Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Excellente intervention !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Santé » apparaît plus que jamais comme un budget de transition dans l’attente du projet de loi « hôpital, patients, santé et territoires », ainsi que l’atteste le gel des crédits accordés aux autorités régionales de santé. Mais ce budget de transition n’est pas sans nous interroger, voire nous mécontenter.
Avant d’entamer le cœur de ce qui constitue notre opposition aux crédits alloués à cette mission, je voudrais dire combien je regrette que les décrets d’application de la loi du 8 février 2008 relative aux personnels enseignants de médecine générale n’aient pas encore été publiés. Il s’agissait pourtant d’un texte qui avait fait l’unanimité dans notre hémicycle. J’avais donc bon espoir que cela avance vite. Tel n’est pas le cas.
En outre, je voudrais appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité de procéder rapidement au déblocage des crédits alloués à l’enseignement de la médecine générale. En effet, le nombre de médecins enseignants est très largement insuffisant, à peine 130 pour 6 000 internes.
Toujours dans mes propos liminaires, je souhaiterais vous faire part, madame la ministre, de notre interrogation concernant la réflexion de notre collègue Alain Milon sur les agences sanitaires. Si nous ne sommes pas opposés à une clarification en matière d’agences sanitaires, nous redoutons que celle-ci ne se fasse qu’au bénéfice des seuls motifs économiques. Aussi la fusion envisagée de l’AFSSA, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, et de l’AFSSET, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, nous semble inopportune dans la mesure où risquerait d’être minoré l’important sujet de la sécurité sanitaire au travail. C’est l’une de nos préoccupations, monsieur le rapporteur pour avis. J’espère que vous y serez sensible.
Par ailleurs, je voudrais regretter ici la pratique des transferts entre les différents budgets, qui, bien que parfois heureux, rendent impossibles toute comparaison d’une année sur l’autre. Au-delà de cette question technique, je voudrais dire l’interrogation qui est la nôtre sur le transfert auprès des services du Premier ministre de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Si l’on comprend bien la logique, qui est de favoriser une compétence unique pour une mission transversale, au nom de mes collègues du groupe CRC-SPG, (Exclamations amusées sur plusieurs travées) …
M. Gilbert Barbier. C’est plus long à prononcer !
M. Guy Fischer. Oui, et il va falloir nous y faire. (Sourires.)
… je voudrais rappeler que le traitement efficace de la lutte contre la toxicomanie et les addictions en général ne peut se limiter à une conception sécuritaire. Il ne peut être question que de chercher à sanctionner. Certes, il faut le faire, mais il faut aussi tout mettre en œuvre pour prévenir la toxicomanie et pour permettre à ceux qui en sont victimes de trouver les moyens, en termes d’accueil et d’accompagnement humain, de combattre leur addiction.
Cette question me conduit directement à regretter le recul qu’entame le Gouvernement en matière de lutte et de prévention contre les risques infectieux, particulièrement ceux qui sont liés à la sexualité : le VIH/SIDA, l’hépatite et les autres infections sexuellement transmissibles, les IST. En effet, on ne peut que regretter que le plan de lutte contre le VIH/SIDA et les IST, entamé en 2005 et qui trouve sa fin en 2008, ne soit pas reconduit en 2009. C’est du moins mon impression.
Ainsi, vous entendez diminuer les moyens afférents à la lutte contre les IST de plus de 15 % en 2009, sans compter l’abandon du programme national. Pourtant, jamais les besoins de prévention n’auront été aussi grands.
D’après le bulletin épidémiologique hebdomadaire, en date du 5 février 2008, publié par l’Institut de veille sanitaire, le nombre d’infections sexuellement transmissibles ne cesse de se multiplier. C’est ainsi que les infections à gonocoque ne cessent de croître depuis 2006. Pour éviter de recourir à des termes médicaux inutiles ici, il s’agit d’une recrudescence encore jamais vue de la blennorragie : une augmentation de plus de 70 % sur dix ans ! Aurais-je mal lu ?
Se développe également la lymphogranulomatose vénérienne, particulièrement dans sa forme rectale.
Tout cela est d’autant plus vrai avec la recrudescence du VIH et la multiplication de pratiques sexuelles dangereuses, promues par certains sites internet comme les relations sexuelles sans préservatif, alors que l’on se sait contaminé.
