Mme Nicole Bricq. Il n’y a pas de marges de manœuvre ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le Gouvernement s’efforce à mon avis opportunément de dégager de manière imaginative des marges de manœuvre en cette période de grandes incertitudes.
Tels sont les grands traits que j’ai souhaité faire ressortir avant d’aborder, dans des limites de temps que j’espère acceptables, cet « inventaire à la Prévert » de fin d’année qu’est traditionnellement le projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles s’est saisie pour avis de trois dispositions du projet de loi concernant le soutien à l’industrie cinématographique, le mécénat et la redevance audiovisuelle.
La commission a examiné tout d’abord l’article 42 septies. Adopté par l’Assemblée nationale, avec l’avis favorable du Gouvernement, cet article vise à reconduire pour trois ans l’avantage fiscal lié à l’investissement dans les sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle, les SOFICA
Je vous rappelle que ce dispositif fiscal permet de collecter des fonds privés en vue de financer la production cinématographique et audiovisuelle. Or il arrive à échéance le 31 décembre 2008 ; il paraît donc nécessaire d’en prolonger l’application. Il a un coût stable et relativement modeste par rapport à l’ampleur de ses retombées positives sur la production indépendante.
En 2009, l’objectif sera de consolider l’efficacité d’un dispositif d’aide fiscale majoritairement orientée vers la production indépendante. Je précise que le minimum réglementaire d’investissement pour chaque SOFICA dans la production indépendante est de 35 %, mais que nombre d’entre elles s’engagent bien au-delà. Ainsi, en 2007, en moyenne, 60,3 % des fonds placés l’ont été sur des investissements indépendants.
Par conséquent, sous réserve d’un amendement de précision que je vous présenterai tout à l’heure, la commission est favorable à l’adoption de cet article.
La commission a ensuite examiné l’article 44, qui vise à traduire dans les faits l’une des propositions du « plan de renouveau pour le marché de l’art français », présenté par la ministre de la culture à la suite de la mission confiée à Martin Béthenod.
Il s’agit notamment d’étendre aux entreprises individuelles et aux professions libérales le bénéfice de l’avantage fiscal pour l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants ou d’instruments de musique. Ce dispositif de mécénat impose aux entreprises, en contrepartie, d’exposer l’œuvre « dans un lieu accessible au public et aux salariés, à l’exception de leurs bureaux », ou encore de s’engager à prêter l’instrument de musique à un artiste-interprète.
L’Assemblée nationale est revenue sur cette disposition, sur l’initiative de son rapporteur général. Elle a également encadré de façon plus stricte l’obligation d’exposition de l’œuvre au public, remettant ainsi en cause un assouplissement adopté en 2005 sur proposition du Sénat.
Notre commission s’est interrogée, de même, sur l’opportunité de ces mesures, dans le contexte budgétaire et économique actuel, mais aussi au regard de leur incidence réelle en termes de soutien à la création et à la diffusion des œuvres, dans l’intérêt général des artistes et du public.
C’est pourquoi elle a proposé de supprimer cet article, estimant que les dispositions permettant une relance du marché de l’art méritent de faire l’objet d’un examen plus approfondi. Il importe de soutenir le dynamisme d’un secteur qui a une importance majeure pour notre économie culturelle, mais également de veiller à l’utilité et à la pertinence de la dépense publique.
La commission a enfin souhaité donner un avis sur l’article 44 bis tendant à indexer la redevance audiovisuelle sur l’inflation prévue.
L’indexation de la redevance audiovisuelle sur l’inflation était initialement prévue à l’article 19 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Elle a été introduite dans le présent projet de loi par un amendement de M. Patrice Martin-Lalande, en raison de la longueur des débats sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle à l’Assemblée nationale. L’objectif est de garantir, dès 2009, une recette supplémentaire pour France Télévisions.
Cette indexation de la redevance est une mesure défendue de longue date par votre commission des affaires culturelles. Nous pouvons à cet égard rendre hommage à MM. Jacques Valade, ancien président de la commission, et Louis de Broissia, ancien rapporteur du budget des médias, qui proposaient cette mesure depuis 2004, afin d’assurer le financement pérenne de France Télévisions.
