M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, sur l’article.
M. Michel Mercier. Les diverses interventions que nous avons entendues montrent à quel point cette question revêt une dimension humaine très forte et touche chacun d’entre nous. Il est donc tout à fait normal que ce débat se déroule dans ces conditions.
Bien que je ne sois ni un spécialiste ni un technicien dans ce domaine, je souhaite faire quelques brèves observations.
Tout d’abord, je ne crois pas que cet article vise à allonger la durée du travail.
Je me souviens de ma grand-mère, qui était confectionneuse, ainsi que de mes parents. (Signes d’impatience sur les travées de l’UMP°)
Chers collègues, j’ai tout de même le droit de m’exprimer ! Si mon intervention est trop longue à votre goût, autant lever la séance et s’en aller !
Mes parents, donc, ont travaillé l’un et l’autre un peu plus de cinquante ans avant de pouvoir toucher une retraite.
La question que nous examinons ne porte pas sur la durée du travail. Si l’on considère l’âge auquel on commence à travailler et celui auquel on cesse d’exercer une activité professionnelle, on voit bien que les choses ont changé. Il faut aussi en tenir compte.
J’approuve tout à fait l’idée selon laquelle le progrès technique doit être partagé entre tous et contribuer à la réduction du temps de travail.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Michel Mercier. Cependant, entre quarante ans et cinquante et un ans d’activité, il y a de la marge et donc de la place pour la discussion. Nous savons d’ores et déjà que les choses vont forcément changer, car on commence à travailler beaucoup plus tard.
Mais j’ai deux regrets.
Mon premier regret, monsieur le ministre, c’est que vous n’ayez pas mieux défendu votre texte devant l’Assemblée nationale. Il était bien meilleur que celui qui est aujourd'hui présenté au Sénat.
De quoi s’agissait-il ? Vous vouliez permettre aux salariés qui le souhaitent de travailler au-delà de l’âge de soixante-cinq ans, sous réserve qu’ils renouvellent leur demande chaque année.
J’ai toujours considéré que la retraite couperet était un moyen facile pour les chefs d’entreprise de se séparer de leurs salariés sans leur verser d’indemnités de licenciement. Si l’on permettait aux salariés de travailler après soixante-cinq ans, on rendrait plus difficiles de telles pratiques. Les chefs d’entreprise pourraient moins aisément se séparer de leurs salariés et seraient obligés de leur verser des indemnités pour ce faire. Mais repousser l’âge de la retraite à soixante-dix ans ne règle rien : cela revient à dire aux salariés qu’ils ont le droit de travailler davantage, mais qu’ils pourront être mis à la porte à l’âge de soixante-dix ans sans indemnités de licenciement.
Le texte initial était bien supérieur, monsieur le ministre, car il reconnaissait un droit nouveau, peut-être pas sensationnel, mais un vrai droit pour les salariés. Au lieu de quoi, la limite posée à soixante-dix ans pousse à croire qu’elle n’est là que pour fixer la durée des cotisations.
Il ne devrait y avoir, dans notre droit du travail, qu’un seul âge de départ à la retraite, soixante ans, à partir duquel chacun pourrait faire valoir ses droits à la retraite s’il le souhaite.
Le salarié peut décider de faire valoir ses droits à la retraite pleine à soixante ans parce qu’il a acquis suffisamment d’annuités, soit décider autrement : c’est le choix du travailleur qui compte. Mais la disposition introduite à l’Assemblée nationale a modifié ce schéma de base.
Il ne faut pas non plus oublier le dispositif sur les carrières longues, ...
M. Guy Fischer. C’est terminé !
M. Michel Mercier. ... dont je souhaite qu’il continue à bénéficier aux salariés qui ont commencé à travailler à quatorze ans.
M. Guy Fischer. Le Gouvernement vient d’y mettre fin !
M. Michel Mercier. Mon second regret tient au fait que ce texte n’intègre pas le résultat des négociations entre partenaires sociaux sur la pénibilité. Or, si l’on veut reconnaître un droit nouveau pour les salariés, celui de choisir librement l’âge de son départ à la retraite, il faut forcément tenir compte de la pénibilité.
On peut, à cinquante ans, être usé par le travail ou, à soixante-dix ans, se sentir en pleine forme. On ne peut donc traiter tout le monde de la même façon, en disant « point de salut avant soixante-dix ans ! ».