Mais surtout, on constate une recrudescence du nombre de victimes du VIH, particulièrement chez les plus jeunes. C’est dire que je fais mienne la conclusion de l’INVS, qui constate un relâchement dans les pratiques sexuelles et dans les mesures de prévention.
Je ne peux que regretter que, face à ce relâchement individuel, le Gouvernement, qui a une responsabilité en matière de prévention, décide de diminuer ses efforts…
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais non, monsieur Fischer ; je vous donnerai des explications !
M. Guy Fischer. J’espère que vous me convaincrez, madame la ministre, en me donnant des éléments d’informations.
Il me semblait que vous aviez décidé de baisser considérablement, de plus de 20 %, les budgets mis à disposition par l’État dans la lutte contre le VIH.
M. Guy Fischer. De surcroît, 57 départements ont renoncé à la gestion de la lutte contre les IST et ce mouvement tend à s’amplifier. Si ni les régions ni l’État ne peuvent assumer pleinement cette mission essentielle de prévention, on est en droit de se demander qui le fera.
Par ailleurs, je déplore, comme l’ont fait les associations, l’absence du gouvernement français à la dernière conférence mondiale de lutte contre le sida, qui s’est tenue en août dernier à Mexico.
M. Guy Fischer. Vous n’y étiez pas, madame la ministre, et seule votre présence me rassure. (Sourires.)
Votre absence, madame la ministre, a été considérée par les associations comme un désengagement de l’État français, qui est confirmé par la diminution des crédits de 20 % que j’évoquais,…
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais non, les crédits augmentent ! Il faut savoir lire les documents budgétaires !
M. Guy Fischer. … et, au plan international, avec la coupe sévère de 60 % annoncée dans les budgets des programmes d’aide aux pays pauvres sous le prétexte de la crise financière.
Ce faisant, vous faites supporter aux plus faibles parmi les faibles le prix d’une logique économique qui interdit l’accès des plus pauvres aux médicaments, particulièrement à la trithérapie.
Dans ce contexte, je réitère notre demande : il faudrait supprimer en France les franchises médicales, qui constituent un obstacle financier important. Il convient par ailleurs de garantir les fonds destinés à la prévention et à la lutte contre le sida. La question mérite d’être débattue, et je crois que nous devrions nous doter des moyens financiers pour accompagner cette politique de prévention.
Pour ce qui est du vieillissement de la population, on sait que près de 800 000 personnes sont concernées aujourd’hui par la maladie d’Alzheimer et les estimations prévoient, d’ici à 2020, 1,3 million de personnes affectées. C’est dire l’ampleur des besoins !
On constate donc une diminution des budgets, mais peut-être s’agit-il d’une lecture partisane de ce projet de budget !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous êtes mal informé ! Il s’agit d’une mauvaise lecture ; je vous expliquerai.
M. Guy Fischer. Je souhaite que vous puissiez me rassurer, madame la ministre. Quoi qu’il en soit, nous ne pourrons pas voter les crédits alloués à la mission « Santé ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Etienne.
M. Jean-Claude Etienne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Santé » pour 2009, qui s’élèvent à 1,1 milliard d’euros, sont en hausse de 6,3 % en crédits de paiement.
Je tiens à saluer la progression constante des crédits jusqu’en 2011, que leur présentation pluriannuelle permet d’anticiper.
Pour 2009, la mission s’articule autour de trois grands programmes. Le premier, « Prévention et sécurité sanitaire », concerne notamment la lutte contre le cancer, à laquelle plus de 81 millions d’euros sont alloués. À la clé, il y a l’élaboration d’un nouveau plan d’importance, comme l’a rappelé Jean-Jacques Jégou. À ce sujet, madame la ministre, j’aimerais que vous puissiez nous donner quelques précisions sur la manière dont vous projetez de mettre en œuvre ce plan.
En outre, conformément aux engagements du Président de la République, un effort d’une extrême importance sera consacré au renforcement des moyens de lutte contre les maladies neurodégénératives, et plus particulièrement à la mise en œuvre du plan Alzheimer 2008-2012. Le Président de la République a souligné récemment le caractère européen de ce plan. Au moment où la recherche réalise des avancées considérables sur cette maladie, en particulier en termes d’imagerie lésionnelle, nous avons besoin d’envisager l’instrumentation médicale à une échelle plus vaste que l’Hexagone. L’Europe doit prendre la pleine mesure de cet engagement.
