Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, après l’analyse par Jean-Pierre Plancade des crédits de la recherche, je vous présenterai les programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Le budget de l’enseignement supérieur augmentera de 1 milliard d’euros en 2009, hors produits financiers du plan campus. Au total, les moyens budgétaires alloués à ces deux programmes augmentent, à structure constante, de 6,76 % en autorisations d’engagement et de 4,64 % en crédits de paiement. Ils seront mis au service de priorités qui nous tiennent à cœur.
Tout d’abord, nous nous réjouissons des mesures tendant à renforcer l’attractivité des carrières. Il a ainsi été tenu compte des propositions du rapport de la mission Schwartz, à laquelle j’ai eu le plaisir de participer.
Les moyens consacrés au renforcement de la réussite des étudiants permettront de faire progresser la dépense annuelle de l’État par étudiant de 37 % entre 2007 et 2011, et de nous rapprocher ainsi de la situation de nos partenaires de l’OCDE.
S’agissant de l’objectif essentiel consistant à faire émerger des établissements d’enseignement supérieur autonomes et puissants, je crois que la politique de repyramidage des emplois va dans le bon sens, tant sont importants les besoins d’encadrement.
Avec le plan licence et les moyens dédiés au passage à l’autonomie, les crédits supplémentaires alloués aux universités seront, dans les trois années à venir, quatre fois supérieurs à ceux qui leur ont été versés entre 2006 et 2008. Nous saluons l’ampleur inégalée de cet effort.
Madame le ministre, lors de votre audition devant notre commission, vous nous avez rassurés : au-delà des dix grands projets initialement retenus dans le plan campus, qui bénéficieront de 800 millions d’euros entre 2009 et 2011, onze autres projets méritent une attention particulière et recevront 400 millions d’euros en trois ans. Il est essentiel, en effet, que l’excellence soit partout encouragée et récompensée ; pour autant, il nous faudra aussi réfléchir à l’avenir des universités qui n’auront pas bénéficié de ce plan.
S’agissant du premier bilan du plan licence, j’aimerais connaître, madame le ministre, les suites que vous envisagez de donner aux propositions constructives du groupe de travail chargé de formaliser un cahier des charges en vue de la création d’un bureau d’aide à l’insertion professionnelle au sein des universités. En effet, les pratiques sont aujourd’hui très hétérogènes, et l’implication des établissements est très inégale. Je m’interroge également sur la relative modestie des crédits inscrits à ce titre pour 2009 et sur le risque d’émiettement des moyens consacrés à cette mission pourtant essentielle des universités.
La réforme du système des aides financières aux étudiants, mise en œuvre à la rentrée 2008, semble positive : le système est plus simple, plus lisible et, souvent, plus juste. Cependant, la révision des critères d’attribution peut poser certains problèmes. Comment gérer ces difficultés, madame le ministre ?
S’agissant de la vie étudiante, j’évoquerai rapidement quelques autres préoccupations et souhaits.
Il conviendra d’informer largement les étudiants sur l’accroissement des aides à la mobilité internationale, car le recul de cette dernière est inquiétant ; je pense que, dans les années à venir, il faudra prendre en compte l’étalement de l’année universitaire sur neuf mois et demi et les charges qui en résultent pour les étudiants.
Je souhaite que la nouvelle aide au mérite prenne rapidement le relais des aides auxquelles elle se substitue.
Les efforts en matière de logement étudiant doivent être salués, mais le retard accumulé ces dernières années ne sera pas résorbé. La reconversion des casernes militaires en résidences universitaires devra s’effectuer rapidement, là où cela s’avère pertinent.
Les bibliothèques universitaires françaises devraient bénéficier de moyens renforcés, et les établissements devraient prévoir, notamment, une plus grande amplitude horaire pour l’ouverture de leurs salles.
Les dispositions de la loi de 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités autorisaient celles-ci à créer des emplois étudiants. Il semble que l’on y recoure encore peu.
Les moyens consacrés à la médecine préventive universitaire restent trop limités, alors que les obligations en la matière sont confortées.
La culture est malheureusement trop absente des universités, et nous partageons votre souhait, madame le ministre, de créer une commission de réflexion sur la présence de la culture dans les établissements d’enseignement supérieur. La commission des affaires culturelles se propose d’ailleurs de se joindre aux travaux de cette commission.
