Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Très juste !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Dans la mesure où l’enveloppe n’augmente pas dans les proportions attendues, on aboutit bien à une gestion de pénurie, qui rend l’accès à cette allocation de plus en plus difficile pour nos compatriotes expatriés.
Pour ce qui est des sociétés de bienfaisance, qui, dans l’esprit de vos prédécesseurs, au début des années quatre-vingt, devaient pratiquement disparaître, nous constatons leur rôle de plus en plus indispensable devant la défaillance de votre ministère, qui doit être comblée par les associations caritatives, vilipendées à une époque, mais que nous avons toujours défendues et que nous considérons comme incontournables.
S’agissant de la Caisse des Français de l’étranger, la CFE, que j’ai l’honneur de présider, la loi de modernisation sociale votée en 2002, sur l’initiative du gouvernement de M. Jospin, a mis en place une troisième catégorie aidée afin de permettre à un certain nombre de nos compatriotes dont les moyens sont limités d’accéder à cette caisse.
Dans les premières années, on a demandé à la CFE de puiser dans ses réserves pour faire face à la mise en place de cette mesure, dont le relais a été assuré, après deux ans d’existence, par une ligne budgétaire créée spécifiquement au sein de votre ministère. Les choses ont bien fonctionné grâce aux directeurs successifs de la direction des Français à l’étranger, mais force est de constater que, pour 2009, la ligne budgétaire ne prévoit que 500 000 euros, ce qui est tout à fait inférieur à la dépense réelle de cette ligne.
Certes, cette troisième catégorie aidée issue de la loi de 2002 pourra faire face à l’année 2009, compte tenu des avances budgétaires mises en place, et j’en remercie le directeur des Français à l’étranger, mais je ne peux qu’être extrêmement inquiet s’agissant de l’année 2010, puisque ces 500 000 euros ne représentent que moins d’un quart de la dépense réelle. La loi de modernisation sociale de 2002 serait-elle donc remise en cause ?
Je n’ose vous rappeler, monsieur le ministre, que le conseil d’administration de la CFE avait demandé à l’unanimité, en 2007, que cette aide soit portée à 50 % de la cotisation. Le nouveau conseil d’administration de la CFE, qui se réunira au début du mois de janvier 2009, aura à se pencher sur ce sujet.
Le poste « Emploi et formation » est doté de 800 000 euros, destinés à soutenir l’emploi et la formation professionnelle des Français de l’étrange. C’est une très bonne idée, mais ces crédits sont bien entendu totalement insuffisants sur ce sujet d’actualité.
Je ne m’étendrai pas sur les rapatriements, dotés de 500 000 euros et sur les subventions aux centres médicaux sociaux, qui s’élèvent à 280 000 euros. La faiblesse de ces chiffres est tout à fait significative.
Monsieur le ministre, je voudrais vous dire à nouveau mon étonnement que ne soit pas mieux prise en compte au sein de votre ministère, quelles que soient les difficultés budgétaires actuelles, la couverture sociale de nos compatriotes Français de l’étranger.
Nous en sommes bien conscients désormais : nous traversons une crise économique majeure, exceptionnelle, et les Français de l’étranger ne seront pas épargnés.
Des mesures vont êtres prises en France pour aider nos compatriotes en difficulté, en situation d’exclusion. Vous êtes le ministre des affaires étrangères, mais aussi le ministre qui veille sur nos compatriotes expatriés. Il vous appartient donc de vous assurer que ces derniers ne sont pas exclus de la solidarité nationale.
Vous avez fait de grandes choses dans le domaine humanitaire. C’est bien ! N’oubliez pas d’aider les Français âgés, nécessiteux, handicapés, exclus, qui sont de plus en plus nombreux dans le monde.
Avant de conclure cette intervention, je tiens à vous dire, monsieur le ministre, combien le président du groupe d’amitié France-Afrique centrale, président délégué de France-Gabon et sénateur des Français de l’étranger que je suis est choqué, ulcéré même, par la relance, pour la énième fois, d’attaques contre les présidents Sassou Nguesso, du Congo, Omar Bongo Ondimba, du Gabon, Obiang Nguema Mbasogo, de Guinée équatoriale, au sujet de leurs propriétés en France. Ces affaires ont fait l’objet d’instructions de la justice française, classées sans suite. Or je constate, une fois encore, que l’on vient les relancer et que des associations qui ne représentent qu’elles-mêmes, relayées complaisamment par certains médias – France Info, Radio France Internationale, Europe 1 –, tentent à nouveau de créer des polémiques.
