M. le président. L'amendement n° 336, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
« Art. 47-4. - Les présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France sont nommés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour cinq ans. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Afin de replacer cet amendement de repli dans son contexte, je tiens à rappeler l’architecture de la proposition du groupe socialiste pour la nomination des présidents des sociétés nationales de programme.
Nous sommes assez favorables au système britannique, dans lequel le conseil d’administration de la BBC élit son président en son sein parmi les personnalités qualifiées.
Bien entendu, pour qu’un tel système soit applicable en France, il aurait fallu, hier, prendre d’autres décisions. Il aurait fallu permettre que la composition du conseil d’administration témoigne de son indépendance. Celui-ci aurait pu être constitué de parlementaires, de l’opposition et de la majorité, de représentants du personnel et de personnalités qualifiées nommées par une instance elle-même indépendante.
Or, aujourd’hui, force est de constater que l’ensemble des membres du CSA ont été nommés par la majorité. Si l’on veut que la désignation du conseil d’administration par le CSA ne donne pas lieu à contestation, il faut rénover le CSA.
Nous avons fait de nombreuses propositions de réforme de la composition du CSA. Pour éviter que son autorité et son indépendance ne puissent être contestées au fil des alternances, nous sommes arrivés à la conclusion que 50 % de ses membres devaient être issus de la majorité et 50 % de l’opposition.
Ainsi constitué, le CSA d’aujourd’hui, pas plus d’ailleurs que celui de demain, celui qui aurait été en place lorsque nous serions revenus aux affaires, n’aurait souffert d’aucune contestation. Il aurait été indépendant du fait de son mode de nomination paritaire.
Le vote que le Sénat a émis hier sur l’article 7, relatif au conseil d’administration, interdit une telle évolution. Nous préférons donc en rester à la nomination du président de France Télévisions par un CSA rénové.
Nous regrettons que le Sénat, qui a régulièrement montré sa détermination à s’opposer au pouvoir exécutif lorsqu’il cède trop facilement à la tentation de passer outre certains principes fondamentaux, n’ait pas saisi l’opportunité que nous lui donnions, au détour de l’examen de ce texte, de réformer profondément les modalités de désignation des membres du CSA.
Ceux qui croient aux idées pour lesquelles ils se battent ne manqueront pas de relever un paradoxe. Le Sénat s’est prononcé sur notre amendement instituant la parité de la composition du CSA. Le vote, par assis et debout, s’est fait à une voix près, après qu’un sénateur, qui était dans un premier temps resté assis, se fut levé et que le président de séance eut procédé à un nouveau comptage. Il s’en est donc fallu de très peu pour que la composition du CSA soit complètement bouleversée. C’est dommage !
Mes chers collègues, il faut avoir présent à l’esprit que le mandat de trois des actuels membres du collège du CSA se termine dans les prochains jours. Au lieu de dénoncer la politisation du CSA pour instruire un procès en hypocrisie de l’actuel mode de désignation des dirigeants de l’audiovisuel public, mieux vaudrait s’attacher à réformer les conditions de nomination des membres de cette autorité. Je suis persuadé que cela se fera un jour, parce qu’il y va de la crédibilité de cette instance.
À quoi sert une autorité indépendante qui ne peut se prévaloir d’une crédibilité et d’une autorité incontestables ? Le premier pas à faire dans cette direction, mes chers collègues, c’est de voter notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 333, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, remplacer les mots :
les Présidents des sociétés France Télévisions et
par les mots :
les Présidents de la société
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Cet amendement s’inscrit dans la logique développée à l’instant par M. David Assouline, et qui vaut également pour les amendements nos 333, 334 et 335.
L’amendement n° 333 vise, lui aussi, à faire partager notre inquiétude et notre indignation, tant elles sont sincères et profondes, quant à la procédure qu’institue l’article 8 du projet de loi ordinaire.
Elles devraient d’ailleurs, à notre sens, être partagées par l’ensemble des membres de cet hémicycle, qui devraient avoir la lucidité de mesurer le formidable retour en arrière que constitue le fait de voir le pouvoir en place remettre en cause le système qui prévalait jusqu’à maintenant, qui fonctionnait peut-être d’une manière fragile et aléatoire, mais n’en garantissait pas moins, en ce qui concerne la nomination du président de France Télévisions, une relative indépendance.
C’est la raison pour laquelle il nous semble, encore une fois, de notre devoir, de vous soumettre ces trois amendements, afin de tenter d’éveiller la conscience du Sénat…
M. Bernard Frimat. C’est dur !
M. Jean-Jacques Mirassou. … sur le fait que les dispositions de cet article présentent un caractère absolument dérogatoire aux principes fondamentaux de notre République.
