Sommaire
Secrétaires :
MM. François Fortassin, Marc Massion.
2. Modalités d’organisation d’un débat
nuisances sonores causées par le survol d’avions militaires
Question de M. Claude Domeizel. – MM. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants ; Claude Domeizel.
devenir des écoles de reconversion professionnelle de l’onac
Question de M. Jean-Pierre Demerliat. – MM. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants ; Jean-Pierre Demerliat.
avenir de la profession d'avoué
Question de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jean-Pierre Godefroy.
Question de Mme Anne-Marie Payet. – Mmes Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice ; Anne-Marie Payet.
Avenir du palais de justice de Strasbourg
Question de M. Roland Ries. – Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Roland Ries.
Indemnisation des sinistrés de la sécheresse
Question de Mme Marie-France Beaufils. – Mmes Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur ; Marie-France Beaufils.
Réforme de la formation professionnelle
Question de M. Claude Biwer. – Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur ; M. Claude Biwer.
amélioration du système des brevets en Europe
Question de M. Richard Yung. – Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur ; M. Richard Yung.
imposition des emprises militaires dans le département du Cher
Question de M. Rémy Pointereau. – Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur ; M. Rémy Pointereau.
sanction des dépassements de vitesse
Question de Mme Anne-Marie Escoffier. – Mmes Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; Anne-Marie Escoffier.
Question de M. Francis Grignon. – Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Francis Grignon.
plan d’urgence pour améliorer la desserte de la plate-forme de Roissy-en-France
Question de M. Michel Billout. – Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Michel Billout.
Question de M. Hubert Haenel. – Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Hubert Haenel.
plate-forme hospitalière du sud de la Seine-et-Marne
Question de M. Yannick Bodin. – MM. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports ; Yannick Bodin.
réorganisation du réseau des creps
Question de M. Michel Teston. – MM. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports ; Michel Teston.
avenir de l'école de police de Vannes
Question de Mme Odette Herviaux. – M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports ; Mme Odette Herviaux.
avenir de l'Agence France-Presse et de son statut
Question de M. Ivan Renar. – MM. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports ; Ivan Renar.
Question de M. Roger Madec. – Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville ; M. Roger Madec.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
4. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
5. Communication audiovisuelle. – Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
MM. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; le président, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication ; M. David Assouline.
MM. Jack Ralite, David Assouline.
Amendements identiques nos 130 de M. Jack Ralite, 260 de Mme Marie-Christine Blandin et 332 de M. David Assouline ; amendements nos 131 rectifié de M. Jack Ralite, 333 à 338 de M. David Assouline, 261 de Mme Marie-Christine Blandin et 443 de la commission. – M. Jack Ralite, Mme Marie-Christine Blandin, MM. David Assouline, Jean-Jacques Mirassou, Marc Daunis, Jean-Luc Fichet, Michel Thiollière, rapporteur ; Mmes la ministre, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Bernard Frimat, Gérard Longuet, Michel Mercier, Jean-Pierre Plancade. – Rejet, par scrutin public, des amendements nos 130, 260 et 332.
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
M. David Assouline. – Rejet des amendements nos 131 rectifié, 336, 333 à 335, 261, 338 et 337 ; adoption de l’amendement no 443.
Mmes Catherine Tasca, Marie-Christine Blandin, MM. Yannick Bodin, Robert del Picchia, Jack Ralite, Jean-Pierre Sueur.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
MM. Guy Fischer, David Assouline.
Amendements identiques nos 132 de M. Jack Ralite, 262 de Mme Marie-Christine Blandin et 339 de M. David Assouline ; amendements nos 133 de M. Jack Ralite, 20 de la commission et sous-amendement no 225 rectifié de M. Michel Mercier ; amendements nos 340 à 343 de M. David Assouline et 263 de Mme Marie-Christine Blandin. – M. Ivan Renar, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Pierre Sueur, Michel Thiollière, rapporteur ; Michel Mercier, Claude Bérit-Débat, Mme Maryvonne Blondin, M. Claude Domeizel, Mme la ministre, MM. David Assouline, Jean-Pierre Plancade, Jean-Jacques Mirassou, Serge Lagauche. – Rejet, par scrutin public, des amendements nos 132, 262 et 339 ; rejet des amendements nos 133 ; adoption du sous-amendement no 225 rectifié et de l'amendement no 20 modifié, les autres amendements devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 134 de M. Jack Ralite. – Mmes Isabelle Pasquet, Catherine Morin-Desailly, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; la ministre, M. David Assouline. – Rejet.
Adoption de l'article.
Mme Marie-Christine Blandin, M. David Assouline.
Adoption de l’article.
Amendement n° 21 de la commission. – Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur ; la ministre. – Adoption.
Amendement n° 135 de M. Jack Ralite. – M. Ivan Renar, Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur ; la ministre. – Rejet.
Amendement n° 344 de M. David Assouline. – M. David Assouline, Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur ; la ministre, Marie-Christine Blandin. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement no 22 de la commission et sous-amendements identiques nos 180 rectifié de M. Yves Pozzo di Borgo et 432 rectifié de Mme Catherine Dumas. – MM. Michel Thiollière, rapporteur ; Yves Pozzo di Borgo, Mmes Catherine Dumas, la ministre, M. David Assouline. – Adoption des sous-amendements nos 180 rectifié et 432 rectifié ; adoption de l’amendement n° 22 modifié.
Amendements identiques nos 419 de M. Hervé Maurey et 430 de M. Philippe Dominati. – MM. Hervé Maurey, Michel Thiollière, rapporteur ; Mmes la ministre, Marie-Christine Blandin. – Devenus sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendements identiques nos 136 de M. Jack Ralite et 345 de M. David Assouline. – MM. Jean-François Voguet, David Assouline, Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur ; la ministre. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l’article.
Amendement n° 24 de la commission. – Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur ; la ministre, MM. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Hervé Maurey, David Assouline, Pierre Hérisson, Éric Doligé, Serge Lagauche. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 14
Amendement n° 25 rectifié bis de la commission. – Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur ; la ministre, M. Ivan Renar. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 26 de la commission. – Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur ; la ministre, MM. David Assouline, Ivan Renar, Mme Marie-Christine Blandin, M. Serge Lagauche. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 27 rectifié de la commission. – Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur ; la ministre, M. Ivan Renar. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Articles 14 bis et 14 ter (réservés)
Amendements identiques nos 29 de la commission, 92 de Mme Anne-Marie Payet, 187 de M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis, et 350 de M. David Assouline. – Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur ; Anne-Marie Payet, MM. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis ; Mmes Maryvonne Blondin, la ministre. – Adoption des quatre amendements supprimant l’article.
Article additionnel après l’article 14 quater
Amendements identiques nos 202 de M. Yves Pozzo di Borgo et 421 de M. Philippe Dominati. – MM. Yves Pozzo di Borgo, Philippe Dominati, Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur ; la ministre, M. David Assouline. – Retrait des deux amendements.
Amendement n° 352 de M. Jean-Etienne Antoinette. – MM. Claude Bérit-Débat, Michel Thiollière, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 290 de Mme Marie-Christine Blandin. – Mme Marie-Christine Blandin, M. Michel Thiollière, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 140 de M. Jack Ralite. – MM. Jean-François Voguet, Michel Thiollière, rapporteur ; Mmes la ministre, Marie-Christine Blandin. – Rejet.
Amendement n° 353 rectifié de M. David Assouline. – MM. David Assouline, Michel Thiollière, rapporteur ; Mmes la ministre, Marie-Christine Blandin. – Adoption.
Amendement n° 85 de M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis. – MM. Robert del Picchia, Catherine Morin-Desailly, rapporteur ; Mme la ministre. – Adoption.
Amendement n° 139 de M. Jack Ralite. – M. Ivan Renar, Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur ; la ministre. – Retrait.
Amendement n° 86 de M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis. – M. Robert del Picchia, Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur ; la ministre. – Adoption.
Amendements identiques nos 264 de Mme Marie-Christine Blandin et 354 rectifié de M. David Assouline ; amendement no 30 de la commission et sous-amendements nos 266 de Mme Marie-Christine Blandin, 213 rectifié bis, 214 rectifié de Mlle Sophie Joissains et 267 de Mme Marie-Christine Blandin ; amendements identiques nos 231 de M. Hervé Maurey et 424 de M. Philippe Dominati ; amendements nos 355 de M. David Assouline, 265 de Mme Marie-Christine Blandin et 243 de M. Hervé Maurey. – Mmes Marie-Christine Blandin, Bernadette Bourzai, M. Michel Thiollière, rapporteur ; Melle Sophie Joissains, M. Hervé Maurey, Mmes Bariza Khiari, la ministre, MM. Jean-Pierre Sueur, David Assouline, François Fortassin. – Rejet des amendements nos 264, 354 rectifié et du sous-amendement no 266 ; adoption des sous-amendements nos 213 rectifié bis et 214 rectifié, le sous-amendement no 267 devenant sans objet ; adoption de l’amendement n° 30 modifié, les amendements nos 231, 424, 355, 265 et 243 devenant sans objet.
Amendement n° 31 de la commission. – Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur ; la ministre. – Adoption.
Amendement n° 32 de la commission. – Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur ; la ministre, M. David Assouline. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
6. Transmission d’un projet de loi
compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Romani
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Marc Massion.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Modalités d’organisation d’un débat
M. le président. Mes chers collègues, hier, le Gouvernement a inscrit une déclaration de politique générale sur le Proche-Orient à l’ordre du jour prioritaire de la séance de demain soir, mercredi 14 janvier, à vingt et une heures trente.
Pour le débat suivant la déclaration, sur proposition du président du Sénat et en accord avec les groupes politiques, nous pourrions attribuer un temps de parole de deux heures aux orateurs des groupes et un temps de quinze minutes au président de la commission des affaires étrangères.
Les inscriptions de parole devraient être faites avant demain, onze heures.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
3
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
nuisances sonores causées par le survol d’avions militaires
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la question n° 348, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur les nuisances sonores considérables causées par le survol d’avions militaires, comme cela a été particulièrement le cas en novembre dernier dans les Alpes-de-Haute-Provence, survolées quotidiennement et de manière incessante par des Rafale et des Mirage 2000.
Je voudrais savoir si la réglementation autorise ces survols intempestifs, d’autant qu’une partie du territoire survolé se situe dans le parc naturel régional du Luberon. Je souhaite que vous m’informiez sur la réglementation de ces survols à basse altitude, parfois même à très basse altitude, et sur les mesures que vous comptez prendre pour que cessent ces insupportables nuisances sonores subies pendant des heures par l’ensemble de la population.
J’ajoute que les parcs naturels régionaux ne subissent pas le même sort que les parcs nationaux, puisque les conditions de survol de ces derniers sont beaucoup plus restrictives, y compris à l’occasion de grandes manifestations. Ainsi, lors du Tour de France, l’ensemble des aéronefs affectés à son organisation ont dû survoler le territoire concerné à une très grande hauteur, afin de ne pas nuire à la tranquillité de la région.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, les préoccupations sur lesquelles vous appelez mon attention, après avoir sans doute été interpellé sur ce sujet par vos concitoyens, sont tout à fait compréhensibles. Pour résider moi-même régulièrement à proximité d’une base aérienne, je sais ce qu’il en est.
Je tiens à vous assurer que les équipages de l’armée de l’air effectuent leur activité aérienne sur l’ensemble du territoire national dans le respect, bien sûr, des règles de vol prescrites par la réglementation en vigueur. Ainsi, le territoire ne peut être survolé, hors agglomération et zones réglementées, au-dessous d’une hauteur minimale de 150 mètres par rapport au sol.
Certes, vous l’avez rappelé, le parc naturel régional du Luberon n’est protégé par aucun statut particulier y interdisant le survol en basse altitude. C’est ainsi que, du 20 octobre au 7 novembre 2008, s’est déroulé, dans votre département, l’exercice CASEX P8-2008.
Cet exercice local mettait en œuvre un grand nombre d’aéronefs de combat français et étrangers avec simulations de passe de tir au profit d’un stage de formation des contrôleurs air avancés, couramment dénommés JTAC dans le jargon des opérations.
Les missions effectuées en moyenne et basse altitudes ont nécessité la mise en œuvre de trois zones réglementées temporaires dans la région de Manosque. Les aéronefs y ont évolué à grande vitesse entre le sol et 6 000 mètres.
Afin de répondre aux exigences des missions confiées par les hautes autorités de l’État, l’armée de l’air est appelée à réaliser certaines de ses missions opérationnelles dans des zones montagneuses. C’est d’ailleurs particulièrement le cas dans le cadre de l’entraînement aux opérations aériennes en Afghanistan.
Néanmoins, conscient de la gêne sonore et des risques que peuvent occasionner ces passages d’avions, je puis vous assurer, monsieur Domeizel, que la planification de l’entraînement des équipages tient compte de la meilleure répartition possible au-dessus du territoire, afin que l’effet de dilution engendre une moindre gêne. Ces entraînements, limités au strict nécessaire, sont toujours effectués dans un souci d’assurer le meilleur niveau de sécurité et de réalisme, tout en réduisant, autant que faire se peut, les désagréments subis par les populations.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Néanmoins, si j’ai bien compris, les habitants de notre territoire seront appelés à subir d’autres survols à l’occasion de nouveaux exercices.
M. Claude Domeizel. Il faut en être conscient, et vous venez de le reconnaître vous-même, il s’agit d’une gêne très importante pour nos concitoyens.
Pour en avoir moi aussi subi les conséquences, je peux vous dire qu’il est fort désagréable d’entendre le bruit d’avions passant au-dessus de vos têtes pendant des heures, parfois à très basse altitude. Il conviendrait de tenir compte de ces nuisances et de changer le lieu d’exercice des entraînements militaires le plus souvent possible.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Ce sera fait !
devenir des écoles de reconversion professionnelle de l’onac
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, auteur de la question n° 360, adressée à M. le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur le devenir des écoles de reconversion professionnelle de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC.
Créées en 1916 dans le but de réinsérer professionnellement les mutilés de la Grande Guerre, ces écoles se sont progressivement ouvertes à d’autres catégories de personnes : les mutilés du travail à partir de 1924, les travailleurs handicapés à partir de 1962, les agriculteurs en reconversion en 1965, les enfants de harkis en 1989 et les militaires en reconversion à partir de 1997.
Les neuf écoles de reconversion professionnelle réparties sur l’ensemble du territoire national accueillent ainsi aujourd’hui près de 2 000 stagiaires. Si les ressortissants du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre y ont encore leur place, l’essentiel de leur effectif est désormais constitué de personnes reconnues travailleurs handicapés.
L’école Féret-du-Longbois, à Limoges, est le seul établissement de ce type dans le grand Centre-Ouest. L’intérêt de sa localisation n’est plus à démontrer puisque 60 % des stagiaires sont issus de la région Limousin et des départements limitrophes, en raison, sans doute, des formations spécifiques de qualité qui y sont dispensées.
Au fil des années, ces écoles ont su développer un véritable savoir-faire pour l’accompagnement de la personne en reconversion. Elles proposent ainsi plus d’une cinquantaine de formations diplômantes ou qualifiantes dans de très nombreux secteurs d’activités. Leurs résultats sont exemplaires, qu’il s’agisse du taux de réussite aux examens, plus de 85 %, ou du taux d’insertion professionnelle, plus de 70 %.
Or, aujourd’hui, les personnels administratifs et enseignants sont très inquiets quant à l’avenir de leurs établissements.
Dans le cadre de l’élaboration du deuxième contrat d’objectifs et de moyens de l’ONAC, vous avez engagé, monsieur le secrétaire d’État, une réflexion sur la modernisation de la gestion de ces écoles. Parmi les solutions à l’étude figure la possibilité de les confier à une filiale de l’ONAC ou à des établissements publics locaux.
Vous-même avez évoqué devant notre assemblée, le 28 novembre dernier, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, la possibilité d’un regroupement de ces écoles dans une ou plusieurs fondations. Si tel devait être le cas, il s’agirait ni plus ni moins d’une privatisation, avec toutes les conséquences que cela impliquerait, notamment sur l’offre de formation et sur le statut des personnels.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais donc savoir où en est la réflexion sur la modernisation de la gestion des écoles de reconversion professionnelle et connaître les solutions envisagées par le Gouvernement. Si aucune décision n’est encore prise, j’aimerais, à tout le moins, avoir une idée du calendrier prévu.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, vous le savez, puisque vous êtes un fin connaisseur de ce dossier, les écoles de reconversion professionnelle de l’ONAC ont su effectivement développer, au fil des années, un véritable savoir-faire pour l’accompagnement de la personne en reconversion, et leurs résultats sont exemplaires, qu’il s’agisse du taux de réussite aux examens ou du taux d’insertion professionnelle.
Dès lors, le Gouvernement a bien évidemment la volonté de conforter ces écoles dans leur mission. Il est en revanche manifeste qu’elles doivent continuer à évoluer, en élargissant leur domaine d’intervention à d’autres publics plus éloignés de l’emploi. Pour obtenir les moyens nécessaires à cette évolution, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre va rapidement s’engager dans la négociation d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens avec la direction générale des affaires sociales.
De même, les modalités de gestion de ces écoles doivent évoluer pour permettre à ces dernières de bénéficier totalement des souplesses de gestion offertes par leur caractère d’établissements médico-social, sans pour autant rompre le lien avec le monde combattant et ses valeurs. Différentes hypothèses, dont le recours à une fondation, sont d'ores et déjà à l’étude et doivent déboucher sur une solution définitive pour le 31 décembre 2011. Nous avons donc le temps.
Cette évolution aura pour cadre le deuxième contrat d’objectifs et de moyens, qui sera présenté d’ici à quelques jours, le 27 janvier prochain, au conseil d’administration de l’ONAC.
J’étudie de près ce dossier qui me tient à cœur. J’ai d’ailleurs l’intention, lors d’une tournée dans les départements, les établissements et les écoles – notamment très bientôt dans celle qui est située à Limoges, je l’espère – de me rendre compte de visu de la situation, des potentiels et des perspectives d’évolution.
Je continuerai donc à aller sur le terrain, y compris dans ces écoles. Mon objectif n’est pas du tout de jeter le bébé avec l’eau du bain ! Je n’ai pas non plus l’intention de remettre en cause tout ce qui est fait par ces écoles, qui fonctionnent très bien ainsi et ont un excellent potentiel.
Je ne perds pas de vue ma volonté de faire évoluer la situation dans l’esprit que je viens de rappeler. Encore une fois, il faut être vigilant, mais il n’est pas nécessaire de s’inquiéter.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des précisions que vous avez bien voulu apporter.
Je retiens de vos propos que l’implantation géographique de ces écoles ne paraît pas, à ce jour, menacée, ce qui serait grave pour les stagiaires parce qu’ils ont des habitudes. Beaucoup d’entre eux – et il s’agit d’adultes qui ont des conjoints et des enfants – ont abandonné l’endroit où ils vivaient pour venir s’installer près de ces établissements. Il ne faudrait donc pas les obliger à changer d’endroit encore une fois.
Se pose ensuite la question des personnels, qui, sous contrat ou vacataires, n’ont pas une mobilité géographique aisée.
J’acquiesce à ce que vous semblez promettre mais, monsieur le secrétaire d’État, faites en sorte que ces établissements restent à l’endroit où ils sont. Puisqu’ils ont une efficacité certaine, vous pouvez en créer d’autres. Pourquoi pas ?
avenir de la profession d'avoué
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 334, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sur l’intention de la Chancellerie de supprimer la profession d’avoué à compter du 1er janvier 2010.
Cette décision a été annoncée brusquement et a surpris toute la profession. Or, cette décision a des conséquences qui ne sont pas neutres ; elle risque de causer un important préjudice à la fois économique et humain aussi bien pour les professionnels concernés que pour les justiciables. Elle risque également de perturber le bon fonctionnement de la justice.
C’est toute une profession qui est ainsi vouée à disparaître ! Je précise qu’elle compte plus de 2500 salariés répartis sur l’ensemble du territoire français entre 235 études et 28 cours d’appel et que les avoués interviennent en priorité sur les affaires des justiciables les plus modestes.
Les avoués sont des officiers ministériels qui représentent les parties devant les cours d’appel. Ils ont exclusivement le droit de postuler et de prendre des conclusions devant la juridiction auprès de laquelle ils sont établis. Cette fonction exclusive en fait des spécialistes du droit judiciaire privé, contrairement aux avocats qui ont une activité juridique importante et dont l’activité judiciaire, même si elle peut être relativement développée en première instance, est extrêmement marginale devant les cours d’appel en matière civile et commerciale.
Les correspondants les plus importants d’une étude d’avoués ont entre huit et quinze dossiers en appel dans une année alors que la moyenne pour les avocats traditionnels en appel est de deux à quatre dossiers par an.
Les avoués exercent donc des compétences tout à fait particulières et ont développé des techniques spécifiques. De fait, la reconversion d’un avoué en avocat, comme vous l’avez suggéré, ne sera ni automatique, ni évidente. Les avoués ne pratiquent pas le métier d’avocat même s’ils ont les mêmes diplômes universitaires et des qualifications proches en procédure. Ils sont en fait aussi éloignés du métier d’avocat que le sont les avocats à la Cour de cassation.
Ceux qui ont été avocats avant de devenir avoués savent qu’ils exercent une tout autre profession, fondamentalement différente, entièrement consacrée à l’activité des cours d’appel et à la technique spécifique du procès en appel.
Madame la ministre, la spécificité est encore plus évidente pour les collaborateurs des avoués qu’une telle suppression mettra dans une situation très délicate. Il s’agit en grande majorité – 90 % – de femmes qui risquent de se trouver sans travail et donc sans ressources le 1er janvier 2010.
De même, il faut le rappeler, les avoués n’ont pas de clientèle propre ; les dossiers leur sont adressés par les avocats, au nom ou pour le compte de leurs clients qu’ils ont eux-mêmes représentés ou assistés en première instance. La clientèle institutionnelle des avoués à la cour n’est en réalité attachée à leurs études qu’en raison du caractère obligatoire du recours à un avoué pour la procédure d’appel.
Je voudrais donc savoir si une étude préalable sur les conséquences de cette décision a été réalisée, si une concertation a enfin été engagée avec les professionnels concernés, si des mesures sont envisagées afin d’en atténuer les effets économiques et sociaux et si un processus d’indemnisation a été prévu.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, la réforme des avoués a été envisagée en 1971. Les avoués ont alors été supprimés au niveau des tribunaux de grande instance, mais la réforme n’a pas été poursuivie au niveau des cours d’appel.
Ce projet récurrent n’a jamais été réalisé. Il s’agit d’un engagement du Président de la République et nous souhaitons aujourd’hui le mettre en œuvre, dans l’intérêt du justiciable pour une plus grande efficacité, mais aussi pour une plus grande lisibilité de la justice.
Le recours à un avoué est obligatoire en cas d’appel et dans le domaine civil, ce qui n’est pas le cas dans le domaine pénal. Or, pour le justiciable, avoir un avocat et un avoué n’est souvent pas compréhensible et encore moins lisible.
Il s’agit donc de réformer la justice pour qu’elle soit plus compréhensible, plus lisible, plus accessible au justiciable et évidemment moins onéreuse. Comme vous le savez, la double assistance d’un avocat et d’un avoué est très coûteuse.
Le Gouvernement a décidé de ne plus rendre obligatoire le recours à un avoué pour défendre les dossiers en appel et d’unifier les professions d’avoué et d’avocat.
Les avoués sont tenus d’acheter leur charge à leur prédécesseur. Une directive européenne du 12 décembre 2006 sur les services s’appliquera en 2010, au moment de la mise en œuvre de la réforme. En effet, les règles d’accès à la profession ne sont pas compatibles avec le principe de libre concurrence. Il est donc nécessaire d’anticiper cette réforme qui devient inéluctable.
Dans l’intérêt des justiciables, l’accès au juge d’appel sera ainsi simplifié et moins coûteux. La place de l’avocat sera renforcée. Lorsque nous avons mis en place la commission dite Guinchard, pour la déjudiciarisation d’un certain nombre de contentieux, les avocats craignaient que l’on ne restreigne leur rôle dans tous les secteurs de la justice. Par le biais de cette réforme, l’avocat verra son rôle renforcé : il sera l’interlocuteur unique de la cour d’appel.
Les avoués deviendront automatiquement avocats. Ils seront indemnisés pour la perte de la charge qu’ils ont achetée et qu’ils ne pourront plus vendre.
Tout sera mis en œuvre pour que leurs 1862 collaborateurs trouvent leur place dans cette nouvelle organisation ou bénéficient d’une aide personnalisée pour une reconversion professionnelle. J’ai rencontré ces collaborateurs, il y a quelques mois, avant de lancer ce processus de consultation.
Le Parlement sera appelé à se prononcer sur ce projet de réforme qui prendra effet le 1er janvier 2010. La concertation a été engagée avec les avoués et leurs représentants et se poursuivra en ce début d’année. Nous terminons actuellement sa première phase, qui est une phase d’écoute.
Un rapport très complet a été remis le 20 octobre par les avoués. Je l’avais demandé pour qu’il serve de base notamment à l’indemnisation de la perte des charges et à la prise en compte de leurs préoccupations. Ce rapport est important, car il permet d’évaluer les conséquences des décisions que nous prendrons. Cette mesure sera très précise, vous pouvez en être assuré.
Un haut magistrat spécialement missionné, M. Michel Mazard, avocat général à la Cour de cassation, a rencontré, pendant plus d’un mois, dans la France entière, tous les représentants des avoués. Nous devons consulter prochainement les représentants des avoués pour continuer cette concertation, qui pour l’instant se déroule dans les meilleures conditions.
Comme je vous l’ai dit, cette réforme est un projet récurrent depuis des années, elle est inéluctable et doit être menée dans l’intérêt des justiciables, pour une justice plus lisible et moins coûteuse. Par ailleurs, in fine, la directive sur les services rend obligatoire cette réforme qui prendra effet à compter du 1er janvier 2010.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous n’allons pas ouvrir le débat puisque le Parlement sera saisi de cette réforme.
Cependant, il faut être attentif et prendre beaucoup de précautions concernant les collaborateurs qui risquent de se trouver dans une situation très difficile. Compte tenu de leur compétence spécifique, ils n’auront pas nécessairement la capacité de reprendre un travail dans un cabinet d’avocats. Il faudra veiller de près à leur reconversion.
Vous avez évoqué l’indemnisation. Il importe de savoir si les avoués seront amenés à autofinancer les licenciements qui accompagneront immanquablement cette réforme. Si elle a lieu, l’indemnisation du droit de présentation, du préjudice économique et du préjudice de carrière est, d’après les estimations, évaluée à 900 millions d’euros.
Il sera donc nécessaire de discuter de toutes les modalités d’application de cette réforme que vous nous présenterez.
suicides dans les prisons
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 340, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Anne-Marie Payet. Je souhaite appeler l’attention de Mme la garde des sceaux, sur les nombreux cas de suicides relevés récemment dans les prisons françaises.
Au cours du mois d’octobre, quatre détenus se sont suicidés dans les prisons du nord-est de la France. Au total, pour les 200 établissements pénitentiaires du territoire, ce sont 115 suicides qui sont à déplorer en 2008. À cela s’ajoutent cinq nouveaux cas depuis le 1er janvier 2009.
L’Observatoire international des prisons révèle par ailleurs que l’année 2008 a connu une augmentation de 20 % du nombre de suicides par rapport à 2007. Au niveau européen, parmi les 42 pays du Conseil de l’Europe, la France affiche le taux le plus élevé de suicides dans ses prisons : 17 pour 10 000 détenus contre 6,7 pour 10 000 en Espagne, par exemple, ou encore 10,3 pour l’Allemagne.
Si ces chiffres s’expliquent notamment par la surpopulation carcérale et des rythmes de travail inadaptés pour le personnel pénitentiaire, ils révèlent surtout à quel point il est urgent d’améliorer la prévention, le repérage et la prise en charge du risque suicidaire chez les détenus, dont au moins 25 % présentent des troubles mentaux et parmi lesquels les délinquants sexuels représentent une proportion croissante.
Par ailleurs, l’Académie nationale de médecine, réunie le 21 octobre dernier sur le thème de la santé en prison, a insisté, d’une part, sur les insuffisances de la prise en charge psychiatrique et a dénoncé, d’autre part, les défauts d’organisation de cette prise en charge. Par exemple, de nombreuses prisons ne disposent pas de service médico-psychologique régional et, dans celles qui en disposent, il n’y a aucune possibilité d’hospitalisation psychiatrique.
Dans ce contexte, l’Académie a recommandé notamment de mettre en place un tutorat animé par des bénévoles en liaison avec les services médico-sociaux afin de préparer au mieux la sortie et le suivi en dehors de la prison, d’améliorer la formation des experts psychologiques et psychiatriques et de créer un statut de médecin pénitentiaire.
C’est pourquoi je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir me faire connaître quelle suite le Gouvernement entend réserver à ces propositions.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, vous appelez mon attention sur les suicides en prison, ce qui est un vrai problème et l’a toujours été. Les cas ne sont pas plus nombreux qu’autrefois, mais nous sommes aujourd’hui beaucoup plus vigilants sur ce sujet. Le nombre de suicides en prison a toujours été considéré comme un drame pour le Gouvernement, quel qu’il soit, et pour son garde des sceaux.
Vous m’interrogez sur la suite que le Gouvernement entend réserver au rapport de l’Académie nationale de médecine qui s’est réunie le 21 octobre dernier.
La volonté de réduire le nombre de suicides dans les établissements pénitentiaires est générale : c’est une préoccupation de l’administration pénitentiaire et du ministère de la justice. D’ailleurs le projet de loi pénitentiaire qui sera débattu devant la Haute Assemblée dès le mois de février permettra aussi de prendre des mesures pour réduire le nombre des suicides en prison.
Le programme national de prévention du suicide en milieu pénitentiaire comprend plusieurs axes : la formation des personnels à l’intervention de crise, l’amélioration du repérage du risque suicidaire et de l’accueil des personnes écrouées, des préconisations relatives à l’aménagement des cellules et au renforcement de la pluridisciplinarité et l’accompagnement nécessaire des personnels, des codétenus et des familles après un suicide.
Sur les 23 000 surveillants, 12 500 membres des personnels pénitentiaires ont été formés aux programmes de prévention du suicide.
Le ministère de la santé participe à ces efforts de formation à la prévention du suicide via les directions générales des affaires sanitaires et sociales, les DRASS, en organisant des formations continues pluridisciplinaires, en région, de personnels sanitaires travaillant en établissement pénitentiaire et de personnels pénitentiaires.
Depuis la loi du 18 janvier 1994, la prise en charge sanitaire des personnes détenues a été transférée du service public pénitentiaire au service public hospitalier.
En matière de soins psychiatriques, 26 établissements pénitentiaires disposent de services médico-psychologiques régionaux qui peuvent recevoir en hospitalisation des personnes détenues des établissements pénitentiaires du ressort de ce service régional. Les autres établissements pénitentiaires bénéficient de l’intervention des secteurs de psychiatrie définis dans les protocoles par l’intermédiaire des 175 unités de consultations et de soins ambulatoires. Ce dispositif a considérablement amélioré la prise en charge des pathologies et troubles mentaux, même s’il se révèle encore insuffisant, du fait surtout de l’ampleur grandissante des besoins en prison. Mais il y a tout de même une avancée sur ces sujets.
On observe que tous ces efforts conjugués ont permis de diminuer le nombre de suicides qui, rapporté à la population pénale, est pour 2007 de 15,2 pour 10 000 détenus, au lieu de 22,8 pour 10 000 en 2002. Cependant, ce taux reste trop élevé. Nous faisons tout pour le diminuer, grâce à une prise en charge efficace et de qualité.
Si les progrès en ce domaine sont donc réels, les événements récents nous rappellent qu’ils sont fragiles. En 2008, 115 suicides ont été dénombrés, contre 96 en 2007, 93 en 2006 et 122 en 2005.
Le dispositif de prévention à l’égard des mineurs détenus a été renforcé au moyen d’une procédure spécifique de détection mise en place dès le 1er novembre 2008 et l’amélioration de la couverture psychiatrique des établissements pénitentiaires pour mineurs et des quartiers mineurs est assurée par la désignation d’un médecin pédopsychiatre référent.
Par ailleurs, un film de formation qui explicite les méthodes d’évaluation du potentiel suicidaire, réalisé à la demande du directeur de l’administration pénitentiaire, viendra compléter la formation initiale et continue des personnels pénitentiaires.
Enfin, j’ai confié le 3 novembre dernier au Dr Louis Albrand, médecin expert agréé par la Cour de cassation, la présidence d’une commission de professionnels et d’experts chargée d’établir, en lien avec le ministère de la santé, le bilan de l’action conduite en matière de lutte contre le suicide en milieu carcéral et de proposer de nouvelles actions concrètes d’amélioration du dispositif. Les conclusions de cette commission seront rendues très prochainement.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Madame la ministre, vous m’avez fait part de votre détermination à améliorer la prévention des suicides en prison, ce dont je me réjouis. En mettant en œuvre les recommandations de l’Académie nationale de médecine, notre pays ferait preuve de sa volonté d’améliorer la prévention, le repérage et la prise du risque suicidaire chez les détenus.
Madame la ministre, il ne faut pas oublier que, le 16 octobre dernier, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour traitements inhumains et dégradants et violation du droit à la vie, après avoir placé en isolement un détenu souffrant de troubles psychiatriques qui s’était ensuite pendu dans sa cellule, après une première tentative trois jours plus tôt. Il est donc vraiment urgent d’agir et de mettre en œuvre ces recommandations de l’Académie nationale de médecine.
Avenir du palais de justice de Strasbourg
M. le président. La parole est à M. Roland Ries, auteur de la question n° 362, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Roland Ries. Madame la garde des sceaux, je souhaite attirer votre attention sur le délicat dossier de l’avenir du palais de justice de Strasbourg.
Depuis plus de dix ans, l’avenir du palais de justice de Strasbourg fait débat. Classé monument historique en 1992, il est apparu nécessaire dès 1997, par la réalisation d’un audit, de réhabiliter le palais de justice. Un programme fut alors élaboré en 2001 par l’architecte Dubois, proposant une réhabilitation et une extension sur site du palais, afin d’améliorer le travail de la justice à Strasbourg tout en préservant ce patrimoine majeur.
Au début de l’année 2008, la Chancellerie a annoncé qu’un projet de création d’une cité judiciaire à Strasbourg était à l’étude, sans toutefois écarter le premier projet de réhabilitation avec extension sur un site annexe situé à proximité : l’ancien commissariat de la rue de la Nuée-Bleue ou, éventuellement, le parking Kroely.
Récemment, l’Agence publique pour l’immobilier de la justice, l’APIJ, a présenté lors d’une réunion dont j’avais pris l’initiative, à Strasbourg, le 11 décembre dernier, un document de travail évoquant le devenir du palais de justice. Plusieurs scenarii ont été avancés, retenant divers critères d’ordre urbanistique, de localisation dans le tissu urbain de Strasbourg, avec une bonne desserte en transport en commun, et de facilité d’accès fonctionnel aux services tels que l’hôtel de police et la prison de l’Elsau.
La maîtrise des coûts est alors apparue comme le critère le plus déterminant. En effet, le coût de la réhabilitation du palais de justice, avec extension sur un site annexe situé à proximité, est estimé entre 70 millions et 80 millions d’euros, alors que le déménagement sur un site vierge n’est estimé qu’à 48 millions d’euros. Le déménagement sur un nouveau site, avec à la clé la création d’une cité judiciaire, constitue donc visiblement la piste privilégiée par l’APIJ. Je me permets de souligner que le coût de la reconversion du palais de justice actuel n’a pas été pris en compte dans les estimations de l’APIJ en cas de déménagement pur et simple du tribunal sur un nouveau site.
C’est la raison pour laquelle je vous demande, madame la ministre, de me faire connaître les orientations et, éventuellement, les arbitrages budgétaires pris à ce jour par votre ministère pour le palais de justice de Strasbourg et, plus spécifiquement, de préciser si ceux-ci vont dans le sens d’un abandon pur et simple de la réhabilitation et de l’extension sur un site annexe du palais de justice de Strasbourg. Une réponse précise de la Chancellerie permettrait de parvenir à un consensus local de tous les acteurs concernés et d’envisager un aboutissement rapide du dossier.
Je vous demande par ailleurs, madame la ministre, de préciser les ambitions et les orientations du Gouvernement en matière de valorisation du patrimoine historique dont l’État est propriétaire, et notamment de l’actuel palais de justice, qui fait partie de notre patrimoine historique strasbourgeois.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité être informé de l’état d’avancement des réflexions sur les besoins immobiliers judiciaires de la ville de Strasbourg.
Je rappelle que, dans le cadre de la loi de finances pour 2009, le Gouvernement fait des efforts sans précédent concernant l’immobilier judiciaire, qui avait pris beaucoup de retard au cours des dernières années, puisqu’il consacre 210 millions d’euros à la réhabilitation et à la construction de tribunaux de grande instance.
Compte tenu des contraintes budgétaires et du retard que nous avons pris en matière d’immobilier judiciaire, il nous faut procéder à des arbitrages en termes tant budgétaires que de travaux. Les bâtiments de certains tribunaux sont dégradés depuis de nombreuses années et ne permettent pas d’assurer de bonnes conditions de travail aux personnels. J’ai donc dû procéder à des arbitrages destinés à améliorer les conditions de travail de l’ensemble des personnels judiciaires.
Je ne peux que vous rappeler les quatre scenarii présentés par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice lors de la réunion que vous avez présidée en présence de vos adjoints à la mairie, des chefs de Cour, des chefs de juridiction et des représentants du barreau, le 11 décembre dernier : la réhabilitation du palais de justice et du parking Kroely, dont le coût serait de l’ordre de 87 millions d’euros ; la réhabilitation du palais de justice et du commissariat de la rue de la Nuée-Bleue, dont le coût serait de l’ordre de 70 millions d’euros, la construction neuve, qui coûterait 49 millions d’euros ; le déménagement sur le site du parking Kroely, dont le coût est estimé à 64 millions d’euros.
Pour effectuer le choix parmi ces propositions, le critère de maîtrise des coûts reste effectivement déterminant si l’on veut pouvoir offrir à la justice des conditions décentes de travail dans un délai performant.
Il a été souligné, au cours de la réunion, qu’il convenait également de prendre en compte les délais de livraison – car plus on accumule de retard, moins la réalisation finale correspond au projet initial –, mais aussi la qualité de la réponse aux besoins exprimés, la localisation dans le tissu urbain afin de favoriser l’accès des justiciables, la possibilité d’adaptation pour des besoins futurs et la facilité de liaison avec l’hôtel de police et la prison d’Elsau.
Comme vous l’indiquez, les coûts de reconversion du palais de justice historique n’ont pas été pris en compte. Ils sont très dépendants du futur usage du bâtiment. Les études de valorisation pour un effet nécessairement différé dans le temps pourraient cependant être entreprises de concert entre l’État et les collectivités territoriales dès 2009.
La réunion du 11 décembre avait pour objet de recueillir les réactions locales en vue de la recherche d’un consensus. J’avais besoin d’entendre les points de vue des uns et des autres en vue d’arbitrer en fonction des arguments soulevés.
Afin d’éclairer le choix de la solution qui sera retenue, j’ai demandé à mon cabinet de convenir prochainement d’un rendez-vous entre les représentants de la ville de Strasbourg et mes services pour pouvoir prendre en compte les préoccupations exprimées lors de la réunion du 11 décembre, les contraintes budgétaires mais aussi les demandes des personnels de justice. Ce rendez-vous devrait avoir lieu prochainement et j’espère que la décision que nous serons amenés à prendre conviendra à tous.
M. le président. La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Je vous remercie, madame la ministre, de vos précisions. Si j’ai souhaité poser cette question, c’est précisément pour connaître les orientations de la Chancellerie sur ce dossier qui revêt un caractère de relative urgence.
Le statu quo ante, c’est-à-dire l’existence de deux sites, l’ancien palais de justice et les bâtiments provisoires, n’est pas tenable. Une décision doit donc être prise.
Je souhaite que, lors de la prochaine réunion, nous puissions obtenir des précisions sur la valorisation du palais de justice si nous devions nous orienter vers la construction d’une cité judiciaire.
J’attire également votre attention sur le fait que de fortes réticences à l’égard de la cité judiciaire s’expriment au sein du barreau, dont de nombreux représentants souhaitent rester en cœur de ville. À titre personnel, en tant que maire de cette ville, je souhaite dans toute la mesure du possible, tout en comprenant les contraintes budgétaires, que le palais de justice de Strasbourg demeure au cœur de la cité.
Indemnisation des sinistrés de la sécheresse
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 364, transmise à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Mme Marie-France Beaufils. Cette question, que j’avais communiquée au départ à Mme la ministre de l’intérieur, a été transmise à Mme la ministre de l’économie. Peut-être m’en expliquerez-vous les raisons, madame la secrétaire d’État ?
Cinq longues années se sont écoulées depuis l’été 2003, plus longues encore pour tous ceux qui ont eu à subir la catastrophe naturelle due aux mouvements de terrain. De nombreuses habitations situées en zone argileuse ont été profondément affectées. Elles le restent aujourd’hui, malheureusement. Des milliers de familles souffrent encore de vivre dans des maisons lézardées.
Les dégâts ont été estimés à 1,5 milliard d’euros et la procédure exceptionnelle mise en place par le Gouvernement n’a répondu à cette situation qu’à hauteur de 218,5 millions d’euros. Le compte n’y est pas, c’est l’évidence.
Les habitants touchés par cette catastrophe ne comprennent pas plus les silences que les promesses.
Le 5 décembre 2007, Mme Alliot-Marie déclarait ici même : « Par ailleurs, je viens d’obtenir l’accord de Bercy pour répondre au problème posé. [...] Ainsi, dans un délai assez court, sera résolu un problème qui se posait depuis longtemps. »
Depuis cette déclaration, rien n’a été fait. Seul un rapport, qui semble confidentiel, a été commis. Il s’agit de celui de Mme Boutin, dont je n’ai jamais été destinataire, comme nombre de mes collègues qui l’ont rappelé au sein même du Sénat. Ce qui est certain, c’est que pas un euro de plus n’a été obtenu pour les sinistrés.
Au cours de la dernière période, un certain nombre d’amendements ont été déposés dans le cadre des projets de loi de finances pour 2008 et 2009 afin d’augmenter l’indemnisation des sinistrés de la sécheresse. Nous les avons soutenus.
Le 27 novembre dernier, M. Bussereau s’engageait en ces termes : « Il n’était prévu aucune dotation supplémentaire dans le projet de loi de finances pour 2009, mais je comprends votre demande, et je m’engage à la relayer auprès de Mme la ministre de l’intérieur. »
Le 18 décembre, M. Marini, rapporteur général du budget, reconnaissait que « des demandes d’indemnisation portant sur des sommes tout à fait substantielles demeuraient en suspens ».
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous apporter à tous ces sinistrés non indemnisés à ce jour une note d’espoir pour qu’une solution digne leur soit enfin apportée ? C’est ce qu’ils attendent. Ils ne comprendraient pas une réponse négative alors qu’ils se mobilisent pour que soient reconnus leurs droits. C’était le premier élément de ma question.
En outre, madame la secrétaire d’État, le 16 juin 2005 a été débattue au Sénat une proposition de loi « visant à améliorer la transparence et l’équité du régime d’assurance des catastrophes naturelles ». Pour le moment, nous n’avons, pas de nouvelles de ce texte qui, s’il était encore amélioré, pourrait permettre une meilleure prise en charge des situations des sinistrés.
Un effort doit, me semble-t-il, être fait pour que la prévention soit privilégiée en prenant en compte les conditions géologiques locales. Je vous demande donc, madame la secrétaire d’État, de susciter dans chaque département concerné par les phénomènes de retrait-gonflement des terrains argileux la mise en place de plans de prévention des risques naturels, qui pourraient être appelés PPRN « tassements différentiels », afin de limiter les conséquences désastreuses liées à des constructions non respectueuses des règles.
Je dois le dire, je suis inquiète en raison des menaces qui pèsent sur les futures conditions d’indemnisation des sinistres liés aux mouvements de terrain. Les rapports d’inspection remis en septembre 2005 par l’inspection générale des finances, le conseil général des Ponts et Chaussées, l’inspection générale de l’environnement et de l’inspection générale de l’administration, prévoient d’exclure la sécheresse du régime des catastrophes naturelles et de renvoyer la définition des conditions de prise en charge de ce risque au marché, ce qui figurait, semble-t-il, dans les hypothèses possibles du rapport de Mme Boutin.
Une autre préconisation maintiendrait la sécheresse dans le champ du régime avec, toutefois, certains aménagements reprenant en fait la procédure exceptionnelle mise en place dans le projet de loi de finances pour 2006, qui n’indemnise au mieux que les dommages les plus lourds.
J’ai donc quelques raisons de vous demander, madame la secrétaire d’État, si la proposition de loi débattue au Sénat en 2005 et non encore inscrite, à ma connaissance, à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale finira par l’être. En outre, pouvez-vous nous informer sur les projets évoqués dans les différents rapports qui remettraient en cause la procédure actuelle de déclaration de catastrophe naturelle et les modalités d’indemnisation s’y rapportant ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Madame la sénatrice, vous avez appelé l’attention du Gouvernement sur le phénomène exceptionnel de sécheresse qu’a connu le territoire métropolitain en 2003 et qui a été à l’origine de nombreux dégâts aux bâtiments dans plusieurs milliers de communes.
Dans un premier temps, le Gouvernement a procédé à une adaptation des critères utilisés par la commission interministérielle pour l’évaluation de cet aléa afin de tenir compte du caractère très atypique de la sécheresse de 2003. L’assouplissement des critères habituels a finalement permis la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour plus de 4 300 communes.
Au titre de la solidarité nationale et pour apporter une réponse aux sollicitations des communes non reconnues en l’état de catastrophe naturelle, le Gouvernement a mis en œuvre une procédure exceptionnelle d’indemnisation. Une enveloppe initiale de 118 millions d’euros a été prévue à ce titre par l’article 110 de la loi de finances pour 2006, puis portée à 218,5 millions d’euros par la loi de finances rectificative pour 2006.
Au total, ce sont finalement plus de 80 % des communes ayant demandé une reconnaissance au titre des catastrophes naturelles pour la sécheresse survenue en 2003 qui ont pu bénéficier d’une indemnisation soit au titre du régime des catastrophes naturelles, soit au titre de la procédure exceptionnelle.
Compte tenu des moyens déployés dans le cadre de cette procédure exceptionnelle, qui visait, selon les termes de la loi votée par le Parlement, les dommages lourds affectant la résidence principale rendue impropre à sa destination, le Gouvernement n’envisage pas de dispositif additionnel à cette procédure.
Comme Mme la ministre de l’intérieur s’y était engagée devant votre assemblée en 2007, le rapport relatif à l’indemnisation des dommages aux bâtiments causés par la sécheresse survenue durant l’été 2003, établi en application de l’article 68 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, a été transmis par le Secrétariat général du Gouvernement le 25 janvier 2008 aux assemblées parlementaires.
Vous interpellez enfin le Gouvernement sur l’évolution du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles et souhaitez savoir si ce sujet sera débattu prochainement à l’Assemblée nationale. Des travaux sont actuellement en cours entre les différents départements ministériels concernés, sur la base des consultations menées en 2006 et à partir du rapport inter-inspections qui, à la suite de la sécheresse de 2003, a fourni une évaluation de ce régime et en a proposé certaines pistes d’évolution.
Les propositions qui pourraient être soumises au Parlement au cours de l’année 2009 auraient une portée plus large que la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale en juillet 2007 et viseraient l’ensemble des risques naturels couverts par le régime.
L’objectif de la réforme envisagée consiste à améliorer la transparence de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et à encourager les comportements de prévention tout en maintenant un haut niveau de protection des assurés dans le cadre de la solidarité nationale.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre réponse. J’espère que le rapport que vous évoquez nous sera communiqué. En effet, je n’ai pas eu connaissance qu’il ait été à notre disposition. Et, malgré mes efforts d’investigation, je n’ai pas réussi à obtenir d’éléments d’information.
En outre, je suis préoccupée par le fait que, dans les différents départements et communes reconnus en l’état de catastrophe naturelle, des personnes sinistrées ne sont toujours pas indemnisées. Certaines communes attendent encore que les tribunaux traitent leurs recours. Notre collègue qui fut rapporteur du texte pourrait le confirmer. Il me semble qu’on ne peut pas dire que le sujet est clos en termes d’indemnisation.
Enfin, je vous ai entendue annoncer une proposition du Gouvernement qui irait au-delà du contenu du texte débattu ici au Sénat. Je suis très sensible à la nécessité de débattre sur la prévention. Actuellement, on continue à construire sur des sols argileux sans prendre de dispositions efficaces pour éviter que des gens ne se retrouvent à terme dans des situations aussi catastrophiques que celle que l’on a connue en 2003.
Je considère qu’il y a urgence de débattre de cette question, tant sous l’angle de la transparence des règles mises en œuvre pour reconnaître les communes en l’état de catastrophe naturelle sur ces questions que sous l’angle de la prévention.
Réforme de la formation professionnelle
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 309, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi.
M. Claude Biwer. Je dirai, en préambule, à Mme Beaufils, que j’ai, en effet, été à l’origine de la proposition de loi qu’elle a citée. Elle a été votée à l’unanimité. Nous attendons avec impatience qu’elle soit débattue à l’Assemblée nationale.
Ma question concerne la réforme de la formation professionnelle.
La Cour des comptes, dans un rapport présenté le 1er octobre 2008 consacré à la formation professionnelle tout au long de la vie, fondé sur une étude menée auprès d’une centaine d’organismes publics et privés dispensant de la formation professionnelle, a mis en évidence « l’inefficacité du système » et « l’urgence de sa réforme ».
Elle a estimé que la formation professionnelle initiale ne garantit pas une insertion satisfaisante sur le marché du travail et que la formation continue bénéficie en priorité aux personnes les mieux insérées dans l’emploi, et non à celles qui en ont le plus besoin.
Elle relève également que, si les financements sont abondants – 34 milliards d’euros – ils sont insuffisamment mutualisés, les circuits financiers étant cloisonnés et peu contrôlables.
Ce diagnostic avait également été établi par le Sénat dans un rapport d’information présenté par notre collègue Jean-Claude Carle.
Il dénonçait les dysfonctionnements de notre système de formation professionnelle, atteint, selon lui, de trois maux: complexité, cloisonnement et corporatismes.
Il mettait, lui aussi, l’accent sur le fait que ce système profitait surtout aux grandes entreprises et aux demandeurs d’emploi les plus qualifiés.
Des propositions de réforme ont été faites.
