Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Allez voir ces services qu’on ferme parce que les bébés qui viennent d’y naître meurent, parce que les murs sans ciment, sans peinture sont de vrais nids à bactéries, parce qu’il n’est plus possible de faire de travaux d’entretien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Allez opérer un malade sans avoir pu faire une radio parce que l’appareil est dangereux pour le malade comme pour les opérateurs.
Monsieur le ministre, cet upgrading d’Israël dans le système de l’Union européenne est un encouragement à la violation de la légalité internationale par un Etat créé par l’ONU et qui en est membre. C’est inacceptable.
La pression des parlementaires européens – résolution adoptée par 194 voix contre 173 – a, pour l’instant, permis de reporter cette récompense donnée aux innombrables défis par lesquels Israël répond aux injonctions de la légalité internationale.
L’État d’Israël aurait d’ailleurs bien tort de se priver d’agir ainsi puisqu’il n’a à craindre de la France et de l’Union européenne aucune sanction : il n’en reçoit que des récompenses !
Le Quai d’Orsay ne sait que « déplorer » : déplorer l’explosion de la colonisation en Cisjordanie, qui est en contradiction avec les engagements pris à Annapolis ; déplorer les destructions de maisons à Jérusalem ; déplorer les entraves mises par Israël à la réalisation des projets devant être financés avec les dons promis lors de la conférence de Paris.
Ainsi, le ciment étant bloqué à Eretz, comment construire la station d’épuration des eaux de Gaza, sans laquelle une catastrophe écologique et humaine se produira à Beit Lahiya ? C’est un projet qui vous tient pourtant à cœur, monsieur le ministre.
Enfin, nous aimerions que vous fassiez plus que « déplorer » quand les diplomates français et européens subissent, en violation de la convention de Vienne, vexations et entraves à leurs déplacements. Je vous rappelle l’ouverture à coups de godillots du coffre de la voiture de notre consul à Jérusalem, à l’entrée de Bethléem, il y a un an, sa rétention à Eretz en juin et, récemment, l’interdiction qui lui a été faite d’entrer à Gaza.
Pour résoudre le conflit israélo-palestinien, les solutions sont connues de tous et depuis longtemps. Il faut les mettre en œuvre et, pour cela, exercer les pressions nécessaires. Il faut libérer les Palestiniens de l’oppression insupportable qu’ils subissent et assurer d’un même mouvement la pérennité de l’État d’Israël.
Seules la justice et la paix protégeront l’État d’Israël à long terme : pas le mur, pas l’occupation, pas la colonisation.
Monsieur le ministre, en ce soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, je constate que la France a participé, à côté des États-Unis, à une régression généralisée de ces droits de l’homme : accords sur des mesures de contrôle des voyageurs qui portent atteinte aux libertés individuelles et publiques ; silence sur les injustes incarcérations, sévices et jugements militaires de Guantanamo, amitié et collaboration sécuritaire avec les pires autocrates et même compliments sur leurs prétendues actions en faveur des droits de l’homme, car je n’ai pas oublié ce qui a été dit sur l’élargissement des libertés en Tunisie voilà quelques mois ; soutien à la politique coloniale d’Israël, qui a fait près de 700 morts depuis Annapolis.
On ne peut pas occuper la scène internationale sans définir une ligne de politique étrangère volontariste et cohérente, conforme à nos valeurs fondamentales, ce qui suppose aussi qu’on s’en donne les moyens.
Ce n’est malheureusement pas ce que nous pouvons constater en ce qui concerne la France et c’est pourquoi nous ne voterons pas les crédits qui nous sont proposés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le rayonnement de la France n’a pas de prix – nous en sommes tous ici convaincus –, il a un coût.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, nous a incités à plusieurs reprises à nous exprimer sans tabous lors de ce débat budgétaire. C’est donc dans cet esprit que j’aborderai tout d’abord la question des cadres du Quai d’Orsay.
Le ministère des affaires étrangères et européennes est, à coup sûr, le plus « grenello-compatible », tant il est vrai que le recyclage y tient une place importante. (Sourires.)
Notre action extérieure ne devrait pas être une agence de recyclage pour des amis en mal d’exotisme, pour des parlementaires ayant perdu leur circonscription ou pour d’anciens ministres, par ailleurs notoirement non anglophones, propulsés au plus haut d’organisations internationales.