Vous-même, monsieur le président, lors de votre élection, vous aviez émis le vœu que notre République soit une République moderne, garantissant la démocratie. Or, cela passe notamment par l’indépendance des chaînes de télévision du secteur public, qui, au moment où nous discutons, sont mises en danger.
La démocratie – et le mot mériterait ici une majuscule –, est donc le corollaire d’une République moderne. Pour que nous nous montrions à la hauteur de cette ambition – partagée, semble-t-il –, une prise de conscience au sein de notre assemblée se justifierait.
M. le président. L'amendement n° 334, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, remplacer les mots :
Les Présidents des sociétés France Télévisions et Radio France
par les mots :
Les Présidents de la société France Télévisions
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 335, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, avant les mots :
sont nommés
supprimer les mots :
et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 261, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après le mot :
nommés
rédiger comme suit la fin du texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
par leur conseil d'administration à la majorité.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Par cette proposition d’amendement, nous vous invitons à réintroduire dans le texte le processus de nomination, à la majorité, bien sûr, des présidents des sociétés par leur conseil d’administration.
Cette proposition appelle le Sénat à un sursaut démocratique. Il ne s’agit d’ailleurs que de la reprise d’un choix fait antérieurement par notre commission des affaires culturelles, comme cela a été rappelé par une référence à Jacques Valade, ancien président de la commission, et à Louis de Broissia.
Je dois d’ailleurs préciser que cette proposition reflétait l’opinion de l’ensemble de la commission, où siégeaient déjà le président actuel de la commission, M. Legendre, et nos rapporteurs, qui avaient été associés à cette réflexion. Il ne s’agissait donc pas d’un point de divergence ou de clivage !
Mais, aujourd’hui, l’autorité du Président Sarkozy et son appétit de tout régir sont passés par là. Oubliée la rénovation ! Remisée l’innovation audacieuse !
Tout se passe comme si les parlementaires ne détenaient pas leur mandat et leur autonomie du peuple, mais pouvaient être révoqués, comme les personnes désignées à l’article 9, par une autorité supérieure !
Chers collègues, il suffirait d’ajouter après le mot « nommés » les quelques mots suivants : « par leur conseil d’administration à la majorité ». Ce serait là une belle preuve d’autonomie qui permettrait à la Haute Assemblée de se relever de l’humiliation qui lui a été infligée en lui donnant à débattre le 7 janvier d’une disposition mise en œuvre le 5 ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 338, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bourzai, MM. Boutant et Domeizel, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :
Conseil supérieur de l'audiovisuel et après avis
insérer le mot :
conforme
La parole est à M. Marc Daunis.
M. Marc Daunis. À la suite du Président de la République, dont certains se doivent d’être les porte-voix fidèles, vous nous avez présenté le dispositif instauré par l’article 8 comme le plus sûr moyen de sortir de l’hypocrisie entourant la nomination des présidents de France Télévisions et de Radio France actuellement en place.
Arrêtons-nous quelques instants, mes chers collègues, si vous le voulez bien, sur cette notion d’hypocrisie. En quoi consiste-t-elle, sinon dans le fait que les conseillers du CSA, et leur président en premier lieu, iraient chercher leurs ordres auprès des autorités les ayant nommés avant de choisir les dirigeants des chaînes de télévision publiques ?
Si nous voulions sortir de cette hypocrisie, sans rompre pour autant avec les nominations politiques des membres du CSA, il resterait à accepter de donner aux commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat le droit d’émettre un avis remettant en cause la décision du Président de la République.
Madame la ministre, cette proposition pourrait constituer, éventuellement, la seule voie, certes étroite, qui permettrait d’éviter une situation qui porterait une atteinte profonde aux libertés dans notre pays, comme l’ont rappelé précédemment différents orateurs. Elle permettrait peut-être également à nos concitoyens de nourrir quelque espoir sur l’attachement des parlementaires aux libertés et sur leur capacité à faire preuve de courage en se prononçant, à l’avenir, contre la volonté présidentielle pour le choix des dirigeants de leur télévision publique.
Sans doute, madame la ministre, ne serez-vous pas réceptive à cet argument ; mais nous souhaitons que notre Haute Assemblée y soit sensible. Le présent amendement contribuerait à renforcer réellement le pouvoir législatif, en donnant aux assemblées la capacité réelle de s’opposer à la décision du seul président de la République, alors que la pratique du pouvoir, confirmée par la révision constitutionnelle de l’été 2008, a fait de celui-ci tout à la fois le chef de l’État, le véritable chef du Gouvernement et le chef de la majorité parlementaire, dans une confusion des pouvoirs préoccupante pour l’évolution de notre système politique.