Il s’agissait, d’abord, d’adapter l’offre de formation aux besoins réels des individus et des entreprises, ensuite, de clarifier les modalités de collecte et d’assurer une meilleure répartition des fonds de l’apprentissage et de la formation continue. La Cour des comptes propose une diminution du nombre d’organismes collecteurs. De son côté, le Sénat a demandé que les organisations patronales et syndicales ne puissent plus émarger aux fonds de formation professionnelle. Enfin, il s’agissait de créer les conditions d’une stratégie coordonnée en matière de formation tout au long de la vie.
Les organisations syndicales et patronales ont négocié une réforme de la formation professionnelle. Fait nouveau, le MEDEF a reconnu qu’il fallait simplifier notre système de formation professionnelle, qui était, à l’en croire, « un modèle d’illisibilité » !
Cette négociation, qui a abouti le 7 janvier dernier, prévoit, notamment, la création d’un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels destiné à améliorer la formation des salariés les moins qualifiés et des demandeurs d’emploi, lequel serait doté d’environ 900 millions d’euros. Il y a, certes, un progrès sans pour autant que la totalité des besoins soit couverte.
Je rappelle que le Président de la République avait souhaité qu’une part significative des 5,7 milliards d’euros gérés paritairement par les partenaires sociaux au titre de la formation professionnelle soit destinée à la formation des salariés qui en ont le plus grand besoin.
Je regrette également que les partenaires sociaux ne se soient pas attaqués à la multiplication du nombre d’organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle.
Je souhaite que le Gouvernement et le Parlement aillent plus loin dans la réforme de la formation professionnelle afin que les fonds considérables qui lui sont consacrés soient mieux utilisés et servent aux salariés qui en ont le plus besoin.
Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous donner les précisions utiles et nous rassurer sur l’avenir de ce système?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, vous avez interpellé le Gouvernement sur la nécessité d’une réforme de la formation professionnelle rappelée dans différents rapports publiés tant par la Cour des comptes que par le Sénat et l’Assemblée nationale.
Comme vous le savez et comme l’a souhaité le Président de la République, le Gouvernement s’est engagé dans une vaste et ambitieuse réforme de notre dispositif de formation professionnelle continue afin d’en améliorer le fonctionnement, la transparence et l’efficience.
Cette ambition de réforme est plus que jamais nécessaire en période de crise économique afin de faire de la formation un outil plus efficace au service de l’emploi et de la compétitivité.
Depuis plus d’un an, l’ensemble des acteurs de la formation professionnelle a été associé à la préparation de la réforme qui vise à en améliorer le fonctionnement, la transparence et l’efficience.
Parce que ce projet est essentiel, nous avons voulu la concertation la plus large possible en faisant confiance au dialogue entre les représentants des salariés et ceux des entreprises pour proposer des solutions innovantes. Un projet d’accord vient d’aboutir. Avant d’en venir au texte lui-même, permettez-moi de rappeler les cinq objectifs concrets de réforme fixés par le Gouvernement.
Premièrement, il nous faut mieux orienter les fonds de la formation professionnelle vers les demandeurs d’emploi et les salariés peu qualifiés. La création d’un fonds spécifique est souhaitable. Outre que son utilisation doit être souple, il a besoin d’être suffisamment doté pour conduire des actions de formations efficaces et ambitieuses.
Deuxièmement, nous devons développer la formation dans les PME. Il faut développer un vrai service à l’attention des chefs d’entreprise pour les aider à construire des programmes de formation adaptés à leurs besoins et à ceux de leurs salariés. Il faut aussi s’assurer que la mutualisation des fonds de la formation professionnelle fonctionne bien au profit des PME et, plus encore, des très petites entreprises, TPE.
Troisième objectif, nous devons, grâce à la formation, mieux insérer les jeunes sur le marché du travail en nous appuyant sur ce qui marche, notamment les formations en alternance – apprentissage ou contrats de professionnalisation.
Quatrième objectif, il faut mieux informer, orienter et accompagner les salariés et les demandeurs d’emploi, et non leur faire subir la complexité du système. La réforme du service public de l’emploi, avec la mise en place de Pôle emploi, va dans ce sens.
Enfin, dernier objectif, nous devons placer la transparence et l’évaluation au cœur du système.
Le Gouvernement salue, de ce point de vue, l’action des partenaires sociaux, dont les négociations ont abouti mardi dernier après seulement quatre mois de discussions.
Plus globalement, il faut souligner la mobilisation des partenaires sociaux autour des différentes priorités liées à la crise : je pense à l’accord sur le chômage partiel et au projet relatif à la convention de reclassement personnalisée.
Dans leur projet d’accord sur la formation professionnelle, les partenaires sociaux se donnent pour objectif de « former chaque année 500 000 salariés supplémentaires parmi les moins qualifiés et 200 000 demandeurs d’emploi de plus qu’aujourd’hui ». Cet objectif est bon, et la création d’un fonds de sécurisation des parcours professionnels qui sous-tend ces avancées va dans le bon sens.
Ce projet d’accord, qui vient d’être adopté, est un document substantiel. Le Gouvernement va l’examiner dans le détail et, au regard des ambitions et objectifs que je viens de décrire, il déterminera les dispositions législatives nécessaires à la réforme, étant entendu qu’il attend également que les partenaires sociaux se prononcent, normalement d’ici à la fin du mois, sur la signature du projet d’accord.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, des précisions que vous venez d’apporter. Elles répondent pour partie à mes interrogations.
Je ne reviendrai que sur un des points que vous avez soulevés, à savoir l’information. J’ai le sentiment que l’on ne s’informe que lorsque l’on est dans le besoin et qu’un effort d’information préalable devrait donc être fait de manière que les salariés sachent qu’ils peuvent être accompagnés avant même d’être confrontés à des difficultés. Ce serait à mon sens un important pas en avant.
amélioration du système des brevets en Europe
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 353, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
M. Richard Yung. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur les évolutions récentes et sur les perspectives du Gouvernement s’agissant du brevet communautaire et du système juridictionnel des brevets.
Il m’a semblé que d’importants progrès ont été accomplis sur ces deux dossiers lors de la présidence slovène de l’Union européenne, qui a précédé la présidence française.
La mise en place du brevet communautaire, qui consiste en un titre unique valable dans l’ensemble de l’Union, alors qu’il y a aujourd'hui, dans le cadre du brevet européen, autant de titres nationaux que de pays, constituerait une avancée considérable pour l’innovation et pour les entreprises. Cela fait déjà plus de trente ans, puisque la première convention date de 1974, que l’on travaille sur ce sujet.
Il est au demeurant extraordinaire que l’on ait été capable d’instaurer un marché unique intégré, une monnaie unique, une banque centrale unique, mais pas d’instituer un brevet unique : ce devrait pourtant tout de même être moins difficile…
Quoi qu’il en soit, des avancées ont donc été obtenues au cours de la présidence slovène, et ce sur plusieurs points : la question des langues et des traductions, le problème de la répartition des masses financières importantes que représentent les taxes annuelles pour financer l’innovation et enfin le système juridictionnel, le principe de la compétence des tribunaux nationaux ayant été retenu.
Sur ce dernier sujet, des progrès ont pu être accomplis en séparant le débat sur le brevet communautaire de la question du système juridictionnel du brevet européen.
Actuellement, les tribunaux de chaque pays membre ont à connaître des contentieux relatifs à la validité des brevets et aux contrefaçons. Autrement dit, un même brevet européen peut être soumis à un tribunal de Messine, à un tribunal d’Helsinki et à un tribunal de Cork, ce qui engendre des jurisprudences divergentes, et parfois contradictoires ! Tout cela coûte très cher et, surtout, crée un climat d’insécurité pour les entreprises, qui demandent donc à juste titre, et depuis longtemps, une unification du système.
Il reste cependant un certain nombre de difficultés à lever. En particulier, la France a beaucoup insisté pour que la Cour de justice des Communautés européennes joue le rôle de cour ultime, soit une sorte de cour de cassation du système, solution que les Allemands rejettent au motif que la Cour de justice des Communautés européennes ne dispose pas des compétences techniques nécessaires.
Or, il m’a semblé que peu de progrès, sinon aucun, ont été réalisés sur l’ensemble de ces dossiers sous la présidence française, qui a vraiment donné l’impression que le projet de brevet communautaire et l’organisation du système juridictionnel des brevets étaient pour elle des sujets secondaires et ne figuraient pas parmi ses priorités.
Peut-être est-ce une fausse impression et pourrez-vous nous livrer, madame la secrétaire d'État, d’autres éléments. En tout état de cause, je souhaiterais savoir quelles sont les perspectives du Gouvernement français pour faire avancer ces dossiers, probablement pas sous la présidence tchèque dont ce n’est pas une priorité, mais ensuite, sous la présidence suédoise.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur Yung, les droits de propriété intellectuelle et leur protection représentent, dans un monde globalisé, un avantage compétitif clé pour nos entreprises en même temps qu’un élément fondamental pour la valorisation de la recherche, de l’innovation et de la création.
C'est la raison pour laquelle je tiens à vous assurer que tous les dossiers relatifs à ces droits et à leur protection ont fait l’objet d’un engagement très fort du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, notamment de Luc Chatel, à qui votre question était adressée, d’Hervé Novelli ou de moi-même.
Sur le brevet communautaire et le système juridictionnel, je tiens à vous dire que les choses ont bel et bien avancé sous la présidence française, bien que, à l’évidence, s’agissant de sujets aussi difficiles, les points sur lesquels le consensus est délicat se multiplient à mesure que l’on approche du but.
Concernant le brevet communautaire, les discussions, qui ont été très riches, ont porté principalement sur le régime linguistique applicable et sur la répartition des taxes annuelles de maintien en vigueur des brevets.
Les travaux ont permis de dégager un large accord sur le fait que le brevet communautaire, qui offrira un niveau de qualité élevé afin d’assurer une sécurité juridique maximale pour les déposants, devra être d’un coût abordable.
Un consensus s’est également dégagé quant à l’objectif de viabilité financière de l’Office européen des brevets. Cela peut paraître quelque peu contradictoire avec la nécessité de limiter les coûts pour les entreprises, mais tout le monde est d’accord pour estimer qu’il convient de concilier ces deux objectifs.
Les débats ont été alimentés par les résultats préliminaires d’une étude de la Commission européenne sur les aspects économiques du brevet communautaire. Ces résultats donnent un éclairage précieux pour la suite des travaux.
S’agissant ensuite du règlement des litiges, la France a soumis à ses partenaires des documents révisés comprenant un projet d’accord pour la création d’un tribunal des brevets de l’Union européenne et un projet de statuts pour ce même tribunal.
Les discussions ont, là encore, été très approfondies, et les débats ont permis d’apporter des améliorations à ces deux textes et d’affiner leur articulation.
L’architecture générale du système juridictionnel des brevets est désormais stabilisée, avec des divisions décentralisées dans les États membres pour la première instance et une instance d’appel centralisée.
Cependant, plusieurs questions doivent encore faire l’objet d’un examen approfondi afin de parvenir à un consensus. Elles portent en particulier sur le régime linguistique et, comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, sur le rôle exact de la Cour de justice des Communautés européennes dans l’ensemble du dispositif.
Ainsi, les progrès enregistrés par la présidence française sur le brevet communautaire et le système de règlement des litiges permettent de transmettre aux présidences qui suivront, c'est-à-dire la présidence tchèque puis la présidence suédoise, les éléments nécessaires à la recherche d’un accord que, comme vous, monsieur le sénateur, le Gouvernement souhaite le plus rapide possible sur ces deux dossiers.
Au-delà, je rappelle que la lutte contre la contrefaçon a progressé pendant la présidence française, avec en particulier l’adoption d’un plan intégré anti-contrefaçon pour la période 2009-2011.
Une résolution du Conseil en faveur d’une meilleure lutte contre la contrefaçon et le piratage a été adoptée, permettant de mieux protéger les droits de propriété intellectuelle des entreprises européennes. Il s’agit d’un engagement fort des États membres pour lutter de manière coordonnée contre la contrefaçon à l’échelon européen.
Cet engagement permettra notamment la mise en place, dont j’ai pu moi-même m’assurer dans plusieurs pays, d’un réseau efficace de coopération entre les services administratifs concernés de chaque État membre, la création, réclamée par nombre de professionnels, notamment français, d’un observatoire européen de la contrefaçon et du piratage, et enfin le développement d’actions de sensibilisation et de communication auprès des consommateurs, en particulier les plus jeunes, dans l’ensemble des pays de l’Union.
Je vous confirme, monsieur le sénateur, l’importance que la France attache à ces sujets, dont témoignent les avancées obtenues au cours de sa présidence de l’Union européenne.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je ne veux pas polémiquer, madame la secrétaire d'État, mais les progrès dont vous venez de faire état ont été accomplis sous la présidence slovène. Sous la présidence française, malheureusement, il n’y a pas eu d’avancées.
On nous a dit d’abord que les Espagnols faisaient des difficultés sur la question linguistique, puis que les Allemands, en dépit de leurs déclarations, étaient en réalité défavorables au dispositif… Cela fait partie du lot commun des négociations internationales, mais il me semble que sont maintenant réunis tous les éléments nécessaires pour trancher politiquement et faire avancer les dossiers.
Je souhaite donc, mais peut-être est-ce un vœu pieux, que le Gouvernement français, qui a du poids dans ces matières, puisque c’est en fait entre la France et l’Allemagne que se décident les questions relatives à la propriété industrielle, s’engage de façon beaucoup plus résolue.
imposition des emprises militaires dans le département du Cher
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 363, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
M. Rémy Pointereau. Madame la secrétaire d'État, depuis plus de quinze ans, des démarches sont entreprises pour que le ministère de la défense soit assujetti aux impôts locaux, notamment à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, pour les emprises militaires qu’il utilise et qui sont productives de revenus. L’association nationale des communes avec emprise est à l’origine de ces démarches.
En effet, les communes sur le territoire desquelles existent des emprises militaires sont pénalisées fiscalement alors qu’elles doivent subir des contraintes en matière d’urbanisme et de circulation des biens et des personnes.
C’est le cas dans le Cher, où est implanté un vaste polygone d’essai. Certes, il y a paiement d’impôts fonciers pour les parcelles louées aux agriculteurs, mais, pour certaines autres parcelles, même s’il y exerce des activités engendrant des recettes, le ministère de la défense ne serait pas assujetti à l’impôt foncier car, selon l’article 1394 du code général des impôts, sont exonérées de la taxe sur les propriétés non bâties les propriétés publiques affectées à un service public d’utilité générale et non productives de revenus.
Or, même si elles sont indirectes, des recettes sont bien liées au terrain considéré, puisque le champ de tir de l’établissement public de Bourges permet de faire des essais et de perfectionner des munitions qui sont ensuite vendues à des États du monde entier.
Le montant en jeu au titre de la taxe foncière sur les propriétés non bâties atteindrait de 2 millions à 3 millions d’euros pour l’État à l’échelon national. Ce n’est pas beaucoup, mais, pour les communes concernées, cela est très important.
Je souhaite donc connaître les intentions du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique en la matière, et notamment savoir si des instructions seront données à l’administration fiscale en vue de régler le produit de l’impôt aux communes ou d’indemniser ces dernières à la même hauteur.
Il s’agit d’appliquer plus strictement les articles 1382 et 1394 du code général des impôts en mettant à contribution le ministère de la défense, afin de compenser la perte subie par les communes concernées.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui m’a chargée de vous apporter les éléments de réponse suivants.
Vous appelez l’attention de M. le ministre et du Gouvernement sur la situation, au regard des taxes foncières, des communes ayant des emprises militaires sur leur territoire, en particulier dans le département du Cher.
Comme vous le savez, les bâtiments et terrains qui appartiennent à l’État sont exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties lorsqu’ils sont affectés à un service public ou d’utilité générale et ne sont pas productifs de revenus. Ces conditions sont cumulatives et s’apprécient à l’égard du propriétaire, en l’occurrence l’État.
Sur ce fondement, les terrains et bâtiments – champs de manœuvre, casernements… – utilisés par les armées pour le service public de la défense nationale sont exonérés de taxe foncière.
Ainsi, des terrains tels que les polygones, qui font partie du domaine privé militaire de l’État, sont présumés remplir les conditions ouvrant droit à l’exonération.
Les conditions d’exonération, notamment celle qui est relative à l’absence de revenus, sont interprétées de manière très stricte, afin de préserver au mieux les ressources des collectivités territoriales. Par exemple, les terrains militaires qui font l’objet d’une amodiation autorisant le pacage des animaux ou la récolte des herbes sont considérés comme productifs de revenus et, par conséquent, assujettis à la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
D’une manière générale, l’assujettissement ou non d’une propriété bâtie ou non bâtie résulte de l’analyse par les services locaux, sous le contrôle du juge de l’impôt, de la situation de fait.
À cet égard, le prédécesseur d’Éric Woerth avait déjà, dans d’autres situations, appelé l’attention du ministre de la défense d’alors, Mme Alliot-Marie, sur la nécessité d’une étroite collaboration entre les services fiscaux et les responsables locaux du ministère de la défense pour l’établissement des impôts directs locaux, afin d’établir au mieux les situations de fait en question.
C'est la raison pour laquelle M. Éric Woerth me charge de vous indiquer qu’il demandera à ses services de s’assurer du bien-fondé des modalités actuelles d’établissement des taxes foncières en ce qui concerne la situation que vous avez évoquée.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement vous tiendra personnellement informé des résultats de cette consultation.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie des informations que vous venez de m’apporter, même si elles ne répondent que très partiellement à ma demande.
Ce qui me paraît dangereux, c’est que l’Office national des forêts est en train d’emboîter le pas au ministère de la défense et souhaiterait être exonéré de la taxe foncières sur les propriétés non bâties pour les forêts domaniales, au prétexte qu’il n’en est pas le propriétaire. Cela représenterait des dizaines de millions d’euros de recettes en moins pour le budget des communes. Qu’il s’agisse des emprises militaires ou de ce qui se profile pour l’ONF, cette situation est inacceptable. L’État doit remplir ses obligations et montrer l’exemple.
sanction des dépassements de vitesse
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, auteur de la question n° 371, transmise à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la secrétaire d'État, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur un aspect de la réglementation qui me paraît peu adapté à la situation de tous ceux qui exercent une activité professionnelle nécessitant l’utilisation d’un véhicule : je veux parler des sanctions pour excès de vitesse.
Il va de soi que je ne conteste nullement le légitime combat mené par les pouvoirs publics contre ceux qui, en roulant trop vite, mettent en danger la vie de nos compatriotes. Je ne saurais désapprouver les sanctions prises, notamment quand elles prennent la forme d’amendes.
En revanche, les retraits de points sur le permis de conduire, lorsqu’il s’agit de légers dépassements de vitesse, peuvent, au fil des procès-verbaux, avoir des conséquences dramatiques pour un salarié, un chef d’entreprise ou un membre des professions libérales n’ayant pas d’autre moyen de déplacement que son automobile et ne pouvant prendre le métro, le bus ou le RER pour se rendre qui auprès de ses malades, qui dans son entreprise, qui chez ses clients.
Je propose donc de remplacer la sanction d’une faute, sanction légitime dont je comprends tout à fait le bien-fondé, par l’accomplissement d’un acte citoyen et de substituer aux retraits de points, aboutissant inévitablement à la suppression du permis de conduire, des travaux d’intérêt général. Une telle mesure, tout autant que le retrait de points et peut-être même davantage, servirait de leçon aux contrevenants et, à la longue, les éduquerait.
Certes, ce n’est pas ici le lieu de définir la nature des travaux d’intérêt général qui conviennent pour ce genre de faute, mais je suggère, pour ceux dont la santé le permet, un don obligatoire de sang : cela entraînerait une remontée significative du nombre de donneurs, dont on sait qu’il n’est pas assez important pour satisfaire la demande des hôpitaux. D’autres pistes sont cependant envisageables, madame la secrétaire d'État, comme des travaux d’entretien de nos rivières ou de nos forêts.
Je sais bien que les travaux d’intérêt général ne constituent à ce jour que des peines complémentaires et non des peines principales. Si le Gouvernement retenait ma suggestion, sans doute faudrait-il modifier la législation en conséquence. Toutefois, il me semble que cette question mérite d’être posée au Gouvernement avant de faire l’objet d’un débat au Parlement, dans le cadre d’une discussion législative.
C’est pourquoi, madame la secrétaire d'État, j’écouterai avec le plus grand intérêt votre réponse sur un sujet plus important qu’il ne paraît pour nombre de nos compatriotes, à l’heure où, de surcroît, le Gouvernement entend lutter contre la crise par le développement des ventes d’automobiles.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de mon collègue Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports, qui participe ce matin même, avec le Premier ministre, au comité interministériel de la sécurité routière, consacré à la réforme du permis de conduire. Il m’a demandé de vous faire part des éléments de réponse suivants.
L’essentiel des progrès enregistrés ces dernières années en matière de sécurité routière résulte du meilleur respect des limitations de vitesse, lié à l’efficacité cumulée du contrôle-sanction et du dispositif du permis à points, qui joue un rôle important de modération des comportements.
Il semble que la diminution de la vitesse moyenne pratiquée par les automobilistes français ait contribué à concurrence de 75 % à la réduction du nombre de tués sur la route depuis 2002. Pourtant, le dépassement des limitations de vitesse reste un comportement trop fréquent, tous réseaux confondus. Pour 2007, l’Observatoire interministériel de la sécurité routière estime que si tous les conducteurs avaient respecté les limitations de vitesse, 900 vies auraient pu être sauvées.
Dans ce contexte, supprimer le retrait d’un point pour les « petits » excès de vitesse ou le remplacer par un autre dispositif, quelle qu’en soit par ailleurs la pertinence, diminuerait de manière importante l’efficacité ainsi que la lisibilité du contrôle-sanction et pourrait entraîner une augmentation de la vitesse moyenne pratiquée de quelques kilomètres par heure. Ce serait adresser un message qui irait à l’encontre de la politique gouvernementale de réduction de l’insécurité routière.
Contrairement à une idée largement répandue, en effet, les drames de la route ne sont pas le seul fait d’auteurs de grandes infractions prenant des risques excessifs. La plupart des accidents sont la conséquence d’une petite liberté prise avec la règle, par exemple une vitesse légèrement supérieure à la vitesse autorisée. Il faut avoir à l’esprit que si une infraction n’entraîne pas toujours un accident, en revanche neuf accidents sur dix ont pour origine une infraction au code de la route. Par ailleurs, seulement 0,12 % des conducteurs voient leur permis invalidé à la suite d’infractions sanctionnées par des retraits successifs d’un ou de deux points. Dans plus de 50 % des cas d’invalidation du permis, le conducteur a subi un retrait d’au moins six points à la suite d’un seul contrôle.
Tout conducteur doit se comporter comme un citoyen responsable, respectueux des règles et des autres, et apprendre à gérer son capital de points pour éviter de voir son permis invalidé. Il a désormais la possibilité de récupérer un seul point perdu au terme d’un an sans infraction entraînant un retrait de points. De même, dès qu’il atteint ou franchit le seuil de six points perdus, il reçoit un courrier en recommandé l’invitant à suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière, stage qui lui permet de récupérer au maximum quatre points tous les deux ans.
Par ailleurs, et c’est une nouveauté, il peut consulter régulièrement son solde de points sur le service internet du ministère de l’intérieur, en sélectionnant la rubrique « Télépoints ». Enfin, dans la mesure où son permis n’a pas été invalidé, tout usager recouvre l’intégralité de son capital initial de points si, pendant une période de trois ans, il ne commet pas d’autres infractions et ne perd pas de points supplémentaires.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie, et à travers vous Dominique Bussereau, des réponses et des précisions qui m’ont été apportées, notamment de ces informations statistiques dont je ne disposais pas forcément.
Cela étant, j’ai été confrontée à des situations difficiles de personnes ayant perdu leur travail et s’étant retrouvées au chômage parce que leur permis de conduire avait été invalidé. Il me semblait que, dans un certain nombre de cas, il aurait été possible de définir des peines de substitution permettant de sanctionner le conducteur – il est en effet impératif, je le redis, de lutter contre les excès de vitesse – tout en tenant compte des situations particulières, qu’il convient d’étudier au cas par cas.
hausse des prix du bois
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 349, transmise à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
M. Francis Grignon. Madame la secrétaire d'État, ma question est très simple ; pour autant, j’espère qu’elle n’est pas simpliste et que la réponse ne s’y trouve pas déjà… Si tel était le cas, je vous prie par avance de m’en excuser.
La loi de finances de 2009 a reconduit un système de taxe sur la production pétrolière, afin de créer un fonds pour aider les ménages les plus modestes à faire face à leurs dépenses d’énergie : c’est ce que l’on appelle l’aide à la cuve.
Pour obtenir cette aide, les ménages concernés doivent justifier de leurs revenus, mais également produire des factures de fioul.
Cependant, quand la source d’énergie utilisée est le bois, la situation est plus complexe. Dans ma région, de nombreux ménages se chauffent au bois, en se fournissant souvent par le biais d’adjudications communales, avec des reports d’une année sur l’autre. Dans ces conditions, il est difficile de fournir des justificatifs.
Est-il néanmoins possible, dans de tels cas, de bénéficier d’une aide ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, l’aide à la cuve a été instaurée pour aider les personnes les plus démunies utilisant le fioul domestique comme énergie de chauffage à faire face à l’envolée du prix de ce produit en raison de la hausse des cours internationaux du pétrole.
L’économie du bois n’étant pas liée à celle des produits pétroliers, cette source d’énergie n’a pas été intégrée au dispositif de l’aide à la cuve. Cela ne signifie pas qu’il n’existe pas d’aide à son utilisation ni que la situation n’est pas susceptible d’évoluer.
Dans le secteur domestique, les particuliers bénéficient déjà d’une aide à l’investissement dans un appareil de chauffage au bois par le biais du crédit d’impôt « développement durable ».
La dynamique est aujourd'hui très forte, puisque plus de 400 000 appareils ont fait l’objet de ce dispositif en 2007. La loi de finances de 2009 prévoit non seulement la prorogation du système jusqu’en 2012, mais aussi son extension dès le 1er janvier 2009 aux bailleurs ainsi qu’aux locataires et aux occupants à titre gratuit. Le chauffage au bois est donc bien soutenu et a vocation à se développer.
Par ailleurs, l’installation d’un système de chauffage au bois fait partie des travaux qui seront éligibles à l’éco-prêt à taux zéro, dispositif adopté dans la loi de finances et destiné à inciter à la réalisation de travaux de rénovation dans les logements privés existants. Ce prêt est attribué pour financer des travaux en vue de réaliser des économies d’énergie, travaux qui permettent d’atteindre une performance énergétique globale minimale du logement ou qui correspondent à une combinaison de progrès de différentes natures, y compris le recours aux énergies renouvelables.
De façon plus générale, des dispositifs sociaux existent, à l’heure actuelle, pour le chauffage électrique – le tarif de première nécessité –, pour le chauffage au gaz naturel – le tarif social du gaz – et pour le chauffage au fioul – la prime à la cuve –, ce qui recouvre 85 % des modes de chauffage employés en France.
Monsieur le sénateur, la question que vous avez posée est pertinente. Il n’est pas illégitime de vouloir aller plus loin encore, en envisageant la mise en place d’un dispositif d’aide au chauffage pour l’ensemble des ménages modestes, quel que soit le mode utilisé. C’est la raison pour laquelle Jean-Louis Borloo et moi-même avons demandé aux services du ministère de réfléchir à la mise en œuvre de dispositions en ce sens.
Aucune décision n’a encore été arrêtée, plusieurs pistes devant faire l’objet d’un examen quant à leur efficacité et à leur coût. Cette réflexion pourrait s’orienter, par exemple, vers une extension des dispositifs d’aide existants à d’autres types de combustibles, tels que le bois, ou vers leur harmonisation. Vous serez bien entendu tenu informé de l’avancement de cette réflexion.
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État.
Cela étant, dans l’est de la France, les personnes qui se chauffent au bois ont équipé leur logement à cette fin depuis longtemps et ne vont pas réaliser de nouveaux investissements, d’autant qu’elles ne disposent souvent que de revenus très modestes, ne leur permettant pas d’investir.
Quoi qu’il en soit, le bois est un excellent mode de chauffage. Ainsi, comme vous le savez, il réchauffe à trois reprises : d’abord quand on le coupe, ensuite quand on le fend et enfin quand on le brûle ! (Sourires.)
plan d’urgence pour améliorer la desserte de la plate-forme de Roissy-en-France
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 352, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
M. Michel Billout. Je souhaite attirer l’attention de M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les difficultés de vie quotidienne des 125 000 salariés de la plate-forme aéroportuaire de Roissy et sur la nécessité d’élaborer un plan d’urgence en matière de transports en commun pour l’accès aux différentes entreprises du pôle de Roissy-en-France et de ses alentours.
En effet, 90 % des salariés viennent travailler en voiture, notamment parce que 75 % d’entre eux exercent leur activité professionnelle selon des horaires décalés, c'est-à-dire la nuit et le week-end. Certains sont même amenés à dormir dans leur véhicule pour être à l’heure au travail, les axes routiers étant trop souvent saturés dès le début de la journée. Seuls des transports en commun rapides, de qualité, compétitifs, aux tarifs abordables peuvent permettre de modifier la situation et s’inscrire dans un environnement et un développement durables.
Depuis trente-cinq ans, l’aménagement de cette ville aéroportuaire et de ses zones d’activité n’a été conçu que pour le transport aérien et ses utilisateurs et n’a que très insuffisamment pris en compte les besoins des salariés venant travailler dans les 750 entreprises implantées dans cette zone.
Le Grenelle de l’environnement, les projets d’aménagement de la région d’Île-de-France donnent lieu à d’abondantes déclarations d’intention.
Certes, grâce notamment à la décentralisation de la gestion du syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, effective depuis deux ans et demi, d’importants projets sont en cours, qu’il s’agisse de la première phase de la tangentielle nord, de la réalisation du RER B Nord + ou du schéma directeur du RER D, mais il est indispensable qu’ils soient réalisés au .plus vite, comme l’a souligné la commission Dermagne.
De surcroît, répondre à l’urgence nécessite la mise en place d’une offre de transport encore accrue, prenant notamment en compte les horaires décalés, ainsi que la création de gares supplémentaires, de couloirs de bus en site propre, d’un maillage régional et interrégional avec de nouvelles connexions contournant Paris.
Ces besoins sont d’autant plus pressants que le trafic aérien est appelé à se développer et qu’en l’absence de projet de troisième aéroport la saturation de celui de Roissy-Charles-de-Gaulle va s’accentuer.
Par ailleurs, la société Aéroports de Paris développe un projet de très grand centre commercial qui va induire de nouveaux déplacements de population, compliquant davantage encore la situation présente.
La question essentielle est bien entendu celle du financement des différents projets. Il me semble que l’État, à l’origine de l’aménagement de ce secteur et principal actionnaire d’Aéroports de Paris, et les entreprises qui bénéficient des richesses engendrées par l’activité des salariés devraient participer au financement des infrastructures nécessaires à la réalisation d’un plan d’urgence d’amélioration et de développement des transports sur la plate-forme. Ce plan est attendu tant par les salariés que par les habitants des villes riveraines de l’aéroport.
Prendre un tel engagement me semble d’autant plus pertinent que le secteur de l’aéroport de Roissy-en-France a été identifié par le Gouvernement comme un pôle prioritaire de développement pour les années à venir.
Je souhaite donc connaître, madame la secrétaire d’État, les mesures concrètes que compte prendre le Gouvernement en matière d’aménagement et de desserte par transports en commun de ce pôle de première importance.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Dominique Bussereau, retenu au comité interministériel de la sécurité routière. En tant qu’élue d’un département proche de l’aéroport d’Orly, où se posent parfois des problématiques similaires à celles que vous avez évoquées, je suis sensibilisée à ces questions.
La définition de l’offre de service de transports collectifs en Île-de-France est de la compétence du syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF. C’est donc à cet établissement public local, présidé par la région d’Île-de-France et au sein duquel sont représentés la ville de Paris et les départements de la région, qu’il revient de définir les dessertes de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.
C’est ainsi que le STIF finance, par exemple, le service Allobus, qui permet aux salariés travaillant selon des horaires décalés et habitant des communes proches de l’aéroport de bénéficier d’un service de transport collectif sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
L’État entend toutefois jouer son rôle et participer au développement et à l’amélioration des infrastructures de transports collectifs.
Ainsi, à l’horizon 2012-2015, CDG Express pourrait assurer une liaison directe entre la capitale et l’aéroport, destinée aux usagers des transports aériens. Dans le cadre des discussions relatives à la mise au point du contrat de concession pour ce projet, est étudiée, par exemple, la mise en place d’abonnements ou de tarifs adaptés à la situation des personnels travaillant sur la plate-forme aéroportuaire. Il appartient au candidat concessionnaire de conclure éventuellement les négociations avec l’État sur ce sujet.
Par ailleurs, l’État, avec la région d’Île-de-France et le STIF, souhaite mener une politique volontariste d’amélioration et de développement des infrastructures de transports en commun, comme en témoignent les discussions actuellement en cours dans le cadre du plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France et les travaux menés pour définir de nouvelles liaisons dans la région. Le Gouvernement devrait proposer, dans les semaines à venir, un schéma global à la région d’Île-de-France.
S’agissant des déplacements des salariés qui travaillent sur la plate-forme de l’aéroport ou aux alentours, un programme de modernisation du RER B – le projet RER B Nord + –, est prévu dans le cadre du contrat de projets 2007-2013. Cette opération, d’un coût de plus de 260 millions d’euros, est financée par l’État à hauteur de 65 millions d’euros.
De même, de nouvelles infrastructures permettront aux usagers et aux salariés de rejoindre plus facilement la ligne B du RER et donc d’accéder dans de meilleures conditions à l’aéroport Charles-de-Gaulle. Ainsi, dans le cadre du plan « Espoir banlieues », plusieurs opérations vont être accélérées, notamment la liaison dite du « barreau de Gonesse » entre la ligne D et la ligne B, la tangentielle nord, qui reliera Sartrouville à Noisy-le-Sec en passant par la gare du Bourget sur le RER B, et le prolongement du tram-train Aulnay-sous-Bois-Bondy vers Clichy-sous-Bois et Montfermeil.
Ces nouvelles liaisons permettront aux salariés qui habitent dans l’est de la région de rejoindre plus facilement l’aéroport et sa zone d’activité.
Au-delà de ces nouvelles lignes, l’État, la région et le STIF se sont engagés, dans le cadre du plan « Espoir banlieues », à améliorer à court terme la qualité de service des bus desservant les quartiers sensibles. Des crédits sont prévus à cet effet.
Monsieur le sénateur, dans l’attente du plan qui sera dévoilé dans les prochaines semaines, tels sont les éléments que je suis en mesure de vous apporter au nom de mon collègue Dominique Bussereau.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Je vous remercie de cette réponse, madame la secrétaire d’État. Nous attendons avec impatience la présentation du plan que vous venez de nous annoncer.
Pour l’heure, j’insisterai une nouvelle fois sur la nécessité, pour l’État, de faire preuve de beaucoup de volontarisme, particulièrement en ce qui concerne le financement.
En effet, les retards se sont accumulés, notamment lorsque le STIF était présidé par l’État. Il revient donc à ce dernier de faire un effort particulier pour y remédier.
Madame la secrétaire d’État, vous nous avez annoncé un certain nombre de projets, que j’avais moi-même cités, mais la commission Dermagne, qui a été mise en place par le président Sarkozy, préconise d’aller beaucoup plus loin et plus vite. Il est donc vraiment urgent d’agir.
conséquences du règlement osp
M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel, auteur de la question n° 355, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.
M. Hubert Haenel. Ma question, madame la secrétaire d’État, pourrait se résumer ainsi : dans quels délais et dans quelles conditions s’appliquera en France le règlement OSP, c'est-à-dire le règlement relatif aux obligations de service public ? Quand les conseils régionaux pourront-ils ou devront-ils mettre en concurrence l’opérateur historique, la SNCF, sur tout ou partie des lignes dont ils sont autorités organisatrices de transport ?
Cette question est le prolongement de la mission que m’a confiée le Premier ministre sur l’état des lieux et l’avenir de la régionalisation ferroviaire. J’ai d’ailleurs récemment remis mon rapport.
Au cours de cette mission, j’ai été confronté à des interprétations différentes, quant à l’application du règlement OSP, entre les services du ministère, la Commission européenne, qui renvoie à une interprétation franco-française, les services de certains conseils régionaux, la SNCF et les autres opérateurs de transport, c'est-à-dire la concurrence qui se profile à l’horizon.
Sans être exhaustif, je veux maintenant évoquer certaines des questions qui se posent.
Ce règlement, qui instaure une période de transition de dix ans à compter de son entrée en vigueur à la fin de l’année 2009, suscite d’ores et déjà de nombreuses interrogations.
Tout d’abord, l’application du règlement OSP débouchera-t-elle sur l’obligation, pour l’autorité organisatrice de transport, de soumettre à la concurrence l’attribution des contrats de service public de transports ferroviaires régionaux et de longue distance ?
Si tel n’était pas le cas et si, par conséquent, le règlement OSP donne effectivement aux autorités organisatrices la liberté de choisir l’opérateur et les modalités d’attribution du service public ferroviaire, par attribution directe ou par appel d’offres, n’y aurait-il pas une incompatibilité entre ce texte communautaire et le maintien de l’article 18 de la loi du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs, la LOTI ? Serait-il alors nécessaire, pour rendre effective cette liberté de choix, de modifier la LOTI avant la fin de la période de transition, soit avant 2019 ?
Enfin, pouvez-vous confirmer que la date de 2014, prévue à l’article 8.1 dudit règlement communautaire, correspond à celle de l’élaboration du rapport de la Commission européenne sur l’état d’avancement de la réforme des contrats de service public et qu’elle n’a donc aucune conséquence en termes d’évolution du droit applicable ? Autrement dit, pouvez-vous nous assurer que les autorités organisatrices de transport ne seront pas obligées, à partir de cette date, de recourir à la procédure de mise en concurrence ?
Comme vous l’imaginez bien, madame la secrétaire d'État, votre réponse est d’importance, car elle fixera une fois pour toutes, du moins je l'espère, la doctrine gouvernementale en la matière.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur Haenel, je vous prie une nouvelle fois d’excuser mon collègue Dominique Bussereau, qui se trouve retenu par une réunion du comité interministériel de la sécurité routière.
Votre question s’inscrit dans le cadre de la mobilisation que vous avez lancée sur ce dossier, auquel vous consacrez un travail personnel important. Je vais tenter, à la demande de Dominique Bussereau, de vous apporter des réponses concrètes.
Le règlement relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, dit règlement OSP, pour « obligations de service public », a été publié le 3 décembre 2007 au Journal officiel de l’Union européenne. Il a pour effet d’appliquer aux marchés de transports urbains le modèle de concurrence régulée déjà mis en œuvre en province depuis de nombreuses années. Il dote d’un cadre juridique communautaire rénové l’organisation des transports publics en Europe.
Son entrée en vigueur interviendra deux ans après sa publication, soit le 3 décembre 2009. Cela dit, le règlement prévoit une période transitoire de dix ans, qui permettra aux autorités organisatrices et aux opérateurs de se préparer progressivement à l’ouverture à la concurrence.
L’organisation des services ferroviaires ne devrait pas être affectée substantiellement par le règlement OSP, dont l’objet est non pas d’anticiper l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires intérieurs, mais d’« instaurer un cadre légal en matière d’octroi de compensation et/ou de droits exclusifs pour les contrats de service public », comme le précise son considérant 25.
Cette ouverture relèverait, le cas échéant, d’une modification de la directive 91/440. C’est la raison pour laquelle le règlement OSP prévoit, en son article 5.6, une exception à la règle générale d’appel d’offres pour l’attribution des contrats de chemin de fer, à l’exception de quelques modes ferroviaires comme le métro ou le tramway.
En toute hypothèse, le règlement OSP ne remet pas en cause le monopole légal conféré à la SNCF par l’article 18 de la loi d’orientation des transports intérieurs pour les services ferroviaires intérieurs de voyageurs sur le réseau ferré national.
Ainsi, notamment, les autorités organisatrices des services régionaux de voyageurs ne pourront se prévaloir du règlement OSP pour lancer des appels d’offres afin de confier les services de voyageurs à d’autres opérateurs que la SNCF.
En l’absence de modification de la législation française, ces services doivent être réalisés par la SNCF, dans le cadre des dispositions de la loi LOTI ou, pour l’Île-de-France, de l’ordonnance du 7 janvier 1959 relative à l’organisation des services de transports dans la région parisienne.
Enfin, le règlement OSP prévoit qu’au premier semestre 2015, plus exactement entre le 3 décembre 2014 et le 3 juin 2015, les États membres de l’Union européenne fourniront à la Commission un rapport d’avancement de la réforme, en mettant l’accent sur l’attribution progressive des contrats de service public, conformément aux dispositions du règlement. Sur la base de ces rapports, la Commission pourra proposer aux États membres des mesures appropriées, éventuellement nouvelles.
Cette dernière disposition vise à permettre à la Commission de vérifier que les États membres prennent bien les mesures nécessaires pour appliquer progressivement, durant la période de transition, les modalités d’attribution des contrats de service public prévues par le règlement OSP. Elle n’a pas pour objet ou pour effet – j’y insiste – d’obliger les autorités organisatrices de transport ferroviaire régional à soumettre l’attribution des contrats des TER, c'est-à-dire des trains express régionaux, à appel d’offres, ni à compter de cette date ni à compter d’une date ultérieure.
M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel.
M. Hubert Haenel. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, qui mettra fin, du moins je l'espère, à des interrogations, à des doutes, voire à certaines tentations. En effet, le Parlement aura bientôt à examiner un projet de loi relatif à l’autorité de régulation des transports ferroviaires, et j’imagine que d’aucuns s’efforceront d’aller plus loin que les dispositions proposées, en y incluant, par voie d’amendement, une réorganisation du système ou l’expérimentation de la mise en concurrence.
Madame la secrétaire d'État, votre réponse, qui était attendue, sera sans doute « décortiquée » et commentée. En tout cas, j’espère que la doctrine du Gouvernement est fixée une fois pour toutes, pour les services de l’État, sans exception, pour la Commission européenne, pour la SNCF, pour les conseils régionaux et, bien entendu, pour les nouveaux entrants.
plate-forme hospitalière du sud de la Seine-et-Marne
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, auteur de la question n° 367, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
M. Yannick Bodin. Ma question concerne la situation de la plate-forme hospitalière du sud de la Seine-et-Marne.
Une plate-forme de six cent cinquante lits devrait être réalisée sur le territoire de la ville de Melun à l’horizon 2012, dans le cadre d’un projet médical qui a été validé par l’agence régionale de l’hospitalisation, l’ARH, et qui est d'ailleurs commun à l’actuel hôpital public de Melun Marc-Jacquet et à la clinique privée des Fontaines.
Or nous constatons avec inquiétude que le calendrier de la réalisation de cet équipement ne fait plus l’objet de communications précises de la part des services du ministère de la santé. On parle de deux années de retard, pour un projet qui devait commencer dans trois ans…
Par ailleurs, l’agence régionale de l’hospitalisation a souhaité réduire le budget global de l’opération, alors que la communauté d’agglomération de Melun-Val-de-Seine vient de céder le terrain de cette plate-forme hospitalière à l’hôpital de Melun et que le conseil général de la Seine-et-Marne et le conseil régional d’Île-de-France ont accepté de participer au financement des études de réalisation.
Enfin, nous constatons avec perplexité l’émergence d’un nouveau projet hospitalier, situé à Fontainebleau, tandis que le chantier de l’hôpital de Lagny-sur-Marne, projet par ailleurs tout à fait utile, vient de démarrer.
Les agglomérations de Sénart-Ville nouvelle et de Melun comptent aujourd’hui 250 000 habitants. Or l’hôpital de Melun, compte tenu de l’obsolescence de ses locaux, ne peut aujourd'hui ni continuer à fonctionner ni envisager un nécessaire développement.
Par conséquent, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, de vous prononcer clairement afin que le projet de l’hôpital de Melun soit inscrit sur la liste de 2009 du plan « Hôpital 2012 ».
En effet, les populations de Melun et de Sénart ne comprendraient pas qu’un tel projet, engagé et travaillé avec les services du ministère de la santé depuis 2004, n’aboutisse pas désormais dans les meilleurs délais.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Monsieur le sénateur, vous avez interrogé Roselyne Bachelot-Narquin sur la situation de la plate-forme hospitalière du sud de la Seine-et-Marne.
Le centre hospitalier de Melun et la clinique des Fontaines ont déposé un projet de création de plate-forme unique regroupant les activités médicales des deux sites.
Une première proposition a été présentée en 2007, que l’agence régionale de l’hospitalisation d’Île-de-France n’a pas validée compte tenu d’une mise en complémentarité insuffisante des moyens de chaque structure. Il a été demandé aux deux établissements de la repenser.
La dernière version de ce projet a été reçue par les services du ministère de la santé à la fin de juillet 2008 : elle tend à une meilleure organisation des locaux et des outils médicaux.
Parallèlement à ce projet de plate-forme publique-privée, l’ARH a reçu une demande d’aide au titre du plan « Hôpital 2012 » pour la reconstruction de deux cliniques, l’Ermitage et Saint-Jean, sur un site unique implanté sur la commune de La Rochette, mitoyenne de Melun.
Il est souhaitable que les trois cliniques et le centre hospitalier de Melun réfléchissent aux complémentarités à développer entre les deux futures structures, car Roselyne Bachelot-Narquin considère la réalisation de ces plates-formes hospitalières comme une priorité.
Le projet du centre hospitalier de Melun sera soumis à validation dans le courant du second semestre de 2009. Le centre hospitalier et la clinique des Fontaines sont vivement invités à fournir, avant le lancement de cette opération, un plan de financement de chacune de leurs structures. Le montant de l’aide qui pourrait être apportée à cette opération serait ainsi plus aisément estimable.
Monsieur le sénateur, vous évoquez l’émergence d’un nouveau projet hospitalier situé à Fontainebleau, alors que le chantier de l’hôpital de Lagny-sur-Marne vient de commencer.
Ces projets n’entrent nullement en concurrence avec celui du centre hospitalier de Melun. Ils ne concernent pas le même bassin de population. Ils sont conformes aux orientations du projet médical du sud de la Seine-et-Marne, qui vise à recomposer l’ensemble des sites chirurgicaux sur ce territoire.
Par les complémentarités qu’ils instaurent, ces regroupements hospitaliers permettront d’améliorer nettement la permanence des soins hospitalière dans toute cette partie du département de la Seine-et-Marne.
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de m’avoir transmis la réponse de Mme la ministre de la santé, dont je ne puis cependant absolument pas me satisfaire !
D'une part, je n’ai jamais mis en compétition les projets menés dans le sud de la Seine-et-Marne et ceux qui sont développés à Lagny-sur-Marne, et même à Fontainebleau. Il n’est pas question de concurrence en la matière !
D'autre part, le projet de plate-forme hospitalière de Melun concerne un bassin de population de plus de 250 000 personnes, qui attendent depuis plus de dix ans aujourd'hui la construction d’un nouvel hôpital.
En outre, que l’on remette en cause aujourd'hui, dans les services du ministère et à l’ARH, des décisions qui ont été prises il y a longtemps en faveur de ce projet associant le public et le privé me surprend beaucoup !
En réalité, vous ne nous donnez d’assurance ni sur la réalisation effective de ce projet ni sur son calendrier, ce qui ne pourra qu’accroître le mécontentement des habitants et des élus, que ce soit dans l’agglomération de Melun ou dans celle de Sénart !
réorganisation du réseau des creps
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, auteur de la question n° 328, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des sports.
M. Michel Teston. Monsieur le secrétaire d'État, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, aux termes des orientations de la commission de modernisation des politiques publiques, « le réseau des centres d’éducation populaire et de sport, les CREPS, sera resserré » et « une évaluation sera conduite pour identifier les établissements dont la contribution à la mise en œuvre des politiques publiques est essentielle ».
Outre que, ainsi présentée, elle fait fi des compétences et de la dynamique du réseau pour mettre chaque CREPS en concurrence avec tous les autres, cette « modernisation » a suscité une profonde inquiétude parmi les personnels, qui s’interrogent sur l’avenir de leurs structures et sont préoccupés de l’absence de visibilité sur le mode opératoire de cette réorganisation.
Monsieur le secrétaire d'État, ni votre lettre aux directeurs des CREPS du 4 juillet 2008 ni vos interventions plus récentes, le mois dernier n’ont, sur ce point, éclairci la situation.
Quelle est la méthode utilisée pour réorganiser le réseau ? Quels sont les critères discriminants de la « contribution de chaque établissement à la mise en œuvre des politiques publiques » ?
Seule l’architecture du réseau semble aujourd'hui un peu moins floue, avec, comme tête de pont, le futur Campus olympique et sportif français, base de votre réforme du sport de haut niveau.
Toutefois, dans ce cadre, que deviendraient les missions d’éducation populaire et de formation des éducateurs assurées par les CREPS ?
De plus, à l’inquiétude des personnels est venue s’ajouter celle des collectivités territoriales. Monsieur le secrétaire d'État, dans l’entretien que vous avez accordé au journal Le Monde et qui a été publié le 6 octobre dernier, vous évoquez l’éventualité de « ne plus conserver [certains CREPS] dans le giron du ministère [mais d’en] faire autre chose dans le cadre des collectivités territoriales ».
L’État va-t-il, une fois de plus, se décharger de certaines de ses missions sur les collectivités territoriales ? Et si tel est le cas, avec quels transferts de moyens ?
Je souhaite donc que vous détailliez les intentions du Gouvernement concernant la réorganisation du réseau des CREPS et que vous répondiez précisément aux inquiétudes tant des personnels que des élus locaux quant à l’avenir de ces établissements, et notamment du CREPS Rhône-Alpes. Celui-ci, vous le savez, se compose de l’établissement isérois de Voiron et de l’établissement ardéchois de Vallon Pont d’Arc, pôle ressources national de sports de nature comme le canoë-kayak, la spéléologie, le canyoning ou le VTT.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur la réorganisation du réseau des centres régionaux d’éducation populaire et de sport.
Comme vous le savez, deux réflexions, dont les conclusions auront une incidence directe sur le réseau de ces établissements publics nationaux, ont été engagées par mon ministère au cours de l’année 2008.
La première est liée à la démarche de révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui s’applique à tous les ministères.
Le comité de modernisation des politiques publiques a préconisé une évaluation permettant d’identifier les établissements dont la contribution à la mise en œuvre des politiques publiques est essentielle.
Une commission représentant les divers acteurs du monde du sport, de la jeunesse et de l’éducation populaire a été constituée à cet effet à l’été 2008 et a rendu ses conclusions.