Je tiens à citer de brefs extraits du rapport n° 268, fait par M. Adrien Gouteyron au nom de la commission des finances et intitulé « Les cadres du quai d’Orsay : une réforme à engager d’urgence ». Il y relève « un dysfonctionnement dans la gestion des ressources humaines du Quai d’Orsay qui le conduisait à ne pas tirer profit des compétences et des talents de ses agents, d’où pour ceux-ci le risque d’une profonde démobilisation, et d’un malaise particulièrement dommageable dans l’encadrement supérieur ; un dysfonctionnement budgétaire, lié à l’existence de postes occupés par des diplomates expérimentés, et notamment par d’anciens ambassadeurs, ne correspondant pas au niveau de responsabilité que l’on pouvait attendre d’eux, d’où une masse salariale plus coûteuse que nécessaire et des sureffectifs qu’il conviendrait de résorber. »
Nous sommes bien ici, monsieur le ministre, dans le débat budgétaire !
Près d’un diplomate expérimenté sur cinq n’occupe pas un poste correspondant à son grade ou à son expérience.
Parmi les ambassadeurs, se trouvent de surcroît des ambassadeurs dits « thématiques ». Les premiers ont été créés en 1998 par le président Chirac, et cette pratique se poursuit sous l’actuelle présidence. La plupart de ces ambassadeurs thématiques ne proviennent pas du Quai d’Orsay : leur nomination est politique. Cependant, dès lors qu’elle entre dans le plafond d’emploi du ministère des affaires étrangères et européennes, elle accroît la pression sur les effectifs de l’encadrement supérieur, car toute nomination suppose la création d’un équivalent temps plein correspondant. Elle a de plus un effet budgétaire, en termes de « frais de représentation » et de personnel de soutien : secrétaires, chargés de mission, notamment.
Sur ce point, je l’avoue, j’ai un peu l’impression de me répéter d’année en année. Toutefois, depuis l’an dernier, est arrivée une bonne nouvelle.
Mme Nathalie Goulet. En effet, depuis le dernier exercice budgétaire, nous avons remis la main sur l’ambassadeur chargé de la prévention des conflits, qui a fait montre d’une discrétion remarquable tout au long de sa mission : il est désormais président de l’Agence française de développement.
Nous avons aussi, du moins à ma connaissance, perdu l’ambassadeur de la parité – serait-ce que la parité ne mérite plus de représentant ou que le recyclage a fonctionné, par les voies magiques, et cette fois dans le bons sens pour votre budget, du suffrage universel ? (Sourires.) – et il n’est pas remplacé.
Franchement, monsieur le ministre – je le dis sans en faire une question de personnes –, est-ce une pratique convenable, surtout en cette période de crise ?
Par ailleurs, pourquoi envoyer des ambassadeurs non arabisants dans les pays arabes et ceux qui parlent arabe en terre anglophone ? Pourquoi de très brillants ambassadeurs qui parlent des langues rares sont-ils confinés dans des ministères comme conseillers diplomatiques alors que le terrain les appelle ?
Quels sont les critères de sélection pour nos postes d’expansion économique et, surtout, pour des postes d’attaché culturel ?
Je rejoins ce qui a été dit précédemment : nous savons à quel point les relations culturelles et universitaires sont essentielles au soutien des relations économiques.
On ne dira jamais assez les effets majeurs de l’implantation de la Sorbonne et du Louvre à Abu Dhabi ou de Saint-Cyr au Qatar sur le rayonnement de la France. Je tiens à saluer au passage le remarquable travail de M. Dominique Baudis à la tête de l’Institut du Monde arabe, institut atypique qu’il faut soutenir sans réserve.
J’en profite pour dire un mot de la formation en matière de langues étrangères. J’avais déjà alerté, l’an dernier, votre collègue en charge de l'éducation nationale : 0,2 % de nos élèves apprennent l’arabe, 0,5 % étudient le russe.
Comment préparer une génération d’acteurs compétitifs dans ces conditions et pourquoi ne pas utiliser l’excellent Centre de formation interarmées au renseignement, le CFIAR, situé à Strasbourg, comme centre de formation linguistique interministériel ? C’est une proposition que d’autres avant moi ont faite.
Le rayonnement de la France, c’est aussi la politique des visas. Nous en avons longuement et stérilement débattu ici durant l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie.
Vous souhaitez, monsieur le ministre – et l’on vous comprend –, une politique attractive pour les étudiants, comme en témoigne la page 97 du « bleu budgétaire ».
Je vous renvoie également à l’excellent rapport d’Adrien Gouteyron sur le casse-tête des visas.