Leur seul tort est d’avoir eu raison avant tout le monde !
On ne pouvait pas s’étonner que le service rendu par les télévisions publiques ne soit pas amélioré alors que le montant de la redevance stagnait depuis 2001. On ne pouvait pas non plus regretter que les chaînes publiques ne parviennent pas, comme la BBC, à réaliser des productions et des programmes de très grande d’envergure alors que le montant de la redevance française est inférieur de plus de 80 euros à la redevance britannique. Nous étions en plein paradoxe et chacun en a aujourd’hui pris conscience.
Cette prise de conscience est vécue avec d’autant plus d’acuité que les télévisions, notamment publiques, sont confrontées à court terme à des défis majeurs tels que le passage à la haute définition et la mise en place de services audiovisuels innovants, notamment les services à la demande.
Quant à la suppression de la publicité sur le service public audiovisuel après vingt heures, entérinée par le conseil d’administration de France Télévisions mardi dernier, si c’est une chance historique pour améliorer les programmes et renforcer la distinction entre chaînes publiques et privées, elle impose, de manière encore plus urgente, l’indexation de la redevance ; chacun en prend aujourd’hui la pleine mesure.
Je rappelle à notre Haute Assemblée que la Commission pour la nouvelle télévision publique a évalué les besoins de financement supplémentaires de France Télévisions pour 2009 à 650 millions d’euros.
Les pertes de recettes publicitaires ont été estimées à 450 millions d’euros.
Les coûts de mise en place de l’entreprise unique et de son modèle de développement, le media global, ont été chiffrés, quant à eux, à 200 millions d’euros annuels, sans que soit prise en compte l’incidence financière des programmes supplémentaires remplaçant le temps de publicité supprimé.
Pour l’instant, le financement est le suivant. Un montant de 450 millions d’euros est budgété dans le projet de loi de finances pour 2009 pour compenser la suppression de la publicité et est donc garanti pour France Télévisions.
Le législateur a pris ses responsabilités et la commission des affaires culturelles s’en est félicitée lors de l’examen du budget relatif aux médias. Le débat sur la compensation pour l’État de cette dépense aura lieu au mois de janvier.
L’indexation à partir de 2009 permettra, par ailleurs, de dégager 40 millions d’euros de recettes supplémentaires. Ce choix est cohérent avec le souhait d’assurer un financement pérenne et dynamique au groupe France Télévisions.
Nous sommes cependant bien loin des 200 millions d’euros nécessaires pour le développement du groupe. Ne nous voilons pas la face, les économies réalisées grâce aux synergies de l’entreprise unique, qui sont par ailleurs essentielles, ne permettront pas à court terme de donner à France Télévisions le nouvel élan que nous appelons de tous nos vœux.
Si nécessaire soit-elle, l’indexation de la redevance n’est donc pas suffisante.
C’est la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles a réfléchi, sans tabou, à l’actualisation et à la modernisation de l’assiette et du taux de cette redevance.
Elle est parvenue à la conclusion que, dans le cadre du présent projet de loi et en attendant éventuellement des mesures plus ambitieuses, l’important était de donner un coup de pouce à la redevance, d’une part, en relevant légèrement son montant, d’autre part, en permettant qu’il soit arrondi à l’euro supérieur après indexation.
Ces mesures permettront de dégager 40 millions d’euros supplémentaires en 2009 au bénéfice de tous les téléspectateurs soucieux d’avoir accès à une véritable télévision de service public.
Je constate d’ailleurs qu’une porte s’ouvre, puisque le Premier ministre a admis, ce matin, sur les ondes radiophoniques, la nécessité d’une réflexion sur la modernisation de cette redevance.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est encourageant !
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. La commission a donc émis un avis favorable sur l’article 44 bis, sous réserve de l’adoption de ces deux amendements, que je vous présenterai lors de la discussion sur l’article. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, au même titre que la commission des affaires culturelles dont la position vient d’être exprimée par Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis, la commission des affaires économiques a souhaité se saisir de l’article 44 bis.
Cet article n’est autre que l’article 19 du projet de loi initial du Gouvernement relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, consacré à la redevance. C’est donc l’article pivot concernant le financement notamment de la télévision publique en France. Pour les raisons que l’on sait, notamment à la suite du retard pris dans le déroulement des débats à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a retiré cet article 19 pour l’insérer dans le présent collectif budgétaire, où il est devenu l’article 44 bis.
Si la commission des affaires économiques s’est saisie de cette question, c’est parce que le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle fait porter aux opérateurs de télécommunications et aux fournisseurs d’accès à internet – domaine qui relève du champ de compétences de la commission des affaires économiques – l’essentiel de la charge du financement de la compensation des 450 millions d’euros qui manqueront à l’audiovisuel public du fait de la suppression de la publicité après vingt heures. Autrement dit, cette somme sera compensée à hauteur de 85 % par une taxe de 0,9 % applicable aux opérateurs de télécommunications.
Comme elle s’en expliquera lors de l’examen par le Sénat, début janvier, du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle, la commission des affaires économiques a été quelque peu heurtée par le fait qu’il existait très peu de liens entre l’activité, le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunications et des fournisseurs d’accès, d’une part, et les images diffusées par France Télévisions, d’autre part.
Sur les 42 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisés par les opérateurs de télécommunications et fournisseurs d’accès à internet, 37 milliards d’euros correspondent aux services de messagerie SMS – short message service –, à la téléphonie fixe, à la téléphonie mobile, c'est-à-dire à des activités qui n’ont strictement rien à voir avec l’image, avec la télévision publique, alors que seulement 5 milliards d’euros, donc une part très faible, résultent des activités audiovisuelles.
Pour autant, ces opérateurs participent, par le biais du compte de soutien à l’industrie des programmes, ou COSIP, au financement de la création audiovisuelle et cinématographique, et s’acquittent déjà de leurs droits en la matière.
Il nous a donc semblé curieux qu’une réforme, au demeurant souhaitable et bonne, visant à diminuer progressivement la dépendance de l’audiovisuel public de la publicité et de la pression de l’audimat, débouche sur une taxe de 0,9 % qui, loin d’être infinitésimale, comme elle aurait dû l’être, représente près de 7 % des investissements annuels de ces opérateurs.
C’est pourquoi la commission des affaires économiques vous proposera, lors de l’examen du projet de loi sur la communication audiovisuelle, des amendements visant à revenir à la proposition qui avait été faite par la commission « Copé », c'est-à-dire à une taxe de 0,5 % sur les opérateurs de télécommunications et des fournisseurs d’accès, afin de la ramener à un niveau plus normal, plus juste – dans l’injuste !
Cela étant, dans la perspective d’une modification profonde du financement de l’audiovisuel public impliquant, notamment, la disparition complète de la publicité à partir de 2012 du compte d’exploitation de France Télévisions, la redevance doit rester, selon nous, une ressource dynamique, pivot du secteur audiovisuel public. Le montant de la redevance est moins élevé en France que chez nos partenaires européens ; il est inférieur en moyenne de 45 euros.
C’est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques a souhaité émettre un avis et s’associer, si j’ose dire, aux initiatives de la commission des affaires culturelles visant à actualiser et à indexer la redevance sur le taux de l’inflation, ainsi que l’Assemblée nationale l’a voté, afin de regagner la perte enregistrée en 2008 et de faire de cette redevance une recette véritablement dynamique à l’avenir. C’est une question fondamentale à nos yeux. Tel est le premier point.
J’aborderai à présent un deuxième aspect, concernant l’article 30 de ce collectif budgétaire.
Au-delà du grand respect et de la profonde estime que je porte à notre rapporteur général, Philippe Marini, je dois dire que je suis gêné par son amendement visant à instituer l’obligation de transmission à l’administration fiscale des informations détenues par les grandes plateformes de e-commerce dès lors qu’une personne se livrant à des opérations de vente ou de prestations de service en ligne réalise, par ce biais, plus de douze transactions et un chiffre d’affaires de 5 000 euros au cours de l’année civile.
