M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », figurant à l’état B, et des articles 77, 78 et 78 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de cette mission.
Demande de priorité
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir accepté de venir siéger ce samedi après-midi.
Nous essayons de programmer les discussions budgétaires avec autant de précision que possible, en espérant ne pas siéger le samedi. Cependant, mercredi, le déroulement des débats a été plus long que prévu, l’examen des crédits des missions « Enseignement scolaire » et « Agriculture » ayant débordé le cadre prévu. Dans ces conditions, nous n’avons pas pu siéger jeudi matin, et j’ai dû proposer au Sénat de reporter à cet après-midi l’examen des crédits des missions « Sport, jeunesse et vie associative » et « Économie ». J’en suis réellement désolé, et je vous remercie vivement d’avoir accepté de venir cet après-midi.
S’agissant de la discussion des amendements, monsieur le président, je demande la priorité de l’article 78. En effet, le vote qu’exprimera le Sénat aura des conséquences sur les amendements relatifs aux modifications de crédits, à l’article 35.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
Article 78 (priorité)
Le chapitre II du titre II du livre II du code du sport est ainsi modifié :
1° Au 3° du II de l’article L. 222-2, le mot : « double » est remplacé par le mot : « quadruple » ;
2° Le III du même article L. 222-2 est ainsi rédigé :
« III. – En l’absence d’une convention collective, pour une discipline sportive, contenant l’ensemble des stipulations mentionnées au 2° du II, un décret détermine la part de rémunération prévue au 1° du II. » ;
3° Après l’article L. 222-2, sont insérés deux articles L. 222-2-1 et L. 222-2-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 222-2-1. – Les stipulations des conventions collectives en vigueur prévoyant un seuil inférieur au quadruple du plafond au-delà duquel le I de l’article L. 222-2 trouve à s’appliquer cessent de produire leurs effets à compter du 1er janvier 2010.
« Art. L. 222-2-2. – Pour l’application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale transmet annuellement à l’autorité administrative compétente les données, rendues anonymes, relatives au montant de la rémunération de chaque sportif professionnel qui lui sont transmises par les sociétés mentionnées aux articles L. 122-2 et L. 122-12 du présent code.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire. »
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, sur l'article.
M. Jean-François Voguet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, lors des débats sur la professionnalisation du sport, nous nous sommes prononcés contre cette mesure sur le droit à l’image des sportifs.
En permettant de transformer une partie du salaire des sportifs professionnels en une rémunération de leur image, cette mesure permet de réduire leurs cotisations sociales, ainsi que celles qui sont payées par les clubs professionnels.
Dans le monde économique « normal », pourrait-on dire, cette réduction s’applique aux bas salaires. Dans le secteur du sport, elle s’applique en faveur des plus hauts revenus. Que les gros salaires lèvent la main, on va les aider à gagner plus, pour payer moins ! C’est, pour nous, une mesure inacceptable.
En 2004, votre prédécesseur nous expliquait que c’était la seule solution pour permettre à nos clubs de rester compétitifs en Europe. Quatre ans après, l’efficacité de cette mesure reste encore à démontrer.
C’est d’ailleurs pourquoi l’année dernière, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2008, nous avons adopté un amendement vous demandant un rapport sur cette question, monsieur le secrétaire d'État. Mais nous attendons toujours ce dernier !
L’article 78 du projet de la loi de finances pour 2009 prévoit de réduire le périmètre du champ d’application de cette mesure en le limitant au profit des joueurs les plus riches, qui seraient les plus sensibles à la concurrence internationale.
Quelle jolie formulation pour cacher une certaine forme d’appât du gain, d’un côté, et une recherche d’augmentation de la rentabilité, de l’autre ! En ces temps de crise, il y a là quelque chose de très choquant.
Certes, je ne méconnais pas la réelle difficulté budgétaire à laquelle vous êtes confronté. Les sommes nécessaires au paiement de cette mesure sont incontournables, non maîtrisables et gonflent de façon exponentielle d’année en année. En trois ans, la dépense est passée de 15 millions d’euros à plus de 35 millions d'euros, et nous ne connaissons pas les sommes payées en 2008 qui doivent être encore plus élevées.
Aussi, vous essayez, par cet article 78, de réduire et de maîtriser ce coût. Je vous comprends et je vous soutiens dans cette démarche.