Il apparaît que les deux missions principales confiées aux CREPS en matière de sport de haut niveau et de formation aux métiers du sport et de l’animation sont partiellement assurées. Un nombre significatif d’établissements ne jouent aujourd’hui qu’un rôle très marginal dans le dispositif du sport de haut niveau, notamment dans l’accueil de pôles « France » ou « espoirs », et ont une activité limitée en matière de formation.
La seconde réflexion d’ensemble sur le sport français engagée par mon ministère, en concertation avec le mouvement sportif, porte plus particulièrement sur le sport professionnel et le sport de haut niveau.
Si le bilan des jeux Olympiques et Paralympiques de Pékin a montré certaines de nos forces, il a également mis en évidence plusieurs faiblesses.
Ainsi, notre rang parmi les grandes nations du sport régresse régulièrement. Les résultats, dans certaines disciplines, n’ont pas correspondu à toutes nos attentes, de même que ceux de nos athlètes féminines. Certains de nos proches voisins, la Royaume-Uni notamment, nous ont dépassés.
Nous avons décidé d’agir et de proposer une réforme de fond de notre dispositif de soutien au sport de haut niveau et à ses structures. Nous voulons le tirer vers le haut, le mettre vraiment en situation d’être compétitif au plan international, créer des structures d’excellence destinées à nos meilleurs athlètes sur les plans national et international. Ainsi, la liste des sportifs de haut niveau comptera désormais non plus 15 000 noms, mais 5 000.
Cette réforme concerne au premier chef les établissements relevant de mon ministère. L’ambition du Gouvernement est d’en faire de véritables campus sportifs, modernes, bien équipés, à la pointe dans tous les domaines qui font la réussite de nos athlètes : la préparation physique, le suivi médical, la recherche, le coaching.
C’est ce que nous avons commencé à faire à l’INSEP, l’Institut national du sport et de l’éducation physique, qui disposera bientôt d’installations sportives et d’accueil des athlètes totalement rénovées. Son organisation et ses missions seront entièrement revues en 2009. Cet établissement doit devenir une référence sur le plan international.
Nous avons le même objectif pour nos CREPS. C’est dans cet esprit que j’ai annoncé, en décembre dernier, la réorganisation du réseau selon les principes suivants : quatorze CREPS ont d’ores et déjà vocation à devenir des campus sportifs modernes qui vont faire gagner nos athlètes ; quatre CREPS vont faire l’objet, dans les prochains mois, d’une évaluation plus approfondie, en totale concertation avec les élus et le mouvement sportif, pour impliquer davantage les collectivités territoriales ; enfin, six CREPS feront l’objet d’une profonde restructuration en 2009.
Concernant ces derniers, il va de soi que les solutions permettant le maintien d’une activité seront privilégiées, en pleine concertation avec les principaux acteurs locaux. Un suivi personnalisé de chaque agent des CREPS a d’ores et déjà été mis en place aux niveaux régional et national.
Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le sénateur, l’objet de cette réorganisation est, plus que jamais, de faire fonctionner nos établissements en réseau, tant pour le sport de haut niveau que pour la formation. Cette dimension nationale du réseau a malheureusement été, me semble-t-il, un peu perdue de vue au cours de ces dernières années.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le secrétaire d’État, force est de constater que vous n’avez pas répondu à ma question concernant l’avenir du CREPS de Rhône-Alpes, qu’il s’agisse de l’établissement isérois de Voiron ou du site ardéchois de Vallon Pont d’Arc. J’en tire la conclusion que vous n’avez pas tranché : l’incertitude subsiste donc, comme je l’indiquais dans ma question.
Votre réponse ne me rassure pas non plus en ce qui concerne les missions d’éducation populaire et de formation des éducateurs. En répondant à une précédente question de l’un de mes collègues, vous aviez plus ou moins laissé entendre que l’État pourrait se désengager de certains secteurs de la formation aux métiers du sport et de l’animation pour laisser la place à d’autres opérateurs. Lesquels ? Les collectivités territoriales – et, dans ce cas, avec quels moyens ? – ou des acteurs privés ?
Monsieur le secrétaire d’État, vous comprendrez que je ne sois pas pleinement satisfait – c’est le moins que l’on puisse dire ! – de votre réponse.
avenir de l'école de police de Vannes
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, auteur de la question n° 346, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Mme Odette Herviaux. Ma question concerne l’avenir de l’école de police de Vannes.
Le 7 janvier dernier, la direction générale de la police présentait aux syndicats les propositions qu’elle s’apprête à remettre à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales dans l’optique de la révision du schéma directeur de la formation de la police nationale.
Il apparaît d’ores et déjà, malheureusement, que la Bretagne devra payer un lourd tribut à cette révision, avec des fermetures prévues dès cette année à Nantes et à Saint-Brieuc, et peut-être même à Saint-Malo.
En revanche, la question de l’avenir de l’école de police de Vannes reste entière : s’il est assuré pour 2009, nul ne sait ce qu’il adviendra ensuite.
Créée voilà trente ans, l’école de police de Vannes, avec l’ensemble de ses personnels, contribue avec compétence et dévouement à la qualité de la formation dispensée aux futurs policiers.
Cette école est d’ailleurs très largement reconnue pour la qualité de son enseignement, prouvée par les très bons résultats obtenus par les élèves policiers aux différents classements nationaux : en 2008, elle s’est ainsi distinguée avec un taux de réussite au concours de gardien de la paix de près de 75 %. Elle est une structure de référence au plan national et participe activement à un aménagement durable du territoire. Bien que Mme la ministre ait dit à plusieurs reprises que ni l’armée ni la police n’ont vocation à assurer une mission d’aménagement du territoire, nous sommes néanmoins très attachés au rôle que l’école de police de Vannes joue dans ce domaine, près de 80 % des personnes formées étant en effet originaires de Bretagne ou des Pays de la Loire.
Cette école fait également partie intégrante du paysage urbain et social de la préfecture du Morbihan. Son implantation au sein d’un quartier classé en zone urbaine sensible, au cœur d’une agglomération très dynamique, constitue un atout majeur pour la formation des futurs policiers.
Ces acquis plaident pour l’institution de cette école en lieu de formation de référence, notamment en y regroupant formation initiale et formation continue. Malheureusement, de nombreuses incertitudes pèsent sur la pérennité, après 2009, de cette structure. À l’occasion de la révision générale des politiques publiques, le Gouvernement prévoit ainsi une très forte diminution de l’effectif des policiers, avec quelque 5 000 suppressions de postes sur trois ans, alors que, dans le même temps, nous est annoncé un soutien à la création de 100 000 emplois dans la sécurité privée.
En tout état de cause, la direction de la formation de la police nationale doit réduire, à l’échelon national, son effectif à hauteur de 450 équivalents temps plein. Or les huit fermetures de centre de formation envisagées au plan national ne représentent que 150 équivalents temps plein, soit le tiers de l’objectif. Je crains donc que le ministère ne soit amené à définir de nouvelles cibles au cours de cette année…
L’école de Vannes se retrouve ainsi en première ligne ; le seul recrutement de cadets de la République ne saurait, d’ailleurs, constituer une garantie solide pour son avenir.
Ma question est donc double : alors qu’aucun indicateur de gestion ne le justifie, l’école risque-t-elle malgré tout de fermer, et si oui à quelle date ; si non, quelle sera la proportion de personnels maintenus ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Madame la sénatrice, la révision générale des politiques publiques vise à offrir un service public de la meilleure qualité possible à un coût maîtrisé. C’est une démarche ambitieuse et d’intérêt général. Le ministère de l’intérieur ne saurait y rester étranger.
Le maintien du potentiel opérationnel des forces de police et de gendarmerie est la priorité. Aucune des mesures adoptées ne doit y porter atteinte.
Dans cet esprit, Mme la ministre de l’intérieur a obtenu que la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne s’applique pas dans le domaine de la sécurité. Le ratio restera limité à 36 %, ce qui est parfaitement cohérent avec la suppression ou la réorganisation de certaines missions.
D’importants efforts de rationalisation et de modernisation permettent, de plus, d’améliorer l’offre de sécurité en maîtrisant les dépenses. Ainsi, le rapprochement entre la police et la gendarmerie favorisera les mutualisations, notamment pour certaines formations techniques ou le soutien.
Pour le réseau de formation de la police nationale, une réflexion est en cours sur des regroupements permettant d’avoir des sites de formation plus vastes, plus fonctionnels, mieux équipés, garantissant un meilleur niveau d’enseignement.
Si l’objectif est fixé, la répartition géographique précise des moyens pour les trois années à venir n’est pas encore déterminée. Des réflexions sont en cours.
Aucune décision n’a été prise quant à une fermeture éventuelle de l’école de police de Vannes, qui ne sera pas, de toute façon, concernée par les mesures mises en œuvre cette année.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, même si elle ne dissipera pas les incertitudes, ni les inquiétudes des personnels.
Je sais bien qu’en cas de fermeture d’une école, les personnels sont réaffectés dans d’autres établissements, mais, vous l’aurez compris, l’existence de ces structures est très importante pour les citoyens, eu égard au rôle qu’elles jouent en termes d’aménagement du territoire.
Le flou qui prévaut contribue à dégrader le climat de confiance et de sérénité pourtant nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public aussi essentielle que la formation des policiers.
De plus, la ville de Vannes et la région Bretagne ont déjà payé, dans le passé, un très lourd tribut à la réorganisation, souvent unilatérale, des services publics.
Cependant, je ne doute pas, monsieur le secrétaire d'État, que vous saurez vous faire l’interprète de mes demandes, d’autant que la ville de Vannes a été à l’origine du développement en Bretagne d’un sport qui vous tient à cœur, le rugby : elle mérite donc une attention particulière de votre part ! (M. le secrétaire d’État sourit.)
avenir de l'Agence France-Presse et de son statut
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, auteur de la question n° 347, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
M. Ivan Renar. Comment ne pas s’inquiéter de l’avenir de l’Agence France-Presse, la seule agence d’information mondiale non anglo-saxonne, dont le statut unique est aujourd’hui menacé ?
Le Gouvernement demande en effet au président-directeur général de cette agence, récemment réélu à son poste, d’ouvrir son capital, ce qui passe par la remise en cause de son statut actuel.
Le statut en vigueur depuis 1957 prévoit que l’Agence France-Presse ne peut passer sous le contrôle d’aucun groupe économique, politique ou idéologique.
Après la Libération, la France a souhaité se doter d’une agence pour s’assurer d’une source indépendante d’information. Il s’agissait de donner aux médias français un réseau international, pour informer le monde autrement. Alors que l’information est plus que jamais stratégique dans nos sociétés, l’AFP est incontestablement l’un des plus remarquables fleurons planétaires dans ce domaine, au service du droit de savoir des citoyens.
Faut-il rappeler que l’information n’est pas une marchandise ?
Cette décision d’ouvrir le capital, si elle était maintenue, constituerait une atteinte grave au rôle du législateur, puisque le statut a été voté en 1957 par le Parlement français. Les pères fondateurs de ce texte avaient eu la sagesse de ne pas doter l’Agence France-Presse d’actionnaires, afin de la faire échapper aux lois « sans conscience ni miséricorde » du marché.
Ce statut particulier a permis, depuis plus d’un demi-siècle, le succès et l’indépendance rédactionnelle de cette agence, présente en continu pour informer, par des textes, des photos, des vidéos et en six langues, des centaines de journaux, de télévisions, de radios, de sites internet, d’institutions, de dirigeants, de décideurs.
L’AFP démontre en permanence son efficacité et sa pertinence. La preuve en est que la productivité de son personnel a progressé de 65 % ces quinze dernières années. C’est aussi par une dépêche de l’AFP que le chef de l’État a appris la libération d’Ingrid Betancourt.
Dans ces conditions, pourquoi vouloir changer une affaire qui marche et faire un premier pas vers une privatisation qui ne dit pas son nom ?
Alors que la contribution de l’État n’a pas été revalorisée en 2008, le nouveau contrat d’objectifs et de moyens vient enfin d’être signé : il prévoit une évolution régulière des abonnements de l’État et 20 millions d’euros d’investissements. C’est une bonne chose, d’autant que les profondes mutions technologiques nécessitent la modernisation numérique de l’AFP, que nous encourageons.
Or le statut de l’AFP, loin d’être un obstacle, constitue un atout pour son développement. C’est pourquoi la déstabilisation de ce qui a été construit année après année dans le domaine stratégique de l’information, qui est un bien public, n’est pas admissible.
Il est important par ailleurs de répondre aux légitimes inquiétudes des 2 000 salariés. Pourquoi remettre en question le statut de l’AFP ? Pourquoi vouloir ouvrir le capital qu’elle n’a pas et compromettre ainsi son indépendance ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. L’Agence France-Presse est dotée d’un statut particulier défini par la loi du 10 janvier 1957. Elle est, aux termes de l’article 1er de cette loi, « un organisme autonome doté de la personnalité civile et dont le fonctionnement est assuré suivant les règles commerciales ».
Si la loi du 10 janvier 1957 prévoit que l’Agence France-Presse est soumise aux règles du droit commercial, elle ne la qualifie pas pour autant de société de droit privé et l’Agence n’a, dans les faits, ni actionnaire ni capital.
L’AFP est donc pour l’essentiel tributaire de ses ressources commerciales, notamment de ses deux principaux clients, l’État et les médias.
Le modèle économique actuel de l’Agence France-Presse et les spécificités de son statut ne lui permettent pas de mobiliser les ressources nécessaires à son développement.
Pour continuer à collecter l’information pour l’ensemble des médias via un réseau international de bureaux et de correspondants et financer des investissements de plus en plus lourds dans les nouvelles technologies numériques, l’AFP doit impérativement pouvoir lever facilement les fonds nécessaires à son développement.
Il s’agit de l’aider à faire face aux mutations du marché, d’accompagner ses clients dans cette mutation et de conforter sa place au plus haut niveau international.
L’État a donc souhaité que M. Pierre Louette, en sa qualité de président de l’AFP, lui fasse part de propositions en vue d’une modernisation du statut et de la gouvernance de l’Agence.
Ces propositions, qui seront remises à la fin du premier trimestre de 2009, devront impérativement respecter deux principes.
En premier lieu, le modèle économique de l’AFP devra évoluer en vue de son adossement à un actionnariat public ou parapublic stable et pérenne, celui-ci étant seul à même de garantir à l’avenir le financement régulier de son développement.
En second lieu, l’indépendance de la rédaction sera impérativement protégée, car elle est le gage de la crédibilité de l’Agence, et donc de sa valeur.
Le soutien de l’État se matérialise par l’intermédiaire du contrat d’objectifs et de moyens, le COM, signé le 18 décembre en présence de Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, par le ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, le ministère de la culture et de la communication et le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, ainsi que par l’Agence France-Presse.
Pour la période 2009-2013, l’État s’engage à une évolution régulière de ses abonnements. Ainsi, la dotation budgétaire versée à l’AFP s’élèvera à 109,6 millions d’euros en 2009. Une augmentation moyenne annuelle de ses abonnements de 1,8 % est prévue pour la durée du contrat d’objectifs et de moyens, et sera revue chaque année selon l’inflation constatée.
De plus, l’État contribuera par une aide spécifique au projet 4XML, le nouvel outil de production et de distribution multimédia de l’Agence. Ce nouvel outil est indispensable à la fidélisation de ses clients et au développement de ses nouvelles offres. Il est prévu une dotation de 20 millions d’euros sur la durée du contrat d’objectifs et de moyens, soit 4 millions d’euros par an sur cinq ans, auxquels s’ajouteront 10 millions d’euros d’autofinancement prévus par l’Agence.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse me semble trop prudente, et donc pas satisfaisante. Je me permets d’insister pour que vous transmettiez mes propos à Mme la ministre, qui assiste aujourd'hui à Nîmes à la cérémonie des vœux du Président de la République au monde de la culture.
L’année 2009 risque d’être difficile pour l’AFP en raison de la récession économique. Plus que jamais, l’Agence doit préserver son originalité, liée à son statut actuel, et avoir les moyens de remplir ses missions d’intérêt général.
Dans le contexte de concurrence acharnée que nous connaissons, il est indispensable de conforter l’AFP dans son rang de troisième agence mondiale et de renforcer son rayonnement international, surtout dans une période où l’avenir de la presse écrite est plus que jamais précaire et où la télévision publique est malmenée au travers de ses financements et de son indépendance éditoriale et politique : je renvoie au débat sur l’audiovisuel public qui se déroule actuellement au Sénat.
Monsieur le secrétaire d’État, l’AFP ne doit ni être privatisée ni devenir une agence de l’État. J’insiste sur ce point. Le pluralisme donne de la force et du sens à notre démocratie. Les statuts de l’Agence sont particulièrement exigeants en matière d’éthique et de déontologie journalistique. Dans l’univers numérique et à l’ère de l’information de masse, notre société a de plus en plus besoin d’informations fiables, vérifiées, complètes et objectives.
L’information est un droit constitutionnel. C’est pourquoi j’espère que la sagesse l’emportera et que le Gouvernement renoncera à ses tentations d’ouvrir le capital de l’AFP et de remettre en cause son statut.
financement par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine de la cité Edmond Michelet, à Paris (XIXe)
M. le président. La parole est à M. Roger Madec, auteur de la question n° 356, adressée à Mme la ministre du logement et de la ville.
M. Roger Madec. Ma question porte sur le financement par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, des travaux indispensables à la résidence Edmond Michelet, située dans le XIXe arrondissement de Paris.
Présentée comme une priorité fondamentale, la politique en faveur des quartiers sensibles vient pourtant d’être sacrifiée. Alors que, en août 2003, la majorité, avec le plan Borloo, affirmait l’urgence de la rénovation urbaine à travers la création de l’ANRU, le Gouvernement se retire aujourd’hui en faisant supporter le financement des opérations par le 1 % logement dès cette année.
De nombreux projets sont actuellement bloqués et, d’après le rapport du Comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU, 9 milliards d’euros, sur les 12 milliards d’euros de crédits de l’Agence, ont servi à financer la moitié des objectifs du programme assigné d’ici à 2013.
Ces dernières semaines, les annonces succèdent aux annonces, maintenant les élus dans la confusion et les habitants des quartiers en difficulté dans l’expectative.
Madame la ministre, permettez-moi de vous poser la question : la rénovation urbaine est-elle l’une de vos priorités ? Le Gouvernement compte-t-il assumer enfin les engagements financiers qu’il avait pris ?
La résidence Edmond Michelet est un ensemble immobilier construit dans les années soixante-dix, composé de 1 800 logements sociaux et situé en zone urbaine sensible. L’ANRU s’est engagée à participer au financement du projet de renouvellement à hauteur de 23 millions d’euros.
Devant l’urgence de donner une réponse aux aspirations des habitants à vivre dans un cadre décent, l’ANRU, par un courrier du ministre du logement adressé au maire de Paris en février 2005, avait donné son accord pour un démarrage anticipé du chantier de requalification dès 2007.
Cela a permis d’engager les travaux, qui sont pratiquement terminés dans six des seize bâtiments. Parallèlement, la ville de Paris et la région d’Île-de-France se sont mobilisées pour rénover l’ensemble des équipements publics – espaces extérieurs, gymnases, écoles, jardin, crèche, centres de protection maternelle et infantile –, en respectant à la fois le plan climat et les préconisations du Grenelle de l’environnement.
C’est une nouvelle résidence Edmond Michelet qui s’apprêtait à émerger, madame la ministre, ce qui aurait constitué une véritable mesure de justice sociale à l’égard de ses habitants, une fierté que nous aurions tous pu partager : la ville de Paris, la région et le Gouvernement.
Or aujourd'hui, c’est la honte qui prévaut : les travaux sont arrêtés, une tour rénovée voisine avec une autre qui ne l’est pas, le programme s’enlise, la résidentialisation est menée sans cohérence, et donc sans efficacité.
En effet, contrairement aux engagements pris, l’ANRU n’a toujours pas versé sa participation financière aux programmes achevés et n’a pas non plus programmé la réunion technique relative au financement des travaux à venir.
Quelque 5 000 personnes habitent cette résidence et sont donc concernées, vivant dans un secteur relevant de la politique de la ville, où le taux de chômage s’élève à 20 % et où 26 % des familles ont de bas revenus.
Notre engagement commun était indispensable afin d’améliorer le cadre de vie des habitants de ce quartier. Il faut mettre fin à ce gâchis ! Ce dossier est prioritaire pour la ville de Paris – je rappelle que le conseil de Paris a voté à l’unanimité un vœu que j’avais déposé à ce sujet – et pour l’Office public de l’habitat parisien. Je souhaite qu’il puisse aboutir dans le cadre du partenariat entre l’État, la région et la ville, conformément à l’engagement commun pris dès 2002. Il n’est pas concevable que la requalification engagée ne soit pas poursuivie et menée à bien.
Je souhaiterais savoir, madame la ministre, quelles dispositions le Gouvernement entend prendre afin d’honorer les engagements pris antérieurement par l’État. Je vous remercie d’être venue personnellement répondre à ma question.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Monsieur Madec, je vous remercie de votre question, vive, qui me permettra de répondre de façon claire.
Tout d’abord, il est vrai que les services de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine ont été sollicités pour le financement d’un projet de rénovation urbaine dans le XIXe arrondissement de Paris concernant le quartier dit de la cité Michelet. Celui-ci est effectivement éligible à des financements de l’Agence dans le cadre de son règlement général et de la convention territoriale qui a été signée avec la région.
Toutefois, monsieur le sénateur, je dois vous dire avec la plus grande fermeté qu’il est inexact de prétendre que ce projet aurait fait l’objet d’un engagement financier de l’ANRU. Je démens donc formellement que l’Agence se soit engagée à hauteur de 23 millions d’euros pour le financement de ce projet. D’ailleurs, s’il en était ainsi, votre question n’aurait pas lieu d’être car, je l’ai déjà dit et je le répète, tous les engagements qui ont été pris par l’ANRU seront tenus !
En outre, monsieur le sénateur, le directeur général de l’ANRU a reçu la directrice de l’urbanisme de la ville de Paris le 6 novembre dernier. Mon directeur de cabinet et le directeur adjoint chargé du pôle « ville et exclusion » ont reçu la directrice de cabinet adjointe du maire de Paris et divers collaborateurs le 25 novembre 2008 à 10 heures. Enfin, la revue technique, qui avait été fixée au 8 octobre 2008, a dû être annulée par le préfet à défaut de fourniture par la ville des éléments nécessaires à la préparation de la réunion.
Venons-en au fond du dossier.
Le projet de rénovation urbaine de la cité Michelet a fait, de la part des services de l’ANRU, l’objet de remarques dès le dépôt du premier dossier, en 2005. Des compléments d’information apportés par le porteur de projet en fin d’année 2007 ont permis une meilleure appréhension du dossier, notamment de sa dimension en matière de mixité sociale du quartier et d’accompagnement des populations en place.
Le volet financier du projet qui a alors été présenté connaissait une évolution d’une ampleur considérable. Cela avait pour conséquence une augmentation de la demande de financements auprès de l’ANRU, notamment pour la réhabilitation des logements sociaux des dix-huit tours de la cité Michelet, afin de répondre aux exigences du plan climat de la ville de Paris. Il n’était toutefois pas possible, pour l’Agence, de prendre en compte ce surcoût, d’autant que les objectifs d’économies de charges et de dépenses d’énergie, ainsi que de mixité sociale, n’étaient pas encore totalement définis.
Conscient qu’il ne fallait pas bloquer les opérations dans l’attente des résultats de la négociation, le préfet vous a autorisé à engager les travaux nécessaires sur l’ensemble du quartier de la cité Michelet, sans obérer pour autant la possibilité de conclure un conventionnement sur ce projet.
Ce dossier de la cité Michelet doit cependant être replacé dans un cadre général. Je vous informe, monsieur le sénateur, que l’ANRU s’est bien engagée pour l’ensemble des territoires éligibles à Paris, dans la limite d’une enveloppe de 86,7 millions d’euros.
Ce montant comprend les enveloppes maximales des subventions prévues dans les conventions signées – soit 74,6 millions d’euros pour les projets de la Goutte d’Or et de Pouchet-Montmartre-Clignancourt –, le montant de subventions maximal, soit 2,9 millions d’euros, réservé par le comité d’engagement pour le projet de Bédier, qui doit être validé par une convention pluriannuelle tardant à être finalisée, et, enfin, l’enveloppe déconcentrée de 9,12 millions d’euros prévue pour attribuer des financements à des opérations isolées sans convention pluriannuelle et mise à la disposition de la ville de Paris par courrier du 28 février 2006.
C’est donc dans le cadre de cette enveloppe maximale qu’il est possible d’envisager un financement d’opérations liées au projet de rénovation urbaine de la cité Michelet, monsieur le sénateur.
Je vous confirme l’existence d’une volonté d’avancer sur ce dossier et d’aboutir à une conclusion rapide. Une réunion de travail des partenaires visant à définir une proposition de financement compatible avec les attentes de chacun sera donc organisée le 19 janvier 2009, conformément à l’engagement pris par le directeur général de l’ANRU auprès de la directrice de l’urbanisme de la ville de Paris. Les éléments nécessaires à cette réunion de travail devront bien sûr être envoyés préalablement par la ville de Paris aux services de l’ANRU : nous sommes le 13 janvier, il ne reste plus beaucoup de temps !
Il n’est évidemment pas exclu que la ville de Paris puisse s’insérer dans le dispositif du plan de relance annoncé par le Premier ministre le 15 décembre dernier pour des opérations de qualité urbaine et environnementale garantissant la mixité sociale et favorisant l’accession sociale à la propriété, sous réserve de participation des cofinanceurs et du lancement des travaux en 2009.
Monsieur le sénateur, je suis une femme de parole : les engagements pris par l’ANRU seront honorés, cela est certain. Des compléments pourront éventuellement être apportés dans le cadre du plan de relance. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas donner des informations qui pourraient laisser planer une ambiguïté. Les engagements de l’ANRU seront tenus !
M. le président. La parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Madame la ministre, je ne doute pas de votre bonne foi ; je ne me permettrais pas de vous faire cette offense, et je connais votre engagement.
Je vous indique simplement que votre prédécesseur avait écrit au maire de Paris pour autoriser le démarrage de l’opération : c’est bien le signe que l’ANRU s’engageait dans le financement, sinon une telle autorisation n’aurait pas été nécessaire.
Vous avez ouvert la porte à l’éligibilité de certaines opérations au plan de relance annoncé par votre collègue M. Patrick Devedjian, doté notamment de 350 millions d’euros de crédits supplémentaires. Ne tournons pas autour du pot : oui ou non, avez-vous la volonté de financer l’opération en question ?
Je partage votre souhait que soit davantage respectée la mixité sociale dans ce secteur. Vous le savez, je ne suis pas partisan de la concentration des logements sociaux : nous devons nous efforcer de réparer les erreurs commises à cet égard dans le passé. Si les aménageurs des années soixante-dix avaient conçu différemment certains quartiers, nous aurions moins de problèmes aujourd'hui.
Par conséquent, si j’ai bien entendu votre réponse, j’estime qu’il ne faut pas non plus renier les engagements pris par votre prédécesseur. D’habitude, l’État tient ses engagements, et je ne doute pas que la réunion du 19 janvier, à laquelle je prendrai part, nous permettra d’aboutir !
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
4
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2008-492 du 26 mai 2008 relative aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des affaires étrangères et sera disponible au bureau de la distribution.
5
Communication audiovisuelle
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence (nos 145, 150, 151, 152).
Organisation des débats
M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Pour la clarté de l’organisation de nos travaux, la commission demande la réserve des articles 13 bis, 14 bis et 14 ter relatifs à l’outre-mer, jusqu’à la séance du jeudi 15 janvier à quinze heures, afin de permettre la présence parmi nous de M. Yves Jégo, secrétaire d’État à l’outre-mer.
Par ailleurs, en ce qui concerne la discussion de l’article 20, la commission demande que les amendements de suppression nos 244 et 374 puissent être examinés séparément, de même que les amendements nos 149 et 272, qui procèdent à une réécriture du paragraphe I de cet article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur la demande de réserve ?
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Il est très favorable, monsieur le président.
M. David Assouline. Monsieur le président, je remarque tout d’abord que la commission ne s’est pas prononcée sur cette nouvelle demande de réserve. Les rapporteurs en ont, eux-mêmes, pris l’initiative. Je ne les blâme pas, mais c’est symbolique de ce qui se passe depuis le début de l’examen de ce projet de loi. On travaille vraiment de façon incroyable ! Comme ce qui fait l’essentiel de ce texte est, d’ores et déjà, appliqué, je pensais que l’on allait au moins nous laisser causer et travailler en prenant le temps !
Il n’en est rien ! La séance publique se poursuit, la commission multiplie les réunions pour étudier les amendements à venir. Nous nous sommes séparés à midi sans avoir été informés de cette demande de réserve. Ce temps sera sans doute mis à profit pour trouver, en amont, un accord avec le Gouvernement sur la rédaction qui sera soumise à notre assemblée. L’opposition n’a plus qu’à accepter !
Ne sachant même pas de quels articles il s’agit, je vais devoir maintenant chercher dans ma liasse les amendements qui sont réservés et ceux qui ne le sont pas. Ce sont des conditions de travail vraiment difficiles pour le Sénat !
Hier, la séance s’est terminée sur un cri de révolte de Jack Ralite, qui dénonçait ces conditions de travail, ainsi que sur un appel de l’opposition, qui réclamait, enfin, un vrai débat. La majorité est là et attend que cela se passe. L’opposition se livre à un jeu de ping-pong avec le Gouvernement, qui ne prend pas vraiment la peine d’étayer ses arguments.
Après avoir été humilié par le Gouvernement, on aimerait qu’enfin, collectivement, le Sénat réagisse et s’honore en menant le débat de fond que la nation attend sur l’audiovisuel public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Thiollière, rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Je tiens à préciser à notre assemblée que, ce matin, le président Jacques Legendre a porté à la connaissance de la commission les deux demandes que je viens de formuler.
M. le président. Je rappelle qu’hier la commission a expressément souhaité que les articles 8 et 9 soient examinés aujourd’hui mardi, afin que toutes celles et tous ceux qui le désirent puissent s’exprimer.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Exactement !
M. le président. En ce qui concerne la demande concernant l’article 20, il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Dans la discussion des articles, nous en étions parvenus à l’article 8.
Article 8
L'article 47-4 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 47-4. - Les présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France sont nommés par décret pour cinq ans après avis conforme du Conseil supérieur de l'audiovisuel et après avis des commissions parlementaires compétentes conformément à la loi organique n° du relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France. »
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, sur l'article.
M. Jack Ralite. Avant d’évoquer l’article 8 du projet de loi, qui nous concerne tous, permettez-moi, mes chers collègues, de vous lire un petit extrait du Figaro de ce jour.
M. Guy Fischer. Ah !
M. Jack Ralite. « Pendant que l’opposition parle, la majorité reste l’arme au pied et attend. “On doit passer des dizaines d’heures dans l’hémicycle et surtout se taire, témoigne Jean-Luc Warsmann, député UMP des Ardennes.”(Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Gaudin. Cela ne concerne pas le Sénat !
M. Jack Ralite. “Les députés de la majorité doivent rester plus nombreux en séance que leurs collègues de l’opposition pour éviter d’être défaits lors d’un vote surprise. Mais prendre la parole, c’est alimenter la polémique, poursuit le député des Ardennes. Il faut donc se taire.” »
De fait, monsieur le président, depuis le début de cette discussion, nous sommes souvent confrontés au silence de la majorité, qui refuse le débat.
On a même vécu des moments qui, véritablement, défiaient toute pratique démocratique, ce qui explique ma colère d’hier soir.
Nous voilà, avec cet article 8, au cœur du cyclone. Depuis le début de nos débats, il est là, omniprésent, tout à l’image du Président de la République qui, par cet article, se verra définitivement conférer le droit de nommer par décret les présidents de l’audiovisuel public.
Nous avons déjà beaucoup parlé de cette disposition ô combien symbolique.
Symbolique tant elle écorne notre démocratie ! Où voit-on en Europe et en Amérique du Nord un Président, chef de l’exécutif, s’arroger ce pouvoir sur la télévision publique ? Nulle part !
Hier, à l’occasion des interventions de l’opposition, nous avons passé en revue les modèles allemand, britannique et même italien, sous Berlusconi : point de trace de cette horreur démocratique !
Symbolique aussi tant cette disposition pèsera lourd sur les épaules des futurs promus, sur l’indépendance des médias et, plus précisément en l’occurrence, sur celle de l’audiovisuel public. L’indépendance n’est pas seulement un concept que l’on se doit de défendre pour le principe. C’est une réalité au quotidien que les journalistes peinent à préserver et que nous avons le devoir, en qualité de parlementaire, de garantir. Ce mot a bien été maintes et maintes fois prononcé depuis le début de nos débats. Chacun jure vouloir la préserver !
Aussi, devant un tel texte, on tente de-ci de-là, à la marge, de rendre présentable, digestible, acceptable une disposition qui devrait nous faire nous lever comme un seul homme pour crier non au fait du prince !
Au lieu de cela, une partie de cet hémicycle se terre dans le silence…
Un silence qui en dit long sur le malaise qui entoure ce texte et que chacun perçoit, quelles que soient les travées sur lesquelles il siège dans cet hémicycle.
Allons-nous accepter sans broncher, que dis-je sans même parler, sans même utiliser ce pouvoir de la parole confié par le suffrage universel, une mesure qu’aucun gouvernement français depuis l’après-guerre n’a ni pensé, ni même envisagé ?
Si c’est le cas, alors, au regard de la réforme du débat parlementaire qui s’annonce dans la droite ligne de ce texte caporaliste, le silence n’a pas fini de régner entre les murs de cette assemblée ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
M. David Assouline. Les deux articles éminemment symboliques que nous nous apprêtons à examiner constituent le cœur de notre débat.
L’été dernier, la réforme de la Constitution nous a été présentée comme tendant à renforcer les droits du Parlement. L’opposition n’a eu de cesse de dénoncer ce faux nez. Nous savions que le seul objectif de Nicolas Sarkozy, c’était de pouvoir s’exprimer devant le Congrès et d’asseoir un peu plus la présidentialisation du régime.
Nous sommes exactement dans le même cas de figure aujourd’hui. Voilà un an, Nicolas Sarkozy annonçait la suppression de la publicité. Tout le monde a cru qu’il était sincèrement convaincu des méfaits de la « pub » sur la qualité des programmes, de la création artistique et du service public. Il avait pourtant toujours affirmé l’inverse dans sa campagne électorale : lorsqu’on l’interrogeait sur la manière de réduire le déficit chronique du service public, il répondait qu’il fallait augmenter la part de la publicité.
Finalement, revenant sur sa position initiale, il nous annonce, voilà un an, sa décision de supprimer la publicité. Dans le même temps, la gauche est accusée de s’opposer à une mesure qu’elle a de tout temps portée, elle qui a toujours affirmé que la publicité ne devait pas être l’alpha et l’oméga du secteur public.
En réalité, la commission Copé, qui avait travaillé sur les contenus des programmes, les missions de l’audiovisuel public, le média global, n’avait pas été consultée sur la nomination et la révocation par le Président de la République des présidents de France Télévisions, de Radio France et d’Audiovisuel extérieur de la France. Cette question a simplement été ajoutée à la dernière minute. Nous sommes là au cœur du débat.
Nous nous interrogeons aussi sur la méthode qui a été utilisée. Comment a-t-on pu demander au conseil d’administration de France Télévisions d’appliquer par anticipation une disposition législative sur laquelle le Sénat ne s’est pas encore prononcé ? Le symbole est important.
De toute façon, la nomination des présidents de l’audiovisuel public par le Président de la République n’est pas conforme à l’article 34 de la Constitution, qui dispose que la loi fixe les règles concernant notamment « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ». Je rappelle que cette disposition a été introduite par le Sénat sur l’initiative du groupe socialiste.
À la place, on ne nous propose rien d’autre qu’un retour en arrière. On ne peut même pas dire qu’il s’agit d’en revenir au temps de l’ORTF dans la mesure où, à l’époque, il s’agissait d’avancer ! Aujourd’hui, à rebours de toutes les autres démocraties européennes, qui ont adopté un autre modèle, la France, qui a toujours été en avance sur la question des libertés et de la démocratie, tourne volontairement le dos à ses principes.
Ce recul s’inscrit parfaitement dans la ligne politique générale défendue par le Gouvernement et sa majorité, voulue par leur chef unique, ligne consistant à porter des coups de boutoir réguliers et constants à nos libertés civiles et politiques arrachées à l’Ancien Régime, dont le champ s’était constamment étendu aux xixe et xxe siècles.
Combien de temps la France restera-t-elle encore, aux yeux du monde, la nation des droits de l’homme, si, ne se satisfaisant pas de restreindre les libertés individuelles, le Gouvernement interdit peu à peu aux journalistes d’éclairer librement l’opinion ?
Je lance de nouveau un appel solennel. Cette question peut diviser les démocrates et ceux qui le sont moins, diviser les républicains et ceux qui le sont moins, mais elle ne devrait pas nécessairement diviser la gauche et la droite. Nous ne parlons pas ici de politique économique ou de politique sociale, qui ont toujours suscité des clivages entre la gauche et la droite, nous parlons de la liberté et de la République.
À ce moment du débat, paradoxalement, aucune voix ne s’est encore élevée, ici même, pour dénoncer la nomination des présidents de l’audiovisuel public par le Président de la République, alors même que cette mesure a été difficilement acceptée par bien des consciences républicaines, au-delà des seuls membres de l’opposition. Si j’en crois la presse, nous allions voir ce que nous allions voir ! Le groupe centriste du Sénat, qui peut faire pencher la majorité d’un côté ou de l’autre, allait s’élever contre l’inadmissible ! Or nous n’avons pas entendu une seule voix centriste sur cette question ! (Exclamations sur les travées de l’Union centriste.)
Bien entendu, nous pourrons nous retrouver sur la question de la redevance, bien que nous ayons fait le choix de défendre des valeurs que nous estimons universelles en nous opposant à ce texte. Il est temps que s’expriment enfin dans cet hémicycle ceux qui ne l’ont pas fait jusqu’à présent.
Quand bien même le Sénat ne parviendrait pas à infléchir la position du Gouvernement, il lui reviendra au moins l’honneur d’avoir engagé un débat qu’on a voulu étouffer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 130, 260 et 332 sont identiques.
L'amendement n° 130 est présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° 260 est présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 332 est présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jack Ralite, pour présenter l’amendement n° 130.
M. Jack Ralite. Discuter de l’article 8, c’est discuter de l’inscription dans la loi d’un petit putsch, parmi les divers petits putschs qui forment ce grand coup de force que constitue cette réforme forcée et menée tambour battant de l’audiovisuel public.
Cet article devrait soulever l’indignation de chaque membre de cette assemblée, quel que soit son engagement politique. Rien ne le justifie, sauf la logique d’étatisme affairiste du Président. Il constitue une véritable insulte au peuple français, dont nous sommes les représentants démocratiquement élus.
Cet article 8 place l’audiovisuel public dans la dépendance politique vis-à-vis du pouvoir exécutif, quand le reste du texte organise sa dépendance économique et éditoriale.
S’il est définitivement voté, les présidents de France Télévisions, de Radio France et d’Audiovisuel extérieur de la France seront redevables au Président de la République de leur nomination, comme la noblesse fut, en d’autres temps, redevable au monarque des honneurs et charges que celui-ci lui distribuait.
D’aucuns parlent, en la matière, de dérives bonapartistes ; nous préférons parler de transformation de la démocratie en « démocrature », en arbitraire tapi derrière la démocratie, n’attendant que de sortir de son fourré.
De ce point de vue, l’encadrement proposé pour cette nomination du prince relève du vulgaire camouflet. On nous dit que le CSA formulera un avis : les positions du Gouvernement sur le rôle et le fonctionnement de cette instance sont révélatrices de la nature de son argumentation politique, qui affectionne la duplicité, la manipulation et le sophisme. C’est en raison du dysfonctionnement du CSA que nous est proposée cette disposition, et ce serait ce CSA non réformé, dont on reconnaît la nature de courroie de transmission du pouvoir, qui nous protégerait !
Selon le bon vouloir de certains, tantôt le CSA ne sert à rien, tantôt il redevient une barrière démocratique.
Par ailleurs, on nous propose l’encadrement par les commissions parlementaires. Mais rappelons-nous qu’il faudra une majorité des trois cinquièmes pour s’opposer à la décision du Président de la République. Or, cela a été dit à plusieurs reprises depuis le début de ce débat, dans toute l’histoire de la ve République, jamais on n’a pu réunir une telle majorité. Jamais ! On comprend donc bien que cette disposition est un faux-semblant.
Cet article est un gigantesque pas en arrière, l’un des plus graves que l’on ait connus en la matière dans ce pays depuis des décennies. Ce pas en arrière est foncièrement inacceptable ; nous l’avons déjà dit et nous ne cesserons de le répéter jusqu’à ce que la majorité parlementaire revienne à la raison.
Ne l’oublions pas, mes chers collègues, dans l’organisation de l’équilibre des pouvoirs, c’est au législatif qu’il revient de protéger l’espace public, notamment les organes d’information publics, des appétits excessifs de l’exécutif, en l’occurrence ceux du Président de la République.
Jouons notre rôle et mettons-nous à l’heure exacte de la conscience : supprimons cet article ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 260.
Mme Marie-Christine Blandin. Certes, l’audiovisuel public doit se construire dans le respect de la liberté, de la diversité et en fonction des moyens dont il dispose, en même temps qu’il doit aussi tenir compte de l’audiovisuel privé, de ses fréquences et des règles auxquelles celui-ci obéit.
À ce dernier, madame la ministre, vous faites des cadeaux et prêtez une oreille attentive. En revanche, à l’audiovisuel public, vous imposez un cadre autoritaire dont l’article 8, dont nous demandons la suppression, est vraiment le modèle.
Sur le fond, cet article non seulement constitue une véritable régression, mais encore introduit une disposition inédite dans une démocratie. Mon collègue David Assouline fustigeait à l’instant le silence et l’absence de réaction de la majorité sur le sujet. Je nuancerai son propos en vous lisant cet extrait de la page 215 du rapport : « L’atelier consacré à ces questions, auxquels participaient nos collègues Jacques Valade, alors président de la commission des affaires culturelles, et Louis de Broissia, alors rapporteur de la commission pour l’audiovisuel, avait souhaité, en effet, que la nomination du président de France Télévisions soit confiée au conseil d’administration de la société, dont la composition aurait été significativement rénovée. » Les réverbères se sont éteints !
Mme la ministre estime que la nomination des présidents de l’audiovisuel public par le CSA était une hypocrisie. Quand, dans nos collectivités, nous constatons un fait hypocrite, une anomalie, une déviance antidémocratique, nous les supprimons ou bien nous veillons à les infléchir. Dans le cas d’espèce, comment agit-on pour mettre fin à cette anomalie qui fait du CSA une courroie de transmission ? On en inscrit le principe directement dans la loi ! Partant, le CSA sera non plus une courroie de transmission, mais la voix de son maître !
Désormais, les présidents de France Télévisions et de Radio France seront nommés par le Président de la République, qui n’a désormais comme seul objectif que de découvrir des outils lui permettant de donner l’illusion qu’il gouverne la France.
Enfin, madame la ministre, vous nous avez parlé de symbole. Oui, le symbolique est aussi constitutif de la politique, et celui qui y touche prend une très lourde responsabilité. Jusqu’à présent, on n’a jamais cru bon de veiller à bien séparer le secteur public de l’audiovisuel du pouvoir exécutif, comme cela a été fait pour le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Au contraire, vous tricotez, vous serrez le poing et vous mettez fin à son indépendance.
La France a une manière bien originale d’appliquer les directives de l’Union européenne. Vous n’en retenez que les aspects les plus libéraux en gommant certaines parties, par exemple l’obligation pour chaque État membre de garantir l’indépendance de son secteur audiovisuel public.
Pour toutes ces raisons, nous demandons expressément la suppression de l’article 8. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 332.
M. David Assouline. Avec l’article 8 du projet de loi ordinaire, nous abordons la disposition dont la portée est sans aucun doute la plus grave, car elle touche finalement aux principes et aux conditions mêmes d’existence et d’épanouissement d’une société démocratique.
En effet, non seulement ce projet de loi tend à organiser, sur le seul fondement d’une décision arbitraire du Président de la République, la dépendance économique de l’audiovisuel public vis-à-vis de l’État, ce à quoi la commission Copé s’était d’ailleurs plus ou moins pliée, mais encore il impose la subordination des dirigeants de la radio et de la télévision publiques au gouvernement en place en prévoyant que ces derniers seront choisis par le chef de l’État.
Je le rappelle, la commission Copé avait écarté cette hypothèse, car elle estimait qu’il était nécessaire de conserver à France Télévisions « sa spécificité que le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de réaffirmer ».
Mme Blandin a eu raison de rappeler la position qu’avait adoptée la commission des affaires culturelles du Sénat, alors présidée par Jacques Valade, sur la nécessité de désigner de manière plus démocratique qu’aujourd’hui le président de France Télévisions. Comme nous, elle jugeait que son mode de désignation actuel était non seulement perfectible, mais encore hypocrite.
Au lieu de progresser sur la voie de la démocratie, on revient en arrière.
Cette disposition, le Président Sarkozy l’a voulue au mépris d’un des principes les plus essentiels de la démocratie, la liberté de la presse, qui, dans une société moderne, n’est rien sans son indispensable corollaire, l’indépendance des médias.
Si cette disposition est intrinsèquement grave, c’est que, pour citer Pierre Rosanvallon, intellectuel qui s’est exprimé récemment sur les atteintes que le gouvernement actuel portent aux libertés civiles et politiques : « La liberté de la presse n’est pas simplement une liberté individuelle […]. Elle est une composante structurante de la vie démocratique. Elle participe du fonctionnement même de la démocratie. Elle est ainsi à la fois une liberté publique, un bien collectif et un rouage démocratique. »
En voulant institutionnaliser la subordination à son autorité des dirigeants des sociétés publiques de radio et de télévision, le Président de la République ignore délibérément, comme certains le font dans le présent débat, la spécificité de ces entreprises, que reconnaissait la commission Copé.
Je laisse à nouveau la parole à Pierre Rosanvallon : « Dans le débat actuel sur la nomination des présidents de l’audiovisuel public, il y a une [...] précision qu’il est essentiel d’opérer : il faut bien distinguer les conditions de gestion d’un bien public conflictuel – un bien dont la présomption de gestion partisane détruit le caractère public – et celles de la direction d’une entreprise publique – déterminée par des catégories d’ordre gestionnaire. C’est pour cela que nommer un président de chaîne de télévision n’est pas de même nature que nommer le président d’une entreprise ferroviaire. Il faut ainsi dénoncer la rhétorique qui entretient cette confusion. De même qu’il faut dénoncer la confusion parallèle entre la notion de décision politique et celle de nomination à une fonction de gestion d’un bien public conflictuel. Un pouvoir élu est évidemment toujours fondé à prendre une décision politique. Il a été élu pour cela, pour trancher entre des options différentes, faire des choix. Prendre parti est en la matière de l’essence même de sa mission et de l’exercice de sa responsabilité – qui sera sanctionnée par une éventuelle tentative de réélection. Mais il y a des domaines où il faut au contraire s’abstraire de cette logique. Ne pas le reconnaître, ce serait finir par justifier le droit à épurer librement l’administration et rompre avec la notion même de service public. »
Pierre Rosanvallon a précisé les termes du débat. Il s’agit non pas d’un débat manichéen, mais d’un débat qui est plus profond que celui qui s’est instauré au Sénat. J’appelle chacun à relever cette contradiction. Il faut aller plus loin, ne plus considérer qu’il est normal que le pouvoir politique nomme le responsable d’un média audiovisuel comme il nomme le président de la SNCF.
M. le président. L'amendement n° 131 rectifié, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
« Art. 47-4. - Les présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France sont nommés à la majorité qualifiée des trois cinquièmes de leur conseil d'administration.
« La liste des personnes éligibles est proposée par une commission dite « pour le pluralisme et les médias », instituée à compter du 1er juin 2009. Cette commission parlementaire est mixte : elle regroupe, dans le strict respect du pluralisme, onze élus représentatifs de toutes les sensibilités des deux assemblées.
« Elle a notamment pour objet la proposition de candidature aux présidences des trois sociétés nationales de programme et une mission de vigilance démocratique quant au respect du pluralisme dans les médias. »
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Si nous devons défendre cet amendement, c’est malheureusement parce que la disposition liberticide prévue par l’article 8 n’a pas été supprimée.
C’est un très triste jour pour notre démocratie, qui est véritablement blessée en ses piliers fondamentaux.
Rappelons qu’il n’est pas une seule démocratie où l’on puisse imaginer un instant que les patrons de l’audiovisuel public soient désignés par décret du chef de l’exécutif !
Les raisons de cette précaution démocratique fondamentale ont été développées à plusieurs reprises. Mais, puisque la majorité de cette assemblée semble ne pas les entendre, nous allons en rappeler quelques-unes et non des moindres.
L’indépendance du service public de l’audiovisuel constitue, en France, une exigence démocratique et constitutionnelle. Rappelons-le, réaffirmons-le, tirons-en les conséquences.
Souvenons-nous de la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 2000, en vertu de laquelle « assurer l’indépendance des sociétés nationales de programme chargées de la conception et de la programmation d’émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision » revient à « concourir [...] à la mise en œuvre de la liberté de communication proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ».
Cette même décision affirme que « l’objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs, qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l’article 11 précité, soient à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions ni qu’on puisse en faire les objets d’un marché ».
Dans cet esprit, le Conseil constitutionnel avait précédemment insisté sur les garanties d’indépendance que doivent offrir les procédures de nomination des présidents des sociétés nationales de programme.
Ainsi, dans une décision que nous avons déjà citée et qui remonte au 26 juillet 1989, il indique, et M. Thiollière le rappelle dans son rapport, que « s’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, c’est à la condition que l’exercice de ce pouvoir n’aboutisse pas à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ».
Or c’est exactement le contraire de l’article 8 dans sa facture actuelle. Si nous devons voter cet article, votons-le de manière digne en lui donnant un contenu démocratique et conforme aux principes constitutionnels.
L’adoption du présent amendement permettrait de réintroduire de la démocratie là où elle est mise en cause de manière virulente et quasi inédite sous la Ve République.
Pour garantir l’indépendance des responsables de l’audiovisuel public à l’égard du pouvoir exécutif, nous proposons de les délier totalement. En effet, nous considérons que la véritable hypocrisie dans le présent débat est de simplement « encadrer » la nomination par décret des présidents des sociétés nationales de programme alors qu’il fallait purement et simplement faire en sorte que l’exécutif national n’ait rien à en dire.