Je souligne également la création de nouvelles structures pour les aidants familiaux, qui est également au cœur du problème.
Je souhaite par ailleurs évoquer la lutte contre l’obésité.
Notre Haute Assemblée a eu l’occasion d’en débattre cette année à l’occasion de la question orale posée par notre collègue Gérard Dériot, qui s’est particulièrement impliqué dans cette affaire. Il a proposé plusieurs outils pour combattre ce problème qui met en péril la santé en particulier de notre jeunesse. Mme Brigitte Bout, avec l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, élabore un rapport impliquant les mécanismes épigénétiques dans ce domaine.
Les crédits de paiement du deuxième programme national nutrition santé devraient augmenter de 30 %. Quelles mesures concrètes comptez-vous mettre en œuvre, madame la ministre ? Nous souhaiterions obtenir des précisions sur ce point.
Le programme « Prévention et sécurité sanitaire » traite des mesures engagées pour faire face aux menaces sanitaires. Pour ma part, je ne fais pas du tout la même lecture de ce programme que notre collègue Guy Fischer ! La lutte contre une éventuelle pandémie de grippe aviaire est prise en compte et vous avez raison de vous en préoccuper, car c’est une question d’une extrême importance.
Quant aux maladies infectieuses émergentes, qu’il s’agisse de la lymphogranulomatose, des infections à gonocoque et à chlamydia, elles sont également prises en compte. Je m’apprêtais à m’en féliciter, mais je suis inquiet après ce que vient de dire notre collègue Guy Fischer. Même les menaces bioterroristes sont envisagées pour la première fois. Bref, la montée en charge de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, le fameux EPRUS, créé en 2008, permet une meilleure gestion des stocks de médicaments et de matériel nécessaires à la gestion des situations de crise.
J’en viens au deuxième programme, intitulé « Offre de soins et qualité du système de soins ».
En ce qui concerne notamment la formation médicale, au-delà de l’augmentation du numerus clausus, je tiens à souligner l’extension des stages dans les cabinets libéraux de médecine générale. En matière de démographie médicale, il est démontré que les jeunes s’installent souvent là où ils réalisent leur stage de fin d’études. C’est d’ailleurs toute la problématique du nombre de chefs de clinique et d’internes de cette filière de médecine générale qu’il convient de répartir de façon urgente sur le territoire.
Pour ce qui est de la qualité des soins, chat échaudé craint l’eau froide ! Les accidents de radiothérapie qui se sont produits à Épinal et à Toulouse ont marqué les esprits. Je tiens à vous remercier, madame la ministre, d’avoir prévu un système de veille dans ce domaine.
À ce sujet, l’appel à des physiciens auprès de machines de radiothérapie de plus en plus sophistiquées va peut-être nécessiter une période de transition durant laquelle on préférera apprécier la dosimétrie chez le patient in vivo plutôt qu’à la sortie de l’appareil.
M. Jean-Claude Etienne. L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, que je me suis permis de consulter voilà quelques jours à ce sujet, pourrait contribuer à accroître plus rapidement notre efficacité en la matière.
Enfin, je me réjouis de la création des agences régionales de santé, prévue dans le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires ». Je rejoins Alain Milon dans son analyse sur la fusion des agences.
Madame la ministre, si le montant des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2009 est sans commune mesure avec celui des crédits de l’assurance maladie, nous soulignons le rôle qualitatif essentiel de ce projet de budget en matière de prévention, de santé publique et de solidarité.
Aussi, madame la ministre, ne serez-vous pas étonnée que le groupe UMP vote les crédits de cette mission avec conviction ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Santé » a été très largement remaniée cette année, avec un élargissement de son périmètre. Elle a en effet absorbé le programme « Protection maladie », ainsi que les crédits alloués à la veille et à la sécurité sanitaires, dont j’étais rapporteur encore l’an dernier.
Nous avons donc un budget supérieur à 1,1 milliard d’euros, qui peut paraître bien limité face à celui de l’assurance maladie, comme vient de le souligner Jean-Claude Etienne. De plus, il sera marqué l’an prochain par les profonds changements résultant du projet de loi « hôpital, patients, santé et territoires ».
Ces changements sont très attendus, car nécessaires, pour consolider les fondements de notre système de santé, assurer l’accès de tous à des soins de qualité et renforcer la prévention dans un cadre de dépenses publiques non extensibles à l’infini.