Il me semble donc qu’il est temps pour nous, parlementaires, de poser des bornes à cette volonté du titulaire de la magistrature suprême de s’approprier des parcelles de pouvoir existantes. Cela est d’autant plus vrai que ces bornes permettront, comme c’est le cas avec cette proposition d’amendement, de préserver l’indépendance de l’audiovisuel public, et donc la liberté des journalistes d’informer sur le pouvoir et de le critiquer.
Enfin, permettez-moi de m’étonner que l’on puisse d’un côté parler d’hypocrisie à propos de la décision prise par les neuf membres d’une institution, au motif que ceux-ci seraient trop proches du pouvoir, et, de l’autre, considérer comme une amélioration le fait qu’il n’y ait plus qu’une seule personne – celle qui détient tout le pouvoir – qui décide ! (M. David Assouline applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 337, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
commissions parlementaires compétentes
rédiger comme suit la fin du texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
chargées des affaires culturelles. Il ne peut être procédé à la nomination lorsque l'addition des votes positifs dans chaque commission représente moins de trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Dans la logique de notre proposition précédente, il nous semble indispensable que les dispositions de l’article 8 soient amendées, afin que le pouvoir de nomination du Président de la République soit réellement encadré.
Je citerai l’un de nos plus illustres penseurs des Lumières, Montesquieu : « C’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. »
La protection de l’indépendance de notre radio et de notre télévision publiques, de la liberté des journalistes y travaillant et du pluralisme devant régir leurs programmes exige que nous prenions la responsabilité de mettre un frein minimal à l’exercice, par le chef de l’État, du pouvoir de nomination que lui donneraient les dispositions de l’article 8.
Ce serait là marquer notre profonde désapprobation du virage que prend aujourd’hui notre République sous la direction de celui qui s’en veut le conducteur, pour lequel tout se passe comme si la démocratie se réduisait à la légitimation par les urnes des gouvernants, selon le principe : « Puisque j’ai été élu, toutes mes décisions sont légitimes, et je ne fais que prendre mes responsabilités » ou « puisque j’ai la majorité, j’ai tous les droits ! »
Tel est le sophisme qui permet au chef de l’État de justifier ses choix les plus contestables, ceux qui restreignent les libertés civiles et politiques, comme ceux qui détricotent progressivement les mailles de notre protection sociale et de notre droit du travail.
C’est une nouvelle vision de la démocratie et de la responsabilité politique qui s’affirme de la sorte, indéniablement en rupture avec une longue tradition parlementaire et « droit-de-l’hommiste ». Mais cette vision est, elle aussi, très ancienne, car elle s’inscrit parfaitement dans la lignée d’une doctrine bonapartiste et plébiscitaire, qui sacralise l’idée d’une relation directe entre le peuple et son chef, tout en dévalorisant, d’un même mouvement, les corps intermédiaires, la société civile et l’État de droit.
Pierre Rosanvallon, dans le discours que nous citions à l’appui de l’une de nos propositions d’amendement à cet article, remarquait, après avoir dressé le même constat que celui que nous avons exposé, que « triomphe simultanément en Russie la théorie de la “démocratie souveraine” sur laquelle s’appuie le pouvoir pour justifier son droit à restreindre les droits de l’opposition ».
De la création d’un ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire aux tests ADN, de la volonté de nommer arbitrairement les dirigeants de l’audiovisuel public au désir de supprimer les juges d’instruction, en passant par le projet de restreindre le droit d’amendement des parlementaires, le Président Sarkozy s’inscrit parfaitement dans cette logique « poutinienne » du pouvoir. (Sourires.)
C’est pour freiner cette tendance mortifère pour notre République que, de nouveau, nous appelons solennellement nos collègues de la majorité à voter notre présente proposition d’amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 443, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application des dispositions du présent article, la commission parlementaire compétente dans chaque assemblée est celle chargée des affaires culturelles. »
La parole est à M. Michel Thiollière, rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision de la part de la commission, visant à tirer les conséquences de la décision n° 2008-572 DC du 8 janvier 2009 du Conseil constitutionnel, qui a déclassé les dispositions d’une loi organique portant application de l’article 13 de la Constitution, dans la mesure où celle-ci désignait la commission permanente compétente au sein de chaque assemblée pour la mise en œuvre de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Cette précision relève de la loi ordinaire.