Le dispositif de nomination qui prévaut aujourd’hui donne au CSA cette prérogative, et nous sommes d’accord sur le principe d’une nomination par un tiers arbitre le plus neutre possible. Malheureusement, le CSA dysfonctionne, et sa réforme n’est apparemment pas pour demain.
Notre amendement tient compte de tous ces éléments. C’est pourquoi nous proposons que les présidents des sociétés nationales de programme soient nommés par leur conseil d’administration, sur proposition d’une commission parlementaire mixte, constituée de députés et de sénateurs, dite pour le pluralisme et les médias.
La constitution d’une commission spécialisée se justifie pleinement compte tenu des enjeux et du fait que le Parlement est la voix des téléspectateurs, qui sont, via la redevance, les véritables actionnaires de l’audiovisuel public. Nous avons eu l’occasion de le dire, la télévision et la radio publiques appartiennent aux citoyens et sont leur affaire. Ils doivent donc s’en mêler au premier chef, directement et par l’intermédiaire de leurs élus.
Par ailleurs, nommés par leur conseil d’administration, les présidents seraient responsables devant lui et non devant le Président de la République.
Le système proposé permet une véritable indépendance de l’audiovisuel et un pluralisme interne aux instances décisionnaires de l’audiovisuel public, deux objectifs qui doivent être nos lignes directrices et c’est pourquoi je vous demande de voter avec nous cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 336, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
« Art. 47-4. - Les présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France sont nommés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour cinq ans. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Afin de replacer cet amendement de repli dans son contexte, je tiens à rappeler l’architecture de la proposition du groupe socialiste pour la nomination des présidents des sociétés nationales de programme.
Nous sommes assez favorables au système britannique, dans lequel le conseil d’administration de la BBC élit son président en son sein parmi les personnalités qualifiées.
Bien entendu, pour qu’un tel système soit applicable en France, il aurait fallu, hier, prendre d’autres décisions. Il aurait fallu permettre que la composition du conseil d’administration témoigne de son indépendance. Celui-ci aurait pu être constitué de parlementaires, de l’opposition et de la majorité, de représentants du personnel et de personnalités qualifiées nommées par une instance elle-même indépendante.
Or, aujourd’hui, force est de constater que l’ensemble des membres du CSA ont été nommés par la majorité. Si l’on veut que la désignation du conseil d’administration par le CSA ne donne pas lieu à contestation, il faut rénover le CSA.
Nous avons fait de nombreuses propositions de réforme de la composition du CSA. Pour éviter que son autorité et son indépendance ne puissent être contestées au fil des alternances, nous sommes arrivés à la conclusion que 50 % de ses membres devaient être issus de la majorité et 50 % de l’opposition.
Ainsi constitué, le CSA d’aujourd’hui, pas plus d’ailleurs que celui de demain, celui qui aurait été en place lorsque nous serions revenus aux affaires, n’aurait souffert d’aucune contestation. Il aurait été indépendant du fait de son mode de nomination paritaire.
Le vote que le Sénat a émis hier sur l’article 7, relatif au conseil d’administration, interdit une telle évolution. Nous préférons donc en rester à la nomination du président de France Télévisions par un CSA rénové.
Nous regrettons que le Sénat, qui a régulièrement montré sa détermination à s’opposer au pouvoir exécutif lorsqu’il cède trop facilement à la tentation de passer outre certains principes fondamentaux, n’ait pas saisi l’opportunité que nous lui donnions, au détour de l’examen de ce texte, de réformer profondément les modalités de désignation des membres du CSA.
Ceux qui croient aux idées pour lesquelles ils se battent ne manqueront pas de relever un paradoxe. Le Sénat s’est prononcé sur notre amendement instituant la parité de la composition du CSA. Le vote, par assis et debout, s’est fait à une voix près, après qu’un sénateur, qui était dans un premier temps resté assis, se fut levé et que le président de séance eut procédé à un nouveau comptage. Il s’en est donc fallu de très peu pour que la composition du CSA soit complètement bouleversée. C’est dommage !
Mes chers collègues, il faut avoir présent à l’esprit que le mandat de trois des actuels membres du collège du CSA se termine dans les prochains jours. Au lieu de dénoncer la politisation du CSA pour instruire un procès en hypocrisie de l’actuel mode de désignation des dirigeants de l’audiovisuel public, mieux vaudrait s’attacher à réformer les conditions de nomination des membres de cette autorité. Je suis persuadé que cela se fera un jour, parce qu’il y va de la crédibilité de cette instance.
À quoi sert une autorité indépendante qui ne peut se prévaloir d’une crédibilité et d’une autorité incontestables ? Le premier pas à faire dans cette direction, mes chers collègues, c’est de voter notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 333, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, remplacer les mots :
les Présidents des sociétés France Télévisions et
par les mots :
les Présidents de la société
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Cet amendement s’inscrit dans la logique développée à l’instant par M. David Assouline, et qui vaut également pour les amendements nos 333, 334 et 335.
L’amendement n° 333 vise, lui aussi, à faire partager notre inquiétude et notre indignation, tant elles sont sincères et profondes, quant à la procédure qu’institue l’article 8 du projet de loi ordinaire.
Elles devraient d’ailleurs, à notre sens, être partagées par l’ensemble des membres de cet hémicycle, qui devraient avoir la lucidité de mesurer le formidable retour en arrière que constitue le fait de voir le pouvoir en place remettre en cause le système qui prévalait jusqu’à maintenant, qui fonctionnait peut-être d’une manière fragile et aléatoire, mais n’en garantissait pas moins, en ce qui concerne la nomination du président de France Télévisions, une relative indépendance.
C’est la raison pour laquelle il nous semble, encore une fois, de notre devoir, de vous soumettre ces trois amendements, afin de tenter d’éveiller la conscience du Sénat…
M. Bernard Frimat. C’est dur !
M. Jean-Jacques Mirassou. … sur le fait que les dispositions de cet article présentent un caractère absolument dérogatoire aux principes fondamentaux de notre République.
Vous-même, monsieur le président, lors de votre élection, vous aviez émis le vœu que notre République soit une République moderne, garantissant la démocratie. Or, cela passe notamment par l’indépendance des chaînes de télévision du secteur public, qui, au moment où nous discutons, sont mises en danger.
La démocratie – et le mot mériterait ici une majuscule –, est donc le corollaire d’une République moderne. Pour que nous nous montrions à la hauteur de cette ambition – partagée, semble-t-il –, une prise de conscience au sein de notre assemblée se justifierait.
M. le président. L'amendement n° 334, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, remplacer les mots :
Les Présidents des sociétés France Télévisions et Radio France
par les mots :
Les Présidents de la société France Télévisions
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 335, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, avant les mots :
sont nommés
supprimer les mots :
et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 261, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après le mot :
nommés
rédiger comme suit la fin du texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
par leur conseil d'administration à la majorité.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Par cette proposition d’amendement, nous vous invitons à réintroduire dans le texte le processus de nomination, à la majorité, bien sûr, des présidents des sociétés par leur conseil d’administration.
Cette proposition appelle le Sénat à un sursaut démocratique. Il ne s’agit d’ailleurs que de la reprise d’un choix fait antérieurement par notre commission des affaires culturelles, comme cela a été rappelé par une référence à Jacques Valade, ancien président de la commission, et à Louis de Broissia.
Je dois d’ailleurs préciser que cette proposition reflétait l’opinion de l’ensemble de la commission, où siégeaient déjà le président actuel de la commission, M. Legendre, et nos rapporteurs, qui avaient été associés à cette réflexion. Il ne s’agissait donc pas d’un point de divergence ou de clivage !
Mais, aujourd’hui, l’autorité du Président Sarkozy et son appétit de tout régir sont passés par là. Oubliée la rénovation ! Remisée l’innovation audacieuse !
Tout se passe comme si les parlementaires ne détenaient pas leur mandat et leur autonomie du peuple, mais pouvaient être révoqués, comme les personnes désignées à l’article 9, par une autorité supérieure !
Chers collègues, il suffirait d’ajouter après le mot « nommés » les quelques mots suivants : « par leur conseil d’administration à la majorité ». Ce serait là une belle preuve d’autonomie qui permettrait à la Haute Assemblée de se relever de l’humiliation qui lui a été infligée en lui donnant à débattre le 7 janvier d’une disposition mise en œuvre le 5 ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 338, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bourzai, MM. Boutant et Domeizel, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :
Conseil supérieur de l'audiovisuel et après avis
insérer le mot :
conforme
La parole est à M. Marc Daunis.
M. Marc Daunis. À la suite du Président de la République, dont certains se doivent d’être les porte-voix fidèles, vous nous avez présenté le dispositif instauré par l’article 8 comme le plus sûr moyen de sortir de l’hypocrisie entourant la nomination des présidents de France Télévisions et de Radio France actuellement en place.
Arrêtons-nous quelques instants, mes chers collègues, si vous le voulez bien, sur cette notion d’hypocrisie. En quoi consiste-t-elle, sinon dans le fait que les conseillers du CSA, et leur président en premier lieu, iraient chercher leurs ordres auprès des autorités les ayant nommés avant de choisir les dirigeants des chaînes de télévision publiques ?
Si nous voulions sortir de cette hypocrisie, sans rompre pour autant avec les nominations politiques des membres du CSA, il resterait à accepter de donner aux commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat le droit d’émettre un avis remettant en cause la décision du Président de la République.
Madame la ministre, cette proposition pourrait constituer, éventuellement, la seule voie, certes étroite, qui permettrait d’éviter une situation qui porterait une atteinte profonde aux libertés dans notre pays, comme l’ont rappelé précédemment différents orateurs. Elle permettrait peut-être également à nos concitoyens de nourrir quelque espoir sur l’attachement des parlementaires aux libertés et sur leur capacité à faire preuve de courage en se prononçant, à l’avenir, contre la volonté présidentielle pour le choix des dirigeants de leur télévision publique.
Sans doute, madame la ministre, ne serez-vous pas réceptive à cet argument ; mais nous souhaitons que notre Haute Assemblée y soit sensible. Le présent amendement contribuerait à renforcer réellement le pouvoir législatif, en donnant aux assemblées la capacité réelle de s’opposer à la décision du seul président de la République, alors que la pratique du pouvoir, confirmée par la révision constitutionnelle de l’été 2008, a fait de celui-ci tout à la fois le chef de l’État, le véritable chef du Gouvernement et le chef de la majorité parlementaire, dans une confusion des pouvoirs préoccupante pour l’évolution de notre système politique.
Il me semble donc qu’il est temps pour nous, parlementaires, de poser des bornes à cette volonté du titulaire de la magistrature suprême de s’approprier des parcelles de pouvoir existantes. Cela est d’autant plus vrai que ces bornes permettront, comme c’est le cas avec cette proposition d’amendement, de préserver l’indépendance de l’audiovisuel public, et donc la liberté des journalistes d’informer sur le pouvoir et de le critiquer.
Enfin, permettez-moi de m’étonner que l’on puisse d’un côté parler d’hypocrisie à propos de la décision prise par les neuf membres d’une institution, au motif que ceux-ci seraient trop proches du pouvoir, et, de l’autre, considérer comme une amélioration le fait qu’il n’y ait plus qu’une seule personne – celle qui détient tout le pouvoir – qui décide ! (M. David Assouline applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 337, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
commissions parlementaires compétentes
rédiger comme suit la fin du texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
chargées des affaires culturelles. Il ne peut être procédé à la nomination lorsque l'addition des votes positifs dans chaque commission représente moins de trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Dans la logique de notre proposition précédente, il nous semble indispensable que les dispositions de l’article 8 soient amendées, afin que le pouvoir de nomination du Président de la République soit réellement encadré.
Je citerai l’un de nos plus illustres penseurs des Lumières, Montesquieu : « C’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. »
La protection de l’indépendance de notre radio et de notre télévision publiques, de la liberté des journalistes y travaillant et du pluralisme devant régir leurs programmes exige que nous prenions la responsabilité de mettre un frein minimal à l’exercice, par le chef de l’État, du pouvoir de nomination que lui donneraient les dispositions de l’article 8.
Ce serait là marquer notre profonde désapprobation du virage que prend aujourd’hui notre République sous la direction de celui qui s’en veut le conducteur, pour lequel tout se passe comme si la démocratie se réduisait à la légitimation par les urnes des gouvernants, selon le principe : « Puisque j’ai été élu, toutes mes décisions sont légitimes, et je ne fais que prendre mes responsabilités » ou « puisque j’ai la majorité, j’ai tous les droits ! »
Tel est le sophisme qui permet au chef de l’État de justifier ses choix les plus contestables, ceux qui restreignent les libertés civiles et politiques, comme ceux qui détricotent progressivement les mailles de notre protection sociale et de notre droit du travail.
C’est une nouvelle vision de la démocratie et de la responsabilité politique qui s’affirme de la sorte, indéniablement en rupture avec une longue tradition parlementaire et « droit-de-l’hommiste ». Mais cette vision est, elle aussi, très ancienne, car elle s’inscrit parfaitement dans la lignée d’une doctrine bonapartiste et plébiscitaire, qui sacralise l’idée d’une relation directe entre le peuple et son chef, tout en dévalorisant, d’un même mouvement, les corps intermédiaires, la société civile et l’État de droit.
Pierre Rosanvallon, dans le discours que nous citions à l’appui de l’une de nos propositions d’amendement à cet article, remarquait, après avoir dressé le même constat que celui que nous avons exposé, que « triomphe simultanément en Russie la théorie de la “démocratie souveraine” sur laquelle s’appuie le pouvoir pour justifier son droit à restreindre les droits de l’opposition ».
De la création d’un ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire aux tests ADN, de la volonté de nommer arbitrairement les dirigeants de l’audiovisuel public au désir de supprimer les juges d’instruction, en passant par le projet de restreindre le droit d’amendement des parlementaires, le Président Sarkozy s’inscrit parfaitement dans cette logique « poutinienne » du pouvoir. (Sourires.)
C’est pour freiner cette tendance mortifère pour notre République que, de nouveau, nous appelons solennellement nos collègues de la majorité à voter notre présente proposition d’amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 443, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application des dispositions du présent article, la commission parlementaire compétente dans chaque assemblée est celle chargée des affaires culturelles. »
La parole est à M. Michel Thiollière, rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision de la part de la commission, visant à tirer les conséquences de la décision n° 2008-572 DC du 8 janvier 2009 du Conseil constitutionnel, qui a déclassé les dispositions d’une loi organique portant application de l’article 13 de la Constitution, dans la mesure où celle-ci désignait la commission permanente compétente au sein de chaque assemblée pour la mise en œuvre de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Cette précision relève de la loi ordinaire.
En conséquence, le présent amendement tend à inscrire dans la loi ordinaire que la commission compétente est celle chargée des affaires culturelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Sur les amendements identiques nos 130, 260 et 332, votre commission souhaite ardemment qu’une précision soit apportée sur le processus de nomination.
Cela fait quelques semaines, pour ne pas dire quelques mois, qu’on entend les arguments des uns et des autres. Chacun a d’ailleurs bien le droit de s’exprimer comme il le souhaite sur ce sujet. Cela étant, il nous faut veiller à ce que la procédure soit bien expliquée dans son intégralité, de manière que les différents avis puissent être formulés en toute connaissance de cause !
Or, on ne peut pas dire, sauf à méconnaître le processus prévu par le présent texte, que la décision en question serait un oukase du Président de la République. En effet, la proposition du Président de la République sera soumise au CSA, et, si celui-ci ne l’approuve pas, elle sera refusée. Nous prévoyons même, dans un futur amendement, plus de sécurité en ce qui concerne le nombre de voix requis au sein du CSA.
M. Marc Daunis. Alors pourquoi modifier le mode de nomination ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. De fait, le projet de loi instaure une procédure de codécision et de partage du pouvoir de nomination entre le Président de la République et le CSA.
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
M. Michel Thiollière, rapporteur. Mes chers collègues, nous vous avons longuement entendus. Si vous aviez la gentillesse d’écouter l’avis de la commission, nous pourrions avancer dans le débat !
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Tout à fait !
M. Michel Thiollière, rapporteur. Il revient au Président de la République de proposer le nom d’un candidat, tandis que, pour sa part, le CSA peut accepter ou refuser cette candidature.
Le processus comprend une troisième étape : une fois franchi le barrage du CSA, la proposition de nomination sera examinée par les commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui pourront la rejeter à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Certes, on peut regretter – et c’est particulièrement le cas de votre commission – que l’article 13 de la Constitution prévoie un simple pouvoir de veto pour le Parlement requérant la majorité des trois cinquièmes.
On peut regretter que la Haute Assemblée ait alors accepté une telle rédaction de la Constitution, qui nous oblige aujourd’hui à relever que le CSA se verra reconnaître des pouvoirs plus étendus que les commissions parlementaires. C’est une forme de paradoxe qui ne nous satisfait guère. Cependant, dès lors que nous entrons dans le champ de l’article 13, nous ne pouvons pas aller plus loin.
En tout état de cause, deux verrous viendront encadrer la procédure de nomination : le pouvoir de codécision du CSA, d’une part, et le pouvoir de veto des commissions chargées des affaires culturelles, d’autre part.
Par ailleurs, ayant été soumises à la publicité grâce à l’amendement que nous avons voté jeudi dernier, les auditions des commissions constitueront une sorte d’épreuve publique préparant le choix qu’auront à faire le Président de la République, le CSA, puis nous-mêmes. Cette explication, accessible au grand public, du projet défendu par le candidat qui aura été présenté concourt donc à une forme de transparence. Elle n’aura rien d’une formalité, et l’on peut imaginer que la personnalité pressentie qui aura franchi ces trois étapes sera fondée à diriger l’audiovisuel public.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, la commission ne peut pas souscrire à la suppression de l’article 8 à laquelle tendent les amendements identiques nos 130, 260 et 332, sur lesquels elle émet donc un avis défavorable.
De la même façon, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement no 131 rectifié, proposé par nos collègues du groupe CRC-SPG. Nous pouvons saluer l’effort d’inventivité institutionnelle de ses auteurs, mais nous ne pouvons y être favorables, pour au moins deux raisons.
Tout d’abord, la commission considère que le dispositif proposé dans le projet de loi encadre de manière convaincante et suffisante la nouvelle procédure de nomination.
Ensuite, elle estime que les dispositions contenues dans l’amendement ne sont pas constitutionnelles. En effet, l’intervention du CSA n’y est pas prévue, alors qu’elle est une nécessité et que le CSA doit au moins disposer d’un pouvoir de codécision, comme c’est le cas dans l’actuel projet de loi.
Le CSA est une autorité administrative indépendante dont l’intervention garantit l’exercice effectif de la liberté de communication et de son corollaire, l’indépendance des présidents des sociétés nationales de programme. Or, la commission « pour le pluralisme et les médias » proposée dans l’amendement, si elle a pour elle les avantages du pluralisme, n’a pas la qualité d’autorité indépendante puisqu’il s’agit d’une autorité certes pluraliste, mais d’essence avant tout politique.
Le respect de la jurisprudence constitutionnelle commande donc que le CSA soit associé à la décision. Tel n’est pas le cas en l’espèce. En conséquence, la commission ne peut être favorable à l’amendement no 131 rectifié.
Je tiens enfin à préciser que c’est cette même raison, à savoir la nécessité de l’intervention du CSA, qui a conduit à ne pas retenir les dispositifs proposés par la commission Copé. Celle-ci prévoyait que les présidents seraient nommés sur une liste de candidats proposés par le CSA, qui, dès lors, n’aurait eu qu’un simple pouvoir de proposition. Une telle mesure n’aurait pas été conforme à la Constitution, qui autorise le législateur à modifier les procédures de nomination sous réserve qu’il ne prive pas de garanties légales des exigences de nature constitutionnelle.
La commission a également émis un avis défavorable sur l’amendement no 336 de nos collègues du groupe socialiste, parce qu’il tend à revenir au dispositif actuel. Même si elle comprend les intentions qui ont animé ses auteurs, elle ne croit pas possible de les partager.
La commission estime que la nouvelle procédure de nomination aura l’avantage – il n’est pas seulement symbolique – de lever tous les doutes qui, pendant de longues années, se sont exprimés sur tous les bancs à propos de la nomination par le CSA des présidents de France Télévisions et de Radio France, quelles que soient les qualités des présidents de la République et des membres du CSA.
Nous avons tous en mémoire les échos qui, depuis quelques années, résonnent à propos de la nomination des différents présidents. Dans les conditions actuelles, chacun suppute l’influence de l’Élysée sur les choix du CSA. C’est normal, c’est même le jeu classique de la démocratie, mais personne jusqu’ici n’a pu croire que le Président de la République se soit complètement désintéressé de la question et ait été écarté de la décision.
Nous connaissons donc une procédure de nomination qui est marquée par le doute, voire le soupçon, et ne contraint pas le Président de la République à expliciter publiquement ses choix : chacun sait ou suppose qu’il a choisi, mais nul ne peut lui reprocher sa décision puisqu’il ne l’a pas assumée publiquement. En clarifiant les choses, le dispositif prévu dans le présent projet de loi a l’immense qualité de faire peser la responsabilité du choix du président de France Télévisions et de Radio France sur les épaules du Président de la République, au vu et au su de tous.
Ce choix sera ensuite examiné à trois reprises : devant le CSA tout d’abord, puis devant chacune des commissions parlementaires chargées des affaires culturelles. La proposition du Président de la République devra donc être judicieuse, pertinente et argumentée.
Au vu des garanties posées à l’article 8, la commission estime qu’il s’agit d’une clarification utile pour la vitalité du débat démocratique et, partant, pour la télévision et la radio publiques elles-mêmes. Car, pour la démocratie, rien n’est pire qu’une forme d’obscurantisme et rien ne vaut mieux que la transparence.
La commission émet également un avis défavorable sur les amendements nos 333 à 335, qui, bien que sous des formes variées et inventives, tendent à revenir sur la rédaction du projet de loi.
Pour les raisons déjà évoquées, l’amendement no 261 recueille lui aussi un avis défavorable : la nomination par le conseil d’administration ne suffit pas puisque l’intervention et la codécision du CSA sont nécessaires. Or celles-ci ne sont pas prévues dans le présent amendement.
L’amendement no 338 a fait l’objet d’un long débat qui a conduit la commission à estimer que la proposition qu’il contenait n’était pas constitutionnelle. La raison en est simple : l’article 13 de la Constitution, qui s’applique nécessairement à la nomination des présidents des sociétés nationales de programme à partir du moment où l’on pose le principe que celle-ci relève du Président de la République, impose une procédure précise. Or celle-ci ne prévoit qu’un veto des commissions et ne pose pas le principe d’une confirmation par chacune des deux chambres. Le législateur ordinaire, qui est tenu par la loi fondamentale, ne peut modifier l’équilibre des pouvoirs s’il doit en résulter une contradiction avec une disposition explicite de la Constitution.
Sur le fond, la commission ne serait pas opposée à un tel avis conforme. Elle considère notamment qu’elle reconnaîtrait au Sénat son rôle d’assemblée parlementaire à part entière. Néanmoins, je le répète, la Constitution nous oblige et, lorsqu’elle définit clairement les règles applicables, le législateur n’a d’autre choix que de les appliquer.
La commission fait donc sienne la proclamation solennelle du Conseil constitutionnel selon laquelle la loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution.
Encore une fois, quelle que soit la sympathie que nous éprouvons pour cet amendement, nous ne pouvons qu’émettre un avis fermement défavorable compte tenu de la lettre de la Constitution.
Enfin, et pour les mêmes raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement no 337.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Sur cette importante question de la nomination des dirigeants de l’audiovisuel public, il faut rappeler, comme le faisait hier Gérard Longuet, que le paysage est devenu extrêmement divers et se caractérise désormais par une très grande abondance de l’offre des images s’accompagnant d’une forte évolution des pratiques. Nous ne sommes plus, de toute évidence, au temps où les téléspectateurs acceptaient passivement tout ce qui arrivait sur les deux ou trois chaînes de l’ORTF. Aujourd’hui, l’offre considérable, augmentée souvent de celle qui est accessible par internet, permet le zapping, c’est-à-dire le passage incessant d’une chaîne à l’autre.
C’est dans ce paysage bien différent que le Gouvernement a choisi de prendre toutes ses responsabilités sur cette question sensible. Il s’agit pour l’État actionnaire, qui garantit les ressources de l’audiovisuel public, dont, par ailleurs, il fixe les missions via le cahier des charges, d’aller jusqu’au bout d’une logique en choisissant aussi les dirigeants qui seront amenés à conduire ses destinées.
Cependant, parce qu’il ne s’agit pas d’une nomination comme les autres – Michel Thiollière le soulignait avec une grande justesse –, l’État pose des garanties, met des verrous. Et ils sont de taille !
D’abord, le débat public permettra qu’une extrême attention soit portée aux personnalités pressenties, et l’on imagine déjà les commentaires, les articles, les analyses, les supputations qui entoureront les propositions qui seront formulées.
Le débat devant le CSA, qui sera amené à donner un avis conforme par un vote à bulletins secrets, puis le débat public au Parlement, devant les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, constituent autant de verrous supplémentaires. La personnalité pressentie sera amenée à présenter son projet au cours d’une audition publique, ce qui donnera tout loisir de porter un jugement sur elle.
J’ajoute que cela n’interviendra que le moment venu, le projet de loi disposant qu’il n’est pas mis fin aux mandats en cours, qui iront donc jusqu’à leur terme. Ce point me paraît important.
Enfin, une telle procédure permettra d’aller chercher des personnalités qui, dans les conditions actuelles, n’auraient pas nécessairement été candidates. Certains très bons présidents de chaîne sont d’anciens journalistes de l’audiovisuel, mais on en connaît dont l’origine est tout autre : on trouve actuellement à la tête de certaines chaînes des personnes issues du monde des services, de l’industrie chimique, etc. – les exemples ne manquent pas –, qui ont fait la preuve de leur talent.
J’ai ainsi évoqué au cours de la discussion générale, dans mon propos liminaire, une personnalité regrettée comme Jean Drucker, que la direction de France Télévisions aurait probablement intéressé. Dans les conditions actuelles, qui, justement, obligent à « brûler ses vaisseaux », je doute fort qu’il aurait pris le risque d’une candidature à l’aboutissement incertain.
La réforme proposée, je le crois, va dans le sens du paysage audiovisuel actuel, un paysage moderne, où l’on prend toutes ses responsabilités, où l’on se donne une grande liberté.
J’ajoute, pour terminer, que le Conseil d’État – qui n’est pas le juge constitutionnel, mais qui est aussi juge de la constitutionnalité – n’a pas considéré que ces dispositions étaient en quoi que ce soit contraires à nos institutions.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’adhère pleinement aux analyses et observations que vient de développer M. le rapporteur sur ces différents amendements. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements de suppression, sur les amendements qui tendent au maintien de la situation actuelle, ainsi que sur ceux qui préconisent des modalités très différentes, car le système proposé dans le projet de loi me paraît bon et équilibré.
Enfin, sur l’amendement no 443, présenté par la commission, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 130, 260 et 332.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la ministre, on l’entend souvent dire ici : le monde a changé.
Le monde a changé, c’est vrai. Le paysage audiovisuel a changé, c’est vrai. Conclusion, un mode de nomination qui n’est guère démocratique sera changé contre un autre qui l’est encore moins. Voilà la modernité vue par le Gouvernement !
Monsieur le rapporteur, vous affirmez que, par le biais des commissions chargées des affaires culturelles, qui pourront s’opposer à la majorité des trois cinquièmes à une nomination, le Parlement aura son mot à dire et que nous n’avons pas à nous plaindre puisque nous avons voté cette disposition.
Nous nous plaignons, parce que nous ne l’avons pas votée : c’est vous qui l’avez votée ! Alors, ne vous en plaignez pas, et, surtout, n’en prenez pas argument pour refuser aujourd’hui de revenir dessus.
Mes chers collègues, nous nous interrogeons souvent, comme nos concitoyens, sur le rôle du Parlement.
À quoi sert le Parlement quand les débats, les lois se succèdent – jamais on n’a voté autant de lois ! – dans un refus total de discussion de la part de la majorité ?
Au demeurant, la majorité elle-même s’interroge sur les moyens d’améliorer la vie parlementaire et, comble de la modernité, propose de limiter le débat parlementaire afin d’accroître la visibilité du Parlement. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Elle cherche des subterfuges pour pallier la non-présence des parlementaires, le silence de la majorité, l’absence de débat réel, tous faits que nos concitoyens peuvent constater.
À quoi sert le Parlement ? Je vais vous le dire. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé un scrutin public sur ces trois amendements identiques visant à supprimer l’article 8, qui, quoi qu’en dise Mme la ministre, est absolument antidémocratique.
Bien sûr, pourquoi ne pas nommer un patron de la chimie ou de l’industrie ? Ce serait sans doute un très bon gestionnaire. Si tel était le cas, on se demande pourquoi le CSA ou les parlementaires n’en auraient pas eu l’idée. C’est une curieuse façon de poser les problèmes et surtout d’y répondre.
Vous allez montrer à quoi sert le Parlement en vous prononçant par un scrutin public : le Parlement peut servir à défendre les libertés publiques, c’est son rôle premier, et donc l’indépendance de la presse et des médias.
Si vous voulez montrer à nos concitoyens à quoi sert le Parlement, vous voterez notre amendement et peut-être pourrons-nous rouvrir un débat sur la façon la plus démocratique de nommer le président de France Télévisions.
Des propositions ont été formulées, vous les avez balayées d’un revers de main en considérant que vous détenez la clé de la modernité en imposant cette nomination de façon autoritaire.
Si vous voulez être considérés avec sympathie, montrez que vous ne vous laissez pas faire et que vous défendez envers et contre tout les libertés publiques et l’indépendance des médias. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Ces trois amendements identiques sont des amendements de fond et je me réjouis de votre attitude, madame la ministre, car elle va nous permettre d’engager le débat avec vous.
Dans un moment de grâce, vous vous êtes exprimée. Vous avez utilisé des termes assez élogieux pour qualifier votre projet de loi, j’aurais mauvaise grâce à vous le reprocher : vous le trouvez cohérent, logique et, de plus, paré des verrues, je veux dire des vertus de la modernité. (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Ivan Renar. C’est un lapsus révélateur !
M. Bernard Frimat. Je l’ai presque fait exprès, comme quoi le lapsus est toujours freudien.
Si je reprends vos arguments, vous fondez toute votre démarche sur le fait que finalement le CSA – vous balayez d’un revers de main tout le travail des différentes institutions qui se sont succédé avant lui – serait un repaire d’hypocrites qui, quelle que soit la qualité des personnes qui le composent, obéiraient de façon cachée au Président de la République, qui, dans sa fonction de Zorro libérateur, va les affranchir de cette hypocrisie en nommant à leur place les présidents des sociétés. À vous entendre, il accéderait presque à leur désir.
Dans un second temps, vous dites que la procédure comporte non pas des verrues, mais des verrous. Mais, madame la ministre, ils ne répondent pas à la marque NF la plus élémentaire : ce sont des verrous de papier !
Il y aura un débat public, dites-vous, mais il y en a toujours eu un au moment des nominations.
Vous prévoyez deux merveilleux verrous. Le premier consiste à ce que le CSA puisse émettre un avis conforme.
Si je suis bien votre raisonnement, dans un premier temps, il faut retirer au CSA le pouvoir de nomination, parce qu’il est aux ordres du Président de la République, mais, dans un second temps, le CSA, dont vous venez de nous dire qu’il était, dans sa fonction même, substantiellement hypocrite, va pouvoir dire au Président qu’il ne veut pas de son candidat.
Je salue la cohérence de votre raisonnement, si toutefois on considère que la contradiction est signe de mouvement et qu’elle vous permet de vous y retrouver.
Le second verrou concerne le pouvoir de veto des trois cinquièmes des membres des commissions des affaires culturelles et je donne acte au rapporteur que ce débat est déjà derrière nous. Nous n’avons pas voté cette disposition, parce que c’est un verrou factice.
Cela veut dire que, si 40 % des membres des commissions des affaires culturelles approuvent la nomination, cela suffit. Un veto négatif à 60 %, c’est un accord positif à 40 %. Comment peut-on imaginer que, dans deux assemblées où la majorité est celle que nous connaissons, il n’y aura pas 40 % de votes favorables ?
Il s’agit de faux verrous sur une procédure qui est archaïque, puisqu’elle nous ramène au doux temps de la télévision et de la radio d’État. (Mme Christiane Demontès applaudit.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je vais tenter de répondre aux arguments qui ont été avancés, surtout ceux qui se parent des vertus de la cohérence.
Si l’on veut être moderne, il faut se mettre in situ. Imaginons concrètement ce qui se passera après le vote de cette disposition quand il faudra nommer le successeur de M. de Carolis, par exemple.
Le Président de la République a déjà, paraît-il, à moins que l’information parue dans la presse ne soit fausse, deux noms en tête. Dans deux ans, il aura peut-être fait le choix entre les deux et il proposera un nom. Il sera peut-être même connu avant qu’il ne le propose publiquement. Le débat aura lieu comme aujourd’hui d’ailleurs. Quand les « hypocrites » doivent procéder à une nomination, on en parle en général abondamment dans la presse audiovisuelle et dans la presse écrite pendant des mois.
Vous prétendez que le Président de la République va proposer un nom et que ce CSA-là va pouvoir lui dire non !
Mais une partie de votre argumentation ne tient pas. Il est impossible de nommer une personnalité indépendante qui serait hostile au Président de la République. Cela ne s’est jamais produit.
M. Michel Mercier. Si, une fois !
M. David Assouline. En revanche, vous laissez au CSA le choix ou d’accepter ou d’utiliser son droit de veto et d’affronter publiquement le Président de la République et l’État actionnaire. Imaginer qu’il va souvent utiliser ce droit-là, c’est une lubie.
Vous évoquez ensuite les verrous parlementaires. Dans la situation actuelle, on n’en est plus au papier des lois, il est inenvisageable que 60 % des membres des commissions s’opposent à une nomination. Mais vous dites qu’en cas d’alternance – ces calculs existent – la gauche aura d’énormes difficultés à les réunir étant donné le mode de scrutin du Sénat. C’est donc gagnant-gagnant, puisque ce droit pourra être utilisé par la majorité actuelle si elle devient l’opposition.
Nous avons l’air de discuter de grands principes. Dans la réalité, si l’on se projette dans deux ans, on se rend compte que c’est impossible.
Monsieur le rapporteur, la codécision n’existe pas, c’est bien le Président de la République qui décide tout seul.
D’ailleurs, Mme la ministre a achevé son intervention en citant feu Jean Drucker et en disant qu’il aurait été probablement candidat s’il avait été sûr que la procédure aboutisse. Cela veut dire que vous admettez le fait qu’avec ce mode de désignation, à partir du moment où le Président de la République proposera un nom, cette personne sera sûre d’être le prochain président de France Télévisions.
Mme Catherine Dumas. Pas du tout !
M. Dominique Braye. Vous n’avez rien compris !
M. David Assouline. Ne m’interrompez pas ! L’avantage des séances publiques par rapport aux conversations de couloirs, c’est qu’elles sont filmées et qu’il y a des comptes rendus des débats. Par conséquent, ce qui est dit est dit !
Mme la ministre a dit qu’une candidature qui n’est pas sûre d’aboutir n’est pas bonne.
M. Dominique Braye. On n’a jamais dit qu’elle n’est pas bonne !
M. David Assouline. Telle est la raison pour laquelle Jean Drucker n’aurait pas postulé, car il aurait dû « brûler ses vaisseaux » sans être sûr que la procédure aboutisse.
Aujourd’hui, vous enrobez le dispositif avec des codécisions, des verrous, mais Mme la ministre a avoué que la proposition du Président de la République serait sûre d’aboutir. Au moins, les masques sont tombés et on peut passer à la suite !
M. Robert del Picchia. Eh oui !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, je vous invite à ne pas voter ces amendements de suppression de l’article 8, pour des raisons très simples.
Monsieur Assouline, vous nous parlez d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. (Sourires.) En ce temps-là, la télévision était en noir et blanc, c’était la télévision d’État, monopolistique.
M. David Assouline. Autocratique !
M. Gérard Longuet. Nous vivons aujourd’hui dans un univers totalement différent et le débat sur les articles suivants le montrera.
Les changements vont s’accélérer face à une diversification de l’offre d’images et aux nouvelles relations entre les éditeurs, les distributeurs, les chaînes et tous les acteurs qui se disputent des téléspectateurs. C’est dans ce monde de compétition que vous nous proposez de maintenir un système totalement archaïque.
Ce projet de loi, dont nous ne sommes pas à l’origine, nous les sénateurs UMP, n’était peut-être pas le premier texte que j’aurais proposé pour la rentrée parlementaire de 2009.
Puisque le Gouvernement est dans son rôle en présentant des projets de réforme, nous avons le devoir d’examiner ce texte en tenant compte, non pas du passé, monsieur Assouline, mais de l’avenir immédiat. Il s’agit d’un avenir très concurrentiel au sein duquel le secteur public, que vous défendez et que nous aimons, doit tailler sa route, trouver son chemin et avoir de l’autorité pour réussir.
Vous nous parlez de la désignation d’un président comme s’il s’agissait du choix d’un papabile qui rassemble et ne mécontente personne, alors que nous avons besoin d’un patron d’entreprise qui ait la confiance de l’État et l’autorité intellectuelle et morale pour assumer une mission extraordinairement difficile : maintenir des parts de marché pour le service public, qui est en compétition avec des systèmes d’information dont vous ne pouvez pas mesurer aujourd’hui l’agressivité et la tonicité.
Alors que certaines plates-formes informatiques comme Google ou des constructeurs de téléviseurs comme LG ou Sony vont mettre en place des systèmes de captation des téléspectateurs à travers leur page d’ouverture, le réflexe traditionnel qui était d’appuyer sur le bouton et d’avoir TF1 va totalement disparaître au bénéfice d’un écran d’offres de services. Nous avons donc besoin d’un secteur public dynamique pour tailler sa route et imposer son existence face à un système qui est très concurrentiel.
M. David Assouline. Bien sûr !
M. Gérard Longuet. Or, nous avons la convergence de deux mondes que vous récusez, dont vous n’acceptez pas de tirer les conséquences et dont le premier est un monde audiovisuel compétitif.
Le second monde dans lequel nous vivons et que je n’ai pas voulu, à titre personnel, c’est le quinquennat. Le Président de la République est le chef de l’exécutif et il prend ses responsabilités dans un système – c’est d’ailleurs la première et la principale légitimité du quinquennat – qui doit diminuer la probabilité ou le risque, selon les points de vue, d’une cohabitation, c’est-à-dire d’un exécutif paralysé par le législatif.
Nous avons donc un Président de la République qui prend ses responsabilités, comme il l’a dit tout au long de la campagne, qui tire les leçons du quinquennat. C’est lui qui a la charge de faire vivre le service public et qui propose la nomination du président de France Télévisions, sous le double contrôle du CSA et du Parlement.
Vous dites que ces contrôles sont insuffisants. C’est parce que vous soupçonnez le CSA de ne pas être objectif, peut-être l’avez-vous en votre temps manipulé. Personnellement, j’ai récusé les critiques qui ont été faites au CSA, qui, pour l’ensemble, dans une République assez centralisée comme la nôtre, a réussi à préserver l’essentiel des missions que le législateur lui avait confiées, c'est-à-dire le respect du pluralisme.
Le Président de la République assumera donc cette responsabilité qu’il confrontera au jugement d’un CSA, dont nous pouvons penser que la composition se diversifiera.
Vous parlez, mon cher collègue, de la majorité du Sénat, mais celle-ci évolue ! Pour ma part, j’ai connu le Sénat dans l’opposition. S’il est aujourd'hui dans la majorité, il se retrouvera peut-être demain dans l’opposition.
M. David Assouline. Dans dix ans !
M. Gérard Longuet. Ne préjugez pas l’avenir et acceptez la diversité de l’opinion française telle qu’elle s’exprime au travers de la composition des assemblées que le CSA reflétera, puisque M. le président du Sénat a un pouvoir de nomination en la matière.
Il y a donc à la fois le contrôle du CSA – et vous ne pouvez pas dire que le CSA serait aux ordres, car cela reviendrait à faire injure à tous ses membres qui se sont succédé et ont assumé très dignement leurs responsabilités – et l’avis des commissions parlementaires, pour éviter tout excès.
À la vérité, ce projet de loi, que nous n’avons d’ailleurs pas demandé, permettra au président de défendre le service public avec autorité et compétence, dans un marché concurrentiel impitoyable. Force est de reconnaître que, pour ceux qui aiment le secteur public – vous en faites d’ailleurs partie, mes chers collègues, tout comme nous –, cette autorité nouvelle du président du secteur public, dans cet univers concurrentiel, est véritablement une chance. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je ne voterai pas ces amendements identiques de suppression, et ce pour des raisons assez proches de celles qui viennent d’être exposées par M. Longuet.
Tout d’abord, si l’on est pour une télévision publique, ce qui est notre cas, celle-ci doit être forte. En effet, sa gouvernance doit être clairement déterminée, avec un président disposant de pouvoirs affirmés. Par ailleurs, elle doit aussi avoir des recettes propres, mais c’est un point sur lequel nous reviendrons au cours de la discussion. Ce sont les deux conditions pour que la télévision publique existe, qu’elle soit puissante et ne devienne pas une sous-télévision ou une télévision d’État.
S’agissant de la nomination de son président, elle pose un certain nombre de problèmes, et ce depuis toujours.
Je suis assez d’accord avec la définition avancée par M. le rapporteur. Le système mis en place est issu d’un processus de codécision. (M. David Assouline rit.) On peut ironiser sur le CSA, mais je n’ai pas l’intention de le faire, car il s’agit là d’une institution utile, …
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Michel Mercier. … qu’il nous faut conforter.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. Michel Mercier. Mes chers collègues, rappelons-nous l’évolution du Conseil constitutionnel. Entre 1958 et aujourd'hui, tout a changé. Les membres du Conseil constitutionnel sont nommés dans des conditions analogues à celles des membres du CSA. Or la dernière décision du Conseil constitutionnel marque une véritable indépendance de cette autorité si particulière.
Pour ma part, je considère que notre rôle de parlementaire est de conforter l’autorité du CSA pour aider ce dernier à devenir indépendant et fort…
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Michel Mercier. … et pour faire en sorte que la codécision soit réelle. Le problème se situe non pas tant dans la procédure de nomination des membres d’une institution que dans la manière dont ceux-ci exercent le mandat qui leur est confié, ce dernier étant non renouvelable. C’est cela le signe de l’indépendance.
Personne ici ne peut douter du Conseil constitutionnel. Je souhaite que, demain, personne ne doute du CSA.
Pour ma part, je ne perçois aucune hypocrisie parmi les membres du Conseil constitutionnel. Hier, les nominations étaient prononcées par le CSA dans les conditions que l’on connaît. Mais on constate que, à une exception près, les personnes nommées n’étaient pas hostiles au pouvoir en place.
M. David Assouline. Eh oui !
M. Robert del Picchia. Quel que soit le pouvoir !
M. Michel Mercier. Elles étaient nommées probablement pour leurs compétences, mais aussi parce qu’elles n’étaient pas hostiles au pouvoir.
Avec le système qui nous est proposé, le Président de la République dirait clairement sa préférence, mais le CSA déciderait à la même majorité qu’aujourd’hui – il doit donner un avis conforme à la majorité des membres le composant, soit au moins cinq membres, ce qui est très important –, les commissions parlementaires compétentes devant également donner un avis.
J’avoue que je suis quelque peu surpris par les propos de notre collègue David Assouline, lequel nous a expliqué que nous étions muets, que nous ne servions à rien, autrement dit que nous nous comportions comme des pantins !
M. David Assouline. Mais non, je n’ai pas dit ça !
M. Michel Mercier. Je ne m’en offusque pas, car cela fait partie du débat. Mais il est probable que vos paroles dépassent souvent votre pensée et que vous ne vous rendez pas compte de ce que vous dites !
M. Alain Gournac. Exactement !
M. David Assouline. Vous jouez aux muets !
M. Michel Mercier. Pour ma part, je pense qu’il appartiendra au Parlement de créer en quelque sorte sa propre jurisprudence. Même s’il faut les trois cinquièmes des suffrages exprimés pour qu’un avis négatif des commissions parlementaires compétentes s’impose au Président de la République, un candidat qui aurait contre lui un avis négatif de simplement 50,1% dans les deux assemblées ne pourrait certainement pas être nommé.
M. Gérard Longuet. Absolument !
M. Michel Mercier. Le Parlement dispose d’un vrai pouvoir ; il suffit qu’il s’en serve ! (M. Gérard Longuet acquiesce.)
M. Dominique Braye. Absolument ! Il ne s’en sert pas assez souvent !
M. Michel Mercier. Je souhaite que le Parlement s’en serve demain. Si des verrous ont été prévus, leur solidité dépend des parlementaires, et de personne d’autre.
Comme vous l’avez fort justement souligné, monsieur Assouline, les majorités changent. Le mode électoral du Sénat vous est plus favorable que celui de l'Assemblée nationale. En effet, pour disposer de la majorité à l'Assemblée nationale, il vous faut remporter l’élection présidentielle. Or, comme nous l’avons vu ces derniers temps, c’est un peu difficile ! (Marques d’amusement sur les travées de l’UMP.) Il vous est plus facile de gagner les élections locales !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Michel Mercier. Vous avez ainsi probablement plus de chances d’être majoritaires ici qu’au Palais-Bourbon. Il vous suffira donc de faire votre travail correctement, comme vous nous y avez invités avec insistance depuis deux jours, pour faire en sorte que le verrou parlementaire en soit vraiment un.
Pour ma part, je considère que l’article 8 du projet de loi constitue plus un progrès qu’une régression. Aussi, je ne voterai pas les amendements identiques de suppression. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, je retire ma demande de scrutin public sur l’ensemble de l’article 8, car le débat de fond vient d’avoir lieu.
M. le président. J’en prends acte, mon cher collègue.
M. David Assouline. J’en dépose donc une, monsieur le président !
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur Longuet, on peut être dans la modernité et faire d’autres choix.
Comme Mme la ministre l’a souligné, le choix qui est fait aujourd'hui a l’immense mérite d’être clair, limpide et transparent : en démocratie, tout est transparent. Toutefois, d’autres pays, tels que la Grande-Bretagne, avec la BBC, ou l’Allemagne, par exemple, ont fait d’autres choix. D’ailleurs, personne ici n’a de leçons à donner à personne. Sur toutes les travées, j’ai entendu tout et son contraire !
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean-Pierre Plancade. Nous avons tous conscience de l’enjeu que représentent les nouvelles technologies. Mais la grande majorité du RDSE estime que le choix qui nous est aujourd'hui proposé n’est pas moderne. Un autre choix, plus démocratique, était possible. C’est pourquoi nous voterons les amendements identiques tendant à la suppression de l’article 8 du projet de loi.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 130, 260 et 332.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 79 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 156 |
Contre | 177 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. David Assouline. C’est très juste !
M. Claude Domeizel. Il faudrait une majorité des trois cinquièmes !
(Mme Monique Papon remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 131 rectifié.
M. David Assouline. Je n’ai jamais dit que les travées de la majorité ou de l’Union centriste ne comptaient que des muets ; j’ai même déclaré exactement l’inverse !
Je n’ai pas une longue expérience, mais, au cours de plusieurs débats, j’ai remarqué que certains d’entre vous s’étaient levés pour parler en leur âme et conscience. Selon les dépêches de l’AFP et certains reportages, certains d’entre vous ont même dit tout le mal qu’ils pensaient de la façon dont on traite le débat parlementaire. J’en appelais donc à ce que ces personnes s’expriment ici, dans cette enceinte, et qu’elles arrêtent de jouer les muets.
Je me réjouis que MM. Longuet et Mercier se soient exprimés, car, alors, le débat vole tout de suite assez haut. Quand des points de vue profonds sont exposés, notre travail parlementaire se trouve revalorisé.
Monsieur Longuet, à force d’habiller de modernité toutes les régressions les plus archaïques, on tue l’appétit pour la modernité dans notre peuple !
Bien entendu, nous sommes favorables à la modernisation. Et le groupe socialiste a même l’audace d’affirmer clairement, malgré le manque de sécurité qui nous est offert dans ce débat, qu’il est pour l’entreprise unique !
Avec le défi du monde audiovisuel tel qu’il est, avec cet éclatement de l’offre, cette possibilité énorme de zapping et les évolutions des dix prochaines années, le service public ne doit pas se contenter de défendre son périmètre frileux autour de ses acquis. Il risquerait ainsi de se faire grignoter, de perdre de sa force face à la concurrence privée et de se trouver demain dans un état d’affaiblissement tel qu’il ne pourrait plus tenir et serait conduit à une privatisation, voire à une faillite.
Au contraire, si l’on est favorable au service public fort, on est favorable aussi à sa modernisation et au média global.
Tout le débat que nous avons ici se résume à cette question : à partir du moment où l’on s’est fixé un tel cap, quels sont les modes de gestion modernes ?
Selon vous, dans nos sociétés complexes, le seul mode de gouvernance clair est le mode autocratique. Cette entreprise publique devrait être gouvernée avec une certaine autorité, soit, et, en outre, cette autorité ne devrait procéder ni de son indépendance ni de ses qualités professionnelles mais d’une nomination par le Président de la République !
Je regrette, mais cela ne suffit pas ! Dans notre société, moderne justement, on peut souhaiter certaines qualités chez un Président de la République, notamment un engagement très partisan dans un camp politique. Les Français aiment en général cette clarté. Mais un président de France Télévisions ne tiendra jamais son autorité et sa crédibilité du seul fait d’avoir été choisi par le Président de la République et par le pouvoir politique. Au contraire, il sera d’autant plus respecté et fort qu’on soulignera son indépendance et ses qualités professionnelles.
Avec ce nouveau mode de nomination, vous affaiblissez à mon avis l’autorité du prochain patron de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. On dira en effet partout qu’il est là parce qu’il est le copain du Président de la République et non en raison de ses compétences !
Mlle Sophie Joissains. Et Mitterrand, alors ?
M. David Assouline. On dira partout qu’il est là en vertu du bon vouloir présidentiel et non parce qu’il a fait preuve, pour ce média audiovisuel, de grandes qualités d’indépendance, quels que soient les pouvoirs politiques.
Telle est la réponse que je voulais apporter à M. Longuet, concernant la cohérence et la modernité.
Monsieur Mercier, vous avez fait l’éloge du CSA. Mais, ce n’est pas nous qui l’avons qualifié de « producteur de décisions hypocrites » ! Vous ne pouvez pas maintenant nous en accuser ! Nous n’avons pas non plus déclaré que, pour lever l’hypocrisie des nominations des présidents de l’audiovisuel public par le CSA, la nomination devait venir du Président de la République.