Mais votre proposition ne va pas dans le bon sens. L’annulation de cette mesure est la seule décision possible, puisqu’elle coûte cher, est injuste et inefficace.
En outre, son mode de financement pose problème. En effet, les sommes nécessaires seront prélevées sur le budget des sports, qui n’a jamais été augmenté pour prendre en compte cette dépense. Elle vient donc en réduction des budgets prévus en faveur du plus grand nombre. Ainsi, à l’inverse de Robin des Bois, on prend aux pauvres pour donner aux riches, et l’on a pris aux clubs amateurs pour donner aux clubs professionnels. C’est vraiment le monde à l’envers !
Je ne pourrai donc pas voter l’article 78, qui rend cette mesure sur le droit à l’image encore plus injuste. Seule la disparition de cette dernière est acceptable.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-101, présenté par M. Martin, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Martin, rapporteur pour avis.
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. Une mesure a été prise en 2004 en vue de renforcer l’attractivité du sport professionnel français et de permettre aux clubs de conserver leurs meilleurs éléments. Elle visait, d’un point de vue budgétaire, à exonérer les clubs des charges sociales sur les salaires versés à leurs joueurs.
J’observe que l’efficacité est au rendez-vous, puisque plus de la moitié des joueurs ne sont pas partis pour l’étranger, comme c’était le cas auparavant. Il est important de le souligner.
Par ailleurs, des disciplines émergent grâce à ce système, en particulier le handball. Nous sommes heureux et fiers que l’équipe nationale soit championne olympique.
Le DIC a joué un rôle dans l’organisation des clubs. Pour bénéficier du DIC, il fallait un nouveau statut qui soit professionnel. Il fallait également signer des conventions collectives. Cela a été fait pour le football. Cela a été fait pour le rugby et le basket en 2005 et cela a été fait pour le handball en 2008. Ces disciplines se sont dotées d’instruments majeurs de régulation des relations entre les joueurs et leurs clubs, ce qui favorise un développement beaucoup plus harmonieux du sport professionnel.
Les sportifs de haut niveau, qui ont des salaires importants, c’est incontestable, lorsqu’ils restent en France, sont imposés sur le revenu et acquittent des charges sociales sur leurs salaires. Lorsqu’ils partent à l’étranger, ils ne paient plus rien de tout cela.
Compte tenu de l’objectif du dispositif et de son efficacité, qui n’est plus à démontrer, ce n’est pas le moment de le supprimer ni de le retreindre à une discipline particulière, car des disciplines y accèdent de plus en plus en régularisant leur situation. L’objet de cet amendement est donc de maintenir le dispositif en l’état.
Cela dit, l’amendement n° II-386 du Gouvernement me semble intéressant. Il permettrait aux clubs de conserver leurs meilleurs joueurs. Puisque l’objectif initial demeure, je suis disposé à écouter avec intérêt l’explication de M. le secrétaire d'État sur ce nouveau dispositif.
M. le président. L'amendement n° II-37, présenté par M. Sergent, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - L'article L. 222-2 du code du sport est complété par deux paragraphes ainsi rédigés :
« IV. - Les dispositions du I ne s'appliquent pas à la part de rémunération qui dépasse quinze fois le montant du plafond fixé par le décret pris en application de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.
« V. - Les dispositions du I s'appliquent aux rémunérations versées jusqu'au 30 juin 2012. »
II. - Après l'article L. 222-2 du même code, il est inséré un article L. 222-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 222-2-1. - Pour l'application de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale transmet annuellement à l'autorité administrative compétente les données rendues anonymes, relatives au montant de la rémunération de chaque sportif professionnel qui lui sont transmises par les sociétés mentionnées aux articles L. 122-2 et L. 122-12.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées par voie réglementaire. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial. Cet amendement, adopté à l’unanimité par la commission des finances, ne va pas dans le même sens que celui qu’a présenté à l’instant Pierre Martin, au nom de la commission des affaires culturelles. Il vise à proposer une nouvelle rédaction de l’article 78, d’une part, afin de limiter le DIC à la fraction de la rémunération des sportifs professionnels qui n’excède pas quinze fois le montant du plafond de la sécurité sociale, c’est-à-dire, à ce jour, 41 595 euros bruts par mois, soit le salaire moyen des footballeurs de ligue 1 durant la saison 2007-2008 et, d’autre part, afin de borner ce dispositif dans le temps pour qu’il prenne fin au 30 juin 2012.