En conséquence, le présent amendement tend à inscrire dans la loi ordinaire que la commission compétente est celle chargée des affaires culturelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Sur les amendements identiques nos 130, 260 et 332, votre commission souhaite ardemment qu’une précision soit apportée sur le processus de nomination.
Cela fait quelques semaines, pour ne pas dire quelques mois, qu’on entend les arguments des uns et des autres. Chacun a d’ailleurs bien le droit de s’exprimer comme il le souhaite sur ce sujet. Cela étant, il nous faut veiller à ce que la procédure soit bien expliquée dans son intégralité, de manière que les différents avis puissent être formulés en toute connaissance de cause !
Or, on ne peut pas dire, sauf à méconnaître le processus prévu par le présent texte, que la décision en question serait un oukase du Président de la République. En effet, la proposition du Président de la République sera soumise au CSA, et, si celui-ci ne l’approuve pas, elle sera refusée. Nous prévoyons même, dans un futur amendement, plus de sécurité en ce qui concerne le nombre de voix requis au sein du CSA.
M. Marc Daunis. Alors pourquoi modifier le mode de nomination ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. De fait, le projet de loi instaure une procédure de codécision et de partage du pouvoir de nomination entre le Président de la République et le CSA.
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
M. Michel Thiollière, rapporteur. Mes chers collègues, nous vous avons longuement entendus. Si vous aviez la gentillesse d’écouter l’avis de la commission, nous pourrions avancer dans le débat !
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Tout à fait !
M. Michel Thiollière, rapporteur. Il revient au Président de la République de proposer le nom d’un candidat, tandis que, pour sa part, le CSA peut accepter ou refuser cette candidature.
Le processus comprend une troisième étape : une fois franchi le barrage du CSA, la proposition de nomination sera examinée par les commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui pourront la rejeter à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Certes, on peut regretter – et c’est particulièrement le cas de votre commission – que l’article 13 de la Constitution prévoie un simple pouvoir de veto pour le Parlement requérant la majorité des trois cinquièmes.
On peut regretter que la Haute Assemblée ait alors accepté une telle rédaction de la Constitution, qui nous oblige aujourd’hui à relever que le CSA se verra reconnaître des pouvoirs plus étendus que les commissions parlementaires. C’est une forme de paradoxe qui ne nous satisfait guère. Cependant, dès lors que nous entrons dans le champ de l’article 13, nous ne pouvons pas aller plus loin.
En tout état de cause, deux verrous viendront encadrer la procédure de nomination : le pouvoir de codécision du CSA, d’une part, et le pouvoir de veto des commissions chargées des affaires culturelles, d’autre part.
Par ailleurs, ayant été soumises à la publicité grâce à l’amendement que nous avons voté jeudi dernier, les auditions des commissions constitueront une sorte d’épreuve publique préparant le choix qu’auront à faire le Président de la République, le CSA, puis nous-mêmes. Cette explication, accessible au grand public, du projet défendu par le candidat qui aura été présenté concourt donc à une forme de transparence. Elle n’aura rien d’une formalité, et l’on peut imaginer que la personnalité pressentie qui aura franchi ces trois étapes sera fondée à diriger l’audiovisuel public.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, la commission ne peut pas souscrire à la suppression de l’article 8 à laquelle tendent les amendements identiques nos 130, 260 et 332, sur lesquels elle émet donc un avis défavorable.
De la même façon, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement no 131 rectifié, proposé par nos collègues du groupe CRC-SPG. Nous pouvons saluer l’effort d’inventivité institutionnelle de ses auteurs, mais nous ne pouvons y être favorables, pour au moins deux raisons.
Tout d’abord, la commission considère que le dispositif proposé dans le projet de loi encadre de manière convaincante et suffisante la nouvelle procédure de nomination.
Ensuite, elle estime que les dispositions contenues dans l’amendement ne sont pas constitutionnelles. En effet, l’intervention du CSA n’y est pas prévue, alors qu’elle est une nécessité et que le CSA doit au moins disposer d’un pouvoir de codécision, comme c’est le cas dans l’actuel projet de loi.
Le CSA est une autorité administrative indépendante dont l’intervention garantit l’exercice effectif de la liberté de communication et de son corollaire, l’indépendance des présidents des sociétés nationales de programme. Or, la commission « pour le pluralisme et les médias » proposée dans l’amendement, si elle a pour elle les avantages du pluralisme, n’a pas la qualité d’autorité indépendante puisqu’il s’agit d’une autorité certes pluraliste, mais d’essence avant tout politique.
Le respect de la jurisprudence constitutionnelle commande donc que le CSA soit associé à la décision. Tel n’est pas le cas en l’espèce. En conséquence, la commission ne peut être favorable à l’amendement no 131 rectifié.