L’amendement de repli que j’ai défendu tout à l’heure – puisque le mode de nomination que nous proposions n’a pas été retenu, notamment à l’article 7 – visait à attribuer le pouvoir de nomination au CSA.
Il ne s’agit pas de montrer du doigt les individualités qui composent le CSA ni leurs bonnes intentions. Aujourd’hui, c’est plutôt le mode de nomination qu’il faudra revoir globalement. On le reverra bientôt, j’en suis sûr, y compris dans cet hémicycle, car la modernité tant demandée nous l’imposera.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote sur l'article.
Mme Catherine Tasca. Puisque nous arrivons au terme de cet article fondamental, il n’est pas inutile de faire un peu d’histoire.
Nous n’avions guère espéré modifier le texte du Gouvernement sur la question de la nomination. En effet, le Président de la République a déclaré qu’il voulait nommer lui-même les patrons de l’audiovisuel public. Or, dans notre pays, sa volonté fait désormais loi ! Le Président de la République considère son élection comme un chèque en blanc, un permis de réformer à sa guise, de fait sans avoir à négocier ses réformes, pas même avec le Parlement.
Mais, nous, parlementaires, nous avons le droit et le devoir d’inscrire les réformes dans l’histoire de notre pays, dans l’évolution de la société, dans notre vision des libertés et des droits de nos concitoyens.
L’article 8 apporte une réponse qui nous paraît inacceptable et anachronique à une question aussi centrale que difficile pour le devenir du service public audiovisuel : la question de son indépendance et de la nomination de ses principaux dirigeants, d’où découle inéluctablement la nature des relations entre le pouvoir politique et ses entreprises.
Si nous récusons votre projet sur ce point parmi d’autres, madame la ministre, c’est parce nous n’avons pas la mémoire courte !
Pourquoi en effet l’État s’est-il dessaisi, en 1982, de ces nominations au profit d’une innovation institutionnelle, de la création d’une instance indépendante : la Haute Autorité ?
Il l’a fait pour plusieurs raisons : d’abord, la mutation du paysage audiovisuel, après l’éclatement de l’Office de radiodiffusion-télévision française, l’ORTF, en 1974, et l’émergence de groupes de médias privés de plus en plus importants en Europe ; ensuite, l’attachement croissant de nos compatriotes à la télévision qu’ils consommaient de plus en plus ; enfin, la conviction du Président de la République de l’époque, François Mitterrand, pour lequel la démocratie n’avait rien à gagner à une gestion directe de l’audiovisuel par le politique, le politique lui-même n’ayant d’ailleurs rien à gagner à exercer cette mainmise.
De là provient l’évolution, chaotique mais persévérante, au fil des vingt-cinq dernières années, vers une indépendance de la régulation de l’audiovisuel, nominations comprises, à travers la succession de la Haute Autorité, de la Commission nationale et de la communication et des libertés, le CNCL puis du CSA.
La réponse était sans doute imparfaite, mais elle semblait reconnue comme nécessaire par tous.
Qu’est-ce qui légitimerait l’actuel retournement ? L’hypocrisie prétendue du système actuel ? Nous en avons beaucoup parlé ; cette accusation n’est qu’un alibi non crédible puisque le projet de loi ne propose aucune réforme du CSA.
La nécessité de libérer les programmes de la pression du marché via la suppression de la publicité ? C’est un objectif très louable mais un argument lui aussi bien peu crédible de la part d’un gouvernement et d’un ministère de la culture qui se font partout les chantres des partenariats entre le public et le privé, qui louent sans cesse le mécénat pour le substituer à la politique culturelle publique, et qui font constamment l’éloge de l’entreprise privée.
L’évolution du monde extérieur donnerait-elle une quelconque justification à ce changement et à cette récupération des nominations au plus haut niveau de l’État par le Président de la République ? Non. En effet, aucune démocratie ne s’est engagée dans cette voie. Le poids croissant des médias dans l’information et la formation de nos concitoyens rend encore plus sensible – aujourd’hui plus qu’hier et sans doute moins que demain – la question de l’indépendance et du pluralisme.
Les futurs dirigeants de France Télévisions doivent absolument pouvoir puiser dans le processus de leur nomination la légitimité, le courage et la force de leur libre détermination !
L’actuel projet en fera des obligés et des assujettis. S’il aboutit, ce sera une erreur historique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je me prononcerai surtout sur la forme.
Qu’un ministre rapportant une convention internationale nous dise en ces lieux : « On ne peut rien changer, car cela a été discuté par de nombreux pays, et les amendements ne sont plus possibles », c’est frustrant, mais nous l’entendons. Nous ne sommes peut-être pas les mieux placés pour amender les conventions.
Que nuitamment l’article 40 soit opposé à un ou plusieurs de nos amendements – je pense que M. Arthuis ne doit pas beaucoup dormir… – sans que le président de la commission des affaires culturelles en soit même informé, c’est plus que frustrant, c’est choquant ! Le débat n’est pas même ouvert dans ce cas-là ! Et nous avons parfois l’impression que l’article 40 vise plus des discussions qui pourraient être gênantes que des dépenses supplémentaires.
Mais il est des phrases que, même si elles ont une part de vérité, nous ne voudrions pas entendre dans cet hémicycle : ainsi, M. le rapporteur, pour justifier le refus de plusieurs de nos amendements, a déclaré qu’il ne restait plus au législateur qu’à appliquer la loi. Voilà qui sonne comme le glas de nos débats, de notre autonomie et de notre possibilité d’arbitrage !
Sur le fond, concernant cet article 8, je ferai un commentaire historique, puisque M. Longuet s’obstine à renvoyer David Assouline à la télévision du noir et blanc et à des histoires passées. Nous allons donc remonter très loin.
Pierre Sabbagh, lors d’une cérémonie de couronnement, s’était vu adresser quelques remarques par le pouvoir politique sur sa façon de traiter les images des uns et des autres. Il s’en était ouvert à ses collègues en disant : « Ça y est, les hommes politiques ont découvert la télévision. Ils ne vont plus nous lâcher. »
À l’époque, les pressions s’exerçaient déjà sur la presse écrite et sur la radio, mais la télévision disposait encore d’espaces de liberté. Il y eut ensuite une reprise en mains.
Puis, la démocratie a fait son chemin, on a créé le CSA, on a évolué, inventé. Et voici que l’article 8 nous fait replonger !
C’est pourquoi nous ne voterons pas cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.
M. Yannick Bodin. Il est habituel de classer les nations en deux catégories : les pays dits à régime démocratique et les pays à régime autoritaire, la distinction étant opérée selon des critères très simples.
Un pays démocratique se caractérise par l’expression régulière et libre du suffrage universel, le pluripartisme, la liberté d’expression des citoyens et l’indépendance des médias par rapport au pouvoir exécutif.
En revanche, dans les pays autoritaires, les médias sont toujours entre les mains de l’autorité suprême. La radio et la télévision sont même la première captation d’un pouvoir autoritaire qui se met en place.
Je regrette d’être dans l’obligation de faire une comparaison de ce genre car, pour moi comme pour vous, la France est une grande démocratie. Toutefois, je crains qu’elle n’abandonne par petits bouts, voire par lambeaux entiers, l’un de ses principes : l’indépendance des médias publics.
Je suis frappé de constater l’atonie de mes collègues de la majorité, dont le mutisme depuis plusieurs jours, même si deux d’entre eux viennent de s’exprimer, traduit visiblement un certain embarras. Avouez-le donc, mes chers collègues ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Robert del Picchia. Pas du tout !
M. Yannick Bodin. Si vous voulez vous exprimer, nous vous entendrons avec plaisir !
M. Robert del Picchia. J’ai déjà manifesté auprès de la présidence mon souhait d’intervenir pour explication de vote sur cet article !
M. Yannick Bodin. Ce n’est pas parce qu’on ne vous a pas entendus depuis le début de la journée que l’on n’aura pas intérêt à vous entendre avant ce soir !
M. Robert del Picchia. Vous allez nous entendre !
M. Yannick Bodin. Il est vrai, et je dois lui rendre hommage sur ce plan-là, que nous avons entendu M. Gérard Longuet. Il a d’ailleurs fait ostensiblement remarquer que personne dans la majorité n’avait sollicité un tel projet de loi ! Il a même ajouté qu’il n’était pas urgent d’en discuter en ce moment. C’est dire l’enthousiasme avec lequel il défend le gouvernement qu’il soutient !
M. Gérard Longuet. Je ne tiens pas de double langage !
M. Yannick Bodin. Vous êtes tout simplement embarrassés, mes chers collègues, ce que je comprends très bien compte tenu de l’humiliation que l’exécutif inflige à sa majorité ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Si vous voulez véritablement faire un acte démocratique et éviter la comparaison que j’ai établie au début de mon intervention, ayez tout simplement le courage de voter contre cet article ! Dans le cas contraire, demain, la France aura perdu une partie d’elle-même ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. On est en train de dramatiser ce qui va se passer en France ! Il convient d’en revenir au propos de Gérard Longuet, qui soulignait avec raison l’évolution qui se dessine depuis longtemps et que tout le monde connaît. Je ne sais si la direction prise est la bonne, mais une chose est sûre : nous serons de toute façon dépassés si nous n’évoluons pas, car, un jour, le service public disparaîtra au profit de la télévision à la carte.
Sans critiquer Mme Tasca, que j’estime beaucoup,...
M. Jean-Pierre Sueur. Nous aussi !
M. Robert del Picchia. ... et avec qui j’entretiens de bonnes relations, je rappellerai les propos qu’elle tenait alors qu’elle était ministre. Sous l’intitulé : « Tasca : peut-être ai-je manqué de courage », le journal Libération publiait ceci : « Admettant avoir commis une erreur d’appréciation, le ministre de la communication s’interroge. “Plutôt que le CSA, l’État n’aurait-il pas dû choisir les dirigeants d’Antenne 2-FR 3 ?” Inquiète de la tournure prise par la réforme de la prééminence des politiques, elle se prononce contre la suppression de la publicité. »
Voilà ce qui ressort de l’entretien. Mais, je le répète, je ne vous accuse pas, madame !
Mme Catherine Tasca. Cet article a décidément beaucoup servi à Mme Albanel et à M. Lefebvre !
M. Robert del Picchia. Ce sont certainement les conditions de l’époque...
Mme Catherine Tasca. Voilà : « de l’époque » !
M. Robert del Picchia. ... qui vous amenaient à tenir de tels propos.
Mme Catherine Tasca. J’ai déjà répondu !
M. Robert del Picchia. Mais les choses ont évolué et vous avez aujourd’hui une autre position.
Nous avons, nous aussi, une autre position aujourd’hui. Et, contrairement à ce que je viens d’entendre, ce ne serait pas faire preuve de courage que de voter contre cet article. C’est justement parce que nous n’en manquons pas que nous le voterons ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Tasca. La lecture de la presse vous aura servi !
Mme la présidente. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite. Comme tout le monde, je pense que le monde a changé.
Mme Catherine Tasca. Voilà !
M. Jack Ralite. Mais le problème est précisément de savoir comment on apprécie ce changement.
Le 25 juin 2008, le Président de la République déclarait ceci : « Mon souhait c’est que les groupes d’audiovisuels privés soient puissants. » On le verra tout à l’heure, ce projet de loi n’a d’autre objectif que de rendre ces derniers puissants sur le plan financier et d’amoindrir la puissance du service public.
Le Président de la République le martèle dans chacun de ses discours : il veut – je résume – des patrons pour l’entreprise France. C’est un changement non pas objectif, mais idéologique. Il le défend, comme c’est son droit, mais nous y sommes absolument opposés.
Selon Georges Balandier, nous sommes dans l’obligation de civiliser les nouveaux Nouveaux Mondes issus de l’œuvre civilisatrice. Or, la proposition du Président de la République aboutit exactement au contraire !
Qui a dit que la nomination par le CSA du président de France Télévisions était hypocrite ? Lui, pas nous ! Il est tout de même drôle qu’il appelle l’hypocrisie à son secours pour montrer que lui n’est pas hypocrite...
Oui, le monde a changé, mais de là à dire que tout, en France, doit devenir une entreprise, jusqu’à l’hôpital... Les hommes et les femmes ne sont pas des produits au même titre que le sel ou le fer ! Ce sont des êtres, et il n’est pas question de les gérer comme une entreprise. Telle est la grande question d’aujourd’hui.
La concurrence évoquée par M. Longuet est totalement faussée. On dit que le nouvel esprit des lois est la concurrence libre et non faussée. Mais c’est le principe inverse qui sous-tend ce projet de loi : on crée les conditions pour que l’Etat, devenu une entreprise, soit battu !
S’agissant du domaine culturel, qui a quand même un lien avec notre débat et avec Mme la ministre de la culture, je prendrai l’exemple de la grande exposition Picasso et les maîtres. C’est une merveille, et je félicite tous ceux qui y ont travaillé. Mais le problème actuel tient au fait que cette exposition rapporte de l’argent !
Les trois directeurs des trois grands musées que sont le musée national Picasso, le musée d’Orsay et le musée du Louvre, pourtant des hommes incontestés et incontestables, viennent, sans s’en rendre compte, de passer du côté de la bataille d’entreprise : ils revendiquent 75 % des bénéfices que l’exposition procure, et Mme la ministre a bien du mal à s’en sortir !
Hier soir, en lisant une note sur l’inaliénabilité des œuvres, qu’ai-je découvert ? Le contraire des propos de M. Jacques Rigaud, qui a dit, argument à l’appui, qu’il ne fallait pas suivre cette voie-là.
Le règne de l’argent dans l’organisation et la gestion des biens communs, qu’ils soient nationaux, locaux ou internationaux, est une gangrène ! Et même les meilleurs des femmes et des hommes finissent par être atteints.
Il faut qu’Henri Loyrette gère « son Louvre », où il fait de grandes choses ! Je suis allé voir les manifestations organisées avec Pierre Boulez : c’était un vrai bonheur artistique et humain. Il n’empêche qu’Henri Loyrette, obligé de compter comme un chef d’entreprise, va se retrouver différent de ce qu’il est réellement !
Cela dit, c’est un vrai problème et c’est une véritable bataille qui s’engage. Lorsque nous discuterons tout à l’heure de l’accord des producteurs, vous verrez comment s’insinue cet esprit d’entreprise. Mais l’État n’est pas une entreprise ! La création n’est pas non plus une entreprise ; on s’y casse le nez rapidement. Quant au courage dont vous parlez, il faut en avoir, c’est vrai !
À ce propos, madame la ministre, le Président de la République vous a qualifiée de « Mère courage ». Mais il devrait lire la pièce de Brecht.
Mme Catherine Tasca. Eh oui !
M. Jack Ralite. Vous qui avez écrit une pièce de théâtre à partir de La Célestine, l’inspiratrice du personnage « Mère courage », le savez mieux que personne.
Mère courage pense que, dans les conditions les plus terribles, elle peut s’en sortir sans rien payer. C’est un peu l’impression que vous me faites, avec tout le respect que je vous dois, madame la ministre.
Mais qu’est-il advenu de Mère courage dans la pièce de Bertold Brecht ? Ses trois enfants, l’un brave, l’autre probe, le troisième généreux, sont morts à la suite de la pratique de leur mère.
Madame la ministre, vous êtes tutrice de nombre d’« enfants culturels », dont la télévision. Je souhaite avec sincérité, pour vous comme pour nous, qu’aucun de ces enfants ne connaisse le sort de ceux de Mère courage. Pourtant, nous en sommes là...
Vous êtes convaincue, dites-vous, qu’il y a assez d’argent ; mais tout le monde sait qu’il n’en est rien !
Mme la présidente. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.
M. Jack Ralite. Je termine, madame la présidente.
Voilà le travail que nous avons à faire. N’acceptons surtout pas que, à l’instar du domaine du civil, le domaine de la culture soit géré comme une entreprise.
Avec la crise, on sait ce que deviendront les grandes promesses éternelles des grands patrons : « Voilà la vérité ! Rangez-vous derrière notre panache blanc ! », disaient-ils. Mais ils ont mis le monde dans le pétrin ! Est-ce ce modèle-là que vous voulez pour la culture ?
Au cours des ans, que ce soit sous la royauté, l’empire ou la République, la culture est toujours restée en dehors du règne de l’argent. Sarkozy a choisi son camp. Moi, j’ai choisi le mien : quand il dit « oui » à ce projet de loi, je dis non ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, était-il besoin d’inscrire dans l’article 34 de la Constitution le principe de l’indépendance des médias si c’était pour préciser ensuite que les présidents des médias publics seront nommés par décret du Président de la République ? Mes chers collègues, j’espère que vous ne voterez pas un tel texte !
Madame la ministre, permettez-moi de revenir quelques instants sur l’argument relatif à l’hypocrisie.
La situation actuelle serait hypocrite, nous a-t-on dit. Il vaut mieux que le pouvoir, au plus haut niveau, nomme les présidents de la télévision et de la radio publiques.
De deux choses l’une : ou l’on pense vraiment que le CSA ne sert à rien et, dans ce cas, il faut l’abolir ; ou l’on pense, et c’est notre position, qu’une institution indépendante est nécessaire pour nommer les présidents des chaînes publiques. Dans ce cas, il convient alors de changer la composition de cette dernière et le mode de nomination de ses membres, comme nous l’avons proposé à différentes reprises et selon diverses modalités.
S’il y a de l’hypocrisie, ce n’est pas une raison pour la généraliser et pour proposer un retour pur et simple au pouvoir régalien.
Madame la ministre, soit on pense qu’une institution indépendante, des procédures indépendantes, objectives et impartiales pour nommer les présidents des chaînes publiques sont hors de notre portée, soit on pense le contraire. Dans le second cas, pourquoi ne pas préférer cette indépendance à la nomination régalienne que vous persistez à nous présenter ?
Franchement, mes chers collègues, vous aurez énormément de mal à défendre cette singulière et malheureuse régression, à savoir la subordination de la télévision publique au bon vouloir d’un seul homme, surtout si vous considérez ce qui se passe en Allemagne, en Grande-Bretagne et partout en Europe.
En effet, c’est une régression par rapport à ce qui avait été mis en place avant et, surtout, c’est une contradiction par rapport à ce qui aurait pu et peut toujours être mis en place. En tout cas, le symbole est fort. Le Président de la République a décidé ; on a le sentiment que tout, chaque jour, émane de lui. Il décide, vous appliquez. Cette conception de la société est incompatible avec l’indépendance des médias et de l’information. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 80 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 175 |
Contre | 157 |
Le Sénat a adopté.
Mme Brigitte Bout. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est serré !
Article 9
Le premier alinéa de l'article 47-5 de la même loi est ainsi rédigé :
« Le mandat des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France peut leur être retiré par décret motivé, après avis conforme, également motivé, du Conseil supérieur de l'audiovisuel et avis des commissions parlementaires compétentes dans les mêmes conditions que celles prévues par la loi organique n° du précitée. »
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Nous sommes également favorables à la suppression de l’article 9. (Oh ! sur les travées de l’UMP.) Vous l’aurez compris, si nous sommes opposés à la nomination du président de France Télévisions et de Radio France par le Président de la République, nous le sommes tout autant, si ce n’est plus, à la possibilité pour le Président de la République de révoquer ceux qu’il a nommés précédemment.
Certes, cet article correspond dans les faits à une certaine tradition juridique, fidèle au principe du parallélisme des formes. Il n’en demeure pas moins que, en matière de presse et, au-delà, d’information, il aurait été souhaitable que celui qui dispose de la capacité de nomination – ô combien politique ! – ne soit pas doté de celle de révocation. Cela aurait pour le moins limité une disposition qui s’apparente, dès aujourd’hui, à un droit de sanction.
Il suffira que tel comportement déplaise au Président de la République, que le président de la société n’ait pas fait preuve de la plus grande allégeance pour que celui-ci subisse les foudres d’une révocation, dont on sait par avance, en raison des modalités mises en place, qu’elle sera accordée.
Là encore, ce que vous nous présentez comme des garanties ne sont en réalité que de bien pâles alibis. Le Président de la République, qui a fait campagne sur le thème de la rupture, aurait eu tout à gagner, tout comme notre démocratie, à appliquer à cette contre-réforme de l’audiovisuel la rupture qu’il prônait.
En matière de nomination et de révocation, nous devions voir ce que nous allions voir ! Nous devions enfin sortir de la République des copains et des nominations partisanes. Mais, en plus d’un an de mandat, c’est l’inverse que nous avons observé : le comité sur la réforme de la Constitution a été présidé par un proche du Président de la République, Édouard Balladur ; la mission d’évaluation de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie a été confiée à M. Leonetti ; le comité de réflexion sur le préambule de la Constitution, à Mme Veil ; le comité pour la réforme des collectivités territoriales, de nouveau à M. Balladur. M. Jean-Pierre Jouyet, ancien ministre, a été nommé à la tête de l’Autorité des marchés financiers. À cela, il faut encore ajouter la nomination par Nicolas Sarkozy de Frédéric Péchenard, son ami d’enfance, à la fonction de directeur général de la police nationale et celle de Michel Gaudin, l’un de ses proches au ministère de l’intérieur, au poste de préfet de police de Paris. Et je ne parle pas de ce qui nous attend demain ! Je pense notamment à la justice aux ordres que le Président de la République nous prépare avec les juges de l’instruction.
Bref, nous sommes loin, très loin, de l’époque où Nicolas Sarkozy annonçait : « La démocratie irréprochable, ce n’est pas une démocratie où les nominations se décident en fonction des connivences et des amitiés, mais en fonction des compétences. » Ces propos, il les a tenus à l’occasion de son investiture. Je regrette qu’il ne les entende pas de nouveau et qu’il ne se les applique pas à lui-même.
Bref, sur ce sujet, comme sur d’autres, nous attendons encore la rupture tant annoncée ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Sur cet article, nous avons déposé un amendement visant à supprimer le pouvoir accordé au Président de la République de révoquer les présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, même dans le cas où celui-ci serait encadré par le dispositif proposé par la commission, que nous examinerons tout à l’heure.
On nous objectera que cette prérogative n’est, juridiquement parlant, que le strict parallèle du droit de nomination des mêmes présidents conféré au chef de l’État par l’article 8. Pourtant, l’affaire est trop grave pour être cantonnée à la seule logique du droit.
Nous n’insisterons pas sur l’hypocrisie consistant à revêtir la décision du Président de la République de l’onction d’une autorité, le CSA, qu’il tiendrait à sa main, comme il tient d’ailleurs largement à sa main la majorité parlementaire – on l’observe chaque jour – en tant que chef autoproclamé de celle-ci et leader de l’UMP. Une telle situation disqualifie d’office – la commission en est elle-même convenue – le dispositif proposé à l’article 9 dans le projet de loi initial.
Cependant, le droit de révocation n’est pas seul en cause : fondamentalement, nous l’avons dit à plusieurs reprises, c’est bien l’ensemble de la procédure donnant au Président de la République la prérogative de nommer et de révoquer qui constitue une régression démocratique sans précédent.
Avez-vous bien conscience, madame la ministre, que les parlementaires de l’opposition ne sont pas les seuls, aujourd’hui, à se mobiliser, aux côtés des personnels de l’audiovisuel public et de nombre d’intellectuels, contre le bon plaisir du chef de l’État ? De très nombreux journalistes et de plus en plus de citoyens ont fait publiquement part de leur désapprobation. Le sondage réalisé par l’institut CSA, en décembre dernier, pour le compte du Parisien-Aujourd’hui en France montre que près des trois quarts des Français jugent la « nomination du président de France Télévisions par le Président de la République » comme une « mauvaise chose ». Méditez ces résultats, mes chers collègues !
Le débat mené à l’Assemblée nationale sur les questions de la suppression de la publicité, sur la compensation de la perte de recettes et la nature de la taxe à prévoir est passé largement au-dessus de la tête des Français. On n’a d’ailleurs pas trop cherché à les interroger sur ces sujets, car on s’attendait à des réponses compliquées. Cependant, je le répète, à la question : « Êtes-vous pour que le Président de la République nomme le président de France Télévisions ? », les trois quarts des personnes interrogées ont répondu : « non ». En effet, les Français, qui ont une conception moderne de la démocratie, souhaitent que les médias soient indépendants. Osons affirmer, dans cet hémicycle, que leur jugement est, en l’occurrence, juste, d’autant qu’il est nourri de l’expérience de vingt mois de présidence Sarkozy, marquée par tant d’inquiétantes atteintes aux libertés.
Essayons d’éclairer nos collègues de la majorité sur la philosophie qui anime leur chef incontesté dans sa volonté de brider le pluralisme de l’information et l’indépendance des médias.
Convenez, mes chers collègues, que le président Sarkozy aurait tout à fait pu tenir le propos suivant : « Mais qui êtes-vous les journalistes ? Vous n’exprimez que des intérêts particuliers. Moi, je représente l’intérêt général, car j’ai été élu par le peuple ! Vous, vous ne représentez que vos lecteurs. »
Pourtant, c’est non pas l’hôte actuel de l’Élysée qui a émis ce jugement d’un mépris sans comparaison pour la presse, mais Napoléon III ! Malheureusement pour notre démocratie, les ressemblances de cette sorte sont trop nombreuses, certaines paroles et certains actes trop concordants pour que, une fois n’est pas coutume, comparaison ne soit pas raison.
Tel est donc le penchant de notre actuel Président de la République, dont on ne peut cependant contester la légitimité démocratique. Il faut le rappeler, si le principe majoritaire est effectivement incontestable dans le fonctionnement d’une démocratie, l’exercice du pouvoir qui en est issu doit rester soumis à des contraintes supérieures sans lesquelles l’État de droit n’aurait aucune existence.
Dans une démocratie, le pouvoir politique doit ainsi préserver certaines procédures et certaines instances du jeu des intérêts partisans. Parmi ces instances, il faut évidemment ranger les organismes du service public de la communication audiovisuelle ; parmi ces procédures, il est logique de compter celle qui a pour objet la nomination – et sa contrepartie : la révocation – des dirigeants de la radio et de la télévision publiques.
C’est pourquoi il est essentiel de ne pas attribuer au Président de la République le pouvoir de révoquer les présidents des sociétés de l’audiovisuel public, ce qui relativiserait substantiellement son pouvoir de nomination.
Mme Catherine Tasca. Très bien !
Mme la présidente. Je suis saisie de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 132 est présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 262 est présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, MM. Desessard et Muller.
L’amendement n° 339 est présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bourzai, MM. Boutant et Domeizel, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l’amendement n° 132.
M. Ivan Renar. Cet article 9 parfait l’édifice quasi autoritaire imaginé par le Gouvernement : après la nomination, voici la révocation !
Le droit en vigueur en la matière prévoit d’ailleurs souvent d’assortir les révocations de garanties plus importantes que celles qui sont prévues en cas de nominations. C’est le cas, par exemple, pour les magistrats.
Les dispositions du présent article achèvent de soumettre les P-DG des sociétés nationales de programme au bon vouloir d’un exécutif dont les pouvoirs seraient, en la matière, totalement déplacés, et ce malgré les « garanties » – si l’on peut les appeler ainsi… – introduites à l’Assemblée nationale.
En premier lieu, non seulement cette procédure dépend ici quasiment d’une seule personne, mais, en plus, elle ne définit aucunement les cas dans lesquels une telle révocation peut intervenir. Quelle aberration !
La menace de révocation peut ainsi prendre une coloration arbitraire, qui lie définitivement les P-DG des sociétés nationales de programme au bon vouloir du prince qui nous gouverne et qui les nomme, le pouvoir protecteur des avis qui encadrent cette décision étant, comme nous le verrons, discutable.
En deuxième lieu, l’ensemble de ce dispositif de nomination-révocation prive les conseils d’administration des différentes sociétés publiques d’audiovisuel de prérogatives importantes : s’ils ne peuvent ni nommer ni dénoncer leur président, ce dernier n’est donc pas, au fond, responsable devant eux, ce qui n’est pas de nature à contribuer au bon fonctionnement de la démocratie au sein de ces conseils d’administration.
En troisième lieu, pour ce qui est des « garanties » que sont censés constituer les avis conformes du CSA et des commissions parlementaires compétentes, il s’agit d’un encadrement singulièrement léger.
Nous avons déjà discuté de ce qui peut être – ou ne pas être, en l’occurrence – attendu d’un CSA non réformé, surtout si aucun droit de veto n’est prévu. Si l’avis des commissions parlementaires est, en général, une bonne chose, pourquoi ne sont-elles pas consultées en amont et comment exerceront-elles ce droit de veto ?
Fondamentalement, la seule vraie garantie de l’indépendance des directions de l’audiovisuel public à l’égard du pouvoir exécutif est de ne pas confier à ce dernier un pouvoir qui ne lui revient pas, tel que celui de nommer et de révoquer.
Il faut donc supprimer cet article et travailler à construire un système plus démocratique, plus susceptible de permettre le pluralisme, en résumé un système plus juste.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous vous invitons à voter cet amendement de suppression de l’article 9. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 262.
Mme Marie-Christine Blandin. Mes chers collègues, plus grave que la nomination, que vous venez de voter, il y a la menace de révocation.
Entre nomination et révocation, il n’y a pas parallélisme des effets et dégâts collatéraux, il n’y a pas équivalence de dépendance. Pour le prouver, voici comment notre République protège sa démocratie : présidents et membres d’autorités administratives nommés, mais irrévocables ; président du Conseil constitutionnel nommé, mais irrévocable ; magistrats du siège nommés par le Président de la République, mais inamovibles.
L’indépendance des présidents des sociétés de l’audiovisuel public est l’une des conditions de l’exercice effectif d’une liberté garantie par la Constitution.
Monsieur le rapporteur, vous avez précédemment évoqué le climat de méfiance autour des liens suspectés entre le pouvoir et le président à venir de France Télévisions, et ce pour introduire une performance argumentative : selon vos dires, puisqu’il y a suspicion, le Président de la République sera d’autant plus vigilant pour exercer cette responsabilité. Cela me conduit à mettre en perspective le double niveau de risque démocratique.
Dans un premier temps, on a une présidente aux ordres, véritable courroie de transmission du pouvoir. J’espère, mes chers collègues, que vous n’êtes pas intrigués par l’emploi du féminin pour désigner la personne à la tête de France Télévisions, car vous ne l’êtes jamais quand on emploie le masculin !
Dans un deuxième temps, et cela n’a sans doute pas assez été évoqué, l’audiovisuel public vivote, pris dans l’étau de ses dépenses obligatoires – valeur absolue pour la création, investissement massif pour le numérique – et de ses ressources insuffisantes et incertaines. Alors, il bute sur les contraintes, il s’essouffle face à une concurrence déloyale et privilégiée, il ne parvient pas à remplir toutes ses nouvelles missions. Les salaires sont tirés à la baisse, les effectifs sont érodés, le climat social est catastrophique, la qualité des émissions diminue. Et là, le Président de la République fronce les sourcils, s’émeut des déficits, feignant de ne pas les avoir provoqués, et il use de son droit de révocation. (Exclamations sur certaines travées de l’UMP.) Quelle belle invention, mes chers collègues !
Pour résumer, on a, dans un premier temps, le risque du courtisan zélé, puis, dans un second temps, le très commode outil du fusible, utilisé, si possible, après que les vilaines besognes ont été effectuées.
Vous avez donc, mes chers collègues, trois raisons de supprimer l’article 9 : la révocation est inédite et antidémocratique ; il y a le risque d’un pilotage vertical, sous la dépendance du pouvoir ; il y a aussi le risque du recours au trop facile fusible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 339.
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, vous aurez compris que cet amendement est d’une évidence totale. Ce mot « révocation » est terrible. Je le vois bien, il suffit que je le prononce pour que M. Mercier s’en émeuve !
M. Michel Mercier. Je vais vous en parler !
M. Jean-Pierre Sueur. Franchement, qu’un Président tout-puissant puisse nommer une personne par décret, puis la révoquer, comme le faisaient jadis les monarques, heurte le sens démocratique et va à l’encontre de la défense du pluralisme et de la liberté d’opinion qui nous tiennent à cœur.
Si l’article 9 est adopté en l’état, le Président de la République pourra donc révoquer cette personne en ces termes : « Monsieur – ou madame –, je vous révoque, car vous n’avez pas donné satisfaction et vous ne vous êtes pas bien comporté ! » Pis encore, avec une telle menace de révocation planant au-dessus de sa tête, le président de France Télévisions se dira tous les jours : « Il faut que j’accomplisse mon travail en respectant, bien entendu, l’ensemble des personnels, journalistes, producteurs et réalisateurs, en faisant preuve d’une certaine ouverture d’esprit et d’un souci du pluralisme. Mais, attention ! je dois tout de même veiller à ne pas commettre d’actes inconsidérés qui pourraient me porter tort ! »
Par conséquent, cette menace de la révocation est bien présente : même si elle est muette, elle en dit plus qu’un long discours !
Madame Albanel, vous qui êtes ministre de la culture, comment pouvez-vous nous demander de donner à une seule personne le pouvoir de révoquer ? J’observe que M. Mercier est visiblement de plus en plus convaincu par mes propos, et que certains des membres de l’UMP semblent, eux aussi, en train de le devenir ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mes chers collègues, il n’est pas digne du Sénat d’adopter une telle disposition. Tous ensemble, disons-le haut et fort : « Non à la révocation ! » (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Ivan Renar. Quel talent !
Mme la présidente. L’amendement n° 133, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :
« Le mandat des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France peut, en cas de manquement grave à leur fonction, leur être retiré par un vote à la majorité qualifiée de leur conseil d’administration. Ce vote peut intervenir à l’initiative du Conseil d’administration des entreprises en question, ou sur proposition motivée de la commission parlementaire pour le pluralisme et les médias instituée à l’article 47-4. »
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur Sueur, j’ai cru que vous alliez nous parler de la révocation … de l’édit de Nantes ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. C’est un autre sujet !
M. Ivan Renar. Pour en revenir à l’amendement n° 133, nous ne le répéterons jamais assez, le dispositif de nomination-révocation est un scandale, qui constitue une aberration démocratique. Il est douloureux, pour les élus attachés aux valeurs de culture, de diversité et de pluralisme que nous sommes, de voir ces dernières instrumentalisées au profit de ce qui semble bien être des intérêts particuliers.
En effet, la teneur des discussions, depuis le début de l’examen de ce texte, montre que l’abracadabrante architecture proposée pour la composition de la direction des sociétés du service public de l’audiovisuel ne se justifie en rien. Elle n’a non seulement rien à voir avec l’objectif affiché d’amélioration de la qualité du service public, mais, surtout, elle est, de ce point de vue, contre-productive et extrêmement dangereuse.
Le présent amendement s’inscrit ainsi dans le prolongement de notre critique du dispositif de nomination-révocation et de notre demande de suppression de l’article 9.
Pour garantir totalement l’indépendance de l’audiovisuel public, il faut délier ce dernier de l’exécutif. Pour cela, nous proposons un véritable système de codécision. Je dis « véritable », car il associe deux entités à la fois légitimes dans de tels rôles et indépendantes l’une de l’autre. Ce sont là des garanties essentielles pour que cette révocation ne s’apparente pas à une lettre de cachet.
À nos yeux, seuls les conseils d’administration respectifs des sociétés audiovisuelles publiques devraient avoir le pouvoir de révoquer leur président ; c’est ainsi que les choses se passent dans toute entreprise.
Pour garantir que ces révocations sont justifiées et encadrées, nous proposons plusieurs dispositions.
Tout d’abord, elles ne pourront intervenir qu’en cas de « faute grave », notion qui a un réel contenu législatif.
Ensuite, la révocation devra être validée par un vote à la majorité qualifiée.
Enfin, ce vote pourra se faire non seulement sur proposition de membres du conseil d’administration de la société en question, ce qui est logique, mais également sur proposition de la commission « pour le pluralisme et les médias », commission commune aux deux assemblées parlementaires dont nous avons proposé la création lors de la discussion de l’article 8.
L’instauration de cette commission aurait permis de disposer d’une instance de vigilance extérieure au conseil d’administration, de nature à garantir que ce dernier fonctionne démocratiquement et dirige l’audiovisuel public en respectant strictement le pluralisme.
Dans la mesure où cette proposition de commission mixte spéciale a été rejetée lors de la discussion précédente, il est tout à fait possible d’adopter un dispositif de repli, en donnant cette prérogative aux commissions parlementaires compétentes.
Ce système à deux niveaux est de nature à protéger réellement l’audiovisuel public : d’une grande simplicité, il serait beaucoup plus légitime que le dispositif proposé dans le projet de loi, qui, disons-le encore une fois, est une monstruosité démocratique.
Mes chers collègues, soyons à la hauteur de la situation en protégeant l’audiovisuel public et, partant, une partie des libertés publiques, et en instituant des dispositifs réellement indépendants. Votez et faites voter cet amendement ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG – M. Claude Bérit-Débat applaudit également.)
Mme la présidente. L’amendement n° 20, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa cet article :
« Le mandat des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France peut leur être retiré par décret motivé après avis conforme, également motivé, du Conseil supérieur de l’audiovisuel et avis public des commissions parlementaires chargées des affaires culturelles. Il ne peut être procédé à ce retrait lorsque l’addition des votes positifs dans chaque commission représente moins de trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Mes chers collègues, la commission a toujours exprimé, depuis le début de ces débats, son désir de renforcer l’indépendance de l’audiovisuel public.
C’est la raison pour laquelle elle vous propose un tel amendement, car, pour elle, la véritable indépendance tient, bien sûr, au mode de nomination, mais, surtout, au mode de révocation éventuelle. Le droit en vigueur le montre : il prévoit la nomination des magistrats du siège sur avis du Conseil supérieur de la magistrature, mais reconnaît leur inamovibilité ; il prévoit la désignation des membres des autorités administratives indépendantes par des autorités politiques, mais prévoit, le plus souvent, leur irrévocabilité. Tout cela est donc logique, car nul n’est réellement dépendant de celui qui l’a nommé s’il ne risque pas d’être révoqué par celui-ci.
C’est pourquoi la commission a souhaité proposer une procédure plus exigeante pour le retrait de mandat – autrement dit, pour la révocation – que pour la nomination du président des sociétés nationales de programme.
Pour la nomination, cela a longuement été évoqué tout à l’heure, il faut en effet un avis conforme du CSA, puis un avis des commissions des affaires culturelles des deux assemblées, lesquelles peuvent opposer leur veto à la majorité des trois cinquièmes.
Pour la révocation, la commission propose en outre que les commissions des affaires culturelles confirment la décision du Président de la République à la majorité des trois cinquièmes. Leur accord sera donc exigé dans l’éventualité d’une révocation du président de France Télévisions, de Radio France ou de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.
Compte tenu du seuil exigé, la révocation ne pourra se faire, en pratique, que si l’opposition ou le Sénat s’y opposent. La commission tient à cette mesure, car il lui semble important que le Sénat puisse bénéficier de toute latitude pour s’opposer éventuellement à une telle décision.
La commission tient enfin à préciser qu’il revient au législateur ordinaire de prévoir un tel dispositif. L’article 13 de la Constitution ne vise en effet que la seule nomination et ne serait sans doute pas applicable à la révocation. En revanche, l’article 34 nous donne compétence, depuis la réforme de la Constitution, pour garantir « l’indépendance des médias ». Il nous revient donc de nous saisir de cette compétence.
J’ajoute, enfin, que le dispositif proposé par le Gouvernement offrait des garanties inférieures à celles qui étaient prévues par le droit en vigueur. Jusqu’à présent, l’autorité qui nommait révoquait dans les mêmes formes. Or, dans le projet de loi initial, la procédure de nomination était plus lourde que celle de révocation, ce qui, à l’évidence, constituait un recul qui, à notre avis, aurait été censuré par le Conseil constitutionnel.
Il fallait donc renforcer la procédure de révocation. La commission propose de le faire avec résolution en posant ce principe simple : pour la nomination, le Parlement peut dire « non » ; pour la révocation, il doit impérativement dire « oui ».
Ces remarques me permettent de revenir sur les supposés manquements à l’indépendance des parlementaires.
Pourquoi les parlementaires seraient-ils moins indépendants que les journalistes, par exemple, en faveur desquels nous avons voté un certain nombre d’amendements visant à garantir leur indépendance, leur liberté de conscience et d’expression ? Nous, parlementaires, ne sommes pas plus qu’eux des moutons de Panurge. C’est la raison pour laquelle nous avons le droit, mais aussi le devoir, d’exprimer en conscience notre vote, le cas échéant.
L’amendement proposé par la commission permettra à chacun, en conscience, d’exprimer ce qu’il souhaite lors d’une éventuelle décision de révocation. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 225 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de l'amendement n° 20, après les mots :
Conseil supérieur de l'audiovisuel
insérer les mots :
, émis à la majorité des membres le composant,
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Je présenterai, en même temps que cet amendement, un point de vue plus général, afin que tout soit dit. Ne vous en faites pas, mon cher collègue, vous me donnerez certainement l’occasion d’intervenir à nouveau ! (Sourires.)
Pourquoi me semble-t-il nécessaire de légiférer sur la question du retrait de mandat, et pourquoi la suppression de l’article 9 serait-elle une grave erreur, qui produirait un effet inverse au résultat recherché ?
Nous ne sommes pas aujourd’hui dans une situation de vide juridique. En effet, si nous ne votons pas l’article 9 du projet de loi, c’est l’actuel article 47-5 de la loi du 30 septembre 1986 qui s’appliquera, lequel dispose, sans poser aucune condition, que le CSA met fin au mandat du président de France Télévisions.
M. David Assouline. Et alors ?
M. Michel Mercier. Attendez donc la suite, mon cher collègue ! Cela vous changera un peu et ne vous fera pas de mal !
M. David Assouline. Il est facile de vous énerver !
M. Michel Mercier. Pas du tout ! Mais il est vrai que, à force de faire passer des renoncements pour des progrès,... Il y a des limites à tout !
Je suis tout à fait d’accord avec Mme Blandin, qui considère que le plus important, dans le statut du président, n’est pas tant la nomination que la révocation. Je cherche, pour ma part, avec la commission, à rendre la procédure de révocation la plus difficile possible et à introduire un maximum de contrôles.
La commission nous propose, parmi plusieurs mesures extrêmement intéressantes, un « décret motivé après avis conforme, également motivé, du CSA ».
Je souhaite insister sur l’adjectif « motivé ». Si l’on considère que les termes de la loi ont une signification et si l’on respecte le principe général d’interprétation des textes juridiques – Actus intelligendi sunt potius ut valeant quam ut pereant –, la mention de cette motivation entraîne automatiquement un contrôle du Conseil d’État sur l’adéquation entre le motif invoqué et la sanction choisie.
Il s’agira d’un contrôle minimal exercé par le Conseil d’État, qui vérifiera que le motif invoqué justifie le retrait du mandat du président de France Télévisions. Pour cette seule raison, en l’occurrence cet avis motivé, la mesure proposée est bien supérieure à l’actuel article 47-5, qui ne laisse aucune place au contrôle du Conseil d’État, sauf erreur manifeste d’appréciation.
J’ajoute, et c’est l’objet du sous-amendement que je défends, que le Conseil supérieur de l’audiovisuel doit rendre sa décision de retrait de mandat, avec avis motivé, à la majorité des membres le composant, soit au moins cinq membres sur neuf. Cette mesure, qui s’ajoute à la garantie prévue au dernier alinéa de l’amendement n° 20 de la commission – « Il ne peut être procédé à ce retrait lorsque l’addition des votes positifs dans chaque commission représente moins de trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions » –, représente une garantie tout à fait essentielle du point de vue des libertés publiques.
Il me semble que ce dispositif, légèrement amélioré par mon sous-amendement, constitue la meilleure des garanties concernant le maintien du mandat du président de France Télévisions, les conditions de retrait de ce mandat étant suffisamment précises et soumises au contrôle du juge administratif. Il s’agit là d’un véritable progrès pour les libertés publiques et d’une avancée fondamentale par rapport au droit en vigueur.
M. René Garrec. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 340, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots :
des sociétés France Télévisions et
par les mots :
de la société
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Dans la logique de notre proposition d’amendement précédente, il nous semble absolument nécessaire, si nous n’arrivons pas à obtenir plus, d’ôter l’épée de Damoclès qui pèsera sans cesse sur le sort du président de France Télévisions si l’article 9 est approuvé en l’état.
Si le patron de notre télévision publique peut être révoqué à tout moment, de façon presque immédiate et sans délai, par l’autorité politique qui l’a nommé, il sera alors constamment obsédé par la crainte de déplaire. Comment, dans ce schéma de gouvernance, le président de France Télévisions pourrait-il assumer normalement ses responsabilités de chef d’entreprise, si souvent mises en exergue ici même par un certain nombre de sénateurs de la majorité ?
Le dispositif instauré par l’article 9 non seulement remet en cause le principe d’indépendance des médias et du service public de l’audiovisuel, mais aussi interdit toute réelle autonomie de gestion à la direction de France Télévisions, ce que la commission Copé souhaitait d’ailleurs éviter.
L’adoption par le Sénat de cette proposition d’amendement, qui se situe bien entendu en retrait de la précédente, montrerait néanmoins l’attachement de la Haute Assemblée à l’indépendance de notre télévision publique.
Mme la présidente. L’amendement n° 341, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots :
des sociétés France Télévisions et Radio France
par les mots :
de la société Radio France
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Le raisonnement que nous venons de développer en appui de notre proposition d’amendement n° 340 s’applique également au présent texte.
En effet, Radio France participe autant que France Télévisions aux missions du service public de l’audiovisuel, et ses antennes – France Inter, France Info, France Culture, France Musique et France Bleu – concourent au moins autant que France 2, France 3 et autre France 5 à la diversité des programmes audiovisuels et au pluralisme de l’information. Il est donc tout aussi important que le dirigeant de la radio publique ne soit pas soumis à la tutelle de l’Élysée.
Mme la présidente. L’amendement n° 342, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, supprimer les mots :
et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Le raisonnement que nous venons de développer en appui de nos propositions d’amendements précédentes s’applique une fois de plus, et au moins autant, au présent texte.
La société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France est aussi importante, sinon plus, que les autres sociétés audiovisuelles, car elle participe non seulement au service public de l’audiovisuel mais également à celui de l’action internationale de notre pays, en concourant au rayonnement de celui-ci au-delà de nos frontières.
Ainsi, TV5 Monde joue un rôle essentiel dans la présence de la francophonie sur les ondes, en permettant à des millions de francophones d’Afrique, d’Amérique, d’Océanie et d’Asie d’avoir accès aux programmes des chaînes de télévision publiques française, québécoise, suisse et wallonne.
De plus, comme cela a été largement démontré lors de l’examen de l’article 2, RFI concourt fondamentalement au pluralisme de l’information et à la diversité des programmes au niveau international en diffusant sa grille partout dans le monde, dans de nombreuses langues.
Enfin, France 24 permet à l’audiovisuel public français d’être présent dans le club très fermé des chaînes d’information continue diffusées à l’échelle mondiale, à l’instar de BBC News.
Pour toutes ces raisons, il est essentiel de préserver les sociétés en charge de l’audiovisuel extérieur du bon vouloir du chef de l’État, du fait même que ces sociétés concourent au rayonnement de la France au-delà de ses frontières.
Mme la présidente. L’amendement n° 263, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après le mot :
retiré
rédiger comme suit la fin du second alinéa de cet article :
pour manquement grave par la majorité de leurs conseils d'administration.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. L’interruption du mandat du président de France Télévisions doit être motivée. Mais, avec cet amendement n° 263, nous vous proposons d’être plus courageux encore en prévoyant que la révocation ne pourra intervenir que pour manquement grave et après arbitrage initial du conseil d’administration.
La révocation arbitraire est inadmissible. Or la révocation du président de France Télévisions sur avis motivé laisse toute place à l’arbitraire. Tout peut donner prétexte à cette révocation, à commencer par la situation financière calamiteuse dans laquelle se trouvera l’outil France Télévisions dans deux ans, si ce texte poursuit son chemin de restriction des ressources et de part belle laissée à la concurrence privée.
Mme la présidente. L’amendement n° 343, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, après les mots :
Conseil supérieur de l'audiovisuel et avis
insérer le mot :
conforme
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement vise à encadrer le pouvoir de révocation des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France. Comme nous l’avons évoqué longuement au cours de ce débat, ce qui pose problème dans ce texte, c’est bien le risque de voir le Président de la République faire main basse sur l’audiovisuel public.
Qu’on le veuille ou non – et vous ne nous convaincrez jamais du contraire ! –, un Président de la République qui nomme et révoque les présidents de France Télévisions et de Radio France détient un pouvoir exorbitant sur les médias publics.
Nous avons eu l’occasion d’évoquer, notamment hier, la question du pluralisme au sein de France Télévisions. Ce pluralisme sera d’autant mieux garanti que les pouvoirs disproportionnés que l’on s’apprête à délivrer au Président de la République seront clairement, précisément et justement encadrés par la loi.
Si l’exemple vient d’en haut, le Président de la République ne doit pas pouvoir, de manière totalement arbitraire, faire la pluie et le beau temps dans l’audiovisuel public. Le respect du pluralisme est à ce prix ! Il s’agit d’un principe minimal sur lequel nous ne saurions transiger.
L’amendement que nous présentons tend donc à introduire des garde-fous afin de limiter la marge de manœuvre du Président de la République dans l’exercice du droit de révocation.
Le principe d’une nomination par décret des présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France a été adopté, dont acte, mais la seule manière de poser les garanties d’une indépendance a minima de l’audiovisuel public passe par l’introduction d’une procédure contraignante quant au renvoi de ces présidents.
Je ne reviendrai d’ailleurs pas sur cette procédure de nomination, qui constitue déjà en elle-même une anomalie démocratique. Je ne désespère d’ailleurs pas de voir le Conseil constitutionnel « retoquer » cette disposition comme il a pu le faire pour certaines mesures du projet de loi relatif au redécoupage électoral.
Pour éviter que le renvoi des présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France ne devienne un nouveau pouvoir discrétionnaire du Président de la République, cet amendement vise à donner aux commissions parlementaires compétentes une sorte de droit de veto sur cette décision de renvoi. Ainsi, le Président de la République serait lié puisqu’il ne pourrait révoquer un de ces dirigeants qu’après avis conforme de ces commissions.
J’y vois un signe fort que le Gouvernement pourrait enfin adresser aux citoyens pour montrer que cette réforme n’est pas un strict retour au temps de l’ORTF ; encore que le doute reste toujours permis.
Les atteintes potentielles au pluralisme, à l’indépendance et à la survie même de l’audiovisuel public que cette réforme recèle pourraient être atténuées par l’adoption de cette disposition. Cela aurait en outre comme avantage de donner une visibilité et une légitimité accrues au Parlement, élément qui ne me paraît pas négligeable après le mépris subi par les parlementaires, en général, et par les sénateurs, en particulier, contraints de débattre d’une loi déjà entrée partiellement en application.