Est-il utile de vous rappeler que nombreux sont nos compatriotes qui résident au Congo, au Gabon et en Guinée équatoriale, et que la France a des intérêts importants dans ces pays ?
Je constate que les pays anglo-saxons savent mieux que nous gérer leurs intérêts à l’extérieur. Mettre en cause, comme on le fait, des amis de la France comme le président Omar Bongo Ondimba est choquant et irresponsable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, d’une logique de présence à une logique d’influence, la diplomatie française trouve aujourd’hui un nouveau souffle, en redéfinissant ses priorités selon les enjeux de la mondialisation et en donnant un rôle majeur de coordination interministérielle à l’ambassadeur.
Ce budget triennal de la mission « Action extérieure de l’État », prévoyant 2,50 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,52 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2009, marque une nouvelle impulsion de la politique étrangère et une modernisation en profondeur du Quai d’Orsay. Ces réformes voulues par le Président de la République sont le résultat des conclusions du Livre blanc sur la politique étrangère et de la révision générale des politiques publiques.
Ces réformes vont dans le sens que j’appelle de mes vœux depuis des années, et je m’en réjouis. En effet, il était plus que temps de rationaliser la répartition géographique des ambassades et consulats, de l’orienter vers les pays émergents au fort potentiel économique et de donner un rôle central et décisif à l’ambassadeur, qui devient le chef effectif des services extérieurs de l’État dans son pays de résidence.
Le deuxième réseau diplomatique mondial, comptant 160 ambassades, 97 consulats et consulats généraux, et 21 représentations multilatérales, coûte 94,8 millions d’euros, selon le projet annuel de performance 2009. Si l’universalité du réseau qui caractérise la diplomatie française est préservée, celui-ci sera désormais modulé en fonction de nos intérêts et aura un caractère évolutif. L’adaptation du format des ambassades en trois types, en fonction des priorités géographiques de la politique étrangère française, est une mesure efficace et rationnelle.
L’ouverture de consulats dans des pays émergents – deux en Chine, deux en Inde et un en Russie depuis 2005 –, la rationalisation géographique de certaines fonctions consulaires pour créer des pôles régionaux en Europe et aux États-Unis, le besoin de présence de la France dans certains pays, sont des réalités qui conduisent notre pays à redéfinir ses zones d’influence prioritaire. À mon sens, ce sont, entre autres, la Chine et l’Inde, pays qui comptent des villes de plusieurs millions d’habitants et où nos compatriotes sont de plus en plus nombreux à s’installer, la Russie et l’Asie centrale, où les projets, notamment énergétiques, se multiplient et offrent de larges perspectives à nos entreprises, ou encore le monde indo-persan, région conflictuelle où se jouent et la paix et la sécurité mondiales et, bien sûr, le Brésil, qui passe de statut de pays du futur à celui de pays du présent.
Monsieur le ministre, je souhaiterais obtenir des précisions sur les critères qui seront retenus pour définir les zones prioritaires et la modulation en trois catégories de nos ambassades, ainsi que sur le calendrier de mise en œuvre.
Par ailleurs, la création d’un centre de crise compétent pour l’alerte précoce, la réactivité opérationnelle et le partenariat avec les acteurs humanitaires permet au ministère des affaires étrangères de jouer pleinement son rôle de coordination de l’action extérieure. La mise en place d’une direction générale de la mondialisation est l’autre adaptation indispensable à ce monde en effervescence et en pleine mutation.
Notre diplomatie d’influence connaît un nouvel élan grâce à la réorganisation des services culturels, des instituts et centres de recherche ainsi que des Alliances françaises pour une meilleure stratégie culturelle. Elle prend tout son sens grâce à l’image spécifique que la France véhicule dans le monde, en particulier dans des pays sortant des sphères habituelles. Ainsi, les services culturels français en Afghanistan sont actifs et la création d’un bureau d’ambassade et d’une annexe du centre culturel français à Erbil, au Kurdistan irakien, obéit à la même logique de demande de présence française comme élément d’équilibre.