Le présent débat est certes intéressant mais, très honnêtement, il ne tient pas compte de la diversité des situations humaines et n’offre que des perspectives limitées. Nous aurions pu, au contraire, ouvrir les portes largement, en reconnaissant le droit de partir à la retraite à soixante ans, en prévoyant le cas de personnes ayant exercé un métier très pénible ou ayant eu une carrière longue, en laissant ouverte la possibilité de travailler aussi longtemps que l’on veut, à charge pour le patron qui ne souhaite pas garder la personne de verser une indemnité de licenciement.
Nous aurions pu reconnaître un véritable droit nouveau aux salariés. Je regrette donc que nous nous soyons laissé enfermer dans une problématique sans avoir pu évoquer la pénibilité. Nous avons laissé passer l’occasion de donner à ce débat une autre dimension, bien plus intéressante. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’était le texte du Gouvernement !
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune ; les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 186 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 301 est présenté par Mmes Demontès et Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l’amendement n° 186.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le droit d’accès à la retraite est l’un des sujets qui préoccupent le plus nos concitoyens, et à raison ! Il faut dire que, pour bon nombre d’entre eux, l’âge de départ à la retraite va en augmentant. Les jeunes générations redoutent même de ne pas y avoir accès.
Les mécanismes de substitution de la retraite par capitalisation introduits par vos gouvernements pour habituer les Français à se constituer leur propre retraite ne connaissent pas un grand succès. Le nombre de PERCO reste d’ailleurs anecdotique : il n’y a guère plus de 334 000 salariés qui ont conclu de tels contrats, c’est dire le succès qu’ils rencontrent !
Mais cela vous importe peu. Pour vous, l’essentiel est de déshabituer les assurés sociaux du système solidaire qui est le nôtre.
Il en est de même de cet article 61 qui, sous couvert de liberté, repousse progressivement l’âge de départ à la retraite. Mais nous savons combien ce qui est un jour provisoire, expérimental, temporaire et volontaire, est, quelque temps après, généralisé et bientôt obligatoire !
Nous avons bien entendu ce que vous avez dit, monsieur Bertrand, dans la discussion générale. Nous nous doutions que vous alliez prendre l’exemple de M. Montagnier. Mais voyez-vous, monsieur le ministre, il y a surtout des millions de Marcel, Pierre, Marie, Simone, Fadila, Edouard et tant d’autres, qui n’aspirent qu’à une chose : le droit à une retraite leur permettant de vivre dans la dignité. Cette liberté-là, qu’en faites-vous ? Alors, certes, le droit à la retraite à soixante ans est maintenu, mais à quel taux le sera-t-il ?
Ce mécanisme que nous dénonçons est le corollaire d’un autre mécanisme. Puisque vous individualisez les relations de travail – temps de travail, salaires, conditions de travail – il est pour vous légitime d’individualiser l’après-travail, alors que la situation financière tant française que mondiale appelle, au contraire, à une solution solidaire.
C’est pourquoi, chers collègues, nous vous invitons à voter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l'amendement n° 301.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette disposition relative au départ à la retraite traduit un recul inacceptable de notre droit.
En premier lieu, le dispositif qui permettait le départ en retraite avant soixante ans pour les salariés ayant débuté leur carrière professionnelle très tôt était une mesure de justice sociale. Or vous avez décidé d’en supprimer les conditions d’accès.
En second lieu, vous voulez nous faire adopter un article qui prévoit que les salariés pourront désormais travailler jusqu’à soixante-dix ans. C’est un coup supplémentaire, la porte ouverte à toutes les dérives et à toutes les inégalités.
Sous prétexte de liberté offerte aux salariés, c’est une provocation qui amorce la remise en cause de la retraite à soixante ans.
Qu’en est-il de la liberté que vous invoquez, alors qu’au même moment les personnes de moins de soixante ans qui ont droit à la retraite sont désormais obligées de rester à leur poste ?
Qu’en est-il de la liberté lorsque l’on sait que des personnes bien portantes pourront continuer à travailler et à acquérir une surcote qui majorera le montant de leur retraite ? Quelle inégalité avec celles, de santé précaire ou qui sont usées par le travail, qui ne pourront pas continuer à travailler !