J’espère, madame la ministre, que vous saurez enfin témoigner de votre attachement réel à un pluralisme qui ne reste qu’un mot creux tant que les dispositions le garantissant ne sont pas effectivement prises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. S’agissant des amendements identiques nos 132, 262 et 339, la commission, tout en comprenant les inquiétudes exprimées par nos collègues, estime qu’il n’y a pas lieu de supprimer l’article 9. Mieux vaut renforcer les garanties qui entourent la révocation des présidents des sociétés en question, comme vise à le faire l’amendement n° 20 de la commission. Cette dernière émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
Concernant l’amendement n° 133, la procédure de révocation proposée par la commission sera précisément utilisée quand un manquement grave pourra être considéré comme tel à la fois par la majorité et l’opposition, en particulier par le Sénat. C’est dire que la proposition de la commission est plus protectrice que cet amendement sur lequel nous émettons donc un avis défavorable.
J’en viens au sous-amendement n° 225 rectifié. La commission, considérant que cette proposition conforte la sienne en ce sens qu’il s’agit de donner un rôle accru au CSA – en cas de procédure de retrait de mandat, il faudrait réunir un nombre de voix plus important pour aller dans le sens éventuel d’une révocation –, émet un avis très favorable.
La commission est défavorable aux amendements nos 340, 341 et 342, qui, à travers des angles de vue différents, visent à supprimer l’article dans sa forme actuelle.
Elle est également défavorable à l’amendement n° 263. Il nous semble évident que l’amendement n° 20, qui englobe cette clause éventuelle, est plus protecteur.
La commission reconnaît l’intérêt du dispositif présenté par l’amendement n° 343, proche du sien. Néanmoins, les deux systèmes étant incompatibles, elle émet un avis défavorable sur l’amendement n° 343.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. L’article 9 a trait non pas à la révocation, comme cela a été souvent dit, mais bien au retrait de mandat, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. La révocation ne s’applique en effet qu’à des hauts fonctionnaires ou à des militaires de haut rang, les uns et les autres étant stricto sensu des agents de l’État. Là, il s’agit bien du retrait de mandat.
La règle veut évidemment qu’aux dispositions afférentes à une nomination correspondent des dispositions définissant les conditions de retrait de mandat.
Comme M. Michel Mercier l’a très justement rappelé, les dispositions antérieures étaient extrêmement succinctes, se contentant d’indiquer que le mandat pouvait être retiré par le CSA, sans aucune espèce de forme d’explication complémentaire.
L’article 9 est au contraire beaucoup plus explicite et porteur de nombreuses garanties.
D’abord, ce retrait ne peut intervenir que sous la forme d’un décret motivé, lequel permet de déférer éventuellement ce décret à l’appréciation du Conseil d’État, ce qui constitue évidemment une garantie.
Ensuite, ce retrait doit recevoir l’avis conforme motivé du CSA auquel il est demandé d’expliquer, à la majorité, pourquoi il est d’accord avec ce retrait de mandat et pourquoi cette éventuelle décision lui semble adaptée
Enfin, l’avis des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat est requis. De nouveau, il faut un débat public tant à la Haute Assemblée qu’à l’Assemblée nationale sur un sujet éminemment sensible.
Je crois donc que toutes les précautions sont prises pour entourer cette disposition purement règlementaire. Il y a, d’un côté, la nomination et, de l’autre, le retrait de mandat, hypothèse inédite et difficilement envisageable. Qu’il puisse y avoir dans l’avenir retrait de mandat des présidents de l’audiovisuel public me paraît vraiment tout à fait improbable !
Pour ces raisons, et parce que cet article me paraît satisfaisant en ce sens qu’il est garant d’indépendance et qu’il renforce les précautions, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur les amendements présentés. Je m’associe aux explications et analyses de M. le rapporteur concernant les amendements de suppression, quelle que soit leur forme.
S’agissant de l’amendement n° 20 de la commission, je comprends très bien le souci de voir apporter de nouvelles garanties en matière de retrait de mandat des présidents de l’audiovisuel public. Lorsque l’Assemblée nationale a voté un amendement prévoyant un avis des assemblées, j’avais souligné que je comprenais parfaitement les motivations de ses auteurs, mais avais signalé un risque d’inconstitutionnalité par rapport à l’article 13 de la Constitution.
En l’espèce, la proposition contenue dans l’amendement n° 20 me semble présenter un risque d’inconstitutionnalité encore plus important, le retrait de mandat étant entouré de garanties encore plus nombreuses que la nomination, ce qui constitue une rupture avec le parallélisme des formes. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
En revanche, le sous-amendement n° 225 rectifié, plus exigeant encore en ce qu’il vise à préciser que l’avis conforme du CSA doit être émis à la majorité des membres le composant, recueille l’avis favorable du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 132, 262 et 339.
M. David Assouline. En commission, il a semblé à tout le monde que, une fois dépassé le débat de fond concernant le pouvoir de nomination du Président de la République, il fallait définir des procédures pour encadrer cette nomination et pour parvenir à la solution la moins mauvaise possible.
Nous n’avons pas changé d’état d’esprit. Depuis le début du débat, nous sommes déterminés à combattre cette loi dans ses différents aspects, sans pour autant jamais laisser passer une occasion d’améliorer son contenu. La commission nous y a d’ailleurs aidés en votant plusieurs amendements socialistes sur des questions assez importantes.
Nous souhaitons la suppression de cet article parce que nous ne sommes pas d’accord avec la nomination des présidents de l’audiovisuel public par le Président de la République. Et, au nom du parallélisme des formes, nous poussons la logique jusqu’au bout.
Quant aux moyens d’encadrer les dispositifs, la commission cherche à aller dans le bon sens. Elle renforce et sécurise cet encadrement en proposant, pour le retrait de mandat, une majorité positive des trois cinquièmes, beaucoup plus difficile à obtenir pour le pouvoir que la majorité négative des trois cinquièmes.
J‘ai proposé, au nom du parallélisme des formes, de mettre en place la même procédure pour la nomination.
M. Jean-Pierre Sueur. Évidemment !
M. David Assouline. Et je me suis vu opposer l’inconstitutionnalité, la nomination étant encadrée de façon précise par l’article 13 de la Constitution, qui ne laisse pas de latitude.
En attendant que le Conseil constitutionnel donne son avis, j’avais proposé de déposer quand même un amendement portant sur la nomination. Il s’agissait de s’inspirer de la démarche suivie par la commission pour le retrait de mandat, qui offre beaucoup plus de garanties, en s’exposant, j’en conviens, à l’objection d’inconstitutionnalité.
En tout état de cause, c’est l’honneur du Sénat, en attendant que le Conseil constitutionnel pose d’éventuelles restrictions, d’essayer d’obtenir un maximum de garanties.
Je pourrais voter l’amendement de la commission. Cela ne m’empêche pas de penser, depuis le début de ce débat, que la volonté présidentielle est motivée plus par des objectifs à court terme que par le souci d’améliorer des dispositifs démocratiques. Sous l’apparence d’une boutade, le propos est plus sérieux qu’il n’y paraît !
Il peut se révéler important d’encadrer plus strictement les possibilités de révocation. Concrètement, dans deux ans, le Président de la République pourra nommer qui il voudra à la présidence de France Télévisions ou de Radio France. Or on peut encadrer davantage la révocation, voire la rendre quasi impossible sans un large consensus entre la gauche et la droite, de sorte qu’en cas d’alternance nous ne pourrions pas changer ce président que nous n’aurions pas choisi. Suis-je en train de faire un procès d’intention au Président de la République, qui serait, en réalité, très éloigné de ce type de considération ? Quoi qu’il en soit, nous acceptons, au nom de l’indépendance, ce danger potentiel concret qui menacerait notre propre intérêt partisan. Eh oui, monsieur Mercier, nous avons des principes !
M. Michel Mercier. Nous n’avons pas les mêmes !
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Ce ne sont effectivement pas les nôtres !
M. David Assouline. En dehors de toute considération partisane, je pense qu’il faut améliorer au maximum les textes afin de renforcer les garanties d’indépendance et de démocratie, quelles que soient les majorités et les oppositions. Tout en soutenant les amendements tendant à des suppressions, qui vont être soumis au vote, j’ai anticipé en indiquant que, si ces derniers ne sont pas adoptés, nous voterons l’amendement n° 20 de la commission.
D’ailleurs, je ne m’étonne pas du refus opposé par Mme la ministre à l’évolution, qui n’a pourtant rien d’une révolution, proposée par la commission. C’est peut-être même une motivation supplémentaire pour que mon groupe vote avec celle-ci !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Mes chers collègues, il m’arrive d’être un peu taquin (Sourires.) et c’est une occasion de l’être, car je pressens que la majorité d’entre vous va voter contre les amendements de suppression.
M. Michel Mercier. C’est sûr !
M. Claude Domeizel. Cependant, si vous votiez, pour les raisons que je vais vous donner, comme nous allons nous-mêmes le faire pour les raisons que j’ai déjà exposées, ces amendements – ils seraient donc adoptés à l’unanimité (Nouveaux sourires) –, nous en reviendrions à l’article 47-5 de la loi du 30 septembre 1986, lequel prévoit que « les mandats des présidents des conseils d’administration des sociétés mentionnées aux articles 47-1 à 47-3 peuvent leur être retirés dans les mêmes formes que celles dans lesquelles ils leur ont été confiés ». L’article 47-5 vise ainsi France Télévisions, Radio France et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. En votant la suppression de l’article 9 du projet de loi, nous en reviendrions donc à l’article 47-5 et nous rejoindrions l’amendement n° 20 en ce qui concerne la consultation des commissions des deux assemblées.
M. Michel Mercier. Mais non !
M. Claude Domeizel. C'est la raison pour laquelle je vous invite à voter également les amendements de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Plancade. Tout d’abord, je suis heureux que la commission maintienne son amendement.
Ensuite, je me réjouis de constater l’évolution de la pensée de mon excellent collègue David Assouline, qui hier était contre et aujourd'hui est pour…
M. David Assouline. Ne parlez pas à ma place !
M. Jean-Pierre Plancade. Je ne parle pas à votre place ! J’évoque la règle des trois cinquièmes !
Le RDSE votera, bien entendu, l’amendement de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je ne peux pas voter les amendements de suppression pour une raison toute simple : leur adoption conduirait au rétablissement de l’actuel article 47-5, lequel prévoit des garanties très inférieures à celles qu’introduit l’amendement de la commission.
S’agissant de l’avis des commissions parlementaires, l’amendement n° 20 tend en effet à inverser le rapport puisqu’il faudra trois cinquièmes de votes positifs (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)… Mes chers collègues, je vous renvoie à la page 454 du rapport, où les textes figurent côte à côte : vous constaterez par vous-mêmes les différences !
M. Jean-Pierre Plancade. Bien sûr !
M. Michel Mercier. Pour ma part, je ne voterai pas les amendements de suppression parce que j’estime qu’il faut renforcer les garanties données aux présidents des trois sociétés.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Le débat devient surréaliste – ou peut-être hyperréaliste –, et nous atteignons le seuil de l’effet domino !
Après plusieurs heures consacrées à démontrer que le dispositif de nomination des futurs présidents était à ce point bien pensé et construit que l’on pourrait apparenter leur désignation à une démarche scientifique quasi infaillible, nous avons une discussion presque aussi longue sur la disqualification de ces présidents infailliblement désignés !
Je suis tenté de dire que nous sommes revenus à la case départ et que le problème qui nous préoccupe ne se poserait pas si l’article 8 n’existait pas !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 132, 262 et 339.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 81 :
Nombre de votants | 332 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 140 |
Contre | 191 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 133.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 225 rectifié.
M. Ivan Renar. Le groupe CRC-SPG s’abstient.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 20. (M. Michel Mercier s’exclame.)
M. David Assouline. Monsieur Mercier, c’est un amendement important, et il nous faut du temps pour nous faire comprendre, notamment par M. Plancade, qui, sinon, interprète à son gré nos propos ! (M. Jean-Pierre Plancade proteste.)
Il y a deux débats.
Par le vote qui vient d’intervenir, nous venons de clore un débat qui, en toute logique, aurait pu conduire notre assemblée à voter pour la suppression de l’article 9 du projet de loi. Puisque nous étions contre la nomination par le Président de la République, il était en effet cohérent que nous demandions la suppression de l’article qui prévoit la révocation dans les mêmes formes.
Nous nous situons maintenant dans un débat de repli, et la question est de savoir comment rester aussi proches que possible de nos valeurs et de nos principes en les protégeant au mieux.
Je le dis nettement, le fait que le Gouvernement ne suive pas la commission est aussi un aveu : cela démontre que, tant pour la nomination que pour la révocation, il veut avoir les mains relativement libres.
La commission juge qu’il faut encadrer un peu plus la révocation, et, monsieur Mercier, je le répète, si vous soutenez cela, vous auriez dû aussi nous entendre s’agissant du mode de nomination, qui n’a pas le même encadrement.
M. Michel Mercier. Ce n’est pas pareil !
M. David Assouline. Trois cinquièmes de votes positifs, ce n’est pas la même chose que trois cinquièmes de votes négatifs ! Pourquoi, ne serait-ce que par souci juridique de respecter le parallélisme des formes, n’avez-vous pas proposé le respect des mêmes conditions pour la nomination et pour la révocation ?
M. Michel Mercier. Il n’y a pas de parallélisme !
M. David Assouline. Nous n’avons donc pas de leçon à recevoir ! Nous soutenons l’amendement de la commission, mais, ce faisant, nous nous situons dans une logique, alors que vous, finalement, en soutenant cet amendement, vous faites apparaître que vous n’avez pas fait preuve de la même vigilance lors du débat sur les conditions de nomination, pendant lequel tout vous a semblé très clair, très simple et sans problème : « Il est bien que le Président de la République fasse ce qu’il veut ; le président de France Télévisions est un vrai chef nommé par un vrai Président,… Bref, circulez, il n’y a rien à voir ! Le reste, c’est l’écran noir et blanc de nos enfances ! », nous avez-vous dit en quelque sorte.
Par souci de responsabilité, nous voterons donc – et cela n’enlève rien à ce que nous avons dit jusqu’à présent de la nomination et de la révocation – l’amendement de la commission, en formant le vœu qu’il survivra à la commission mixte paritaire – où j’espère que, sur cette question comme sur d’autres, les sénateurs ne se laisseront pas marcher sur les pieds – ainsi qu’à l’examen par le Conseil constitutionnel !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je serai bref, madame la présidente, mais certains de nos collègues nous ont beaucoup reproché hier de ne pas intervenir…
Monsieur Assouline, vous ne manquez pas de distribuer des leçons même à ceux qui ne vous en demandent pas ; cela fait partie, et je l’accepte, de votre façon de vous exprimer. Pour ma part, je ne veux donner de leçon à personne, et ce que je voudrais dire maintenant s’adresse plutôt au Conseil constitutionnel, qui sera nécessairement saisi de ce texte et à qui il faut bien que nous donnions des arguments.
Madame la ministre, je comprends votre point de vue, mais il me semble que vous vous placez dans l’état antérieur du droit, c'est-à-dire avant la réforme constitutionnelle.
Si je suis comme vous d’avis que le principe du parallélisme des formes ne s’applique pas, c’est précisément parce que la question de la nomination est traitée par la Constitution.
Mais si la Constitution prévoit la nomination du président à l'article 13, en revanche elle n’évoque pas le retrait de mandat.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Tout à fait !
M. Michel Mercier. Le concept de parallélisme des formes est donc contraire à la Constitution. Le constituant a élaboré les règles de nomination, c’est tout ! Il n’a jamais précisé les modalités d’un retrait de mandat.
Il s’agit donc pour nous de fonder la compétence du Parlement, s’agissant du retrait. On peut considérer qu’il s’agit d’une compétence générale tirée de l’ancien article 34 de la Constitution. Le retrait du mandat justifie pour le moins l’avis des commissions parlementaires compétentes. Je rappelle que, depuis la révision constitutionnelle, cet avis peut prendre la forme d’une autorisation ou d’un refus. Sans doute est-ce d’ailleurs ce point qui pose problème.
Le premier alinéa de l'article 34, tel qu’il est désormais rédigé, prévoit que « la loi fixe les règles concernant […] le pluralisme et l’indépendance des médias ».
M. David Assouline. Grâce à vous ?
M. Michel Mercier. Certainement pas grâce à M. Assouline !
J’ai pris ma part à cette révision constitutionnelle et je l’assume. Je me félicite d’avoir contribué, comme d’autres, à cette entreprise, à condition que le Parlement utilise les droits que la révision constitutionnelle lui accorde. Pour ce qui me concerne, j’ai bien l’intention de le faire !
De deux choses l’une : ou bien la précision inscrite à l'article 34 a du sens, ou bien elle n’en a pas.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et si le Parlement n’est pas consulté ?
M. Michel Mercier. Mon cher collègue, je ne vous interromps jamais, et il vous faut apprendre à avoir un minimum de civilité ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – M. Jean Desessard s’exclame.)
M. Ivan Renar. Ce n’était qu’une ponctuation !
M. Michel Mercier. Cette disposition fait partie des droits nouveaux du Parlement. Nous avons révisé la Constitution à cette fin : il faut montrer que ces droits existent et nous en servir.
Je soutiens donc – je le redis à l’attention du Conseil constitutionnel – que l’amendement n° 20 n’est pas contraire à la Constitution et que nous pouvons le voter. Son adoption constituera un grand progrès pour l’audiovisuel public. C’est en effet dans une distinction franche entre les procédures de nomination et de retrait de mandat des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France que résident la liberté et l’autonomie de ces derniers. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Par une dialectique subtile, Mme la ministre cherche à nous convaincre que le retrait de mandat n’est pas la révocation. Je comprends tout à fait cette argutie, mais elle n’emporte pas l’opinion, car, dans les faits, tout le monde sait bien que c’est la même chose.
Chacun invoque le Conseil constitutionnel. Pour notre part, nous souhaitons qu’il annule l'article relatif à la nomination des présidents. Nous pensons qu’il le fera.
En effet, de notre point de vue, au regard des nouvelles dispositions prévues à l'article 34 qu’a à juste titre invoquées Michel Mercier et dont David Assouline a défendu l’introduction – il faut lui rendre cette justice, mes chers collègues –, comment soutenir qu’il est constitutionnel que le Président de la République désigne par décret les présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France...
M. Serge Lagauche. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. ...puisque c’est désormais contraire à « l’indépendance des médias », garantie dorénavant par la Constitution ?
Comment prétendre que les présidents de ces sociétés sont indépendants à l’égard des pouvoirs politiques, quels qu’ils soient, et accepter qu’ils soient nommés par décret du Président de la République, qui est un personnage politique éminent ?
Cette situation pose un problème constitutionnel. J’ai d’ailleurs rappelé au cours de ce débat toutes les jurisprudences du Conseil constitutionnel qui démontrent que ce nouveau dispositif constitue un retrait par rapport à l’état du droit précédent ou encore en vigueur.
Monsieur Mercier, nous vous donnons acte des efforts intellectuels que vous avez fournis pour accréditer l’idée qu’aucun parallélisme des formes n’existait. Vous vous êtes donné beaucoup de mal ! Selon vous, comme la Constitution évoque la nomination mais ne mentionne pas la révocation ou le retrait de mandat, il n’est pas nécessaire d’invoquer ce parallélisme.
Toutefois, mon cher collègue, je vous renvoie à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui, dans plusieurs décisions, considère que les actes de nomination et de retrait de mandat sont liés, nonobstant le fait que la Constitution, dans son ancienne version, ne prévoie pas les modalités du retrait du mandat ou de la révocation.
Comme mes collègues, je voterai l'amendement n° 20, dans l’esprit indiqué par M. David Assouline. Là encore, une évidence s’impose. Dans la mesure où les arguments que vous avez avancés pour démontrer la nécessité d’une majorité positive en cas de retrait de mandat sont tout à fait pertinents, personne ne comprend que la même argumentation ne vaille pas lorsqu’il est question de la procédure de nomination.
Mes chers collègues, si vous aviez voté – et nous regrettons qu’il n’en ait pas été ainsi – une procédure de nomination aux termes de laquelle le Président de la République désigne les présidents de l’audiovisuel public par décret, à condition que les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat émettent un avis favorable en se prononçant à la majorité des trois cinquièmes, nous n’aurions plus eu beaucoup d’arguments à vous opposer. En effet, cette nomination aurait été le fruit d’un consensus entre la majorité et l’opposition et n’aurait par conséquent plus constitué un enjeu politique. Au contraire, dans le sens le plus noble de la politique, un accord aurait été trouvé sur une personnalité suscitant l’assentiment à la fois de la majorité et de l’opposition, ou d’une partie d’entre elles. On aurait ainsi franchi un nouveau pas vers ce que Pierre Mendès France appelait « la République moderne », c'est-à-dire une République qui fonctionne mieux.
Je salue les arguments que vous avez développés en faveur de la majorité qualifiée des trois cinquièmes nécessaire au retrait de mandat. Mais plus vous vous prononcez en ce sens, plus faible devient l’argumentation antérieure, aux termes de laquelle ce qui vaut pour le retrait de mandat ne peut valoir pour la nomination.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. Je partage tout à fait le point de vue de mon collègue, mais nous en sommes désormais au stade suivant, celui des droits nouveaux du Parlement. Aux dires de M. Mercier, c’est l’occasion ou jamais que ceux-là s’exercent. Je peux comprendre d’ailleurs que vous ayez eu quelque difficulté s’agissant de la procédure de nomination et que, sur ce sujet, vous ayez été pris à contre-pied !
Dire que le Parlement exerce ses nouveaux droits suppose que nous ne nous retrouvions pas en commission mixte paritaire dans une situation difficile parce qu’un certain nombre de députés de la majorité hésiteraient à suivre la position du Sénat ! En d’autres termes, monsieur Mercier, il faut un accord avec l’ensemble de la majorité pour avancer sur ce sujet. Sinon, si la disposition proposée par la Haute Assemblée est refusée en commission mixte paritaire par vos collègues de l'Assemblée nationale membres de la majorité, le Sénat risque de se voir une nouvelle fois infliger un camouflet !
À nos yeux, monsieur Mercier, vous et la majorité êtes engagés : il s’agit d’une prise de position politique essentielle sur les droits nouveaux du Parlement.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 340, 341, 342, 263 et 343 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante,
est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Roger Romani.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 10.
Article 10
À l'article 47-6 de la même loi, les mots : «, ni aux conventions conclues entre la société France Télévisions et les sociétés France 2, France 3, France 5 et Réseau France outre-mer, ainsi que les sociétés visées au dernier alinéa du I de l'article 44 » sont supprimés.
M. le président. L'amendement n° 134, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Nous réclamons la suppression de cet article car nous nous opposons avec force au fait que le projet de loi cherche à effacer toute référence aux différentes sociétés de programme que sont France 2, France 3, France 4, France 5 et le Réseau France Outre-mer. C’est la porte ouverte au démantèlement de France Télévisions.
Le fait que le texte ne mentionne jamais l’ensemble de ces chaînes, renvoyant à un cahier des charges unique qui ne constitue, en aucun cas, une garantie du maintien du périmètre actuel du service public, pourra aisément conduire, demain, à la disparition, à la privatisation d’une ou de plusieurs chaînes.
Nous refusons une fusion-absorption qui met en péril l’identité de chacune des chaînes. Le pluralisme comme la diversité sont ainsi menacés, à l’encontre même de la convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
Il est évident que l’obstination du Gouvernement à gommer de la loi le nom même de nos chaînes publiques est une stratégie pour avoir les mains plus libres pour les privatiser demain. Il organise ainsi méthodiquement la casse du service public audiovisuel, et ce d’autant plus facilement que les parlementaires n’auront plus de droit de regard sur le périmètre du service public, puisque son existence n’aura plus de valeur législative.
Une fois encore on écarte le Parlement, alors même que l’exécutif exercera une tutelle économique, éditoriale et politique sans contre-pouvoir comme l’exige tout régime démocratique.
Le pire est que vous pourrez vous appuyer sur l’asphyxie financière à laquelle vous condamnez sans état d’âme France Télévisions pour réduire son bouquet de chaînes. Ce dernier est pourtant l’un des plus performants, en termes d’audience et de coût, comparé aux bouquets, souvent plus étoffés, des autres télévisions publiques européennes.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous invitons à supprimer l’article 10. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. La commission considère que France Télévisions n’est en rien démantelée par ce projet de loi ; cette société est au contraire confirmée. Elle émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement est également défavorable. La transformation de France Télévisions en une entreprise unique ayant été adoptée précédemment, l’article 10, de coordination, ne peut être supprimé.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. La position de fond que nous avons adoptée au cours de ce débat, consiste à être partisans de l’entreprise unique et du média global, sans démantèlement des services qui existent aujourd’hui.
Lors de la discussion relative à l’entreprise unique, par le dépôt d’un certain nombre d’amendements et par nos interventions, nous avons manifesté notre souhait de voir figurer les services en tant que tels et le périmètre actuel de France Télévisions.
Nous sommes contre le démantèlement et nous pensons, nous aussi, que les formulations actuellement retenues portent en germe un certain démantèlement. Mais, fidèles à notre position de fond précitée, nous ne participerons pas au vote de l’amendement n° 134 visant à supprimer un article de coordination.
Selon nous, ce n’est pas l’entreprise unique qui est le danger. Elle est au contraire une nécessité, comme nous avons pu le constater non seulement lors du débat, mais également lors de nos discussions avec les personnels de France Télévisions. La commission Copé a eu le même point de vue lorsqu’elle s’est prononcée sur la nécessité d’avoir, pour les dix ans à venir, un service public conquérant, capable de se renouveler, de se moderniser, de rationnaliser, d’entrer dans l’ère numérique, de recourir à internet. Nous sommes donc partisans de la réforme lorsqu’elle tend à aller de l’avant.
Comme nous l’avons déjà indiqué, la vision de l’entreprise unique du Gouvernement, soutenu par la majorité, comporte des risques de démantèlement. Nous sommes d’accord avec les membres du groupe CRC sur ce point. En revanche, nous ne pensons pas que la notion d’entreprise unique, en tant que telle, contienne de tels risques, qui résultent, en réalité, des termes retenus lors de la rédaction des textes. Nous aurions aimé que soient mentionnées France 2, France 3, France 5, etc. Mais nous pourrons rouvrir ce débat qui a déjà eu lieu.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
CHAPITRE II
Des fréquences et de la diffusion
Article 11
Le II de l'article 26 de la même loi est ainsi modifié :
1° Aux premier et cinquième alinéas, après les mots : « à l'article 44 », sont insérés les mots : « ou à leurs filiales répondant à des obligations de service public » ;
2° La seconde phrase du premier alinéa est supprimée.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet article n’a pas justifié le dépôt d’amendements puisqu’il a sa logique et son utilité. En particulier, il permet de garantir à RFI, ravalée au rang de filiale, un juste accès aux fréquences.
Cependant, il mérite que soit engagée une réflexion contextuelle. Il s’agit de l’attribution de la ressource radioélectrique, qui est un bien commun, même si elle est moins bien identifiée que l’eau de la planète ou l’air que nous respirons. Il est donc tout à fait normal que les sociétés publiques aient un droit d’usage de cette ressource, aux termes de la loi de 1986.
Il est aussi logique que les opérateurs privés doivent postuler dans le cadre de procédures d’appel à candidatures pour utiliser cette ressource. Le CSA veille sur les ressources pour diffusion ; l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, veille sur les ressources pour transmission.
L’article 11 apporte une précision : le droit d’usage des sociétés publiques s’étend désormais aux filiales. Pour RFI, c’est bien la moindre des choses.
Mais souvenez-vous de nos débats sur l’article 3 ! Il s’agissait, là aussi, de filiales, plus particulièrement de celles de toutes les sociétés de programme. Vous aviez alors rejeté un amendement qui tendait à ce que ces filiales respectent les règles de missions de service public. Le rapporteur avait soutenu qu’une filiale de diversification avait par nature des objectifs commerciaux et que la soumettre aux missions de service public la gênerait. Mme la ministre avait affirmé qu’il fallait distinguer entre sociétés et filiales ; seules les premières sont financées par des deniers publics en contrepartie de l’accomplissement de missions de service public.
En conséquence, il est utile d’insister, en cet instant, sur le strict caractère de filiales de service public, tel que mentionné dans le texte. L’unanimité doit donc se dégager sur ce point, sans qu’il y ait aucune tentative de fragilisation sinon, demain, le démantèlement en filiales privées, avec apport d’argent public pouvant utiliser la ressource radioélectrique nous menacerait.
Certes, tel n’est pas le cas aujourd’hui, mais le principe de précaution exige cette précision.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. David Assouline. Je souhaite revenir sur un point qui n’a pas reçu de réponse hier et qui s’inscrit dans le droit-fil du sujet que nous évoquons en ce moment.
M. Longuet nous a expliqué que les ondes n’appartiennent à personne, même pas à l’État, ondes que nous considérons comme un bien public qui doit être régulé par la puissance publique. Il a tenu un propos qui ne m’a pas étonné car il est de tradition très libérale. Il a ainsi soutenu que, si à un moment donné la régulation était justifiée, y compris lors de la privatisation de TF1 et de l’établissement de son cahier des charges, tel n’était plus le cas à l’heure numérique où il n’y a plus pénurie mais, au contraire, abondance et possibilité sans fin d’accès. Cette conception n’est absolument pas logique et ne relève pas de notre tradition.
De surcroît, pourquoi distinguerait-on des biens publics, comme l’air ou l’eau, de la ressource radioélectrique ?
Hier, nous avons omis de relever l’affirmation selon laquelle, dorénavant, point ne serait besoin de régulation parce qu’un bien n’appartenant à personne appartiendrait au privé. Nous ne partageons pas ce point de vue, et nous reviendrons sur ce point au cours du débat. Cette idée est source de dérives et notamment de risque de démantèlement du service public, y compris par le biais des filiales.
M. le président. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
Le I de l'article 34-2 de la même loi est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « les services spécifiquement destinés au public métropolitain édités par la société mentionnée au 4° du » sont remplacés par les mots : « le service de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique ayant pour objet de concourir à la connaissance de l'outre-mer spécifiquement destiné au public métropolitain édité par la société mentionnée au » ;
1° bis Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'il propose une offre en mode numérique haute définition, il met également gratuitement à la disposition des abonnés à cette offre les services de ces sociétés diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique haute définition. » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « Réseau France outre-mer » sont remplacés par les mots : « mentionnée au I de l'article 44 ».
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du 1° bis de cet article, remplacer les mots :
en mode numérique haute définition
par les mots :
comprenant des services de télévision distribués en haute définition
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de nature rédactionnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 135, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Supprimer le 2° de cet article.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Avec cet amendement, nous nous inscrivons dans la logique qui sous-tendait notre amendement de suppression de l’article 1er de ce projet de loi.
En effet, le présent projet de loi tend à retirer de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986 toute référence aux entités mêmes que sont les chaînes France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO, visées à l’article 34-2 de la loi de 1986.
La disparition de l’inscription dans la loi de l’entité « RFO » laisse craindre aux personnels, à terme, la disparition de leur chaîne.
En ce sens, l’omission, dans l’exposé des motifs du présent projet de loi, de la référence à RFO et à sa mission dans la future entreprise unique, tout comme celle à France Ô, n’a pas manqué d’accréditer et d’alimenter cette inquiétude.
Cette omission a été rattrapée a minima, puisque l’exposé des motifs ne contient que deux phrases lapidaires : « Réseau France Outre-mer (RFO) demeure le réseau des télévisions et radios d’outre-mer, France Ô est la chaîne de l’outre-mer et de la diversité en métropole. »
L’ambiguïté qui prévaut sur la nature de France Ô depuis sa création ne reste pas tranchée avec ce rajout car, dans le même temps, à l’article 12 du projet de loi, France Ô est définie par les termes suivants : « services de télévision diffusés en clair par voie hertzienne terrestre en mode numérique ayant pour objet de concourir à la connaissance de l’Outre-mer spécifiquement destinés au public métropolitain ». Qu’en est-il de la notion de diversité ?
En outre, cet article ne comporte pas un mot sur les deux autres services de télévision édités par RFO que sont Tempo et Télé pays.
À ces cafouillages est venu s’ajouter l’amendement du Gouvernement adopté à l’Assemblée nationale visant à supprimer la publicité sur RFO, ce qui n’était pas prévu dans le texte initial.
Que va donc devenir RFO ? Je vous le demande, madame la ministre. Que prévoit le contrat d’objectifs et de moyens ?
À RFO comme à France 3, il existe actuellement des cellules de production, des personnels dédiés et des moyens afférant à cette activité, autant de forces créatrices en mesure de garantir la diversité des productions au sein de France Télévisions qui a été inscrite dans la loi.
Que valent les principes si, en même temps, on coupe les moyens pour y parvenir, d’autant que, madame la ministre, vous avez refusé d’inscrire dans la loi à l’article 1er l’obligation de production et de fabrication pour France Télévisions ?
Ce projet de loi n’apporte donc aucune garantie quant à la pérennité de ces activités qui donnent la possibilité aux publics ultramarins et métropolitains de se retrouver dans des productions qui ont du sens pour eux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Je ferai la même réponse qu’à la question qui a été posée au sujet de France 3 : le maintien de programmes spécialement destinés à l’outre-mer n’est en rien compromis par le présent projet de loi, qui, d’ailleurs, les mentionne à l’article 13.
Je renvoie également les auteurs de cet amendement au point 5 de l’article 2 du cahier des charges, où sont décrites très explicitement les missions de RFO.
Je tiens à ajouter que la commission Copé a beaucoup travaillé sur l’identité des chaînes et leur renforcement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Il est également défavorable, pour les raisons que vient d’exposer Mme le rapporteur : le présent projet de loi ne menace en rien RFO.
M. le président. L'amendement n° 344, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le second alinéa du II du même article est ainsi rédigé :
« Les coûts de diffusion et de transport depuis le site d'édition et la numérisation éventuelle sont à la charge du distributeur. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement ne devrait pas susciter de polémique : il pourrait recevoir un avis favorable de la commission et l’assentiment de l’ensemble de notre assemblée.
La situation actuelle des télévisions locales est très difficile.
Récemment encore, il suffisait à une télévision de proximité d’être diffusée en hertzien analogique pour toucher l’essentiel de son public. Or, aujourd’hui, les modes de réception se sont fragmentés entre l’analogique, reçu dans 42 % des foyers, la TNT, accessible dans 32 % d’entre eux, les trois principaux fournisseurs d’accès à internet, qui en alimentent 13 %, le câble en analogique dans les immeubles locatifs qui touche 6 % et en numérique pour les abonnements individuels qui atteint également 6 %. Ces chiffres sont ceux de l’Observatoire du CSA du premier semestre 2008.
En conséquence, il faut être présent sur sept supports de diffusion pour toucher toute la population, ce qui multiplie les coûts.
À cela s’ajoute le fait que les opérateurs nationaux en câble et ADSL ne sont pas forcément intéressés par la vie locale et par les logiques territoriales et ne s’organisent pas spontanément pour tenir compte de la diversité des situations locales.
Les instigateurs de la précédente réforme de l’audiovisuel avaient tenté de remédier à ce problème en instituant un régime d’obligation de reprise des chaînes d’initiative publique locale.
Aujourd’hui, beaucoup de chaînes, y compris de chaînes privées, ont le soutien des collectivités et entrent dans cette catégorie. Les chaînes locales travaillent désormais en numérique avec le soutien de ces collectivités.
Cependant, les distributeurs n’utilisent pas les mêmes formats numériques, ce qui multiplie les coûts de transport.
Afin de remédier à une imprécision de la loi et d’éviter que les coûts de distribution n’incombent aux chaînes locales, nous souhaitons, par notre amendement, préciser dans la loi que les coûts de transport et de numérisation sont à la charge des distributeurs. Ceux-ci bénéficient de moyens et de réseaux leur permettant de faire baisser les coûts, ce qui n’est pas le cas des chaînes locales.
Il s’agit d’un amendement de bon sens et de précision, dont l’objet est d’aider un secteur peu soutenu, celui des chaînes locales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Le présent amendement tend à prévoir que les distributeurs qui doivent, en vertu du droit existant, obligatoirement reprendre les programmes des chaînes locales, prennent à leur charge non seulement les coûts de diffusion et les transports, mais également les coûts de numérisation.
La numérisation étant appelée à devenir la règle, comme cela a été rappelé, la commission estime que cette précision est opportune afin de ne pas vider d’une partie de son sens l’obligation de reprise consacrée par le législateur.
De surcroît, les chaînes locales, auxquelles tous les élus portent une attention particulière car elles sont un élément de la vie des territoires, verraient leur équilibre financier compromis par cette numérisation, qui fait peser sur elles des coûts nouveaux liés à la numérisation elle-même, certes, mais aussi à la double diffusion.
Dans ce contexte, la précision apportée par cet amendement apparaît particulièrement bienvenue : la commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement, contrairement à la commission, émet un avis défavorable.
En effet, la loi fait aujourd’hui obligation aux distributeurs de services du câble et de l’ADSL de mettre à la disposition de leurs abonnés non seulement des chaînes publiques, mais également des canaux locaux destinés aux informations sur la vie locale.
Les coûts de transport et de diffusion sont à la charge de ces opérateurs.
Les auteurs de cet amendement proposent de leur imposer de prendre également à leur charge les frais de numérisation des canaux locaux.
Le Gouvernement estime qu’il ne serait pas juste de faire peser sur les distributeurs de services les coûts liés à la numérisation du signal d’un service de télévision.
Par ailleurs, la mise en œuvre pratique de cette mesure se heurterait à de grandes difficultés : sur une même zone sont souvent présents aujourd’hui plusieurs distributeurs, parfois cinq ou six distributeurs.
Le canal local devrait-il leur envoyer à chacun une quote-part des frais de numérisation à payer ? Selon quels critères répartirait-il ce coût ? Il est à craindre que les contentieux ne se multiplient.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Dans la discussion générale, nous avions évoqué la nécessité d’équilibre du paysage audiovisuel, et nous avions spécifié quelles devraient être, selon nous, la part du privé, précisant comment elle devrait être encadrée, et celle du public. Nous avions indiqué quelle était notre ambition en ce domaine.
J’avais déploré qu’aucun travail ne soit envisagé, à l’occasion de l’examen de ce texte, sur les télévisions associatives, dont le dynamisme et l’originalité en matière de création satisfont pourtant en grande partie les attentes de nos concitoyens. Avec cet amendement nous est offerte une occasion unique – une petite oasis au milieu du désert ! – de faire un signe à ces télévisions associatives.
Les distributeurs peuvent assumer la prise en charge des « coûts de diffusion et de transport depuis le site d’édition et la numérisation éventuelle » : le coût est dérisoire, et ils pourraient s’entendre pour le répartir entre eux de façon forfaitaire, selon le modèle de la télévision, qui paie forfaitairement à un fonds pour les droits d’auteurs les images qu’elle diffuse, sans verser à tel ou tel artiste dont elle a photographié et diffusé les œuvres un droit spécifique.
Techniquement, la mise en œuvre de ce dispositif serait aisée – il existe de nombreux dispositifs de ce genre – et son coût ne serait pas très élevé. De plus, ce serait là un vif encouragement au dynamisme créatif des territoires.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Mme la ministre a dit une chose juste : dans la précédente loi, il a été prévu que ces coûts seraient à la charge des distributeurs. Or, depuis, l’interprétation de cette loi a donné lieu à polémique, certains distributeurs ayant prétendu que les coûts de transport s’entendaient à partir de leur tête de réseau et non depuis le lieu d’édition de la chaîne. Le législateur n’a jamais fait cette distinction.
Nous avons la chance de légiférer à nouveau et donc de trancher ce différend sur l’interprétation de la loi.
Comment y parvenir ? Nous devons être conscients que c’est un peu notre rôle, à nous, représentants des collectivités territoriales : elles ont toutes – et auront toutes de plus en plus – des partenariats avec des télévisions locales, et pour elles, les frais de numérisation pèsent lourd, alors que les distributeurs, qui peuvent mettre en réseau, peuvent baisser ces coûts, ce qu’aucune chaîne locale ne réussira à faire.
Les têtes de réseaux, elles, peuvent, en collectivisant et parce qu’elles sont têtes de réseaux, justement, baisser les coûts globaux. Cela se traduirait par une économie pour toutes les parties prenantes, même si ces coûts étaient à la charge des distributeurs.
L’addition de ces frais amplifierait les frais pour chaque chaîne locale et entraînerait un gaspillage inutile.
Il serait donc souhaitable que, par l’adoption de cet amendement, nous donnions la preuve de notre soutien aux chaînes locales. La suite des débats montrera que notre but n’est pas de « charger la barque » des distributeurs ou des fournisseurs d’accès à internet, notamment. Au contraire, nous souhaitons que ce secteur dynamique puisse se développer.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. J’aurais souhaité apporter moi-même quelques éléments d’explication sur les coûts et leur possible mutualisation, mais je me bornerai à indiquer que, outre les membres de la commission des affaires culturelles, plusieurs sénateurs de différents groupes – M. du Luart, en particulier – ont fait part de leur souci de faire vivre ces radios locales, reflets de la vitalité des territoires.
M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Article 12 bis
L'article 34-4 de la même loi est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les distributeurs de services dont l'offre de programmes comprend l'ensemble des services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique assurent au moins une reprise de ces services en respectant l'ordre de la numérotation logique définie par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 22, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Après les mots :
en mode numérique
rédiger comme suit la fin du second alinéa de cet article :
, s'ils ne respectent pas la numérotation logique définie par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour la télévision numérique terrestre, doivent assurer au moins une reprise de ces services en respectant l'ordre de cette numérotation. Dans ce cas, la numérotation doit commencer à partir d'un nombre entier suivant immédiatement un multiple de cent. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Cet amendement vise tout simplement à faciliter la vie des téléspectateurs.
Il a souvent été dit que les téléspectateurs disposent désormais de dizaines, voire de centaines de chaînes. Il nous a donc paru raisonnable de les aider dans leur choix.
C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à faciliter l'accès des téléspectateurs aux chaînes de la TNT sur le câble, le satellite et l'ADSL. Aujourd'hui, les chaînes de la TNT sont souvent difficiles à retrouver dans les plans de service de ces distributeurs. Or près de 60 % des foyers ont accès à la télévision numérique pour au moins un poste et sont habitués à la numérotation TNT. L'idée est donc d'imposer aux distributeurs qui ne respectent pas la numérotation logique de placer, par exemple, les chaînes de la TNT gratuites sur les canaux 101 à 118, 201 à 218 ou 301 à 318, afin que le téléspectateur retrouve aisément les chaînes qu'il connaît.
M. le président. Les amendements nos 180 et 432 sont identiques.
L'amendement n° 180 est présenté par M. Pozzo di Borgo.
L'amendement n° 432 est présenté par Mme Dumas.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le second alinéa de cet article, supprimer les mots :
au moins
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour présenter l’amendement n° 180.
M. Yves Pozzo di Borgo. L’article 12 bis a pour objet d’imposer aux distributeurs de services de réserver un bloc de leur offre à la reprise des chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre, dans le respect de la numérotation logique du CSA.
Ce regroupement doit se faire sans discrimination entre les chaînes dites « historiques » et les nouvelles chaînes de la TNT, l’ensemble de ces chaînes constituant l’offre en clair disponible pour tous les Français.
La présence des mots « au moins » dans cet article laisse entendre que les distributeurs de bouquets pourraient, comme c’est le cas actuellement, s’acquitter de cette obligation en regroupant les chaînes de la TNT dans un ensemble isolé et éloigné dans les plans de services, tandis que les chaînes historiques pourraient continuer de bénéficier des premiers numéros correspondant à leur numérotation logique. Or le téléspectateur qui « zappe » dépasse rarement le dixième ou le quinzième numéro.
La volonté exprimée par cet article 12 bis est bien de voir toutes les chaînes de la TNT regroupées dans le respect de leur numéro logique. Ainsi, si les distributeurs ont opté pour le regroupement des chaînes historiques au début des plans de services, le rassemblement de toutes les chaînes de la TNT doit se faire dans ce même bloc.
Le retrait des mots « au moins » permettrait de lever toute ambiguïté à ce sujet, sans nullement remettre en cause la double exposition des chaînes thématiques faisant partie de l’offre TNT, à la fois dans le bloc TNT et dans l’ensemble thématique auquel elles appartiennent, conformément à la recommandation du CSA.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour présenter l'amendement n° 432.
Mme Catherine Dumas. Cet amendement tend également à supprimer les mots « au moins » figurant au second alinéa de l’article 12 bis. Ainsi que l’a souligné Yves Pozzo di Borgo, cette modification permettrait de préserver l'égalité de traitement entre les acteurs, tout en préservant la liberté éditoriale des distributeurs, qui conserveraient le choix de reprendre l'offre gratuite en respectant la numérotation ou d'organiser leur plan de services de manière thématique.
Cette solution respecte, en outre, à la fois la délibération du CSA du 24 juillet 2007 et la jurisprudence du Conseil de la concurrence, lesquelles disposent que la numérotation du distributeur est un élément essentiel de la concurrence entre chaînes, et qu’elle doit donc être « équitable, transparente, homogène et non-discriminatoire ».
La nouvelle rédaction permettrait de répondre à ces différents critères sans surcoût pour les distributeurs de services. De surcroît, la mise en place de ce « bloc » ne modifierait en rien leur liberté éditoriale puisqu’ils respectent déjà partiellement cette condition en plaçant en début de plan les chaînes analogiques hertziennes. Cette rédaction leur imposerait donc simplement, s’ils retenaient cette option, de proposer l’ensemble de l’offre gratuite au lieu de ne présenter que l’offre « historique ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 180 et 432 ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Ces deux amendements vont dans notre sens. Nous proposons donc à leurs auteurs de les transformer en sous-amendements à l’amendement n° 22, pour supprimer les mots « au moins » dans la première phrase. Nous gagnerions, ainsi, en cohérence.
M. le président. Que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur, madame Dumas ?
Mme Catherine Dumas. J’y souscris, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Pozzo di Borgo, que décidez-vous ?
M. Yves Pozzo di Borgo. En homme galant, je me range à la position de Mme Dumas ! (Sourires.)
M. le président. Je suis donc saisi de deux sous-amendements identiques.
Le sous-amendement n° 180 rectifié est présenté par M. Pozzo di Borgo.
Le sous-amendement n° 432 rectifié est présenté par Mme Dumas.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du texte proposé par l'amendement n°22 de la commission pour rédiger la fin du second alinéa de cet article, supprimer les mots :
au moins
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Je ne suis pas favorable à l’amendement n° 22. Il me semble aller trop loin dans l’encadrement du dispositif de numérotation, en contraignant les distributeurs de services à positionner les chaînes de la TNT à une place précise, ce qui va à l’encontre du principe de liberté du commerce et de l’industrie.
Outre qu’une telle disposition ne me paraît pas devoir relever du domaine législatif, le fait d’imposer que le bloc TNT débute à partir d’un nombre entier suivant immédiatement un multiple de cent ne me semble pas apporter de garanties supplémentaires pour les éditeurs. Rien n’empêche en effet les distributeurs de positionner les chaînes à la fin de leur plan de services en utilisant, par exemple, le numéro 900.
Il me semble donc que la rédaction antérieure était préférable. Elle présentait une solution d’équilibre qui permettait aux téléspectateurs abonnés aux offres payantes de retrouver les chaînes gratuites de la TNT au sein d’un bloc homogène respectant la numérotation logique définie par le CSA, sans toutefois porter une atteinte trop forte à la liberté du commerce et de l’industrie.
En revanche, j’aurais émis un avis favorable sur les amendements nos 180 et 432. Dès lors, je propose à la commission de rectifier son amendement en en supprimant la dernière phrase.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Je préfère conserver en l’état l’amendement de la commission, sous-amendé.
Le téléspectateur doit pouvoir retrouver facilement la totalité des dix-huit chaînes de la TNT, selon la numérotation du CSA, sans avoir à les rechercher au hasard dans la grille, y compris parfois en fin de classement.
Pour cette raison, nous sommes obligés de rejeter votre proposition, madame la ministre.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur les sous-amendements identiques nos 180 rectifié et 432 rectifié.
M. David Assouline. Une fois n’est pas coutume, les amendements nos 180 et 432 nous convenaient ! Les chaînes de la TNT doivent former une suite logique en début de bouquet. Si elles sont disséminées à différents endroits de la grille, cela pose problème.
L’amendement de la commission garantit certes que ces chaînes seront placées ensemble et en début de centaine, mais il faut penser à ceux qui, comme moi n’ont que peu de temps pour regarder la télévision et arrivent rarement jusqu’à la centaine, à moins de rechercher une chaîne précise. Je ne comprends donc pas pourquoi nos collègues ont accepté de sous-amender l'amendement de la commission.
Quoi qu’il en soit, ce dernier étant toujours préférable à ce que propose le Gouvernement, nous voterons en sa faveur.
M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 180 rectifié et 432 rectifié.
(Les sous-amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22, modifié.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 419 est présenté par M. Maurey et les membres du groupe Union centriste.
L'amendement n° 430 est présenté par M. P. Dominati.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'offre de programmes des distributeurs de services est structurée au moins partiellement dans le respect de la numérotation logique définie par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, alors l'ensemble des services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique doivent être repris dans le respect de la numérotation logique définie par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. »
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. À l’instar de ceux qui viennent d’être présentés, cet amendement vise à assurer une meilleure identification des chaînes de la TNT qui, comme vous le savez, sont aujourd’hui disséminées un peu partout dans la grille.
M. Michel Mercier. Mais cet amendement tombe !
M. Hervé Maurey. Il entend maintenir la liberté des distributeurs de choisir une autre logique que celle de la numérotation du CSA, conformément au principe de la liberté du commerce et de l’industrie.
Néanmoins, dès lors que les distributeurs décideraient de numéroter, même partiellement, certaines chaînes de la TNT en fonction de leur propre logique, ils seraient obligés d’appliquer cette numérotation à l’ensemble des dix-huit chaînes de la TNT.
Cet amendement ne s’oppose ni au classement thématique des chaînes, ni au double classement. En revanche, nous craignons la ghettoïsation des chaînes de la TNT si celles-ci devaient être numérotées dans les centaines. À notre sens, le principe d’égalité exige une identité de traitement de l’ensemble des dix-huit chaînes gratuites.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour défendre l'amendement n° 430.
