compte rendu intégral
Présidence de M. Bernard Frimat
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Noël Guérini,
Mme Anne-Marie Payet.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Loi de finances rectificative pour 2008 (Première lecture)
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2008, adopté par l’Assemblée nationale (nos 134, 135).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence d’Éric Woerth, retenu à Strasbourg pour le vote par le Parlement européen du budget communautaire pour 2009.
J’ai l’honneur de vous présenter, une fois n’est pas coutume, le deuxième projet de loi de finances rectificative de l’année. Il ne faut pas s’en étonner ; la crise que nous traversons appelle de notre part des réponses rapides et nouvelles à des situations sans précédent.
Nous avons apporté la démonstration de cette réactivité, une première fois, en octobre, au lendemain des événements qui ont menacé l’équilibre de notre système financier, avec le vote de la loi de finances rectificative pour le financement de l’économie. Nous en donnerons une autre preuve en vous soumettant, dès janvier prochain, un projet de loi de finances rectificative pour 2009 destiné à financer les mesures budgétaires du plan de relance de l’économie annoncé par le Président de la République.
Le collectif budgétaire pour 2008, dont nous entamons à présent l’examen, répond, lui aussi, à l’urgence de la situation. Il constitue le support de la mise en œuvre du volet fiscal du plan de relance à travers les amendements adoptés la semaine dernière à l’Assemblée nationale.
Je regrette les délais que ce choix vous laisse pour traiter ces sujets, mais je sais pouvoir compter sur votre compréhension de la situation actuelle pour mener à bien ce débat. Nécessité fait loi et, en l’occurrence, loi de finances rectificative. (Sourires.)
II s’agit de donner sans délai une traduction à l’ensemble des mesures fiscales de niveau législatif qui ont été annoncées il y a deux semaines, et dont certaines trouvent à s’appliquer dès le mois de décembre.
Ce point majeur ne constitue toutefois pas la seule ambition du collectif que je vous présente. J’en vois au moins deux autres : tout d’abord, l’ambition de maintenir le cap de la maîtrise de la dépense, qui reste au cœur de notre politique budgétaire ; ensuite, l’ambition de poursuivre la rénovation en profondeur des relations entre l’administration fiscale et les contribuables.
Commençons par les prévisions budgétaires contenues dans le projet de loi de finances rectificative.
Premièrement, la conjoncture pèse lourdement sur le déficit budgétaire en 2008, mais, malgré des conditions difficiles, nous continuons à tenir la dépense.
Le projet de loi évalue le déficit budgétaire pour 2008 à 51,4 milliards d’euros – 51,5 milliards d’euros au sortir de son examen par l’Assemblée nationale. Ce chiffre est en hausse de 2 milliards d’euros par rapport à la prévision de déficit qui avait été retenue en septembre au moment de la présentation du projet de loi de finances pour 2009 et qui avait été reprise dans la loi de finances rectificative pour le financement de l’économie. Par rapport à la loi de finances initiale, le déficit se trouve donc alourdi de presque 10 milliards d’euros, 9,7 milliards d’euros exactement.
Cette dernière révision de 2 milliards d’euros est la simple traduction de la réactualisation des prévisions de recettes fiscales depuis le début de l’automne. La détérioration de la situation économique nous conduit en effet à revoir à la baisse de 2 milliards d’euros le produit attendu des recettes fiscales. Cette baisse est essentiellement concentrée sur deux postes.
Les recettes liées à l’impôt sur les sociétés diminuent de 1 milliard d’euros compte tenu des répercussions de la crise financière et, dans une moindre mesure, du ralentissement économique sur le deuxième semestre. Seul le versement du quatrième acompte dans les deux dernières semaines du mois de décembre nous permettra de lever définitivement l’incertitude sur ces recettes, qui sont déjà, je le rappelle, particulièrement volatiles en temps normal.
M. François Marc. Sans compter le paquet fiscal !
M. André Santini, secrétaire d'État. Les recettes de la TVA baissent de 1 milliard d’euros sous l’effet d’une augmentation significativement accrue des remboursements et des dégrèvements. Une partie de cette augmentation, soit 0,6 milliard d’euros, tient en réalité à la restitution de la TVA collectée à tort sur les contributions d’exploitation versées par les régions à la SNCF au titre des transports régionaux de voyageurs.