Vous savez bien entendu que, à la suite de dispositions européennes, nous sommes non seulement les premiers, mais aussi les plus sévères à appliquer cette politique des visas avec empreintes digitales.
Imaginez que tel cheikh des Émirats ou tel membre de la famille royale du Qatar se rendre dans notre consulat à la décoration improbable pour déposer ses empreintes, puis attendre une dizaine de jours pour obtenir un visa !
La présidence française, à l’agenda certes très chargé, n’a rien résolu. Nos amis anglais ont trouvé une solution : c’est leur ambassadeur qui se déplace muni d’une valise et recueille lui-même les empreintes digitales.
M. Brice Hortefeux, à qui j’avais demandé qu’une mesure similaire soit appliquée, m’a répondu, le 20 juin dernier, par la négative.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner quelques raisons d’espérer, s’agissant de ce problème des visas, notamment pour les étudiants ?
Pourriez-vous également faire le point sur la liste de ces ambassadeurs thématiques ou, à défaut, nous transmettre un rapport retraçant sinon leur activité – il ne faut tout de même pas être naïf ! –, du moins leur localisation géographique et leur incidence sur votre budget ?
Il n’est pas douteux que ces ambassadeurs pudiquement qualifiés « thématiques » vivent au-dessus de nos moyens.
Je vais évoquer maintenant l’action de la France à l’étranger – sujet plus classique, épreuve imposée – et notre rôle dans le golfe Persique.
Vous voulez faire des Émirats arabes unis un poste pilote. Bravo ! L’ambassadeur y est brillant, l’équipe est au travail. Les Émirats arabes unis constituent un allié de poids dans la débâcle économique que nous connaissons.
Je souhaite attirer votre attention sur l’Alliance française à Abu Dhabi, qui est totalement incapable de faire face à ses missions en raison d’une demande accrue de formations linguistiques. Il faudrait créer à Abu Dhabi un centre moderne qui unifierait nos outils de francophonie, et y associer les émiriens. Vous ne pouvez pas les solliciter uniquement pour qu’ils donnent des subventions : il faut absolument les associer, car ils sont des partenaires actifs.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
Mme Nathalie Goulet. Considérer le Qatar comme un joker diplomatique est une stratégie brillante, dans le dialogue euro-méditerranéen comme dans les autres dossiers. En effet, le Qatar occupe une place stratégique de premier plan. Ses richesses en gaz et en pétrole proviennent d’une nappe qu’il partage avec l’Iran. Ses moyens sont cependant bien supérieurs, et il prélève beaucoup plus que l’Iran, mais leurs intérêts sont liés, ce qui explique le déplacement de Son Altesse l’Émir de l’État du Qatar en Iran et l’invitation du président iranien à la réunion du Conseil de coopération des pays du golfe Persique.
En effet, en cas de conflit ou de dégradation de la situation, le Qatar, ses tours et son développement exemplaire seront aux premières loges. Chacun a donc intérêt à la paix des braves.
J’ajoute que, hormis le royaume de Bahreïn, le Qatar est le seul pays de la région à entretenir des relations avec l’État d’Israël, ce qui peut aider pour les rapprochements dans cet « Orient compliqué ».
Le Yémen, pays le plus pauvre de la région, est prioritaire pour notre action culturelle. Je m’en réjouis.
J’ai passé quelques jours à Sanaa pour y constater l’excellent travail du centre culturel et la francophilie de nos amis yéménites, qui doivent recevoir encore plus de projets de coopération, car ce pays est un maillon faible dans la chaîne du terrorisme et, maintenant, dans celle de la piraterie.
Il faudrait aussi aider les autorités yéménites à résoudre le problème des réfugiés qui, par milliers, quittent la corne de l’Afrique et traversent la mer au péril de leur vie. Le Yémen est débordé par ces réfugiés, qui vivent dans des camps au sud du pays et nourrissent le terrorisme.
Le Koweït nous pose d’autres problèmes. Il est indiqué dans un rapport que ce pays pourrait être doté d’un poste mixte avec un autre pays européen.
Le Koweït est détenteur des quatrièmes réserves pétrolières du monde. Pour entretenir de bons rapports avec lui, je vous encourage chaudement, monsieur le ministre, à nommer un ambassadeur arabisant.
La dernière visite officielle d’un ministre au Koweït fut celle, de quelques heures, de Philippe Douste-Blazy, le 10 mars 2007, un an après celle de Mme Christine Lagarde, alors ministre du commerce extérieur. C’est peu, très peu ! Mais peut-être le site de l’ambassade n’est-il pas à jour, ce qui serait une preuve supplémentaire de ses dysfonctionnements ?