Pour ce qui concerne l’Europe, il existe encore vingt-huit consulats français au sein de l’Union européenne, mais la régionalisation des sections consulaires en Allemagne, Italie, Espagne, Belgique, Portugal et Pologne, ainsi que la transformation de douze consulats généraux en consulats à gestion simplifiée depuis 2004, ont permis l’économie d’une soixantaine d’emplois en Europe et leur redéploiement dans les pays émergents. Le transfert de certaines compétences des postes consulaires aux préfectures ou mairies frontalières françaises est une excellente initiative, qui doit être développée au niveau de tous les membres de l’Union européenne.
Cependant, on devrait aller plus loin en s’appuyant sur le concept de citoyenneté européenne. Les administrations de l’Union européenne devraient pouvoir répondre aux demandes des ressortissants de tous les États membres.
Je préconise depuis longtemps le développement des co-localisations européennes. Elles sont effectives entre la France et l’Allemagne, conformément à l’accord-cadre de 2006, comme à Astana au Kazakhstan ou à Lilongwe au Malawi, en projet à Dacca au Bangladesh et à Maputo au Mozambique, mais encore embryonnaires ou inexistantes avec les autres États membres. Elles doivent être multipliées à partir de ce modèle de référence qu’est l’accord franco-allemand. Les zones prioritaires comme les zones non politiquement stratégiques doivent être définies en coordination au niveau européen.
Enfin, le développement de la formule des postes mixtes consulats-missions économiques est une réalité que je souhaite voir émerger partout pour soutenir, en particulier, notre commerce extérieur déficient. Pouvez-vous m’apporter des précisions sur le nombre et la localisation des postes mixtes existants comme sur les perspectives nouvelles de création ?
En effet, les 165 missions et services économiques sont en nombre équivalent en postes et la coordination avec l’ambassade pour la politique économique est fondamentale. La future direction des politiques de mobilité et d’attractivité, compétente pour l’appui aux entreprises, jouera certainement un rôle moteur dans la mise en œuvre de notre politique économique à l’étranger. Je me réjouis de l’efficacité et de la coordination interministérielle à travers le Comité des réseaux internationaux de l’État à l’étranger, le CORINTE, et du rôle clé de votre ministère.
Monsieur le ministre, les réformes entreprises sont indispensables et courageuses. Je soutiendrai votre budget. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, ce budget, le second sous votre responsabilité, s’inscrit dans la suite d’un double exercice, largement contradictoire : d’une part, les conclusions de la commission du Livre blanc, présidée par MM. Alain Juppé et Louis Schweitzer, et, d’autre part, la révision générale des politiques publiques, la RGPP, aggravée par le contexte de crise économique, financière et donc budgétaire.
Les efforts demandés au ministère des affaires étrangères et européennes qui demeure, non par sa mission mais par ses moyens, un ministère faible, viennent s’ajouter à des efforts lourds et constants déjà consentis par le passé. En effet, la rationalisation du Quai d’Orsay a été entreprise bien avant la RGPP. Il a déjà perdu beaucoup de sa substance. Les coupes pourtant se poursuivent, notamment sur le terrain des emplois, puisque 190 d’entre eux sont supprimés pour l’année 2009.
Le risque est réel, et déjà perceptible, monsieur le ministre, qu’à court terme, après avoir taillé dans la chair, on touche désormais à l’os, selon l’expression maintes fois répétée ici et parfaitement juste. Cette crainte était d’ailleurs évoquée par le Livre blanc, qui évoque dans ses conclusions la hausse nécessaire des crédits de la mission, sous peine de déstabiliser en profondeur l’outil diplomatique et, en conséquence, d’affaiblir notre politique étrangère.
Cette toile de fond étant posée, je souhaiterais aborder, après avoir dit un mot sur les évolutions de structure au sein du ministère, l’action culturelle extérieure, puis la situation de l’audiovisuel extérieur, qui sont probablement les deux domaines à subir le plus largement la dégradation budgétaire évoquée.
Monsieur le ministre, j’avais eu l’occasion, lors du précédent exercice budgétaire, de vous faire part de mes interrogations sur les évolutions dont il était alors seulement question concernant la Direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, et de ma crainte de la voir tout simplement disparaître par absorption ou éclatement.