Sous prétexte de liberté, ces mesures, qui ne font d’ailleurs pas l’unanimité dans vos propres rangs, sont injustes socialement et incompréhensibles dans cette période de difficultés économiques majeures. Sous prétexte de liberté, c’est bien un report de l’âge de la retraite que vous préparez pour les Français !
Alors, monsieur le ministre, devant l’émotion que suscitent ces différentes mesures, nous vous demandons : premièrement, de prendre toutes les dispositions pour que les personnes ayant travaillé depuis l’âge de quatorze ans puissent faire valoir leurs droits à la retraite ; deuxièmement, de vous engager devant la représentation nationale à revenir sur cet article qui repousse l’âge de la retraite à soixante-dix ans. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 187, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
La loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites est abrogée.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Depuis 2003, les attaques des gouvernements de droite contre le droit à la retraite pour tous ne cessent de se multiplier, et la loi de M. Fillon du 21 août 2003 en est le parfait exemple.
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est un « effaceur » !
M. Guy Fischer. C’est la raison pour laquelle, avec mes collègues du groupe CRC, nous entendons, ni plus, ni moins, supprimer la loi Fillon – on peut toujours rêver ! -…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais oui !
M. Guy Fischer. … qui devait, nous disait-on à l’époque, en échange de l’effort de tous – c’est-à-dire des salariés – permettre d’assurer les retraites de demain et même de revenir à l’équilibre.
Il n’aura échappé à personne que ce n’est pas le cas. Les salariés, quant à eux, ont bien fourni des efforts et les fournissent encore.
C’est ainsi que vous avez allongé la durée légale de cotisation, afin, disiez-vous alors, de prendre les mesures nécessaires compte tenu du « papy boom ». Il était pourtant possible de prendre d’autres mesures, à l’image d’une réelle politique de l’emploi, d’une politique incitative visant à limiter le recours au temps partiel en faveur du temps plein et à améliorer les conditions de travail. Vous auriez pu tout aussi bien promouvoir une politique d’aide à l’investissement pour permettre aux entreprises d’être plus productives, même si la France n’a pas à rougir de la productivité de ses salariés, l’une des meilleures de l’Union européenne.
Vous avez volontairement organisé la baisse des pensions de nos concitoyens à travers l’instauration d’un mécanisme de décote à l’encontre des fonctionnaires. Mais ce sont bien toutes les pensions qui ont baissé dans leur ensemble en raison de l’indexation des retraites sur les prix hors tabac, en lieu et place de l’indexation sur les salaires.
Enfin, cette loi a permis l’émergence des PERCO, véritables chevaux de Troie de la retraite par capitalisation, censés venir concurrencer notre régime de retraite solidaire, assis sur la répartition et fondé sur la solidarité nationale.
Dans la crise financière mondiale actuelle, nous voyons que la plupart des retraités américains, déjà en difficulté pour payer leur maison, sont aussi privés de cette solidarité dont je parlais.
Il y avait pourtant d’autres possibilités, contrairement à ce que vous disiez alors et continuez à dire. Nous aurions pu augmenter les cotisations patronales destinées au financement de la branche « retraite » de notre protection sociale. Mais vous vous y êtes refusé, sous le prétexte de ne pas accroître le coût du travail.
Cela est tellement important pour vous que vous cherchez d’ailleurs par tous les moyens à réduire le coût du travail ; j’en veux pour preuve le revenu de solidarité active, le RSA. Il sera très intéressant de voir comment ce dernier pèsera sur le niveau des rémunérations et des salaires.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On verra !
M. Guy Fischer. En effet ! M. Martin Hirsch sera là demain matin : nous en rediscuterons avec lui.
Au lieu de décider de taxer l’ensemble des revenus financiers, on a à peine ébauché un dispositif sur les stock-options, les parachutes dorés ou l’attribution d’actions gratuites.
Ce sont autant d’outils qui auraient permis de faire participer la sphère économique et financière au financement de notre système de retraite.
C’est la raison pour laquelle nous vous invitons à voter notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 188, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 4 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites est ainsi rédigé :
« Art. 4. - La Nation assure à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant d'une durée d'assurance de 37,5 annuités, le bénéfice d'une pension garantie à au moins 75 % du salaire brut moyen. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Nous ne cessons de le répéter ici, nous sénatrices et sénateurs communistes républicains et citoyens, nous avons une autre vision de la société. Nous tentons, dans chacun des textes que nous examinons, de vous en faire parvenir l’écho, particulièrement au travers des amendements que nous défendons. Cet amendement n° 188 en est le parfait exemple.