M. Philippe Dominati. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission souhaite éviter que les téléspectateurs ne se perdent dans la numérotation lorsqu’ils passent de la TNT à une offre satellite. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé que cette numérotation se fasse, par exemple, de 100 à 118. Mais rien n’interdit qu’elle se situe de 1 à 18. Qui peut le plus peut le moins…
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements, qui lui semblent déjà satisfaits par l’amendement n° 22.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Il est également défavorable. Ce n’est pas, me semble-t-il, une bonne idée que de vouloir imposer à l’ensemble des distributeurs de services la reprise à l’identique de la numérotation des chaînes de la télévision numérique terrestre. Or cet amendement reviendrait à imposer, de fait, une telle solution.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Il s’agit plutôt d’une demande d’éclaircissement. L’amendement n° 419 est certes séduisant, puisqu’il permettrait à l’usager de retrouver la numérotation classique, mais n’est-il pas devenu sans objet depuis l’adoption de l’amendement n°22 ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. En effet, cet amendement tombe, de même que l’amendement identique n° 430.
M. le président. Les amendements nos 419 et 430 n’ont donc plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 12 bis, modifié.
(L'article 12 bis est adopté.)
Article 13
À l'article 34-5 de la même loi, les mots : « régionaux de la société nationale de programme mentionnée au 2° du » sont remplacés par les mots : « régionaux, à l'exception de ceux spécifiquement destinés à l'outre-mer, de la société nationale de programme mentionnée au ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 136 est présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° 345 est présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans cet article, supprimer les mots :
, à l'exception de ceux spécifiquement destinés à l'outre-mer,
La parole est à M. Jean-François Voguet, pour défendre l'amendement n° 136.
M. Jean-François Voguet. Cet article vise à modifier, du fait de la constitution de l’entreprise unique, la référence à France 3, inscrite à l’article 34–5 de la loi de 1986.
Le choix du mot « régionaux » pour qualifier les programmes de France 3 a conduit le Gouvernement à exclure les programmes de RFO de l’obligation de reprise imposée aux distributeurs du satellite, du câble et de l’ADSL.
Cela revient à priver les Français originaires des départements d’outre-mer qui vivent en métropole du droit d’accéder à tous les programmes régionaux, notamment ceux des territoires d’outre-mer.
Pourquoi exclure ainsi RFO de l’obligation de reprise alors que, techniquement, rien ne l’interdit ? En effet, une grande partie des programmes diffusés par Télé pays et Tempo sont diffusés depuis Paris : c’est le cas pour Télé Mayotte, Télé Réunion, Télé Nouméa, Télé Tahiti et Télé Wallis. Il existe un projet identique pour Télé Guadeloupe, Télé Martinique et Télé Saint-Pierre.
Techniquement, un opérateur peut donc diffuser ces chaînes. Or ils refusent de le faire, au motif que cela prendrait de la place sur leur satellite. Normalement, cette mission était assignée à France Ô, qui n’est en fait que l’ex-RFO Sat.
Ce refus s’explique aussi par le fait que les Télé pays diffusant à 80 % de programmes issus de France 2 et France 3, ceux-ci pourraient faire doublon, selon les opérateurs satellitaires.
Madame la ministre, cela m’amène à vous interroger sur le devenir des Télé pays avec l’arrivée de la TNT outre-mer. Que deviendront-elles ? Seront-elles supprimées ou bien transformées avec une programmation propre ? France Ô sera-t-elle la chaîne de la diversité ou de la connaissance de l’outre-mer ?
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 345.
M. David Assouline. L’article 34–5 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit une clause de must deliver des services régionaux de France 3, en mode numérique, sur les réseaux utilisant des fréquences non assignées par le CSA, mais exclut du bénéfice de cette clause ceux de RFO.
La clause de must deliver consiste en la reprise obligatoire d’une chaîne, à sa demande, « dans des conditions non discriminatoires » ; elle est dans ce cas opposable aux distributeurs n’utilisant pas les fréquences assignées par le CSA.
La clause de must deliver constitue un prolongement de la clause de must carry, obligation de reprise d’une chaîne publique.
Je rappelle que la directive « paquet » a imposé aux États membres de prévoir des clauses de must carry au nom du service universel, pour des raisons d’intérêt général. Cette obligation de reprise se justifie « lorsqu’un nombre significatif d’utilisateurs finals [...] utilisent [les réseaux distribuant les chaînes bénéficiant d’un must carry] comme leurs moyens principaux pour recevoir des émissions de radio ou de télévision ».
En France, le must carry s’applique pour les chaînes du service public, conformément aux dispositions de l’article 34–2 de la loi du 30 septembre 1986. Néanmoins, en vertu de ce même article, le must-carry de RFO n’est effectif en métropole que pour les « services spécifiquement destinés au public métropolitain ».
À partir du moment où les différentes antennes de France 3 peuvent se prévaloir, partout en France, d’une clause de must deliver, on ne voit pas au nom de quoi celles de RFO ne bénéficieraient pas du même traitement.
Cette mesure discriminatoire ne se justifie aucunement dans la mesure où RFO est partie intégrante du service public de l’audiovisuel, au même titre que France 3. Nous souhaitons donc ouvrir à RFO les mêmes prérogatives que celles qui ont été octroyées à France 3.
D’ailleurs, alors que cet aspect des choses nous avait échappé, nous avons précisément débattu ce matin en commission de la possibilité que RFO soit considérée au même titre que les antennes régionales de France, y compris en matière publicitaire.
En adoptant ces deux amendements identiques, le Sénat s’inscrirait dans la suite logique des échanges qui ont eu lieu ce matin en commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. L’obligation de reprise des chaînes du service public qui pèse sur tous les distributeurs comprend également les programmes de France Ô, qui sont largement constitués de programmes locaux des Télé pays. Il est donc inutile d’ajouter au coût de la reprise, déjà important, de tous les programmes régionaux celui de la reprise de toutes les Télé pays de RFO.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles qu’a indiquées Mme le rapporteur.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 136 et 345.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que l’examen de l’article 13 bis, relatif à l’outre-mer, a été réservé jusqu’à la séance du jeudi 15 janvier, à quinze heures.
Article 14
L'article 98-1 de la même loi est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « édité par la société mentionnée au 4° du » sont remplacés par les mots : « ayant pour objet de concourir à la connaissance de l'outre-mer édité par la société mentionnée au » ;
1° bis À la dernière phrase du troisième alinéa, après le mot : « numérotation », sont insérés les mots : « et le même standard de diffusion », et les mots : « que celle utilisée » sont remplacés par les mots : « que ceux utilisés » ;
1° ter Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les éditeurs de services mentionnés au premier alinéa ne peuvent s'opposer à la reprise, par un distributeur de services par voie satellitaire ou un opérateur de réseau satellitaire et à ses frais, de leurs programmes diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique au sein d'une offre de programmes répondant aux conditions prévues au précédent alinéa. » ;
2° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« Une de ces offres permet d'assurer sur tout le territoire métropolitain la réception simultanée de l'ensemble des programmes régionaux, à l'exception de ceux spécifiquement destinés à l'outre-mer, de la société nationale de programme mentionnée au I de l'article 44, moyennant compensation de l'État, spécifiquement prévue dans le contrat d'objectifs et de moyens, à cette même société. »
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du 1° ter de cet article, après les mots :
à la reprise, par
insérer les mots :
au moins
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. La commission considère que l'offre TNT Sat imposée par le Sénat en 2007, qui permet de couvrir les 5 % de la population non desservie en numérique terrestre, a largement fait ses preuves. L'ensemble de cette population, soit 1,5 million de foyers, devrait bénéficier de cette offre gratuite à la fin de l’année 2009. Il ne paraît donc pas nécessaire de lancer une deuxième offre satellitaire, qui créerait une concurrence inutile et vaine pour un même accès gratuit aux chaînes de la TNT sur le satellite.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je voudrais simplement apporter un éclairage particulier.
Les députés ont voté une disposition grâce à laquelle les Français pourront bénéficier de deux offres satellitaires.
Aujourd’hui, à défaut de pouvoir recevoir la télévision numérique au moyen d’une solution hertzienne de terre, c'est-à-dire par des émetteurs, la seule solution consiste à recourir au satellite Canalsat, qui permet d’accéder gratuitement aux dix-huit chaînes de la TNT.
Historiquement, environ 1,5 million des foyers français situés en zone d’ombre, c'est-à-dire en zones non couvertes, ne recevaient pas les chaînes analogiques au moyen de leur antenne râteau. Par conséquent, pour recevoir gratuitement ces six chaînes, ces foyers devaient acquérir et installer une parabole en la pointant non pas sur la position orbitale du satellite Canalsat Astra, mais sur celle du satellite AB3, qui appartient à Eutelsat.
Si l’amendement de la commission des affaires culturelles est adopté, il subsistera toujours une offre satellitaire, conformément à la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur. Cependant, le million de demi de foyers dont la parabole est pointée sur la position orbitale du satellite AB3 devront dépenser 100 euros en moyenne pour en modifier l’orientation et la positionner vers le satellite Canalsat. Une partie des foyers – un peu plus d’un million – prendra à sa charge cette dépense, tandis que l’État se substituera financièrement à une autre partie de ces foyers, les plus démunis et les plus fragiles, au moyen du fonds d’aide créé par la loi de mars 2007.
Faire droit à la solution proposée par la commission des affaires culturelles, c'est-à-dire en revenir à une seule offre satellitaire, aurait pour conséquence non seulement d’encourager une solution de monopole, mais surtout de créer une dépense budgétaire pour l’État, celle que je viens d’évoquer.
La bonne solution était celle des députés, qui avaient considéré qu’il valait toujours mieux laisser le choix et la liberté plutôt que de contraindre les foyers à orienter leur parabole sur une seule position orbitale, surtout quand cette contrainte a un coût.
Peut-être ces précisions appelleront-elles quelques explications. Il appartient à présent au Sénat de trancher, à moins que nous ne préférions en laisser le soin à la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. La commission souhaiterait que Mme la ministre apporte quelques précisions sur le coût, pour l’État, de cette mesure.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre. Je comprends bien les arguments développés par M. le rapporteur pour avis, mais je reste sur ma position.
J’ajoute par ailleurs qu’il serait dangereux que les chaînes de la TNT soient fournies par des offres satellitaires comme celle d’Arabsat. Ce n’est peut-être pas exactement ce que nous souhaitons.
M. Robert del Picchia. L’État paiera-t-il ?
Mme Christine Albanel, ministre. L’État paiera les sommes concernées grâce au fonds créé à cet effet.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je partage l’inquiétude de M. le rapporteur pour avis : deux offres valent toujours mieux qu’une. En l’espèce, une seule offre ne suffit pas à couvrir l’ensemble du territoire ; par conséquent, une partie de la population française se verra privée une fois de plus de l’accès aux nouvelles technologies, en l’occurrence la TNT.
Le repositionnement des paraboles aura un coût. M. le rapporteur pour avis a évoqué un montant de 100 euros, mais j’ai lu qu’il pourrait être de 150 euros. Au final, qui paiera ? L’État ? Les ménages ? Ou bien l’État va-t-il une fois de plus se défausser sur les collectivités locales ? Je ne comprends pas l’intérêt de revenir sur cette disposition votée par l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Il est important que l’État paie pour les ménages nécessiteux. Mais il ne faudrait pas constituer un monopole sur fonds publics. J’ai la faiblesse de penser que le texte adopté par les députés est de bons sens et équilibré.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Les mots « au moins » suggèrent qu’il peut y avoir une deuxième offre satellitaire. Au vu des explications de Mme la ministre, la commission maintient son amendement.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. M. Bruno Retailleau nous a renvoyés à la commission mixte paritaire en espérant que les députés rétabliront la rédaction de l’Assemblée nationale. Je préfère pour ma part que les sénateurs se fassent entendre et je ne veux pas attendre les députés pour instituer un dispositif logique et juste.
Monsieur Retailleau, comme c’est souvent le cas en l’absence d’enjeux idéologiques, sur des questions de bon sens ou de technique, votre argumentation est implacable.
En effet, en termes de stratégie, quel serait l’intérêt pour la France de se limiter à une seule offre satellitaire ? Il n’y en aurait aucun. Si le satellite tombe en rade, si je puis m’exprimer ainsi, nous serons confrontés à d’importantes difficultés. D’un point de vue stratégique, mieux vaut qu’il y en ait deux.
Nous allons discuter demain, dans des débats qui seront sans doute tumultueux, d’une question qui agite déjà tout le monde. Je veux, bien entendu, parler de l’éventuelle augmentation, de un ou deux euros, de la redevance sur l’audiovisuel, dans cette période de crise où les ménages sont déjà pressurés.
Pour l’heure, Mme la ministre nous dit : pas de problème ; pour le million et demi de foyers concernés, l’État payera. J’attire votre attention sur le fait qu’il va payer pour le monopole d’un satellite et non pour un service que rend l’État. J’aimerais bien connaître tous les dessous de cette décision. Il me paraît impossible que l’on nous ait tout dit, tant elle recèle d’incohérences, de considérations illogiques.
Permettez-moi de rappeler les enjeux : faut-il un ou deux satellites ? La mise en place du nouveau dispositif engendrera des frais pour le million et demi de foyers concernés, et ce chiffrage n’est pas remis en question. On peut se demander qui paiera car les foyers concernés ne sont pas parmi les plus favorisés. Et, en zones blanches, ils vivent déjà toutes les fractures, notamment la fracture numérique. Ils sont en général les derniers à avoir accès aux progrès de la numérisation.
On nous dit que l’État est prêt à payer les 100 euros nécessaires à la mise en place du nouveau dispositif pour les foyers en difficultés, les autres foyers devant payer eux-mêmes. Et il ne serait pas possible de demander deux euros de plus par an au titre de la redevance ! C’est absolument illogique. Je ne comprends pas pourquoi des sénateurs compétents plaident en faveur d’une telle démarche. Peut-être serons-nous éclairés à l’issue de la commission mixte paritaire ? Pour l’heure, il me paraît préférable de rejeter l’amendement de la commission. Une fois n’est pas coutume, l’Assemblée nationale me semble avoir raison.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Monsieur Assouline, le coût global du repointage est minime pour plusieurs raisons. Ainsi, un tiers des utilisateurs du satellite AB3 ont déjà migré vers TNTSat ; un tiers d’entre eux bénéficient d’une double réception, en provenance des satellites Astra ou HotBird. Ils n’auront donc pas à réorienter leur parabole.
Telles sont les précisions que je puis apporter à nos collègues qui maîtrisent la technique, domaine dans lequel excelle M. Bruno Retailleau.
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Je souscris à l’argumentaire qui a été présenté par M. Retailleau. En qualité d’élu d’une zone de montagne, je ne peux qu’être particulièrement sensible à la problématique qu’il a développée. Je joindrai donc ma voix à la sienne.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. On nous dit que 1,5 million de foyers seront concernés, pour un coût de 100 euros par foyer. La facture, qui s’élèverait donc à 150 millions d’euros, sera payée soit par l’État, soit par les familles.
Il s’agit de sommes considérables. Un précédent intervenant s’est interrogé sur l’éventualité de solliciter les collectivités territoriales pour acquitter une partie de cette facture.
M. David Assouline. C’est ce qui sera fait !
M. Éric Doligé. Nous sommes confrontés à une problématique similaire en matière de haut débit. Pour couvrir des zones blanches, nous sommes obligés de recourir à la diffusion satellitaire, qui représente à peu près une dépense de 300 à 350 euros par foyer, bien souvent payés par les collectivités.
Le nombre de foyers concernés n’est peut-être pas aussi important – quoique ! – mais il s’agit néanmoins d’un véritable enjeu économique.
Je souhaite donc avoir des chiffres plus précis. Aujourd’hui, nous discutons surtout des principes, les coûts n’étant qu’évoqués. Mais, si la facture est bien de 150 millions, il faut savoir qui va payer.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Monsieur Doligé, un tiers des utilisateurs du satellite AB3, soit 500 000 foyers, ne reçoivent aujourd’hui encore que les chaînes analogiques. Nombre d’entre eux devront de toute façon changer de parabole pour passer au numérique.
Le coût de l’opération de repointage est en tout état de cause inférieur à 100 euros et cette opération ne devra être effectuée qu’une seule fois.
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Mme le rapporteur indique que le coût du repointage d’une parabole devrait être inférieur à 100 euros. Mais, à un moment donné, le million et demi de personnes concernées ne recevront plus aucun programme. Or, il s’agit souvent de personnes isolées, qui vivent dans des lieux reculés. Il va donc falloir les prévenir que, si elles ne changent pas d’abonnement, à un moment donné, elles ne recevront plus rien.
Le coût d’une telle campagne d’information est considérable. Nous avons déjà évoqué cette question dans la commission du dividende numérique pour ce qui concerne le passage au tout numérique.
En Grande Bretagne, la campagne d’information a duré deux ans. Des personnes habilitées se sont rendues dans les familles résidant dans les quartiers où l’information passe le moins bien, dans les villages les plus reculés. Elles expliquaient aux gens ce qui allait se passer et leur disaient que, si elles voulaient continuer à recevoir la télévision, elles devaient s’équiper auprès de telle ou telle société. C’est un travail considérable.
Je demande donc à Mme Morin-Desailly et à Mme la ministre ce qui est prévu pour avertir ces foyers qu’ils vont devoir changer leurs équipements, pour leur expliquer dans quelles conditions cela se fera et qui payera ?
Nous pourrions nous épargner tout ce travail si nous nous en tenions à la rédaction de l’Assemblée nationale. Peut-être, madame la ministre, madame la rapporteur, avez-vous un éclairage particulier sur cette question ?
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Tout d’abord, je rappelle qu’un fonds d’aide est constitué à partir du GIP France Télé numérique et qu’il devrait être alimenté par une partie des recettes de la redevance.
Nous avons privilégié un objectif pédagogique simple. Avec le dispositif que nous proposons, lors du changement, le repointage se fera toujours dans la même direction, ce qui rendra les opérations plus aisées.
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. Sur les questions culturelles, les deux commissions ont souvent été en accord.
La présente discussion porte sur des données purement techniques. Je considère que nous, membres de la commission des affaires culturelles, devrions suivre la proposition de M. Retailleau, qui me paraît excellente. Je ne suis en effet pas persuadé que, derrière certaines propositions, ne se cachent pas des problèmes de concurrence ou des intérêts particuliers.
En raison de ce doute, et parce que je m’intéresse davantage aux questions culturelles qu’aux données techniques et financières, je fais confiance à M. Retailleau.
M. le président. Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 14
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 9 de la même loi est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel est consulté sur les projets de loi modifiant la présente loi et sur les projets d'actes règlementaires pris pour son application et participe à leur mise en œuvre. Cette disposition n'est pas applicable aux décrets portant nomination des membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel, aux décrets nommant les représentants de l'État aux conseils d'administration des sociétés et organismes du secteur public de la communication audiovisuelle ainsi qu'aux décrets portant approbation des statuts des sociétés nationales de programme. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Le présent amendement a pour objet de reconnaître en droit au CSA une compétence dont il dispose déjà largement de fait.
Le CSA est en effet systématiquement consulté par le Gouvernement sur les projets de loi concernant le secteur qu'il régule. Il est également souvent consulté, sur la base de dispositions expresses de la loi de 1986, sur les projets de décrets relatifs à la communication audiovisuelle. Ce pouvoir pourrait donc lui être reconnu formellement, de la même manière qu'il l'est pour d'autres autorités administratives indépendantes, l'ARCEP par exemple.
La commission souhaite renforcer le pouvoir de régulation du CSA sur l'ensemble de l'audiovisuel français. Il lui paraît en effet que, dans un contexte de mutation rapide des technologies, la régulation doit être revue et modernisée. Elle a donc proposé plusieurs amendements que nous évoquerons à plusieurs endroits de ce texte.
Ces amendements visent à permettre au CSA d'avoir un droit de regard sur le financement de l'audiovisuel public, de disposer de pouvoirs d'enquête renforcés, et à lui conférer le droit de prononcer des astreintes en cas de décision dans une procédure de règlement des différends.
Le but est de confirmer le régulateur dans son rôle et dans ses fonctions et de lancer un avertissement aux acteurs de l'audiovisuel français signalant l'importance pour le législateur de la bonne application de la loi du 30 septembre 1986 au quotidien.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Nous sommes défavorables à une partie de cet amendement.
Il est certes normal que le CSA soit mis à contribution en amont sur les projets de loi et de décret, sous réserve des exceptions précisées dans la rectification de l’amendement initial. En revanche, sa participation à leur mise en œuvre reviendrait à lui conférer un véritable pouvoir de cogestion, ce qui me paraît difficile à accepter.
Le CSA n’a pas vocation à être un gestionnaire. Je suis donc prêt à voter cet amendement, mais à la condition que la commission accepte un sous-amendement visant à supprimer les mots « et participe à leur mise en œuvre ».
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14.
L'amendement n° 26, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 46 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 46. - Dans les conditions fixées par son cahier des charges, la société nationale de programme France Télévisions crée en son sein un Conseil consultatif des programmes composé de téléspectateurs, chargé d'émettre des avis et des recommandations sur les programmes.
« Chaque année, le président de la société nationale de programmes France Télévisions rend compte de l'activité et des travaux de ce conseil à l'occasion de la présentation du rapport sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la société devant les commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Cet amendement s'inscrit dans une « saga » déjà riche de deux épisodes.
En 2000, le législateur avait prévu, de sa propre initiative, la création d'un Conseil consultatif des programmes placé auprès de France Télévisions, qui devait être composé de téléspectateurs, tirés au sort parmi les personnes acquittant la redevance, selon une procédure définie par décret en Conseil d'État. Bien entendu, ce décret ne fut jamais pris, tant il était complexe d'organiser ainsi une sorte de loterie nationale de la redevance.
Quatre ans après, le législateur retenta sa chance : il supprima le tirage au sort et décida que la composition du conseil en question serait définie par décret. Mais ce fut un nouvel échec, le pouvoir règlementaire n’étant jamais parvenu à définir une composition représentative du conseil. La disposition est par conséquent demeurée lettre morte.
La commission vous propose donc de modifier une nouvelle fois l'article 46 de la loi de 1986 pour insuffler enfin la vie au Conseil consultatif des programmes. Il est en effet bon que le législateur s'entête, puisque ce conseil doit permettre d'associer les téléspectateurs à la définition de la ligne éditoriale du service public.
Aujourd'hui, France Télévisions fait des sondages, organise des enquêtes qualitatives à grande échelle ; mais le groupe ne fait pas assez l'effort d'interroger les téléspectateurs sur leur vision du service public et ne recueille pas assez leur sentiment sur la conception qu'ils s’en font. Il s’agit pourtant, pensons-nous, d’enjeux importants : quelle émission relève du service public et laquelle n'en relève pas ? Quels programmes faut-il diffuser et à quelle heure ?
Ce sont de telles questions qui pourraient être traitées au sein de ce conseil, dont l'existence contraindrait les dirigeants de France Télévisions à venir régulièrement expliquer leurs choix et présenter leurs politiques éditoriales à quelques téléspectateurs en chair et en os. Cela nous paraît essentiel, le service public n’étant réellement digne de ce nom que lorsque les usagers se l'approprient.
Bien entendu, ce conseil n'aurait aucun pouvoir décisionnel. Il s’agirait avant tout d’une instance consultative. C'est pourquoi la commission souhaite sortir des questions juridiques insolubles qu'a posées le renvoi au décret : la loi fera simplement obligation à France Télévisions de créer ce conseil et de rendre compte aux commissions des affaires culturelles et des finances, chaque année, de son fonctionnement. En quelque sorte, la loi posera donc une obligation de résultat, et il restera à France Télévisions à rechercher la meilleure solution pratique.
Or la constitution d'un tel conseil ne nous semble pas poser de difficultés particulières : il suffit par exemple de proposer aux téléspectateurs qui le souhaitent de se porter volontaires en ligne, à partir du site de France Télévisions, pour disposer d'un vivier de membres suffisants.
Envisagée sous l'angle juridique, la question est impossible à résoudre : sur quels critères constituera-t-on un conseil représentatif ? Mais, en pratique, telle n'est pas la question, puisque l'objet du conseil est de prévoir un dialogue entre France Télévisions et les téléspectateurs et non d'instituer une forme de « parlement des téléspectateurs ».
Pour toutes ces raisons, la commission vous propose, mes chers collègues, de persister dans l'intention qui fut par deux fois la vôtre et de prévoir la création de ce conseil, cette fois sans mesures réglementaires d'application.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Il est favorable.
Cet amendement permet en effet de redonner vie au Conseil consultatif des programmes et renvoie au cahier des charges le soin de fixer les modalités de sa création.
Par ailleurs, l’exposition des travaux de ce comité par le président de France Télévisions chaque année lors de la présentation du rapport d’exécution du contrat d’objectifs et de moyens devant les commissions parlementaires semble adaptée à l’objectif poursuivi.
La suppression de la publicité en soirée permet certes de se détacher des contraintes liées au marché publicitaire, mais la satisfaction du public et le suivi de la qualité des programmes resteront des exigences fortes pour France Télévisions, qui doit bien sûr s’adresser à l’ensemble des publics.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Nous soutenons d’autant plus la proposition de la commission que c’est la première fois, dans nos débats sur ce texte, qu’elle manifeste l’intention, qu’il sera d’ailleurs intéressant de confronter avec la réalité de son application, de reconnaître l’existence des téléspectateurs et d’accepter l’idée que ces derniers peuvent avoir leur mot à dire.
En d’autres occasions, on nous avait pourtant refusé l’introduction de cette idée. Voilà un bon point de départ, à partir duquel on pourra ensuite juger quelle sera la meilleure façon de représenter les téléspectateurs, autrement que par des associations assez limitées par rapport à la masse qu’ils représentent aujourd’hui, ce que font certains pays, notamment l’Allemagne.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Il est évident que cette proposition est séduisante, mais je trouve qu’elle pose problème, et je tiens à expliquer pourquoi.
Il faut savoir qu’une telle disposition existait déjà dans la loi promulguée le 1er août 2000, qui n’a jamais été appliquée, faute de modalités de désignation satisfaisantes. En effet, qui garantit la représentativité du « peuple des téléspectateurs » ?
Le peuple de gauche, ou encore le peuple français, on sait ce que sait. Mais les téléspectateurs n’ont pas d’organisation de caractère syndical, ce qui ouvre la possibilité d’une représentation par des lobbies, voire des sectes ou des groupuscules gauchistes. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Je suis tout à fait sérieux, mes chers collègues : je sais ce qui est arrivé au système de formation d’EDF, dont se sont emparées les sectes. Celles-ci, je vous le garantis, savent y faire !
Je pense qu’il aurait été préférable qu’on dise clairement – je prends quelques exemples, sans prétendre qu’il faudra procéder de la sorte – que France Télévisions crée en son sein un Conseil consultatif des programmes composé de personnalités indépendantes, nommées en raison de leurs compétences par son conseil d’administration et provenant du monde des arts, des lettres et de la culture, des sciences sociales, de l’information, des sciences, ou encore du monde du travail, chargées d’émettre des avis et des recommandations sur la programmation.
Voilà qui eût été beaucoup plus clair et enrichissant pour France Télévisions et l’ensemble du dispositif.
Je suis donc réservé sur l’amendement qui nous est proposé. Bien que je le trouve séduisant, je crois qu’il est, dans l’état actuel des choses, totalement inapplicable, voire dangereux.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Il est toujours difficile de fabriquer des instances démocratiques nouvelles, surtout quand on ne dispose pas déjà de l’assise, des procédures, des techniques de représentativité qu’ont eues les syndicats par le passé.
Je prendrai l’exemple du Grenelle de l’environnement, pour lequel la question de la représentativité des associations s’est trouvée directement posée. Lesquelles devait-on consulter, et comment ? Ne risquait-il pas d’y avoir des fantaisistes dans le lot ?
Malgré de nombreuses interrogations, nous y sommes arrivés, tant bien que mal. Je pense que, dans le cas présent, il faut agir de même, et que nous pouvons, à cet égard, nous en remettre au décret.
Vos propositions, monsieur Renar, sur la représentation des téléspectateurs issus du monde du travail et des luttes sociales, comme du monde de la culture, restent tout à fait pertinentes ; le décret pourra en tirer profit.
Telles sont les raisons pour lesquelles les Verts soutiennent totalement cette proposition de la commission.
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. J’ai bien entendu ce qu’a dit Mme Morin-Desailly au début de son intervention sur la difficulté d’élaborer un décret.
Je suis un peu étonné que certains de mes collègues, et vous en particulier, monsieur Renar, surenchérissent en disant qu’il va être extrêmement difficile de mettre en œuvre la disposition et que, dans ces conditions, vu que l’on n’arrivera sans doute pas à rédiger le décret, ce n’est peut-être pas la peine de la voter.
Je pense, quant à moi, qu’il convient tout de même de faire un effort. Si Mme la ministre, qui s’est d’ailleurs très fortement engagée sur cette question, mobilise ses services pour qu’un décret soit rapidement publié, nous verrons après ce qu’il en sera.
Arrêtons de dire à la fois que nous voulons quelque chose, mais que c’est est tellement difficile à réaliser que nous nous demandons bien comment on va pouvoir faire. Ce n’est pas en raisonnant de la sorte que nous avancerons !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14.
L'amendement n° 27 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 9 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 est complété par un alinéa ainsi rédigé:
"Le Conseil supérieur de l'audiovisuel transmet chaque année aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport relatif au financement du secteur public de l'audiovisuel. Ce rapport est déposé avant la discussion du projet de loi de finances initiale. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel y estime le niveau des ressources nécessaires pour la mise en œuvre des missions de service public confiées aux sociétés mentionnées à l'article 44 de la présente loi. Il y formule toute recommandation sur le niveau et les modalités du financement de ces sociétés et sur l'emploi qu'elles font des ressources qui leur sont attribuées."
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. La commission s'est penchée avec beaucoup d'intérêt sur l'exemple allemand en matière de financement de l'audiovisuel.
En Allemagne, le montant des ressources nécessaires au service public est déterminé à partir du rapport très fourni que rédige une commission indépendante, la Kommission zur Ermittlung des Finanzbedarfs der Rundfunkanstalten, ou KEF. Celle-ci y analyse avec beaucoup de précision les besoins et les projets des entreprises de service public, mais aussi leur gestion, et propose un montant de ressources et un niveau de redevance.
Cet amendement tend à transposer ce modèle dans notre pays en prévoyant que le CSA, instance indépendante disposant de toute l'expertise nécessaire, remettra chaque année un rapport au Parlement avant l'examen du projet de loi de finances de l'année.
Ce rapport estimera le niveau des ressources nécessaires pour la mise en œuvre des missions de service confiées à France Télévisions, à Radio France, à l'AEF et à ARTE. Il pourra formuler toutes les recommandations qu'il jugera utile sur le niveau et les modalités du financement de ces sociétés, ainsi que sur l'emploi qu'elles font de leurs ressources.
Nous disposerons ainsi chaque année – et c’est là notre objectif – d'un document de référence appréciant les besoins du service public. Tout au long de l'examen du présent texte, nous avons eu l'occasion de constater combien ce point de référence objectif peut parfois manquer. Si nous avions eu un tel rapport, nous aurions en effet pu trancher aisément bien des débats que nous avons eus et que nous aurons encore dans les jours qui viennent.
La commission vous propose donc, mes chers collègues, de disposer à l'avenir d’un tel document.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Il me semble que cet amendement est déjà satisfait par l’article 18 de la loi du 30 septembre 1986, aux termes duquel le CSA est d’ores et déjà chargé de rendre compte dans son rapport public « du respect de leurs obligations par les sociétés et l’établissement public mentionnés aux articles 44 et 49 » de la loi en question.
Je m’en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Comme précédemment, je voudrais faire part de mon étonnement au sujet de cet amendement. Quel est le but visé par cette disposition, qui attribue une forme de pouvoir au CSA, alors que la responsabilité de la gestion des établissements en question relève de leurs présidents, entourés de leurs conseils d’administration ? Y aura-t-il donc deux rapports, l’un établi par exemple par France Télévisions sur ses services, c'est-à-dire le rapport habituel, et l’autre rédigé par le CSA sur le même sujet ?
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Le but est bien, en effet, d’avoir deux rapports différents, grâce auquel nous aurons une vision différenciée et concrète, ainsi que l’éclairage le plus détaillé possible, pour nous aider à prendre des décisions.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27 rectifié.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14.
Articles 14 bis et 14 ter (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’examen des articles 14 bis et 14 ter, relatifs à l’outre-mer, a été réservé jusqu’à la séance du jeudi 15 janvier à quinze heures.
Article 14 quater
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut, pour ce qui concerne la diffusion des services audiovisuels sur le réseau hertzien terrestre en mode analogique ou numérique, soumettre l'utilisateur d'un site d'émission à des obligations particulières en fonction notamment de la rareté des sites d'émission sur une zone donnée. Elle peut, en particulier, imposer le regroupement de plusieurs utilisateurs sur une même infrastructure. L'opérateur gestionnaire de l'infrastructure assure alors, dans des conditions raisonnables, équitables et non discriminatoires, l'accès à son site d'émission.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 29 est présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles.
L'amendement n° 92 est présenté par Mme Payet.
L'amendement n° 187 est présenté par M. Retailleau, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 350 est présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Votre commission vous propose de supprimer cet article. Celui-ci prévoit en effet de confier à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP, une compétence dont le CSA dispose d'ores et déjà, presque au mot près.
Il ressort des débats de l'Assemblée nationale que les députés ne semblent pas avoir eu conscience de créer un conflit potentiel entre ces deux autorités administratives indépendantes.
La commission tient au demeurant à préciser que ce type d'« accident » législatif montre que la répartition des compétences entre le CSA et l'ARCEP n'est pas claire. De fait, la ligne de frontière qui sépare les contenus des contenants se brouille tous les jours un peu plus et il faudra bien, à un moment ou un autre, comme on l’a déjà évoqué au cours de nos débats il y a quelques jours, poser la question de la réunion de ces deux autorités. Je crois que cela est d’ailleurs prévu dans le cadre du plan France numérique 2012.
Pour autant, un tel processus ne peut commencer au détour d'un projet de loi. Il suppose une réflexion très approfondie. La commission souhaite qu'elle s'engage, mais vous propose toutefois de supprimer cet article, qui nous semble encore un peu prématuré.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter l'amendement no 92.
Mme Anne-Marie Payet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement no 187.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Les députés ont apporté une mauvaise réponse à une bonne question, et je suis parfaitement d’accord avec la commission des affaires culturelles : TDF est assurément un opérateur ultra-dominant, mais l’article 14 quater aurait pour effet d’exacerber un conflit de compétence entre les deux régulateurs, l’ARCEP et le CSA.
De plus, aux termes du code des postes et des communications électroniques, l’ARCEP dispose déjà de ce pouvoir et l’a déjà utilisé en 2006, même si ce n’était pas encore totalement opératoire.
L’ARCEP a cependant ouvert, à la fin de l’année dernière, une consultation publique, qui s’est d’ailleurs close le 9 janvier, pour tenter d’apporter enfin une réponse, en termes de régulation et d’équité de la concurrence, à ce problème réel que pose la position ultra-dominante de TDF sur un certain nombre de sites.
La commission des affaires économiques s’associe donc pleinement à la demande de suppression formulée par la commission des affaires culturelles.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour présenter l'amendement no 350.
Mme Maryvonne Blondin. Je rappelle que l’article 14 quater a été introduit, lors du débat à l’Assemblée nationale, sur l’initiative de M. Frédéric Lefebvre.
À l’instar de la commission des affaires culturelles, nous estimons dangereux que l’ARCEP puisse bénéficier d’un droit de regard sur les sites d’émission et, ainsi, du pouvoir de mettre TDF en concurrence dans sa mission de gestion du spectre hertzien, le but étant sans doute de faire baisser, par le biais de cette mise en concurrence, les tarifs pratiqués par l’opérateur pour le transport des chaînes et services.
Il n’est pas opportun d’accorder à l’ARCEP de nouvelles compétences en matière de diffusion de services, propres à lui permettre de prendre pied indirectement dans la régulation des contenus, et ce d’autant que la question est déjà réglée par la loi. En effet, l’article 25 de la loi du 30 septembre 1986 octroie au CSA une compétence similaire à celle que l’article 14 quater se propose de donner à l’ARCEP.
Par ailleurs, pour ce qui a trait à la mise en concurrence de TDF, je rappelle qu’à plusieurs reprises, déjà, le Conseil de la concurrence a mis TDF en demeure d’ouvrir ses sites à la concurrence : à Antalis en 2002, à Towercast, filiale de NRJ, en 2007, etc.
Il n’y a donc aucune raison d’octroyer à l’ARCEP une compétence, aujourd’hui exercée par le CSA, qui lui permettrait de jouer le rôle du Conseil de la concurrence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Je suis favorable à la suppression de cet article.
J’ajoute à tous les arguments qui ont été exposés que la disposition en discussion n’est pas compatible avec la législation communautaire. Celle-ci prévoit en effet que l’obligation d’ouvrir ses sites d’émission à la concurrence ne peut être imposée à un opérateur qu’après une procédure associant l’autorité de régulation nationale et la Commission européenne.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 29, 92, 187 et 350.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 14 quater est supprimé.
Article additionnel après l’article 14 quater
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement no 202 est présenté par M. Pozzo di Borgo.
L’amendement no 421 est présenté par MM. P. Dominati, Bécot et Houel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 14 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article 41 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, la somme des populations recensées dans les zones desservies par ces réseaux peut excéder 150 millions d’habitants, sans toutefois pouvoir dépasser le seuil de 180 millions d’habitants, après avis favorable du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de l’Autorité de concurrence. »
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour présenter l’amendement no 202.
M. Yves Pozzo di Borgo. La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication a mis en place un dispositif anti-concentration essentiellement destiné à assurer le pluralisme des opérateurs.
Ainsi, en matière de services de radio diffusés par voie hertzienne terrestre analogique, le premier alinéa de l’article 41 prévoit qu’une même personne physique ou morale ne peut « disposer en droit ou en fait de plusieurs réseaux que dans la mesure où la somme des populations recensées dans les zones desservies par ces différents réseaux n’excède pas 150 millions d’habitants ».
Ce seuil de 150 millions d’habitants a été fixé par la loi no 94-88 du 1er février 1994 modifiant la loi du 30 septembre 1986. Le dispositif actuel repose donc sur un seuil défini il y a quatorze ans et qui apparaît aujourd’hui largement obsolète, en décalage non seulement avec l’évolution de la population française, mais encore avec le gain de fréquences résultant de la planification effectuée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
La population française a en effet fortement augmenté depuis quatorze ans. Le seuil de 150 millions d’habitants avait été retenu au vu du recensement de 1990, date à laquelle la France comptait environ 58 millions d’habitants ; il représentait donc environ trois fois la population française. Or, selon les résultats du dernier recensement publiés aujourd’hui même par l’INSEE, elle en compterait actuellement 64 millions. Le seuil doit donc être relevé afin qu’il soit tenu compte de l’évolution démographique.
Le relèvement du seuil est également rendu nécessaire par les gains de fréquences. En effet, entre janvier 2006 et juillet 2008, le CSA a lancé treize appels à candidatures. Plus de 1 000 fréquences supplémentaires ont ainsi été dégagées, soit un gain de 21,2 %, dont a bénéficié l’ensemble des radios et qui a eu pour conséquence l’augmentation de la couverture par les groupes de la population française.
Ces deux éléments – accroissement de la population française et augmentation du nombre de fréquences disponibles – rendent opportun le relèvement du seuil anti-concentration de 150 millions à 180 millions d’habitants.
Toutefois, afin d’assurer la préservation des équilibres concurrentiels, il est proposé de prévoir que toute augmentation de la couverture des réseaux nationaux susceptible d’entraîner le franchissement du seuil de 150 millions d’habitants nécessite au préalable un avis favorable du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de l’Autorité de la concurrence, avis éventuellement subordonné à des engagements demandés aux parties concernées.
Il s’agit évidemment là d’un amendement d’appel, destiné à réamorcer la discussion sur cette question, tant il est vrai que la diversité de la radio est un enjeu démocratique qui ne peut se résoudre seulement en termes de parts de marché. Les réseaux indépendants demandent que, si une révision des seuils devait être entreprise, elle n’intervienne qu’après un large débat, et je partage ce point de vue.
Je sais d’ores et déjà que la commission a rejeté mon amendement. Je pense néanmoins qu’il était nécessaire de le présenter afin que soit relancé un débat que l’évolution et du nombre des fréquences et de la population rend inévitable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l’amendement no 421.
M. Philippe Dominati. Pour MM. Bécot et Houel et moi-même, il ne s’agit pas d’un simple amendement d’appel : c’est un amendement ferme et définitif.
Il nous aurait paru plus naturel que le seuil soit porté aux alentours de 200 millions d’habitants, et c’est par souci de pragmatisme que nous avons finalement déposé un amendement identique à celui de M. Pozzo di Borgo.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Lorsqu’il a été fixé, le seuil de concentration pour les services de radio analogique a sans doute été sous-estimé, faute de recensement récent. Au surplus, l’amendement encadre sévèrement la dérogation au premier alinéa de l’article 41 de la loi de 1986 qu’il tend à instaurer : un double avis favorable du CSA et de l’Autorité de la concurrence est en effet une condition particulièrement restrictive.
Pour autant, la commission constate que la radio analogique, seule concernée par cette proposition, est en voie de déclin. Le moment est-il bien choisi pour modifier ce seuil ? La commission n’en est pas certaine. Aussi souhaiterait-elle connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Une réforme qui touche aux règles anti-concentration et qui aurait donc des effets sur la composition du paysage radiophonique et sur le pluralisme ne me semble pas pouvoir être entreprise dans les conditions actuelles. En effet, elle ne constitue pas l’objet principal du projet de loi dont nous débattons.
Il est tout à fait possible de discuter de ces seuils, mais une telle évolution mérite une vraie concertation préalable avec l’ensemble des acteurs concernés, en particulier parce qu’elle pourrait avoir des conséquences sur, par exemple, les radios indépendantes.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Ce n’est pas aussi rapidement et sans débat réel et approfondi que nous pouvons casser la règle anti-concentration, même si nous entendons les arguments avancés.
Qui plus est, tout le monde connaît déjà les conséquences concrètes que l’adoption d’une telle mesure aurait sur le paysage radiophonique et sait que certains grands groupes absorberaient des tout petits. D’ores et déjà, NRJ lorgne du côté de BFM ; dès que le seuil sautera, NRJ sautera aussi sur BFM !
Il ne nous revient pas de trancher ce genre de questions aussi rapidement. Cela suppose un débat spécifique, avec de réels échanges d’arguments.
Mme la ministre a raison : remettre en cause maintenant la situation actuelle ne serait pas une bonne idée, car le paysage radiophonique s’en trouverait modifié, à très brève échéance, au détriment des radios indépendantes.
M. le président. Monsieur Pozzo di Borgo, l’amendement no 202 est-il maintenu ?
M. Yves Pozzo di Borgo. J’ai bien précisé en présentant mon amendement que je souhaitais avant tout que le débat sur cette question soit engagé. J’espère donc que la commission va se pencher sur cet important sujet, et je remercie Mme la ministre d’avoir repris mes arguments. Il est en effet indispensable qu’une concertation réunissant l’ensemble des acteurs soit lancée. Bien entendu, je retirerai mon amendement si la commission me confirme qu’elle se saisira de la question.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Nous nous y engageons !
M. le président. L’amendement no 202 est retiré.
Monsieur Dominati, l’amendement no 421 est-il également retiré ?
M. Philippe Dominati. La commission pourrait-elle s’engager sur un calendrier précis ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. La commission des affaires culturelles peut prendre l’engagement de s’emparer de ce sujet dans les mois qui viennent. Pour autant, fixer d’ores et déjà un calendrier me semble un peu difficile !
Néanmoins, mon cher collègue, vous avez notre parole : la commission se saisira de cette question.
M. Philippe Dominati. Avant le mois de septembre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement suivra lui aussi avec intérêt cette question de la concentration, dont les règles méritent certainement d’évoluer. Elles me semblent devoir faire l’objet d’un travail commun, peut-être suivi du dépôt d’une proposition de loi du Sénat !
M. Philippe Dominati. Je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement no 421 est retiré.
CHAPITRE III
Des cahiers des charges et autres obligations des sociétés nationales de programme
Article 15
L'article 48 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° A À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « culturelle et sociale, », sont insérés les mots : « à la lutte contre les discriminations par le biais d'une programmation reflétant la diversité de la société française, » ;
1° La dernière phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Lorsqu'une de ces sociétés édite plusieurs services de communication audiovisuelle, le cahier des charges précise les caractéristiques de chacun d'eux et la répartition des responsabilités au sein de la société en matière de programmation et de commande et production des émissions de telle sorte que le respect du pluralisme des courants de pensée et d'opinion et la diversité de l'offre de programmes fournie soient assurés. » ;
1° bis Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Tout nouveau cahier des charges est transmis aux commissions chargées des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat. Les commissions peuvent formuler un avis sur ce cahier des charges dans un délai de six semaines.
« Le rapport annuel sur l'exécution du cahier des charges est transmis chaque année par le Conseil supérieur de l'audiovisuel aux commissions chargées des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat. » ;
2° Le cinquième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Ces sociétés peuvent faire parrainer leurs émissions dans les conditions déterminées par ces cahiers des charges à l'exception des émissions d'information, des journaux télévisés et des débats politiques ou d'actualité.
« Les cahiers des charges précisent les conditions dans lesquelles les sociétés et services mentionnés à l'article 44 assurent la promotion de leurs programmes. »
M. le président. L'amendement no 352, présenté par MM. Antoinette, Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel, Fichet et Gillot, Mme Khiari, MM. S. Larcher et Lagauche, Mme Lepage, MM. Lise, Patient et Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le 1° A de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après la première phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Ce cahier des charges précise les indicateurs de résultats à atteindre en matière d'évolution de la représentativité de la diversité de la société française, tant dans les programmes que dans la création et dans la politique de ressources humaines de France Télévision. »
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Le projet de loi que nous examinons traduit une ouverture sur la question de la représentation fidèle de la diversité de la société française dans la communication audiovisuelle publique. J’en veux pour preuve plusieurs dispositions de l’article 1er et de l’article 15 ainsi que l’adoption par le Sénat, à l’article 1er A, de l’amendement no 293 rectifié du groupe socialiste. Cette disposition nous importe d’ailleurs tout particulièrement eu égard à la situation actuelle et il convient de relever au passage que les chaînes privées ont, à cet égard, une certaine avance sur les chaînes publiques.
Il est fondamental que les orientations indiquées par la loi en matière de diversité dans l’audiovisuel public n’en restent pas au stade des bonnes intentions : il convient que les mesures effectives prises par France Télévisions sur cette question soient inscrites dans son contrat d’objectifs et de moyens et assorties d’indicateurs de résultats.
De la sorte, cette ouverture sur la diversité, orientation essentielle pour la société française d’aujourd’hui, sera garantie parce que nécessairement traduite dans des actions à même d’être évaluées par des résultats concrètement mesurables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, car une telle préconisation aurait plutôt sa place dans les contrats d’objectifs et de moyens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Cette mesure aurait davantage sa place dans le cahier des charges. Le projet de loi compte déjà nombre de dispositions répondant aux préoccupations exprimées dans la loi du 30 septembre 1986. En outre, une question reste en suspens : des instruments de mesure nécessiteraient la constitution de données sur l’origine ethnique, et c’est un point très délicat à traiter.
M. le président. L'amendement n° 290, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du 1° de cet article, après le mot :
programmation
insérer les mots :
, de fabrication interne
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous ne pensons pas que le travail en miettes soit épanouissant pour les hommes et les femmes et pour une équipe.
La noblesse de notre audiovisuel public est d’avoir su rassembler sous un même toit les métiers de conception, de réalisation, de production, de commandes éclairées, de programmation, de diffusion. Ces missions, en interagissant, se qualifient mutuellement et ceux qui les exercent s’enrichissent des contraintes que leur exposent leurs collègues.
Nous avons à plusieurs reprises entendu le Gouvernement nous assurer que la mission de fabrication en interne demeurerait après le vote de cette loi. Mais nous constatons qu’il y a eu éradication totale des termes concernant la création.
L’article 15 concerne pour partie le cahier des charges. Nous renouvelons donc par cet amendement notre souhait de l’inscription en toutes lettres de ce que nous n’avons entendu réprouver par personne, faute de quoi nous enverrions un très mauvais signal : comme si – avec toutes les limites des comparaisons – nous voulions réserver à terme à France Télévisions un rôle comparable à celui de Réseau ferré de France dans la scission de la SNCF, lui laissant les rails, les gares, les voies de distribution et de circulation, et conférant aux producteurs extérieurs le rôle noble de la création.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission émet un avis défavorable : l’entreprise France Télévisions a clairement la possibilité de produire aussi bien que de passer des commandes en externe.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 140, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du 1° de cet article, supprimer les mots :
de commande et
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Par cet amendement, qui est en fait tout sauf anodin, nous voulons faire en sorte que le pluralisme soit garanti au travers de la production d’émissions par France Télévisions elle-même.
Dans le schéma prévu à l’article 15, les objectifs de pluralisme et de diversité seraient en effet atteints par tout moyen, c'est-à-dire par la programmation, par la commande ou par la production de programmes.
Si nous souhaitons supprimer la notion de « commande », c’est parce que le pluralisme et la diversité, cela ne se sous-traite pas ! Le pluralisme et la diversité supposent la mise en œuvre d’une politique ambitieuse de production audiovisuelle. Une telle politique ne constitue-t-elle pas la meilleure utilisation du produit de la redevance ? C’est cette politique qui devrait traduire l’ambition censée animer le texte du projet de loi.
Ce qui a fait – de manière d’ailleurs quelque peu paradoxale – la force de la télévision publique des années soixante, c’est d’avoir réussi, dans un contexte de tutelle parfois insupportable, s’agissant notamment de la ligne éditoriale de l’information télévisée, à développer dans de nombreux domaines une originalité créatrice. Je pourrais le montrer à partir d’exemples concrets, mais je ne veux pas céder à la nostalgie et entonner l’air du « c’était mieux avant », pour en venir à l’essentiel.
Le secteur public audiovisuel doit piloter et mettre en œuvre une audacieuse politique de création de fictions comme d’émissions de plateau qui fassent la part belle au pluralisme de la société, de ses habitants, de leurs idées, de leurs pensées, de leur situation sociale, de leurs rapports économiques, sociaux ou culturels, de l’ensemble des représentations mentales qui traversent aujourd’hui l’opinion.
Non, l’actualité sociale ne peut être continuellement traitée par des spécialistes déconnectés des réalités.
Non, l’actualité économique ne peut être la chasse gardée de penseurs tous plus libéraux les uns que les autres.
Non, la diversité des origines nationales des habitants de notre pays n’est pas le signe d’une communautarisation : c’est un atout que nous devons utiliser, dans le respect du parcours de chacun comme dans la condamnation de tout ce qui fait obstacle à l’épanouissement de tous et qui a beaucoup à voir avec le mépris dans lequel la société – mais aussi, trop souvent, l’audiovisuel – appréhende les inégalités qu’elle nourrit elle-même.