Pour autant, l’aggravation du déficit causée par ces moindres recettes fiscales ne nous autorise pas à relâcher l’effort sur la maîtrise de la dépense.
Je mets à part les conséquences du choc d’inflation que nous avons connu en début d’année et que nous ne pourrons surmonter totalement. Je fais référence ici à l’augmentation tout à fait exceptionnelle de la charge de la dette, en particulier sous l’effet de l’indexation des obligations assimilables du Trésor indexée sur l’inflation, ou OATi, de l’ordre de 4 milliards d’euros au-delà de l’évaluation retenue en loi finances initiale.
Le collectif confirme l’objectif de maîtrise de la dépense, à l’exception de ce dépassement, qui est purement contraint.
Il assure un strict équilibre des ouvertures de crédits par des annulations de même montant : 1,1 milliard d’euros de crédits, qui sont ouverts pour assurer la couverture de besoins apparus au cours de la gestion, sont ainsi strictement compensés par 1,1 milliard d’euros de crédits annulés sur l’ensemble des missions du budget général, en priorité sur la réserve de précaution constituée au début de l’année.
Je tiens à souligner l’effort particulier que nous consacrons à la remise à niveau de certaines dotations versées aux organismes de sécurité sociale pour assurer le financement de prestations ou d’exonérations de charges sociales.
Ainsi, 0,8 milliard d’euros sont ouverts pour éviter la reconstitution d’une dette, dont l’expérience montre toute la difficulté du remboursement : 236 millions d’euros pour le financement de l’allocation aux adultes handicapés, ou AAH, 36 millions d’euros pour l’allocation de parent isolé, ou API, 94 millions d’euros pour l’aide médicale de l’État, ou AME, 100 millions d’euros pour l’aide personnalisée au logement, ou APL, 215 millions d’euros pour le remboursement des exonérations de cotisations sociales en outre-mer et, enfin, 90 millions d’euros pour les régimes de retraite de la RATP et de la SNCF.
Vous me pardonnerez la longueur de cette énumération, mais elle a le mérite de bien signifier l’importance de l’effort auquel nous nous astreignons et auquel il serait si tentant de se soustraire. La responsabilité des comptes publics ne nous permet plus de céder à cette facilité.
En complément de l’effort fait pour remettre à niveau les dotations versées à la sécurité sociale au titre de l’année 2008, nous avons souhaité procéder à un nouvel apurement de la dette anciennement constituée vis-à-vis des régimes.
Le Gouvernement poursuit ainsi l’effort engagé l’an dernier en prévoyant l’affectation du surplus du panier de recettes de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite TEPA, pour couvrir le remboursement de 750 millions d’euros de dettes anciennes. C’est notamment près de 400 millions d’euros que nous remboursons au régime des indépendants et 300 millions d’euros au régime de sécurité sociale de la SNCF.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n’abandonne rien de sa stratégie de maîtrise de la dépense publique. Ne voyez donc pas de contradiction avec les mesures que le Président de la République a annoncées il y a deux semaines, à Douai, pour répondre à la mesure des enjeux à la crise que nous connaissons.
D’un côté, il y a une volonté toujours intacte de réforme afin de rendre un meilleur service public, tout en gagnant en productivité sur les charges de personnel et tout en réduisant significativement les coûts de fonctionnement.
Tous les travaux que nous avons réalisés à l’occasion de la révision générale des politiques publiques, ou RGPP, ne sont pas devenus caducs du jour au lendemain. La programmation budgétaire pluriannuelle, alimentée par la RGPP, n’est pas davantage remise en cause dans sa recherche d’une plus grande efficacité de la dépense.
D’un autre côté, il y a aussi l’exigence d’une intervention active, adaptée et ciblée de l’État pour affronter la crise et non pour la subir.
Le plan de relance de l’économie, ce n’est certainement pas la consécration du retour à une politique de laxisme budgétaire. C’est un plan constitué de mesures à fort impact sur l’économie, ciblées sur des priorités bien identifiées et limitées dans le temps.
C’est aussi un plan fondé sur une puissante accélération de l’effort d’investissement, alors que ce dernier a été trop souvent considéré, par le passé, comme une variable d’ajustement budgétaire, sacrifiant ainsi l’avenir.