Vous voulez rallonger la durée légale de cotisation en faisant passer le nombre d’annuités de cotisations nécessaires à quarante-deux et permettre le travail des salariés de notre pays jusqu’à l’âge de soixante-dix ans. Face à de telles propositions, il nous paraissait important de dessiner un projet de société alternatif.
Nous considérons qu’il est nécessaire, urgent et possible de revenir à la règle des 37,5 annuités cotisées pour ouvrir droit à une retraite à taux plein, correspondant à au moins 75 % du salaire brut moyen. Cet amendement nous en donne l’occasion.
Nous considérons que les retraites ne sont pas des charges. Non, elles ne sont pas un handicap pour l’économie de notre pays face à l’économie mondiale ! Il faut investir dans les retraites de nos concitoyens, car il est inacceptable, alors que l’on découvre tous les jours les milliards qui s’échangent sur les cours boursiers, que leurs pensions ne cessent de diminuer.
Cette diminution est la conséquence non seulement d’un manque de revalorisation suffisante des pensions en raison de l’indexation sur les prix mais aussi de l’allongement de la durée de cotisations, bon nombre de nos salariés étant ainsi conduits à quitter leur activité professionnelle avant d’avoir cotisé tous les trimestres nécessaires pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.
Alors, oui, notre contre-proposition, dont cet amendement n’est qu’un exemple, appelle à une autre logique financière.
Monsieur le ministre, chers collègues, il faut créer les conditions d’un financement dynamique et solidaire des retraites dont j’entends ici vous brosser les grandes lignes.
Il faut impérativement relever la part des salaires dans la valeur ajoutée globale. Plus de salaires, c’est à la fois plus de cotisations et plus de consommation.
Il faut réformer l’assiette de cotisations sociales patronales en instaurant, par exemple, une modulation des cotisations sociales sur la base d’un malus-bonus qui serait fonction de la politique salariale des entreprises.
Il faut étendre les prélèvements sociaux à tous les revenus financiers, à l’exception de ceux de l’épargne populaire.
Il faut une autre politique de l’emploi dont l’objectif ne serait pas tant de faciliter l’emploi sous-payé que d’inciter fiscalement et socialement les entreprises à mieux rémunérer les salariés.
Il faut mettre en œuvre des mécanismes de contrôle des fonds publics accordés aux entreprises et prendre les mesures pour interdire les licenciements des entreprises qui ont bénéficié de telles aides.
Il faut supprimer les niches sociales et rediriger les sommes en question vers notre régime de protection sociale.
Enfin, rien de tout cela ne peut se faire sans une démarche de démocratisation de notre système de protection sociale dans son ensemble en permettant, par exemple, aux salariés d’élire directement leurs représentants dans les conseils d’administration et leurs représentants au titre des usagers, pour être mieux informés et associés aux décisions qui se prennent à leur égard.
Voilà ce que nous proposons. Et la facilité avec laquelle ce gouvernement, dont c’est la propension, a pu débloquer plusieurs milliards d’euros en quelques heures nous conforte dans l’idée que, de l’argent, il y en a…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, il n’y en a pas !
Mme Isabelle Pasquet. Si, il y en a ! Il nous faut simplement repenser son utilisation.
Voilà comment satisfaire le droit pour tous à une retraite digne et solidaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 459, présenté par M. Biwer, est ainsi libellé :
Supprimer le I de cet article.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 356 rectifié bis, présenté par MM. Adnot et Darniche, Mme Desmarescaux et MM. Masson, Türk et Dassault, est ainsi libellé :
Compléter l'avant-dernier alinéa du 4° du I par les mots :
, sauf en cas d'inaptitude manifeste du salarié à poursuivre l'exercice de son activité professionnelle ou lorsque cette dernière ne répond plus aux besoins de l'employeur
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Si je me réjouis, comme beaucoup d’autres ici, que la liberté soit laissée à ceux qui le souhaitent de travailler jusqu’à un certain âge, je regrette que la liberté de l’employeur ait été oubliée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
En fait, je crains fort– monsieur le ministre, j’attends sur ce sujet un certain nombre d’explications de votre part – que l’application de ce texte ne provoque beaucoup de litiges.