Par ailleurs, comme l’a souligné mon collègue Jean-Pierre Plancade, la réforme de l’évaluation se poursuit et l’AERES a déjà réalisé un travail important. Il est désormais essentiel que les universités mettent en œuvre une procédure d’auto-évaluation.
Nous pouvons nous réjouir de ce que le futur modèle de répartition des moyens aux universités reprenne la quasi-totalité des propositions qu’avait formulées, au printemps dernier, notre groupe de travail commun avec la commission des finances, tant pour le volet formation que pour le volet recherche universitaire.
J’évoquerai brièvement quelques autres sujets de réflexion sur la poursuite de la réforme de l’enseignement supérieur.
S’agissant des moyens de financement des instituts universitaires de technologie, les IUT, un véritable dialogue de gestion s’avère nécessaire entre ces instituts et leur université. Ne pensez-vous pas, madame le ministre, qu’un contrat d’objectifs et de moyens interne devrait être intégré dans le contrat pluriannuel conclu entre l’État et chaque université ?
Par ailleurs, un débat va s’ouvrir sur la modernisation du master et la nécessaire question de la sélection à l’entrée de ce cycle. À cet égard, il me paraît nécessaire de faire prévaloir le bon sens et de conjuguer à la fois l’intérêt de l’étudiant et la bonne organisation de ce cycle au sein des universités.
Enfin, madame le ministre, quelles suites envisagez-vous de donner aux intéressantes propositions de la commission sur les nouveaux partenariats entre les universités et les grandes écoles, présidée par Christian Philip, dont le président de notre commission, Jacques Legendre, était membre ?
Je conclurai mon intervention en indiquant que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l’adoption des crédits consacrés à l’enseignement supérieur, à la recherche universitaire et à la vie étudiante pour 2009, ainsi qu’aux articles rattachés, sous réserve de l’adoption d’un amendement à l’article 66 bis. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, en remplacement de M. Michel Houel, rapporteur pour avis.
M. Philippe Dominati, en remplacement de M. Michel Houel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de vous présenter les excuses de Michel Houel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui ne peut être présent aujourd’hui du fait de la visite du Président de la République dans son département.
Michel Houel salue l’évolution du budget de la recherche pour 2009 : la recherche et l’enseignement supérieur sont en effet la première priorité budgétaire du Gouvernement. Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche augmente de 6,5 % en 2009, et devrait progresser de plus de 17 % sur la période 2009-2011. La recherche voit ses crédits augmenter de près de 7,4 % en 2009, soit une hausse de 863 millions d’euros.
Plusieurs aspects de ce projet de budget sont particulièrement positifs.
L’effort budgétaire, en 2009, est équilibré entre la recherche publique et la recherche privée : 57 % des moyens nouveaux sont dédiés à la recherche privée et 43 % à la recherche publique.
Les moyens de l’Agence nationale de la recherche, dont le bilan est très satisfaisant, augmentent de 45 millions d’euros, avec un soutien accru aux « programmes blancs », qui devraient désormais représenter 35 % des financements de l’Agence.
Le projet de budget pour 2009 constitue la première traduction concrète des engagements du Grenelle de l’environnement, avec 79 millions d’euros de crédits supplémentaires destinés à la recherche dans le domaine du développement durable. Sur la période 2009-2011, 1 milliard d’euros supplémentaires devrait être affecté à la recherche dans ce domaine.
L’augmentation du crédit d’impôt recherche est également très positive : les études montrent qu’un euro de crédit d’impôt recherche contribue à des dépenses supplémentaires de recherche en entreprise comprises entre 1 euro et 3,3 euros.
Par ailleurs, la réforme du crédit d’impôt recherche menée en 2007 fait aujourd’hui de la France le pays avec la fiscalité la plus avantageuse pour les centres de recherche en Europe. Le crédit d’impôt recherche, véritable arme anti-délocalisation, a ainsi conduit des grandes entreprises à maintenir leurs centres de recherche dans notre pays.
Michel Houel salue enfin la reconduction par le projet de loi de finances de la politique des pôles de compétitivité pour une nouvelle période de trois ans de 2009 à 2011. La politique des pôles de compétitivité est un grand succès, reconnu par tous, comme l’a montré son évaluation effectuée sous l’égide de la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires. Il serait cependant utile, madame la ministre, de connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre afin de procéder aux ajustements recommandés par cette évaluation.
Par ailleurs, Michel Houel s’est intéressé plus spécifiquement à l’Agence nationale de la recherche, l’ANR. L’étude du bilan d’activité de l’Agence lui a permis de répondre à certaines de ses inquiétudes, notamment quant à la durée et au niveau des financements accordés aux projets.
Cependant, il souhaiterait vous poser, madame la ministre, plusieurs questions.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre afin d’alléger les procédures, jugées lourdes par les usagers de l’ANR ?
Comment le Gouvernement compte-t-il agir afin de clarifier le pilotage du système de recherche, qui reste flou, notamment entre l’ANR et les établissements publics à caractère scientifique et technologique ?
S’agissant des moyens dont dispose l’ANR, serait-il envisageable d’augmenter les moyens, notamment humains, de l’Agence ou, à défaut, d’augmenter les moyens destinés au suivi des projets, qui semblent aujourd’hui insuffisants ?
En conclusion, madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission, suivant la proposition de Michel Houel, a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que sur les trois articles qui lui sont rattachés, les articles 66, 66 bis et 66 ter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis.
M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la présentation générale des crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », je me bornerai au champ traditionnel de la compétence de la commission des affaires économiques, autrement dit la politique de la recherche.
Le Gouvernement a annoncé une augmentation du budget de la recherche de 863 millions d’euros en 2009. Nous pourrions applaudir si cette présentation n’était pas faussée par les éléments suivants.
Tout d’abord, près de 20 % de cette somme – 165 millions d’euros – sont destinés au financement des retraites des personnels des organismes de recherche et ne devraient donc pas permettre un soutien effectif aux programmes de recherche proprement dits.
L’augmentation annoncée des moyens des organismes de recherche – 3,8 % – est ainsi consacrée à hauteur des deux tiers, avez-vous dit, madame la ministre, à leurs frais de personnel. Donc, au mieux, les programmes verront leurs crédits stagner en euros constants.
Par ailleurs, la réforme du crédit d’impôt recherche dans le projet de loi de finances pour 2008 devrait conduire en 2009 à une dépense fiscale supplémentaire affichée de 620 millions d’euros, dépense, à mon avis, surévaluée dans le contexte économique actuel. Les grandes entreprises qui sont en train de faire des plans sociaux ne vont pas contribuer à alimenter cette dépense fiscale. De plus, comme l’a montré un rapport récent du Conseil d’analyse économique, cette réforme profite essentiellement aux grandes entreprises pour lesquelles le crédit d’impôt recherche constituait plus un effet d’aubaine réel qu’une incitation à la recherche et au développement.
Madame la ministre, il faudrait réfléchir à un ciblage plus précis du crédit d’impôt recherche sur les PME innovantes après avoir évalué les effets de la réforme en 2007. Cela rejoint les préoccupations de notre collègue Christian Gaudin.
Enfin, je note que les 863 millions d’euros annoncés ne sont plus d’actualité. L’Assemblée nationale a adopté en seconde délibération, le 18 novembre dernier, un amendement présenté par le Gouvernement visant à réduire les crédits de la recherche de près de 31,5 millions d’euros, afin de financer les mesures pour l’emploi. Même si ce montant reste faible par rapport au montant global du budget de la recherche, je regrette que ce secteur, considéré par tous comme prioritaire, subisse cet ajustement.
Je tiens également à évoquer les 900 suppressions de postes ainsi que la diminution des bourses doctorales et tout spécialement des bourses post-doctorales. Ces chercheurs sont, en fait, les vrais tâcherons de la science et c’est là que le savoir s’élabore, à la paillasse. Et que dire de la ponction, quelque peu sauvage de votre collègue Jean-Louis Borloo, de 200 millions d’euros sur les crédits de l’ANR et comptés dans le milliard d’euros supplémentaires prétendument affecté au financement du Grenelle de l’environnement ?
Madame la ministre, je souhaite vous poser deux questions.
La première porte sur la pérennité de l’expertise de l’INRA en matière de génomique végétale.
D’après Mme Marion Guillou, la situation de la recherche en matière de plantes génétiquement modifiées est très difficile. Le nombre d’étudiants en biologie végétale diminue, il n’y a d’ailleurs pratiquement plus aucune équipe de recherche travaillant réellement sur les plantes génétiquement modifiées. Cette situation nous inquiète d’autant plus que, dans le cadre du débat sur la loi relative aux organismes génétiquement modifiés, nous avions souligné, avec nos collègues Jean Bizet et Jean-Marc Pastor, la nécessité et l’importance de l’expertise indépendante de l’INRA.
Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre afin que la France ne prenne pas un retard trop important sur cette expertise indépendante, lorsqu’on voit les contestations qui ont lieu à Bruxelles ?
Ma seconde question porte sur les sciences du vivant.
Dans le cadre de la réforme du CNRS, qui ne fait pas l’unanimité, – c’est un euphémisme, ce sujet a été évoqué par notre collègue Serge Lagauche en début de séance –, devait être créé un institut des sciences de la vie et de la santé.
L’évaluation de l’INSERM, menée par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, recommande la création d’un tel institut, ce qui ne va pas sans créer des remous, nous le comprenons bien, entre le CNRS et l’INSERM. Dans le même temps, un projet de consortium de coopération scientifique en matière de sciences du vivant est à l’étude, en particulier avec l’INRA.
Madame la ministre, je suis bien conscient de l’intérêt de la création d’un institut du vivant comparable à ce qui existe dans les milieux anglo-saxons dans un objectif de coordination et d’optimisation, car j’ai découvert en élaborant des rapports pour l’office parlementaire qu’il y avait un certain nombre de redondances et il y a sans doute des synergies à trouver dans ce domaine.
Mais quelles seront alors les relations entre cet institut du vivant et le consortium bâti autour de l’INRA ?
Telles sont mes remarques et mes interrogations.
Pour le reste, madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous pouvez deviner que j’ai un avis plus que « réservé » sur les crédits de la recherche pour 2009, non pas sur le montant affiché, mais sur l’affectation de ces lignes budgétaires.
Certes, les plans de carrière et l’amélioration des rémunérations peuvent contribuer à limiter le « brain drain », autrement dit la fuite des cerveaux, et je ne peux que souligner cet effort vis-à-vis de nos chercheurs, mais cela ne doit pas se faire au détriment des programmes de recherche.
Je propose donc à la commission des affaires économiques d’émettre un avis défavorable sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
J’avais considéré qu’un tel avis aurait d’ailleurs pu vous servir pour obtenir des crédits supplémentaires dans le cadre du plan de relance, madame la ministre, alors qu’un consensus existe pour faire de la recherche et du développement une priorité, et ce dans le cadre de la stratégie de Lisbonne et compte tenu de la situation économique.
Vous ne serez pas étonnée que la commission des affaires économiques ne m’ait cependant pas suivi et ait émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Mme la présidente. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans son discours d’Orsay, le 28 janvier dernier, le Président de la République affirmait que « la France en deuxième division de la science mondiale ne serait plus la France ». La réalité nous démontre pourtant qu’en très peu de temps notre pays a cédé énormément de terrain et a ainsi quitté le cercle des dix nations les plus dynamiques en matière de recherche et de développement.
Troisième pays scientifique en 1970, cinquième en 1985, encore septième en 1995, la France se place désormais au quatorzième rang mondial pour la dépense intérieure de recherche et de développement par rapport au produit intérieur brut.
En 2006 l’effort total de recherche ne représentait déjà plus que 2,12 % du PIB. Pour 2008, ce taux est estimé à 2,08 % : il faut revenir plus de vingt-cinq ans en arrière pour trouver un taux aussi bas. En outre, celui-ci comprend la recherche militaire, qui est très proche de 10 % de notre effort total. Pour la seule recherche civile, la France stagne en dessous de 1,90 % du PIB, alors que, dans le même temps, bien d’autres pays ont considérablement progressé. Proportionnellement, selon les chiffres de l’OCDE, l’Allemagne a consacré en 2006 un tiers de plus que la France à sa recherche civile, le Japon 75 % et la Finlande 82 %.
À l’échelle nationale, les secteurs public et privé financent chacun pour moitié l’effort de recherche. Mais, du fait des aides de l’État et de la sous-traitance de contrats militaires ou spatiaux, le secteur privé exécute près des deux tiers de notre recherche. Il n’en reste pas moins que la part de la recherche effectuée par les entreprises demeure largement en deçà du niveau espéré pour atteindre l’objectif de Lisbonne.