Tel est le message que je tenais à délivrer dès maintenant. Il n’y a pas de schizophrénie dans l’action de l’exécutif, car c’est bien en améliorant l’efficacité de l’État dans l’exercice au quotidien de ses missions, et en réduisant ses coûts de fonctionnement avec ténacité, que l’on parviendra à préserver sa capacité à mobiliser les moyens nécessaires en période de crise. On le voit bien d’ailleurs dans la situation d’aujourd’hui, et l’examen du prochain collectif nous donnera l’occasion d’en débattre plus largement.
Deuxièmement, la dépense reste donc fermement maîtrisée, mais ce projet de collectif s’inscrit aussi pleinement dans le soutien et la relance de l’économie, d’une part, en ne cherchant pas à compenser les moins-values de recettes et, d’autre part, en vous proposant de voter, à peine quinze jours après leur annonce par le Président de la République, les mesures fiscales dont ont besoin nos entreprises.
En dehors de l’augmentation de la charge de la dette, l’aggravation du déficit budgétaire ne fait que traduire le jeu des stabilisateurs automatiques, dans un contexte économique dégradé. Laisser diminuer les recettes fiscales avec la baisse de croissance est en soi une première réponse, rapide et puissante, à la crise.
À cet égard, la position du Gouvernement est constante : nous ne voulons pas ajouter la crise à la crise en cherchant à compenser de moindres recettes par une augmentation des prélèvements obligatoires.
Au-delà du jeu des stabilisateurs automatiques, ont été prises des mesures concrètes, qui trouvent leur traduction dans le texte transmis par l’Assemblée nationale.
Deux orientations illustrent parfaitement la cohérence du plan de relance porté par le Président de la République et par le Gouvernement.
La première concerne le soutien à l’investissement, à travers deux mesures.
D’abord, l’exonération de la taxe professionnelle sur les investissements réalisés jusqu’au 31 décembre 2009 est une mesure puissante de soutien à l’investissement, que nous mettons en œuvre sans délai, en attendant qu’une réforme de plus grande envergure de la fiscalité locale ne pénalise plus les investissements de nos entreprises.
Cette mesure touchera également les entreprises bénéficiant du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée. La baisse de la taxe professionnelle sera pour elles de l’ordre de 1 milliard d’euros. Mais elle ne pèsera sur les finances publiques qu’à partir de 2011, et son coût sera limité par rapport au dispositif actuel de dégrèvement pour investissement nouveau, qui n’était que provisoire et dégressif.
Ensuite, une seconde mesure incitant les entreprises à réinvestir est l’accélération de l’amortissement des biens acquis ou fabriqués jusqu’au 31 décembre 2009.
Il y aura une sortie de crise, qui, je l’espère, sera rapide. En tout état de cause, elle ne doit pas conduire à renoncer à préparer l’avenir. Dans cette optique, l’État accélère ses investissements et incite les entreprises à en faire autant par les deux dispositions que je viens d’indiquer.
La seconde orientation – qui est une priorité et se trouve traduite dans les amendements apportés au collectif à l’Assemblée nationale – réside dans l’accélération du remboursement aux entreprises des créances qu’elles détiennent sur l’État. Car, en temps de crise financière, la première contrainte pour l’investissement, c’est le financement.
Il est donc du devoir de l’État d’accélérer le paiement de ce qu’il doit aux entreprises. Dans cette perspective, nous allons leur permettre de bénéficier, à titre exceptionnel, d’un remboursement accéléré du crédit d’impôt recherche. Elles pourront ainsi se voir restituer en 2009 les créances de crédit d’impôt recherche au titre des années 2005, 2006 et 2007, soit trois années.
Concrètement, ce remboursement immédiat bénéficiera à près de 5 000 entreprises, dont plus de 90 % des PME, notamment dans les secteurs des services et de l’industrie.
Les entreprises qui sont en situation de carry back, c’est-à-dire déficitaires, mais avec un crédit d’impôt sur les sociétés, dû à leurs versements d’impôt sur les sociétés passés, pourront aussi se voir rembourser en 2009 cette créance.
Par ailleurs, toutes les entreprises qui estiment avoir versé trop d’acomptes en 2008 au vu de leur résultat fiscal pourront demander le remboursement du trop versé dès le début de l’année 2009, sans attendre la déclaration du mois d’avril. J’ajoute que nous réduirons aussi les délais de remboursement des crédits de TVA, en permettant à toutes les entreprises d’opter pour le remboursement au mois le mois.
En outre, des instructions ont été données aux services fiscaux et aux URSSAF pour qu’ils fassent preuve de la plus grande bienveillance à l’égard des entreprises qui connaissent actuellement des difficultés de trésorerie.