Certes, 2009 est une année de transition, ce qui ne nous dispense pas de formuler quelques observations sur ce projet de budget.
Ma première observation porte sur le pilotage de la politique de santé.
Comme l’a souligné M. le rapporteur, au cours des années quatre-vingt dix, la succession de crises sanitaires particulièrement graves a très clairement mis en lumière les faiblesses du dispositif français de veille et de sécurité sanitaires. L’État a donc progressivement transféré certaines de ses compétences à des agences. C’est ainsi qu’ont notamment été créées l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, puis l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET.
La mise en place de ces agences a constitué une avancée majeure, permettant d’appuyer la décision publique sur une expertise de haut niveau. Toutefois, leur nombre excessif a fini par brouiller le dispositif, qui présente des insuffisances liées notamment à l’enchevêtrement de certaines compétences, et surtout dont le coût de fonctionnement est exorbitant.
Comme j’ai souvent eu l’occasion de le dire, une réflexion s’impose en la matière. Sans remettre en cause la logique et les principales caractéristiques du dispositif actuel, nous estimons nécessaire d’y apporter plusieurs aménagements afin d’en accroître la qualité, l’efficacité et la lisibilité.
La création d’un comité d’animation du système d’agences est intéressante pour renforcer le pilotage stratégique de ces opérateurs et organiser des synergies. Mais il faut peut-être aller plus loin.
Le rapporteur propose une fusion de l’AFSSA et de l’AFSSET. Il en résulterait, me semble-t-il, un ensemble parfaitement cohérent.
Pourquoi ne pas planifier aussi, à moyen ou court terme, un rapprochement des agences sur un site unique dans le cadre d’une stratégie immobilière ?
Ma deuxième observation porte sur les crédits consacrés à la lutte contre le sida. Ces derniers diminuent fortement, de plus de 20 % par rapport à 2008. Le colloque qui se tient depuis deux jours sur la veille sanitaire a d’ailleurs évoqué ce problème.
Je tiens à exprimer mon inquiétude face à cette baisse. Le programme national arrive à échéance et ne sera pas reconduit, alors même que le nombre de primo-infections au VIH reste supérieur à 1 200 cas recensés par an et que les engagements pris en 2007 en matière d’appartements de coordination thérapeutique n’ont pas encore été tenus en 2008.
Le risque de contamination perdure, en particulier pour certains groupes de population, comme la communauté homosexuelle, les personnes migrantes, les habitants d’outre-mer, particulièrement la Guyane où la prévalence est très forte.
En France, 5 millions de tests VIH sont pratiqués chaque année, mais 36 000 personnes demeurent dans l’ignorance de leur séropositivité. De plus, le diagnostic tardif de l’infection – un tiers des cas – reste encore trop fréquent.
Le Conseil national du sida, dans lequel j’ai l’honneur de représenter notre assemblée, plaide pour un élargissement des propositions de dépistage. L’expérimentation de tests de dépistage rapide du sida, soutenue par le ministère de la santé, l’Agence nationale de recherche sur le sida, l’ANRS et l’association AIDES, devra être analysée avec beaucoup d’attention. Cette initiative, appelée Com’Test, permettra d’aller au-devant des populations les plus vulnérables – jeunes homosexuels, migrants – avec un dépistage hors murs et démédicalisé.
La journée mondiale sur le sida sera organisée lundi prochain. Je voudrais à cette occasion rappeler la situation dramatique de l’Afrique subsaharienne. En 2007, pas moins de 1,5 million de personnes sont mortes du sida dans cette région.
Le Président de la République s’était engagé solennellement, le 7 juin 2007 au sommet du G8, en faveur d’un accès universel au traitement du VIH d’ici à 2010.
Du fait de l’absence des ministres français à la conférence de Mexico et les coupes imposées par la France, et d’autres pays, dans le budget du Fonds mondial de lutte contre le sida, certains doutes subsistent quant à la détermination de notre pays de rester un moteur dans la lutte contre le VIH dans les pays pauvres.
Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, où en sont les négociations avec les industries du médicament pour garantir l’approvisionnement et l’accès des traitements antirétroviraux aux malades du Sud ?
Ma dernière observation porte sur l’offre de soins.
L’année 2009 sera une année de transition pour les agences régionales de l’hospitalisation, qui laisseront la place dès 2010 aux agences régionales de la santé, les ARS.