Bien que la situation institutionnelle y soit toujours un peu instable, du fait d’un Parlement un peu turbulent, ce qui est un bon signe pour la démocratie, il faudrait y planifier une visite, monsieur le ministre.
J’en viens à l’Iraq.
Nous n’avons pas appliqué, alors que tous les autres pays européens l’ont fait, la résolution 1483 du 23 mai 2003 du Conseil de sécurité, qui précise, en son article 23, que les États membres de l’Organisation des Nations unies « sont tenus de geler sans retard ces fonds ou autres avoirs financiers ou ressources économiques et (…) de les faire immédiatement transférer au Fonds de développement pour l’Iraq ».
Il faut absolument que ces avoirs soient dégelés avant le 31 décembre prochain. L’ambassadeur d’Iraq en a fait plusieurs fois la demande : il n’a reçu aucune réponse. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?
Nous travaillons tous au rayonnement de la France.
Mme Nathalie Goulet. Nous voterons évidemment en faveur des crédits qui nous sont proposés.
Je souhaite que, cette année, on vous laisse le temps de nous répondre, ce qui n’avait pas été le cas l’année dernière puisque vous aviez, à mon grand regret, été contraint d’écourter votre intervention. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, du RDSE et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2009 de la mission « Action extérieure de l’État » ne permettra guère à notre pays de se distinguer de manière positive sur la scène internationale.
Son examen nous donne aujourd'hui l’occasion, au-delà des débats purement financiers, de faire un bilan, certes non exhaustif compte tenu du temps dont nous disposons, de la politique étrangère de la France.
À l’heure où le monde est bousculé par des conflits de toutes sortes, aux enjeux majeurs, et secoué par une terrible crise du capitalisme financier, aux lourdes conséquences économiques et sociales, à l’heure où la France est aux commandes de l’Union européenne, la question de l’orientation de la politique étrangère de notre pays est plus que jamais posée.
Cette orientation relève toujours, me semble-t-il, du seul ressort du Président de la République,…
M. Robert Hue. …lequel cherche sans cesse davantage à attirer les projecteurs sur lui plutôt que de porter, sur le plan international, une parole de la France qui pourrait être entendue.
Les relations du Président avec les autres dirigeants du monde sont empreintes d’un volontarisme excessif. Des crispations se font sentir çà et là : récemment, la Chancelière allemande n’a pas caché qu’elle était excédée par l’attitude du président Sarkozy. Je l’ai déjà fait remarquer, notre pays gagnerait certainement à rompre avec ce qui, à bien des égards, est perçu à l’extérieur comme de l’arrogance bardée de certitudes, une attitude dont nous n’avons guère les moyens.
Malgré les déclarations intempestives du chef de l’État, le bilan est jugé plutôt terne et l’image de la France dans le monde semble altérée pour les années à venir. (M. le ministre soupire.)
En Afghanistan – c’est le dossier le plus urgent –, sept ans après l’intervention de la coalition internationale, les talibans sont aux portes de Kaboul. À l’évidence, notre présence militaire, engagée dans des opérations guerrières, n’est pas le bon choix. La logique actuelle du Gouvernement français conduit à un renforcement de nos troupes, qui ont pourtant essuyé de lourdes pertes en août dernier et pas moins d’un incident par jour sur les quatre derniers mois. Cela n’a pas de sens !
Je réitère donc notre demande de voir respectés les engagements pris par la France en 2001, à savoir la participation à une mission de maintien de la paix, l’instauration de nouveaux droits pour les femmes et la mise en place d’un contrôle de la drogue.
Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas laisser la France s’enliser dans une guerre qui, de plus en plus, nous entraîne dans ce qu’il faut bien appeler un véritable bourbier.
Comment justifier cette tendance de notre pays à augmenter sa présence en Afghanistan, alors que des retraits sont programmés dans des pays à l’avenir incertain ? Je pense à la Bosnie-Herzégovine, en proie à une évolution intérieure gravissime, où le démantèlement de l’EUFOR est pourtant prévu pour 2009. Je pense aussi à la République démocratique du Congo, pays à propos duquel j’aimerais que vous nous précisiez les intentions du Gouvernement. (M. le ministre s’exclame.)
Cette décision de renforcer nos effectifs en Afghanistan participe du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN. C’est un véritable retour en arrière, qui préoccupe nombre de nos collègues, opposition et majorité confondue, et qui soulève de nombreuses questions. La France risque en effet, d'une part, de voir son rôle et sa place sur la scène internationale affaiblis, et, d'autre part, de ne plus avoir de marge de manœuvre autre que celle, extrêmement réduite, que lui laissera, disons-le, un alignement docile derrière les États-Unis.