Dans cette même perspective, il est prévu d’aller plus loin en assouplissant les règles qui prévalent pour l’inscription et la publicité du privilège du Trésor, ce qui fait l’objet d’un article du texte qui vous a été transmis.
J’ai mis en avant, à dessein, les mesures visant à soutenir la compétitivité de nos entreprises. Nous n’oublions pas pour autant les ménages, avec le doublement du prêt à taux zéro, qui viendra conforter les projets d’accession à la propriété de nos concitoyens, tout en soutenant un secteur du logement aujourd’hui en difficulté.
Les autres mesures, concernant par exemple la prime de solidarité active ou l’augmentation du budget de l’emploi, vous seront proposées dans le collectif de janvier.
Troisièmement, outre les mesures fiscales en faveur de la relance, le projet de collectif comprend une série de dispositions organisées autour de la lutte contre la fraude et de l’amélioration des relations entre le fisc et le contribuable.
La crise ne doit pas nous conduire à renoncer à poursuivre la modernisation de notre système fiscal. L’actualité nous l’a montré, la lutte contre la fraude fiscale passe par de nouvelles mesures contre la fraude organisée à travers les paradis fiscaux.
Or, notre arsenal juridique n’est pas en mesure de nous offrir, aujourd’hui, les moyens de poursuivre les grands fraudeurs. Nous allons donc alourdir les sanctions pour non-déclaration de comptes, en particulier dans les paradis fiscaux, et allonger la durée de prescription pour les revenus éludés via ces pays.
Notre politique en la matière n’est pas pour autant exclusivement construite autour du volet répressif. Elle recherche une plus grande efficacité de l’action conduite contre ceux qui veulent se soustraire au paiement de la contribution à la collectivité, mais elle sait aussi faire confiance aux contribuables de bonne foi, qui sont les plus nombreux.
C’est bien cet équilibre qui transparaît dans le présent collectif, quand il met en regard des mesures de lutte contre la fraude tout un volet visant à renforcer la sécurité juridique des contribuables.
Un certain nombre de ces propositions sont inspirées du rapport remis par Olivier Fouquet, ancien président de la section des finances au Conseil d’État. Je citerai notamment la refonte de la procédure de l’abus de droit, qui constitue un point d’équilibre entre la recherche de la sécurité juridique et la nécessité de lutter efficacement contre les montages fiscaux abusifs.
Nous avons, par exemple, cherché à mieux hiérarchiser l’application des pénalités en appréciant le degré de participation des acteurs du montage abusif.
L’élargissement de la composition du comité consultatif de répression des abus de droit à des professionnels du droit est également un progrès. Le comité pourra compter sur l’expertise de représentants des professions concernées, c'est-à-dire les avocats, les notaires ou encore les experts comptables.
Une autre grande innovation réside également dans la mise en place, pour trois ans, à titre expérimental, d’un contrôle à la demande des déclarations de successions et de donation. Les contribuables pourront demander à l’administration de valider leur calcul des droits dus. À défaut de contrôle dans le délai d’un an, ce calcul ne pourra plus être remis en cause.
Enfin, nous élargissons le champ du rescrit fiscal, notamment pour ce qui concerne la valorisation des entreprises en cas de transmission, les questions de recouvrement de l’impôt, ou bien encore la qualification des revenus – commerciaux ou non commerciaux – des professions libérales.
Toutes les améliorations à apporter ne relèvent d’ailleurs pas de la loi : il faut également changer les pratiques de l’administration fiscale.
En particulier, une expérimentation de ce qu’on appelle la « garantie fiscale » sera conduite dans une vingtaine de brigades de vérification en 2009. Le principe est simple : les vérificateurs doivent s’engager sur tous les points vérifiés, et pas seulement sur ceux qui ont donné lieu à redressement.
C’est aussi toute une révolution culturelle que de demander aux services fiscaux de signaler les erreurs que les contribuables ont commises à leurs dépens, et pas seulement les erreurs en faveur du Trésor ! Pour conforter cette évolution, nous mettrons en place un suivi précis de cette nouvelle partie de l’activité des vérificateurs.
J’aimerais conclure par une rapide mise en perspective de notre politique budgétaire.