Prenons le cas d’une personne dont l’ancienneté dans l’entreprise est de vingt, trente, voire quarante ans. Si l’employeur est de bonne foi, il la laissera travailler jusqu’à l’âge de soixante-cinq ans en dépit d’une baisse de rendement ou de productivité. La question consiste à savoir ce que se passera par la suite.
Dans le cadre d’une négociation, l’employeur, qui ne peut pas s’opposer à l’intention du salarié désireux de rester, n’aura d’autre solution que de procéder à un licenciement économique. Il lui faudra donc payer les indemnités non seulement de départ à la retraite mais aussi de licenciement économique. Si ce texte est adopté, les conditions seront réunies pour aggraver systématiquement la situation économique des entreprises !
Et ceux qui s’apprêtent à le voter vont le faire parce qu’ils ne s’intéressent pas aux entreprises ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Ce texte va rallier les suffrages parce qu’il est de bon ton aujourd'hui de donner la liberté au salarié. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) C’est oublier qu’au final les entreprises seront trop en difficulté pour pouvoir conserver les salariés jusqu’à soixante-cinq ans !
M. Guy Fischer. C’est déjà ce qui se passe !
M. Philippe Adnot. Ce texte ira à l’encontre de ce que vous souhaitez.
En outre, j’aimerais savoir, monsieur le ministre, ce que recouvre exactement la notion de « licenciement pour motif personnel ». Quelles en sont les conséquences et les modalités ?
M. le président. L'amendement n° 245 rectifié ter, présenté par Mme Procaccia, MM. Etienne, Milon, J. Blanc et Cambon et Mmes Panis, B. Dupont, Sittler, Lamure, Papon, Rozier et Mélot, est ainsi libellé :
Avant le dernier alinéa du 4° du I de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« L'employeur peut faire vérifier par un médecin assermenté l'aptitude du salarié à poursuivre son activité sur l'emploi qu'il occupe.
« Si le salarié n'est pas apte à poursuivre son activité, l'employeur peut faire usage de la possibilité mentionnée au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement, cosigné par douze sénateurs et sénatrices, est le fruit d’une conviction profonde que je tire de mon expérience professionnelle. Je précise d’ailleurs qu’il s’agit d’une expérience que je partage avec un certain nombre de salariés, puisque tel était mon statut : je ne parle pas en tant qu’ancien entrepreneur !
Comme mon collègue Philippe Adnot, j’approuve totalement la liberté qui est donnée aux gens de pouvoir continuer à travailler s’ils en ont envie.
Je m’élevais d’ailleurs récemment, dans cet hémicycle, contre certains qui affirmaient qu’à soixante-dix ans on était vieux. Pour ma part, j’estime au contraire que, à soixante-dix ans, on peut encore être tout à fait jeune et actif. (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La preuve : regardez les sénateurs ! (Nouveaux sourires.)
Mme Catherine Procaccia. Et, compte tenu des treize ans qui restent en moyenne à vivre aux femmes au-delà de soixante-dix ans, il y a encore de nombreuses choses à faire ! (Nouveaux sourires.)
M. Guy Fischer. On le voit bien !
Mme Catherine Procaccia. En tout cas, la retraite couperet à soixante-cinq ans n’est pas un système qui me satisfait.
En outre, il faut tout de même tenir compte de la réalité suivante : on ne commence pas à travailler à vingt ans. Par conséquent, si l’on doit avoir quarante années d’activité, on ne prend pas sa retraite à soixante ans ! Pour peu que l’on ait fait quelques études et cherché sa voie, on commence à travailler aux alentours de vingt-quatre ans, voire vingt-six ans, et l’on arrive à soixante-cinq ans en n’ayant toujours pas ses quarante années de cotisations.
Par ailleurs, même si l’on a droit à une retraite à taux plein, avoir la possibilité de travailler un peu plus longtemps quand on se sent encore en état de le faire, c’est parfait !
Mais j’estime que la disposition proposée doit être complétée, parce qu’elle ne comporte actuellement qu’un seul volet, la possibilité de continuer à travailler étant laissée à la seule décision du salarié. Il faut pourtant tenir compte également de l’entreprise.