Avec 1,10 % du PIB, l’investissement du secteur privé français dans sa propre recherche reste remarquablement bas, et ce malgré les dispositifs fiscaux censés inciter les entreprises à s’engager massivement dans la recherche. Mais, plus encore que le classement de la France – sixième en Europe, treizième dans le monde –, c’est l’importance des écarts, qui se creusent fortement avec les grands pays technologiques et industriels, qui est terriblement préoccupante : la recherche privée atteint 1,70 % du PIB en Allemagne et aux États-Unis, 2,55 % au Japon et en Suède.
Alors que la France est l’un des pays où les aides directes de l’État aux entreprises sont déjà les plus fortes, que penser des sommes colossales engagées au travers du crédit d’impôt recherche ? Ce type de dégrèvement d’impôt finance désormais 30 % des dépenses de recherche et développement des entreprises. Plus de 2 milliards d’euros seront consacrés au crédit d’impôt recherche en 2008 et ce dispositif fiscal, profitant avant tout, aux grands groupes pourrait s’élever à 3 milliards ou 4 milliards d’euros en 2012.
Pour reprendre les propos du chef de l’État, « le crédit d’impôt recherche a été porté en France à un niveau inégalé dans le monde », alors même que son efficacité reste à démontrer puisqu’il n’y a encore à ce jour aucune évaluation.
On rappellera qu’entre 2002 et 2006 les dépenses des entreprises en recherche et développement ont progressé beaucoup plus modestement que le crédit d’impôt recherche qu’elles ont reçu. C’est pourquoi nous avions proposé, dans la première partie du projet de loi de finances – la commission des affaires culturelles également –, un amendement visant à limiter la progression du crédit d’impôt recherche et à renforcer les crédits budgétaires des universités et organismes dans le prochain budget. La majorité n’a pas souhaité l’adopter, nous le regrettons vivement.
Ainsi le crédit d’impôt recherche sera une nouvelle fois renforcé en dépit de l’absence de toute évaluation officielle quand, dans le même temps, toutes les activités d’enseignement et recherche publics sont soumises aux évaluations de l’AERES, qui dispose d’un droit de vie et de mort sur les formations, les projets et les laboratoires. Le Gouvernement fait ainsi preuve d’une extrême souplesse, voire de largesse à l’égard du secteur privé, tout en renforçant son contrôle et son pilotage du secteur public. Les personnels des universités et des organismes apprécieront...
Depuis cinq ans, les gouvernements successifs ont répété que la France financerait massivement sa recherche publique, à hauteur de 1 % du PIB. Le budget de la recherche serait ainsi « l’un des plus élevés du monde », selon l’expression du Président de la République. Or cette affirmation est fausse. Le financement public de la recherche s’élève à 0,85 % du PIB, y compris le financement de la recherche publique menée par les universités et les organismes, la recherche militaire, pour partie les « grands programmes » – nucléaire, spatial, aérospatial – et diverses recherches industrielles.
En fait, la France ne consacre que 0,6 % de son PIB à la recherche publique au sens strict, telle qu’on la définit dans les autres pays. S’agissant de la part du PIB consacrée à la recherche académique, notre pays n’occupe que le dix-huitième rang mondial, se retrouvant ainsi plus mal classé que la Turquie ! La situation est similaire en matière de dépenses par étudiant, d’ailleurs.
Malgré cette situation, réjouissons-nous de constater que la recherche française continue à recevoir des distinctions internationales.
Faut-il le rappeler, le CNRS occupe le cinquième rang mondial et le premier rang européen en termes de publications. La France demeure encore, de ce point de vue, au sixième rang mondial.
L’entreprise de déconstruction en cours ne peut donc être légitimée par de prétendus résultats désastreux, contrairement à ce que certains suggèrent parfois. Notre système d’enseignement supérieur et de recherche est moins handicapé par ses structures que par le manque de moyens.
Cela dit, le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2009 ne devrait pas permettre d’inverser la tendance. Les crédits de paiement ne progressant que de 3,2 %, les moyens budgétaires de la mission n’augmenteront guère, d’autant que l’inflation – nous le savons bien – a été largement sous-évaluée. Ainsi ce budget ne connaîtra-t-il aucune progression significative en euros constants, d’autant que, sur les 758 millions d’euros supplémentaires annoncés, 370 sont d’ailleurs directement liés aux cotisations retraite et ne constituent donc qu’une mesure de rattrapage.
Hors retraites, les moyens en euros constants de tous les organismes devraient donc diminuer.