Enfin, cet amendement reprend les dispositions de l’actuel article 78 relatives aux obligations d’information de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, qui doit, en effet, justifier auprès du ministère les remboursements qu’elle lui réclame pour cotisations non perçues.
Je dois dire que, moi-même, j’ai rencontré des difficultés lors de mon contrôle budgétaire sur le DIC, au début de l’année 2008, du fait de l’opacité qui prévaut à ce jour. Cet amendement reprend donc les conclusions du rapport d’information du mois d’avril dernier, adopté par la commission des finances ; je vous les rappelle brièvement.
Le DIC est inflationniste et coûte de plus en plus cher – il connaît une hausse de 15 % à 20 % chaque année – à un budget modeste, qui est appelé à se réduire encore au moins jusqu’en 2011.
Par nature, pour bénéficier à plein à quatre ou à cinq clubs de football, il s’oppose au simple maintien de tous les autres soutiens de l’État au sport, à la jeunesse et à la vie associative. Mesurez bien cela, mes chers collègues ! Les dernières lois de règlement des comptes l’ont déjà amplement montré. Celles à venir l’établiront de façon encore plus criante !
Ensuite, le DIC est un dispositif pro-cyclique, qui aide les clubs dans les temps faciles – lorsque les droits de télévision sont importants, les salaires augmentent, les exonérations augmentent, le budget du sport s’en trouvant réduit d’autant – et les pénalise dans les temps difficiles. Ce sont précisément les mécanismes de ce type qui sont dénoncés dans le cadre de la crise financière que nous traversons, car ils tendent à accentuer les tendances, dans un sens comme dans l’autre.
Enfin, si le DIC a pu aider des disciplines plus modestes à se structurer, notamment autour des conventions collectives, ce que remet d’ailleurs en cause l’actuelle rédaction de l’article 78, son efficacité mérite d’être sérieusement relativisée pour ce qui concerne la compétitivité des grands clubs de football.
On aime souvent nous citer des chiffres partiels, concernant des écarts de taux de charges entre la France et l’étranger qui, soit dit en passant, ne se limitent pas à l’univers du sport et correspondent aussi à des différences de prestations sociales.
Cependant, en raisonnant à la seule échelle qui vaille, celle des grandes masses, on s’aperçoit que le DIC ne pèse qu’environ 3 % du budget des clubs. Est-ce avec cela que nous les hisserons au niveau des clubs anglais ? Certainement pas !
D’ailleurs, comme je l’indique dans mon rapport, l’écart de recettes entre le Real Madrid et l’Olympique lyonnais est de l’ordre de 200 millions d’euros, soit le montant des crédits du programme « Sport » ! Tel est l’aboutissement de la logique du DIC, qui illustre la vanité de sa quête : il faudrait verser l’ensemble des crédits du programme « Sport » au bénéfice d’une seule équipe de football pour lui permettre d’arriver au niveau du club européen le plus riche !
Mes chers collègues, je connais le talent de persuasion des défenseurs du statu quo. Mais je vous ferai remarquer que ce qu’ils préconisent avec ardeur pour l’argent public, c’est-à-dire « plus pour les plus riches », ils ne le font pas avec leur propre argent, tiré des droits télévisuels. Ces sommes représentent pourtant plus du triple des crédits du programme et sont la seule masse monétaire à l’échelle des défis de nos clubs, en attendant qu’ils disposent de vrais stades du xxie siècle. Là encore, comme souvent, les conseilleurs ne sont pas les payeurs, et ils ne brillent pas toujours par leur cohérence.
Cher collègue Pierre Martin, vous avez écrit dans votre rapport que, s’agissant du DIC, au vu de ce que nous ne saurions pas encore, il est « urgent d’attendre ». Permettez-moi de vous dire que, au vu de ce que nous savons déjà et que j’ai essayé de rappeler, il est au contraire urgent d’agir !
Mes chers collègues, en nous apportant votre soutien, vous conforterez également le ministre qui, lors de son audition au Sénat, à laquelle vous assistiez, le 2 juillet dernier, a déclaré publiquement que le DIC n’était pas à la hauteur des écarts de compétitivité entre les clubs français et étrangers et que, dès lors, ce dispositif pourrait être plafonné, voire, à terme, supprimé.
C’est exactement ce que je propose au travers de cet amendement, en fixant un plafond plus que raisonnable à 41 595 euros par mois.