Je ne pense pas, pour ma part, que l’élection récente de Barack Obama, qui constitue un incontestable symbole, soit de nature à changer le cours des choses.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Ça !
M. Robert Hue. Les intérêts américains resteront prioritaires : il n’y a aucun doute, aucune illusion à se faire en la matière.
Ce budget pour 2009 s’appuie sur les recommandations du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, rendu public, l’été dernier, par Alain Juppé. À cet égard, je formulerai un certain nombre d’observations.
Premièrement, la répartition annoncée des ambassades en fonction de l’importance du pays ou de la région constitue un moyen subtil de cacher la baisse des effectifs, sur laquelle je reviendrai. Ambassadeurs ou membres de l’exécutif de certains pays concernés, ils sont quelques-uns à m’avoir fait part – mais sans doute aussi à d’autres – de leurs profondes inquiétudes et de leurs craintes de voir l’image de leur pays altérée par une classification de circonstance qui, à leurs yeux, est purement politique.
Deuxièmement, la réduction du réseau consulaire en Europe se fera au profit des pays émergents, comme la Chine, l’Inde ou le Kurdistan d’Irak. D’autres parlementaires l’ont souligné, la présidence française de l’Union européenne a boudé l’Amérique latine à différents niveaux et à différents moments, notamment en refusant de se rendre au sommet Europe-Amérique latine. La crédibilité des discours officiels sur les pays émergents se trouve alors, bien sûr, fortement entamée.
Troisièmement, concernant l’immigration, le « nouveau regard » sur l’Afrique est naturellement souhaitable, voire obligatoire. Pour cela, il faut redéfinir notre politique africaine, déjà lourdement handicapée par la politique d’immigration et les reconduites à la frontière en hausse constante, ainsi que par une politique d’aide publique au développement – nous l’avons constaté voilà deux jours, en examinant les crédits budgétaires correspondants – qui s’écarte sensiblement et de façon très inquiétante des objectifs fixés.
N’oublions pas non plus les déclarations excessives du Président de la République en Afrique du Sud et à l’occasion de la conférence des ambassadeurs, qui n’ont en rien apaisé la tempête légitime qu’a soulevée chez nos amis africains le discours de Dakar du mois de juillet 2007, lequel a été et est toujours considéré, en Afrique et dans le monde, comme l’un des plus régressifs qui soient.
Quatrièmement, enfin, il reste encore du chemin à parcourir pour concilier les intérêts, notamment économiques et culturels, et le respect des droits de l’homme, au regard de la réception en grande pompe du président Kadhafi, des déclarations en Tunisie ou de l’inconstance pour le moins marquée de nos relations avec la Chine.
Mon collègue Michel Billout reviendra tout à l’heure sur d’autres aspects de notre politique extérieure et insistera, en particulier, sur la situation au Proche-Orient.
J’en viens à présent au budget proprement dit.
La révision générale des politiques publiques, imposée bien avant l’heure au ministère des affaires étrangères, contribue, pour cette année encore, à réduire de 190 agents les effectifs. Ce que vous nommez fièrement une « rationalisation de l’outil » ressemble à s’y méprendre à un plan social. La direction générale de l’administration et vous-même, monsieur le ministre, démentez la formule, bien évidemment, ce qui est tout à votre honneur, mais tout en confirmant les suppressions !
Les perspectives pour 2009-2011 ne sont guère plus réjouissantes. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est exactement, sans masquer la réalité par des restructurations dissimulées ?
Je souhaite également attirer votre attention sur la prise en charge à 100 % des frais de scolarité à l’étranger. Cette mesure est totalement injuste, car elle ne tient pas compte des ressources des familles et avantage assurément les plus hauts revenus.
Dans le même temps, le budget pour 2009 confirme un recul de l’action culturelle et de l’utilisation de la langue française dans le monde, auxquelles j’attache beaucoup d’importance, sous couvert, encore une fois, de rationalisation Nous ne pouvons que le déplorer, et je rejoins nombre des observations formulées à ce propos par notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le ministre, les actions internationales de la France, affichées tous azimuts, sont à l’image présidentielle, souvent incohérentes et malheureusement peu efficaces. Le budget pour 2009 de la mission « Action extérieure de l’État » est, certes, en légère progression, mais, les programmes n’étant pas dotés dans le sens que nous souhaitons, mes collègues du groupe CRC-SPG et moi-même voterons contre ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le ministre, comme chaque année, je vais vous entretenir non pas de l’action extérieure de la France, sujet qui m’intéresse toutefois au plus haut point, mais des crédits qui y sont affectés et qui sont évidemment indispensables pour que, sous votre conduite, cette action soit menée.
