy Fischer. Barghouti !
Mme Josette Durrieu. Dans ces conditions, je veux bien saluer le soldat Shalit et rencontrer sa famille, mais je tiens aussi à saluer les 12 000 prisonniers palestiniens et les quarante-huit parlementaires qui croupissent dans une prison du Néguev.
Monsieur le ministre, refuser le résultat des élections, était-ce vraiment la bonne stratégie ? Je me souviens d’une audition par la commission des affaires étrangères du Sénat du ministre de l’époque, M. Douste-Blazy, au cours de laquelle nous nous étions déjà posé la question.
Aujourd’hui, avec le recul, je le dis clairement : nous avions l’obligation de respecter le résultat de ces élections, puisque nous n’avions pas refusé au Hamas le droit de présenter des candidats. Le même raisonnement vaut d’ailleurs pour le Hezbollah, qui compte non seulement des élus au Parlement libanais, mais aussi des ministres au gouvernement. Du reste, il faudra bien décider un jour si, oui ou non, un groupe armé de résistance peut participer au jeu démocratique.
Monsieur le ministre, aujourd’hui, si nous faisons un bilan, nous sommes donc en droit de nous interroger : fallait-il accepter comme interlocuteur le Hamas, ce mouvement inconnu et redouté ? Jean-Pierre Chevènement l’a souligné, le Hamas avait adressé un certain nombre de signaux pendant la campagne électorale, même si beaucoup de choses restaient dans le non-dit.
Ainsi, il ne reconnaît pas Israël, c’est vrai, mais vous connaissez la formule qu’il utilise : « Israël est là ». Il n’en dira pas davantage. Cela nous suffit-il ? Non, bien qu’il demande à intégrer l’OLP, laquelle, vous le savez très bien, a reconnu l’existence d’Israël. Le Hamas a probablement envie d’avancer masqué sur ce sujet, voilà tout.
Il y avait donc une occasion à saisir, cela était à mon avis indispensable. La communauté internationale ne l’a pas fait : c’est une erreur, même une faute, c’est une défaillance politique incontestable, dont nous payons maintenant le prix. Jean-Pierre Chevènement a posé la question tout à l’heure : étions-nous en mesure de faire évoluer le Hamas ? Aujourd’hui, nous assistons à une guerre annoncée entre le Hamas et Israël, doublée d’une guerre civile qui n’était pas non plus improbable. Le Hamas ne sera pas renversé : présent à Gaza, en progression en Cisjordanie, il restera un interlocuteur incontournable. La boucle est bouclée, nous voilà revenus à la case départ !
Monsieur le ministre, la solution du conflit ne peut être que politique, bien sûr, mais elle ne sera durable que si elle est juste. Croyez-vous qu’Israël veut la paix, monsieur le ministre ? Je me pose très souvent cette question ; vous aussi, j’en suis sûre. Quelle issue au conflit envisage-t-il ? Kissinger le disait volontiers : « Israël n’a pas de politique étrangère, il n’a qu’une politique intérieure. » Nous en avons la preuve tous les jours ! Dans l’immédiat, Israël souhaite certainement une trêve, mais s’agit-il d’une trêve à court terme, à moyen terme ou à long terme, comme le demande le Hamas ? Dans cette dernière hypothèse, le statu quo serait maintenu, pour combien de temps ?
En tout état de cause, le Hamas est un interlocuteur incontournable, y compris pour la France. Notre pays se déshonore en refusant d’engager le dialogue.
Monsieur le ministre, j’ai envie de vous poser une question à laquelle, peut-être, vous ne pourrez pas répondre : que veut M. Obama s’agissant de ce conflit ? Pour l’heure, son silence est éloquent : il se donne du temps, mais quand il voudra trouver une issue à la crise il devra nouer le dialogue. Ce n’est pas là le premier défi majeur qui s’impose à lui – un autre occupe ce rang –, mais l’enjeu est important.
Par ailleurs, puisque vous avez évoqué un « équilibre nouveau », j’aimerais connaître votre vision du Moyen-Orient. Ce conflit occupe-t-il une place centrale, est-il la « matrice des relations internationales », pour reprendre une expression utilisée tout à l’heure ? Quel sera l’ordre régional ? Quelle sera la place des pays arabes, quels rôles seront assignés à la Syrie et à la Turquie ?
Enfin, ma dernière question, peut-être la plus importante, portera sur le nucléaire. Deux États de la région disposent de la bombe. Le traité de non-prolifération de l’arme nucléaire a été signé par l’Iran, qui ne le respecte peut-être guère, mais qui est tout de même soumis au contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique. En revanche, Israël, comme le Pakistan ou l’Inde, ne l’a pas signé. La politique du « deux poids, deux mesures » nous coûte cher. Faut-il laisser deux pays posséder la bombe ou promouvoir la dénucléarisation de la région ?
Sans doute obtiendrons-nous quelques réponses à partir du 20 janvier prochain, jour qui verra l’investiture de M. Obama. Il ne peut y avoir qu’un seul président des États-Unis à la fois, nous a-t-on répété ces derniers jours. Ce ne sera plus George Bush, et c’est tant mieux ! J’espère comme vous, monsieur le ministre, que les efforts consentis pour résoudre la crise pourront enfin aboutir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)