Du côté des dépenses, nous restons fermes, plus que jamais et sans la moindre ambiguïté, sur la maîtrise des coûts de fonctionnement. Dans un contexte de crise, nous accélérons les seules dépenses d’investissement, qu’on sait pouvoir engager très vite pour soutenir l’activité dans les mois à venir.
Du côté des recettes, nous laissons jouer les stabilisateurs automatiques, là aussi sans la moindre ambiguïté, et nous ciblons l’effort sur deux types de mesures : premièrement, celles qui ont un fort effet de levier sur l’investissement et sur l’emploi, et deuxièmement celles qui, en complément, ont pour effet d’améliorer la trésorerie des entreprises, car nous voulons tout faire pour éviter que des entreprises fondamentalement saines n’aient à souffrir des conséquences de la crise financière.
Je sais pouvoir compter sur votre esprit de responsabilité sur toutes les travées pour examiner ce texte sans polémique inutile. Nous avons eu un débat de qualité au mois d’octobre pour nous donner les moyens de répondre spécifiquement à la crise financière. Nous aurons, à n’en pas douter, un débat tout aussi constructif pour répondre aux effets de cette crise sur l’ensemble de notre économie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce collectif budgétaire est long et complexe. J’espère donc que nous n’ajouterons pas trop à sa longueur et à sa complexité !
Il n’en reste pas moins que l’exercice comporte nécessairement différents aspects. Le premier est directement budgétaire : il s’agit de faire le point de l’exécution et des perspectives d’exécution, à quelques jours de la fin de l’année. Le second est d’ordre législatif ; il recouvre plusieurs cas de figure.
Il y a d’abord – M. le secrétaire d’État l’a rappelé – des dispositions en cours d’élaboration depuis un certain temps. Dans ce cas, le recours au collectif budgétaire peut être de bonne gestion. Je pense – je prends un exemple déjà cité – en matière de procédure fiscale à la redéfinition de l’abus de droit, pour lequel nous sommes en mesure de prendre des décisions, sur la base des travaux très sérieux de la commission Fouquet.
Il y a ensuite, de façon analogue, et comme il est d’usage, une série de sujets ayant été abordés lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, que ce soit en première partie ou à propos des articles non rattachés de la seconde partie. Des rendez-vous ont été pris avec le Gouvernement. Certains ont été honorés : la concertation nécessaire a pu avoir lieu, des solutions ont été trouvées et sont entérinées dans le projet de loi de finances rectificative. Mais d’autres ne l’ont pas été, pour des raisons diverses, auquel cas, très légitimement, les auteurs réitèrent leur demande dans le cadre de ce collectif.
Enfin, il se présente, comme toujours, des dispositions plus novatrices, moins préparées et auxquelles il n’est pas toujours simple de réagir, monsieur le secrétaire d’État. (Sourires.)
Je me permets de le dire, car les amendements puisés à bonne source seront nombreux dans l’exercice habituel que constitue le collectif de fin d’année.
Tantôt on peut s’attendre à ce qui est proposé, tantôt moins. Par conséquent, j’espère que vous n’en voudrez pas à la commission des finances d’être quelque peu sélective, c'est-à-dire de signifier au Gouvernement, ou aux différents auteurs d’amendements, ou encore au Gouvernement par l’intermédiaire des auteurs d’amendements, que les dispositions proposées ne nous semblent peut-être pas toujours suffisamment mûries, qu’elles posent d’autres problèmes, qu’elles ne sont pas complètement arbitrées ou bien, tout simplement, que le temps nous manque pour faire un travail sérieux sur tel ou tel point.
Aussi la commission des finances – n’en soyez pas surpris – s’efforcera-t-elle de porter toute sa vigilance sur ce texte, sachant que les collectifs budgétaires, et peut-être davantage encore cette année, sont souvent les textes de tous les dangers. La tentation est grande d’y traiter les sujets les plus divers, qui plus est à une période de l’année où le temps parlementaire se fait rare avant la fin de l’exercice budgétaire.
Mais, parmi les mesures qui nous sont soumises, figure surtout une grande partie du plan de relance annoncé le 4 décembre à Douai, notamment ses aspects budgétaires les plus significatifs.
Ce plan de relance vise très largement à permettre d’accélérer les versements aux entreprises, ou de concrétiser des ressources de trésorerie qui devraient faciliter la résistance à la crise du tissu économique et sa réactivité par rapport à la situation dans laquelle nous sommes.