À en juger par les textes dont nous sommes saisis, par exemple le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet et l’instauration de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, l’HADOPI, mais aussi le projet de loi sur la communication audiovisuelle, chacun d’eux fournit systématiquement l’occasion de « taper » sur le numérique. Contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, où M. Obama inscrit le développement du numérique au cœur de son plan de relance, en France, soit nous créons des taxes, soit nous imposons des contraintes à ce secteur.
Permettez-moi d’insister sur le fait que le numérique représente un espace de liberté. Internet constitue un formidable gisement de croissance et d’emplois et offre des perspectives prometteuses pour nombre d’activités.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est la dérégulation totale !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il ne faut pas que ce soit un formidable moyen d’évasion fiscale !
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Or, à cet égard, l’amendement pose plusieurs problèmes.
Tout d’abord, il soulève un problème de droit. En effet, à l’exception du cas dérogatoire du piratage, où il a été admis – mais l’Assemblée nationale ne s’est pas encore prononcée – qu’une transmission des données personnelles pouvait avoir lieu sans la couverture du juge, en l’occurrence, cet amendement vise à transmettre des données de façon massive à l’administration fiscale sans le contrôle du juge. C’est une entorse à notre édifice juridique sur le droit du numérique.
Ensuite, cet amendement pose aussi un problème de rupture d’égalité de traitement. Si je vends une voiture d’occasion et une douzaine de livres sur internet, j’entrerai dans le champ d’application de la disposition, alors que, si je passe des annonces sur n’importe quel support écrit gratuit pour vendre les mêmes biens la même année, je ne serai soumis à aucune contrainte de ce type. Cet amendement introduit donc une discrimination entre le e-commerce et le commerce traditionnel.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le rapporteur pour avis ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l’autorisation de l’orateur.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pardonnez-moi, monsieur le président, d’anticiper sur la discussion, très prometteuse, de cet amendement.
L’intention de la commission des affaires économiques est de poser le problème que je formule de la façon suivante, et je suppose que nous ne serons pas en contradiction, à cet égard. Le numérique est de plus en plus important et il va se substituer à beaucoup de transactions traditionnelles.
L’approche de la commission des affaires culturelles sur la redevance est de même nature que notre approche sur le e-commerce. Elle consiste à dire que, les supports se transformant, la technologie étant très évolutive, il faut que le droit et la fiscalité suivent cette évolution.
On ne peut pas imaginer que des personnes deviennent quasiment des professionnels de la vente sur internet et échappent à toute déclaration, toute fiscalité et toute charge. On ne peut pas l’imaginer. Tel est le message que nous avons voulu transmettre.
Je tenais à le souligner pour que ceux qui nous entendent, très attentifs à ce débat, ne se méprennent pas sur les intentions de la commission des finances.
Merci, monsieur le rapporteur pour avis, d’avoir bien voulu accepter cette interruption trop longue.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous sommes dans la discussion générale et que nous ne sommes pas encore arrivés à l’examen des amendements.
Cela dit, veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Monsieur le président, je vais conclure.
Il ne s’agit nullement de demander une dérogation en faveur du e-commerce et de faire échapper le domaine de l’internet à un certain nombre de règles. Nous avons d’ailleurs voté, mes chers collègues, une disposition essentielle relative au statut de l’auto-entrepreneur, donnant des garanties aux vendeurs de e-commerce et permettant d’enrayer d’éventuelles évasions fiscales.
Vous le voyez, monsieur le rapporteur général, je ne conteste aucunement vos propos. Il n’est pas question dans mon esprit de faire d’internet une zone de non-droit.
En revanche, internet ne mérite pas de se voir imposer des dispositifs discriminatoires. Le numérique est un domaine très important, sans frontières. Si la France, contrairement à ses voisins, impose de telles règles, ce champ prometteur, y compris en ce qui concerne nos recettes fiscales, s’évadera de toute façon et nos plateformes se déplaceront en Irlande, ou ailleurs.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nos plates-formes sont au Luxembourg, monsieur Retailleau !