Je tiens enfin à préciser que c’est cette même raison, à savoir la nécessité de l’intervention du CSA, qui a conduit à ne pas retenir les dispositifs proposés par la commission Copé. Celle-ci prévoyait que les présidents seraient nommés sur une liste de candidats proposés par le CSA, qui, dès lors, n’aurait eu qu’un simple pouvoir de proposition. Une telle mesure n’aurait pas été conforme à la Constitution, qui autorise le législateur à modifier les procédures de nomination sous réserve qu’il ne prive pas de garanties légales des exigences de nature constitutionnelle.
La commission a également émis un avis défavorable sur l’amendement no 336 de nos collègues du groupe socialiste, parce qu’il tend à revenir au dispositif actuel. Même si elle comprend les intentions qui ont animé ses auteurs, elle ne croit pas possible de les partager.
La commission estime que la nouvelle procédure de nomination aura l’avantage – il n’est pas seulement symbolique – de lever tous les doutes qui, pendant de longues années, se sont exprimés sur tous les bancs à propos de la nomination par le CSA des présidents de France Télévisions et de Radio France, quelles que soient les qualités des présidents de la République et des membres du CSA.
Nous avons tous en mémoire les échos qui, depuis quelques années, résonnent à propos de la nomination des différents présidents. Dans les conditions actuelles, chacun suppute l’influence de l’Élysée sur les choix du CSA. C’est normal, c’est même le jeu classique de la démocratie, mais personne jusqu’ici n’a pu croire que le Président de la République se soit complètement désintéressé de la question et ait été écarté de la décision.
Nous connaissons donc une procédure de nomination qui est marquée par le doute, voire le soupçon, et ne contraint pas le Président de la République à expliciter publiquement ses choix : chacun sait ou suppose qu’il a choisi, mais nul ne peut lui reprocher sa décision puisqu’il ne l’a pas assumée publiquement. En clarifiant les choses, le dispositif prévu dans le présent projet de loi a l’immense qualité de faire peser la responsabilité du choix du président de France Télévisions et de Radio France sur les épaules du Président de la République, au vu et au su de tous.
Ce choix sera ensuite examiné à trois reprises : devant le CSA tout d’abord, puis devant chacune des commissions parlementaires chargées des affaires culturelles. La proposition du Président de la République devra donc être judicieuse, pertinente et argumentée.
Au vu des garanties posées à l’article 8, la commission estime qu’il s’agit d’une clarification utile pour la vitalité du débat démocratique et, partant, pour la télévision et la radio publiques elles-mêmes. Car, pour la démocratie, rien n’est pire qu’une forme d’obscurantisme et rien ne vaut mieux que la transparence.
La commission émet également un avis défavorable sur les amendements nos 333 à 335, qui, bien que sous des formes variées et inventives, tendent à revenir sur la rédaction du projet de loi.
Pour les raisons déjà évoquées, l’amendement no 261 recueille lui aussi un avis défavorable : la nomination par le conseil d’administration ne suffit pas puisque l’intervention et la codécision du CSA sont nécessaires. Or celles-ci ne sont pas prévues dans le présent amendement.
L’amendement no 338 a fait l’objet d’un long débat qui a conduit la commission à estimer que la proposition qu’il contenait n’était pas constitutionnelle. La raison en est simple : l’article 13 de la Constitution, qui s’applique nécessairement à la nomination des présidents des sociétés nationales de programme à partir du moment où l’on pose le principe que celle-ci relève du Président de la République, impose une procédure précise. Or celle-ci ne prévoit qu’un veto des commissions et ne pose pas le principe d’une confirmation par chacune des deux chambres. Le législateur ordinaire, qui est tenu par la loi fondamentale, ne peut modifier l’équilibre des pouvoirs s’il doit en résulter une contradiction avec une disposition explicite de la Constitution.
Sur le fond, la commission ne serait pas opposée à un tel avis conforme. Elle considère notamment qu’elle reconnaîtrait au Sénat son rôle d’assemblée parlementaire à part entière. Néanmoins, je le répète, la Constitution nous oblige et, lorsqu’elle définit clairement les règles applicables, le législateur n’a d’autre choix que de les appliquer.
La commission fait donc sienne la proclamation solennelle du Conseil constitutionnel selon laquelle la loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution.
Encore une fois, quelle que soit la sympathie que nous éprouvons pour cet amendement, nous ne pouvons qu’émettre un avis fermement défavorable compte tenu de la lettre de la Constitution.
Enfin, et pour les mêmes raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement no 337.