Les dispositions mises en œuvre par le présent projet de loi de finances rectificative représentent, à ce titre, plus de 10 milliards d’euros, tout particulièrement dans le domaine de la fiscalité des entreprises.
Nous reviendrons sur le plan de relance dans les toutes premières semaines de l’année 2009, monsieur le secrétaire d’État, plus spécialement en ce qui concerne le financement des infrastructures.
Dans la situation que nous connaissons actuellement, le plan de relance me paraît être bien calibré.
Mme Nicole Bricq. Nous verrons !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Reposant pour l’essentiel sur la dette et acceptant, selon le modèle keynésien, un approfondissement du déficit en phase basse du cycle économique, ce plan de relance, qui conduira notre pays - et plus largement encore le secteur public – à s’endetter davantage, fera apparaître ce que j’oserais qualifier « une bonne dette ». (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Cette distinction entre bonne dette et mauvaise dette est peut-être facile,…
Mme Nicole Bricq. Non !
M. Philippe Marini, rapporteur général. …mais elle a le mérite de mieux visualiser les choses.
La « bonne dette » – tout est relatif – est consacrée au financement des infrastructures, des investissements physiques qui, au rythme des amortissements, seront remboursés. Elle peut également financer des acquisitions d’actifs financiers que l’on est susceptible de rétrocéder, espérons-le, avec des plus-values le moment venu.
La « mauvaise dette » est celle qui finance les fins de mois, les charges de fonctionnement, les salaires, les dépenses non amortissables.
Dans le plan de relance, le financement des infrastructures, les mesures de trésorerie permettant à des agents économiques, entreprises et collectivités territoriales, d’investir et de faire face aux besoins de l’activité, ainsi que la répartition, les proportions, sont conformes à ce que la commission des finances peut souhaiter en pareille conjoncture.
Le plan de relance, pour les aspects qui sont inclus dans le projet de loi de finances rectificative pour 2008, est conforme aux principes qui ont été rappelés par le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, Joaquin Almunia : « Le stimulus budgétaire doit être ciblé, rapide et temporaire ». L’application de ces principes donne lieu à toute une série de mesures que nous allons être appelés à approuver très largement, du moins je l’espère, dans ce collectif budgétaire. (M. François Marc s’exclame.)
En tout état de cause, soyons-en tous bien conscients, la question de la soutenabilité des déficits publics pour l’avenir ne manquera pas de se poser.
Pour l’année 2008, la prévision de déficit de l’État est à présent de 51,4 milliards d’euros, contre 41,2 milliards d’euros en loi de finances initiale et 49,4 milliards d’euros lorsque nous avons examiné, à la fin du mois d’octobre, la loi de finances rectificative pour le financement de l’économie.
Nous connaissons les causes de ces écarts : des charges financières supérieures de 4 milliards d’euros, des recettes fiscales inférieures de 7 milliards d’euros, une légère amélioration du solde des comptes spéciaux du Trésor de 600 millions d’euros.
La norme de dépense est donc respectée, monsieur le secrétaire d’État, sauf pour les 4 milliards d’euros de surcoût des charges financières non compensées par la suppression ou le freinage d’autres dépenses.
Voilà, mes chers collègues, l’essentiel des considérations d’ordre général que je voulais vous livrer au début de la discussion de ce dernier texte financier de l’année.
Nous savons bien que l’économie – mondiale, européenne, française – est plongée dans l’incertitude. On a besoin de signaux favorables ; le plan de relance annoncé à Douai peut jouer ce rôle. Nous aurons à nous prononcer sur ce point et à aborder les aspects complémentaires dans le courant du mois de janvier, mes chers collègues.
Avant de conclure, je voudrais prendre trois exemples pour illustrer ces incertitudes.
Nous étions inquiets lorsque le cours du pétrole était très élevé ; aujourd’hui, c’est le spectre de la déflation qui nous préoccupe, compte tenu du ralentissement de l’activité dans de nombreux pays avec un marché pétrolier déprimé.
On se plaignait du maintien à un niveau que l’on estimait trop élevé des taux d’intérêt de la Banque centrale européenne ; ils sont actuellement fixés à un niveau historiquement bas et l’on se plaint toujours.
S’agissant des finances publiques et de la dette, celles et ceux qui intervenaient pour solliciter toujours plus de dépense publique vont sans doute se plaindre de l’utilisation du déficit comme une arme de politique économique dans une phase très ingrate du cycle de l’économie.