J’avais rappelé à la fois la nécessité d’opérer une actualisation des structures, dix ans après la réunion du ministère de la coopération et du ministère des affaires étrangères, et le risque de voir la DGCID en quelque sorte « effacée » dans une grande direction transversale.
Il n’est pas certain, et c’est un euphémisme, que la transformation de la DGCID en une nouvelle direction générale chargée de la mondialisation, du développement et des partenariats, issue d’un rapprochement entre l’actuelle DGCID et la direction des affaires économiques, soit de nature à nous rassurer.
Vous semblez vouloir faire, monsieur le ministre, de cette nouvelle direction générale un organe de poids. Ma crainte est que ce nouvel organe ne soit plutôt… pesant, quand notre administration centrale aurait besoin de souplesse, de fluidité et de réactivité.
Mon autre crainte est que, au sein de cette nouvelle superstructure, la coopération culturelle ne se trouve désormais, au mieux, reléguée après les questions économiques et de développement, comme la culture l’est trop souvent et, au pis, délaissée. Le risque est vécu avec une particulière acuité dans nos relations avec le continent africain.
Permettez-moi, en outre, d’émettre des doutes sérieux sur la capacité du ministère d’accompagner financièrement et humainement ces évolutions de structure.
L’objectif de confier à cette nouvelle direction générale le pilotage stratégique effectif ne pourra être atteint qu’à la condition qu’elle bénéficie des moyens correspondants. Or la diminution des effectifs, ajoutée à la stagnation ou à la baisse des subventions de l’État aux opérateurs, me laisse, de ce point de vue, dubitative.
La mission « Action extérieure de l’État » est prise en tenaille entre le poids des contributions internationales et le coût croissant de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français, décrétée par le Président de la République. C’est l’action culturelle extérieure qui sert de variable d’ajustement. Les crédits diminuent de 13 % en 2009 et, selon le document de programmation triennale, ils pourraient baisser de 25 % de 2009 à 2011.
Je crois que, sous couvert d’une réorganisation qui demande, vous l’aurez compris, monsieur le ministre, quelques réponses de votre part quant au traitement réservé au pôle consacré à la coopération culturelle, le Gouvernement mène en fait une simple politique de réduction des crédits et des emplois.
Partagez-vous, monsieur le ministre, le point de vue exprimé par M. Woerth à l’Assemblée nationale selon lequel il y a suffisamment d’argent dans le domaine culturel ?
Après avoir évoqué la question des moyens financiers conférés aux opérateurs, je souhaite dire quelques mots sur CulturesFrance. Destinée à devenir l’opérateur unique et central en matière de coopération culturelle internationale, cette structure est confrontée à une situation budgétaire dont ne sauraient se satisfaire celles et ceux qui sont profondément attachés à ses missions.
La dotation de l’État était passée de 22 millions d’euros en 2007 à 16 millions en 2008. Le projet de loi de finances pour l’année 2009 n’opère qu’une réévaluation mineure – 18,6 millions d’euros – et qui, surtout, reste artificielle compte tenu de l’élargissement du périmètre d’action de CulturesFrance, comme l’a souligné notre rapporteur pour avis, Mme Cerisier Ben Guiga.
En tout état de cause, les crédits budgétaires pour CulturesFrance, qu’ils proviennent des programmes 185, 209, ou 224, ne lui permettront pas de répondre pleinement aux missions élargies qui sont les siennes.
De plus, CulturesFrance a besoin d’un statut juridique adéquat. Sa structure associative ne lui permet assurément pas de s’imposer comme l’opérateur unique de la coopération culturelle. C’est pour remédier à cette carence que notre Haute Assemblée a adopté en 2006, à l’unanimité, une proposition de loi tendant à donner à CulturesFrance le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial. Aussi vous saurais-je gré de bien vouloir nous indiquer, monsieur le ministre, le délai dans lequel la proposition de loi pourrait être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, discutée, et je l’espère, adoptée.
Je souhaiterais clore mon propos en évoquant la dimension audiovisuelle de l’action extérieure de l’État.