Mes chers collègues, dans la conjoncture actuelle, l’adoption de cet amendement serait une excellente chose.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Alain Dufaut. Ce serait suicidaire !
M. le président. L'amendement n° II-386, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit le deuxième alinéa (1°) de cet article :
1° Dans le 3° du II de l'article L. 222-2, les mots : « au double du plafond fixé par le décret pris en application de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale » sont remplacés par les mots et la phrase : « à un montant fixé par décret au vu du niveau moyen de rémunération pratiqué dans la discipline sportive. Ce montant ne peut être inférieur à trois fois ni être supérieur à sept fois le plafond fixé par le décret pris en application de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale ».
II. - Dans le texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 222-2-1 du code du sport, remplacer les mots :
au quadruple du plafond au-delà duquel les dispositions du I de l'article L. 222-2 trouve à s'appliquer
par les mots :
au montant fixé par le décret mentionné au 3° du II de l'article L. 222-2
et le mot :
janvier
par le mot :
juillet
III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le I de l'article L. 222-2 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions s'appliquent aux rémunérations versées jusqu'au 30 juin 2012. »
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État. Je souhaite rappeler brièvement à quoi sert le DIC.
Le DIC sert à nous aider à garder nos meilleurs joueurs en France. Certes, nous sommes entièrement d’accord, ceux-ci représentent une minorité. Mais le dispositif du DIC a été mis en place pour préserver la minorité de nos meilleurs joueurs, qui sont attirés par des salaires colossaux à l’étranger.
Monsieur Jean-François Voguet, vous dites ne pas avoir encore constaté l’efficacité du DIC. Pour vous répondre, je prendrai l’exemple d’un sport que je connais bien : le rugby. Kelleher joue à Toulouse, et non à Northampton. Hernandez joue à Paris, et non à Leicester. Je peux vous citer cinquante cas comme ceux-là !
M. Alain Dufaut. Même en foot !
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État. C’est grâce aux DIC que ces joueurs jouent en France. L’efficacité du DIC, la voilà !
Je le répète, l’intérêt de maintenir des champions dans notre pays est de donner du rêve. Or le rêve n’a pas de prix et ne peut être quantifié. À Lyon, les jeunes veulent porter le maillot de Benzema, et non celui d’un joueur qui n’intéresse pas les clubs étrangers.
C'est la raison pour laquelle ce dispositif a été mis en place, et je continue à le soutenir. Moi aussi, j’ai rêvé devant Larqué et les autres. À l’époque, les clubs étrangers n’étaient pas aussi attractifs sur le plan des salaires ; aujourd'hui, je souhaite faire en sorte que nos meilleurs joueurs continuent à jouer chez nous.
Pour terminer, je rappellerai que le rapport d’Éric Besson sur la compétitivité des clubs a souligné l’importance du DIC pour la compétitivité des clubs français à l’échelon européen. (M. Alain Dufaut applaudit.)
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° II-101, car l’objectif du DIC doit être ciblé, et fixer le seuil au-delà duquel il s’applique à quatre fois le plafond de la sécurité sociale, comme c’est prévu dans l’article 78, nous permet de réaliser une économie de 4 millions d’euros dont nous avons besoin.
Quant à l’amendement n° II-37, qui vise à plafonner le DIC à quinze fois le montant de ce plafond, il irait à l’encontre du but recherché. Avec un tel plafond, on ne garderait pas Benzema à Lyon ni certains joueurs de rugby à Toulouse et à Paris.
L’amendement du Gouvernement, lui, est assez équilibré. Il prévoit que le seuil d’exonération sera fixé par décret dans une fourchette allant de trois à sept fois le plafond de la sécurité sociale, selon les sports. Le décret déterminera à quel sport sera appliqué le seuil de sept plafonds, à quel sport sera appliqué le seuil de trois plafonds, etc.
Je comprends l’intérêt du DIC pour un sport comme le handball, auquel M. Pierre Martin a fait référence. Les salaires y sont moins importants que dans d’autres disciplines. Je le sais pour avoir passé quinze jours, lors des jeux Olympiques de Pékin, avec les joueurs de l’équipe de France et pour avoir abordé ce sujet avec eux. Il n’y a pas que le football et le rugby. L’importance du DIC pour les clubs est également réelle dans les autres disciplines sportives.
En conséquence, monsieur Sergent, monsieur Martin, je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements, au profit de celui du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Le débat que nous avons en cet instant illustre un certain nombre de contractions et de problématiques liées à la mondialisation, à la financiarisation et à la délocalisation.
Nous avons entendu jeudi dernier le Président de la République proclamer avec force sa volonté de lutter contre les délocalisations.
Nous avons compris qu’en 2004, pour tenter d’enrayer le départ de joueurs vers des clubs étrangers, il a fallu inventer un nouveau statut fiscal et social. Ainsi serait préservée, entre autre, l’activité du football en France.
Nous éprouvons tous beaucoup d’admiration pour les champions qui s’illustrent dans les équipes françaises. Ils font rêver nos enfants comme ils nous font rêver, et nous avons besoin de ce rêve.
Cependant, réfléchissons un instant. N’assistons-nous pas à une sorte d’emballement dans la rémunération des vedettes du sport ?
Comment ces rémunérations, qui défient, à certains égards, la raison et nous font perdre le sens de la mesure, sont-elles financées ? Elles sont financées par les droits de télévision. Comment finance-t-on les droits de télévisions ? Par la publicité. Et qui finance la publicité sinon ceux qui mettent des produits sur le marché ?
Pour financer beaucoup de publicité, il faut réaliser des marges. Or, aujourd'hui, compte tenu des lois sociales et fiscales, ainsi que des réglementations européennes et françaises, il faut, pour dégager des marges, essayer de vendre un peu moins cher que ses concurrents et le dire par la voie de la publicité. Il faut également aller acheter et s’approvisionner là où les produits sont moins chers, donc délocaliser les activités et les emplois manufacturiers, qui sont nécessaires à la cohésion sociale. Nous voyons donc se multiplier sur nos territoires des sites logistiques où sont mis en boîte des produits qui se fabriquent ailleurs.
Je voudrais, mes chers collègues, vous rendre attentifs à ces phénomènes.
Certes, le football n’est pas directement responsable de la situation, qui résulte de nos propres contradictions. Mais ce que nous voulons faire pour les footballeurs, il faudra également le faire pour les handballeurs, pour les rugbymans et, progressivement, pour tous les sportifs. Pourquoi en serait-il autrement ?
Et, finalement, ce que nous faisons pour le sport, pourquoi ne le ferions-nous pas pour les ouvriers du secteur automobile ?
Mme Nathalie Goulet. Ou pour les infirmiers !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pourquoi tant de résistance pour réformer le financement de notre protection sociale? Faudra-t-il attendre que tous les emplois industriels aient quitté le territoire pour prendre en leur faveur des mesures identiques à celles que nous prenons pour le football et pour le sport de haut niveau ?
Le droit à l’image collective nous invite à une réflexion sur le bien-fondé de nos prélèvements obligatoires et de nos modes de financement. J’observe que ces sujets sont souvent tabous, monsieur le ministre.
Comment va-t-on redonner de la compétitivité au pays ? Je trouve formidable qu’on le fasse pour les footballeurs, mais c’est un peu étroit et il va falloir aller au-delà.
Les excès, nous les avons vus dans le domaine de la financiarisation. Le déclic de la crise est certainement lié aux subprimes mais, dans un monde à ce point déséquilibré, cela a fini par disjoncter dans l’immobilier, dans la finance, dans l’économie. Ce sera le cas demain, je le crains, dans le secteur social.
L’amendement mesuré qu’a conçu notre collègue Michel Sergent nous permet de reprendre la main pour réguler, ce que nous serons appelés à faire dans les domaines financier et économique.
Ce que propose Michel Sergent, au nom de la commission des finances, c’est de créer une sorte d’espace d’exonération relative entre les très bas salaires et les salaires les plus élevés. Aujourd’hui, tel que le DIC fonctionne, ceux qui ont beaucoup sont exonérés et ceux qui ont les rémunérations les plus modestes sont taxés au maximum. Est-ce bien l’idée que nous nous faisons de la justice ? Est-ce bien la conception que nous avons de la contribution des uns et des autres à la dépense publique, sans laquelle il n’y a ni pacte républicain ni cohésion sociale ?
Dans quelques instants, va s’ouvrir le débat sur les crédits de la mission « Économie », et les rapporteurs nous diront que ces crédits ont pour objet de favoriser un environnement propice à la croissance et à la création d’emplois. Vous voyez, mes chers collègues, le lien étroit qui unit notre débat sur le DIC à celui que nous aurons tout à l’heure sur l’économie et les voies et moyens pour retrouver de la compétitivité et de la cohésion sociale.