Au cours de mon expérience professionnelle, j’ai connu, à l’époque où le nombre d’annuités était encore fixé à trente-sept et demie, un certain nombre de gens qui ne voulaient pas prendre leur retraite tout simplement parce qu’ils s’ennuyaient chez eux, ou encore parce qu’ils ne supportaient pas leur conjoint ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Et ces personnes se plaignaient de ne plus pouvoir accomplir certaines tâches – par exemple, pousser un chariot – sous prétexte qu’elles avaient soixante ans. Elles demandaient alors qu’on leur confie d’autres missions, ce qui est à la rigueur possible dans une grande entreprise, encore qu’on ne puisse pas « recaser » n’importe qui à la comptabilité ou à l’informatique !
Mais dans une PME, et plus encore dans une TPE, ou chez un artisan où travaillent deux personnes, que se passera-t-il si l’une des deux décide de continuer à travailler tout en décrétant qu’elle ne veut plus monter à l’étage pour réparer les lavabos ou les éviers s’il n’y a pas d’ascenseur ?
Je ne crois pas que la procédure de licenciement soit particulièrement adaptée en l’espèce. C’est la raison pour laquelle je propose, à travers le présent amendement, d’introduire la possibilité – mais en aucun cas l’obligation –pour le chef d’entreprise ayant des doutes sur les capacités d’un de ses salariés de solliciter un avis médical s’il n’a pas été en mesure de négocier avec la personne et que celle-ci veut rester dans l’entreprise.
Après une longue discussion hier en commission, qui m’a d’ailleurs surprise, il a été décidé que cet avis médical serait rendu par un médecin assermenté, et non par le médecin du travail.
Je veux dire ici que j’ai, pour ma part, pleine confiance dans les médecins du travail. Mais puisque la commission préfère que l’on fasse appel à des médecins assermentés, ceux-ci seront donc choisis sur une liste, et ils donneront leur avis si l’entreprise le demande, et seulement dans ce cas. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous avons donc tout d’abord affaire aux amendements identiques nos 186 et 301, qui sont des amendements de suppression, puis à l’amendement n° 187, qui tend à remettre en cause la réforme de 2003, et à l’amendement n° 188, qui vise à ramener la durée de cotisation de quarante à trente-sept annuités et demie. Vous comprendrez que la commission donne un avis défavorable sur ces amendements.
Je voudrais tout de même revenir sur un certain nombre de contre-vérités qui ont été avancées avec légèreté.
D’abord, l’âge de la retraite reste fixé à soixante ans.
Ensuite, je rappellerai que l’un des buts essentiels de la loi de 2003 était de favoriser l’emploi des seniors. Or, les dispositions proposées répondent parfaitement à cet objectif. En effet, le développement de l’emploi des seniors passe par deux types d’actions : d’une part, encourager les entreprises à acquérir un meilleur savoir-faire dans la gestion de leur personnel pour maintenir les salariés en activité dans l’entreprise – à cette fin, différentes mesures ont été édictées –, et, d’autre part, laisser à chacun la liberté de choisir le moment où il souhaite quitter le monde du travail.
La retraite à soixante ans reste la norme. Néanmoins, ce qui est important, mes chers collègues – vous le savez d’ailleurs très bien –, c’est non pas qu’un salarié parte avec sa retraite à taux plein, puisque cela signifie simplement qu’il ne subit pas de décote, mais qu’il ait acquis la totalité des droits dont il pourrait jouir en termes de pension de retraite, ce qui n’est pas obligatoirement le cas.
Il est donc capital d’œuvrer en faveur de l’emploi des seniors. En effet, notre pays détient le triste privilège de présenter le plus faible taux d’emploi des seniors de toute l’Europe. Je ne crois pas utile de vous indiquer à nouveau les chiffres.
Plus encore – et cela vaut la peine de rappeler ce fait en regard du constat précédent –, c’est dans notre pays que l’on entre le plus tardivement sur le marché du travail. Je suis d’ailleurs étonné, puisque l’objectif est de parvenir à quarante annuités pour tous, que l’on ne parle pas davantage de l’échec français à cet égard : il y a l’éducation nationale, l’inadaptation des formations proposées au regard des postes offerts dans les entreprises…Il faut donc engager des actions à la fois en amont et en aval.
Enfin, l’âge couperet de soixante-cinq ans disparaît, la nouvelle limite d’âge étant fixée à soixante-dix ans. Même si cela ne concerne qu’une petite minorité, …