La dotation pour 2009 est notoirement insuffisante. Je sais bien que l’audiovisuel extérieur ne relève plus directement de votre compétence ni de la mission « Action extérieure de l’État »: Je sais bien aussi qu’il est actuellement de bon ton de placer l’audiovisuel public au plus près du sommet du pouvoir, mais, en l’occurrence, c’est une aberration pour l’action extérieure de la France.
Cela revient à affaiblir, de fait, toute volonté de rapprochement, de coordination et de cohérence entre le futur opérateur unique de l’action culturelle extérieure et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Ce cloisonnement constituera sans nul doute un « moins-disant » diplomatique et culturel important, autant pour l’opérateur unique annoncé que pour l’outil audiovisuel extérieur.
Cet outil audiovisuel extérieur connaît de profondes mutations, avec la création, en avril 2008, de la nouvelle société « Audiovisuel extérieur de la France ». Alors que l’avènement d’un nouvel outil demandait un effort budgétaire marqué, l’année 2009 consacre pourtant une stagnation des crédits et s’avère être de fait, en contradiction avec les objectifs nouveaux, une année de rigueur budgétaire.
Des projets sont, en conséquence, provisoirement différés ou simplement abandonnés. France 24 va devoir reporter le lancement de son canal en arabe en continu et l’extension de sa couverture en Amérique du Nord et en Asie, deux zones où votre politique étrangère a pourtant de grandes ambitions ! RFI s’attend à d’importantes suppressions de postes, à la fermeture de certaines de ses antennes et à l’arrêt de plusieurs de ses émissions en langue étrangère à destination de l’Allemagne, de la Pologne ou encore de la Turquie.
Nous vous avons adressé, monsieur le ministre, avec plusieurs de mes collègues du groupe socialiste, un courrier vous faisant part de notre vive émotion face à ces annonces multiples de suppressions. Votre récente réponse, qui s’abrite derrière les contraintes budgétaires et les audiences, ne nous éclaire nullement sur la stratégie diplomatique.
L’action culturelle extérieure et l’audiovisuel extérieur sont des leviers majeurs pour notre diplomatie et pour la diffusion de notre culture, de notre langue. Ils sont la marque distinctive de la politique étrangère française. Il vous appartient, monsieur le ministre, de les moderniser, de les actualiser, de les développer, mais aussi de les préserver.
Faute d’engagements en ce sens, nous ne pourrons pas voter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, à l’occasion de l’examen des crédits sur les actions extérieures de l’État, évoquer le Proche-Orient, qui a constitué longtemps un axe fort de la politique internationale de la France. Or la situation se dégrade fortement dans cette région.
Selon le dernier rapport de la Banque mondiale, c’est à présent 38 % de la superficie de la Cisjordanie qui sont occupés et utilisés par l’État d’Israël, soit pour l’implantation illégale de colonies, au nombre de 120 aujourd’hui, soit pour établir des voies de communication, interdites aux Palestiniens.
La bande de Gaza fait, pour sa part, l’objet d’une « punition collective », d’un blocus inacceptable, encore renforcé depuis le début du mois de novembre, imposant aux populations des conditions de vie intolérables ; je pense notamment à l’accès aux soins, à l’approvisionnement en énergie et en denrées alimentaires, à l’éducation.
Alors que l’ensemble des ONG dénonce une situation qui n’a jamais été aussi déplorable, Israël reste sourd aux appels de la communauté internationale sur la levée du bouclage de Gaza.
La trêve sécuritaire annoncée en juin dernier est aujourd’hui menacée. Nous savons pourtant que la violence d’État perpétré par Israël contre les Palestiniens au nom de la lutte contre le terrorisme nourrit les positions extrêmes qui ajoutent, de façon intolérable, aux drames existants des actions très condamnables. Cela éloigne encore les perspectives de paix dans cette région du monde.
Le non-respect par Israël de la IVe convention de Genève, qui a trait à la protection des populations civiles, et l’indifférence aux résolutions émises par le Conseil de sécurité de l’ONU depuis 1947 appellent aussi une réponse internationale forte.
Pourtant, la Commission et le Conseil européens ont toujours refusé de prendre des sanctions contre la politique d’occupation menée par Israël.