La faiblesse de l’investissement de l’État dans l’appareil de recherche s’accompagne d’une démolition de tout ce qui, offrant aux scientifiques un minimum de liberté, leur donnait la possibilité de prendre des risques.
Laboratoires, organismes et statuts sont ainsi remis en cause. Au travers d’agences telles l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, l’AERES, et l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, entièrement composées de personnalités nommées, le Gouvernement renforce effectivement encore un peu plus, à tous les niveaux, son contrôle sur l’orientation, le financement et l’évaluation de la recherche.
À chaque niveau sont systématiquement instaurées des logiques de concurrence qui nuisent aux synergies et aux coopérations. Ces logiques se manifestent notamment sous la forme d’une modulation du financement des universités en fonction de leur performance, d’un système de primes pour les personnels ou encore d’un recours de plus en plus fréquent aux financements à très court terme des projets des laboratoires via l’ANR.
Plus grave, la suppression de 900 emplois frappe les universités comme les organismes. À la disparition programmée de ces postes statutaires et des allocations de doctorants et post-doctorants s’ajoutent les effets pervers de la création de 130 chaires, chacune d’entre elles étant financée par la suppression de deux postes, l’un en université, l’autre en organisme.
Dans un contexte où les filières menant au doctorat sont toujours plus boudées par les étudiants, ces mesures envoient un signal extrêmement négatif aux jeunes encore attirés par les carrières scientifiques. C’est pourtant aujourd’hui que se joue, pour les trois prochaines décennies, la qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche. Or le nombre de thèses stagne depuis dix ans. Il est donc urgent de se préoccuper de l’avenir !
Dans cette perspective, il aurait été judicieux de satisfaire les importants besoins d’encadrement des étudiants en premier cycle. Lutter contre l’échec à l’université nécessite la création d’un millier de postes d’enseignants-chercheurs, et non le recours à des heures supplémentaires qui alourdiront le service des maîtres de conférences et nuiront à la qualité de leurs enseignements et de leurs travaux de recherche.
Le dogme intégriste du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux ne saurait s’imposer dans les domaines où se joue l’avenir de la France. De même que l’enseignement scolaire, l’enseignement supérieur et la recherche font partie de ces secteurs clés essentiels à la construction de la France de demain. Les économies de court terme réalisées en ces domaines fragilisent durablement le pays.
Alors que l’investissement en matière grise devrait être la priorité des priorités, des comptables arrogants et glacés, s’estimant supérieurs, nous affirment que la formation, la culture et la recherche coûtent cher. C’est au contraire leur absence qui coûte cher, madame la ministre.
Certes, le temps politique a ses propres contraintes et sa propre dynamique, et la tentation est grande d’afficher des résultats immédiats, mais souvent illusoires. Précisément, la politique ne consiste-t-elle pas également à savoir prévoir, anticiper et offrir une vision de la France de l’Europe pour les prochaines décennies ?
Dans cet esprit, le recul de la France sur le plan international ne devrait-il pas vous conduire à revoir la politique menée depuis cinq ans ? N’est-il pas urgent de créer un appel d’air en ouvrant des perspectives d’emploi dans le secteur public de l’enseignement supérieur et de la recherche à nos jeunes, aux chercheurs et enseignants-chercheurs, ainsi qu’aux scientifiques partis à l’étranger ? Ou encore ne pourrions-nous conditionner l’octroi du crédit d’impôt recherche à l’embauche de jeunes docteurs maîtrisant les logiques et les contraintes de la recherche ?
Pour conclure, je citerai une dernière fois – point trop n’en faut – le Président de la République. En octobre 2006, il rappelait, je le cite, qu’« il faut des années pour créer un bon système de recherche, quelques mois pour le dilapider ».
Force est de constater que la refonte de l’appareil d’enseignement supérieur et de recherche engagée ces dernières années a d’ores et déjà contribué à l’affaiblir.
D’année en année, la France s’éloigne de l’objectif de Lisbonne. La communauté scientifique s’en émeut publiquement – c’était encore le cas hier. Pourtant, le Gouvernement demeure sourd aux acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il est de notre responsabilité de les entendre.
Au moment même où le pays a le plus grand besoin d’une politique de formation, de recherche et d’innovation ambitieuse, le Gouvernement présente un budget lourd de menaces pour l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche et, donc, du pays.
Nous ne pourrons donc pas voter ces crédits.