À cet égard, depuis votre entrée en fonction, je me demande si votre ministère n’a pas qu’une seule priorité, à savoir la scolarisation des enfants des Français établis hors de France. Il s’agit d’un sujet extrêmement important, pour lequel le Président de la République a fait un choix simple : assurer la gratuité de l’enseignement français à l’étranger dans les établissements conventionnés de notre important réseau pour les élèves de terminale et de première, et, prochainement, pour ceux de seconde.
Je suis de ceux qui pensent qu’un tel choix est à la fois porteur et bénéfique pour les Français de l’étranger, lesquels peuvent ainsi faire scolariser leurs enfants pratiquement dans les mêmes conditions que nos compatriotes de métropole.
Je constate néanmoins avec regret que, sur ce point, les choix du Président de la République sont contestés dans sa propre majorité. En effet, conformément à ce que souhaite la gauche, certaines associations de parents d’élèves, des parlementaires, des membres de votre ministère et vous-même, me semble-t-il, pensent qu’il aurait été plus judicieux d’augmenter les bourses données aux familles dont les revenus sont les plus modestes plutôt que d’assurer la gratuité.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Certainement !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Les représentants des Français de l’étranger sont partagés. Toutefois, nous nous rappelons que la promesse de François Mitterrand en 1981…
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cela date !
M. Jean-Pierre Cantegrit. …d’assurer la gratuité totale de l’enseignement pour tous les Français de l’étranger s’est soldée, à la fin de son mandat, par le doublement des frais de scolarité pour ces familles.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Elles ont bénéficié de bourses grâce à lui !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Madame, je ne vous ai pas interrompue, alors, je vous en prie, laissez-moi m’exprimer !
Selon moi, l’engagement pris, au cours de sa campagne, par le Président de la République est porteur, même s’il est sélectif ; il a le mérite d’engager résolument une action. Soyons encore plus clairs : le Président n’a pas décidé d’augmenter les bourses scolaires. Ne détournons donc pas sa décision. Je soutiendrai donc l’amendement de mon collègue Robert del Picchia, qui a le mérite de vouloir dresser un bilan avant toute décision.
Mais un autre problème, monsieur le ministre, me guide dans mon intervention : celui de la couverture sociale des Français de l’étranger.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Certains d’entre eux ne sont-ils pas dans une situation précaire, voire difficile, qui nécessite une aide de notre pays leur assurant un minimum de couverture sociale ?
J’ai essayé dans le passé de vous intéresser à ce sujet, mais, je dois l’avouer, je suis quelque peu consterné du résultat du fonds d’action sociale de votre ministère, dont l’objectif est d’agir en faveur des Français âgés, nécessiteux, handicapés, de soutenir les organismes d’assistance, les sociétés de bienfaisance et les centres médicaux, en ce qui concerne, notamment, les rapatriements.
Monsieur le ministre, vous qui, au cours des années passées, avez mené une action résolue et appréciée dans le domaine humanitaire, je vous interroge : l’action sociale de votre ministère est-elle une priorité ? Si c’est le cas, comment se fait-il que les crédits du fonds d’action sociale stagnent de façon dramatique depuis votre arrivée ? Permettez-moi simplement de citer les montants attribués ces dernières années : 16,810 millions d'euros en 2006, 16,340 millions d'euros en 2007, 16,343 millions d'euros en 2008, soit une diminution en euros constants.
Je siège à la Commission permanente pour la protection sociale des Français de l’étranger depuis sa création. Or la réunion annuelle dont l’objet est de répartir les crédits entre les comités consulaires se résume à une gestion de la pénurie, gestion bien faite, d’ailleurs, par les fonctionnaires de votre ministère.
Sur le pôle social de votre ministère, l’adoption internationale, dotée de 160 000 euros, n’a bien entendu qu’une fonction indicative. L’aide de 16 millions d’euros mise en place pour continuer à prendre en charge les Français âgés ou handicapés inscrits au registre des Français établis hors de France est insuffisante, compte tenu de la progression du nombre d’allocataires, passé de 5 162 en 2006 à 5 214 en 2007, puis à 5 358, en 2008.