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Tel est le débat sur lequel je tenais à attirer votre attention. Nous pourrions travailler sur ce sujet et trouver en séance un terrain d’entente. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je m’exprimerai au nom de la commission des affaires sociales et je m’appuierai sur certaines réflexions conduites par la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS.
Comme chaque année, nous analysons les comptes et les équilibres financiers.
L’année dernière, la commission des affaires sociales s’était saisie pour avis du collectif budgétaire, adoptant une position symétrique à celle de la commission des finances à l’égard de la commission des affaires sociales puisque notre collègue Jean-Jacques Jégou, toujours avec beaucoup de pertinence et de sagacité, est intervenu pour avis, au nom de la commission des finances, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Nous récidivons cette année, d’autant que le Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État, propose de nouvelles ouvertures de crédits sur des lignes de dépenses destinées à la sécurité sociale. J’ignore si M. Santini est devenu un spécialiste de la sécurité sociale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. M. Santini connaît tout ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. En tout cas, il est, je le sais, un éminent spécialiste de la fonction publique, qu’il défend avec beaucoup de talent et de compétence au sein du Gouvernement.
En ce qui concerne la sécurité sociale, nous essayons ensemble, commission des affaires sociales et commission des finances, de régler les problèmes qui se posent entre nous en raison d’un mélange des genres ! En effet, certains crédits sont inscrits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et d’autres crédits, dans le projet de loi de finances. Il nous faut donc tâcher de trouver un bon équilibre entre ces deux textes.
Cette année, le collectif prévoit un certain nombre d’affectations, notamment l’affectation des excédents du panier de recettes destinés à assurer la compensation des allégements de charges au titre des heures supplémentaires.
Par ailleurs, il prévoit des ouvertures de crédits pour l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, l’aide médicale de l’État, l’AME, et l’allocation de parent isolé, l’API, qui voient leurs dotations progresser de manière non négligeable. Ainsi, la dotation de l’AAH augmente de 236 millions d’euros, celle de l’AME de 94 millions d’euros et celle de l’API de 36,5 millions d’euros.
Selon les informations recueillies par la commission des affaires sociales, ces sommes correspondent à peu près à ce qui serait nécessaire pour assurer la couverture de la totalité des besoins. Quoi qu’il en soit, elles sont moins élevées que les ouvertures de l’année dernière pour ces mêmes dotations : cela montre que M. Éric Woerth, en qualité de ministre des comptes publics, a bien respecté les engagements pris par le Gouvernement devant le Sénat.
Pour l’AAH, les ouvertures prévues dans ce collectif budgétaire ne sont, pour l’essentiel, que la conséquence de la revalorisation de 3,9 % de cette allocation.
Pour l’API, les ouvertures sont cinq fois moins importantes que l’année dernière, ce qui démontre que le Gouvernement a visé de manière beaucoup plus juste que l’année précédente.
Quant à l’AME, le ministre des comptes publics pourrait mieux faire ! Cette année, les besoins de l’exercice 2008 seront réglés en ajoutant un crédit de 94 millions d’euros, mais les insuffisances de 2007, à hauteur de 300 millions d’euros, restent pendantes. Cette dette s’étant reconstituée, quelles sont les intentions du Gouvernement ? Nous espérons une réponse à cette question, non à l’occasion du collectif budgétaire, puisque les moyens ne le permettent pas, mais lors d’un prochain examen budgétaire.
En ce qui concerne les exonérations ciblées, nous constatons des insuffisances essentiellement sur le budget de l’emploi et de l’outre-mer. Je rappelle que les années 2005 et 2006 se sont terminées avec un manque proche de 1 milliard d’euros. Au titre de l’année 2007, cette insuffisance s’est reconstituée à hauteur 1,5 milliard d’euros.
Pour 2008, les dotations initiales ont été, une nouvelle fois, sous-évaluées. Le collectif prévoit 215 millions d’euros au titre de la mission Outre-mer, soit plus de 20 % des crédits initiaux.
En revanche, monsieur le secrétaire d'État, j’appelle l’attention de vos collaborateurs sur le fait que ce collectif ne prévoit aucune ouverture sur la mission Travail et emploi. Il manquera 900 millions d’euros, ce qui, vous en conviendrez, n’est pas négligeable. Que comptez-vous faire, monsieur Santini, pour combler cette dette ? Je suppose que M. Éric Woerth a dû vous briefer sur le sujet et que vous saurez nous apporter une réponse sur ce point.
Une dernière ouverture mérite enfin d’être signalée : 106 millions d’euros sont consacrés à la mission Régimes sociaux et de retraite, notamment afin d’assurer l’équilibre du régime de retraite de la RATP en raison du report de l’adossement de ce régime au régime général, sujet que suit mon collègue Dominique Leclerc. Où en est également le Gouvernement sur ce dossier ?
J’en viens à la compensation des allégements de charges sociales au titre des heures supplémentaires, issus de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, la fameuse loi TEPA.
Ceux-ci, vous le savez, mes chers collègues, comme d’ailleurs les allégements dits « Fillon », sont compensés non par des crédits budgétaires, mais par l’affectation d’un certain nombre de taxes et recettes fiscales, conformément à l’article 1er de la loi TEPA.
L’article 7 du présent collectif vise à ajuster ce « panier de recettes », qui comprend une partie du produit de la taxe sur les véhicules de société, la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés et la TVA perçue sur les producteurs de boissons alcoolisées.
Le rendement de ce panier est supérieur aux besoins de compensation. Il devrait rapporter près de 1 milliard d’euros de plus que les pertes de ressources effectivement subies par la sécurité sociale.
Le Gouvernement a donc proposé de réduire le champ du panier de recettes. Est ainsi prévu à l’article 7 le remboursement d’une partie des dettes de l’État à l’égard des caisses et des régimes autres que le régime général, notamment le régime social des indépendants, ou RSI, et le régime de retraite de la SNCF.
Cela correspond à l’engagement pris par M. Éric Woerth devant le Sénat lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui avait annoncé qu’environ 1 milliard d’euros serait honoré au titre de cette dette constituée au fil du temps.
Après ces apurements, subsistera une dette de 536 millions d’euros à l’égard du régime agricole ainsi qu’une dette de 2,9 milliards d’euros à l’égard du régime général, dont 1,7 milliard d’euros au titre de 2007 et 1,2 milliard d’euros au titre de 2008.
Comment, monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement envisage-t-il d’assainir définitivement ces dettes ? Cette question est un préalable clairement identifié comme tel dans le projet de loi de programmation des finances publiques que nous avons examiné le mois dernier.
Nous nous félicitons du fait que ce collectif permette d’apporter les précisions nécessaires pour que la Cour des comptes puisse lever les réserves qu’elle a exprimées au moment de la certification des comptes de 2007 du régime général.
Au total, le collectif pour 2008 témoigne clairement du souci du Gouvernement d’améliorer les relations financières entre l’État et la sécurité sociale, et ce malgré un contexte budgétaire assez difficile.
Nous devons toutefois demeurer vigilants, en particulier afin que la compensation des exonérations ciblées soit mieux évaluée dès le projet de loi de finances initiale et systématiquement remise à niveau en fin d’exercice.
Nous devons, enfin, éviter qu’une dette de l’État envers la sécurité sociale ne se reconstitue.
Quoi qu’il en soit, la commission des affaires sociales a considéré qu’elle pouvait émettre un avis favorable sur le projet de loi de finances rectificative pour 2008, sous réserve de l’adoption de cinq amendements qu’elle a déposés.
Il s’agit, d’abord, d’un amendement de précision à l’article 7.
Il s’agit, ensuite, de rétablir deux mesures annulées par le Conseil constitutionnel en raison de leur caractère de « cavalier social », mais auxquelles notre commission tient malgré tout. Ces dispositions concernent la réforme de l’indemnité temporaire de retraite outre-mer,…