J’ai souvent appelé de mes vœux un pilotage unifié au niveau régional des soins de ville et de l’hôpital. Une frontière étanche entre ces deux secteurs ne se justifie pas. Seule une structure regroupant l’ensemble des acteurs de la santé peut organiser, de manière globale et surtout cohérente, l’offre de soins sur un territoire.
Chacun doit pouvoir accéder à tout moment et dans de bonnes conditions aux soins dont il a besoin. Cela suppose en premier lieu une permanence des soins organisée, sinon par les professionnels de santé, du moins par les pouvoirs publics.
Aujourd’hui, elle est assurée de façon inégale et aléatoire sur l’ensemble du territoire. Le taux de participation varie ainsi de 20 % à 94 %.
L’évolution de la démographie médicale est sans doute pour beaucoup dans ces déséquilibres. Le vieillissement des praticiens et le manque de médecins se font non seulement sentir dans certaines zones rurales faiblement peuplées, mais aussi dans les départements périurbains ou dans les banlieues en difficulté.
Un autre élément, à savoir le nouveau rapport des professionnels de santé au temps de travail, semble également peser sur la permanence des soins. Les jeunes médecins sont parfois moins disponibles que leurs aînés pour intervenir la nuit ou le week-end. Peut-on les en blâmer ? Ils ont eux aussi droit à une vie de famille et la médecine de premier recours est peu attractive ?
Les agences régionales de santé devront par ailleurs relancer les restructurations hospitalières qui constituent un autre sujet de préoccupation.
Définie en 1996, cette politique de restructuration a, dans un premier temps, mobilisé les ARH, mais la dynamique initiale a été progressivement ralentie, voire interrompue.
Le défaut de pédagogie et de communication, le manque de ligne directrice stable, les signaux contradictoires de l’administration centrale ou encore l’absence d’outils d’évaluation ont freiné les restructurations.
Certaines ARH ont présenté des schémas régionaux d’organisation sanitaires, des SROS, réalistes, mais elles n’ont pas réussi à convaincre les établissements d’abandonner certaines de leurs activités devenues obsolètes. Elles n’ont pas toujours pu résister aux pressions locales des associations ou des élus.
Pourtant, il faut le rappeler avec force, les réorganisations sont souvent justifiées. L’insuffisance de taille critique, que ce soit pour la chirurgie ou la maternité, est dangereuse d’abord pour les patients et de plus coûteuse pour la nation.
Les évolutions technologiques ont véritablement transformé l’exercice de la médecine, nécessitant une optimisation des équipes et des équipements.
Chacun de nous est en droit d’espérer la prise en charge la mieux adaptée et la plus performante. N’instaurons pas une chirurgie à deux vitesses sous le prétexte d’impératifs liés à l’aménagement du territoire ou aux activités économiques de la cité!
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Gilbert Barbier. L’effort de restructuration doit donc être repris. Cette restructuration ne devra pas se limiter à une fusion ou à des regroupements de nature administrative. Il devra se traduire par une réorganisation des activités fondées sur un projet médical de territoire.
Telles sont, madame la ministre, les quelques observations que je souhaitais formuler à l’occasion de la discussion de la mission « Santé », que je voterai. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. René Teulade.
M. René Teulade. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vais vous faire part des remarques de mon groupe concernant les crédits pour 2009 affectés à ce que l’on appelle désormais la mission « Santé ».
En dépit des progrès réels qui ont été réalisés en matière de présentation des engagements et des moyens de paiement, je ne suis pas sûr – je suis même persuadé du contraire – que la lisibilité de la politique de santé du Gouvernement ait vraiment progressé.
Madame la ministre, vous avez une vision purement comptable de la santé, ce qui conduit à une dégradation de la politique de la santé de notre pays. C’est un constat que nous sommes de plus en plus nombreux à faire.
Vous changez les libellés et l’étendue des programmes, ce qui rend les comparaisons difficiles, voire impossibles, avec les exercices précédents.
Globalement, peut-on se satisfaire d’un montant d’ensemble de 1,13 milliard d’euros, soit guère plus de 0,5 % des dépenses totales de santé du pays, alors que la plupart de nos voisins européens consacrent à l’action gouvernementale dans ce secteur bien plus de moyens que la France.
M. René Teulade. Je sais que l’essentiel des moyens figurent dans les comptes des régimes d’assurance-maladie. Mais, en raison des limites d’action de ces dernières, je ne suis pas sûr que nous puissions sérieusement parler de santé publique, de prévention, de sécurité sanitaire avec un État aussi faible en moyens et en prérogatives.