Ce que nous attendons d’une télévision pluraliste, respectueuse des habitants de notre pays, c’est qu’elle leur donne la parole, sans condescendance ni commisération.
Nous ne voulons pas d’une télévision qui infantilise, qui se fasse l’auxiliaire d’une forme d’éducation que semblent appeler de leurs vœux les auteurs de certains des amendements déposés sur cet article 15 et que nous rejetterons résolument.
Les Français n’ont pas besoin de directeurs de conscience cathodiques. Ils veulent une télévision à micro ouvert – cela vaut évidemment aussi pour la radio –, caméra à l’épaule : en un mot, une télévision à hauteur d’homme.
Telle est notre conception du pluralisme et celle qui sous-tend cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. France Télévisions doit continuer à produire ses émissions et à en commander d’autres, car nous sommes tous sensibles à la création. Si l’on veut que des créateurs et des auteurs puissent participer à l’œuvre de télévision publique, il convient France Télévisions passe également des commandes à l’extérieur.
Nous avons donc besoin de ces deux sources pour que l’entreprise soit parfaitement ouverte sur la création et sur le monde moderne, comme cela a été souvent rappelé.
Pour reprendre la comparaison de Mme Blandin, qui évoquait la SNCF, on ne demande pas à la SNCF de fabriquer elle-même ses wagons.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Il convient, en effet, que France Télévisions produise ses émissions, mais cette disposition est déjà prévue par la loi de 1986, aux termes de laquelle les sociétés de programme peuvent produire pour elles-mêmes des œuvres et des documents audiovisuels.
Il faut également qu’elles puissent passer des commandes à des producteurs indépendants. Tel était l’objet des décrets de Mme Tasca et c’est également l’objet des accords interprofessionnels qui ont été signés voilà quelques semaines entre les producteurs, les auteurs et tous les diffuseurs.
Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Cette discussion est très intéressante.
Je partage le souci exprimé par le groupe communiste de garantir la production en interne et sa garantie de diversité. Je l’ai d’ailleurs exposé dans l’amendement précédent, qui a été repoussé. Pour autant, je n’irais pas jusqu’à demander l’interdiction des commandes à l’extérieur parce que celles-ci peuvent nourrir la création.
Je note cependant avec beaucoup d’intérêt que, lorsque nos collègues proposent de supprimer le mot « commande », les rapporteurs et Mme la ministre s’arc-boutent pour que le droit de commande soit bien inscrit dans la loi. À quoi l’on pourrait leur rétorquer que, même si ce n’est pas inscrit dans la loi, c’est toujours autorisé ! En revanche, quand nous défendons la création et la fabrication internes, on sort la grande gomme, et ces notions sont victimes d’une véritable épuration dans le texte. Il y a vraiment deux poids deux mesures !
Cela étant, restons sereins : l’audiovisuel peut créer en interne et commander à l’extérieur. Mais nous dormirions mieux si les mots « création et fabrication internes » figuraient dans le texte. Il reste que votre acharnement à maintenir le mot « commande » et à supprimer le mot « création » fait planer un doute affreux sur vos intentions à terme.
C’est pourquoi je m’abstiendrai pour être honnête intellectuellement, parce que je pense que la commande mérite encore d’exister, mais j’attire l’attention de la Haute Assemblée sur cette distorsion pour le moins troublante.
M. le président. L'amendement n° 353 rectifié, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, MM. Lagauche et S. Larcher, Mme Lepage, MM. Lise et Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du 1° de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Le cahier des charges précise notamment les conditions dans lesquelles les unités de programmes assurent, dans la collégialité des décisions, la diversité en matière d'investissements dans les programmes, notamment les œuvres audiovisuelles d'expression originale française et européenne.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. L’Assemblée nationale a prévu, à l’article 1er, une disposition selon laquelle l’organisation de France Télévisions doit veiller au pluralisme de la création audiovisuelle. Toutefois, ce dispositif ne lie en rien France Télévisions dans la mesure où il n’est accompagné d’aucune obligation légale.
Aussi le cahier des charges du service public, récemment renégocié, pourrait-il être utilement complété par une disposition tendant à indiquer, en particulier, les conditions dans lesquelles les unités de programmes assurent le pluralisme des décisions en matière d’investissement dans les œuvres audiovisuelles d’expression originale française et européenne.
Quatre éléments plaident en faveur d’une telle modification.
Premièrement, la redéfinition des termes du cahier des charges en fait un instrument fondamental dans la réorganisation du service public et ne peut ignorer les conséquences de l’organisation fonctionnelle du groupe public sur le pluralisme de la création.
Deuxièmement, l’inclusion d’une telle disposition ne remet nullement en cause la transformation de France Télévisions en entreprise unique et ne crée pas les conditions d’un retour à des unités de programmes par chaîne.
Troisièmement, gardien et contrôleur du respect du cahier des charges, le CSA, qui a aussi, par la voix de son président, exprimé des craintes quant aux conséquences de la future organisation de France Télévisions sur la diversité des programmes, pourrait chaque année s’assurer que l’organisation des unités de programmes de France Télévisions ne nuit pas à la diversité de la création et contribue à l’expression de lignes éditoriales spécifiques à chacune des chaînes du groupe.
Cette disposition mettrait fin à un paradoxe important de ce projet de loi, avec le maintien, obtenu par l’industrie du cinéma, de plusieurs filiales autonomes ayant vocation à procéder et à investir dans la création cinématographique française et européenne. Les risques de formatage et d’uniformisation sont d’autant plus forts dans la création audiovisuelle dès lors que l’apport des chaînes représente en moyenne 70 % du coût de la production.
Dans le cinéma, la contribution des chaînes en clair ne va guère au-delà de 25 % du financement nécessaire, restreignant par là même la capacité des diffuseurs à peser sur la ligne artistique de l’œuvre.
Dans ce contexte, il semble important qu’au Sénat le projet de loi enrichisse la portée et le contenu du cahier des charges du service public et réponde aux attentes de professionnels et de créateurs qui souhaitent que l’ambition portée par ce texte se traduise par un maintien, voire un renforcement de la capacité de France Télévisions à rester un partenaire essentiel de la création et surtout de sa diversité, qui ne peut trouver à s’exprimer sur les chaînes commerciales.
La rectification que nous avons apportée à notre amendement pour préciser, à la demande de la commission des affaires culturelles, que les unités de programmes œuvrent en faveur de la diversité « dans la collégialité des décisions » semble de nature à le rendre acceptable par tous les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent.
En l’adoptant, nous enverrions un signe fort à tous ceux qui s’émeuvent d’une possible disparition, avec le guichet unique, de la diversité dans la création des différents acteurs qu’ils ont aujourd'hui pour partenaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Mes chers collègues, vous vous en souvenez, eu égard aux craintes exprimées ici ou là, nous avons déjà adopté, à l’article 1er, un amendement visant à garantir un équilibre entre l’efficacité de l’entreprise unique, qui justifie son bien-fondé, et la diversité.
En commission, nous avons eu un débat assez nourri sur le sujet et avons même en quelque sorte expérimenté la coproduction de la loi, en co-écrivant ledit amendement. Cette collaboration a permis de rectifier le présent amendement dans le sens indiqué par notre collègue. Ainsi, nous introduisons de façon très concrète et efficace dans le cahier des charges – c’est l’objectif visé – la diversité que nous souhaitons.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Comme vient de le rappeler M. le rapporteur, nous avons effectivement discuté à l’article 1er de l’exigence de diversité, une notion à laquelle j’adhère entièrement. J’avais alors émis des réserves sur la décision collégiale, car les engagements dans les unités de programmes se font souvent sur un coup de cœur et non pas à l’issue d’une discussion.
En conséquence, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je tiens à saluer la méthodologie retenue pour cet amendement, et que nous aurions aimé voir s’appliquer à l’ensemble du projet de loi : un travail en commission qui permet à l’opposition de se faire réellement entendre, même si toutes ses propositions ne sont pas retenues, et parvient à infléchir le texte dans le bon sens, puis une ministre qui s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. L'amendement n° 85, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Après la première phrase du deuxième alinéa du 1° bis de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
En ce qui concerne la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, tout nouveau cahier des charges est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat.
La parole est à M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis.
M. Robert del Picchia, en remplacement de M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Ce projet de loi vise à renforcer le contrôle parlementaire sur les sociétés nationales de programme, France Télévisions, Radio France et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.
Le Parlement sera dorénavant pleinement informé des décisions importantes relatives à l’audiovisuel public, comme la nomination des dirigeants de ces sociétés ou encore la fixation de leurs contrats d’objectifs et de moyens, et y sera associé.
Il s’agit là d’un progrès qui, me semble-t-il, n’a pas été suffisamment souligné dans nos débats.
L’article 15 du projet de loi prévoit ainsi que tout nouveau cahier des charges est transmis aux commissions chargées des affaires culturelles des deux assemblées et que ces commissions peuvent formuler un avis sur ce cahier des charges dans un délai de six semaines.
Il est bien sûr légitime que les commissions des affaires culturelles soient les premières concernées s’agissant de questions relatives à l’audiovisuel public. Toutefois, pour ce qui concerne le cas particulier de l’audiovisuel extérieur, et compte tenu de son importance sur la place et l’influence de la France et de la langue française à l’échelle internationale, il nous a semblé utile que les commissions des affaires étrangères des deux assemblées soient également associées au contrôle parlementaire.
Je rappelle que la commission des affaires étrangères examine chaque année, dans le cadre du projet de loi de finances, les crédits consacrés à l’audiovisuel extérieur.
Cet amendement, qui a été adopté à l’unanimité par notre commission, prévoit donc que les commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat sont également destinataires de tout nouveau cahier des charges concernant l’audiovisuel extérieur et peuvent éventuellement formuler un avis sur ce cahier des charges.
Je tiens à préciser que cet amendement ne remet nullement en cause les compétences de la commission des affaires culturelles, qui dispose d’une légitimité et d’une expertise particulières sur ces questions. À cet égard, je salue ici la qualité du travail réalisé par les deux rapporteurs, et je me félicite de la bonne entente qui a régné avec la commission des affaires étrangères, saisie pour avis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. La commission a émis un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 139, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du 1° bis de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le président de la société France Télévisions présente une fois par an l'état d'avancement du contrat d'objectifs et de moyens devant le Conseil d'administration et les deux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Nous voulons que le conseil d’administration et le Parlement puissent apprécier les résultats de l’audiovisuel public grâce à un suivi réalisé dans des conditions optimales, c'est-à-dire grâce à une communication annuelle par le président, pour savoir si les objectifs fixés ont été atteints.
Au demeurant, on pourrait fort bien considérer qu’il devrait, d’une façon ou d’une autre, en aller de même pour le suivi du cahier des charges par les opérateurs de télévision privée. On pourrait utilement se demander si les promesses et les intentions affichées par le groupe Bouygues lors de la privatisation de TF1, en 1986, ont trouvé une illustration concrète depuis la date à laquelle la concession d’utilisation de la fréquence lui a été accordée. Où est le « mieux-disant culturel » du projet Bouygues ? Nous attendons avec impatience le jour où TF1 diffusera, aux heures de grande écoute, en version originale, un film de Fellini ou de Visconti !
J’en profite pour vous demander, madame la ministre, quand interviendra la seconde coupure publicitaire.
En ce qui concerne le contrôle des missions de service public, à quoi peut bien servir cette communication annuelle, indépendamment du fait que l’on s’inspire du modèle de télévision publique britannique, qui a permis, je ne peux que le souligner ici, en contribuant à la création audiovisuelle outre-Manche et au cinéma, de révéler de très bons artisans, ce qui n’enlève rien aux efforts consentis par le service public de l’audiovisuel en France ?
Il ne s’agit nullement ici de faire de cet examen de passage une forme de sanction annuelle du travail accompli, car la sanction est d’abord et avant tout donnée par le public. Le soutien de ce dernier et sa satisfaction sont les meilleurs des réconforts.
Cela dit, cette consultation annuelle est l’occasion d’analyser objectivement ce qui peut faire obstacle à la réalisation des missions de service public.
Nous attendons donc clairement de la communication annuelle de l’action de France Télévisions qu’elle permette aux membres des deux assemblées de mieux ajuster le financement de l’opérateur public aux besoins qu’il exprimerait.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. L’article 15 du projet de loi est relatif au cahier des charges et non au contrat d’objectifs et de moyens. Ce compte rendu est déjà présenté chaque année aux commissions du Parlement.
Tout en comprenant ce qui fonde cet amendement, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Cette disposition figure déjà au 7° bis de l’article 18 du projet de loi et elle a d’ailleurs été étendue aux présidents de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.
Cet amendement est donc satisfait.
M. Ivan Renar. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 139 est retiré.
L'amendement n° 86, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du 1° bis de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Le rapport annuel sur l'exécution du cahier des charges de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat.
La parole est à M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis.
M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis. C’est un amendement de coordination avec l’amendement n° 85, et il a aussi été adopté à l’unanimité par la commission des affaires étrangères.
Les commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat sont également compétentes en matière d'audiovisuel extérieur aux côtés des commissions des affaires culturelles des deux assemblées. Elles doivent donc être destinataires du rapport annuel sur l'exécution du cahier des charges de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 264 et 354 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 264 est présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 354 rectifié est présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 2° de cet article.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 264.
Mme Marie-Christine Blandin. L’Élysée est une extraordinaire officine de communication ! Les Français ont vraiment cru qu’on allait libérer les écrans publics des marques.
Sans revenir sur le mensonge par omission – moins de publicités, c’est moins de moyens ! -, je souhaite vous faire part de leur grand étonnement de voir persister la réclame – eh non, ce n’est pas de la publicité ! – qui introduit la météo et autres réjouissances. On ne vous avait pas tout dit : c’est du parrainage ! La désintoxication, ce n’est donc pas pour demain !
Si nous pouvons, s’agissant de la météo, être sereins quant à l’impact des intérêts privés sur le contenu de l’émission, car telle entreprise d’électroménager, même si elle vend des réfrigérateurs, ne va pas faire la pluie et le beau temps, il n’en est pas de même de certains parrainages d’autres émissions, où il pourra effectivement y avoir une influence sur le contenu.
Avant d’envisager de limiter et d’encadrer ces parrainages, ce que nous ferons avec des amendements ultérieurs, je préfère vous proposer, mes chers collègues, une mesure radicale et éthique : la suppression des marques des écrans publics. (MM. Jean Desessard et Jean-Pierre Sueur applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, pour présenter l'amendement n° 354 rectifié.
Mme Bernadette Bourzai. Nous proposons également la suppression du 2° de l’article 15, qui prévoit que toutes les émissions pourront dorénavant être parrainées, sauf celles ayant fait l’objet de restrictions lors des débats à l’Assemblée nationale, alors que, jusqu’à présent, seules en avaient la possibilité celles qui correspondaient aux missions éducatives, culturelles et sociales.
La démarche consistant à élargir, au détour d’un texte dont l’un des principaux objectifs est de supprimer la publicité des écrans des chaînes publiques, les possibilités, pour ces mêmes chaînes, de recourir au parrainage est pour le moins surprenante. Cette possibilité, qui était, aux termes du projet de loi initial, quasiment illimitée, sonne comme un aveu du Gouvernement de présomption de compensation insuffisante de la perte de recettes publicitaires du service public audiovisuel. On sait que la manne du parrainage attendue par France Télévisions devrait s’élever à 85 millions d’euros.
Il convient de rappeler que le décret du 27 mars 1992, modifié, associe le parrainage à la publicité et au téléachat. La définition du parrainage est claire : « Toute contribution d’une entreprise ou d’une personne morale publique ou privée, n’exerçant pas d’activités de radiodiffusion télévisuelle ou de production d’œuvres audiovisuelles, au financement d’émissions télévisées, afin de promouvoir son nom, sa marque, son image, ses activités ou ses réalisations. » Ce type de recettes s’apparente donc fortement à de la publicité.
Depuis quelques années, les émissions de courte durée communément appelées « programmes courts » se sont multipliées sur les chaînes et entretiennent la confusion avec les spots publicitaires.
Ces programmes courts permettent aux « parrains » de contribuer à la conception de programmes en adéquation avec leur image. Il est fréquent qu’ils fassent l’objet de dérives publicitaires nécessitant un rappel à l’ordre des chaînes par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, notamment lorsque celui-ci considère que l’indépendance éditoriale du diffuseur se trouve mise en cause.
Toutes ces raisons nous conduisent à penser qu’il n’est pas opportun d’élargir les possibilités de parrainage des émissions des chaînes publiques.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 2° de cet article :
2° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :
« Ces sociétés peuvent faire parrainer leurs émissions dans les conditions déterminées par ces cahiers des charges à l'exception des émissions d'information politique, de débats politiques et des journaux d'information. »
La parole est à M. Thiollière, rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. L'Assemblée nationale a considérablement restreint la possibilité pour France Télévisions de faire parrainer ses émissions. Ainsi, au terme de la discussion à l’Assemblée nationale, des émissions comme Stade 2, Tout le sport, Ce soir ou jamais ne pourraient plus être parrainées. Cela aurait un impact d’environ 9 millions d'euros sur le budget de France Télévisions.
L'objet de cet amendement est de prévoir un compromis entre le dispositif adopté à l'Assemblée et le droit existant en interdisant le parrainage pour les émissions d'information, de débats politiques et les débats d'actualité.
En tant que rapporteurs, nous comprenons la suspicion qui peut peser sur certaines émissions parrainées. Selon nous, cette pratique relève plutôt du mécénat culturel, qui permet à des entreprises de s'associer à l'image d'un programme.
Après avoir auditionné de nombreux partenaires, ces risques d’influence nous semblent totalement marginaux. C’est pourquoi nous proposons cet amendement visant à un meilleur équilibre.
M. le président. Le sous-amendement n° 266, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
I. - Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 30, après les mots :
émission d'information
insérer le mot :
notamment
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter l'amendement n° 30 par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour les sociétés visées au I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication des restrictions apportées à la possibilité de faire parrainer les émissions d'information est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. M. le rapporteur vient de proposer que les « émissions d’information politique » ne puissent être parrainées. Cependant, cette précaution, que je garde intacte au travers de mon sous-amendement, ne suffit pas. C’est pourquoi je suggère d’amplifier le champ des matières sensibles à protéger en ajoutant le terme « notamment ». Ainsi, toutes les émissions d’information ne pourraient désormais plus être parrainées.
Cette proposition concerne d’abord la santé publique. Les émissions s’y rapportant sont très appréciées des téléspectateurs. Les sujets qu’elles abordent informent sur l’origine d’une pathologie, sur le choix des traitements ou des attitudes préventives.
J’ai pu mesurer, dans le cadre de l’élaboration d’un rapport sur les risques chimiques au quotidien, la force des intérêts économiques. Ces derniers sont passés de la conviction à l’intimidation de l’administrateur qui travaillait avec moi ou bien de cadeaux de parfumerie à la menace directe d’une action en justice ! C’est l’indépendance de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques qui m’a permis de tenir le cap.
J’imagine les conséquences du parrainage sur une émission de santé. Que serait, par exemple, une émission sur le diabète parrainée par une multinationale du sucre ?
La santé n’est pas le seul domaine concerné : les émissions d’information sur l’environnement le sont également. Prenez l’admirable Complément d’enquête et, plus particulièrement, la dernière émission diffusée, qui portait sur les risques chimiques. L’émission n’aurait certainement pas eu le même contenu si elle avait été parrainée par l’Union des industries chimiques !
Une excellente émission de la Radio Télévision belge francophone, la RTBF, aidée par France 5, consacrée à la vérité sur la disparition des abeilles n’aurait sans doute pas pu mettre en scène toutes les hypothèses de mort des abeilles si elle avait été parrainée par les fabricants de produits phytosanitaires. Nous ne sommes pas, cette fois-ci, dans le champ de la santé mais bien dans celui de l’enquête d’information.
Ce qui fait encore débat ne doit donc pas être exposé aux téléspectateurs au travers du seul prisme déformant d’intérêts économiques, qui se sont largement exprimés à l’antenne dans les émissions citées ci-dessus, mais n’ont pas pu influencer les réalisateurs comme ils auraient inévitablement pu le faire s’ils avaient été financeurs, et cela quelle que soit par ailleurs la qualité du cahier des charges.
M. le président. Le sous-amendement n° 213 rectifié, présenté par Mlle Joissains, MM. Gilles, Retailleau et Hérisson et Mme Bruguière, est ainsi libellé :
I. - Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 30 par une phrase ainsi rédigée :
Les émissions relatives à la santé publique ne peuvent être parrainées par les entreprises et les établissements pharmaceutiques visés aux articles L. 5124-1 à L. 5124-18 du code de la santé publique.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter l'amendement n° 30 par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour les sociétés visées au I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication de l'impossibilité de faire parrainer les émissions de santé publique est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mlle Sophie Joissains.
Mlle Sophie Joissains. Ce sous-amendement vise également à restreindre le champ du parrainage, mais dans le seul domaine de la santé publique. Mon argumentation reprend donc en grande partie celle de Mme Blandin.
Ce sous-amendement prévoit que les émissions relatives à la santé publique ne pourront être parrainées que par des entreprises autres que les établissements pharmaceutiques ou les entreprises touchant à l’industrie du médicament.
Selon l’information que l’on vient de me transmettre, la réglementation interdit déjà le parrainage sur les médicaments. Mais cela concerne-t-il bien toutes les émissions traitant de questions de santé publique ? Je n’en suis pas certaine.
M. le président. Le sous-amendement n° 214 rectifié, présenté par Mlle Joissains, MM. Gilles et Hérisson et Mme Bruguière, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 30 par une phrase ainsi rédigée :
Les sociétés parrainant les émissions doivent être clairement identifiables pour le téléspectateur en début ou en fin de générique.
La parole est à Mlle Sophie Joissains.
Mlle Sophie Joissains. Ce sous-amendement introduit une exigence de transparence vis-à-vis des téléspectateurs quant à l’identité du parrain.
M. le président. Le sous-amendement n° 267, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 30 par une phrase ainsi rédigée :
Ces sociétés doivent être clairement identifiables pour le téléspectateur.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Ce sous-amendement est très proche de celui qui vient d’être défendu par notre collègue. En effet, appliquant en quelque sorte le principe de précaution et craignant que M. Portelli ne soit dans l’hémicycle, je me suis gardée d’écrire, comme vous l’avez fait, mademoiselle Joissains, « en début ou en fin de générique », de peur qu’il ne se lève pour protester contre l’empiètement du domaine législatif sur le domaine réglementaire…
M. le président. Les amendements nos 231 et 424 sont identiques.
L'amendement n° 231 est présenté par M. Maurey et les membres du groupe Union centriste.
L'amendement n° 424 est présenté par MM. P. Dominati, Bécot et Houel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après les mots :
émissions d'information
rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du 2° de cet article :
politique et des journaux télévisés.
La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l’amendement n° 231.
M. Hervé Maurey. Cet amendement va dans le sens de l’amendement présenté par les rapporteurs de la commission des affaires culturelles.
Il vise en effet à maintenir la possibilité de parrainage, telle qu’elle est définie par l’article 15, dans le cas d’émissions d’information générale ou d’information sportive. Nous souhaiterions que l’interdiction soit limitée au parrainage d’émissions d’actualité politique ou de journaux télévisés.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l'amendement n° 424.
M. Philippe Dominati. L’amendement a été défendu.
M. le président. L'amendement n° 355, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bourzai, MM. Boutant et Domeizel, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au deuxième alinéa du 2° de cet article, après les mots :
émissions d'information
insérer le mot :
politique
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Il s’agit d’un amendement de repli.
À partir du moment où l’on retient le parrainage comme mode de financement du service publique audiovisuel, il convient a minima de s’assurer qu’aucune émission politique ne pourra être polluée par du parrainage. Il s’agit, notamment, d’éviter les conflits d’intérêts.
Nous souhaitons préciser le dispositif issu de l’Assemblée nationale, qui interdit tout parrainage dans les émissions d’information, journaux télévisés et débats politiques et d’actualité. La modification que nous proposons s’inscrit parfaitement dans l’esprit des auteurs de l’amendement de l’Assemblée nationale puisque c’est pour interdire à toute émission ayant un objet politique de diffuser du parrainage que cet article a été adopté par nos collègues députés. Nous souhaitons donc verrouiller le dispositif afin d’éviter au parrainage d’entrer par la petite porte des émissions politiques.
M. le président. L'amendement n° 265, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
I. - Après le deuxième alinéa du 2° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les émissions de santé publique et de culture scientifique et technique ne peuvent faire l'objet de parrainage.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour les sociétés visées au I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication de l'impossibilité de faire parrainer les émissions de santé publique et de culture scientifique et technique est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Après avoir sous-amendé l’amendement de la commission et au cas où ce sous-amendement ne serait pas retenu, je propose d’introduire un alinéa que je pourrais exactement défendre de la même façon.
Il s’agit, d’une part, de protéger les émissions de santé publique, qui comprennent les émissions concernant les pathologies, leurs causes et leurs thérapies possibles.
Il s’agit, d’autre part, d’y ajouter les émissions d’enquête relevant de la « culture scientifique et technique ». On s’éloigne alors du très grand public et d’émissions comme Thalassa, qui se situent entre tourisme, voyage, information et agrément. La culture scientifique et technique concerne des cas très précis comme, par exemple, les nanomatériaux, le nucléaire, les éoliennes, bref, tout ce qui fait débat.
M. le président. L'amendement n° 243, présenté par M. Maurey, est ainsi libellé :
Après le mot :
sociétés
rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du 2° de cet article :
mentionnées à l'article 44 assurent la promotion de leurs programmes et services. »
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Depuis plusieurs années, le groupe France Télévisions assure la promotion de ses programmes sur les chaînes du groupe. Ces actions de promotion croisée sont très importantes. Elles permettent tout d’abord d’informer le téléspectateur des programmes, mais aussi de renforcer l’image du groupe lui-même.
À l’heure de l’entreprise unique, la promotion croisée permettra d’asseoir encore davantage l’image de l’entreprise, au-delà de la programmation de chaque chaîne. L’entreprise unique France Télévisions ne regroupe pas seulement les chaînes de télévision, mais aussi tous les nouveaux services qui doivent voir le jour, comme la télé web régionale, par exemple.
La rédaction actuelle de l’article 15 limite les possibilités d’autopromotion de France Télévisions puisque les nouveaux services non mentionnés dans la loi ne pourront pas en faire l’objet. Cet amendement vise donc à permettre à France Télévisions de faire la promotion de l’ensemble des services, y compris ceux qui ne sont pas encore mentionnés dans la loi et qui viendraient à être créés à l’avenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Nous sommes défavorables aux amendements identiques nos 264 et 354 rectifié.
Nous émettons également un avis défavorable sur le sous-amendement n° 266 de Mme Blandin.
Nous sommes en revanche favorables au sous-amendement n° 213 rectifié, qui vise à éviter que les laboratoires pharmaceutiques et les entreprises de ce secteur puissent parrainer des émissions relatives à la santé publique.
Cependant, nous tenons à préciser que les règles encadrant le parrainage seront fixées par décret en Conseil d’État et que le parrainage est contrôlé par le CSA, qui fait respecter la déontologie nécessaire. Nous espérons, bien entendu, que les dispositions encadrant le parrainage n’auront pas pour effet de réduire la place des émissions relatives à la santé publique sur les chaînes du service publique.
Nous sommes également favorables au sous-amendement n° 214 rectifié, dont nous préférons la rédaction à celle du sous-amendement n° 267.
La commission est défavorable aux amendements identiques nos 231 et 424. En effet, selon nous, les émissions de débats politiques ne doivent pas pouvoir être parrainées. Aucune suspicion ne doit peser sur des émissions telles que Mots croisés ou Ripostes. Je rappelle que la commission a choisi d’interdire le parrainage pour les seules émissions les plus sensibles, celles qui sont relatives aux questions politiques ou aux questions de santé.
L’amendement n° 355 nous paraît satisfait par l’amendement de la commission. Nous pensons qu’il pourrait donc être retiré.
S’agissant de l’amendement n° 265, le point concernant la santé publique est satisfait par le sous-amendement n° 213 rectifié. Pour le reste, il nous semble trop large. Il n’y a quasiment pas d’émissions strictement scientifiques sur France Télévisions. Nous croyons donc le risque d’influence extrêmement limité. De plus, un encadrement est assuré par le CSA.
Nous sommes également défavorables à l’amendement n° 243. La rédaction proposée va à l’encontre de l’objet de l’amendement. Il est en effet important pour nous que les sociétés mais aussi les services puisent faire de l’autopromotion pour l’ensemble de leurs programmes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 264 et 354.
Il est, en revanche, favorable à l’amendement n° 30, qui lui semble tout à fait opportun.
Il est défavorable au sous-amendement n° 266 et s’en remet à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n° 213 rectifié.
La précision que tend à introduire le sous-amendement n° 214 rectifié figure déjà, en vertu du droit communautaire, dans le décret de 1992 applicable à l’ensemble des chaînes de télévision. Néanmoins, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 267, aux amendements nos 231, 424 et 355, qui sont satisfaits par l’amendement n° 30, à l’amendement n° 265, pour les raisons avancées par la commission, ainsi qu’à l’amendement n° 243.
M. le président. Madame la ministre, acceptez-vous de lever le gage du sous-amendement n° 213 rectifié ?
M. le président. Il s’agit donc du sous-amendement n° 213 rectifié bis.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 264 et 354 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Je soutiendrai bien sûr ces amendements, mais je ne voudrais pas que, dans la douce ambiance de cette soirée d’hiver, le parrainage d’émissions de télévision paraisse aller de soi, comme s’il s’agissait d’une pratique nécessairement bénéfique, d’un moyen simplement judicieux de se procurer des ressources.
Personnellement, il est une bizarrerie sur laquelle, madame la ministre, nous n’avons pas eu la moindre explication, vos avis ayant été, vous en conviendrez, formulés de manière pour le moins lapidaire. Comment expliquez-vous qu’un projet de loi dont l’objet est de supprimer la publicité sur les chaînes publiques généralise le parrainage sur ces mêmes chaînes ? La logique voudrait que vous supprimiez les deux !
Dans ce débat, on a beaucoup parlé d’hypocrisie. C’est assurément une attitude qu’il ne faut pas cultiver. Mais le parrainage n’est-il pas de la publicité hypocrite, madame la ministre ? Quelle différence y a-t-il, pour une marque, entre faire de la publicité et parrainer une émission ? Moi, je vais vous le dire.
Il est très important de faire la différence entre, d’un côté, ce qui est de l’information, de la communication, de la création et, de l’autre, la publicité. Dans certains journaux, les « publireportages » – dénomination que j’ai toujours trouvée tout à fait hypocrite – sont-ils de vrais reportages ou de la publicité ?
Il n’y a aucune honte à faire de la publicité, madame la ministre, mais qu’on nomme les choses par leur nom ! Or le parrainage est une publicité qui ne dit pas son nom et qui crée un rapport extrêmement ambigu entre le contenu de la publicité et le contenu de l’émission parrainée. Que signifie le terme « parrainer » ? Que l’on paie ? Dans ce cas, madame la ministre, disons que cela fait partie du mécénat culturel, qui est tout à fait honorable.
Je ne comprends vraiment pas votre logique. Si vous voulez supprimer la publicité, supprimez aussi le parrainage, qui est une forme dégradée, ambiguë et pernicieuse de la publicité. Personne n’a avancé le moindre argument justifiant la cohérence de la généralisation du parrainage quand on veut supprimer la publicité. S’il en existe un, que quelqu’un l’invoque ! Dans le cas contraire, vous serez d’accord avec moi, mes chers collègues, pour voter ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur Sueur, le parrainage, que nous conservons, sans le généraliser, est une façon d’associer durablement son nom à des programmes courts. Il constitue naturellement une ressource pour l’audiovisuel public, tout spécialement pour l’actualité sportive puisque, on le sait, les programmes sportifs sont souvent parrainés.
Le parrainage, de par la durée de sa mention, n’est pas agressif et ne remet nullement en cause la logique consistant à supprimer la publicité, laquelle se présente sous la forme de « longs tunnels ».
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je souhaite rapidement préciser notre pensée.
Comme l’a dit M. Sueur, la logique voudrait que, dans un projet de loi destiné à supprimer la publicité, on supprime aussi le parrainage, qui est malgré tout, sous une forme peut-être moins agressive, de la publicité.
Notre volonté n’était pas de tarir les ressources de France Télévisions. Au contraire, nous étions opposés à ce projet de loi destiné à supprimer une ressource qui était devenue naturelle et qui contribuait à un certain équilibre du service public de l’audiovisuel, aujourd’hui déstabilisé.
Nos amendements visent non pas à supprimer le parrainage, mais à trouver des moyens de l’encadrer. Nous aurions même été réceptifs à des solutions visant à atténuer le côté agressif de la publicité plutôt qu’à supprimer complètement celle-ci et à arrêter ces longs tunnels sur France Télévisions. C’était une option envisageable.
Les encadrements proposés notamment par Mme Marie-Christine Blandin nous paraissent tout à fait judicieux et dans l’esprit même de la loi. Il est regrettable que ces propositions n’aient pas été accueillies favorablement.
M. le président. La parole est à M. Michel Thiollière, rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Pour la commission des affaires culturelles, le clivage est net entre la publicité, c’est-à-dire la production de spots à ses propres fins, et le parrainage accompagnant une œuvre audiovisuelle qui est autonome, indépendante et dont la liberté est entière.
La différence est d’autant plus grande que, comme le disait Mme la ministre, si la marque associe son nom à une émission, elle n’interfère en rien dans le contenu de celle-ci. Il est vrai qu’elle en retire un bénéfice commercial, nous en sommes tout à fait d’accord. Mais il y a une nette distinction entre le contenu de l’œuvre en question et l’accompagnement dans le temps de la marque.
Par ailleurs, comme cela a été dit aussi, nous avons souhaité encadrer plus rigoureusement le parrainage pour lever toute ambigüité quant au contenu des émissions politiques ou de santé publique et éviter ainsi toute confusion éventuelle.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. La distinction entre publicité et parrainage est simple. L’une est exclusivement mercantile, j’allais dire bassement mercantile, alors que l’autre est associé à un contenu éthique.
Mais la frontière est extrêmement fine.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. François Fortassin. Et quelle que soit notre volonté d’encadrer le parrainage, on peut aboutir à des dérives. Certains vont peut-être pousser les hauts cris, mais peu importe !
Dans le domaine scientifique ou dans celui de la santé, bien des financements proviennent de laboratoires ou d’entreprises pharmaceutiques ou chimiques. Comment empêcherez-vous alors l’éminente personnalité, au demeurant tout à fait qualifiée, qui intervient dans une émission scientifique ou dans une émission relative à la santé d’orienter ses propos en fonction de tel ou tel avantage réellement obtenu, mais parfaitement tenu secret ?
Dans de telles situations, qui ne sont pas du tout hypothétiques, comment parvenir à établir une différence ? Peut-être conviendrait-il, même si cela ne constitue pas une solution miracle, de créer une commission d’éthique susceptible d’intervenir en cas de dérive nette pour interdire d’antenne telle ou telle personnalité.
Évidemment, on me rétorquera que cela risquerait de poser des problèmes. Il ne faudrait pas en effet que l’on tente, par ce biais, de porter à tort des accusations sur telle ou telle personne afin de l’interdire d’antenne.
Quoi qu’il en soit, le CSA serait bien inspiré de se saisir de cette question, au moins pour y réfléchir !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 264 et 354 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 266.
M. Jean-Pierre Sueur. Il est très important que nous nous expliquions sur cette question complexe.
Selon vous, madame la ministre, ce projet de loi ne change pas fondamentalement les choses. Si vous pensez vraiment ce que vous dites, ce dont je ne doute pas, je ne comprends pas pourquoi vous proposez de modifier la loi existante.
La formulation actuelle est la suivante : « Ces sociétés peuvent faire parrainer seulement celles de leurs émissions qui correspondent à leur mission en matière éducative, culturelle et sociale, dans des conditions déterminées par ces cahiers des charges. » Cette formulation qui restreint et encadre le parrainage nous convient parfaitement.
Vous, vous proposez une nouvelle rédaction qui élargit le parrainage à toutes les émissions, hormis les restrictions introduites par l’Assemblée nationale ! C’est pourquoi je soutiens les amendements qui ont pour effet de limiter le parrainage.
J’ai entendu les propos de notre excellent rapporteur Michel Thiollière. Pour ma part, je ne suis nullement convaincu par la distinction entre, d’un côté, la publicité qui s’affiche comme telle et, de l’autre, le parrainage de la marque X.
Le parrainage est une façon beaucoup plus subtile, voire beaucoup plus perverse, de faire de la publicité. Il n’est pas dit en effet : « Notre produit est le meilleur ! », ce que les gens ne croient d’ailleurs pas forcément. Il est dit : « Regardez comme nous sommes bons : nous vous permettons de bénéficier de la météo ou de cette belle émission. »
Dans ce domaine, il faut être extrêmement vigilant, et je pense que les dispositions actuelles ne méritent pas d’être modifiées, sinon, peut-être, dans le sens d’un encadrement plus strict.
Prenons des exemples très concrets.
Si une émission littéraire est parrainée par une maison d’édition, le journaliste aura-t-il toute latitude de dire que tel livre publié par l’éditeur en question est absolument nul ? Il est hautement probable que le parrain prendra son téléphone pour rappeler au journaliste l’origine du parrainage.
Autre exemple, qui nous est plus familier encore : celui des collectivités locales, auxquelles on fait souvent appel pour parrainer une émission. Imaginez une émission sur la gestion de telle commune, de tel département ou de telle région. Je suis très réservé sur les modalités de financement de ces émissions. En effet, si des collectivités locales veulent s’offrir des campagnes de communication, qu’elles se les offrent, ce que certaines ne manquent d’ailleurs pas de faire ! Comment le journaliste pourra-t-il réaliser en toute indépendance son émission si celle-ci est parrainée ? Se permettra-t-il d’évoquer une gestion qui laisse à désirer, un budget bancal ou une réalisation inopportune, critiquée par la population ? Donnera-t-il la parole à l’opposition ? Le parrain sera-t-il d’accord ?
Je persiste donc à penser que ces situations sont ambiguës : il faut conserver la loi telle qu’elle est, car il n’y a pas de raison de la modifier.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur Sueur, le décret du 27 mars 1992 précise qu’il ne peut y avoir de rapport trop étroit entre le parrain et l’émission parrainée, comme c’est le cas entre une maison d’édition et une émission littéraire. En revanche, nous nous souvenons tous que Apostrophes était sponsorisée, à l’époque, par les stylos Dupont.
Par ailleurs, le sous-amendement n° 266 ne nous semble pas utile, car il est préférable de recentrer la restriction du parrainage autour de la notion d’émissions d’information politique. En ce sens, l’amendement n° 30 paraît plus pertinent.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Mon explication de vote porte également sur l’amendement n° 265, dont l’objet est exactement le même que celui du sous-amendement n° 266.
Il s’agit de protéger, d’une part, les émissions de santé publique et, d’autre part, les émissions d’enquête et de culture scientifique et technologique.
Peut-être l’amendement de Mlle Joissains contribuera-t-il à protéger au moins la santé ! Mais les émissions d’enquête restent en péril. Imaginez, par exemple, des émissions sur les stratégies énergétiques. Gageons que, parrainées par un grand pétrolier, un fabricant de panneaux solaires ou AREVA, elles n’auront pas tout à fait le même contenu.
Il ne s’agit pas là de fantasmes paranoïaques. Nous avons eu en effet de mauvaises expériences avec les CCSTI, les centres de culture scientifique, technique et industrielle, dont certains se sont retrouvés au bord de la faillite en raison du désengagement financier de l’État. Ces centres n’avaient plus les moyens de faire des expositions et de mener des activités. Que croyez-vous qu’il arriva ? Les grandes firmes vinrent frapper à leur porte. Je vois M. Bizet qui sourit, car il en connaît les noms !
M. Jean Bizet. Laissez mon subconscient tranquille, ma chère collègue ! (Sourires.)
Mme Marie-Christine Blandin. Les firmes de production et d’invention d’OGM ont proposé d’offrir des renseignements et des maquettes. Ce n’était pas gênant en soi. Le problème, c’est que le pluralisme des idées n’était pas au rendez-vous !
De même, quand AREVA présente la solution énergétique universelle, elle ne se penche pas sur le renouvellement des énergies ou sur les économies d’énergie.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous estimons que les émissions d’enquête et de culture scientifique et technique doivent rester protégées du parrainage.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 213 rectifié bis.
Mme Marie-Christine Blandin. Après le naufrage de mon amendement, je me raccroche à la bouée que constitue l’amendement de Mlle Joissains. (Sourires.) Protégeons au moins la santé publique !
Je formulerai toutefois une remarque de forme. L’amendement n° 213, si vous l’avez encore sous les yeux, mes chers collègues, était rédigé ainsi : « insérer les mots “ou de santé publique”. » L’amendement n° 213 rectifié bis, quant à lui, énonce : « Les émissions relatives à la santé publique ne peuvent être parrainées par les entreprises et les établissements pharmaceutiques visés aux articles L. 5124-1 à L. 5124-18 du code de la santé publique. » Sur le fond, j’approuve une telle disposition. Sur la forme, je rappelle que des demandes de rectification de ce type avaient été formulées par l’opposition et rejetées immédiatement, au motif qu’une rectification doit modifier une virgule, une faute d’orthographe, voire un mot, mais non pas la nature de la phrase proposée.
Je me réjouis pour vous, mademoiselle Joissains, que votre rectification ait été acceptée ; je déplore simplement qu’une plus grande sévérité pèse sur l’opposition quand elle soumet des rectifications au service de la séance.
M. le président. Madame Blandin, le service de la séance me prie de vous dire qu’il ne s’est jamais opposé à la rectification d’un amendement émanant de l’opposition. Il vous apportera toutes les justifications que vous souhaitez.
Mme Marie-Christine Blandin. J’apporterai des preuves, monsieur le président !
M. le président. La parole est à Mlle Sophie Joissains, pour explication de vote.
Mlle Sophie Joissains. Madame Blandin, la rectification apportée à l’amendement n° 213 porte véritablement sur le fond. L’amendement initial prévoyait en effet qu’aucune entreprise ne pouvait parrainer des émissions de santé publique, alors que l’amendement rectifié porte uniquement sur les entreprises intervenant dans le domaine de la santé publique. Le but est d’éviter une diminution du nombre des émissions consacrées à ces sujets.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 213 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 214 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le sous-amendement n° 267 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 30, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 231, 424, 355, 265 et 243 n'ont plus d'objet.
L’amendement n° 31, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un 3° ainsi rédigé :
3° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le cahier des charges de la société visée au I de l’article 44 précise les conditions dans lesquelles elle met en œuvre, dans des programmes spécifiques et à travers les œuvres de fiction qu’elle diffuse, sa mission de promotion de l’apprentissage des langues étrangères prévue à l’article 43-11. »
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. La commission s’est saisie de la nouvelle ambition pour la télévision publique que le projet de loi tend à ébaucher. C’est ce qui l’a conduite à proposer d’inscrire dans le cahier des charges de France Télévisions la mission de diffuser en version originale sous-titrée des œuvres audiovisuelles et cinématographiques étrangères.
Cette mesure, qui s’appuie sur la nouvelle mission de promotion des langues étrangères introduite à l’article 1er bis, a bien sûr un objectif pédagogique.
Partant du constat que les enfants passent plus de trois heures par jour devant la télévision et, souvent, devant des programmes anglo-saxons, la commission a estimé que cette activité pourrait être rendue utile si elle permettait d’améliorer la connaissance des langues étrangères.
Pour autant, cette offre de fictions en version originale serait simplement proposée, et non imposée, afin d’éviter de mettre certains types de public en difficulté. Au vu des progrès techniques, l’option multilingue sera sans aucun doute généralisée à l'ensemble des programmes de fiction diffusés dans le cadre des offres numériques.
Madame la ministre, mes chers collègues, que serait donc le service public de la télévision s’il n’offrait pas au moins un nouveau service de ce type ? Au-delà de la suppression de la publicité, il s’agit d’une question légitime que le public serait en droit de se poser.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 32, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par un 4° ainsi rédigé :
4° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le cahier des charges de la société visée au I de l’article 44 précise les conditions dans lesquelles, à compter de l’extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision sur l’ensemble du territoire métropolitain, cette société met en place les services de médias audiovisuels à la demande permettant la mise à disposition gratuite au public de l’ensemble des programmes qu’elle diffuse, à l’exception des œuvres cinématographiques et, le cas échéant, des programmes sportifs, pendant une période minimale de sept jours à compter de leur première diffusion à l’antenne. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant, pour les sociétés visées par le I de l’article 44 et par l’article 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, du sixième alinéa de l’article 48 de ladite loi est compensée par la création d’une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Cet amendement vise à rendre obligatoire la diffusion gratuite par France Télévisions de ses programmes sous la forme d’une télévision de rattrapage, sept jours après leur première diffusion à l’antenne. Il nous semble en effet capital que des programmes déjà financés par la redevance puissent être consultés gratuitement sur internet peu de temps après leur diffusion.
En définitive, la commission entend mettre en place le service public du média global.
Cette disposition permettra d’ailleurs au groupe de rajeunir son audience, le public de la télévision de rattrapage étant aujourd'hui essentiellement constitué de jeunes. Elle offre un nouveau service aux téléspectateurs, car ce projet de loi manque, selon nous, de garanties sur l’amélioration de l’offre de France Télévisions dans le cadre du développement du média global. Dans la mesure où le nouveau cahier des charges constitue un pas en avant important, il faut, nous semble-t-il, aller encore plus loin.
Par ailleurs, l’adoption de cet amendement permettrait de disposer d’un outil comparable au modèle britannique – le système iPlayer – mis en place par la BBC, qui est tout à fait remarquable : il permet en effet aux internautes connectés depuis le Royaume-Uni de visualiser gratuitement sur un ordinateur les programmes de la chaîne publique britannique, et ce sept jours après leur télédiffusion ; aujourd'hui, cette plateforme a un tel succès que les opérateurs de télécommunications ont même des difficultés à fournir la bande passante suffisante.
De son côté, ARTE a mis en place un système équivalent, dénommé « ARTE+7 », qui rencontre un réel succès.
Telles sont les raisons pour lesquelles, madame la ministre, il s’agit à nos yeux d’une disposition importante. Cela étant, nous en avons bien conscience, il convient d’envisager une mise en place différée, toujours dans la perspective d’une offre numérique effective.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Sur le fond, je suis favorable à la mise à disposition gratuite de certains des nouveaux services concernés, notamment ceux qui correspondent aux missions de service public qui sont confiées à France Télévisions.
Toutefois, je ne pense pas que ce soit à la loi de fixer un principe aussi général, car cela pourrait freiner le développement du groupe, d’autant que les services de télévision de rattrapage qui sont visés dans cet amendement sont des services nouveaux, dont le modèle économique n’est pas encore stabilisé.
Il serait donc à mes yeux quelque peu délicat de modifier la loi de 1986 pour introduire une telle disposition. La commission va d’ailleurs très loin dans les détails : en souhaitant consacrer le principe d’une diffusion gratuite des programmes « pendant une période minimale de sept jours à compter de leur première diffusion à l’antenne », elle propose en fait d’inscrire dans la loi une véritable définition de la télévision de rattrapage.
J’ajoute que France Télévisions n’aura pas nécessairement les droits permettant d’offrir, par ce biais, l’ensemble des programmes ainsi prévus.
Pour toutes ces raisons, je demande à la commission de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Madame le rapporteur, l’amendement n° 32 est-il maintenu ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Il nous paraît assez incroyable que les émissions du site internet « francetvod.fr » soient, pour une part, payantes, notamment les programmes de fiction, alors même que des chaînes de télévision privées, à l’image de M6, mettent en ligne la quasi-intégralité de leurs programmes. La série américaine Nip/Tuck est ainsi gratuite sept jours après sa diffusion sur le site « m6replay.fr », alors que la série française Nicolas le Floch est payante sur le site de France Télévisions le lendemain de sa diffusion. Si vous avez manqué Plus belle la vie hier soir sur France 3 – peut-être y a-t-il parmi vous des téléspectateurs assidus de ce feuilleton qui obtient un grand succès ! –, vous devez payer pour voir aujourd’hui cette série sur internet.
Un programme financé par la redevance est donc payé une deuxième fois par le téléspectateur qui a manqué son passage à l’antenne, sauf s’il fait partie des « heureux » abonnés à l’offre télévision d’Orange.
L’amendement de la commission nous semble donc équilibré parce qu’il laisse le temps à France Télévisions de monter sa propre plateforme de mise en ligne intégrale et gratuite de l’ensemble de ses programmes. Nous tenons à le réaffirmer, le média global doit être aussi de service public.
Cela étant, la négociation des droits pourra s’échelonner sur une période de trois ans. D’ailleurs, l’accord d’exclusivité avec Orange devrait permettre le financement d’une plateforme propre.
Pour toutes ces raisons, monsieur le président, la commission maintient cet amendement.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Nous soutenons cet amendement. Mme le rapporteur l’a souligné à juste titre, la commission prévoit un dispositif équilibré, sans toutefois mettre le couteau sous la gorge de France Télévisions en lui imposant de proposer immédiatement une telle offre.
Tout le monde le sait, la mise en place du média global nécessite à la fois du temps et des investissements. Pour France Télévisions, il s’agit en outre d’amortir, dans un premier temps, un effort considérable.
Il est somme toute logique que le service public, financé par la redevance et par une subvention publique, mette en place une telle gratuité. Il y aurait en effet un vrai paradoxe à voir, dans trois ans, le privé offrir des programmes gratuits et le public continuer à proposer un service payant. France Télévisions ferait un bien mauvais pari, y compris commercial, en ne s’engageant pas dans cette nouvelle voie.
Lorsque ARTE a instauré un dispositif analogue, le succès a été au rendez-vous : l’énorme affluence enregistrée n’a pas manqué de rejaillir très rapidement sur l’ensemble de la chaîne, en termes de renommée et, partant, d’audience. En l’occurrence, même si cela peut paraître surprenant, la gratuité produit des gains !
France Télévisions a donc tout intérêt à proposer, gratuitement, ses programmes de qualité sept jours après leur diffusion.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Transmission d’un projet de loi
M. le président. J’ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 157, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 14 janvier 2009 :
À quinze heures :
1. Suite de la discussion du projet de loi organique (n° 144, 2008-2009), adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et du projet de loi (n° 145, 2008-2009), adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Rapport (n° 150, 2008-2009) de Mme Catherine Morin-Desailly et M. Michel Thiollière, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Avis (n° 152, 2008-2009) de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission des affaires économiques.
Avis (n° 151, 2008-2009) de M. Joseph Kergueris, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
À vingt et une heures trente :
2. Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur la situation au Proche-Orient.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 14 janvier 2009, à zéro heure cinquante.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD