Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
2. Financement de la sécurité sociale pour 2009. – Suite de la discussion d'un projet de loi.
M. Claude Domeizel.
Amendement n° 177 de M. Guy Fischer. – Mme Isabelle Pasquet, MM. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse ; Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. – Rejet.
Amendement n° 396 rectifié bis de M. Gérard César, repris par la commission. – MM. Dominique Leclerc, rapporteur ; le ministre. – Adoption.
M. Bernard Cazeau.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 53 (priorité)
Amendement n° 510 rectifié de la commission. – MM. Dominique Leclerc, rapporteur ; le ministre. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Mmes Raymonde Le Texier, Isabelle Pasquet.
Amendements nos 181 rectifié de M. Guy Fischer et 294 de Mme Christiane Demontès. – Mmes Annie David, Patricia Schillinger, MM. Dominique Leclerc, rapporteur ; le ministre. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l’article.
Mmes Isabelle Pasquet, Patricia Schillinger.
Amendement n° 182 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David, MM. Dominique Leclerc, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 55 (priorité)
Amendement n° 421 de M. Alain Vasselle. – MM. Alain Vasselle, Dominique Leclerc, rapporteur ; le ministre. – Retrait.
Reprise de l’amendement n° 421 rectifié par M. Bernard Cazeau. – M. Bernard Cazeau. – Rejet.
Amendement n° 43 de la commission. – MM. Dominique Leclerc, rapporteur ; le ministre, Claude Domeizel. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 55 ter (priorité). – Adoption
Amendements identiques nos 183 de M. Guy Fischer et 295 de Mme Patricia Schillinger. – M. François Autain, Mme Jacqueline Chevé, MM. Dominique Leclerc, rapporteur ; le ministre. – Rejet des deux amendements.
Mme Raymonde Le Texier.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 56 (priorité)
Amendement n° 44 de la commission. – MM. Dominique Leclerc, rapporteur ; le ministre. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 516 du Gouvernement. – MM. le ministre, Dominique Leclerc, rapporteur. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Mme Jacqueline Chevé.
Amendement n° 45 de la commission. – MM. Dominique Leclerc, rapporteur ; le ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Mmes Patricia Schillinger, Annie David,
Amendements nos 184 de M. Guy Fischer, 296 à 300 de Mme Patricia Schillinger et 328 de Mme Muguette Dini. – Mmes Isabelle Pasquet, Claire-Lise Campion, Muguette Dini, MM. Dominique Leclerc, rapporteur ; Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. – Retrait de l’amendement no 298 ; rejet des amendements nos 184, 297, 296, 299 et 300 ; adoption de l’amendement no 328.
Mmes Annie David, Raymonde Le Texier.
Adoption de l'article modifié.
MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; François Autain, Mme Raymonde Le Texier, M. le président.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
3. Éloge funèbre d’André Boyer, sénateur du Lot
MM. le président, Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
4. Financement de la sécurité sociale pour 2009. – Suite de la discussion d'un projet de loi.
Article additionnel après l'article 58 (priorité)
Amendement n° 422 de M. Alain Vasselle. – MM. Alain Vasselle, Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse ; Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. – Retrait.
Mme Patricia Schillinger.
Amendements nos 185 de M. Guy Fischer, 511 de la commission et 383 de M. Denis Detcheverry. – Mme Annie David, MM. Dominique Leclerc, rapporteur ; Denis Detcheverry, le secrétaire d'État. – Rejet de l’amendement no 185 ; adoption des amendements nos 511 et 383.
Adoption de l'article modifié.
Mme Gisèle Printz.
Adoption de l'article.
Mise au point au sujet d’un vote
MM. Yvon Collin, le président.
MM. Guy Fischer, Jean-Pierre Godefroy, Jean Desessard, Roland Courteau, Jean-Claude Etienne, Mme Patricia Schillinger, M. Michel Mercier.
Amendements identiques nos 186 de M. Guy Fischer et 301 de Mme Christiane Demontès ; amendements nos 187, 188 de M. Guy Fischer, 356 rectifié bis de M. Philippe Adnot et 245 rectifié ter de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Isabelle Pasquet, Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Guy Fischer, Philippe Adnot, Mme Catherine Procaccia, MM. Dominique Leclerc, rapporteur ; Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ; Jean-Pierre Bel, Bernard Cazeau, Claude Domeizel, Jean Desessard. – Rejet, par scrutin public, des amendements nos 186 et 301 ; rejet des amendements nos 187 et 188 ; retrait des amendements nos 356 rectifié bis et 245 rectifié ter.
Mme Annie David, MM. Alain Vasselle, Guy Fischer.
Adoption de l'article.
6. Financement de la sécurité sociale pour 2009. – Suite de la discussion d’un projet de loi.
M. Guy Fischer.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l’article 62 (priorité)
Amendement n° 358 de M. Dominique Leclerc. – MM. Dominique Leclerc, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 512 de la commission. – MM. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse ; le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 63 (priorité)
MM. Gaston Flosse, Richard Tuheiava, Jean-Paul Virapoullé, Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer ; Simon Loueckhote.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
Amendements nos 464 rectifié de M. Richard Tuheiava, 226 rectifié de M. Jean-Paul Virapoullé, 46 à 49 de la commission et 405 rectifié, 407 à 409 de M. Gaston Flosse. – MM. Richard Tuheiava, Jean-Paul Virapoullé, Dominique Leclerc, rapporteur ; Gaston Flosse, le secrétaire d'Etat, le président de la commission, Simon Loueckhote. – Retrait des amendements nos 46, 47 et 49 ; rejet, par scrutin public, des amendements nos 464 rectifié et 405 rectifié ; rejet des amendements nos 226 rectifié, 407 et 409 ; adoption de l’amendement no 48, l’amendement n° 408 devenant sans objet.
Amendement n° 406 de M. Gaston Flosse. – MM. Gaston Flosse, Dominique Leclerc, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. – Rejet.
Amendements nos 463 rectifié de M. Richard Tuheiava et 482 rectifié de Mme Anne-Marie Payet. – M. Richard Tuheiava, Mme Anne-Marie Payet, MM. Dominique Leclerc, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. – Retrait des deux amendements.
Amendement n° 400 de M. Simon Loueckhote. – MM. Simon Loueckhote, Dominique Leclerc, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. – Retrait.
Amendement n° 50 de la commission. – MM. Dominique Leclerc, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. – Adoption.
Amendements nos 236 de Mme Gélita Hoarau et 461 rectifié de M. Richard Tuheiava. – MM. Guy Fischer, Richard Tuheiava, Dominique Leclerc, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. – Rejet des deux amendements.
Amendement nos 237 rectifié de Mme Hoarau et 392 rectifié de M. Denis Detcheverry. – MM. Guy Fischer, Denis Detcheverry, Dominique Leclerc, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. – Rejet des deux amendements
Amendement n° 391 rectifié bis de M. Denis Detcheverry. – MM. Denis Detcheverry, Dominique Leclerc, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. – Adoption.
M. Gaston Flosse.
Adoption de l'article modifié.
MM. Simon Loueckhote, le secrétaire d'Etat.
Amendement n° 501 du Gouvernement. – MM. le secrétaire d'Etat, Dominique Leclerc, rapporteur. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels avant l'article 31
Amendement n° 121 de M. François Autain. – MM. François Autain, Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l’assurance maladie ; Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; M. Gilbert Barbier – Rejet.
Amendement n° 122 de M. François Autain. – MM. François Autain, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre, M. Bernard Cazeau. – Rejet.
Amendement n° 123 de M. François Autain. – MM. François Autain, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 449 de M. François Autain. – MM. François Autain, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.
Mme Gisèle Printz.
Amendement n° 124 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre, M. Bernard Cazeau. – Rejet.
Amendement nos 359 de M. Dominique Leclerc et 125 de M. Guy Fischer. – M. Dominique Leclerc, Mme Annie David, M. Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Retrait des deux amendements
Amendement n° 126 de M. Guy Fischer. – Mme Isabelle Pasquet, M. Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Retrait
Amendement n° 127 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre, M. Bernard Cazeau. – Retrait
Amendements nos 132 rectifié de M. François Autain et 330 de Mme Muguette Dini. – M. François Autain, Mme Muguette Dini, M. Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Retrait des deux amendements.
Amendement n° 416 de M. Bruno Gilles. – MM. Bruno Gilles, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Retrait.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 31
Amendement n° 240 de M. André Lardeux. – MM. André Lardeux, Alain Vasselle, rapporteur ; Mme la ministre. – Retrait.
Renvoi de la suite de la discussion.
7. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
8. Dépôt de rapports d'information
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Financement de la sécurité sociale pour 2009
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (nos 80, 83 et 84).
Dans la discussion des articles de la quatrième partie, nous en sommes parvenus à l’article 53, appelé en priorité.
quatrième partie (suite)
Article 53 (priorité)
I. - Le paragraphe 5 de la sous-section 1 de la section 3 du chapitre II du titre III du livre VII du code rural est ainsi rédigé :
« Paragraphe 5
« Majoration des retraites
« Art. L. 732-54-1. - Peuvent bénéficier d'une majoration de la pension de retraite servie à titre personnel les personnes dont cette pension a pris effet :
« 1° Avant le 1er janvier 2002 lorsqu'elles justifient d'une durée minimale d'assurance fixée par décret ; pour l'appréciation de cette durée sont prises en compte les périodes accomplies à titre exclusif ou principal dans le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et les périodes d'affiliation obligatoire à l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale en application de l'article L. 381-1 du code de la sécurité sociale ;
« 2° À compter du 1er janvier 2002 lorsqu'elles justifient des conditions prévues par les articles L. 732-23 et L. 732-25, dans leur rédaction en vigueur à la date d'effet de la pension de retraite, pour ouvrir droit à une pension à taux plein dans le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et qu'elles remplissent des conditions fixées par décret de durées minimales d'assurance accomplies à titre exclusif ou principal dans ce régime ;
« Les personnes mentionnées ci-dessus ne peuvent bénéficier de la majoration que si elles ont fait valoir l'intégralité des droits en matière d'avantage de vieillesse auxquels elles peuvent prétendre auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi qu'auprès des régimes des organisations internationales.
« Art. L. 732-54-2. - Cette majoration a pour objet de porter le total des droits propres et dérivés servis à l'assuré par le régime d'assurance vieillesse de base des personnes non salariées des professions agricoles à un montant minimum.
« Le montant minimum est calculé en tenant compte des périodes d'assurance accomplies à titre exclusif ou principal dans le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles dans des limites fixées par décret. Il est différencié en fonction de la qualité de l'assuré et selon qu'il bénéficie ou est susceptible de bénéficier d'une pension de réversion prévue aux articles L. 732-41 à L. 732-46. Il est revalorisé dans les conditions prévues à l'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale.
« Art. L. 732-54-3. - Lorsque le montant de la majoration de pension prévue à l'article L. 732-54-2 augmentée du montant des pensions de droit propre et de droit dérivé servies à l'assuré par les régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers ainsi que les régimes des organisations internationales excède un plafond fixé par décret, la majoration de pension est réduite à due concurrence du dépassement.
« Pour le service de la majoration de pension, le montant des pensions de droit propre et de droit dérivé servies à l'assuré par les régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers ainsi que les régimes des organisations internationales est contrôlé en fonction des pensions déclarées à l'administration fiscale, qui fournit les données nécessaires à cet effet à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole.
« Le plafond prévu au premier alinéa est revalorisé dans les conditions prévues à l'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale.
« Le cas échéant, le montant de la majoration est recalculé en fonction du montant des pensions versées au bénéficiaire, de l'évolution du montant minimum prévu à l'article L. 732-54-2 du présent code et de l'évolution du plafond prévu au premier alinéa du présent article.
« Art. L. 732-54-4. - Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent paragraphe et précise notamment le mode de calcul de la majoration et les conditions suivant lesquelles les durées d'assurance mentionnées aux précédents alinéas sont déterminées. Un décret fixe les modalités retenues pour l'appréciation du plafond. »
II. - Le I est applicable aux pensions dues à compter du 1er janvier 2009.
III. - Le code rural est ainsi modifié :
1° L'avant-dernier alinéa de l'article L. 321-5 est supprimé ;
2° Le deuxième alinéa de l'article L. 731-16 est ainsi modifié :
a) Les mots : « lorsqu'un conjoint » sont remplacés par les mots : « lorsque le conjoint collaborateur défini par l'article L. 321-5 » ;
b) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Le présent alinéa est également applicable à la personne liée par un pacte civil de solidarité au chef d'exploitation ou d'entreprise agricole qui a opté pour le statut de collaborateur prévu à l'article L. 321-5. » ;
3° Le dernier alinéa de l'article L. 732-34 est ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2009, le conjoint participant aux travaux, au sens de la deuxième phrase du deuxième alinéa du présent article, opte pour une des qualités prévues à l'article L. 321-5. » ;
4° L'article L. 732-35 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa du I est ainsi rédigé :
« Le collaborateur d'exploitation ou d'entreprise défini à l'article L. 321-5 a droit à une pension de retraite qui comprend : » ;
b) La deuxième phrase du quatrième alinéa du I est supprimée.
IV. - Il est inséré, à la sous-section 1 de la section 3 du chapitre III du titre VII du livre Ier du code de la sécurité sociale, un article L. 173-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 173-1-1. - Dans le cas où un assuré peut prétendre à la fois à la majoration mentionnée aux articles L. 353-6 du présent code et L. 732-51-1 du code rural et à la majoration mentionnée à l'article L. 732-54-1 du code rural, la majoration mentionnée aux articles L. 353-6 du présent code et L. 732-51-1 du code rural est servie en priorité. »
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les agriculteurs ont maintes fois ces derniers temps manifesté leur mécontentement. On les comprend au vu des difficultés qu’ils rencontrent à propos de leurs revenus et de leur retraite !
À l’échelon national, une récente estimation faisait apparaître que le montant moyen des retraites agricoles se situait à 370 euros pour une population estimée à 1,8 million de personnes. J’ajoute que plus de 15 000 femmes d’exploitant ne perçoivent rien.
Parler de « poche de pauvreté » ne consiste donc pas à forcer le trait, mais rend bien compte de la réalité.
Mobiliser la solidarité publique pour que les termes de « retraite agricole » ne soient plus synonymes de pauvreté est un impératif de justice sociale, et nous y sommes très attachés.
C’est bien cette exigence qui avait guidé l’action du gouvernement Jospin entre 1997 et 2002. Durant cette période, 3 milliards d’euros ont été investis, ce qui a eu pour effet d’augmenter la pension de 900 000 retraités agricoles : 29 % pour les chefs d’exploitation, 45 % pour les veuves et 79 % pour les conjoints et aides familiaux.
Au-delà de cette dimension essentielle, procéder à cette revalorisation est porteur d’une dynamique globale. Nous savons tous que la faiblesse des revenus de substitution n’incite pas les agriculteurs à cesser leur activité, et ce même au-delà de soixante-cinq ans.
Cette logique est d’autant plus forte que les pertes de revenus sont sérieuses et que les surfaces exploitées, ainsi que le capital investi, sont importants.
Enfin, il me semble essentiel de bien considérer les effets collatéraux, mais ô combien sensibles, qu’engendre l’existence de ces poches de pauvreté !
Sans solution de remplacement, les exploitants en âge de prendre leur retraite, mais ne disposant pas des revenus nécessaires à une vie digne, risquent d’alimenter involontairement la dynamique de pression foncière, ce qui pourrait compromettre l’installation de nouvelles générations d’agriculteurs.
Si nous considérons positivement cette revalorisation, nous la jugeons insuffisante au regard des choix budgétaires effectués ces dix-huit derniers mois.
Aussi souhaitons-nous que le Gouvernement réalise le plus rapidement possible la revalorisation des petites retraites pour les carrières incomplètes à hauteur de 85 % du SMIC.
En la matière, il s’agit d’allier justice sociale, pertinence économique et développement agricole.
M. le président. L'amendement n° 177, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Remplacer la dernière phrase du second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 732-54-2 du code rural par deux phrases ainsi rédigée :
Il est revalorisé en fonction de l'évolution des salaires. Un décret en conseil d'état fixe modalités d'application.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. L’article 53 permet d’aborder un sujet important pour les agriculteurs de notre pays, mais pas seulement.
Au-delà de cette seule question catégorielle, c’est bien toute la question de la dignité des travailleurs agricoles ainsi que de leurs conjointes et conjoints qui se pose, comme la question légitime de la reconnaissance de leur travail.
En ce sens, la problématique des agriculteurs de notre pays n’est pas tellement différente de celle des salariés en général puisque la logique du libéralisme, de la recherche effrénée des coûts du travail les plus bas, affecte aussi les agriculteurs.
Avant de présenter cet amendement, je souligne que le dispositif proposé en matière d’extension du statut de conjoint collaborateur va dans le bon sens.
Toutefois, cela ne doit pas occulter le débat sur la faiblesse du montant des pensions.
C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement de justice sociale, qui vise à indexer la retraite des agriculteurs non sur l’évolution prévisionnelle des prix à la consommation hors tabac, comme vous le proposez, mais sur l’évolution des salaires.
Nous considérons que cette disjonction artificielle des retraites avec les salaires contribue à rompre la solidarité intergénérationnelle et participe d’un mouvement intellectuel qui occulte une réalité : le droit à la retraite est la compensation accordée au travailleur à raison de l’apport qui a été le sien.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui vise à revenir sur l’un des principes de la réforme de 2003. La revalorisation des retraites suit maintenant l’évolution des prix et ne se fait plus en fonction des salaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Le Gouvernement partage l’argumentation de la commission. Il s’agit d’un choix qui a été fait et qui est partagé.
M. le président. L'amendement n° 396 rectifié, présenté par MM. César et P. Blanc, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 732-54-4 du code rural :
« Art. L. 732-54-4. - Un décret fixe les modalités d'application du présent paragraphe et précise notamment le mode de calcul de la majoration et les conditions suivant lesquelles les durées d'assurance mentionnées aux précédents alinéas sont déterminées ainsi que les modalités retenues pour l'appréciation du plafond. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il est repris par la commission des affaires sociales.
M. le président. Il s’agit donc de l’'amendement n° 396 rectifié bis, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales.
La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement, qui a pour objet de revenir à la rédaction initiale de l’article 53, vise à supprimer l’obligation de prendre les mesures d’application de cet article par décret en Conseil d’État pour en revenir à un décret simple, comme cela était prévu initialement par le Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote sur l’article.
M. Bernard Cazeau. Comme l’a dit mon collègue Claude Domeizel, le montant des retraites agricoles reste modeste pour la plupart des bénéficiaires. Nous considérons, comme tous ici, que la solidarité collective doit s’exercer à l’égard de cette frange laborieuse de notre pays. Dans un certain nombre de départements, cette part de la population est importante. Les difficultés rencontrées par les retraités du monde agricole pèsent à la fois sur l’économie locale et sur le tissu social.
Certes, des progrès ont été accomplis dans un passé récent, notamment sous le gouvernement de Lionel Jospin. Le plan quinquennal avait donné des résultats appréciables, en augmentant la retraite des chefs d’exploitation de 29 %. La retraite complémentaire obligatoire avait également été instaurée à cette époque : elle a produit des effets sensibles et a permis de sortir de la pauvreté cette partie de la population de notre nation. Peu a été fait depuis dans ce domaine ; les retraités agricoles ont récemment manifesté leur mécontentement à propos de l’évolution de leurs retraites, notamment dans mon département.
À l’article 53, le Gouvernement « met en musique » les annonces faites en septembre, l’instauration d’un montant minimum des retraites – 633 euros pour les agriculteurs et les veuves, 506 euros pour les conjoints – en instaurant un plafond de 750 euros pour la totalité des pensions touchées par le bénéficiaire. Nous considérons bien sûr que, dans le cadre actuel, cette mesure est trop limitée, car les montants atteints se situent à peine au-dessus du seuil de pauvreté. Nous demandons, encore une fois, que les petites retraites soient revalorisées pour les carrières incomplètes et que le plafond de 85 % du SMIC, soit 880 euros par mois, qui correspond à la demande minimale du monde agricole, soit atteint le plus vite possible.
M. le président. Je mets aux voix l’article 53, modifié.
(L’article 53 est adopté.)
Article additionnel après l’article 53 (priorité)
M. le président. L’amendement n° 510 rectifié, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 53, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 732-35-1 du code rural est ainsi rédigé :
« Un décret détermine les conditions d’application du présent article et notamment les modalités selon lesquelles les demandes de versement de cotisations correspondant à ces périodes doivent être présentées. Il précise également le mode de calcul des cotisations selon qu’elles sont prises en compte pour l’ouverture du droit et le calcul des pensions de vieillesse au titre des seuls régimes des salariés et non salariés des professions agricoles ou au titre de l’ensemble des régimes de base légalement obligatoires. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement vise à consolider le dispositif de rachat des périodes d’aide familial agricole, accomplies entre quatorze et vingt et un ans dans le cadre des exploitations familiales. Avant 1976, ces périodes ne donnaient pas obligatoirement lieu à affiliation à la sécurité sociale. C’est la raison pour laquelle existe aujourd’hui un dispositif qui permet de les racheter.
À la suite d’une annulation contentieuse, le tarif actuellement applicable à ces rachats paraît juridiquement assez fragile. L’adoption d’un nouveau dispositif s’impose donc : cet amendement tend à fixer deux tarifs différents, selon que les trimestres rachetés sont pris en compte pour la durée d’assurance tous régimes ou pour les seuls régimes agricoles, exploitants et salariés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Sachant que l’objectif du Gouvernement est de fixer ce tarif, dans le premier cas, à un niveau actuariellement neutre et, dans le second cas, monsieur le rapporteur, au niveau applicable aux régularisations d’arriérés de cotisations pour les périodes salariées, le Gouvernement a émis un avis favorable sur l’amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 53.
Article 54 (priorité)
I. - Les deux premiers alinéas de l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale sont ainsi rédigés :
« Le coefficient annuel de revalorisation des pensions de vieillesse servies par le régime général et les régimes alignés sur lui est fixé, au 1er avril de chaque année, conformément à l’évolution prévisionnelle en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac prévue, pour l’année considérée, par une commission dont la composition et les modalités d’organisation sont fixées par décret.
« Si l’évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac de l’année considérée établie à titre définitif par l’Institut national de la statistique et des études économiques est différente de celle qui avait été initialement prévue, il est procédé à un ajustement du coefficient fixé au 1er avril de l’année suivante, égal à la différence entre cette évolution et celle initialement prévue. »
II. - Au troisième alinéa du même article L. 161-23-1, les mots : « le ministre chargé de la sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « les ministres chargés de la sécurité sociale, de la fonction publique et du budget ».
III. - L’article L. 16 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi rédigé :
« Art. L. 16. - Les pensions sont revalorisées dans les conditions prévues à l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale. »
IV. - La section 2 du chapitre III du titre IV du livre VI du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 643-1 est ainsi rédigé :
« La valeur de service du point est revalorisée dans les conditions prévues à l’article L. 161-23-1. » ;
2° Au deuxième alinéa du I de l’article L. 643-3, les mots : « fixée pour l’année en cours » sont supprimés.
V. - À l’article 13 de l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte, la date : « 1erjanvier » est remplacée par la date : « 1er avril ».
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l’article.
Mme Raymonde Le Texier. Le mécanisme d’indexation des pensions de retraite est d’une portée essentielle, dans un contexte où la pression inflationniste augmente, où la problématique de l’évolution du pouvoir d’achat est au cœur des préoccupations de l’ensemble de nos concitoyens.
Rompre avec une politique qui se contente, dans le meilleur des cas, d’effectuer des rattrapages de perte de pouvoir d’achat, bien souvent en les minorant, est une nécessité. Cet impératif participe de l’attention qu’une société empreinte de justice doit à ses aînés et s’inscrit également dans une logique économique qui veille à ce que la capacité de consommation de plus de 12,5 millions de nos concitoyens ne s’érode pas.
Dans cette logique, le Gouvernement propose de procéder à la revalorisation des retraites à compter du 1er avril de l’année, et non plus du 1er septembre, comme auparavant. De fait, l’évolution du niveau des retraites devrait ainsi être plus en cohérence avec les dernières variations économiques.
Permettez-moi cependant de m’interroger. Si nous observons le projet de loi en faveur des revenus du travail qui prévoit, dans son article 3, que le SMIC sera actualisé au 1er janvier et non plus au 1er juillet comme actuellement, pourquoi le Gouvernement procède-t-il de manière différenciée quand il s’agit des retraites ? Dans son exposé des motifs, il a argué du fait que cette modification visait notamment à « favoriser, à l’avenir, une évolution du SMIC davantage en phase avec les conditions économiques ». Cependant, cette disposition permet également de ne pas prendre en compte l’inflation enregistrée en cours d’année avant le 1er juillet et de ne pas intégrer les primes, les indemnités, le treizième mois. Ce n’est pas le cas des pensions, les données et structurations de revenus étant différentes.
Partant du principe que, dans les deux cas, il est question de sources de revenus essentielles à l’économie des ménages et que leur indexation sur l’évolution de prix relève de l’impératif de justice sociale et de la pertinence économique, ne serait-il pas envisageable de fixer leur revalorisation non plus une mais deux fois par an ?
De la sorte, nous obtiendrions un lissage des hausses. La méthode serait plus efficace, car elle permettrait de répondre aux justes revendications de nos aînés, mais aussi de soutenir le potentiel de consommation des plus de 12 millions de retraités que compte notre pays. Tout le monde en conviendra, cette dimension est loin d’être négligeable.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l’article.
Mme Isabelle Pasquet. La question de la revalorisation des pensions et de la date à laquelle celle-ci doit intervenir n’est ni anecdotique, ni technique.
Le Gouvernement propose de ne plus réévaluer les pensions au 1er septembre, comme cela se faisait jusqu’à présent afin de déterminer le niveau d’augmentation des retraites en fonction de l’inflation constatée. Mais il est clair que cette modification ne suffit pas, car, nous le voyons avec l’année 2008, même lorsque l’inflation est connue, les augmentations ne suivent pas. C’est pourquoi nous proposons qu’une revalorisation intervienne en début d’année, pour prendre en compte l’inflation de l’année précédente non couverte par la faible augmentation que vous proposez, mais nous entendons également permettre une revalorisation au 1er avril, en tant que de besoin.
En fait, cette deuxième revalorisation ne suffira sans doute pas puisque nous le voyons, les prix grimpent à une allure vertigineuse de mois en mois. Si l’on voulait permettre une réelle indexation sur les prix, il faudrait imaginer un mécanisme de réévaluation quasi permanent, or tel n’est pas le cas.
D’une manière plus générale, cet article et le débat sur la date de revalorisation, janvier ou avril, sont d’abord et avant tout la preuve de l’échec de l’indexation sur les prix. Vous le savez, les sénatrices et sénateurs communistes républicains et citoyens proposent une indexation des retraites sur les salaires, seule à même de permettre une hausse des pensions et de préserver le lien solidaire qui unit les salariés aux retraités.
Enfin, nous n’approuvons pas le choix de la méthode retenue pour mesurer l’évolution de l’inflation et déterminer, par voie de conséquence, celle des pensions. Si ce choix ne retire rien aux mérites de l’INSEE, malgré les coupes franches pratiquées dans ses effectifs, nous regrettons que cette revalorisation intervienne de manière technique et que les représentants des salariés retraités n’y soient pas plus largement associés.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 181 rectifié, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du I de cet article :
« Le coefficient annuel de revalorisation des pensions de vieillesse servies par le régime général et les régimes alignés sur lui est fixé, au 1er janvier et réévalué en tant que de besoin au 1er avril de chaque année, conformément à l’évolution prévisionnelle en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac prévue, pour l’année considérée, par une commission dont la composition et les modalités d’organisation sont fixées par décret.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement a été rectifié à la suite de notre discussion en commission afin d’y apporter une amélioration.
Avec cet article 54, le Gouvernement propose l’exact contraire que ce que prévoit le projet de loi en faveur des revenus du travail, qui fixe la revalorisation du SMIC au 1er janvier. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, quant à lui, organise la revalorisation des pensions au 1er avril de chaque année.
Pour sa part, le groupe CRC considère qu’il est préférable d’organiser le système de revalorisation en deux étapes, une première au 1er janvier, pour prendre en compte la prévision d’inflation, et une seconde au 1er avril, en tant que de besoin.
Ce mécanisme permettrait d’éviter la situation que nous avons rencontrée cette année. En effet, en 2008, la revalorisation des pensions a été fixée à 1,28 %, que nous devons comparer aux 2,9 % de l’inflation constatée, ce qui constitue tout de même un écart de 1,62 point, supporté par les retraités eux-mêmes qui voient fondre leur pouvoir d’achat. La revalorisation au 1er avril contribuera plus encore à aggraver cette situation. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement n° 181 rectifié.
De plus, selon les termes mêmes de l’article 54, « le coefficient annuel de revalorisation [...], est fixé, au 1er avril de chaque année, conformément à l’évolution prévisionnelle en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac prévue, pour l’année considérée, par une commission dont la composition et les modalités d’organisation sont fixées par décret ».
Où est donc le projet de décret ? Comment sera composée cette commission ? Pourra-t-elle s’écarter de l’évolution prévisionnelle ? Telles sont les interrogations que nous inspire cet article 54.
M. le président. L’amendement n° 294, présenté par Mmes Demontès et Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du I de cet article, remplacer le mot :
annuel
par le mot :
semestriel
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 181 rectifié tend à instaurer une revalorisation des pensions en deux temps : au 1er janvier et, le cas échéant, au 1er avril de chaque année.
Ces modalités ne sont pas acceptables, dans la mesure où l’article 54 prévoit déjà une refonte du système de revalorisation des pensions en fonction de l’évolution des prix qui nous paraît satisfaisante. En effet, cette refonte remédie aux insuffisances du dispositif actuel et permettra, à l’avenir, de fonder l’indexation des pensions sur des prévisions d’inflation qui seront beaucoup plus pertinentes au 1er avril. La commission a donc émis un avis défavorable.
L’amendement n° 294 tend à remplacer le coefficient de revalorisation annuel des pensions par un coefficient semestriel. L’avis de la commission est également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je voudrais simplement souligner un des risques que présenterait l’adoption de ces amendements qui visent à établir une revalorisation en deux temps : en janvier, puis en avril ou en juillet. Mais si l’inflation baisse entre ces deux étapes, faudra-t-il pour autant diminuer le montant des retraites ? Ce n’est même pas imaginable ! Voilà pourquoi la solution retenue fait coïncider la date de revalorisation avec la date de versement des retraites complémentaires. Sur le plan technique, les partenaires sociaux sont convenus que cette solution était la plus satisfaisante.
Le Gouvernement est donc défavorable aux deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 181 rectifié.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, votre réponse me donne une raison supplémentaire d’affirmer que la revalorisation des pensions doit s’effectuer en fonction de l’évolution des salaires et non de l’inflation. Je vous remercie d’avoir apporté un peu d’eau à mon moulin !
Pour autant, même si la revalorisation intervient selon le dispositif que vous proposez, nous continuons à penser qu’elle peut très bien intervenir au 1er janvier de l’année, sur la base de la prévision d’inflation pour la même année, et être suivie d’un ajustement au 1er avril en fonction de l’inflation réellement constatée pour l’année n–1. C’est ainsi que vous respecteriez véritablement l’esprit du texte qui a été élaboré dans le cadre du « rendez-vous » de 2008 sur les retraites.
Monsieur le ministre, j’espère bien que l’inflation ne va pas diminuer d’année en année, sinon nous ne serions même plus en récession, mais je ne sais pas comment qualifier ce phénomène !
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote sur l'article 54.
Mme Patricia Schillinger. Cet article permet de procéder à la revalorisation des retraites à compter du 1er avril de l’année, comme pour les régimes complémentaires AGIRC-ARRCO, ce qui permet d’avoir une appréciation de la situation des retraites au regard de l’inflation plus tôt dans l’année.
Cela aurait pu être l’une des mesures « généreuses » du rendez-vous de 2008. Mais jusqu’à quel point? Toutes les études montrent que les retraités perdent du pouvoir d’achat.
Dans les périodes de forte inflation, il est nécessaire d’accompagner l’évolution du coût de la vie au plus près dans le temps. C’est une revendication qui a été portée avec détermination par les retraités lors de la manifestation du 16 octobre dernier. Ils ont été très nombreux à exprimer leurs préoccupations au regard de la dégradation de leur pouvoir d’achat.
Le 16 octobre, l’ensemble des organisations syndicales ont réclamé « une augmentation immédiate et significative » des pensions afin d’endiguer la baisse inacceptable du pouvoir d’achat.
Les unions syndicales ont jugé que, en dépit du « mini-coup de pouce du 1er septembre [...] on est encore très loin du compte ». Les revalorisations successives ne couvrent pas l’inflation, qui va atteindre 2,9 % en 2008. Depuis 2002, les revalorisations ne compensent pas l’inflation.
De plus, l’indice général des prix minimise l’augmentation des produits de première nécessité, dont les coûts se sont envolés depuis un an. Ainsi, de septembre 2007 à septembre 2008, les produits d’alimentation ont augmenté de 4,7 % et l’énergie de 14,2 %.
M. Nicolas Sarkozy a tourné le dos à ses engagements et à ses promesses de campagne électorale. Non seulement il n’y aura pas de progression du niveau de vie des retraités cette année, mais il y aura aussi une baisse importante de leur pouvoir d’achat, face à l’inflation et notamment à la hausse des prix des produits de première nécessité.
Cette situation est socialement injuste. De plus, il n’est pas acceptable qu’un million de personnes âgées connaissent la pauvreté, que 50 % des quelque treize millions de retraités disposent de revenus inférieurs au SMIC ou s’en approchant.
C’est la raison pour laquelle il aurait été important de prévoir un coefficient de revalorisation semestriel et non pas annuel. Une fois de plus, vous n’avez pas voulu nous entendre.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l’article 54.
M. le président. Je mets aux voix l'article 54.
(L'article 54 est adopté.)
Article 55 (priorité)
I. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 351-10 du code de la sécurité sociale est complétée par les mots : «, lorsque la durée d'assurance ayant donné lieu à cotisations à la charge de l'assuré, accomplie tant dans le régime général que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, est au moins égale à une limite fixée par décret ».
II. - À la sous-section 2 de la section 3 du chapitre III du titre VII du livre Ier du même code, il est rétabli un article L. 173-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 173-2. - Dans le cas où l'assuré a relevé d'un ou plusieurs régimes d'assurance vieillesse mentionnés à l'article L. 200-2 et au 2° de l'article L. 611-1 du présent code ou à l'article L. 722-20 du code rural, et lorsqu'il est susceptible de bénéficier du minimum de pension prévu à l'article L. 351-10 dans un ou plusieurs de ces régimes, ce minimum de pension lui est versé sous réserve que le montant mensuel total de ses pensions personnelles de retraite attribuées au titre d'un ou plusieurs régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales, portées le cas échéant au minimum de pension, n'excède pas un montant fixé par décret.
« En cas de dépassement de ce montant, la majoration résultant de l'article L. 351-10 est réduite à due concurrence du dépassement.
« Lorsque l'assuré est susceptible de bénéficier du minimum de pension prévu à l'article L. 351-10 dans plusieurs régimes, les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »
III. - Après l'article L. 351-10 du même code, il est inséré un article L. 351-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 351-10-1. - L'assuré ne peut bénéficier des dispositions de l'article L. 351-10 que s'il a fait valoir les droits aux pensions personnelles de retraite auxquels il peut prétendre au titre des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales. »
IV. - Au premier alinéa de l'article L. 634-2 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 351-10 » est remplacée par la référence : « L. 351-10-1 ».
V. - Le I du présent article est applicable aux pensions prenant effet à compter du 1er avril 2009. Les II et III sont applicables aux pensions prenant effet à une date fixée par décret, et au plus tard au 1er janvier 2011.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. Le minimum contributif est un mécanisme qui permet aux salariés liquidant leur retraite à soixante-cinq ans ou après une carrière complète de bénéficier d’un complément afin de leur permettre de percevoir une retraite au moins égale à 584,48 euros nets mensuels.
En 2003, le législateur, afin de pallier les insuffisances de ces retraites, a instauré un minimum contributif majoré. Cette majoration devrait théoriquement, conformément à la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, porter le minimum contributif majoré à 85 % du SMIC, c’est-à-dire 711 euros.
Mis à part le fait que le montant de cette retraite même majorée est malheureusement inférieur au seuil de pauvreté, je ne peux que regretter que, contrairement à ce que prévoit la loi, son montant ne soit en réalité que de 638,60 euros.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous expliquer ce qui justifie une telle différence, nous dire si vous comptez y remédier et si, oui, à quelle date.
Peut-être auriez-vous pu profiter de cet article pour procéder à une revalorisation, car c’est du minimum contributif qu’il s’agit ici. Mais il est vrai qu’avec le paragraphe I de cet article vous ne cherchez pas à accorder une meilleure pension, vous cherchez à en réduire le nombre de bénéficiaires.
Vous proposez de préciser les contributions d’allocation de cette majoration, en la limitant aux assurés ayant cotisé pendant un délai déterminé par décret, les privant de la possibilité de bénéficier de cette majoration au prorata des années cotisées.
Cette mesure pèsera avant tout sur les femmes parce qu’elles sont les premières à subir des carrières incomplètes, en raison de congés de maternité ou de trimestres manquants dus au chômage.
La mesure que vous vous apprêtez à prendre est donc clairement inégalitaire et, si elle vous permet de faire faire quelques économies à la CNAV, ce sera le fonds de solidarité vieillesse qui sera mis à contribution, ce qui n’est pas de bon augure quand on sait que, dans ce PLFSS, vous organisez son déficit, en le privant d’une partie de ces ressources.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression que nous défendrons dans un instant.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l'article.
Mme Patricia Schillinger. L’article 4 de la loi du 21 août 2003 a fixé comme objectif général d’atteindre en 2008 un montant total de retraite égal à 85 % du SMIC net pour une carrière complète au SMIC.
L’article 26 de cette loi a créé une majoration du minimum contributif pour mieux valoriser les périodes travaillées.
Dans un document du 28 avril dernier, le Gouvernement avait annoncé qu’il reconduirait jusqu’en 2012 l’objectif d’un minimum de pension égal à 85 % du SMIC net pour une carrière complète au SMIC. Mais les conditions dans lesquelles cet objectif est assuré sont modifiées par cet article 55.
Vous avez annoncé reconduire, jusqu’à l’atteindre en 2012, l’objectif de porter la retraite minimale à 85 % du SMIC net. Cela reste encore insuffisant, car l’augmentation annoncée ne permettra pas aux personnes âgées qui touchent cette prestation de sortir réellement de leurs difficultés.
Par ailleurs, la prise en compte des périodes de cotisation et non plus des périodes validées défavorisent les personnes qui ont eu des interruptions de carrière, donc essentiellement les femmes.
Quelle injustice pour elles, car elles subissent l’inégalité non seulement sur le marché de l’emploi, mais aussi dans l’attribution de leurs retraites ! En 2004, seulement 41 % des femmes retraitées avaient validé une carrière complète, contre 86 % des hommes. La retraite des femmes est en moyenne inférieure de 38 % à celle des hommes et plus d’une femme sur deux ayant pris sa retraite en 2006 a vu sa pension du régime général portée au minimum contributif.
Et vous souhaitez toujours réduire les conditions d’attribution de la majoration du minimum contributif !
Soumettre le minimum contributif à une condition financière n’est pas acceptable. Elle résulte d’une proposition faite par la Cour des comptes dans la perspective de réaliser des économies. Selon une étude de la CNAV, avec les nouvelles modifications du minimum contributif, 42 % des polypensionnés ne toucheraient plus la majoration, soit 17 % des bénéficiaires actuels, ce qui procurerait une économie de l’ordre de 50 millions d’euros par an.
Il y a, ici, un contresens : d’un côté, le Gouvernement proclame sa volonté de revaloriser le minimum contributif et, de l’autre, en prenant des mesures qui, finalement, conduisent à une économie nette, il réduit le nombre de bénéficiaires de ce dispositif.
En outre, soumettre le minimum contributif à une condition de ressources, c’est dénaturer le sens de cette mesure. Elle a été instaurée pour assurer aux salariés ayant eu des salaires faibles un juste retour de leur contribution, entamée par l’érosion des coefficients de revalorisation.
L’intégration des retraites complémentaires dans les conditions de ressources aboutit au fait que deux salariés dont les entreprises ont pratiqué des taux de cotisation ARRCO différents pourront avoir la même retraite. Or ils auront fait des efforts contributifs différents.
Cela revient à transformer le minimum contributif en minimum vieillesse, ce qui est un non-sens par rapport à la notion même de contributivité qui est, avec la solidarité, l’un des fondements de nos systèmes par répartition.
M. le président. L'amendement n° 182, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Supprimer le I de cet article.
II. - Supprimer la première phrase du V de cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Comme l’a dit Isabelle Pasquet lors de son intervention sur l’article 55, nous sommes opposés à l’évolution des mécanismes de majoration du minimum contributif, qui aura pour effet de supprimer la règle du prorata, au profit d’une période de cotisation minimale qui sera par ailleurs définie par décret, mais qui paraît très floue.
Cette période pourrait être de vingt-cinq ans, de trente ans ou plus - qui sait ? - puisque, à l’Assemblée nationale, vous avez refusé de répondre à la question posée par notre collègue Martine Billard. Aussi, pour toutes les personnes concernées, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quelle sera la durée de cette période de cotisation.
Mais qu’il s’agisse d’une période de vingt-cinq ou de trente ans, cette mesure n’en demeure pas moins inacceptable. Elle jouera encore contre les femmes, comme Isabelle Pasquet et Patricia Schillinger viennent de le souligner, particulièrement contre celles qui n’ont pas travaillé continuellement, notamment parce qu’elles ont assumé la garde de leurs enfants.
Ainsi, une femme qui aurait élevé trois enfants en prenant chaque fois un congé maternité de deux ans perdrait le bénéfice de ce minimum contributif majoré, soit une perte sèche de plus de 300 euros. Voilà la reconnaissance qu’offre ce gouvernement aux femmes de notre pays !
C’est la double peine : mal traitées au travail, subissant des discriminations dans l’emploi et dans la rémunération, plus atteintes que les hommes par le temps partiel subi, elles devraient encore, une fois le temps de la retraite venu, subir les contrecoups d’une mesure injuste.
Rappelons-le, seulement 41 % des femmes de notre pays ont constitué une carrière complète ouvrant droit à une retraite à taux plein, contre 86 % des hommes. Que l’on ne s’y trompe pas, l’urgence est pour nous de tirer par le haut les droits, c’est-à-dire de faire en sorte d’augmenter le pourcentage de femmes ayant réalisé une carrière entière, et non de diminuer celui des hommes.
Il en est de même pour le montant des retraites : celles des femmes ne représentent en moyenne que 38 % de la retraite d’un homme. Cela explique pourquoi une retraitée sur deux bénéficie aujourd’hui du minimum contributif.
Je voudrais faire ici un appel à mes collègues de la majorité membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes : vous ne pouvez accepter cette réforme injuste ! Si les femmes sont les premières victimes, ce sera le cas demain des étudiants ayant commencé leur vie professionnelle tardivement, en raison de l’allongement des études et du démarrage tardif d’une activité professionnelle.
Ce mécanisme s’amplifiera par ailleurs avec ce que vous proposez en termes de cumul emploi-retraite ou encore - comme on l’a vu hier au cours du débat concernant les pilotes, mais cette catégorie de salariés ne sera pas la seule à être concernée - avec le départ repoussé à soixante-dix ans pour les salariés de notre pays. Évidemment, les jeunes trouveront moins facilement du travail.
Enfin, les salariés privés d’emploi ayant connu le chômage de longue durée seront également affectés par cette mesure.
Tout cela réduira les droits de nos concitoyennes et de nos concitoyens. C’est pourquoi je vous demande de voter en faveur de notre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement n° 182 vise précisément à supprimer les paragraphes les plus importants de l’article 55 qui sont relatifs à la fixation de la durée de cotisation pour le minimum contributif majoré.
Dans l’esprit de la réforme de 2003, la création du minimum contributif majoré permettait d’établir un parallélisme avec la période cotisée. Donc, on ne peut pas souscrire à une proposition visant à revenir sur une décision essentielle de cette réforme.
Le défaut de ciblage a entraîné, dans l’intervalle, quelques critiques. Aujourd’hui, la fixation d’une durée de cotisation pour un bénéfice minimum contributif majoré devrait permettre de recentrer la mesure dans l’esprit de la réforme de 2003. Servir un supplément de pension aux travailleurs qui ont eu une carrière professionnelle faiblement valorisée, tel est le sens du minimum contributif majoré.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Notre position diffère de celle de la Cour des comptes dans la mesure où nous ne souhaitons pas réserver la majoration du minimum aux seuls assurés qui ont eu une carrière complète. Nous ne sommes pas dans la même logique.
Mme Annie David. Quelle sera la durée de cotisation prise en compte ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 55.
(L'article 55 est adopté.)
Article additionnel après l’article 55 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 421, présenté par MM. Vasselle et César, est ainsi libellé :
Après l'article 55, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La nation se fixe pour objectif d'assurer en 2012 à un non salarié agricole ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein un montant total de pension lors de la liquidation au moins égal à 85 % du salaire minimum de croissance net lorsqu'il a cotisé pendant cette durée sur la base des assiettes minima en vigueur.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement, que je présente à titre personnel avec mon collègue Gérard César, est relatif à la retraite des agriculteurs.
La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a introduit une majoration du minimum de pension contributif au titre des périodes cotisées, de manière à atteindre en 2008 l'objectif d'un taux de remplacement de 85 % du SMIC net pour un assuré salarié ayant accompli une carrière complète, cotisée au SMIC et à temps plein. Par le biais de l'article 55 du projet de loi, le Gouvernement entend reconduire cet objectif jusqu'en 2012.
L'objet de cet amendement est de permettre aux non-salariés agricoles de bénéficier du dispositif existant pour les salariés. Il paraît en effet cohérent de traiter tous les assurés sociaux de façon équitable, ce qui n'est pas le cas lorsque seuls les salariés peuvent bénéficier d'une retraite minimale équivalente à 85 % du SMIC.
Pour les salariés, la mise en œuvre du dispositif a conduit à revaloriser de trois fois 3 %, en 2004, 2006 et 2008, le minimum contributif. L’amendement tend à étendre cette revalorisation à la retraite minimale des non-salariés agricoles.
J’imagine difficilement que la Haute Assemblée ne soit pas sensible à cette question d’équité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. M. Vasselle a évoqué l’équité de ce système, qui, pour ma part, me paraît assez inégalitaire.
Après le débat de la nuit dernière, notamment les propos qui ont été tenus en faveur des veuves, je préférerais demander l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Il est, hélas !, défavorable. (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas gentil !
M. Jean Desessard. Quelle surprise !
M. Xavier Bertrand, ministre. Ne me faites pas regretter de jouer la franchise ! Je vais essayer d’être convaincant.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale crée déjà une garantie nouvelle pour les exploitants agricoles : c’est l’objet de l’article 53, qui a été voté précédemment.
Monsieur Vasselle, la garantie de pension de 85 %, à laquelle vous faites référence pour le régime général, inclut la pension complémentaire ARRCO, qui existe depuis 1961. Or les exploitants ne cotisent à un régime complémentaire obligatoire que depuis 2002. Leurs pensions complémentaires sont donc logiquement plus faibles.
Si l’on prévoit l’application de règles identiques entre les deux régimes, cela entraînera un problème de soutenabilité financière – on peut dire que le coût sera très élevé – et d’équité entre les assurés. On ne peut pas donner la même pension à une personne qui a cotisé toute sa vie au SMIC, base et complémentaire, et à celle qui a cotisé au régime complémentaire depuis seulement six ans, si l’on compte à partir d’aujourd'hui.
Ce sont les raisons pour lesquelles j’estime que nous devons continuer à réfléchir et à travailler sur ce sujet, particulièrement vous, monsieur Vasselle, qui suivez ces dossiers avec une attention plus que soutenue.
Le Gouvernement souhaite donc que vous retiriez cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable. Vous soulevez un vrai sujet, mais aussi de vrais problèmes à régler !
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 421 est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, pourquoi n’a-t-on pas mis en place plus tôt un régime obligatoire complémentaire pour les agriculteurs ?
Allez-vous me renvoyer la balle en estimant qu’il appartenait aux agriculteurs de le décider ? Mais ils ne pouvaient pas adopter seuls une telle mesure !
Vous admettrez que, par les temps qui courent et compte tenu des périodes difficiles que les agriculteurs ont connues ces dernières années – si l’on excepte la petite embellie au cours de 2007 –, il leur était difficile, compte tenu de leur pouvoir d’achat, de cotiser à un régime complémentaire, comme vous le souhaitez.
Je veux bien l’admettre, en cette période difficile, tant pour le Gouvernement, qui doit assurer l’équilibre des comptes, que pour les agriculteurs et les autres catégories professionnelles de la population française, on ne peut pas tout faire en même temps !
Monsieur le président, j’accepte donc bien volontiers de retirer cet amendement. Mais je me laisse la possibilité de revenir sur le sujet puisque M. le ministre s’est engagé devant la Haute Assemblée à ce que nous continuions à travailler à l’amélioration de la retraite des agriculteurs.
M. le président. L'amendement n° 421 est retiré.
M. Bernard Cazeau. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s’agit donc de l'amendement n° 421 rectifié.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Nous étions tout à fait favorables à l’amendement présenté par M. Vasselle. Nous avons entendu les explications de M. le ministre, qui a dressé des comparaisons de durées de cotisations.
Pour les agriculteurs, la cotisation complémentaire a été l’apogée des cinq années du gouvernement de M. Jospin, qui a augmenté les retraites agricoles de manière extrêmement importante.
Comme l’a indiqué M. Vasselle, les agriculteurs ne pouvaient cotiser à un système qui n’avait pas été préalablement mis en place.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 421 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Article 55 bis (priorité)
Le début du dernier alinéa de l'article L. 351-10 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé : « La majoration de pension versée au titre de la retraite anticipée des travailleurs handicapés, la majoration pour enfants, la majoration pour conjoint à charge, prévues au deuxième alinéa de l'article L. 351-1-3, à l'article L. 351-12... (le reste sans changement). »
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - Le présent article est applicable aux pensions prenant effet à compter du 1er avril 2009.
La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L'article 55 bis, qui a été introduit à l'Assemblée nationale, prévoit que la majoration de pension versée aux travailleurs lourdement handicapés est calculée après l’application éventuelle du minimum contributif au montant de leur pension.
Cet article permet d’améliorer les pensions servies à ces personnes en révisant leur mode de calcul dans un sens qui leur est favorable.
Il me paraît toutefois nécessaire de laisser un délai suffisant aux caisses de retraite pour mettre en œuvre ces nouvelles modalités de calcul des pensions. L’amendement précise que cette nouvelle règle s'applique aux pensions qui prendront effet à compter du 1er avril 2009.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. J’indique que, pour les assurés concernés, le gain pourra atteindre 150 euros par mois.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Nous approuvons l’article 55 bis, qui tend à améliorer les pensions servies aux travailleurs lourdement handicapés, en révisant, dans un sens favorable, le mode de calcul.
Nous voterons cependant contre cet amendement. S’il s’agissait de ne pas verser la majoration pendant trois mois, cela serait négligeable. Mais les personnes concernées par ce report vont être pénalisées non pas pour trois mois, mais pour toute la durée de perception de leur pension.
M. le rapporteur allègue un délai suffisant pour permettre aux caisses de retraite de mettre en œuvre les nouvelles modalités de calcul des pensions. Dans certaines caisses, le délai imparti pour liquider sa pension est de six mois, voire d’un ou de deux ans. Je ne vois pas comment, avec trois mois de plus, elles pourront régler toutes les questions matérielles.
Je propose donc que l’article soit d’application immédiate. Il appartiendra aux caisses de se donner le temps, le cas échéant, de recalculer la pension – cela ne doit pas représenter un travail colossal –, qui doit être servie à ces travailleurs handicapés.
C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement. J’espère que nous serons suivis par la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l'article 55 bis, modifié.
(L'article 55 bis est adopté.)
Article 55 ter (priorité)
I. - L'article L. 643-3 du code de la sécurité sociale est complété par un III ainsi rédigé :
« III. - La condition d'âge prévue au premier alinéa du I est abaissée, dans des conditions fixées par décret, pour les assurés handicapés qui ont accompli, alors qu'ils étaient atteints d'une incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret, une durée d'assurance dans le régime d'assurance vieillesse de base des professions libérales et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, au moins égale à une limite définie par décret, tout ou partie de cette durée ayant donné lieu à cotisations à la charge de l'assuré.
« La pension des intéressés est majorée en fonction de la durée ayant donné lieu à cotisations considérée, dans des conditions précisées par décret. »
II. - L'article L. 643-4 du même code est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Des travailleurs handicapés admis à demander la liquidation de leur pension de retraite dans les conditions prévues au III de l'article L. 643-3. »
III. - L'article L. 723-10-1 du même code est complété par un III ainsi rédigé :
« III. - La condition d'âge prévue au premier alinéa du I est abaissée, dans des conditions fixées par décret, pour les assurés handicapés qui ont accompli, alors qu'ils étaient atteints d'une incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret, une durée d'assurance dans le régime d'assurance vieillesse de base des avocats et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, au moins égale à une limite définie par décret, tout ou partie de cette durée ayant donné lieu à cotisations à la charge de l'assuré.
« La pension des intéressés est majorée en fonction de la durée ayant donné lieu à cotisations considérée, dans des conditions précisées par décret. »
IV. - Après le 2° de l'article L. 723-10-2 du même code, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Des travailleurs handicapés admis à demander la liquidation de leur pension de retraite dans les conditions prévues au III de l'article L. 723-10-1. » – (Adopté.)
Article 56 (priorité)
I. - La section 3 du chapitre III du titre VII du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par une sous-section 9 ainsi rédigée :
« Sous-section 9
« Rachat
« Art. L. 173-7. - Les versements mentionnés au premier alinéa des articles L. 351-14-1, L. 634-2-2, L. 643-2 et L. 723-10-3 du présent code, à l'article L. 732-27-1 du code rural et au cinquième alinéa de l'article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que ceux prévus par des dispositions réglementaires ayant le même objet, ne sont pas pris en compte pour le bénéfice des dispositions des articles L. 351-1-1, L. 351-1-3, L. 634-3-2 et L. 634-3-3, des II et III des articles L. 643-3 et L. 723-10-1 du présent code, des articles L. 732-18-1 et L. 732-18-2 du code rural, du 5° du I de l'article L. 24 et de l'article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite et de l'article 57 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005. »
II. - Au début du 1° de l'article L. 742-3 du code rural, sont insérés les mots : « L'article L. 173-7 du code de la sécurité sociale ».
III. - À l'article L. 382-29 du code de la sécurité sociale, après les mots : « des articles », est insérée la référence : « L. 173-7, ».
IV. - Sont abrogés :
1° Le dernier alinéa de l'article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale ;
2° L'article 114 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007.
V. - Le présent article est applicable aux demandes de versement déposées à compter du 13 octobre 2008 et prises en compte pour le calcul de pensions d'assurance vieillesse prenant effet à compter du 1er janvier 2009.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 183 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 295 est présenté par Mmes Schillinger et Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Demontès et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. François Autain, pour présenter l'amendement n° 183.
M. François Autain. L’article 56 est le premier d’une série d’articles qui sont destinés à allonger la durée de cotisations des salariés, y compris, comme c’est le cas ici, pour ceux qui travaillent depuis l’âge de quatorze ou de seize ans.
Ces salariés, à qui on ne peut pas reprocher d’avoir travaillé plus, mériteraient de gagner plus. Mais tel ne sera pas le cas. Cette disposition est, à cet égard, scandaleuse.
Le prix très important du rachat des années d’études était, par le passé, justifié par le fait qu’il intervenait simultanément sur deux leviers : d’une part, sur le montant de la pension que ce rachat provoquait et, d’autre part, sur le fait qu’il permettait une retraite anticipée, et donc un bénéfice de cette pension supérieur à ce qu’il aurait été si le rachat n’avait pas eu lieu.
Dès lors que ce rachat n’a plus d’incidence sur l’âge de départ à la retraite, on peut légitimement se poser la question du coût pour les salariés de ces trimestres rachetés. Entendez-vous le diminuer, monsieur le ministre ? Rien n’est moins sûr ! Les salariés en question auront donc racheté à prix fort des trimestres dont la portée est, pour le moins, minorée.
Mais, surtout, la principale conséquence de cette mesure que devront supporter les salariés, c’est un allongement de leur durée de cotisation puisque, à compter du 1er janvier 2009, la durée de cotisation prise en compte pour bénéficier d’un départ anticipé sera celle des soixante ans du salarié. Cela revient à majorer la durée de cotisation des salariés concernés par le dispositif de la carrière longue de la même manière que pour l’ensemble des salariés, à savoir un trimestre de plus par an d’ici à 2012.
Ainsi, un salarié de cinquante-six ans qui voudrait bénéficier d’un départ anticipé en 2009 devra avoir cotisé quarante-trois ans contre quarante-deux aujourd’hui, soit 172 trimestres, puisqu’il se verra appliquer la durée de cotisation qu’on lui exigerait en temps normal pour un départ à soixante ans, c’est-à-dire en 2013.
Voilà comment vous avez progressivement, presque en secret, mis tout simplement fin au dispositif de la carrière longue. Mais, si le fond est condamnable, la forme n’en est pas pour autant exempte de toute critique. Votre Gouvernement, qui se fait fort de vouloir redonner la parole aux partenaires sociaux, a tout simplement oublié de les consulter préalablement.
C’est par une simple lettre ministérielle du 7 juillet 2008, signée du directeur de la sécurité sociale, que les syndicats ont été informés de vos projets.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Chevé, pour présenter l'amendement n° 295.
Mme Jacqueline Chevé. Le dispositif de départ à la retraite anticipé pour carrière longue mis en place par la loi du 21 août 2003 sera reconduit en tenant compte de l'allongement de la durée de cotisation à quarante et un ans.
Les modalités de cette reconduction sont l'objet de vives critiques de la part des organisations syndicales, notamment de la CFDT. Celle-ci a d’ailleurs déposé un recours auprès du Conseil d'État afin de contester la circulaire de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés, qui limite l'accès au dispositif de départ à la retraite anticipé pour carrière longue en comptabilisant les durées de cotisation en fonction de l’année de naissance et non de l'année de départ. La durée d'assurance requise a ainsi augmenté brutalement de quatre trimestres pour la génération de 1952.
Or l'article 56 vient encore durcir les conditions d'accès à la retraite anticipée pour carrière longue. Il prévoit que les trimestres rachetés au titre des périodes d'études supérieures ou d'années d'activité incomplète, qui ne correspondent pas à des trimestres validés au titre d'une activité professionnelle effectuée, ne pourront plus être pris en compte pour l'ouverture du droit à la retraite anticipée. C'est une mesure de régression par rapport aux engagements pris lors du vote de la loi du 21 août 2003.
Cet amendement vise donc à supprimer l'article 56.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je reconnais que l’article 56 change quelque peu les conditions d’accès au dispositif de retraite anticipée pour carrière longue.
Cependant, j’aurais aimé que notre collègue François Autain aille au bout de son raisonnement en n’oubliant pas de dire que la personne qu’il a évoquée continuera à bénéficier de ce dispositif et partira bien évidemment à la retraite avant soixante ans.
M. Autain oublie donc intentionnellement d’évoquer l’aspect généreux de la réforme de 2003, alors que, quand ses amis politiques étaient au pouvoir, les salariés concernés devaient cotiser un plus grand nombre de trimestres avant de partir à la retraite.
Bien sûr, le dispositif actuel a un coût ; bien sûr, il y a eu des effets d’aubaine : c’est pourquoi les choses sont aujourd’hui recadrées, dans le double objectif de maîtriser le coût et de conserver l’aspect généreux de la mesure, notamment pour tous les salariés qui ont commencé à travailler très jeunes.
La commission a donc émis un avis défavorable sur les deux amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable, car il ne s’agit pas ici, en réalité, de trimestres travaillés.
La mémoire me fait peut-être défaut, mais je ne suis pas certain que ceux qui défendent aujourd’hui ce dispositif l’aient voté en 2003 ! (M. André Lardeux applaudit.)
Mme Isabelle Debré. C’est peu probable !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 183 et 295.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l'article 56.
Mme Raymonde Le Texier. La loi du 21 août 2003 comportait peu de dispositions favorables aux salariés. La seule de ce type est sans doute celle qui instaurait la possibilité, pour les salariés ayant effectué une carrière longue, de racheter des trimestres de cotisation.
Cette disposition répondait à une attente forte des salariés concernés. Il est donc parfaitement logique qu’elle ait rencontré un important succès. Or le Gouvernement nous propose aujourd’hui de durcir les conditions d’accès au bénéfice de cette mesure. Au demeurant, cet article fait suite à la lettre interministérielle du 7 juillet dernier et à la circulaire de la CNAVTS du 25 juillet, qui suscitent les plus vives critiques de la part des organisations syndicales. Ladite circulaire, qui limite l’accès au dispositif de la retraite anticipée pour carrière longue en fonction de l’année de naissance et non pas de l’année de départ, fait actuellement l’objet d’un recours devant le Conseil d’État.
Très concrètement, les trimestres de cotisation rachetés au titre des périodes d’études supérieures ou d’années d’activité incomplète, qui ne correspondent pas à des trimestres validés au titre d’une activité professionnelle, ne pourront donc plus être pris en considération pour l’ouverture du droit à la retraite anticipée. Qui plus est, du fait du lissage de l’augmentation d’un an de cotisation sur quatre années, ceux qui ont la malchance d’être nés la quatrième année, c’est-à-dire en 1952, devront travailler quatre trimestres supplémentaires. Ils n’en ont même pas été prévenus… La douloureuse réalité est que vous les sacrifiez, monsieur le ministre.
Dans les faits, vous revenez sur les engagements pris par l’actuelle majorité lors du vote de la loi du 21 août 2003. Il aurait été à tout le moins logique que cette volte-face concerne non pas uniquement ce volet de la réforme, mais l’ensemble de celle-ci. Or l’augmentation de la durée de cotisation prévue à l’article 5 est, quant à elle, bien maintenue ; pis, elle est renforcée. Ainsi, seul le dispositif favorable aux salariés passe à la trappe.
Enfin, quel crédit peut-on accorder à l’argumentaire déployé par le Gouvernement selon lequel toute la responsabilité de cette injuste modification incomberait aux assurés qui auraient racheté des trimestres sans relation avec une activité professionnelle effective ?
Une fois encore, l’exécutif entretient la division entre nos concitoyens. Quand ce ne sont pas les chômeurs qui fraudent l’assurance chômage, ce sont les assurés sociaux qui mettent en difficulté l’assurance maladie. Désormais, ce sont ceux qui ont travaillé de longues années qui sont pris pour cible !
La logique voudrait que les pouvoirs publics accentuent les contrôles et sanctionnent au cas par cas en tant que de besoin. Mais, une fois encore, la justice n’est que le prétexte d’une politique dont le seul objectif est de répondre à des impératifs comptables et de remettre en cause les droits sociaux d’une grande partie des ayants droit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 56.
(L'article 56 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 56 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 56, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite et le I de l'article 57 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005 sont ainsi modifiés :
1° À la fin du premier alinéa, les mots : « cent soixante-huit trimestres » sont remplacés par les mots : « la durée d'assurance ou de services et bonifications définie à l'article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites et applicable l'année où l'assuré atteint l'âge précité, majorée de huit trimestres » ;
2° Dans le deuxième alinéa (1°), les mots : « cent soixante-huit trimestres » sont remplacés par les mots : « la durée d'assurance ou de services et bonifications définie au premier alinéa » ;
3° Dans le troisième alinéa (2°), les mots : « cent soixante-quatre trimestres » sont remplacés par les mots : « la durée d'assurance ou de services et bonifications définie au premier alinéa, minorée de quatre trimestres » ;
4° Dans le quatrième alinéa (3°), les mots : « cent soixante trimestres » sont remplacés par les mots : « la durée d'assurance ou de services et bonifications définie au premier alinéa, minorée de huit trimestres ».
La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement vise à appliquer aux régimes de la fonction publique le principe générationnel pour apprécier les conditions de durée d’assurance ouvrant droit à la retraite anticipée pour longue carrière. Ce principe générationnel s’applique déjà dans le régime général.
Ainsi, les conditions de durée d’assurance pour partir à la retraite anticipée évolueront en fonction de l’année de naissance des assurés, comme cela est déjà prévu, je le répète, dans la loi de 2003. Une personne appartenant à la génération de 1949, par exemple, devra travailler un trimestre supplémentaire, l’allongement allant jusqu’à quatre trimestres pour la génération de 1952. Tel n’était pas le cas jusqu’ici dans la fonction publique.
Cet amendement vise donc à harmoniser les règles applicables dans les régimes du secteur public avec celles qui sont en vigueur pour le secteur privé, dans un souci de plus grande équité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Parallélisme des formes, équité : tout a été dit par M. le rapporteur.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 56.
L'amendement n° 516, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 56, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 161-19 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 161-19-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 161-19-1. - Sont prises en compte, pour la détermination de la durée d'assurance visée au deuxième alinéa de l'article L. 351-1, du I de l'article L. 643-3 et du I de l'article L. 723-10-1 du présent code, au premier alinéa du I de l'article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite et à l'article L. 732-25 du code rural, les périodes durant lesquelles l'assuré a été affilié à un régime obligatoire de pension d'une institution européenne ou d'une organisation internationale à laquelle la France est partie, dès lors qu'il est affilié à ce seul régime de retraite obligatoire. »
La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Cet amendement est en fait la reprise de celui qui avait été initialement déposé par Mme Garriaud-Maylam, mais déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
Les régimes de pension des organisations internationales ne sont pas aujourd’hui reconnus par les régimes français pour le décompte des périodes d’assurance. Si nous souhaitons que notre pays conserve ou développe son influence au sein de ces organisations, ne dissuadons pas nos compatriotes d’y faire une partie de leur carrière. Voilà pourquoi cet amendement est digne d’intérêt.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 56.
Article 57 (priorité)
I. - L'article L. 634-2-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est précédé par un « I » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. - Lorsqu'en application du premier alinéa de l'article L. 351-2, moins de quatre trimestres d'assurance sont validés au titre d'une année civile d'exercice d'une activité non salariée artisanale, industrielle ou commerciale, l'assuré peut demander la validation d'un trimestre par période de quatre-vingt-dix jours d'affiliation continue ou non au cours de cette année civile, aux régimes d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales.
« Le bénéfice des dispositions ci-dessus est subordonné :
« a) À une durée minimale d'affiliation aux régimes d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales fixée par décret ; ce décret fixe également le nombre maximum de trimestres qui peuvent être validés par l'assuré en fonction de sa durée d'affiliation à ces régimes et les modalités particulières de prise en compte de cette durée lorsqu'elle est en tout ou partie antérieure au 1er janvier 2009 ;
« b) Au versement, dans un délai fixé par décret, d'une cotisation qui ne peut être inférieure au minimum de cotisation prévu au premier alinéa de l'article L. 351-2.
« L'application des dispositions ci-dessus ne peut avoir pour effet de porter le total des trimestres validés par l'assuré au titre de l'année considérée au-delà du nombre de périodes de quatre-vingt-dix jours accomplies durant cette année.
« La validation est accordée à tout assuré respectant les conditions fixées au présent II.
« Ne peuvent se prévaloir des dispositions ci-dessus :
« 1° Les associés ou commandités, gérants ou non, d'une entreprise exploitée sous forme de société dès lors qu'au titre de l'année considérée, les revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du code général des impôts qu'eux-mêmes, leur conjoint, ou leur partenaire auquel ils sont liés par un pacte civil de solidarité, et leurs enfants mineurs non émancipés ont perçus de ladite entreprise excèdent un seuil fixé par décret ;
« 2° Les assurés qui ne sont pas à jour des obligations déclaratives ou de paiement relatives à leurs cotisations et contributions personnelles et, le cas échéant, à celles des cotisations et contributions afférentes aux gains et rémunérations de leurs salariés ; toutefois, la condition de paiement est considérée comme remplie dès lors que les intéressés, d'une part, ont souscrit et respectent un plan d'apurement des cotisations restant dues et, d'autre part, acquittent les cotisations en cours à leur date d'exigibilité ;
« 3° Les conjoints ou partenaires collaborateurs et les assurés mentionnés à l'article L. 742-6, au titre de l'année ou de la fraction d'année durant laquelle ils avaient cette qualité.
« Les assurés ayant validé moins de quatre trimestres d'assurance au titre d'une année pour laquelle leurs cotisations et celles de leur conjoint ou partenaire collaborateur ont été déterminées compte tenu du 2° de l'article L. 633-10 ne peuvent se prévaloir des dispositions ci-dessus, au titre de ladite année, que si leur revenu professionnel était inférieur au revenu minimum exigé pour la validation de quatre trimestres.
« Le financement des validations instituées par le présent article est assuré par une fraction des cotisations d'assurance vieillesse des régimes concernés. Ces opérations font l'objet d'un suivi comptable spécifique dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. »
II. - Le présent article est applicable à compter du 1er janvier 2010.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Chevé, sur l'article.
Mme Jacqueline Chevé. Cet article concerne la situation des artisans et des commerçants au regard des droits à la retraite. Étant donné que certains d’entre eux ne peuvent valider les trimestres à due concurrence de la période effectivement travaillée, il nous est proposé d’instaurer un dispositif qui permettrait au chef d’entreprise d’effectuer le rachat de trimestres manquants sur la base d’une année travaillée. Le recours à cette possibilité serait conditionné par la durée d’affiliation aux régimes d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales.
La valeur de rachat desdits trimestres est fixée à 281 euros l’unité, soit le montant de la cotisation minimale permettant de valider un trimestre. Nous considérons que cette disposition va dans le bon sens.
Il n’en reste pas moins que cela met en exergue le fait que la politique du Gouvernement relève non pas d’un souci d’équité, mais bien d’impératifs purement comptables, ce qui traduit la faillite de sa politique économique et sociale. Nous déplorons cette situation !
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter le 2° du I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les trimestres validés au titre du présent II ne sont pas pris en compte pour le bénéfice des dispositions des articles L. 351-1-1, L. 351-1-3, L. 634-3-2 et L. 634-3-3, des II et III des articles L. 643-3 et L. 723-10-1 du présent code, des articles L. 732-18-1 et L. 732-18-2 du code rural, du 5° du I de l'article L. 24 et de l'article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite et de l'article 57 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005. »
La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L'article 57 tend à instaurer un dispositif de rachat permettant aux artisans et aux commerçants de valider des trimestres de cotisation.
L’amendement de la commission vise à préciser que ces rachats ne pourront être pris en compte pour ouvrir droit à la retraite anticipée. Il s’agit donc d’une mesure d’harmonisation et d’équité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 57, modifié.
(L'article 57 est adopté.)
Article 58 (priorité)
I. - Le premier alinéa de l'article L. 2241-4 du code du travail est ainsi modifié :
1° Les mots : « à compter de la fin de la négociation prévue au I de l'article 12 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites » sont supprimés ;
2° Après les mots : « des compétences », sont insérés les mots : « et l'emploi » ;
3° Après le mot : « âgés », sont insérés les mots : «, notamment par l'anticipation des carrières professionnelles et la formation professionnelle, ».
II. - Après le chapitre VIII bis du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est inséré un chapitre VIII ter ainsi rédigé :
« CHAPITRE VIII TER
« Pénalités
« Section 1
« Accords en faveur de l'emploi des salariés âgés
« Art. L. 138-24. - Les entreprises, y compris les établissements publics, mentionnées aux articles L. 2211-1 et L. 2233-1 du code du travail employant au moins cinquante salariés ou appartenant à un groupe au sens de l'article L. 2331-1 du même code dont l'effectif comprend au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l'employeur lorsqu'elles ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d'action relatif à l'emploi des salariés âgés.
« Le montant de cette pénalité est fixé à 1 % des rémunérations ou gains, au sens du premier alinéa de l'article L. 242-1 du présent code et du deuxième alinéa de l'article L. 741-10 du code rural, versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l'entreprise n'est pas couverte par l'accord ou le plan d'action mentionné à l'alinéa précédent.
« Le produit de cette pénalité est affecté à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.
« Les articles L. 137-3 et L. 137-4 sont applicables à cette pénalité.
« Art. L. 138-25. - L'accord d'entreprise ou de groupe portant sur l'emploi des salariés âgés mentionné à l'article L. 138-24 est conclu pour une durée maximale de trois ans. Il comporte :
« 1° Un objectif chiffré de maintien dans l'emploi ou de recrutement des salariés âgés ;
« 2° Des dispositions favorables au maintien dans l'emploi et au recrutement des salariés âgés portant sur trois domaines d'action au moins choisis parmi une liste fixée par décret en Conseil d'État et auxquelles sont associés des indicateurs chiffrés ;
« 3° Des modalités de suivi de la mise en œuvre de ces dispositions et de la réalisation de cet objectif.
« Art. L. 138-26. - Les entreprises mentionnées au premier alinéa de l'article L. 138-24 ne sont pas soumises à la pénalité lorsque, en l'absence d'accord d'entreprise ou de groupe, elles ont élaboré, après avis du comité d'entreprise, ou, à défaut, des délégués du personnel, un plan d'action établi au niveau de l'entreprise ou du groupe relatif à l'emploi des salariés âgés dont le contenu respecte les conditions fixées à l'article L. 138-25. La durée maximale de ce plan d'action est de trois ans. Il fait l'objet d'un dépôt auprès de l'autorité administrative dans les conditions définies à l'article L. 2231-6 du code du travail.
« En outre, les entreprises dont l'effectif comprend au moins cinquante et est inférieur à trois cents salariés ou appartenant à un groupe dont l'effectif comprend au moins cinquante et est inférieur à trois cents salariés ne sont pas soumises à cette pénalité lorsque la négociation portant sur l'emploi des salariés âgés mentionnée à l'article L. 2241-4 du code du travail a abouti à la conclusion d'un accord de branche étendu, respectant les conditions mentionnées à l'article L. 138-25 du présent code et ayant reçu à ce titre un avis favorable du ministre chargé de l'emploi. Cet avis est opposable aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 du présent code et à l'article L. 725-3 du code rural.
« Art. L. 138-27. - L'autorité administrative compétente se prononce sur toute demande formulée par une entreprise mentionnée à l'article L. 138-24 tendant à apprécier l'application de la présente section à sa situation, notamment le respect des conditions fixées à l'article L. 138-25.
« Le silence gardé par l'administration pendant un délai fixé par décret vaut décision de conformité.
« La demande mentionnée au premier alinéa ne peut être formulée par une entreprise lorsqu'un contrôle prévu à l'article L. 243-7 du présent code ou à l'article L. 724-7 du code rural est engagé.
« La réponse, y compris implicite, est opposable aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 du présent code et à l'article L. 725-3 du code rural pour une durée ne pouvant excéder la durée de validité des accords ou plans d'actions mentionnée aux articles L. 138-25 et L. 138-26. »
III. - Au premier alinéa de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, après la référence : « L. 137-12 », sont insérés les mots : «, par la pénalité prévue à l'article L. 138-24 ».
IV. - Les articles L. 138-24 à L. 138-26 du code de la sécurité sociale s'appliquent à compter du 1er janvier 2010.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l'article.
Mme Patricia Schillinger. Cet article concerne les accords de branche et d’entreprise en faveur de l’emploi des salariés âgés. II est important, car il traite du plan seniors, et plus particulièrement de l’allongement de la durée de cotisation.
On souhaite mettre en œuvre rapidement des actions en faveur du maintien dans l’emploi ou du retour à l’emploi des salariés âgés. Comme je l’ai indiqué au cours de la discussion générale, cette initiative intervient sans avoir fait l’objet de la moindre concertation ni d’aucun dialogue avec les partenaires sociaux. Compte tenu de la réalité sociale, elle résonne surtout comme une provocation. Le Gouvernement souhaite que les seniors restent dans l’entreprise, alors que, aujourd’hui, on ne donne pas vraiment aux entrepreneurs les moyens de les garder.
Cet allongement de la durée de cotisation est un contresens au moment où les salariés les plus anciens sont les premières victimes de la recrudescence des plans sociaux. Aujourd’hui, quand un salarié solde sa retraite, il est au chômage depuis trois ans en moyenne. Rendre obligatoire une année de cotisation supplémentaire sans avoir fait radicalement reculer le chômage des plus de soixante ans ne sert à rien.
Par ailleurs, l’ANPE a développé, depuis avril 2006, une centaine de « clubs seniors », avec des rendez-vous mensuels pour les chômeurs seniors. On a pu observer que ces initiatives n’ont pas modifié la situation catastrophique de ces derniers sur le marché du travail : le taux d’activité décroît rapidement avec l’âge dès cinquante-quatre ans ; si 85 % des personnes sont encore actives à cinquante-trois ans, elles ne sont plus que 44 % à l’être après cinquante-neuf ans. Alors que le nombre de licenciements va augmenter avec la crise, le Gouvernement continue à s’acharner sur les seniors.
Les inégalités entre les générations proviennent non pas du « problème » des retraites, mais de la situation de l’emploi. Le vrai problème, monsieur le ministre, c’est le chômage !
Nous savons très bien que de moins en moins de salariés auront une pension de retraite suffisante à soixante-cinq ans. Le Gouvernement utilise tous les moyens pour reculer l’âge de départ à la retraite et amener les salariés à travailler le plus longtemps possible. Cependant, toute disposition tendant à repousser l’âge de départ à la retraite doit s’accompagner de mesures destinées à accroître l’offre d’emplois.
De plus, il convient de prévoir des politiques de formation et d’accompagnement des salariés au sein de l’entreprise, ainsi que de formation tout au long de la vie.
À compter du 1er janvier 2010, vous prévoyez d’imposer une pénalité égale à 1 % de la masse salariale aux employeurs qui n’auront pas négocié un accord favorisant l’emploi des seniors. Ce dispositif de sanctions, dont l’application sera incertaine, ne changera rien.
Nous avons en effet le sentiment qu’il s’agit d’une menace ne risquant pas d’être mise à exécution, dans la mesure où aucune évaluation des plans d’action n’est exigée, où aucune contrainte n’est imposée pour assurer la mise en œuvre de ces politiques au sein des entreprises. La sanction ne permettra pas de changer les comportements, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Le Président de la République s’était engagé à prendre des mesures pour favoriser l’emploi des salariés âgés.
À mon tour, je voudrais citer quelques chiffres. Selon une étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, en 2007, 57 % des personnes âgées de cinquante à soixante-quatre ans étaient actives, c’est-à-dire employées ou au chômage. Les taux d’activité des seniors sont très variables selon l’âge, décroissant rapidement dès cinquante-quatre ans. Alors que 85 % des personnes âgées de cinquante-trois ans étaient actives en 2007, seulement 44 % des personnes de cinquante-neuf ans l’étaient. Le taux d’activité des hommes de cinquante à cinquante-six ans est d’environ dix points supérieur à celui des femmes du même âge. En outre, le taux de chômage des personnes âgées de cinquante-cinq à cinquante-neuf ans serait beaucoup plus élevé en l’absence des mesures de cessation anticipée d’activité, qui écartent nombre de seniors du marché du travail.
L’article 58 du présent projet de loi est censé favoriser l’emploi des salariés âgés. Cependant, à y regarder de plus près, il s’agit davantage d’une déclaration d’intention que d’une volonté réelle qui se traduirait par la mise en place d’outils adaptés et efficaces.
Il est bien prévu une obligation, pour les entreprises, de s’engager, au travers d’une convention, d’un accord ou d’un plan d’action, en faveur de l’emploi des salariés âgés. Mais, curieusement, le projet de loi ne comporte aucune indication chiffrée, aucun objectif. Rien n’est précisé quant à la nature du travail proposé aux seniors, à la nécessaire adaptation des postes de travail aux conditions de santé du salarié ou au renforcement de la médecine préventive. Décidément, derrière l’effet d’affichage, il n’y a rien !
D’ailleurs, la faible sanction prévue n’est pas dissuasive. On peut la comparer à celle qui a été instaurée dans le cadre du dispositif visant à favoriser l’emploi des salariés handicapés : les employeurs préféreront s’acquitter d’une taxe plutôt que de revoir le mode de fonctionnement de leur entreprise.
Ce dont notre pays a besoin en matière d’emploi des seniors, c’est d’un changement radical de la perception de ces derniers. Ils ne sont pas un coût pour l’entreprise, ils sont une mine de savoirs et de connaissances à partager.
De manière plus générale, cet article n’est destiné qu’à faire illusion, car on peut craindre que la taxe prévue ne soit jamais appliquée et ne reste qu’une disposition de principe.
D’ailleurs, le véritable enjeu n’est pas tant l’emploi des salariés approchant de l’âge de la retraite que le droit, pour ces salariés, de conserver leur emploi. Nous savons en effet que bon nombre de salariés sont licenciés à l’approche de la retraite, parce que les employeurs les considèrent comme trop coûteux et pas assez productifs. Ce qu’il aurait fallu, c’est une mesure qui permette de s’attaquer à la source du problème, car si la question de l’embauche des salariés âgés se pose aujourd’hui, c’est d’abord et avant tout parce qu’ils ont subi, au préalable, un licenciement.
C’est pour cette raison que votre projet est bancal ; il lui manque un pilier pour l’équilibrer. Il aurait été souhaitable de renforcer dans le même temps les mesures de contrôle et de sanction par l’inspection du travail, ou encore, comme nous en avions fait la proposition lors de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, d’étendre les compétences de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE. Il aurait fallu renforcer les missions et les prérogatives de ces instances, et leur accorder un véritable droit de contrôle, à l’instar de celui dont dispose la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, ainsi que les moyens d’agir.
Ce qui n’est pas dit ici, et nous ne pouvons que le regretter, c’est que le sous-emploi des personnes approchant de l’âge de la retraite est d’abord et avant tout la conséquence de politiques d’entreprise discriminatoires, avec lesquelles il faut rompre ! (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 477, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 184, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 50 de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social est abrogé.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. L’article 58 ne permettra pas de résoudre le problème de l’emploi des salariés approchant de l’âge de la retraite, car la majorité refuse de prendre les mesures qui s’imposent.
Cet article constitue une simple pétition de principe. Certes, il y aura sanction en cas de non-respect du dispositif, mais elle est tellement insignifiante qu’elle n’aura pas de valeur coercitive.
Malgré cela, on a entendu quelques parlementaires se plaindre de l’instauration de cette taxe,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas une taxe, c’est une pénalité !
Mme Isabelle Pasquet. … qui serait la troisième, dans ce PLFSS, à affecter les entreprises.
Cette réaction est étonnante, car cette mesure s’apparente plus à une amende qu’à une taxe. De plus, si ces parlementaires considèrent qu’il s’agit d’une taxe, c’est qu’ils ont déjà intégré le fait que cet article ne produira concrètement aucun effet favorable à l’emploi des personnes concernées.
Je m’étonne également que ceux qui déplorent l’institution de cette taxe n’aient pas adopté la même attitude lorsqu’il a été question de taxer les classes moyennes pour financer le revenu de solidarité active tout en exemptant les plus riches grâce au bouclier fiscal, ou lorsqu’il s’est agi de ponctionner l’épargne des salariés en diminuant le taux de rendement des livrets d’épargne !
Décidément, du côté droit de cet hémicycle, l’indignation est sélective !
M. Roland Courteau. En effet !
Mme Isabelle Pasquet. Notre amendement a donc pour objet de rétablir la contribution dite « Delalande ». Nous n’en sommes pas nécessairement de fervents partisans, mais il se trouve que l’on n’a rien trouvé de mieux, à ce jour, pour garantir les salariés d’un certain âge de la perte de leur emploi.
Ce mécanisme tant décrié par la droite serait responsable des pires maux, mais, depuis son abrogation, les chiffres ne se sont pas améliorés ; certains patrons se sont même sentis décomplexés par cette situation. Un comble !
En supprimant cette disposition, vous avez envoyé un très mauvais signal aux entreprises. Vous leur avez dit, en substance : « Licenciez si vous voulez ! » Vous avez, sur ce sujet, détruit toute notion de responsabilité sociale des entreprises.
Notre amendement a donc pour objet de réinstaurer cette contribution, qui s’avère être la seule à même de préserver l’emploi des salariés âgés de plus de cinquante ans.
M. le président. L'amendement n° 478, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
I - Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 138-24 du code de la sécurité sociale, remplacer (deux fois) le mot :
cinquante
par le mot :
trois cents
II - Supprimer le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 138-26 du code de la sécurité sociale.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 297, présenté par Mmes Schillinger et Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Demontès et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 138-24 du code de la sécurité sociale, remplacer (deux fois) le mot :
cinquante
par le mot :
vingt
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Par cet amendement, nous proposons d'élargir le champ des entreprises concernées par un accord ou un plan d'action relatif à l'emploi des salariés âgés en abaissant le seuil d’effectif de cinquante salariés à vingt salariés. Le dispositif gagnerait ainsi en efficacité.
M. le président. L'amendement n° 298, présenté par Mmes Schillinger et Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Demontès et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 138-24 du code la sécurité sociale par les mots :
« et à la gestion prévisionnelle des âges par l'anticipation des carrières professionnelles et la formation professionnelle ».
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Il s’agit d’un amendement d’harmonisation.
Monsieur le ministre, vous avez accepté, à l’Assemblée nationale, que soit inscrit dans le projet de loi le principe de la formation et de l’accompagnement des salariés tout au long de leur carrière au sein de l’entreprise.
Dans cet esprit, nous proposons que la pénalité prévue s’applique aux entreprises n’ayant pas anticipé cet accompagnement.
M. le président. L'amendement n° 296, présenté par Mmes Schillinger et Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Demontès et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 138-24 du code de la sécurité sociale, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'accord ou le plan d'action fait l'objet d'une évaluation annuelle et dans le cas où les objectifs fixés par cet accord ne seraient pas atteints, la pénalité instituée au présent article s'applique. »
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. L’accord ou le plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés doit, selon nous, faire l’objet d’une évaluation annuelle et, dans le cas où les objectifs fixés ne seraient pas atteints, la pénalité instituée à l’article L. 138-24 du code de la sécurité sociale doit s’appliquer.
M. le président. L'amendement n° 299, présenté par Mmes Schillinger et Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Demontès et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 138-24 du code de la sécurité sociale :
« Le produit de cette pénalité est affecté au fonds de réserve pour les retraites visé à l'article L. 135-6. »
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Cet amendement a pour objet de préciser que le produit de la pénalité appliquée en cas d’absence d’accord ou de plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés sera affecté au Fonds de réserve pour les retraites. Il va dans le sens des préoccupations du Gouvernement, puisque celui-ci cherche à allonger la durée du travail afin d’équilibrer les comptes des régimes de retraite.
M. le président. L'amendement n° 300, présenté par Mmes Schillinger et Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Demontès et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 138-26 du code de la sécurité sociale, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ce plan d'action fait l'objet d'une évaluation annuelle et dans le cas où les objectifs fixés par ce plan d'action ne seraient pas atteints, la pénalité instituée à l'article L. 138-24 s'applique. »
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Le plan d'action relatif à l’emploi des salariés âgés ne requiert pas l'accord des syndicats ou des délégués du personnel puisqu'il leur est simplement soumis pour avis. S’il n’y a pas d’accord à l’échelon d'un groupe, il nous paraît juste qu'une entreprise membre ou filiale de ce groupe qui aurait engagé des démarches ne soit pas pénalisée.
En revanche, l'absence d'accord à l’échelon d'une entreprise ne doit pas servir de prétexte à l'adoption d'un plan d'action dont les résultats ne feraient l'objet d'aucune appréciation.
Si l'on veut que la perspective d'une pénalité soit dissuasive, il convient de s'assurer que tant le contenu du plan d'action adopté que sa mise en œuvre feront l'objet d'une évaluation.
M. le président. L'amendement n° 328, présenté par Mme Dini, MM. Mercier, J. Boyer, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 138-27 du code de la sécurité sociale, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. 138-28. - Un décret détermine les modalités de calcul des effectifs de cinquante et trois cents salariés mentionnés aux articles L. 138-24 à L. 138-26. »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. L’objet du présent amendement est de lisser l’effet de seuil dont pourraient pâtir les entreprises en raison de l’application du dispositif créé par l’article 58 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
En effet, il faut éviter que la mise en œuvre du dispositif inscrit à cet article n’aboutisse au résultat inverse de celui qui est recherché. Cela est possible si, dans le même temps, les entreprises renoncent à embaucher, afin de ne pas franchir certains seuils et se trouver ainsi redevables de la pénalité instituée.
C’est la raison pour laquelle le présent amendement vise à prévoir que les seuils de cinquante et de trois cents salariés seront calculés selon une moyenne annuelle, par analogie avec le dispositif de l’article D. 241-26 du code de la sécurité sociale, selon des modalités définies par décret, ce qui permettrait un lissage en cas de franchissement de ces seuils.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Paradoxalement, l’amendement n° 184 tend à rétablir la contribution Delalande, supprimée au mois de janvier 2008. Nous en avions alors longuement débattu et nous étions convaincus que ses effets étaient contreproductifs pour l’emploi des seniors. Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
Le durcissement du dispositif proposé à l’amendement n° 297 va à l’encontre de la démarche du Gouvernement, que nous considérons équilibrée. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, qui vise à abaisser le seuil d’application du dispositif de cinquante salariés à vingt salariés.
L’amendement n° 298 a pour objet de préciser que l’accord ou le plan relatif à l’emploi des salariés âgés doit également porter sur la gestion prévisionnelle des âges, non seulement par l’anticipation des carrières professionnelles, mais aussi et surtout par la formation professionnelle.
Nous avons débattu de cette proposition en commission, et nous l’avons jugée intéressante. La commission s’en remet donc à la sagesse bienveillante du Sénat sur cet amendement !
L’amendement n° 296 prévoit que l’accord ou le plan d’action en faveur de l’emploi des seniors fasse l’objet d’une évaluation annuelle. Dans les cas où les objectifs fixés par l’accord ou le plan ne seraient pas atteints, la pénalité s’appliquerait.
Là encore, il s’agit d’un durcissement du dispositif initial. Cela va à l’encontre de la démarche du Gouvernement, que j’ai qualifiée à l’instant d’équilibrée. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
L’amendement n° 299 prévoit que le produit de la pénalité s’appliquant aux entreprises n’ayant pas conclu un accord ou un plan d’action relatif à l’emploi des seniors soit affecté au Fonds de réserve pour les retraites. Il nous semble tout naturel de l’affecter à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés, et la commission émet donc un avis défavorable.
En cas de défaut d’accord de groupe sur l’emploi des salariés âgés, les entreprises pourront élaborer un plan répondant au même objet, après consultation de toutes les instances représentatives. Ces entreprises ne seront alors pas soumises à la pénalité. L’amendement n° 300 tend à prévoir une évaluation annuelle du contenu et de la mise en œuvre de ce plan. Au cas où les objectifs ne seraient pas atteints, la pénalité s’appliquerait.
Là aussi, nous pensons qu’il s’agit d’un durcissement du dispositif initial. La commission est défavorable à cet amendement.
Enfin, par l’amendement n° 328, Mme Dini propose que les deux seuils de cinquante et de trois cents salariés prévus par le dispositif soient calculés selon des modalités fixées par décret.
Or cela nous semble dangereux, parce que procéder ainsi pourrait aboutir à vider de sa substance le dispositif, par le jeu d’influences extérieures. Il nous paraît plus sûr de s’en remettre à la loi, et la commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. Jean Desessard. Vous visez le Gouvernement ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Je souhaiterais d’abord remettre les choses en perspective, pour faire suite aux prises de parole sur l’article 58.
S’agissant de l’emploi des seniors, la situation est actuellement catastrophique dans notre pays. Ainsi, en France, trois seniors âgés de cinquante-cinq ans à soixante-cinq ans sur dix travaillent, alors que la moyenne européenne est à peu près de cinq sur dix, le taux atteignant même en Suède sept sur dix ! La situation dans notre pays à cet égard est donc profondément anormale, et totalement différente de ce que l’on observe chez nos voisins européens.
M. Bernard Cazeau. Nous sommes d’accord !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Tant mieux ! Cependant, pour notre part, du diagnostic nous passons au plan d’action, ce qui n’avait jamais été fait jusque-là.
La situation actuelle n’est pas une fatalité. Elle est le produit d’un consensus tabou qui s’est créé dans notre pays depuis vingt ans, avec l’irruption du chômage de masse. Tout le monde a sa part de responsabilité dans cet état de choses.
M. Guy Fischer. Ah bon ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Les politiques, tout d’abord, au premier rang desquels les différents ministres de l’emploi qui se sont succédé, ont géré ce problème de façon statistique, considérant que placer les seniors hors du marché de l’emploi permettait de dégonfler les chiffres du chômage. Cette solution est artificielle et de court terme. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Les partenaires sociaux, ensuite, ont trop souvent choisi d’exclure de l’emploi les seniors âgés de plus de cinquante-cinq ans lorsque des plans de licenciement étaient décidés, ce qui permettait de donner l’illusion que ces plans étaient indolores !
Les entreprises, enfin, ont utilisé ce levier pour gérer commodément leurs ressources humaines et rajeunir leur pyramide des âges, se privant ainsi de réservoirs de compétences et d’expérience d’une importance pourtant fondamentale pour la compétitivité d’une entreprise.
M. Alain Gournac. Très juste !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. S’agissant de l’emploi des seniors, la politique du Gouvernement comporte deux volets.
Le premier volet, qui a été présenté par M. Xavier Bertrand, consiste à offrir une plus grande marge de manœuvre aux seniors arrivant en fin de carrière qui refusent de se voir appliquer une clause couperet leur imposant de quitter une entreprise où ils ont œuvré parfois pendant des décennies, au motif qu’ils ne vaudraient plus rien sur le plan professionnel.
Le second volet, tout aussi important, consiste à essayer de faire en sorte que les seniors puissent conserver leur emploi entre cinquante et soixante ans. J’ai d’ailleurs été surpris de votre intervention, madame Schillinger, dans la mesure où le présent article a précisément pour objet de remédier à la situation que vous avez dénoncée. S’occuper de favoriser l’emploi des personnes âgées de cinquante à soixante ans n’est pas une provocation, me semble-t-il !
Nous avons choisi deux méthodes.
D’une part, il convient d’adapter le dispositif à la situation de chaque entreprise. C’est le contraire de la contribution Delalande. Chaque entreprise est spécifique : certaines vont devoir faire des investissements, d’autres miser sur un plan de formation, d’autres encore essayer de mettre en place des mesures de tutorat.
D’autre part, il s’agit de miser sur le dialogue social à l’intérieur de l’entreprise pour faire avancer les choses, mais en prévoyant une clause de rendez-vous et d’évaluation qui soit claire, ainsi que l’application de pénalités – et non de taxes – si la situation n’évolue pas.
Je le précise tout de suite : mon rêve est qu’il n’y ait aucune pénalité. En effet, ce dispositif n’est pas comparable à celui qui vise à favoriser l’emploi des personnes en situation de handicap. L’objectif est de faire évoluer la situation sans recourir à une taxation. Il s’agit d’obtenir que chaque entreprise mette en place son plan afin d’améliorer peu à peu la situation de l’emploi des seniors, sans qu’il soit nécessaire d’appliquer une pénalité. Je ne fais pas partie de ces ministres qui croient que c’est à coups de pénalités que l’on fait bouger les choses en matière d’emploi !
M. Alain Gournac. Certainement pas !
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Madame Schillinger, vous avez évoqué la négociation sociale, pour déplorer l’absence de concertation.
Je rappellerai pourtant quelques dates : le 28 avril dernier, mise en place d’un groupe de travail, en concertation avec les partenaires sociaux ; le 15 mai, première réunion de ce groupe, en présence des partenaires sociaux ; du 3 au 9 juin, rencontres bilatérales consacrées uniquement au sujet qui nous occupe ; le 26 juin, réunion des partenaires sociaux à Bercy, où le dispositif a été exposé et discuté ; enfin, le 22 septembre, présentation aux partenaires sociaux du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je ne sais pas s’il faut plus de concertation, mais il me semble qu’il faut surtout plus d’action pour favoriser l’emploi des seniors !
Madame Pasquet, s’agissant de la contribution Delalande, vous avez défendu avec une certaine prudence l’amendement n° 184. Vous avez même affirmé que votre conviction n’était pas totale.
Je crois que vous avez raison de n’être pas entièrement convaincue, car la mise en œuvre de la contribution Delalande n’a pas donné de bons résultats. Elle a eu pour conséquence de tarir l’embauche des personnes âgées de cinquante à soixante ans.
Notre approche est différente sur ce sujet. Le Gouvernement a la volonté d’agir, mais pas en recourant à des outils qui se sont montrés inefficaces. J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement, madame Pasquet.
Madame Schillinger, la question du seuil mérite un vrai débat : où placer le curseur ? Quelles entreprises sont en mesure de développer un véritable plan de ressources humaines ?
Nous avons hésité. Nous aurions pu fixer le seuil à trois cents ou à vingt salariés. Selon notre analyse, trois cents salariés est un seuil trop élevé, parce qu’il exclut un trop grand nombre d’entreprises, et vingt salariés est un seuil trop faible, parce qu’il est difficile, dans une entreprise de cette taille, de mettre en place un véritable plan prévisionnel de gestion des compétences et que, surtout, la place des seniors dans de telles entreprises est plus le fruit de l’histoire que celui d’une démarche volontariste. En revanche, il nous semble que, à partir d’un effectif de cinquante salariés, il est possible d’instaurer une démarche pertinente.
Tout en reconnaissant la légitimité de la question posée au travers de votre amendement, le Gouvernement est favorable au maintien du seuil à cinquante salariés, et donc défavorable à votre proposition.
Madame Campion, s’agissant de l’amendement n° 298, nous avons déjà eu le même débat avec vos collègues de l’Assemblée nationale. Tel qu’il est rédigé, cet amendement tend à restreindre le champ du dispositif à la gestion prévisionnelle des âges et à la formation professionnelle uniquement.
Je vais évoquer un exemple concret qui permettra de comprendre d’autres cas. L’entreprise Michelin a financé un plan d’investissement afin d’alléger la pénibilité du travail sur les grosses machines, notamment celles qui servent à la fabrication des pneus de grande taille, afin de soulager les salariés de plus de cinquante-cinq ans.
Or l’adoption de votre amendement ne permettrait plus de prendre en compte ce type de situations et restreindrait le champ du plan d’action.
Je prends l’engagement devant vous qu’il sera très précisément tenu compte, dans le décret, de vos remarques sur la formation professionnelle et la gestion prévisionnelle des âges. Toutefois, j’aimerais que le texte prenne aussi en considération les investissements visant à réduire la pénibilité des tâches ou les dispositifs de tutorat.
En ce qui concerne les amendements nos 296 et 300, madame Campion, nous n’avons pas la même approche.
L’objectif est d’éviter de mettre en place une logique administrative lourde, de créer une « usine à gaz » ! Nous entendons vraiment miser sur la négociation sociale et sur les pressions que pourront exercer les syndicats au sein des entreprises.
C’est pourquoi nous n’avons pas choisi de prévoir une évaluation administrative annuelle systématique, de crainte, en particulier, que les entreprises ne se fixent des objectifs a minima. Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.
Concernant l’amendement n° 299, une précision s’impose. Le Fonds de réserve pour les retraites a pour vocation de lisser l’incidence du choc démographique qui surviendra d’ici quinze à vingt ans. L’affectation à la CNAVTS du produit des pénalités permettra de compenser immédiatement le coût, pour la solidarité nationale, de l’absence de gestion des ressources humaines au sein de certaines entreprises, qui se reflète dans un faible taux d’emploi des seniors.
Le Fonds de réserve pour les retraites n’est donc pas, à mon sens, le véhicule adapté, et j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, madame Dini, votre amendement n° 328 est très précis et intéressant. Nous n’avions pas pensé à une telle mesure, qui apportera de la souplesse en permettant un lissage du calcul des effectifs. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote sur l'amendement n° 298.
Mme Claire-Lise Campion. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt vos propos, monsieur le secrétaire d’État. Évidemment, nous examinerons de très près la rédaction du décret que vous nous avez annoncé.
Dans cette attente, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 298 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 296.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'article 58.
Mme Annie David. Pour faire suite aux propos de M. le secrétaire d’État sur le dispositif de cet article, qui doit permettre de maintenir les seniors dans l’emploi, je souhaite évoquer le cas des 228 salariés de l’entreprise Tyco Electronics, située à Chapareillan.
L’annonce, le 4 septembre dernier, d’un plan de restructuration européen et de la fermeture des usines Tyco Electronics en Europe de l’Ouest amène aujourd’hui ces femmes et ces hommes qui ont participé à la bonne marche de l’entreprise à se battre pour conserver leur emploi.
Monsieur le secrétaire d’État, si vous laissez faire la direction, qui se soucie peu de la préservation de l’activité dans notre pays, ce sont au total plus de 500 salariés de Tyco Electronics France qui perdront leur emploi.
Le 5 septembre dernier, M. Tom Lynch, le PDG de Tyco Electronics, a déclaré que ces mesures sont une étape supplémentaire d’une initiative stratégique plus large annoncée l’an dernier pour rationaliser les opérations et améliorer la productivité.
Pourtant, Tyco Electronics, c’est 1,2 milliard de dollars de résultat sur opérations stratégiques à la fin du mois de mars 2008, soit un chiffre plus de deux fois supérieur à celui de 2007, c’est un cash flow disponible multiplié par deux, s’élevant à 936 millions de dollars en 2007, contre 469 millions de dollars en 2006, c’est environ 280 millions de dollars de dividendes versés annuellement, soit un peu plus de 20 % des résultats nets atteints en 2005 et en 2006, c’est un taux de croissance de 17,7 %, pour un chiffre d’affaires total de 13,5 milliards de dollars, c’est enfin une marge opérationnelle de 13 % !
Quant à l’entreprise Tyco Electronics France, elle a réalisé 6 millions d’euros de bénéfices en 2007, avec un résultat constant en 2008 et plus de 155 millions d’euros de liquidités à ce jour !
Or la direction du groupe projette de transférer les productions des sites français vers la Hongrie et la République tchèque.
Cependant, selon les représentants du personnel, qui disposent des résultats d’une analyse menée par un cabinet d’experts, au vu des multiples paramètres dont dépend ce projet aventureux tant pour le pays et les salariés que pour les actionnaires, c’est l’ensemble du groupe mondial et, par contrecoup, les équipementiers de deuxième rang, ainsi que les constructeurs automobiles, qui seront en péril.
En outre, les économies de salaires réalisées, même sur plusieurs années, par le biais de ces délocalisations seront insuffisantes pour compenser les coûts directs et indirects d’une telle restructuration.
Que fera alors le groupe Tyco Electronics si les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous ? Il continuera de fermer des usines jusqu’à épuisement de la manne, au détriment bien sûr des milliers de salariés concernés, qui iront grossir les rangs des chômeurs !
Les bénéfices réalisés par le groupe, ainsi que les millions de dollars de cash flow disponible, ne doivent pas être utilisés pour licencier les femmes et les hommes qui ont contribué à ces bons résultats !
Monsieur le secrétaire d’État, vous prétendez fonder votre action sur le dialogue social. Pour ma part, j’ai pu constater que ce fameux dialogue était complètement bloqué chez Tyco Electronics France ! Ainsi, M. Clabe, le directeur, applique, semble-t-il, une méthode tout à fait particulière dans ce genre de situation. Il a commencé par refuser de communiquer les informations dont le cabinet d’experts avait besoin pour avancer dans la procédure, ne consentant finalement à collaborer que vendredi dernier.
Pour ma part, samedi matin, lors d’un rassemblement devant le site, j’ai constaté l’impossibilité de dialoguer : alors que le samedi est un jour travaillé, l’entrée du site était interdite à quiconque, y compris aux représentants du personnel ! Il s’agit d’une infraction au code du travail, qui prévoit que les représentants du personnel peuvent accéder au site à tout moment pendant les heures de travail.
Dans ces conditions, les représentants des salariés, regroupés en intersyndicale, souhaitent vous rencontrer pour expliquer leur lutte et plaider leur cause, tout comme ils désirent être reçus au Parlement européen pour s’exprimer sur la question des délocalisations qui entraînent des milliers de licenciements boursiers.
Par ailleurs, au vu de la situation du secteur automobile, les salariés aimeraient connaître la position des constructeurs français devant ce processus, qu’ils ne peuvent ignorer en tant que donneurs d’ordres, et disposer du même niveau d’information que les actionnaires, afin de comprendre les mécanismes commerciaux du groupe.
D’après ce que j’ai lu dans la presse, M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement, s’est engagé à nommer un expert dans l’affaire Molex, groupe concurrent de Tyco Electronics.
Monsieur le secrétaire d’État, si nous entendons favoriser l’activité des seniors, commençons déjà par faire en sorte que les salariés de notre pays puissent garder leur emploi !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le secrétaire d’État, affirmer, comme vous l’avez fait, que la situation française en matière d’emploi des seniors n’est pas satisfaisante est une lapalissade. Le taux d’emploi des personnes partant à la retraite s’élève à 38 %, ce qui place notre pays dans les derniers rangs au sein de l’Union européenne.
Toutefois, il ne s’agit pas seulement de statistiques. Derrière de tels chiffres se noue un drame à la fois social – des milliers de femmes et d’hommes sont exclus du marché du travail du seul fait de leur avancée en âge – et économique – notre pays se trouve ainsi privé de compétences, d’expériences et de savoir-faire de tout premier ordre –, sans parler des incidences psychologiques, physiques et physiologiques qu’entraîne un départ prématuré du monde du travail.
Au demeurant, le sujet n’est pas nouveau. Ainsi, lors de l’examen du projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi par l’Assemblée nationale, le Gouvernement avait présenté en catimini un amendement tendant à un relèvement progressif de l’âge au-delà duquel le salarié est dispensé de recherche d’emploi.
Aux termes de l’exposé des motifs du projet de loi, l’article 58 « vise à mobiliser les partenaires sociaux, au niveau des entreprises, des groupes et des branches afin de définir et mettre en œuvre rapidement des actions en faveur du maintien dans l’emploi des salariés âgés ».
Il est effectivement essentiel que notre marché de l’emploi évolue, afin de permettre à nos compatriotes de demeurer salariés au-delà de cinquante ans. D’après certains économistes, les entreprises ont même tendance à marginaliser progressivement leurs employés dès l’âge de quarante-cinq ans, voire de quarante ans.
Dans les faits, un nouveau dispositif consistant à proposer aux entreprises la signature de plans d’action ou d’accords pour favoriser le travail des seniors, faute de quoi celles-ci seraient pénalisées à hauteur de 1 % de la masse salariale, est instauré.
Si nous pourrions, de prime abord, souscrire à la lettre et à l’esprit d’un tel dispositif, un examen plus attentif du texte en fait apparaître la nature fragile et très facilement contournable.
En effet, dans la mesure où aucune évaluation n’est exigée et où aucune contrainte n’est imposée pour la mise en œuvre des plans d’action, nous nous interrogeons sur l’application effective de la pénalité. Ne restera-t-elle pas une simple menace ? En outre, dès que l’entreprise ou le groupe auront fait part de leur volonté de mettre en place un tel plan, un accord négocié ne pourra plus leur être opposable.
A contrario, si le Gouvernement avait fait preuve d’un minimum de détermination, il aurait pu demander l’ouverture de négociations selon un échéancier précis, afin de parvenir à des accords. À défaut, il aurait même pu menacer de recourir à un texte législatif. Nous savons qu’il en a été capable en certaines occasions. Il est vrai qu’il s’agissait, à l’époque, de répondre aux exigences du MEDEF, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui…
Quoi qu’il en soit, s’il avait opéré de cette manière, les salariés auraient pu se prévaloir d’accords dont les pouvoirs publics auraient pu sanctionner de manière quasiment automatique le non-respect.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, malgré vos explications, comment comprendre la logique gouvernementale ? Présentée comme « vertueuse », celle-ci exclut du champ du dispositif toutes les entreprises de moins de cinquante salariés, ce qui représente près de 3 millions d’entreprises et l’équivalent de plus de 8 millions de salariés !
Que dire du fait que nous ne disposons d’aucun fléchage, d’aucune affectation du produit éventuel de ces pénalités ? Les recettes seront-elles, selon vous, si peu importantes qu’il n’est pas nécessaire d’en préciser la destination ? Le Gouvernement ferait-il preuve de clairvoyance quant aux effets de cette mesure ?
En fait, un tel dispositif est à la fois bien flou et peu volontariste. Des pays comme la Finlande ou la Suède, qui ont engagé de telles politiques, ne ciblaient pas seulement l’emploi des personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans, et ils ont réussi !
M. Alain Gournac. C’est long !
Mme Raymonde Le Texier. Le taux d’emploi des seniors est ainsi quasiment deux fois plus élevé en Finlande qu’en France. Il est nécessaire de prendre le problème dans sa globalité et d’œuvrer en amont de l’exclusion. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
Mes chers collègues, j’entends votre impatience.
M. Alain Gournac. C’est long !
M. Jean Desessard. Mais non ! Au contraire, c’est très intéressant !
Mme Raymonde Le Texier. Je peux faire pire, vous savez ! (Sourires.)
Dans le contexte économique et social très tendu que nous connaissons, il est plus que jamais essentiel de mettre en œuvre des politiques claires, ambitieuses et, le cas échéant, contraignantes dans les secteurs de l’emploi des seniors et des jeunes. Or le manque d’audace dont le Gouvernement fait preuve en la matière nous conduit à penser que la portée du dispositif est, in fine, seulement déclarative. Autant dire qu’il n’aura pas d’effets sur le marché de l’emploi !
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, même si vos interventions sont talentueuses, vous ne nous avez pas convaincus. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je souhaite informer nos collègues que la commission des affaires sociales se réunira dès la suspension de la séance.
M. le président. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Monsieur le président de la commission, je suis désolé de devoir vous le dire, mais les conditions dans lesquelles nous travaillons ne sont pas acceptables !
Je vous informe donc que les membres du groupe CRC n’assisteront pas à cette réunion de la commission.
Nous pensons qu’il serait préférable de suspendre la séance cet après-midi pour examiner tranquillement en commission les amendements qui ne l’ont pas encore été. Cette façon de travailler est inadmissible, je le répète ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Nous partageons le point de vue exprimé par M. Autain.
M. le président. Mes chers collègues, je souhaite apporter une précision.
Tout à l’heure, M. Vasselle m’a demandé de suspendre la séance à douze heures quinze.
Néanmoins, afin de gagner un peu de temps, et par respect pour nos collègues qui ont débattu du présent texte pendant une grande partie de la nuit, nous avons travaillé un peu plus longtemps.
J’ai bien entendu les remarques qui ont été formulées, cela étant il est assez habituel de procéder ainsi.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Éloge funèbre d’André Boyer, sénateur du Lot
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, madame, messieurs, je vais prononcer l’éloge funèbre d’André Boyer. (M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
C’est le mercredi 24 septembre, deux jours à peine après la session extraordinaire à laquelle il avait participé, qu’André Boyer, sénateur du Lot, s’est éteint, à son domicile parisien, terrassé par un malaise brutal.
À l’annonce de cette fin que rien ne laissait présager, l’émotion ressentie a été à la hauteur de la place importante qu’occupait André Boyer au sein de notre Haute Assemblée.
Sénateur du Lot depuis vingt ans, André Boyer avait, au fil des ans, imprimé sa marque par sa compétence, sa disponibilité et son infinie courtoisie.
Né le 14 mai 1931 à Bretenoux, dans ce département du Lot qu’il représentera si bien dans notre hémicycle, notre collègue avait embrassé la carrière médicale.
Ce choix professionnel initial est hautement symbolique du destin politique qui sera celui d’André Boyer.
Généraliste, « médecin de campagne », André Boyer ne ménagea ni son temps ni sa peine envers ses patients et, singulièrement, les plus modestes. Ses débuts dans la vie professionnelle concrétisaient d’emblée sa vocation au service des autres.
À force de travail, il obtint sa spécialité en radiologie. Il exerça alors son nouveau métier de radiologue en qualité de chef de service à l’hôpital de Saint-Céré, avec le même humanisme que celui qui marquait l’exercice de la médecine générale de campagne.
Cette force de travail, André Boyer en fera la preuve toute sa vie.
Par sa naissance, notre collègue ne pouvait manquer de recevoir en héritage le goût de la vie publique. Son grand-père et son père avaient en effet exercé, tout au long du XXe siècle, les fonctions de conseiller général et de maire de Saint-Céré.
C’est donc tout naturellement sur sa terre natale qu’André Boyer a débuté une longue et brillante carrière politique qui l’amènera à assumer de multiples mandats tant locaux que nationaux.
André Boyer fit presque simultanément son entrée au conseil général du Lot. Il honora ce mandat, auquel il était très attaché, jusqu’au printemps dernier. Il travailla avec enthousiasme et détermination au service de son cher département pendant plus de vingt-cinq ans.
Il exerça ainsi au conseil général d’importantes responsabilités, notamment dans le domaine financier : il fut, tour à tour, rapporteur général du budget, puis président de la commission des finances et, enfin, vice-président de l’assemblée départementale.
Du fait de sa compétence et de son sens aigu du service de la République, André Boyer fut sollicité par notre ancien collègue Maurice Faure, dont il était proche et dont il partageait les convictions, pour devenir son suppléant lors des élections sénatoriales de 1983.
Son expérience du terrain, son amour de cette terre du Lot et sa profonde connaissance des perspectives et des enjeux locaux conféraient à André Boyer une vocation quasi naturelle pour rejoindre le Sénat. Cette vocation devint réalité en juin 1988, lorsque Maurice Faure, devenu une nouvelle fois membre du Gouvernement, alors dirigé par Michel Rocard, lui céda son fauteuil au sein de notre assemblée.
André Boyer allait dès lors représenter le Lot dans notre hémicycle, et cela sans interruption jusqu’à son dernier jour. Après avoir été brillamment réélu en septembre 1992, il le fut à nouveau en septembre 2001. André Boyer fut ainsi en quelque sorte l’un des héritiers spirituels de Maurice Faure au Sénat, où il fit notamment vivre les convictions européennes qu’il partageait avec lui.
Il apporta également son sens de la mesure et des solutions justes et équilibrées au sein du Rassemblement démocratique et social européen, auquel il resta fidèle tout au long de ses mandats sénatoriaux, sous les appellations successives qu’a connues ce groupe.
Au cours de ces deux décennies au Sénat, André Boyer allait donner toute la mesure de ses engagements et de sa valeur humaine. Alors que, par sa profession et son expérience politique locale, André Boyer aurait pu intervenir avec autorité sur les questions tant sociales que de santé, il se spécialisa dans les problèmes de défense et se passionna pour les questions internationales.
Membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, il en devint le vice-président, unanimement respecté et apprécié de 1998 à 2008.
Sa participation active aux travaux de notre assemblée, notamment la présentation de nombreux rapports sur des projets de loi autorisant la ratification de conventions ou de traités internationaux, fera d’André Boyer, au fil des ans, un interlocuteur écouté et avisé dans le domaine des affaires étrangères. Par ses interventions claires et concises, sur des sujets souvent complexes et délicats, il explicitait de façon didactique et synthétique, dans un langage choisi, les questions internationales les plus diverses.
En matière de défense, c’est surtout le secteur de la marine nationale qu’André Boyer affectionnait. Il en était devenu au fil des ans un expert reconnu, en tant que rapporteur pour avis des crédits de la marine nationale, puis du budget du programme « équipements des forces » de la mission « Défense ».
Son intérêt pour les questions internationales avait également conduit André Boyer à assumer la responsabilité de deux groupes interparlementaires d’amitié en qualité de président délégué pour le Malawi du groupe France-Afrique australe, et de président délégué pour l’Estonie du groupe France-pays Baltes.
Grâce à sa compétence, André Boyer avait été désigné par les gouvernements successifs pour devenir aussi un membre assidu de la délégation de la commission des affaires étrangères du Sénat qui participe chaque année à l’Assemblée générale des Nations unies.
Il analysait avec finesse les causes des conflits et des crises. Il n’était jamais insensible aux injustices, au développement des extrémismes ni aux questions relatives au développement des pays les plus pauvres, restant fidèle aux valeurs qui étaient les siennes.
Pour autant, André Boyer ne se bornait pas aux seules questions internationales et aux problèmes de défense. Ses interventions, toujours sereines – elles ont marqué les hauts fonctionnaires qui nous entourent ici -, ses questions écrites ou orales, ses propositions de loi, témoignent du large éventail de ses préoccupations, de sa curiosité d’esprit et de son inlassable dynamisme au service de ses concitoyens. Statut des handicapés, situation des personnes âgées, questions agricoles, problèmes de santé publique, environnement, anciens combattants, aucun de ces sujets ne lui était indifférent.
André Boyer fut l’incarnation de l’élu local accompli et du serviteur exemplaire de la République, ancré dans ses valeurs. Il fut un parlementaire apprécié de tous. Son parcours et son action ont enrichi notre assemblée et honoré sa réputation.
À l’heure où se répand la tentation de l’individualisme, je veux saluer en votre nom, mes chers collègues, la vie de cet homme dévoué au service de ses concitoyens.
Par un matin d’automne qui n’était pas avare de soleil, André Boyer a reçu dans sa chère commune de Saint-Céré, dans son département de naissance et d’élection, dans cette terre du Lot qui a vu tant de républicains, l’hommage ému des habitants, de ses amis et des élus de la République. Nos collègues Jean-Michel Baylet et Gérard Miquel ont exprimé en termes émouvants tout ce que nous devions à la mémoire d’André Boyer.
Le président du Sénat Christian Poncelet, a tenu à se rendre personnellement à la cérémonie pour y exprimer sa tristesse, que je sais grande, comme celle du Sénat tout entier et celle de la République. Cet adieu, au milieu des siens, sur cette terre du Lot qu’il a si fidèlement chérie et servie, se devait de trouver un écho dans cet hémicycle.
À ses collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, dont il fut l’un des membres les plus anciens, les plus fidèles et parmi les plus actifs, j’exprime la sympathie unanime de notre assemblée.
Aux membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui perd en sa personne un parlementaire et un expert assidu et de grande valeur, j’adresse l’expression de notre tristesse.
À vous, madame, à vos enfants, parmi lesquels tant de médecins, et à vos proches, à vous tous qui vivez l’émotion et la douleur d’une disparition aussi brutale, je tiens à vous assurer de la part personnelle que je prends à votre peine et, par ma voix, de la solidarité et de la sympathie attristée du Sénat tout entier.
Soyez assurée que la mémoire d’André Boyer restera présente dans cet hémicycle et dans l’esprit de chacun d’entre nous.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous invite à un moment de souvenir et de recueillement. (M. le secrétaire d’État, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame, messieurs, le Gouvernement tient à s’associer à l’hommage qui est rendu aujourd'hui par la Haute Assemblée à André Boyer.
Monsieur le président, vous avez rappelé l’essentiel de la carrière d’André Boyer, même s’il est toujours difficile de ramasser une vie en quelques mots.
André Boyer est né dans un département pétri d’esprit républicain et de radicalisme : il en est à la fois l’enfant et l’héritier. Il incarne les valeurs républicaines que la France a pu porter au XXe et au XXIe siècle et est aussi un symbole de modernité.
Très vite, ce médecin, cet homme au service des autres, s’est mis au service de tous. D’abord élu à Saint-Céré, puis conseiller général, pendant vingt-cinq ans, il s’est occupé essentiellement du budget, des finances, de la fiscalité et, finalement, de l’avenir du Lot, département où, comme souvent, il faut se battre pour réussir, pour lutter contre l’enclavement et pour maintenir les valeurs fortes de la République.
En 1988, il rejoint le Sénat, où il est l’un des meilleurs experts en matière de défense, notamment en ce qui concerne le budget de la marine nationale. En outre, il est parmi les plus consultés sur tous les problèmes internationaux. Il est de toutes les réflexions, oserai-je dire, de tous les combats : formulant des propositions sur le règlement du conflit israélo-palestinien, très sensible à l’ensemble des problèmes de l’Afrique noire, notamment du Malawi, observateur politique au Kosovo, envoyé pour participer à la réflexion sur la reconstruction politique du Liban, accompagnant le Président de la République Jacques Chirac dans les pays Baltes.
Parallèlement, il compte parmi ceux qui s’interrogent sur notre société et ses institutions. En 1999, il participe à la réflexion sur le quinquennat, au débat sur l’éventuelle expression du chef de l’État devant le Parlement réuni en congrès, sur le devenir de nos institutions.
En cela, il s’inscrit dans la grande tradition républicaine de ceux qui ont été formés en terre laïque et radicale : être ouvert à tous, à tous les grands sujets, à tous les horizons politiques, parler avec chacun pour aller à l’essentiel, toujours avec une très grande courtoisie et une très grande finesse d’analyse.
À vous, madame, à vos trois enfants, Louis, Henri, François, à tous les membres du groupe du RDSE, à l’ensemble des membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, au Sénat tout entier, le Gouvernement présente ses condoléances attristées.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, conformément à la tradition, en signe de deuil, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Financement de la sécurité sociale pour 2009
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles de la quatrième partie, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 422 tendant à insérer un article additionnel après l’article 58 et appelé en priorité.
Article additionnel après l'article 58 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 422, présenté par MM. Vasselle et César, est ainsi libellé :
Après l'article 58, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l'article L. 732-39 du code rural, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le cédant d'une exploitation agricole disposant de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension à taux plein, peut, après cette cession et la liquidation de ses droits à pension de retraite, conclure avec le cessionnaire de cette entreprise une convention aux termes de laquelle il s'engage à réaliser une prestation temporaire, rémunérée ou non, au maximum limitée à cinq ans, de tutorat. Le tuteur est redevable des cotisations vieillesse visées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 731-42 du présent code, basées sur les assiettes minima applicables aux chefs d'exploitation. Les tuteurs, anciens chefs d'exploitation, sont également redevables de la cotisation forfaitaire de retraite complémentaire obligatoire visée à l'article L. 732-59 du présent code. Le tuteur reste redevable de la cotisation d'assurance accidents et maladies professionnelles des exploitants agricoles. Les conditions d'application des dispositions du présent alinéa sont fixées par décret. »
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cet amendement concerne le tutorat en agriculture.
Le tutorat, qui consiste à faire accompagner par des seniors des jeunes qui s’installent et contribue ainsi à la transmission des entreprises et à la constitution d'un complément de retraite, a déjà été mis en place chez les salariés indépendants.
Cet amendement a pour objet de traduire cette possibilité dans le régime des non-salariés agricoles. Le dispositif de retraite progressive issu de la réforme des retraites de 2003 n'est, en effet, pas satisfaisant, car il est beaucoup trop complexe.
L'amendement n° 422 tend à créer un nouveau statut de tuteur : il ne s’agit pas d’un simple coup de main et pas davantage d’un statut salarié. Ouvert aux seuls retraités à taux plein, le tutorat s'inscrit dans la logique actuelle qui tend à ce que l’on travaille plus longtemps.
Aujourd'hui, les agriculteurs ici visés cessent leur activité, liquident leur retraite et viennent aider des jeunes à peu près quinze heures par semaine.
Eu égard à la faiblesse des retraites agricoles, nous vous proposons que le tuteur puisse liquider sa retraite de manière provisoire et poursuivre son activité en cotisant à l'assurance vieillesse, donc en se constituant des droits à la retraite supplémentaires, ce qui est tout à fait dans l’esprit de la réforme des retraites de 2003.
De surcroît, notre objectif est également de faciliter l’installation des jeunes. En effet, si l’exploitant ne faisait pas valoir ses droits à la retraite à titre provisoire, il ne pourrait pas permettre à un jeune de s’installer sur son exploitation et de bénéficier des droits à l’installation.
Ce dossier relève d’une double compétence : celle du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, M. Xavier Bertrand, et celle du ministre de l’agriculture et de la pêche, M. Michel Barnier. Pour satisfaire ces deux membres du Gouvernement, il faut régler en même temps le problème de l’installation des jeunes et celui de leur accès à la dotation d’installation aux jeunes agriculteurs.
Pour lever ces difficultés, nous proposons l’amendement n° 422.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Le tutorat, nouveau statut dans le régime des salariés non agricoles, est très intéressant.
M. Vasselle propose que le tuteur puisse liquider sa retraite de manière provisoire, poursuivre son activité en cotisant à l’assurance vieillesse et, ainsi, se constituer des droits supplémentaires. Une telle mesure s’inscrit dans la logique de la commission des affaires sociales, qui se soucie des droits des exploitants approchant de l’âge de la retraite.
La commission a donc émis un avis de sagesse favorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Cet amendement traite d’un vrai problème. Il renvoie à deux réalités que M. Jean Boyer et moi-même rencontrons dans notre département, la Haute-Loire, je veux parler du tutorat et des transmissions au sein du secteur agricole.
La première réalité, qu’a visée M. Vasselle, amène à se poser la question de savoir comment faire en sorte que des exploitants qui partent à la retraite puissent épauler de jeunes agriculteurs qui s’installent.
Une seconde réalité existe dans un certain nombre de territoires agricoles : il s’agit des agriculteurs confrontés à des difficultés sociales, qui n’arrivent plus à remplir leurs papiers et pour lesquels peuvent être instaurés des dispositifs de soutien mis en œuvre par des agriculteurs plus expérimentés qui ont géré de plus grosses exploitations et qui sont prêts à les aider dans une période difficile.
Cela étant, deux dispositifs adoptés par le Gouvernement, et qui ont fait l’objet d’un certain nombre d’échanges entre nous, permettent de traiter largement le problème.
Il s’agit, tout d’abord, de la possibilité de cumuler l’emploi et la retraite. Cette mesure permettra à un exploitant qui a pris sa retraite de continuer, par exemple, à épauler un jeune agriculteur en travaillant sur l’exploitation agricole à ses côtés.
Le second dispositif, encore plus intéressant, concerne la mise à la retraite progressive, qui permet à un exploitant de mener à bien, petit à petit, sa cessation d’activité tout en continuant à participer à l’exploitation, aux côtés d’un jeune agriculteur, notamment.
Monsieur Vasselle, je veux vous faire part d’une dernière remarque, qui, je l’espère, vous conduira à bien vouloir retirer l’amendement n° 422. Actuellement, un groupe de travail mène une réflexion sur le tutorat en entreprise, mais il pourrait fort bien l’élargir au tutorat dans le milieu agricole. Il pourrait même se pencher sur la question de l’emploi en milieu rural.
Monsieur le sénateur, je souhaiterais que vous puissiez être associé à la réflexion menée par ce groupe de travail. Mais attention : je compte au nombre des ministres qui font en sorte que les commissions ainsi réunies travaillent non pour enterrer les dossiers mais au contraire pour les traiter ! En l’espèce, mon objectif est que la réflexion soit menée à terme à la mi-décembre et qu’une décision opérationnelle soit prise à la rentrée.
En intégrant le tutorat à la réflexion, nous sortons de cette difficulté par le haut et nous nous donnons les moyens de mobiliser une capacité supplémentaire de soutien à l’installation de jeunes agriculteurs sur des territoires agricoles où de telles passerelles sont absolument nécessaires.
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 422 est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Il serait mal venu de ma part de ne pas accorder de crédit à l’engagement que le Gouvernement vient de prendre devant la Haute Assemblée, d’autant que, jamais depuis leur prise de fonctions je n’ai eu l’occasion de prendre en défaut ni M. Wauquiez, ni M. Bertrand, ni M. Woerth.
J’attends donc avec impatience la réunion de ce groupe de travail qui nous permettra de réfléchir à des aménagements permettant à un agriculteur à la retraite de poursuivre une activité et de se constituer des droits supplémentaires tout en favorisant l’installation d’un jeune.
En réalité, si nous avons déposé cet amendement, c’est parce que nous ne voulons pas que l’application du dispositif actuellement en vigueur empêche un agriculteur de faire valoir ses droits à la retraite, ce qui permet, en contrepartie, l’installation d’un jeune, ou lui interdise d’aider de plus jeunes exploitants, quitte à prolonger quelque peu l’exercice de son activité pour se constituer des droits supplémentaires.
À partir du moment où le Gouvernement s’engage à régler le problème dans le cadre des mesures qui seront adoptées d’ici à la fin de l’année, je n’ai aucune raison de maintenir l’amendement n° 422. Je le retire donc sous le bénéfice de ces engagements.
M. le président. L'amendement n° 422 est retiré.
Article 59 (priorité)
I. - L'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « définitive » est, par deux fois, supprimé ;
2° Après le troisième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation aux deux précédents alinéas, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle :
« a) À partir de l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 ;
« b) À partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa. »
II. - L'article L. 352-1 du code de la sécurité sociale est abrogé.
III. - Après le troisième alinéa de l'article L. 634-6 et de l'article L. 643-6 du code de la sécurité sociale, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation aux trois précédents alinéas, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle :
« a) À partir de l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 ;
« b) À partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa. »
IV. - Après l'article L. 723-11 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 723-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 723-11-1. - L'attribution de la pension de retraite est subordonnée à la cessation de l'activité d'avocat.
« Par dérogation au précédent alinéa, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle :
« a) À partir de l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 ;
« b) À partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa. »
V. - L'article L. 732-39 du code rural est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est supprimé ;
2° Après le quatrième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation aux deux premiers alinéas, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité donnant lieu à assujettissement au régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles dans les conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 722-5 ou en fonction de coefficients d'équivalence fixés pour les productions hors-sol mentionnés à l'article L. 312-6 :
« a) À partir de l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale ;
« b) À partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 du même code, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa. » ;
3° L'avant-dernier alinéa est supprimé ;
4° Au dernier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux ».
VI. - L'article L. 84 du code des pensions civiles et militaires de retraite est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au précédent alinéa, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle :
« a) À partir de l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale ;
« b) À partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 du même code, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa. »
VII. - Le présent article est applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l'article.
Mme Patricia Schillinger. Cet article porte sur le cumul emploi-retraite.
L’État entend inciter les seniors à continuer leur activité professionnelle avec la libéralisation du cumul emploi-retraite et l’augmentation du taux de surcote.
Selon le Gouvernement, cet article permettra aux retraités qui le souhaitent de travailler afin d’améliorer leur niveau de vie, comme cela se pratique dans d’autres pays. En fait, il ne désire augmenter ni les salaires directs ni les retraites. Le système cumul emploi-retraite encouragera, en réalité, une baisse tendancielle du montant des retraites versées.
Aujourd'hui, la seule proposition du Gouvernement, c’est le fameux « travailler plus pour gagner plus ». Mais dans quelles conditions ? Monsieur le secrétaire d’État, vous conseillez aux Français, pour qu’ils gagnent plus d’argent, d’effectuer plus d’heures supplémentaires, de travailler le dimanche et vous prônez la suppression des RTT.
Vous recommandez aux retraités qui percevront des pensions de plus en plus faibles de poursuivre leur activité afin de compléter leur retraite. Notre pays va connaître une situation identique à celle que l’on constate au Japon ou aux États-Unis : des personnes parfois très âgées seront contraintes de travailler pour compléter leurs revenus.
Mais aujourd'hui, je le répète, le problème, c’est le chômage. Tous les jours, nous prenons acte de licenciements. Travaillez, dites-vous. Mais proposez d’abord du travail !
Le dispositif qui nous est ici présenté est une manière d’éviter la revalorisation des pensions. Cela ne nous semble pas souhaitable et ne résoudra pas le problème des retraités. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 185, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Avec cet article, comme vient de l’indiquer Mme Schillinger, vous entendez faciliter le cumul emploi-retraite, c’est-à-dire ouvrir aux salariés la possibilité de travailler après avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite. Encore faudrait-il qu’il y ait de l’emploi !
En réalité, avec cet article, vous préparez progressivement l’allongement de la durée de cotisation, en imposant l’idée qu’il est souhaitable, pour les comptes sociaux comme pour le pouvoir d’achat des personnes concernées, de travailler plus longtemps. Et, pour se faire, vous ne reculez devant rien, n’hésitant pas à préciser que la décision relève de la liberté de chacun. J’ai d’ailleurs, sur cette notion de liberté, plusieurs remarques à formuler.
Vous voudriez faire croire aux salariés que, dans leur majorité, ils ne seraient concernés par cette mesure que s’ils l’acceptaient. Ce serait un acte volontaire, que vous présentez comme entièrement désocialisé, c'est-à-dire indépendant de tout contexte social. Or, à n’en pas douter, la majorité des retraités de notre pays susceptibles de reprendre une activité professionnelle le feraient principalement parce que l’érosion de leur pension, la baisse de leur pouvoir d’achat, la flambée considérable des prix les y obligeraient. Où est ici la liberté ?
Je vois dans un tel choix non pas la liberté mais tout au contraire la contrainte, celle dans laquelle sont placées les personnes dont la pension de retraite ne suffit plus et qui sont obligées de trouver des moyens nouveaux pour continuer à vivre dans la dignité.
Oui, l’appauvrissement des retraités de notre pays découle précisément de cette liberté que vous portez comme un étendard.
Depuis des années, vous refusez d’organiser, comme nous vous demandons de le faire, un véritable Grenelle des salaires, au motif que celui-ci relèverait de la négociation entre les organisations syndicales et professionnelles et que le Gouvernement ne pourrait s’immiscer dans cette relation.
Cette liberté offerte aux uns, en l’occurrence les patrons, conduira les retraités de notre pays à reprendre une activité. La liberté des uns devient le fardeau des autres !
Enfin, pour continuer sur cette notion, je suis étonnée de voir combien le Gouvernement, sur ce sujet comme sur d’autres, oublie le sens même de la loi et des mesures impératives, qui servent à protéger les plus faibles, quitte à agir contre leur intérêt immédiat. Tel est le sens d'ailleurs de toutes les politiques de prévention et d’intervention en matière de santé publique.
Qui ne connaît pas un conducteur qui voudrait être libre de conduire sans ceinture de sécurité ? Pourtant, le législateur ne songerait jamais à revenir sur la règle impérative du port obligatoire de la ceinture de sécurité. Nous avons accepté collectivement de réduire ce qui apparaissait de prime abord comme la liberté de chacun pour garantir tout à la fois les intérêts individuels et collectifs.
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Annie David. Au sein du groupe CRC, nous n’avons d’autre prétention que de faire de même ici.
Notre République s’est construite sur l’idée qu’il ne peut y avoir de devoirs sans droits. D'ailleurs, vous le savez fort bien, chers collègues de la majorité, vous qui appliquez cet adage aux demandeurs d’emplois, aux retraités et aux bénéficiaires de minima sociaux !
Je m’étonne donc de constater que cette mesure, qui sera profitable aux entreprises, ne s’accompagne d’aucune mesure obligatoire à leur encontre. Pourquoi ne pas imaginer l’interdiction du recours au temps partiel ou au licenciement économique pour les entreprises qui mettraient à la porte des salariés de plus de soixante ans ?
Toutefois, au-delà de la question de la liberté, dont on voit qu’elle ne constitue qu’un prétexte, c’est bien sur la notion de travail que nous divergeons.
Nous considérons, au sein du groupe CRC, qu’il y a une vie après le travail. Et celle-ci, qu’elle soit sociale, syndicale, associative ou politique, n’est pas moins noble que le temps travaillé !
Nous considérons que la retraite, justement rémunérée et permettant de vivre dans la dignité, constitue une compensation que la nation doit au salarié pour les efforts que celui-ci a fournis.
Or, avec cet article, vous retirez ce droit au salarié, en faisant comme s’il n’avait rien apporté au pays ! Vous effacez tout simplement l’apport singulier qui fut le sien.
Mais si nous divergeons sur la place du travail dans la vie de nos concitoyens, nous sommes également en désaccord sur le rôle sociétal qui est le sien.
Vous reprochez aux communistes et à la gauche en général de vouloir partager le travail. Mais que proposez- vous, au fait ? Uniquement la concurrence entre les salariés de tous âges !
Votre refus de partager le travail aurait un sens si vous acceptiez de répartir les richesses. Mais vous vous opposez à l’une comme à l’autre solution, préférant partager la misère, ou les miettes du travail.
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Annie David. Au sein du groupe CRC, nous sommes convaincus que le travail occupe une place primordiale dans la vie de nos concitoyens et dans la construction des rapports collectifs. Nous considérons qu’il joue un rôle émancipateur et qu’il constitue un outil de reconnaissance sociale. C’est pourquoi nous refusons d’en priver les plus jeunes, au risque sinon de les plonger plus longtemps encore dans la pauvreté, la précarité et le sous-emploi.
Nous refusons la logique du Gouvernement, qui tend à opposer les pauvretés entre elles.
C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 511, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après le II de cet article, insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
II bis. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 341-15 est supprimée.
2° Dans le premier alinéa des articles L. 382-27 et L. 634-2, la référence : « L. 352-1, » est supprimée.
II ter. - Dans l'article 20 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte, la référence : « L. 352-1, » est supprimée.
La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il s'agit simplement d’un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 383, présenté par M. Detcheverry, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le VII de cet article :
VII. - L'article 14 de la loi n° 87-563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d'assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, le mot : « définitive » est supprimé ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au précédent alinéa, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle :
« a) À partir de l'âge prévu au 1° de l'article 11 ;
« b) À partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article 6, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa. ».
La parole est à M. Denis Detcheverry.
M. Denis Detcheverry. Cet amendement tend à prolonger les travaux de l’Assemblée nationale, qui a complété l’article 59 du projet de loi par un paragraphe VII prévoyant que les dispositions de cet article s’appliquent au régime d’assurance vieillesse de Saint-Pierre-et-Miquelon.
L’objectif de l’Assemblée nationale est de faire en sorte que les assurés de ce régime puissent bénéficier de la libéralisation du cumul emploi-retraite.
Dans un souci de lisibilité, il est préférable que le texte régissant le régime d’assurance vieillesse de Saint-Pierre-et-Miquelon soit complété par une disposition expresse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 185 tend à supprimer l’article 59 du projet de loi, qui autorise le cumul emploi-retraite pour tout retraité à partir de soixante ans, bien entendu, à condition que celui-ci ait cotisé suffisamment pour bénéficier d’une retraite à taux plein ou, à défaut, à partir de soixante-cinq ans.
Actuellement, vous le savez, mes chers collègues, le cumul emploi-retraite souffre de certaines restrictions qui, comme la commission a déjà eu l’occasion de le souligner, vont à l’encontre de la politique menée en faveur des seniors.
Aujourd'hui, notre objectif prioritaire est de permettre à ces travailleurs âgés d’arbitrer librement – j’insiste sur cet adverbe – entre un départ à la retraite choisi et la poursuite d’une activité professionnelle. Dans cette perspective, les obstacles au cumul emploi-retraite doivent être levés. L’adoption de cet amendement allant à l’encontre de cet objectif, la commission émet un avis défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 383.
Comme nous l’avons souligné ce matin, l’Assemblée nationale a étendu à Saint-Pierre-et-Miquelon le champ d’application de la mesure libéralisant le cumul emploi-retraite.
Afin de rendre lisible cette disposition, qui institue en réalité un régime d’assurance vieillesse à Saint-Pierre-et-Miquelon, nous devons la compléter. Tel est l’objet de cet amendement, sur lequel la commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. En ce qui concerne l’amendement de suppression n° 185, l’avis du Gouvernement est évidemment défavorable.
Je voudrais rappeler à Mmes Annie David et à Patricia Schillinger que la politique du Gouvernement vise deux objectifs.
Tout d'abord, nous voulons favoriser le maintien au travail des seniors âgés de cinquante-cinq ans à soixante ans, qui constitue un sujet d’importance. En supprimant, pour la première fois, la dispense de recherche d’emploi, nous avons témoigné de notre volonté forte d’avancer sur ce dossier.
Ensuite, nous entendons donner à ceux qui partent à la retraite la possibilité d’adapter leur activité à leur situation personnelle.
De ce point de vue, je rappellerai seulement sur quelle absurdité administrative repose aujourd'hui notre système : un salarié a envie de continuer à travailler ; son patron en est d'accord, car la personne représente un atout important pour son entreprise, mais on le lui interdit ! On demande au salarié d’aller voir ailleurs pendant six mois et, peut-être, alors, pourra-t-on en reparler... Pis, on place sa rémunération sous contrainte, puisqu’il n’est pas autorisé à cumuler sa retraite et son salaire, qui doit être inférieur à son ancien traitement ou à 160 % du SMIC. Comprenne qui pourra !
La réalité, c’est que l’on veut décourager les salariés de travailler et les empêcher de choisir le cumul emploi-retraite !
Mme Annie David. Et les jeunes qui sont au chômage ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. En revanche, madame David, vous avez raison de rappeler que des garanties sont nécessaires ; le choix, autorisé par Xavier Bertrand, de cumuler emploi et retraite ne doit pas se payer du versement de retraites de misère, car ce serait alors une très mauvaise opération.
M. Guy Fischer. C’est ce qui va se passer !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. C’est pour cette raison que le présent article restreint expressément ce cumul aux salariés ayant acquis la totalité de leurs droits à la retraite.
M. Jean-Louis Carrère. Voilà la grande question !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ainsi, chacun pourra exercer son choix de façon libre et éclairée, sans subir aucune contrainte extérieure.
Pour reprendre l’image de la circulation automobile que vous avez utilisée, madame David, le salarié se trouve bien dans une voiture, protégé par une ceinture de sécurité et par les airbags, mais personne ne le force à aller dans telle direction plutôt qu’une autre, car il a tout de même la possibilité de choisir sa destination ! (Sourires.)
En ce qui concerne l’amendement rédactionnel n° 511, cette disposition est tout à fait utile. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
S'agissant de l’amendement n° 383, M. Denis Detcheverry connaît parfaitement les problèmes propres à Saint-Pierre-et-Miquelon. La proposition qu’il a formulée permettra utilement de transposer ce dispositif à cette collectivité, et je l’en remercie. Le Gouvernement émet donc également un avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 185.
Mme Annie David. Mon explication de vote sera en même temps une interrogation.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne vois pas dans votre réponse les garanties dont vous parlez.
Si je vous ai bien entendu, pour cumuler emploi et pension un salarié devra avoir acquis la totalité de ses droits à la retraite. Or les personnes qui sont les plus susceptibles de reprendre une activité sont justement celles qui ne disposent pas d’une pension complète !
Je pense en particulier aux femmes qui, très souvent, perçoivent des pensions très faibles et bénéficient d’un complément de retraite. Celles qui n’ont pas accompli une carrière pleine, n’ont pas cotisé suffisamment et n’ont donc pas droit à une pension à taux plein ne pourront pas, monsieur le secrétaire d'État, cumuler emploi et retraite, puisque le dispositif ne s’applique - voilà votre fameuse garantie – qu’aux personnes ayant acquis des droits complets !
Votre logique m’échappe !
Vous allez, en fait, jouer contre celles et ceux qui auraient le plus besoin de retrouver un emploi une fois parvenus à l’âge de la retraite !
M. le président. Je mets aux voix l'article 59, modifié.
(L'article 59 est adopté.)
Article 60 (priorité)
I. - L'article L. 351-10 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La majoration de pension prévue à l'article L. 351-1-2 s'ajoute également à ce montant minimum dans des conditions prévues par décret. »
II. - Le III de l'article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « trimestres de service » sont remplacés par les mots : « trimestres d'assurance » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Sont pris en compte pour ce calcul les trimestres entiers cotisés. » ;
3° Au dernier alinéa, le pourcentage : « 0,75 % » est remplacé par le pourcentage : « 1,25 % ».
III. – Le I et le 1° du II sont applicables aux pensions prenant effet à compter du 1er avril 2009. Les 2° et 3° du II sont applicables aux trimestres d'assurance cotisés et effectués à compter du 1er janvier 2009.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, sur l'article.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le secrétaire d'État, le dispositif organisant la surcote, que vous nous demandez ici de compléter, apporte une pierre supplémentaire à l’édifice que vous construisez à travers ce projet de loi et qui culminera dans quelques instants avec l’article 61 ! Tous ces efforts visent à faire travailler les seniors le plus longtemps possible, afin de ne pas vider les caisses de retraite.
Quel que soit le régime de retraite pris en considération, toutes les études montrent que le coefficient de majoration n’a pas atteint pleinement ses objectifs et qu’il se révèle insuffisamment incitatif pour retarder les départs en retraite des assurés.
Grâce à cette mesure, qui vise à faire travailler les seniors le plus longtemps possible, ce dispositif est aujourd'hui plus attractif. Toutefois, comme je le soulignais dès 2003, il tend à créer des inégalités, dans la mesure où il permet à certains de compléter leur retraite mais ferme cette possibilité aux salariés fatigués, malades ou qui n’ont pas la force de continuer à travailler. Il s'agit donc d’une prime supplémentaire pour ceux qui vont bien et d’une pénalité de plus pour ceux qui vont mal !
Ces dispositions, comme toutes celles qui ont précédé ou qui suivront, retardent le départ à la retraite de façon très inégalitaire. Elles ne tiennent pas compte de la pénibilité du travail et ne règlent pas les problèmes qui se posent aujourd'hui.
M. le président. Je mets aux voix l'article 60.
(L'article 60 est adopté.)
Mise au point au sujet d’un vote
M. Yvon Collin. Monsieur le président, dans la séance d’hier, lors des scrutins publics sur les amendements nos 517, à l’article 61 bis, et 518, à l’article 61 ter, M. François Vendasi a été porté comme ayant voté pour, alors qu’il souhaitait voter contre.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue.
Article additionnel après l'article 60 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 479, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'article 60, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« L'assurance vieillesse garantit une pension de retraite à l'assuré qui en demande la liquidation à partir de soixante ans. À compter de 2009, cet âge est majoré d'un trimestre en 2009, 2010, 2011, 2013, 2014, 2015, 2017, 2018, 2019 et 2020 et d'un semestre en 2012 et 2016 pour atteindre soixante trois ans et demi en 2020. »
Cet amendement n'est pas soutenu. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
Article 61 (priorité)
I. - L'article L. 1237-5 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « sous réserve des septième à neuvième alinéas : » ;
2° Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° Pour les bénéficiaires d'une préretraite ayant pris effet avant le 1er janvier 2010 et mise en œuvre dans le cadre d'un accord professionnel mentionné à l'article L. 5123-6 ; »
3° Le 4° est complété par les mots : « et ayant pris effet avant le 1er janvier 2010 » ;
4° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Avant la date à laquelle le salarié atteint l'âge fixé au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale et dans un délai fixé par décret, l'employeur interroge par écrit le salarié sur son intention de quitter volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse.
« En cas de réponse négative du salarié dans un délai fixé par décret ou à défaut d'avoir respecté l'obligation mentionnée à l'alinéa précédent, l'employeur ne peut faire usage de la possibilité mentionnée au premier alinéa pendant l'année qui suit la date à laquelle le salarié atteint l'âge fixé au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale.
« La même procédure est applicable les quatre années suivantes. »
II. - Supprimé................................................................... ;
III. - À la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 1221-18 du code du travail, les mots : « âgés de soixante ans et plus licenciés » sont remplacés par les mots : « âgés de cinquante-cinq ans et plus licenciés ou ayant bénéficié de la rupture conventionnelle mentionnée à l'article L. 1237-11 ».
IV. - Au dernier alinéa du même article L. 1221-18, les mots : « au cours de l'année civile précédente » sont remplacés par les mots : « ou a été mis en retraite à l'initiative de l'employeur au cours de l'année civile précédente ainsi qu'aux employeurs dont au moins un salarié âgé de cinquante-cinq ans ou plus a été licencié ou a bénéficié de la rupture conventionnelle mentionnée à l'article L. 1237-11 au cours de l'année civile précédente ».
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Après nous être opposés à l’article 61 bis du projet de loi, relatif aux pilotes de ligne et aux personnels navigants techniques, ainsi qu’à l’article 61 ter, qui concerne les personnels navigants commerciaux, c'est-à-dire les hôtesses de l’air et les stewards, nous allons, je ne vous le cacherai pas, chers collègues, combattre vivement l’article 61 ! (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
Chacun sait ici quel fut le parcours de cet article 61.
Chacun sait aussi que cet article, s’il était adopté, serait lourd de conséquences pour les salariés de notre pays. Il s’agirait une nouvelle fois d’une attaque violente portée contre un code du travail que vous êtes nombreux, chers collègues de la majorité, à désirer vider de sa substance et dont vous avez déjà détricoté une bonne partie.
M. Roland Courteau. C’est bien vrai !
M. Guy Fischer. D’ailleurs, c’est bien simple : depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, le code du travail perd chaque jour davantage sa fonction première, celle de protéger les salariés contre les mauvais coups du patronat.
Cet article, donc, constitue une attaque sans précédent contre le droit à la retraite.
Il y a eu, chacun s’en souviendra, des attaques frontales : l’assujettissement des retraites à la CSG et à la CRDS– merci, monsieur Barre ! –, les lois de M. Balladur, en 1993, qui supprimaient, pour les retraites du régime général, l’indexation des pensions sur les salaires au profit d’une indexation sur les prix, sans oublier, bien entendu, les contre-réformes de M. Fillon, en 2003, qui rallongent la durée de cotisation jusqu’à quarante et une annuités d’ici à 2012.
M. Jean-Louis Carrère. On l’appelle « l’effaceur » !
M. Guy Fischer. Nous assistons aujourd’hui à une série d’attaques d’un nouveau genre, plus subtiles, il est vrai, mais tout aussi néfastes et dangereuses pour nos concitoyens.
Toutes ces réformes – ces contre-réformes – conduisent nos concitoyens en fait à se déshabituer progressivement du régime de retraite par répartition.
Le Gouvernement n’a eu de cesse de développer les mécanismes de retraites individualisés, comme le PERP, le plan d’épargne retraite populaire, ou des mécanismes collectifs de substitution, comme le PERCO, le plan d’épargne retraite collectif.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La PRÉFON !
M. Guy Fischer. Ces deux types de mécanismes, qu’ils soient individuels ou collectifs, constituaient une brèche dans la solidarité nationale.
Avec eux, la règle n’est plus la solidarité nationale et intergénérationnelle : c’est le règne du chacun pour soi. Cela constitue une étape de plus vers la retraite par capitalisation, qui, pour nous, est inacceptable.
Aujourd’hui, avec cet article, le Gouvernement entend pousser plus loin encore sa politique de recul de l’âge de départ à la retraite.
M. Alain Gournac. Oui ! C’est vrai ! C’est la réalité !
M. Guy Fischer. Cela ne m’étonne pas de vous, monsieur Gournac ! Vous allez faire travailler les gens jusqu’à soixante-dix ans et plus, comme au Japon !
M. Alain Gournac. Ceux qui le souhaitent !
M. Alain Vasselle. Ceux qui veulent !
M. Guy Fischer. Pour se faire, monsieur le ministre, parce que vous considérez que quarante et une annuités ne suffisent pas, vous proposez que les salariés qui le souhaitent puissent poursuivre leur activité professionnelle au-delà de soixante-cinq ans, jusqu’à soixante-dix ans…
M. Alain Vasselle. Oui, ceux qui le souhaitent !
M. Guy Fischer. …et, pour justifier l’injustifiable, vous invoquez la liberté de choix ou encore le vieillissement de la population et l’allongement de l’espérance de vie.
M. Alain Vasselle. Vous êtes contre la liberté !
M. Guy Fischer. C’est à croire que, pour certains, il n’y a de vie méritant d’être vécue que s’il y a travail. L’engagement associatif, syndical, politique, le plaisir de vivre avec ses proches des moments de repos et de plaisir, vous n’en avez cure ! Or, n’en doutons pas, c’est entre soixante ans et soixante-dix ans que l’on profite au mieux de sa retraite.
Mme Jacqueline Chevé. La retraite, ils n’en veulent pas !
M. Guy Fischer. Cette vie-là n’est pas intéressante pour eux, car elle n’est pas productive, productive d’argent, s’entend ! Elle est productive de richesse, synonyme d’épanouissement, mais ce bonheur n’est pas quantifiable en espèces, il ne satisfait aucun critère de rentabilité immédiate, cette rentabilité si chère aux libéraux.
Vous justifiez cette mesure, monsieur le ministre, en brandissant l’étendard de la liberté individuelle, mais il n’y a, sur les travées du groupe CRC, et de la gauche en général, aucune sénatrice, aucun sénateur qui veuille priver notre peuple d’une once de liberté.
Alors, de grâce ! cessez d’user de cet argument tendancieux, car la vraie liberté, nos concitoyens la connaissent de moins en moins. Il ne s’agit plus de faire ce que l’on veut ; il s'agit bien plutôt désormais d’être débarrassé de certaines chaînes : la précarité, la pauvreté, la peur des fins de mois, la faim, le dénuement. Quant au désir d’aider ses enfants, de prendre des vacances, ce sont autant de libertés brimées, pour le retour desquelles le Gouvernement ne fait rien.
La liberté qu’il invoque pour justifier le passage à la retraite à soixante-dix ans n’en est pas une.
Ce n’est pas être libre que devoir travailler au-delà de ses envies, de ses capacités parfois, seulement pour trouver les moyens financiers qui vous manquent.
À cette prétendue liberté, je vous oppose un autre droit, monsieur le ministre, tout aussi important : le droit à la dignité.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Guy Fischer. Vivre dignement : tel est l’un des enjeux du xxie siècle.
M. Alain Gournac. Le travail, c’est la dignité !
M. Alain Vasselle. Arrêtez ce procès d’intention !
M. Guy Fischer. Récemment encore, avec le projet de loi tendant à généraliser le RSA, nous avons bien vu comment vous conceviez la dignité !
Toutefois, la liberté que vous brandissez ne suffira pas à répondre aux besoins de nos concitoyens, car, contrairement à ce que vous prétendez, ce qu’ils attendent plus que tout, c’est la reconnaissance de leur humanité, de leur droit à vivre dignement.
C’est pourquoi nous considérons, nous, membres du groupe CRC, qu’il ne peut y avoir aucun minimum social dont le montant soit inférieur au seuil européen de pauvreté.
Pour la droite, il en va de la liberté comme de la santé : elle n’a pas de prix, mais elle a un coût.
M. Jean-Pierre Godefroy. Exactement !
M. Guy Fischer. Nous devons avoir ici – nous tenterons d’y participer – un débat sur l’orientation de l’argent, car cette question est primordiale. C’est pour cela que nous présenterons un amendement de suppression de cet article 61, qui est vraiment un article scélérat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Oh là là !
M. Alain Gournac. Vive la liberté ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Depuis l’adoption de cet article à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous allez de studios de radio en plateaux de télévision pour nous expliquer – cela n’a, à mon avis, pas grand-chose à voir – que notre pays compte des milliers d’anonymes qui, comme le furent Guy Roux ou le professeur Montagnier, sont empêchés de poursuivre leur activité professionnelle au-delà de soixante-cinq ans, et doivent s’expatrier pour continuer à travailler.
Pour ma part, je doute qu’ils soient si nombreux.
Franchement, je n’en ai pas vu beaucoup parmi les salariés du bâtiment,…
M. Roland Courteau. En effet !
M. Alain Gournac. Cela existe !
M. Jean-Pierre Godefroy. … chez les travailleurs des chantiers navals touchés par l’amiante,…
M. Alain Gournac. Cela existe !
M. Jean-Pierre Godefroy. … chez les ouvriers des chantiers routiers ou ferroviaires, de la sidérurgie, de l’industrie automobile…
M. Jean-Louis Carrère. Exactement !
M. Alain Gournac. Cela existe !
M. Jean-Pierre Godefroy. … de la métallurgie, parmi les marins pêcheurs, les employés de supermarchés ou encore les salariés agricoles ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Ils ne sont pas nombreux, ceux-là, à prendre un Boeing pour aller travailler aux États-Unis !
M. Alain Vasselle. Et les salariés agricoles ?
M. Jean-Pierre Godefroy. En revanche, monsieur le ministre, monsieur Vasselle, j’ai rencontré, dans toutes ces professions, des salariés fatigués, brisés par un parcours professionnel harassant, par des conditions de travail difficiles…
M. Jean-Louis Carrère. Oui !
M. Alain Gournac. Mais ils s’arrêteront, ceux-là !
M. Jean-Pierre Godefroy. … et qui ont souvent connu des périodes sans emploi. Oui, j’en ai rencontré de ces salariés inquiets qui espèrent en la solidarité nationale pour partir à la retraite à soixante ans décemment.
M. Alain Gournac. C’est honteux !
M. Jean-Pierre Godefroy. Honteux ? Monsieur Gournac, honte à vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Les chiffres sont plutôt têtus : ils laissent apparaître clairement que l’âge moyen de départ à la retraite dans notre pays est de cinquante-huit ans et que le taux d’emploi des seniors, à savoir 38 %, reste très en deçà de l’objectif de 50 % fixé par l’Union européenne dans la stratégie de Lisbonne et encore plus loin de celui qui est coutumier chez certains de nos voisins européens, 70 % en Suède ou 60 % au Danemark.
La légère augmentation de 1 % observée depuis 2003 s’explique entièrement, de l’aveu même du Gouvernement – j’en veux pour preuve le rapport du 31 décembre 2007 – par des effets démographiques.
La réalité, monsieur le ministre, est que près de deux tiers des salariés ne sont plus en activité au moment où ils font leur demande de départ en retraite : ils sont au chômage, ou arrêtés pour cause de maladie ou d’invalidité.
La question est donc non pas de savoir s’il faut repousser l’âge de mise à la retraite d’office, mais bien plutôt de déterminer comment permettre aux salariés de travailler suffisamment longtemps pour acquérir une retraite à taux plein sans que les entreprises se débarrassent d’eux lorsqu’ils ont passé cinquante-cinq ans.
Le fait est que le problème est pris à l’envers : vous essayer ici de détourner l’attention de l’échec de votre politique en faveur de l’emploi des seniors. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Or, l’équation est simple : sans amélioration de l’emploi des seniors, pas de retour durable à l’équilibre financier des retraites. Si les Français ne travaillent pas plus longtemps, l’allongement de la durée de cotisation nécessaire pour avoir une retraite à taux plein se traduira surtout par des retraites plus basses.
Les salariés auront-ils réellement le choix de rester en activité ou d’arrêter leur travail ? Seront-ils vraiment « libres », comme vous le dites ?
La réponse est clairement « non » pour la majorité d’entre eux. La baisse continue du niveau des retraites les contraindra à prolonger leur activité aux seules fins, comme le reconnaît la présidente de la CNAV elle-même, Mme Danièle Karniewicz, « de repousser leur rendez-vous avec la précarité ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
C’est le second problème majeur que pose cet article : comme le précédent, qui tend à libéraliser complètement le cumul emploi-retraite, il vise en fait à habituer les Français à l’idée que, lorsqu’ils seront arrivés à soixante ans, leur retraite ne sera pas suffisante et qu’il leur faudra travailler plus longtemps, éventuellement jusqu’à soixante-dix ans, pour s’assurer un niveau de vie décent, si toutefois ils vivent jusque-là. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Cette disposition doit être replacée dans une évolution globale qui voit s’accroître les inégalités entre ceux que leur état de santé et leurs compétences rendent employables et leur permettent donc de travailler plus longtemps, et les autres, qui devront se contenter de pensions de plus en plus faibles. C’est en cela que cette disposition est inacceptable.
Présenter le départ en retraite comme un libre choix, ce que vous ne cessez de faire, suppose d’organiser avec volontarisme le maintien d’un taux de remplacement élevé pour une retraite à taux plein et non de miser, comme vous le faites trop systématiquement, sur le cumul emploi-retraite ou l’épargne privée.
Dans un contexte où le taux de remplacement n’a cessé de se dégrader depuis la réforme Balladur de 1993, c’est un signal politique inquiétant qui augure mal de la détermination du Gouvernement à faire en sorte que la sécurité sociale continue à garantir à tous les retraités un niveau de vie décent.
Cette évolution à la baisse n’est plus acceptable et il est aujourd’hui urgent de conforter un socle élevé de retraite par répartition qui puisse assurer aux salariés un niveau de vie correct une fois à la retraite, en proportion de leur niveau de vie en activité.
Que l’on arrête de nous faire croire qu’il n’y a point de salut en dehors de la capitalisation et de l’épargne privée !
La crise financière actuelle illustre parfaitement les failles d’un tel système et devrait vous convaincre de la gravité du risque encouru par les pays qui confient le sort de leurs retraités aux fonds de pension et à l’épargne privée.
M. Guy Fischer. Très juste !
M. Jean-Pierre Godefroy. Oui, la mutation démographique et l’augmentation de l’espérance de vie – inégale selon les catégories socioprofessionnelles – auxquelles nous sommes confrontés exigent une dynamique d’efforts pour faire face à l’augmentation mécanique du nombre d’années passées à la retraite par rapport au nombre d’années passées à cotiser et à produire des richesses.
Cependant, une fois de plus, monsieur le ministre, vous vous trompez de réponse en préférant la dérégulation à la solidarité.
Par cet article, vous prétendez donner de la liberté. Non, c’est tout le contraire !
M. Jean-Louis Carrère. Ils ne savent pas ce que c’est, la liberté ! Ils savent juste en parler…
M. Jean-Pierre Godefroy. Malcolm X résumait en une formule saisissante le sort des esclaves : leur liberté était d’apprendre à aimer leurs chaînes ! C’est ce que vous voulez pour nos concitoyens. En conséquence, vous comprendrez notre opposition résolue à l’article 61. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Nous, nous le voterons !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Jean Desessard. Je n’aurai pas grand-chose à ajouter aux interventions de mes collègues, tant ils ont exposé clairement les convictions de la gauche sénatoriale, mais, en politique, la répétition est de mise, surtout en l’occurrence, car nous ne rappellerons jamais assez à quel point cet article suscite notre mécontentement.
Près de la moitié des retraités, soit environ 6 millions de personnes, vivent aujourd’hui en France avec une pension inférieure au SMIC. Leur pouvoir d’achat ne cesse de se dégrader, avec une diminution de plus de 10 % en dix ans.
La revalorisation minimale des petites retraites, de 1,1 % au 1er janvier et de 0,8 % au 1er septembre de cette année, n’a même pas permis de compenser l’augmentation des prix à la consommation de 3,3 % entre juillet 2007 et juillet 2008.
Qu’en est-il de la promesse du Président de la République – on a beaucoup parlé de ses promesses ! – d’augmenter les petites retraites de 25 % avant 2012 ? Aucune des promesses du candidat Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle de 2007 n’a encore été tenue,…
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. C’est faux !
M. Jean Desessard. …qu’il s’agisse de l’ouverture des négociations sur la pénibilité du travail,…
M. Jean Desessard. … ou de la réforme des pensions de réversion.
M. Jean Desessard. Quant à la loi Fillon de 2003, elle n’a pas réussi à produire de résultats significatifs.
En effet, son financement n’est pas assuré – le déficit de la branche vieillesse le prouve – et elle n’a pas permis de garantir un niveau de vie décent aux retraités, car elle a pris le sens inverse de ce qu’il fallait faire : au lieu de tout miser sur l’augmentation de la durée de cotisation, il aurait fallu chercher d’autres sources de financement.
Mais le Gouvernement s’entête à appliquer les vieilles recettes, injustes et inefficaces. En effet, vous voulez sans cesse repousser l’âge légal de départ à la retraite, cette limite virtuelle qui, dans les faits, n’est pas appliquée, puisque l’âge moyen de départ à la retraite est toujours de cinquante-huit ans. Au final, tout cela a pour effet non pas d’allonger la durée réelle de cotisation, mais bien de diminuer le montant des pensions dans la mesure où les carrières sont incomplètes.
De ce fait, on comprend encore moins l’utilité du déplafonnement du cumul emploi-retraite. Auparavant, ce cumul était plafonné à 1,6 fois le SMIC, soit environ 2 100 euros. Vous proposez désormais de supprimer toute limitation. À qui cela va-t-il profiter ? Certainement pas à ceux dont les pensions sont trop faibles pour leur permettre de vivre décemment et qui seront donc contraints de trouver un complément de revenu pour arriver à joindre les deux bouts.
La suppression de ce plafonnement va plutôt bénéficier aux cadres retraités qui souhaitent reprendre une activité rémunérée au niveau de leur ancien salaire, lequel dépasse en général largement le plafond des 2 100 euros, auquel s’ajoutera une pension de vieillesse payée par la collectivité.
D’ailleurs, monsieur le ministre, à combien avez-vous chiffré le coût de cette mesure pour la collectivité ?
Dans le texte initial, vous espériez pouvoir supprimer, sans faire de vagues, l’âge légal de mise à la retraite d’office. Mais les députés UMP ont donné l’alerte, bien malgré eux, en votant un amendement visant à ne repousser la limite que jusqu’à soixante-dix ans. L’une comme l’autre de ces propositions sont de mauvaises solutions. On ne peut pas remettre en cause l’âge légal de mise à la retraite d’office à soixante-cinq ans.
Dans la crise actuelle, ce sont les jeunes qui sont les premiers frappés par le chômage et qui ont des difficultés de plus en plus grandes à trouver un premier emploi. Or la baisse du chômage constatée ces dernières années résulte non pas de la politique de la droite, mais seulement de l’effet naturel du départ à la retraite des générations nées pendant les trente glorieuses. (M. Alain Gournac s’exclame.)
En laissant les gens travailler jusqu’à soixante-dix ans, vous empêchez les jeunes d’entrer sur le marché du travail. C’est à la fois injuste et contre-productif.
Et je n’ai pas encore parlé de ce qui n’est pas inscrit dans le texte, mais qui attend immanquablement nos concitoyens en 2009, à savoir l’augmentation de la durée de cotisation à quarante et un ans, que le Gouvernement veut faire passer par décret pour éviter d’avoir à justifier devant le Parlement son refus de trouver de nouvelles recettes pour le régime des retraites.
Ce ne sont pourtant pas les idées qui manquent ici, au Sénat ! Par exemple, nous vous avons déjà proposé de taxer les stock-options, les parachutes dorés, l’intéressement et la participation, mais vous n’avez rien voulu entendre.
M. Jean-Louis Carrère. Eh oui ! Écoutez nos propositions !
M. Jean Desessard. Voilà pourtant des ressources qui permettraient à nos concitoyens de prendre une retraite bien méritée, à soixante ans, avec 37,5 annuités de cotisations, et de laisser la place aux jeunes.
Mais, je le répète, vous préférez continuer avec de vieilles recettes, injustes et inefficaces, plutôt que d’admettre que, dans notre société, il faudrait travailler moins pour vivre mieux, mais aussi diminuer l’exploitation abusive des ressources naturelles.
Monsieur le ministre, on reconnaît la grandeur d’une civilisation à la façon dont elle traite les personnes âgées : ce n’est pas en les forçant à travailler jusqu’à n’en plus pouvoir que vous grandirez notre société ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Vasselle. Il ne s’agit pas de les forcer !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Travailler jusqu’à soixante-dix ans, voilà bien, mes chers collègues, un réflexe rétrograde, qui, compte tenu de la réalité sociale, est d’ailleurs pris comme une provocation.
Notez bien que les Français ne sont nullement étonnés qu’une telle mesure provienne de cette majorité-là. Cela ne surprend personne, m’a-t-on dit, du côté de la « France d’en bas ». Cette disposition s’inscrit effectivement dans la logique d’un gouvernement qui a lancé un train de mesures plus inquiétantes les unes que les autres, avec la remise en cause des 35 heures, le projet de généralisation du travail le dimanche et les attaques contre le code du travail. Je m’arrête là, mais j’en oublie sûrement !
Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, en fait, vous avez une idée fixe : revenir sur les avancées sociales de ces dernières années, sur les acquis sociaux du gouvernement Jospin et de la majorité plurielle, sur ceux de la période Mitterrand. Allez-vous remonter jusqu’à Léon Blum et au Front populaire ?
M. Guy Fischer. Ils l’ont déjà fait !
M. Roland Courteau. Pousser ainsi les salariés à travailler jusqu’à soixante-dix ans, c’est bien dans la logique de dérégulation du droit du travail que promeut cette majorité. (M. Alain Gournac s’exclame.) Vous reconnaissez ainsi que les pensions, déjà notoirement insuffisantes, le seront de plus en plus.
Alors, votre réponse est simple : vous voulez pousser les salariés à travailler plus, à cotiser plus longtemps, et ce, si nécessaire, jusqu’au quatrième âge !
Tout cela n’est pas sans rappeler un certain slogan. Mais, dans ce cas précis, mieux vaudrait l’adapter à la réalité de demain, car, avec vous, monsieur le ministre, ce sera : « Travailler plus pour vivre moins longtemps » !
Prenez garde, en effet, car cinq années d’activité professionnelle en plus risquent de mettre en péril la progression générale de l’espérance de vie observée depuis vingt-cinq ans, laquelle a été obtenue, en partie, grâce à la conquête de la retraite à soixante ans.
Chacun, ici, sait très bien que l’espérance de vie, dans certains métiers pénibles, est inférieure de dix ans à celle d’autres catégories. Mon collègue Jean-Pierre Godefroy vous l’a parfaitement bien expliqué, un certain nombre de femmes et d’hommes sont usés et cassés dès l’âge de soixante ans.
Monsieur le ministre, chers collègues membres de la majorité, votre stratégie en matière de retraites, celle que vous avez choisie en 2003, repose sur l’allongement de la durée des carrières. Or deux limites d’âge – soixante ans pour le droit de partir à la retraite, soixante-cinq ans pour la mise à la retraite d’office –, avaient tout de même été maintenues en 2003. Cela renforce le caractère rétrograde de la mesure que vous soutenez aujourd'hui !
Certes, le texte qui nous vient de l’Assemblée nationale ne procède pas à une remise en cause directe de ces seuils, mais convenons qu’il la prépare rudement bien !
Vous nous rétorquerez sans doute que les salariés auront le choix. En réalité, seront-ils si libres que cela face à l’insuffisance des retraites dont ils pourront disposer ?
Là encore, Jean-Pierre Godefroy a été très clair : aujourd'hui, 50 % des retraités perçoivent une pension inférieure ou nettement inférieure au SMIC ; parmi les 13 millions de retraités, un million vivent sous le seuil de pauvreté.
Votre discours est rodé, et vous direz aux salariés qu’ils sont libres, libres de partir à la retraite quand ils le souhaitent. Mais que vaut ce libre choix, cette prétendue liberté, pour le salarié qui sait qu’il va percevoir une pension de retraite de misère ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
M. Roland Courteau. En fait, vous allez plutôt dire aux salariés, oui, qu’ils peuvent partir à la retraite quand ils le veulent, mais, attention, que le montant de leur pension dépendra de l’âge de leur départ. C’est ainsi que vous allez procéder !
M. Jean-Louis Carrère. C’est Règlement de comptes à OK Corral !
M. Roland Courteau. Dès lors, l’on mesure mieux ce que vaut réellement ce prétendu libre choix, surtout pour un salarié fatigué, brisé par des années d’un dur labeur, et conscient que sa pension de retraite sera scandaleusement basse. (M. le ministre s’entretient avec un sénateur.)
Monsieur le ministre, vous ne m’écoutez pas, mais, tant pis, je continue !
Mon grand-père maternel est mort usé, brisé, exténué par une vie de travail très dure. Il était alors âgé d’un peu plus de soixante-cinq ans, ce qui était, à l’époque, l’âge légal de départ à la retraite. Il n’a donc profité de sa retraite que durant quelques semaines, et c’était il n’y a pas si longtemps !
M. Jean-Louis Carrère. M. le ministre n’écoute pas !
M. Roland Courteau. Visiblement, monsieur le ministre, ce que je dis ne vous intéresse pas !
M. Alain Gournac. C’est répétitif !
M. Roland Courteau. Quelle sera donc la durée de vie de celles et de ceux qui auront exercé des métiers pénibles jusqu’à soixante-dix ans ?
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre, on vous parle !
M. Alain Gournac. Mais ce que vous dites est répétitif !
M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, votre comportement est scandaleux !
Mme Raymonde Le Texier. C’est une stratégie qu’il faut dénoncer !
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, je vous remercie de ne pas m’écouter !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Courteau !
M. Roland Courteau. Monsieur le président, il est vraiment irritant et même décourageant de parler devant un ministre qui ne vous écoute pas !
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est honteux, surtout sur un tel sujet !
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, je vous pose tout de même la question : est-ce si scandaleux que des travailleurs puissent disposer de quelques années de repos ?
M. Alain Vasselle. Mais ils auront le choix !
M. Roland Courteau. En définitive, la seule réponse que le Gouvernement a trouvée face au problème des pensions de retraite insuffisantes, c’est d’inviter les salariés à travailler plus longtemps. Mais s’est-on au moins demandé, au Gouvernement, si tous ces travailleurs en sont encore capables ?
M. Alain Vasselle. Il n’y a rien d’obligatoire !
M. Roland Courteau. Il est très préoccupant aussi que cette mesure fixant à soixante-dix ans au lieu de soixante-cinq ans l’âge au-delà duquel un salarié peut être mis à la retraite d’office nous ait été proposée sans qu’aucune consultation, notamment avec les syndicats, ait été organisée.
Monsieur le ministre, quelle étrange conception du dialogue social !
En fait, un représentant du MEDEF avait vu juste lorsqu’il affirmait que le désordre de la politique gouvernementale n’était qu’apparent puisque, précisait-il, il s’agissait bien, en vérité, de remettre en cause certains des acquis sociaux de ces dernières années. Sans commentaire, monsieur le ministre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Etienne, sur l’article.
M. Jean-Claude Etienne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Roland Courteau vient de le dire, le texte qui nous vient de l’Assemblée nationale ne modifie pas les seuils. Pour ma part, je comprends tout à fait que ceux qui n’approuvent pas une telle rédaction puissent s’interroger sur les intentions réelles de ses promoteurs.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Jean-Claude Etienne. Mais ce ne sont pas sur les intentions que nous sommes appelés à voter, c’est sur le texte ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Permettez-moi de rappeler cette réalité fondamentale, qu’il convient tout de même de prendre en compte : l’espérance de vie évolue, et très vite, ce qui est une chance extraordinaire pour notre société. Les statistiques couramment données en la matière sont les suivantes : quatre-vingt-trois ans, pour les femmes, et soixante-dix-huit ans, pour les hommes. Mais c’est la longévité moyenne qui est calculée ici, c'est-à-dire de la naissance jusqu’au terme de la vie.
Or, au travers de cet article 61, ce qui nous intéresse, c’est l’espérance de vie à partir de soixante ou de soixante-cinq ans. C’est cela qu’il faut prendre en compte.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Jean-Claude Etienne. Sur cette base, on arrive à des chiffres sensiblement différents, qui méritent toute notre attention : pour les femmes, l’espérance de vie passe alors de quatre-vingt-trois à quatre-vingt-sept ans et, pour les hommes, de soixante-dix-huit à quatre-vingt-deux ans.
Autrement dit, aujourd'hui, quand on arrive à l’âge de soixante ou soixante-cinq ans, on a encore devant soi environ un quart de siècle d’espérance de vie.
Dès lors, comment voulez-vous envisager vos projets de vie comme on le faisait il y a quinze ans ? Après tout, il n’est pas illogique de se poser la question, car il n’y a rien d’aberrant à se dire que de nouveaux éléments sont à prendre en compte pour organiser sa vie. Pourquoi ne pourrions-nous pas discuter des nouveaux choix qui nous sont offerts ?
Cela étant, chers collègues de l’opposition, je suis d’accord avec vous sur le maintien des seuils. Sur ce sujet, M. le ministre doit prendre position et s’engager. Il l’a déjà fait, me semble-t-il, mais il serait bon qu’il nous le confirme.
Autre problème : s’il est vrai que l’espérance de vie s’améliore, la question des années supplémentaires réellement vécues en bonne santé reste posée. Sur ce point, je rejoins les sénateurs des différents groupes qui se sont exprimés.
Selon l’étude de l’INSERM, les hommes vivent en moyenne, sans gros ennuis de santé, jusqu’à soixante-huit ans, et les femmes jusqu’à soixante-neuf ans.
Ce travail, mené dans le cadre de l’Observatoire européen des espérances de santé, est fondé sur un questionnaire répertoriant, entre autres, les habitudes de vie quotidienne domestique, de travail et d’activité physique et sportive, définissant ainsi des critères de « bonne santé ».
Selon les conclusions de cette étude, les hommes se jugent en bonne santé jusqu’à soixante-huit ans et les femmes jusqu’à soixante-dix ans.
Au Danemark et au Royaume-Uni, cette moyenne est largement dépassée, atteignant soixante-quatorze ans dans le premier cas et soixante et onze ans dans le second.
En ce sens, vous avez raison, mes chers collègues (Ah !sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) : d’une manière globale, il est courant que les cadres souhaitent prolonger leur activité professionnelle au-delà de soixante ans, alors que, dans le monde ouvrier, au contraire, où la pénibilité de l’activité professionnelle est plus grande, les salariés souhaitent plus souvent mettre fin assez tôt aux contraintes liées à leur activité professionnelle, ce qui est bien normal. Il n’y a là rien d’étonnant au regard de la réalité que nous connaissons tous.
Il est évident que le ressenti personnel de la pénibilité relative de l’activité professionnelle influe considérablement sur l’appréciation de chacun d’entre nous.
Au-delà du risque physique lié aux contraintes professionnelles, il faut également prendre en considération les déterminants psychosociaux de l’individu lui-même. Ainsi, chez certains salariés, l’activité professionnelle reste source de certitudes psychosociales sédatives. Chez d’autres, c’est tout le contraire, et vous avez raison aussi sur ce point, on voit augmenter la fréquence des pulsions et des angoisses, nourries par la perspective d’une fin de vie qui se rapproche inéluctablement.
Nous ne sommes pas encore parvenus à bien typer les paramètres qui constituent les cohortes de personnes susceptibles d’être répertoriées, ce qui permettrait de guider notre choix. Que voulez-vous, mes chers collègues, au moins, là, on ne prétend pas savoir ce que l’on ne sait pas !
À partir du moment où l’on nous aura assurés que les seuils seront maintenus en l’état, alors je rejoindrai Bentham lorsqu’il écrit : « À tout âge, chacun est le meilleur juge de ce qui est bon pour lui ».
Puisqu’il n’est pas question de définir un cadre général qui s’appliquerait à tous, comme une sorte de carcan réglementaire – on sait combien le manquement à ce principe a pu être source de contraintes dans l’histoire des collectivités humaines ! –, nous devons affirmer que le choix doit être laissé à chaque individu de se déterminer librement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l’article.
Mme Patricia Schillinger. Cet article 61, qui prévoit de supprimer, à compter du 1er janvier 2010, la possibilité pour les employeurs de mettre d’office à la retraite leurs salariés âgés, est l’un des plus scandaleux de ce texte, du fait même de ses non-dits.
À l’Assemblée nationale, les députés ont estimé que la suppression pure et simple de la procédure de mise à la retraite pourrait causer des difficultés pour les entreprises. Ils ont donc voté un amendement laissant la possibilité aux salariés qui le souhaitent de prolonger leur activité au-delà de soixante-cinq ans, dans la limite de cinq années, sous réserve qu’ils en aient préalablement manifesté l’intention auprès de leur employeur. À soixante-dix ans, le salarié pourra être mis à la retraite d’office, comme il l’est aujourd’hui à soixante-cinq ans !
Cette mesure est particulièrement choquante et constitue une provocation de la part du Gouvernement. Les salariés qui le souhaitent pourront désormais travailler jusqu’à soixante-dix ans, mais ne nous y trompons pas : nous savons parfaitement que de moins en moins de salariés auront une retraite suffisante une fois arrivés à l’âge de soixante-cinq ans. Ils devront donc continuer à travailler, voire cumuler emploi et retraite.
Cette possibilité ne doit pas devenir progressivement une obligation.
Selon un sondage de l’Institut CSA, 66 % des Français considèrent le fait de « permettre aux salariés qui le souhaiteraient de travailler jusqu’à soixante-dix ans » comme « une mauvaise chose, parce que cela entraînera, à terme, la remise en cause de l’âge légal de départ à la retraite ».
Ainsi, l’argument du « libre choix », appliqué par le Gouvernement et les députés UMP, ne passe pas. Les Français ne sont pas dupes ! Nous savons bien que c’est la porte ouverte à toutes les dérives et que, demain, on demandera à tout le monde de travailler jusqu’à soixante-dix ans !
Selon le Gouvernement, la solution miracle est de « travailler plus » ou « toujours plus » ! Après la fin des 35 heures, les heures supplémentaires, le travail le dimanche et les quarante et une annuités, il décide maintenant de passer l’âge de la retraite à soixante-dix ans ! Où va-t-on ?
Quant au dossier de la pénibilité, il est toujours au point mort, alors que de nombreux salariés usés par des travaux pénibles attendent, eux, leur départ en retraite anticipée.
Certains salariés, comme les maçons, usés par la pénibilité de leur travail au terme de quarante ans d’activité, ont besoin d’une retraite, et à taux plein ! Cette pénibilité physique existe aussi pour ceux qui travaillent sur des chaînes de montage et n’en peuvent plus dès l’âge de quarante ans. Il est nécessaire de leur proposer une mesure de justice, car on observe de véritables inégalités sociales en ce qui concerne l’espérance de vie. En effet, celle d’un ouvrier est en moyenne inférieure de sept ans à celle d’un cadre.
Monsieur le ministre, où en êtes-vous avec la pénibilité ? Quand on analyse ce texte, on a envie de vous demander : à part la précarité, que proposez-vous ?
Et tout se fait sans la moindre concertation ni le moindre dialogue social avec les partenaires sociaux, comme je l’ai relevé à plusieurs reprises au cours de nos débats.
Oui, monsieur le ministre, il aurait fallu un vrai débat, au lieu de négocier sur un coin de table !
Comment un gouvernement qui ne cesse, dans ses discours, de prôner les vertus du dialogue social, peut-il faire voter à la sauvette un amendement d’une telle importance ?
Pourquoi cette mesure, alors que nous sommes en période de crise ? Chacun sait que le taux d’emploi des seniors âgés de cinquante-cinq à soixante-quatre ans n’est que de 37,8 % en France, contre 42,5 % en moyenne en Europe, et que seulement 10 % des personnes âgées de soixante à soixante-cinq ans sont encore en activité.
Les plus de cinquante ans peinent à retrouver du travail et les moins de vingt-cinq ans ne peuvent accéder à l’emploi. Alors, encore une fois, pourquoi une telle mesure ? La seule explication possible semble être la volonté de retarder le paiement des retraites !
Cet article pose un autre problème. Il remet en cause le principe de solidarité intergénérationnelle, en vertu duquel les salariés travaillent et cotisent avant l’âge de la retraite pour financer les retraites à taux plein de leurs aînés.
Selon ce principe, ce n’est sûrement pas aux anciens de continuer à travailler au-delà de soixante-cinq ans pour financer les allocations versées aux jeunes chômeurs en recherche d’emploi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, sur l’article.
M. Michel Mercier. Les diverses interventions que nous avons entendues montrent à quel point cette question revêt une dimension humaine très forte et touche chacun d’entre nous. Il est donc tout à fait normal que ce débat se déroule dans ces conditions.
Bien que je ne sois ni un spécialiste ni un technicien dans ce domaine, je souhaite faire quelques brèves observations.
Tout d’abord, je ne crois pas que cet article vise à allonger la durée du travail.
Je me souviens de ma grand-mère, qui était confectionneuse, ainsi que de mes parents. (Signes d’impatience sur les travées de l’UMP°)
Chers collègues, j’ai tout de même le droit de m’exprimer ! Si mon intervention est trop longue à votre goût, autant lever la séance et s’en aller !
Mes parents, donc, ont travaillé l’un et l’autre un peu plus de cinquante ans avant de pouvoir toucher une retraite.
La question que nous examinons ne porte pas sur la durée du travail. Si l’on considère l’âge auquel on commence à travailler et celui auquel on cesse d’exercer une activité professionnelle, on voit bien que les choses ont changé. Il faut aussi en tenir compte.
J’approuve tout à fait l’idée selon laquelle le progrès technique doit être partagé entre tous et contribuer à la réduction du temps de travail.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Michel Mercier. Cependant, entre quarante ans et cinquante et un ans d’activité, il y a de la marge et donc de la place pour la discussion. Nous savons d’ores et déjà que les choses vont forcément changer, car on commence à travailler beaucoup plus tard.
Mais j’ai deux regrets.
Mon premier regret, monsieur le ministre, c’est que vous n’ayez pas mieux défendu votre texte devant l’Assemblée nationale. Il était bien meilleur que celui qui est aujourd'hui présenté au Sénat.
De quoi s’agissait-il ? Vous vouliez permettre aux salariés qui le souhaitent de travailler au-delà de l’âge de soixante-cinq ans, sous réserve qu’ils renouvellent leur demande chaque année.
J’ai toujours considéré que la retraite couperet était un moyen facile pour les chefs d’entreprise de se séparer de leurs salariés sans leur verser d’indemnités de licenciement. Si l’on permettait aux salariés de travailler après soixante-cinq ans, on rendrait plus difficiles de telles pratiques. Les chefs d’entreprise pourraient moins aisément se séparer de leurs salariés et seraient obligés de leur verser des indemnités pour ce faire. Mais repousser l’âge de la retraite à soixante-dix ans ne règle rien : cela revient à dire aux salariés qu’ils ont le droit de travailler davantage, mais qu’ils pourront être mis à la porte à l’âge de soixante-dix ans sans indemnités de licenciement.
Le texte initial était bien supérieur, monsieur le ministre, car il reconnaissait un droit nouveau, peut-être pas sensationnel, mais un vrai droit pour les salariés. Au lieu de quoi, la limite posée à soixante-dix ans pousse à croire qu’elle n’est là que pour fixer la durée des cotisations.
Il ne devrait y avoir, dans notre droit du travail, qu’un seul âge de départ à la retraite, soixante ans, à partir duquel chacun pourrait faire valoir ses droits à la retraite s’il le souhaite.
Le salarié peut décider de faire valoir ses droits à la retraite pleine à soixante ans parce qu’il a acquis suffisamment d’annuités, soit décider autrement : c’est le choix du travailleur qui compte. Mais la disposition introduite à l’Assemblée nationale a modifié ce schéma de base.
Il ne faut pas non plus oublier le dispositif sur les carrières longues, ...
M. Guy Fischer. C’est terminé !
M. Michel Mercier. ... dont je souhaite qu’il continue à bénéficier aux salariés qui ont commencé à travailler à quatorze ans.
M. Guy Fischer. Le Gouvernement vient d’y mettre fin !
M. Michel Mercier. Mon second regret tient au fait que ce texte n’intègre pas le résultat des négociations entre partenaires sociaux sur la pénibilité. Or, si l’on veut reconnaître un droit nouveau pour les salariés, celui de choisir librement l’âge de son départ à la retraite, il faut forcément tenir compte de la pénibilité.
On peut, à cinquante ans, être usé par le travail ou, à soixante-dix ans, se sentir en pleine forme. On ne peut donc traiter tout le monde de la même façon, en disant « point de salut avant soixante-dix ans ! ».
Le présent débat est certes intéressant mais, très honnêtement, il ne tient pas compte de la diversité des situations humaines et n’offre que des perspectives limitées. Nous aurions pu, au contraire, ouvrir les portes largement, en reconnaissant le droit de partir à la retraite à soixante ans, en prévoyant le cas de personnes ayant exercé un métier très pénible ou ayant eu une carrière longue, en laissant ouverte la possibilité de travailler aussi longtemps que l’on veut, à charge pour le patron qui ne souhaite pas garder la personne de verser une indemnité de licenciement.
Nous aurions pu reconnaître un véritable droit nouveau aux salariés. Je regrette donc que nous nous soyons laissé enfermer dans une problématique sans avoir pu évoquer la pénibilité. Nous avons laissé passer l’occasion de donner à ce débat une autre dimension, bien plus intéressante. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’était le texte du Gouvernement !
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune ; les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 186 est présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 301 est présenté par Mmes Demontès et Le Texier, M. Cazeau, Mmes Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Campion, MM. Teulade, Godefroy et Desessard, Mmes Printz et Chevé, MM. Le Menn, Daudigny et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l’amendement n° 186.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le droit d’accès à la retraite est l’un des sujets qui préoccupent le plus nos concitoyens, et à raison ! Il faut dire que, pour bon nombre d’entre eux, l’âge de départ à la retraite va en augmentant. Les jeunes générations redoutent même de ne pas y avoir accès.
Les mécanismes de substitution de la retraite par capitalisation introduits par vos gouvernements pour habituer les Français à se constituer leur propre retraite ne connaissent pas un grand succès. Le nombre de PERCO reste d’ailleurs anecdotique : il n’y a guère plus de 334 000 salariés qui ont conclu de tels contrats, c’est dire le succès qu’ils rencontrent !
Mais cela vous importe peu. Pour vous, l’essentiel est de déshabituer les assurés sociaux du système solidaire qui est le nôtre.
Il en est de même de cet article 61 qui, sous couvert de liberté, repousse progressivement l’âge de départ à la retraite. Mais nous savons combien ce qui est un jour provisoire, expérimental, temporaire et volontaire, est, quelque temps après, généralisé et bientôt obligatoire !
Nous avons bien entendu ce que vous avez dit, monsieur Bertrand, dans la discussion générale. Nous nous doutions que vous alliez prendre l’exemple de M. Montagnier. Mais voyez-vous, monsieur le ministre, il y a surtout des millions de Marcel, Pierre, Marie, Simone, Fadila, Edouard et tant d’autres, qui n’aspirent qu’à une chose : le droit à une retraite leur permettant de vivre dans la dignité. Cette liberté-là, qu’en faites-vous ? Alors, certes, le droit à la retraite à soixante ans est maintenu, mais à quel taux le sera-t-il ?
Ce mécanisme que nous dénonçons est le corollaire d’un autre mécanisme. Puisque vous individualisez les relations de travail – temps de travail, salaires, conditions de travail – il est pour vous légitime d’individualiser l’après-travail, alors que la situation financière tant française que mondiale appelle, au contraire, à une solution solidaire.
C’est pourquoi, chers collègues, nous vous invitons à voter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l'amendement n° 301.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette disposition relative au départ à la retraite traduit un recul inacceptable de notre droit.
En premier lieu, le dispositif qui permettait le départ en retraite avant soixante ans pour les salariés ayant débuté leur carrière professionnelle très tôt était une mesure de justice sociale. Or vous avez décidé d’en supprimer les conditions d’accès.
En second lieu, vous voulez nous faire adopter un article qui prévoit que les salariés pourront désormais travailler jusqu’à soixante-dix ans. C’est un coup supplémentaire, la porte ouverte à toutes les dérives et à toutes les inégalités.
Sous prétexte de liberté offerte aux salariés, c’est une provocation qui amorce la remise en cause de la retraite à soixante ans.
Qu’en est-il de la liberté que vous invoquez, alors qu’au même moment les personnes de moins de soixante ans qui ont droit à la retraite sont désormais obligées de rester à leur poste ?
Qu’en est-il de la liberté lorsque l’on sait que des personnes bien portantes pourront continuer à travailler et à acquérir une surcote qui majorera le montant de leur retraite ? Quelle inégalité avec celles, de santé précaire ou qui sont usées par le travail, qui ne pourront pas continuer à travailler !
Sous prétexte de liberté, ces mesures, qui ne font d’ailleurs pas l’unanimité dans vos propres rangs, sont injustes socialement et incompréhensibles dans cette période de difficultés économiques majeures. Sous prétexte de liberté, c’est bien un report de l’âge de la retraite que vous préparez pour les Français !
Alors, monsieur le ministre, devant l’émotion que suscitent ces différentes mesures, nous vous demandons : premièrement, de prendre toutes les dispositions pour que les personnes ayant travaillé depuis l’âge de quatorze ans puissent faire valoir leurs droits à la retraite ; deuxièmement, de vous engager devant la représentation nationale à revenir sur cet article qui repousse l’âge de la retraite à soixante-dix ans. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 187, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
La loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites est abrogée.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Depuis 2003, les attaques des gouvernements de droite contre le droit à la retraite pour tous ne cessent de se multiplier, et la loi de M. Fillon du 21 août 2003 en est le parfait exemple.
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est un « effaceur » !
M. Guy Fischer. C’est la raison pour laquelle, avec mes collègues du groupe CRC, nous entendons, ni plus, ni moins, supprimer la loi Fillon – on peut toujours rêver ! -…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais oui !
M. Guy Fischer. … qui devait, nous disait-on à l’époque, en échange de l’effort de tous – c’est-à-dire des salariés – permettre d’assurer les retraites de demain et même de revenir à l’équilibre.
Il n’aura échappé à personne que ce n’est pas le cas. Les salariés, quant à eux, ont bien fourni des efforts et les fournissent encore.
C’est ainsi que vous avez allongé la durée légale de cotisation, afin, disiez-vous alors, de prendre les mesures nécessaires compte tenu du « papy boom ». Il était pourtant possible de prendre d’autres mesures, à l’image d’une réelle politique de l’emploi, d’une politique incitative visant à limiter le recours au temps partiel en faveur du temps plein et à améliorer les conditions de travail. Vous auriez pu tout aussi bien promouvoir une politique d’aide à l’investissement pour permettre aux entreprises d’être plus productives, même si la France n’a pas à rougir de la productivité de ses salariés, l’une des meilleures de l’Union européenne.
Vous avez volontairement organisé la baisse des pensions de nos concitoyens à travers l’instauration d’un mécanisme de décote à l’encontre des fonctionnaires. Mais ce sont bien toutes les pensions qui ont baissé dans leur ensemble en raison de l’indexation des retraites sur les prix hors tabac, en lieu et place de l’indexation sur les salaires.
Enfin, cette loi a permis l’émergence des PERCO, véritables chevaux de Troie de la retraite par capitalisation, censés venir concurrencer notre régime de retraite solidaire, assis sur la répartition et fondé sur la solidarité nationale.
Dans la crise financière mondiale actuelle, nous voyons que la plupart des retraités américains, déjà en difficulté pour payer leur maison, sont aussi privés de cette solidarité dont je parlais.
Il y avait pourtant d’autres possibilités, contrairement à ce que vous disiez alors et continuez à dire. Nous aurions pu augmenter les cotisations patronales destinées au financement de la branche « retraite » de notre protection sociale. Mais vous vous y êtes refusé, sous le prétexte de ne pas accroître le coût du travail.
Cela est tellement important pour vous que vous cherchez d’ailleurs par tous les moyens à réduire le coût du travail ; j’en veux pour preuve le revenu de solidarité active, le RSA. Il sera très intéressant de voir comment ce dernier pèsera sur le niveau des rémunérations et des salaires.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On verra !
M. Guy Fischer. En effet ! M. Martin Hirsch sera là demain matin : nous en rediscuterons avec lui.
Au lieu de décider de taxer l’ensemble des revenus financiers, on a à peine ébauché un dispositif sur les stock-options, les parachutes dorés ou l’attribution d’actions gratuites.
Ce sont autant d’outils qui auraient permis de faire participer la sphère économique et financière au financement de notre système de retraite.
C’est la raison pour laquelle nous vous invitons à voter notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 188, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 4 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites est ainsi rédigé :
« Art. 4. - La Nation assure à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant d'une durée d'assurance de 37,5 annuités, le bénéfice d'une pension garantie à au moins 75 % du salaire brut moyen. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Nous ne cessons de le répéter ici, nous sénatrices et sénateurs communistes républicains et citoyens, nous avons une autre vision de la société. Nous tentons, dans chacun des textes que nous examinons, de vous en faire parvenir l’écho, particulièrement au travers des amendements que nous défendons. Cet amendement n° 188 en est le parfait exemple.
Vous voulez rallonger la durée légale de cotisation en faisant passer le nombre d’annuités de cotisations nécessaires à quarante-deux et permettre le travail des salariés de notre pays jusqu’à l’âge de soixante-dix ans. Face à de telles propositions, il nous paraissait important de dessiner un projet de société alternatif.
Nous considérons qu’il est nécessaire, urgent et possible de revenir à la règle des 37,5 annuités cotisées pour ouvrir droit à une retraite à taux plein, correspondant à au moins 75 % du salaire brut moyen. Cet amendement nous en donne l’occasion.
Nous considérons que les retraites ne sont pas des charges. Non, elles ne sont pas un handicap pour l’économie de notre pays face à l’économie mondiale ! Il faut investir dans les retraites de nos concitoyens, car il est inacceptable, alors que l’on découvre tous les jours les milliards qui s’échangent sur les cours boursiers, que leurs pensions ne cessent de diminuer.
Cette diminution est la conséquence non seulement d’un manque de revalorisation suffisante des pensions en raison de l’indexation sur les prix mais aussi de l’allongement de la durée de cotisations, bon nombre de nos salariés étant ainsi conduits à quitter leur activité professionnelle avant d’avoir cotisé tous les trimestres nécessaires pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.
Alors, oui, notre contre-proposition, dont cet amendement n’est qu’un exemple, appelle à une autre logique financière.
Monsieur le ministre, chers collègues, il faut créer les conditions d’un financement dynamique et solidaire des retraites dont j’entends ici vous brosser les grandes lignes.
Il faut impérativement relever la part des salaires dans la valeur ajoutée globale. Plus de salaires, c’est à la fois plus de cotisations et plus de consommation.
Il faut réformer l’assiette de cotisations sociales patronales en instaurant, par exemple, une modulation des cotisations sociales sur la base d’un malus-bonus qui serait fonction de la politique salariale des entreprises.
Il faut étendre les prélèvements sociaux à tous les revenus financiers, à l’exception de ceux de l’épargne populaire.
Il faut une autre politique de l’emploi dont l’objectif ne serait pas tant de faciliter l’emploi sous-payé que d’inciter fiscalement et socialement les entreprises à mieux rémunérer les salariés.
Il faut mettre en œuvre des mécanismes de contrôle des fonds publics accordés aux entreprises et prendre les mesures pour interdire les licenciements des entreprises qui ont bénéficié de telles aides.
Il faut supprimer les niches sociales et rediriger les sommes en question vers notre régime de protection sociale.
Enfin, rien de tout cela ne peut se faire sans une démarche de démocratisation de notre système de protection sociale dans son ensemble en permettant, par exemple, aux salariés d’élire directement leurs représentants dans les conseils d’administration et leurs représentants au titre des usagers, pour être mieux informés et associés aux décisions qui se prennent à leur égard.
Voilà ce que nous proposons. Et la facilité avec laquelle ce gouvernement, dont c’est la propension, a pu débloquer plusieurs milliards d’euros en quelques heures nous conforte dans l’idée que, de l’argent, il y en a…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, il n’y en a pas !
Mme Isabelle Pasquet. Si, il y en a ! Il nous faut simplement repenser son utilisation.
Voilà comment satisfaire le droit pour tous à une retraite digne et solidaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 459, présenté par M. Biwer, est ainsi libellé :
Supprimer le I de cet article.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 356 rectifié bis, présenté par MM. Adnot et Darniche, Mme Desmarescaux et MM. Masson, Türk et Dassault, est ainsi libellé :
Compléter l'avant-dernier alinéa du 4° du I par les mots :
, sauf en cas d'inaptitude manifeste du salarié à poursuivre l'exercice de son activité professionnelle ou lorsque cette dernière ne répond plus aux besoins de l'employeur
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Si je me réjouis, comme beaucoup d’autres ici, que la liberté soit laissée à ceux qui le souhaitent de travailler jusqu’à un certain âge, je regrette que la liberté de l’employeur ait été oubliée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
En fait, je crains fort– monsieur le ministre, j’attends sur ce sujet un certain nombre d’explications de votre part – que l’application de ce texte ne provoque beaucoup de litiges.
Prenons le cas d’une personne dont l’ancienneté dans l’entreprise est de vingt, trente, voire quarante ans. Si l’employeur est de bonne foi, il la laissera travailler jusqu’à l’âge de soixante-cinq ans en dépit d’une baisse de rendement ou de productivité. La question consiste à savoir ce que se passera par la suite.
Dans le cadre d’une négociation, l’employeur, qui ne peut pas s’opposer à l’intention du salarié désireux de rester, n’aura d’autre solution que de procéder à un licenciement économique. Il lui faudra donc payer les indemnités non seulement de départ à la retraite mais aussi de licenciement économique. Si ce texte est adopté, les conditions seront réunies pour aggraver systématiquement la situation économique des entreprises !
Et ceux qui s’apprêtent à le voter vont le faire parce qu’ils ne s’intéressent pas aux entreprises ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Ce texte va rallier les suffrages parce qu’il est de bon ton aujourd'hui de donner la liberté au salarié. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) C’est oublier qu’au final les entreprises seront trop en difficulté pour pouvoir conserver les salariés jusqu’à soixante-cinq ans !
M. Guy Fischer. C’est déjà ce qui se passe !
M. Philippe Adnot. Ce texte ira à l’encontre de ce que vous souhaitez.
En outre, j’aimerais savoir, monsieur le ministre, ce que recouvre exactement la notion de « licenciement pour motif personnel ». Quelles en sont les conséquences et les modalités ?
M. le président. L'amendement n° 245 rectifié ter, présenté par Mme Procaccia, MM. Etienne, Milon, J. Blanc et Cambon et Mmes Panis, B. Dupont, Sittler, Lamure, Papon, Rozier et Mélot, est ainsi libellé :
Avant le dernier alinéa du 4° du I de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« L'employeur peut faire vérifier par un médecin assermenté l'aptitude du salarié à poursuivre son activité sur l'emploi qu'il occupe.
« Si le salarié n'est pas apte à poursuivre son activité, l'employeur peut faire usage de la possibilité mentionnée au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement, cosigné par douze sénateurs et sénatrices, est le fruit d’une conviction profonde que je tire de mon expérience professionnelle. Je précise d’ailleurs qu’il s’agit d’une expérience que je partage avec un certain nombre de salariés, puisque tel était mon statut : je ne parle pas en tant qu’ancien entrepreneur !
Comme mon collègue Philippe Adnot, j’approuve totalement la liberté qui est donnée aux gens de pouvoir continuer à travailler s’ils en ont envie.
Je m’élevais d’ailleurs récemment, dans cet hémicycle, contre certains qui affirmaient qu’à soixante-dix ans on était vieux. Pour ma part, j’estime au contraire que, à soixante-dix ans, on peut encore être tout à fait jeune et actif. (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La preuve : regardez les sénateurs ! (Nouveaux sourires.)
Mme Catherine Procaccia. Et, compte tenu des treize ans qui restent en moyenne à vivre aux femmes au-delà de soixante-dix ans, il y a encore de nombreuses choses à faire ! (Nouveaux sourires.)
M. Guy Fischer. On le voit bien !
Mme Catherine Procaccia. En tout cas, la retraite couperet à soixante-cinq ans n’est pas un système qui me satisfait.
En outre, il faut tout de même tenir compte de la réalité suivante : on ne commence pas à travailler à vingt ans. Par conséquent, si l’on doit avoir quarante années d’activité, on ne prend pas sa retraite à soixante ans ! Pour peu que l’on ait fait quelques études et cherché sa voie, on commence à travailler aux alentours de vingt-quatre ans, voire vingt-six ans, et l’on arrive à soixante-cinq ans en n’ayant toujours pas ses quarante années de cotisations.
Par ailleurs, même si l’on a droit à une retraite à taux plein, avoir la possibilité de travailler un peu plus longtemps quand on se sent encore en état de le faire, c’est parfait !
Mais j’estime que la disposition proposée doit être complétée, parce qu’elle ne comporte actuellement qu’un seul volet, la possibilité de continuer à travailler étant laissée à la seule décision du salarié. Il faut pourtant tenir compte également de l’entreprise.
Au cours de mon expérience professionnelle, j’ai connu, à l’époque où le nombre d’annuités était encore fixé à trente-sept et demie, un certain nombre de gens qui ne voulaient pas prendre leur retraite tout simplement parce qu’ils s’ennuyaient chez eux, ou encore parce qu’ils ne supportaient pas leur conjoint ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Et ces personnes se plaignaient de ne plus pouvoir accomplir certaines tâches – par exemple, pousser un chariot – sous prétexte qu’elles avaient soixante ans. Elles demandaient alors qu’on leur confie d’autres missions, ce qui est à la rigueur possible dans une grande entreprise, encore qu’on ne puisse pas « recaser » n’importe qui à la comptabilité ou à l’informatique !