C’est un budget d’attente. Cela transparaît dans le travail de tamis réalisé par les services des ministères pour rogner ici, élaguer là, quelques crédits. Le bilan de la loi de 2004 relative à la santé publique ne permet pas d’éclairer les choix du législateur ni de marquer davantage nos priorités nationales. C’est un handicap supplémentaire.
Le projet de loi « hôpital, patients, santé et territoires » que Mme la ministre nous présentera en janvier prochain ne clarifiera pas, je le crains, la réelle dispersion des logiques, des moyens et des équipes entre l’État et les autres acteurs, l’assurance maladie en particulier.
En outre, madame la ministre, votre projet recèle d’importantes carences, parfois étonnantes si on les rapproche des annonces récentes du chef de l’État. Ainsi, les crédits alloués à la prévention baisseront globalement de 3 % en 2009. Je n’ignore pas le contexte économique difficile dans lequel nous sommes. Je n’ignore pas non plus le fait que l’État n’est pas le seul pourvoyeur de moyens sur ce plan. Mais vous reconnaîtrez qu’il y a un écart surprenant entre un repli budgétaire et le souhait récent du Président de la République de faire passer le pourcentage des dépenses de prévention de 7 à 10 % dans le total des dépenses de santé !
M. René Teulade. Que se passe-t-il sur le terrain ? Les associations souffrent d’une quasi-asphyxie économique. C’est le cas de celles qui s’occupent du cancer du sein. Est-ce le moment de relâcher notre effort dans ce domaine ?
Autre exemple, la trop faible progression des crédits alloués aux maladies chroniques : une hausse de 1,9 % pour une dotation totale de 122 millions d’euros. Mais cette légère augmentation masque en réalité des reculs d’engagements dans la lutte contre le cancer et la maladie Alzheimer.
Vous avez multiplié ces dernières années les plans en faveur du grand âge : plan « Solidarité grand âge », plan contre la maltraitance, plan « Bien vieillir ». Comme d’habitude, outre les effets d’annonce du Président de la République, la multiplicité de ces plans a conduit à les rendre inefficaces et illisibles. Mieux vaudrait les regrouper afin qu’ils puissent donner de vrais résultats, même si l’on peut admettre un plan spécifique lié à la maladie d’Alzheimer.
Concernant la lutte contre le cancer, votre budget est placé sous le signe de l’attente de la mise en place d’un nouveau plan cancer.
Je voudrais rappeler ici les conclusions que la Cour des comptes a publiées dans un rapport consacré à la mise en place du plan cancer 2003-2007 que nous connaissons tous. Un tiers des 70 mesures de ce plan ont été complètement réalisées, un tiers modérément ou inégalement et un tiers peu ou pas du tout.
La commission a également pointé plusieurs limites qui devront être prises en compte pour l’avenir.
M. René Teulade. Citons un suivi insuffisant du plan, l’opacité des dépenses réelles, une absence d’évaluation des indicateurs de suivi mis en place… C’est pourquoi nous attendons avec intérêt le bilan du Haut conseil de la santé publique.
Madame la ministre, les soins chroniques sont une priorité absolue dans notre pays. Nous sommes à peu près tous d’accord sur ce point. Mais, si nous prenons l’exemple du suivi du diabète de type 2, qui relève du champ des soins chroniques, il n’existe aucune cohérence entre les actions de l’État, de l’assurance-maladie des salariés, des autres régimes sociaux ou encore des équipes médicales, qu’elles soient hospitalières ou libérales.
Sur cette question majeure qui donne sens, paraît-il, à la réforme hospitalière projetée pour 2009, l’État se défausse de ses responsabilités économiques.
Modernisation du système des soins, disons-nous ? Les crédits prévus sont en baisse de 19,5% ! Alors que le Président de la République vante, à juste titre, les mérites des maisons de santé pluridisciplinaires, le ministère de la santé, faute de moyens, alloue 50 000 euros seulement à chaque projet.
Est-ce encore une promesse du chef de l’État qui ne pourra être tenue ?
Je voudrais aussi évoquer la situation de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES. II reçoit 98 millions d’euros pour 113 millions d’euros de dépenses, ce qui le contraint à puiser fortement dans son fonds de roulement,…