Voilà la raison pour laquelle la commission des finances a déposé son amendement. Nous invitons le Sénat à le voter, ne serait-ce que pour que son texte diffère de celui de l’Assemblée nationale, laissant le soin à la commission mixte paritaire de procéder aux ajustements requis dans les jours qui viennent.
M. le président. La parole est à M. Pierre Martin, rapporteur pour avis.
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. Monsieur le président de la commission des finances, je vous ai écouté très attentivement. Sur le fond, nous ne pouvons qu’être d’accord avec vous ; vous vous fondez sur la raison mais, dans une société, il n’y a pas que la raison. Tout ne répond pas à une logique mathématique et vous savez pertinemment qu’en matière de sport il y a une finalité qui est la compétition, c’est-à-dire la compétitivité.
Les moments de bonheur qui nous ont été offerts en 1998 sont inoubliables.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’était avant la création du DIC !
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. Certes ! Mais il aurait sans doute été préférable que, parmi tous les joueurs qui ont évolué en équipe de France, il y en ait plus qui se retrouvent dans le championnat français et qui nous fassent chaque semaine rêver grâce à leurs dons !
M. Jacques Gautier. C’est cela, le sujet !
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. Quelle que soit la carrière - politique ou autre – dans laquelle ces sportifs s’engagent ensuite, on s’aperçoit que leur image est tous les jours utilisée, même dans la vie publique, cette image qu’ils ont si bien su construire du temps de leur carrière sportive.
Sans être plus cocardiers que d’autres, ce que nous souhaitons lorsque nous assistons au déroulement d’une épreuve sportive, c’est gagner. Lorsque M. Sergent se retrouve à Lens, il aime bien que le club de Lens gagne ! Tout le monde était en deuil lorsque le club est redescendu en deuxième division et l’on va chercher tous les moyens pour qu’il remonte, cela va de soi. Je sais que M. Sergent était très heureux avec d’autres d’accompagner Lens à Manchester ou ailleurs pour les grands matches.
Les braves gens qui, une fois tous les quinze jours, vont au stade ne sont pas forcément les plus riches mais ils vivent là un moment de bonheur qui leur fait oublier leur dure semaine de travail, leur procure du rêve et leur permet de vivre leur passion.
C’est en ce sens, monsieur le ministre, que je serais prêt à vous faire une proposition, afin de tracer les lignes de ce que pourrait être demain le DIC, qu’il ne faut surtout pas supprimer.
Le dispositif que vous proposez paraît ingénieux dans la mesure où il prévoit que soient appliqués des seuils différenciés suivant les disciplines. En effet, nous savons qu’en l’état actuel des choses, entre le salaire d’un footballeur et celui d’un handballeur, il y a une énorme différence. Cette différence ne tend pas à s’atténuer ; or, tous les deux, footballeur ou handballeur, nous font rêver de la même façon. Il est peut-être alors judicieux de penser à l’un comme à l’autre.
Je serais donc prêt, monsieur le ministre, à retirer mon amendement n° II-101, sous réserve que vous acceptiez deux sous-amendements à votre amendement n° II-386.
Le premier sous-amendement vise le handball, dont il est beaucoup question et qui est le dernier à avoir signé les conventions lui permettant d’accéder au DIC. Je propose de fixer le seuil minimal d’application du DIC à deux fois le plafond de la sécurité sociale, et non pas à trois fois, afin de tenir compte du niveau des salaires qui ont été évoqués par les dirigeants des clubs de handball que j’ai reçus.
Le second sous-amendement vise à préserver la pérennité du DIC. Lorsque nous avons adopté le DIC, un objectif lui a été assigné ; mais on ne va tout de même pas, du jour au lendemain, le supprimer au motif que l’objectif est atteint, car le dispositif pourra encore être amélioré.
Ce sous-amendement aurait donc pour objet de demander au Gouvernement de rendre au Parlement un rapport sur l’efficience du DIC avant le mois d’octobre 2011. Il se substituerait au dernier alinéa de votre amendement qui prévoit que le dispositif cesse de s’appliquer le 30 juin 2012.
En adoptant une telle disposition, nous ferions preuve de transparence et d’honnêteté vis-à-vis des clubs. N’oubliez pas que, pour les clubs, la saison court du milieu de l’année au milieu de l’année suivante et qu’elle ne coïncide pas avec l’année civile.