Une sanction nécessaire et juste devrait notamment passer par la suspension de l’accord d’association de l’Union européenne avec ce pays. La demande en ce sens a été rejetée par la Commission et le Conseil européen. À l’inverse, le Conseil de l’Union européenne a donné, le 16 juin dernier, une réponse favorable à la demande israélienne de progresser vers l’établissement d’un partenariat stratégique donnant un droit d’accès à toutes les politiques communautaires. Comme si Israël était quasiment un État membre de l’Union européenne !
Ce projet est même l’un des objectifs rappelés par Nicolas Sarkozy lors de la présentation des priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne devant la commission des affaires étrangères du Parlement européen, le 15 juillet dernier.
Selon une clause particulière, ce statut spécial est lié aux progrès à réaliser dans le processus de paix. Toutefois, il s’agit plus d’une clause de style que d’une véritable condition puisque aucune contrainte en cas de manquement ou de non-respect des engagements pris.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Très bien !
M. Michel Billout. Rappelons, à ce titre, que la clause identique dans l’accord d’association n’a jamais empêché, bien au contraire, Israël de poursuivre sa politique contestable et l’Union européenne de considérer ce pays comme un partenaire privilégié. Soyons donc sans illusion sur cette clause, d’ailleurs contestée sur le fond par certains États membres.
En outre, comment ne pas voir dans ce statut privilégié la confirmation d’un système à deux poids, deux mesures ? Je m’explique : lors de la crise du Caucase, l’État russe a été sommé de quitter le territoire géorgien avant toute reprise des discussions sur le nouvel accord de partenariat, ce qui était une bonne chose. À l’inverse, la politique de colonisation et le non-respect du droit par Israël ne sont pas considérés comme des obstacles de principe à la mise en œuvre de partenariats spécifiques par l’Union européenne. C’est profondément regrettable !
Dès lors, comment ne pas voir dans le refus de vote du Parlement européen du 3 décembre dernier sur le rehaussement des relations avec Israël un signal encourageant, qui devrait conduire le Conseil de l’Union à réviser sa position en la matière ?
Le Président de la République avait appelé de ses vœux la création d’un État palestinien avant la fin de l’année 2008. Mais il n’a, malheureusement, engagé aucune action concrète en vue de la réalisation de cet objectif, notamment dans le cadre de la présidence française de l’Union.
Pour le groupe communiste, républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, l’objectif de création d’un véritable État palestinien doit redevenir l’une des priorités de l’action française sur le plan international, notamment au niveau de l’Union européenne.
Le Gouvernement français doit donc prendre ses responsabilités en exigeant une prise de position claire sur la levée du blocus imposé à Gaza, sur l’arrêt de la colonisation comme conditions préalables à l’existence d’un quelconque partenariat et en portant résolument cette exigence au niveau de l’Union européenne.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Michel Billout. Dans ce cadre, le Gouvernement français doit, au sein des institutions européennes, prolonger le report du rehaussement des relations avec Israël jusqu’au jour où ce pays aura donné les « signes sérieux de bonne volonté traduits par des résultats tangibles sur le terrain », notamment concernant les engagements pris lors de la conférence d’Annapolis.
En clair, la France doit s’imposer, au sein de l’Union européenne, comme moteur d’une véritable résolution politique du conflit, en travaillant à l’élaboration d’une feuille de route, comme l’avait annoncé le président Sarkozy le 15 juillet dernier devant la commission des affaires étrangère au Parlement européen. Le Gouvernement français devrait enfin s’y engager, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Je voudrais, contrairement à d’autres, commencer par vous féliciter, monsieur le ministre. En effet, malgré les difficultés budgétaires évoquées, malgré la très grande complexité de la situation mondiale, que certains des collègues qui m’ont précédé connaissent peut-être moins bien qu’ils ne le prétendent, la politique que vous menez avec le Président de la République nous satisfait, comme elle satisfait nos compatriotes de l’étranger.
Nous nous réjouissons de voir que l’image de notre pays est plutôt bonne et que celui-ci tient sa place malgré les difficultés. On l’a vu notamment depuis que la France a pris la présidence de l’Union européenne.
Je ne ferai, en cet instant, que citer la crise en Géorgie, sujet qui mériterait sans nul doute d’amples développements. Ceux-ci pourraient d’ailleurs trouver leur place dans un débat de politique étrangère organisé ici.