Mais dans une PME, et plus encore dans une TPE, ou chez un artisan où travaillent deux personnes, que se passera-t-il si l’une des deux décide de continuer à travailler tout en décrétant qu’elle ne veut plus monter à l’étage pour réparer les lavabos ou les éviers s’il n’y a pas d’ascenseur ?
Je ne crois pas que la procédure de licenciement soit particulièrement adaptée en l’espèce. C’est la raison pour laquelle je propose, à travers le présent amendement, d’introduire la possibilité – mais en aucun cas l’obligation –pour le chef d’entreprise ayant des doutes sur les capacités d’un de ses salariés de solliciter un avis médical s’il n’a pas été en mesure de négocier avec la personne et que celle-ci veut rester dans l’entreprise.
Après une longue discussion hier en commission, qui m’a d’ailleurs surprise, il a été décidé que cet avis médical serait rendu par un médecin assermenté, et non par le médecin du travail.
Je veux dire ici que j’ai, pour ma part, pleine confiance dans les médecins du travail. Mais puisque la commission préfère que l’on fasse appel à des médecins assermentés, ceux-ci seront donc choisis sur une liste, et ils donneront leur avis si l’entreprise le demande, et seulement dans ce cas. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous avons donc tout d’abord affaire aux amendements identiques nos 186 et 301, qui sont des amendements de suppression, puis à l’amendement n° 187, qui tend à remettre en cause la réforme de 2003, et à l’amendement n° 188, qui vise à ramener la durée de cotisation de quarante à trente-sept annuités et demie. Vous comprendrez que la commission donne un avis défavorable sur ces amendements.
Je voudrais tout de même revenir sur un certain nombre de contre-vérités qui ont été avancées avec légèreté.
D’abord, l’âge de la retraite reste fixé à soixante ans.
Ensuite, je rappellerai que l’un des buts essentiels de la loi de 2003 était de favoriser l’emploi des seniors. Or, les dispositions proposées répondent parfaitement à cet objectif. En effet, le développement de l’emploi des seniors passe par deux types d’actions : d’une part, encourager les entreprises à acquérir un meilleur savoir-faire dans la gestion de leur personnel pour maintenir les salariés en activité dans l’entreprise – à cette fin, différentes mesures ont été édictées –, et, d’autre part, laisser à chacun la liberté de choisir le moment où il souhaite quitter le monde du travail.
La retraite à soixante ans reste la norme. Néanmoins, ce qui est important, mes chers collègues – vous le savez d’ailleurs très bien –, c’est non pas qu’un salarié parte avec sa retraite à taux plein, puisque cela signifie simplement qu’il ne subit pas de décote, mais qu’il ait acquis la totalité des droits dont il pourrait jouir en termes de pension de retraite, ce qui n’est pas obligatoirement le cas.
Il est donc capital d’œuvrer en faveur de l’emploi des seniors. En effet, notre pays détient le triste privilège de présenter le plus faible taux d’emploi des seniors de toute l’Europe. Je ne crois pas utile de vous indiquer à nouveau les chiffres.
Plus encore – et cela vaut la peine de rappeler ce fait en regard du constat précédent –, c’est dans notre pays que l’on entre le plus tardivement sur le marché du travail. Je suis d’ailleurs étonné, puisque l’objectif est de parvenir à quarante annuités pour tous, que l’on ne parle pas davantage de l’échec français à cet égard : il y a l’éducation nationale, l’inadaptation des formations proposées au regard des postes offerts dans les entreprises…Il faut donc engager des actions à la fois en amont et en aval.
Enfin, l’âge couperet de soixante-cinq ans disparaît, la nouvelle limite d’âge étant fixée à soixante-dix ans. Même si cela ne concerne qu’une petite minorité, …
M. Alain Gournac. Et alors ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. … ce que nous savons tous, il faut que les personnes visées puissent aller jusqu’au bout de leur volonté personnelle, quelle que soit la raison qui les pousse à continuer à travailler.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 186, 301, 187 et 188.
Par l’amendement n° 356 rectifié bis, notre collègue M. Adnot manifeste des inquiétudes que nombre d’entre nous partagent.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et oui ! Il n’y a pas, d’un côté, les bons et, de l’autre, les méchants !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Effectivement, monsieur About, il n’y a pas, d’un côté, les bons et, de l’autre, les méchants. Tout ce qui compte, c’est d’avoir la culture d’entreprise.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et nous l’avons !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’objectif du présent texte étant de supprimer la mise à la retraite d’office, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 356 rectifié bis.
En ce qui concerne les préoccupations soulevées par Mme Procaccia au travers de l’amendement n° 245 rectifié ter, je dois dire que le problème est assez complexe.
Nous en avons beaucoup débattu au sein de la commission des affaires sociales. La réflexion de notre collègue me paraît bien sûr pertinente, mais elle n’est pas sans risque. On pourrait en effet imaginer quelques abus, s’agissant de la saisie de la médecine du travail, visant à poursuivre les mises en retraite d’office. Par conséquent, la commission des affaires sociales s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Je commencerai par les amendements nos 356 rectifié bis et 245 rectifié ter.
Je voudrais en effet demander à leurs auteurs respectifs, M. Adnot et Mme Procaccia, de bien vouloir les retirer. Sur ce dossier, il nous faut à mon avis faire simple. Or, faire simple en l’occurrence, cela ne veut pas dire mettre en place une nouvelle procédure pour la reconnaissance de l’inaptitude.
Le vrai sujet – mais j’y reviendrai en détail –, c’est tout simplement qu’il faut cesser d’obliger les salariés, sitôt atteint l’âge de soixante-cinq ans, à quitter l’entreprise alors qu’ils auraient préféré rester en activité. J’entends bien vos arguments, mais instaurer une nouvelle procédure revient à introduire de la complication.
Existe-t-il déjà aujourd’hui des formules ? Comme vous le savez, la réponse est « oui », sauf que, lorsqu’une entreprise met quelqu’un à la retraite d’office, elle doit lui verser les indemnités de fin de carrière, ou IFC, qui ne sont pas forcément neutres pour elle, bien que ces indemnités soient souvent provisionnées, parfois au titre de contrats d’assurance. Par conséquent, on ne va pas instaurer un nouveau système qui risquerait de tout bousculer dans les entreprises, de les déstabiliser, elles et leur bilan.
Par ailleurs, il existe maintenant d’autres formes de rupture dans l’entreprise, en particulier la rupture négociée, ce qui change la donne.
M. Guy Fischer. C’est le système conventionnel !
M. Xavier Bertrand, ministre. On ne va pas passer de la situation actuelle, avec la mise à la retraite d’office, à une situation qui se révélerait forcément conflictuelle, monsieur Adnot.
Madame Procaccia, j’ai bien entendu ce que vous avez dit, mais je voudrais vous faire une proposition, étant donné que le Parlement aura à se prononcer sur la question de la médecine du travail, après la négociation qui est en cours.
Nous savons pertinemment que, en matière de médecine du travail, il y a beaucoup à faire en ce qui concerne aussi bien la prévention que le suivi. De ce point de vue, je pense qu’il faudrait appliquer dans certaines branches d’activité votre idée d’un suivi particulier. Mais il ne s’agit là que d’une piste de réflexion qu’il ne me revient pas de développer aujourd’hui.
En ce qui concerne la question de l’âge du départ à la retraite, je vous parlerai franchement, car je sais que vous avez de la suite dans les idées, madame le sénateur ! La question devrait être portée auprès des partenaires sociaux dans les discussions qui vont s’ouvrir.
Ensuite, bien évidemment, quand le sujet reviendra devant la représentation nationale, je sais que vous aurez à cœur de savoir si une solution correcte a été trouvée. Je sais aussi que, si la solution ne vous satisfait pas, vous présenterez un nouvel amendement sur lequel l’argumentation que je viens de vous proposer ne sera sans doute pas suffisante.
Mais, encore une fois, pour aujourd’hui, les dispositions envisagées ne feraient à mon avis que complexifier inutilement les choses, l’enjeu principal n’étant pas là. Voilà pourquoi je vous demande, madame Procaccia, monsieur Adnot, de retirer vos amendements.
Je me tournerai à présent vers la gauche : je sais que cela ne sert à rien de lui demander de retirer ses amendements ! Mais son réveil est tout de même bien tardif ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Le 28 avril dernier, je vous ai écrit, monsieur Bel, madame Borvo Cohen-Seat. J’avais joint à mon courrier le document que voici. (L’orateur brandit une brochure.) Il s’agit d’un texte que j’ai transmis à l’ensemble des partenaires sociaux de notre pays, et dans lequel figure, entre autres – je le précise puisqu’il en a été question tout à l’heure –, l’objectif d’une pension à hauteur de 85 % du SMIC net pour une carrière complète au SMIC.
Les différents intervenants de l’opposition ont beaucoup évoqué le niveau minimal des pensions, alors que les réponses à leurs suppositions se trouvaient dans le présent document, ainsi que dans les textes votés la nuit dernière. Mais il est vrai que certains ici ne les ont pas votés !
Vous voulez des garanties pour les minima de retraites ? Elles sont dans ce document ! Un certain nombre de mesures concernant l’emploi des seniors y figurent également. Sur ce dernier point, il est bien précisé que les mises à la retraite d’office seront définitivement supprimées.
Encore une fois, j’ai écrit à M. Bel et à Mme Borvo Cohen-Seat, mais n’ai jamais reçu la moindre remarque à ce sujet ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Bel. Nous sommes ici pour çà ! Que faites-vous du dialogue ? À quoi sert le Parlement, si ce n’est à discuter ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le dialogue a eu lieu. Il a lieu à n’importe quel moment, c’est vous qui choisissez !
Je vous le demande quand même : pourquoi n’avez-vous fait aucune remarque en la matière, alors qu’il est écrit à la page 4 du document en question que « les mises à la retraite d’office ou les limites d’âge qui existent encore […] dans le secteur privé seront supprimées » ? Cela figure noir sur blanc dans le texte que je vous ai fait parvenir ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. Ce n’est pas cela qui nous gêne !
M. Xavier Bertrand, ministre. C’est votre choix de ne pas y avoir répondu. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Et pourquoi ne vous êtes-vous pas exprimés lors du débat du mois de juin dernier sur l’emploi des seniors, alors qu’à cette occasion les mêmes choses ont été redites, et de la même façon, aux partenaires sociaux ?
C’est que la vérité est simple, et il y a d’ailleurs, dans cet hémicycle, d’excellents connaisseurs du dossier des retraites qui seraient en mesure de la dire à ma place : l’âge de la retraite reste fixé à soixante ans dans notre pays !
Par ailleurs, aucune des conditions financières n’est changée. En voulez-vous la preuve ? L’article qui se trouve ici modifié est un article du code du travail, et pas un article du code de la sécurité sociale.
M. Gérard Dériot. Tout à fait !
M. Xavier Bertrand, ministre. Or, le droit à la retraite est régi non par le code du travail, mais par le code de la sécurité sociale. (M. Jean-Paul Virapoullé applaudit.) La voilà, la vérité ! Et certains des bons connaisseurs qui sont ici auraient eu de nombreuses occasions de la dire.
Maintenant, allons plus loin, car, si on peut toujours chercher à caricaturer le débat, la question des retraites est un beau sujet qui ne mérite pas la caricature. D’ailleurs, j’aimerais que l’on m’explique pourquoi, dans certains pays, gauche et droite savent se retrouver sur les sujets tels que la protection sociale et les retraites, alors que, dans d’autres, cela n’arrive jamais !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Xavier Bertrand, ministre. Très souvent, ici, ce sont des postures qui nous sont données à voir, alors même que, dans d’autres enceintes, certains responsables de gauche n’hésitent pas à avouer qu’il n’y a pas trente-six solutions possibles pour les retraites. En effet, soit on augmente la durée de cotisation, soit on augmente le montant des cotisations, soit on diminue le niveau des pensions. Mais personne n’est prêt à accepter la dernière de ces possibilités ! La vérité, c’est aussi cela.
Qu’avons-nous donc décidé de faire ? L’âge du départ à la retraite reste fixé à soixante ans, mais nous ne voulons plus que des salariés sortent automatiquement de l’entreprise à soixante-cinq ans ; en effet, certains se sentent bien dans cette dernière et sont parfaitement capables de rester en activité. Ceux-là, je ne veux pas qu’on leur dise simplement adieu !
J’ai cité trois exemples, c’est vrai. J’ai d’abord évoqué le cas du professeur Montagnier, parce que la révélation de la situation de ce dernier a provoqué un scandale à l’époque. On a dit alors qu’une telle chose ne devait pas se reproduire. Mais il ne suffit pas de dire : « plus jamais ça ! ». Encore faut-il, après, voter des dispositifs tels que celui que nous vous soumettons.
J’ai ensuite mentionné l’affaire Guy Roux. Là encore, tout le monde, droite et gauche confondues, avait dit qu’il n’était tout de même pas normal qu’on l’empêche d’entraîner une équipe. (Mme Gisèle Printz s’exclame.)
Enfin, j’ai cité la semaine dernière l’exemple de Jean-Yves, de Lille, précisément parce que, contrairement aux deux exemples précédents, il s’agissait d’un anonyme. Du moins l’était-il jusqu’à ce que son nom soit dévoilé ! Or, Jean-Yves est quelqu’un que l’on a tout simplement poussé vers la sortie quand il a atteint les soixante-cinq ans, alors qu’il souhaitait rester en activité.
Et des milliers de personnes se trouvent dans la même situation que Jean-Yves, même s’il n’y en a peut-être pas des millions ! Mais dès lors que l’on n’enlève rien aux millions de personnes qui veulent partir à soixante ans, pourquoi interdire aux milliers qui souhaitent rester en activité de le faire et les contraindre à quitter l’entreprise ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) Alors que, dans notre société, l’on vit de plus en plus longtemps, pourquoi refuser de faire bouger les règles pour permettre aux salariés de travailler un peu plus longtemps, avec, bien sûr, des garanties ?
Allons plus loin, car je suis convaincu que, si l’on acceptait de laisser de côté préjugés et présupposés, nous pourrions nous retrouver sur une idée précise.
Certes, l’âge légal de la retraite est soixante ans, mais j’estime que ceux qui ont commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans – vous avez eu raison de les évoquer tout à l’heure, monsieur Mercier, car ils symbolisent la valeur travail – doivent avoir le droit de ne pas aller jusqu’à cet âge.
Ce droit, cette majorité et ce gouvernement l’ont donné. Le coût est important puisqu’il se situe entre 2 milliards et 2,5 milliards d’euros par an, et c’est aussi la fierté de cette majorité et de ce gouvernement d’avoir maintenu le dispositif parce que la valeur travail doit être récompensée.
Par ailleurs, dans certains secteurs d’activité, on est « cassé » physiquement avant soixante ans. Il est vrai que des dispositifs existent, pour l’invalidité notamment, mais ils n’apportent pas, à mon avis, les réponses adaptées.
J’estime en effet que la solution passe par la reconnaissance de la pénibilité.
Cependant, si le sujet était simple, d’autres pays européens auraient trouvé la solution, et je suis sûr que tel ou tel groupe aurait déposé une proposition de loi ! Mais il ne s’agit pas seulement de savoir qui paye, qui prend en charge, qui compense. Il s’agit aussi de savoir comment envisager l’avenir et déterminer qui peut être considéré comme occupant un métier pénible.
On peut avoir le sentiment que travailler tous les jours sur un chantier est pénible, mais peut-on dire la même chose du métier de technico-commercial exercé dans le même secteur d’activité ? À partir de combien d’années peut-on considérer que la pénibilité entraîne une réduction de l’espérance de vie, sachant que, dans notre pays, le vrai scandale tient à l’écart de sept ans d’espérance de vie entre un cadre supérieur et un ouvrier ?
Si ce sujet n’a pas pris plus d’acuité, c’est d’ailleurs parce que le dispositif « carrières longues » a été mis en place après la réforme de 2003. Sont d’abord partis en retraite dans le cadre de ce dispositif des salariés agricoles et des salariés du bâtiment, ce qui n’était que justice, puis ont suivi des salariés travaillant depuis l’âge de quinze ans ou seize ans.
Il faut bien reconnaître cependant que, en l’absence du dispositif « carrières longues », le débat entre les partenaires sociaux n’aurait pas pu rester en situation d’échec. Cela prouve d’ailleurs que la question n’est pas simple : mêmes entre eux et avec la volonté d’avancer, les partenaires sociaux n’ont pas pu ou n’ont pas su aboutir.
Aussi, j’ai repris ce dossier : je rencontre chaque semaine tous les partenaires sociaux et, à l’issue des rencontres bilatérales, nous aurons une rencontre tripartite – je sais que ce n’est pas l’usage, mais j’assume mes responsabilités ! – pour trouver la façon tant de compenser la pénibilité que d’assurer le financement, car ce n’est pas uniquement avec de la bonne volonté ou de grands discours que nous atteindrons notre objectif.
D’un côté donc, l’âge légal de la retraite à soixante ans ne doit pas interdire à ceux qui veulent rester en activité un peu plus longtemps de le faire, mais, d’un autre côté, il faut permettre à ceux qui le méritent – et j’insiste sur ce verbe, car il s’agit de justice et de la reconnaissance de la valeur travail en même temps que d’espérance de vie – , c'est-à-dire à ceux qui ont eu des carrières longues ou des emplois pénibles, de ne pas forcément travailler jusqu’à soixante ans.
Voilà le système de retraite que nous devons construire, parce qu’il n’y a pas deux carrières non plus que deux profils humains – on parle beaucoup de chiffres, mais, derrière, il y a des hommes et des femmes – qui se ressemblent.
Il faut un système plus juste, plus équitable, mais un système dans lequel il doit aussi y avoir, reconnaissons-le, plus de liberté. C’est le sens de l’article 61. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 186 et 301.
M. Guy Fischer. Nous sommes, bien entendu, en totale opposition avec M. le ministre et le gouvernement auquel il appartient,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On l’avait compris !
M. Guy Fischer. …mais ce 18 novembre 2008 restera pour nous comme pour les salariés de notre pays une date particulièrement noire, celle du jour où Nicolas Sarkozy, l’UMP et le MEDEF ont repoussé insidieusement – puisque l’âge légal reste soixante ans – l’âge de la retraite à soixante-dix ans pour les années à venir. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. Guy Fischer. Eh si ! Soixante-dix ans est un âge qui restera dans les mémoires comme âge de la retraite, comme soixante-cinq ans, comme soixante ans ! Cela, c’est une réalité !
Comme pour le travail du dimanche, le pseudo-argument du volontariat est avancé pour justifier ce scandale, et, que vous le vouliez ou non, nous assistons aujourd'hui à une régression sans précédent des acquis sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le ministre, puisque vous avez interpellé les présidents des groupes de l’opposition, ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat autant que moi-même, je tiens à vous dire que votre manière de présenter les choses est quelque peu cavalière, et le terme est modéré.
Naturellement, il nous arrive assez régulièrement de recevoir des courriers des ministres, et nous les examinons toujours avec beaucoup d’attention. Parfois même, nous croyons percevoir, au travers de vos écrits, des intentions ou des orientations sur lesquelles nous travaillons.
Mais, monsieur le ministre, vous êtes en ce moment devant la Haute Assemblée. Or je crois qu’il y a un temps parlementaire, et qu’il est juste que nous utilisions ce temps pour faire en sorte que les débats aient aussi lieu avec la représentation nationale.
Des débats sur des sujets aussi importants ne se mènent pas par courrier et accusé de réception, et vous auriez tort de faire offense à notre fonction de représentants en ne considérant pas les propositions que nous avons avancées au travers de nos amendements et dans nos interventions.
La nuit dernière, vous faisiez l’éloge de certains d’entre nous, en distinguant, comme vous le faites souvent, spécialistes et non-spécialistes. Pour ma part, je crois que, dans ce débat, la distinction se fait entre ceux qui considèrent que l’article 61 vise à accorder une nouvelle liberté aux salariés et ceux qui craignent que son objet ne soit de préparer les esprits à autre chose.
Pour notre part, nous avons bien compris que vous vouliez reculer l’âge de la retraite et que tel est bien le but de cette proposition, laquelle n’émane d’ailleurs pas du Gouvernement mais a été introduite à la sauvette par amendement…
M. Guy Fischer. Par le MEDEF !
M. Jean-Pierre Bel. … sans que les négociations avec les partenaires sociaux, quoi que vous en disiez, monsieur le ministre, aient été menées comme elles auraient dû l’être.
Nous sommes majeurs et nous sommes des parlementaires : ne nous donnez pas trop souvent des leçons comme vous venez de le faire !
Les présidents des groupes parlementaires ont le droit de choisir le terrain sur lequel ils entendent vous répondre, et il faudra vous y habituer, monsieur le ministre, car cela va continuer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Les choses évoluent beaucoup en ce moment ! Ne parlons plus des 35 heures, que vous avez enterrées, monsieur le ministre, mais l’extension du travail le dimanche ne cesse d’être évoquée, et voilà qu’aujourd'hui vous décidez de résoudre de la plus mauvaise manière un vrai problème, celui de l’emploi des seniors !
À l’origine, l’article 61 devait – assez subtilement, il faut le reconnaître – ouvrir aux salariés la possibilité de ne pas être mis à la retraite d’office à soixante-cinq ans, mais un amendement de votre majorité a permis d’aller plus loin en repoussant à soixante-dix ans l’âge de la mise à la retraite d’office.
La vraie nature de votre proposition, que vous n’aviez pas envoyée sous cette forme, voilà quelques mois, à M. Bel et à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, est ainsi démasquée.
Avec cet amendement, la boîte de Pandore s’est ouverte : on a mis le doigt dans l’engrenage qui va conduire à l’augmentation de l’âge de la retraite !
Demain peut-être – ce sera la phase suivante –, nous aurons à discuter de l’allongement continu de la durée requise de cotisations…
M. Guy Fischer. Cela se fera par décret !
M. Bernard Cazeau. …dès lors que l’on peut travailler jusqu’à soixante-dix ans.
C’est d’ailleurs ce qu’ont bien compris nos concitoyens interrogés sur cette nouvelle « liberté » et ce « libre choix » : un sondage, paru dans un grand quotidien national, a en effet montré que plus des deux tiers des personnes sondées refusent une mesure qu’ils considèrent comme une régression sociale : 73 % des ouvriers et 79 % des employés y sont hostiles. Il ne s’agit peut-être pas des cadres supérieurs, mais ce sont les ouvriers et les employés qui constituent la grande majorité des travailleurs de ce pays.
Vous déclariez la semaine dernière que l’allongement de la retraite obligatoire à soixante-dix ans répondait à une absurdité juridique, celle de la « barrière » d’âge de la mise à la retraite d’office à soixante-cinq ans. Pour vous, c’est le principal frein à « l’envie » des Français de travailler plus longtemps.
En réalité, c’est votre argumentaire, monsieur le ministre, qui est absurde. Pour travailler jusqu’à soixante-dix ans, encore faut-il que les entreprises ne se débarrassent pas systématiquement de leurs salariés à partir de cinquante-cinq ans !
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Bernard Cazeau. On vous l’a dit et redit, là est le vrai problème, et c’est peut-être sur ce point qu’il faudrait légiférer.
Aujourd'hui, la France est un des pays où le taux d’emploi des seniors – les travailleurs entre cinquante-cinq ans et soixante-quatre ans – est parmi les plus faibles : il n’est que de 37,8 %, alors que la moyenne européenne se situe presque à 45 %.
Vous laissez entendre, monsieur le ministre, que nos interventions n’ont pas d’autre but que de contrer le Gouvernement. Ce n’est pas le cas !
Cet article ne devrait pas être l’objet principal de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, surtout avec un tel déficit des retraites. Vous édulcorez les vraies questions, comme celles qui ont trait à la pénibilité du travail et à un financement viable des pensions de retraite, et je me permets de vous dire, monsieur le ministre, que ce n’est pas à nous de vous donner aujourd'hui la solution. C’est vous qui êtes au Gouvernement ! Et Dieu sait combien de fois vous nous avez répété, depuis la loi Fillon, que c’était votre problème.
C’est parce que nous ne nous détournerons pas, nous, du véritable objet du projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous voterons contre l’article 61. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. J’ai eu connaissance, monsieur le ministre, du document que vous aviez écrit le 28 avril. J’ai lu, comme d’autres, que les mises à la retraite d’office ou les limites d’âge qui existent encore pour différents motifs dans le secteur privé seraient supprimées.
Cela nécessitait-il une réponse ? Comme M. Bel, j’estime que non.
Lorsque j’ai lu ce document, monsieur le ministre, je me suis dit : tiens, comme promis, il va y avoir une grande loi sur les retraites. J’attendais donc cette grande loi annoncée en 2003 par le candidat à la présidence de la République Nicolas Sarkozy, ainsi d’ailleurs que par vous-même. Jamais je n’aurais imaginé que vous alliez apporter par petites touches, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, les modifications que vous annonciez !
Monsieur le ministre, je vous l’ai dit hier, je suis inquiet des hausses en rafale de l’âge d’un possible départ à la retraite : soixante-cinq ans pour les pilotes, soixante ans pour les stewards et les hôtesses, soixante-dix ans pour tous les autres. Les pilotes pourront-ils d’ailleurs continuer à travailler jusqu’à soixante-dix ans ? C’est une question qui doit être posée.
Ce relèvement de quarante à quarante et une annuités, demain à quarante-deux, voire à quarante-trois, n’est qu’une mise en condition afin que ce qui est aujourd'hui facultatif puisse devenir demain la règle !
M. Alain Vasselle. Arrêtez ce procès d’intention ! Ça suffit ! Vous répétez toujours la même chose !
M. Claude Domeizel. M. Etienne a affirmé tout à l’heure que les seuils ne seraient pas modifiés ….
M. Alain Vasselle. On est dans la mauvaise foi permanente ! Ça suffit !
M. Claude Domeizel. Vous permettez que je m’exprime ? Je comprends que mes propos vous gênent, monsieur Vasselle, mais je vais quand même continuer ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Changez de disque !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Domeizel.
M. Claude Domeizel. J’ai entendu dire tout à l’heure que la retraite à soixante ans ne serait pas remise en cause. Monsieur le ministre, je ne vous crois pas un seul instant !
Tout relève de la même logique. Je vous rappelle que le Conseil d’orientation des retraites, à la demande du MEDEF – il n’était peut-être pas tout seul –, a étudié les incidences financières qu’aurait un départ à la retraite à soixante ans, à soixante et un ans, à soixante-deux ans, à soixante-trois ans, à soixante-quatre ans et à soixante-cinq ans.
Pour nous, c’est inadmissible ! Cet article 61 n’est qu’une mise en condition qui vise à préparer des modifications profondes de l’âge de départ à la retraite. Mes collègues ont longuement expliqué quels étaient les dangers, notamment s’agissant de la retraite à soixante ans.
C'est la raison pour laquelle nous voterons sans aucun état d’âme les amendements tendant à supprimer l’article 61 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 186 et 301.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC, et l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 39 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 148 |
Contre | 189 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Je mets aux voix l'amendement n° 187.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 188.
M. Jean Desessard. Je ne voudrais pas laisser s’installer l’idée qu’il y aurait, d’un côté, les partisans de la liberté et, de l’autre, les défenseurs des acquis, refusant toute évolution.
Je me servirai d’un exemple tout simple, déconnecté du problème qui nous occupe actuellement, pour montrer qu’un « plus » pour les uns se traduit, dans une organisation collective, par un « moins » pour les autres : la télévision en couleur.
J’ai connu la télévision en noir et blanc, comme beaucoup d’entre vous. Au début, seuls quelques-uns, les riches, avaient la télévision en couleur, ce qui ne nous gênait pas : c’était un fait connu que les riches avaient quelque chose en plus !
Cependant, est arrivé le moment où le présentateur a commencé à dire : regardez la zone jaune et la zone rouge sur la carte ! (Sourires.) Ceux qui avaient la télévision en noir et blanc ne voyaient pas la différence !
M. Jean Desessard. À partir de cet instant, ce simple « plus » pour les uns est devenu un « moins » pour les autres, privés de l’information figurant sur la zone rouge et la zone jaune.
De fait, au bout d’un moment, ce qui apparaissait au départ comme un avantage neutre s’est traduit dans l’évolution par un désavantage pour certains.
Il en sera de même pour votre projet, monsieur le ministre : il semble favorable à la liberté de quelques-uns, mais cette possibilité deviendra la norme. Ceux qui ne travailleront pas jusqu’à soixante-dix ans subiront alors un désavantage.
Vous avez parlé de liberté. Mais la vraie liberté serait de s’adresser aux seniors qui n’ont pas assez d’annuités, qui veulent travailler et qui ne trouvent pas actuellement d’emploi ! Pourquoi ne donnez-vous pas à ces personnes la possibilité de travailler ? Pourquoi n’y-a-t-il pas de plan national pour les remettre au travail ? La vraie liberté, c’est que ceux qui souffrent puissent bénéficier de droits sociaux leur permettant de disposer d’une retraite décente ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le rapporteur a dit qu’il n’y a pas, d’un côté, les gentils et, de l’autre, les méchants. J’ai participé au groupe de travail sur la crise financière internationale, et j’ai constaté que certaines personnes ne s’étaient pas privées de s’en mettre plein les poches. Peut-être ne voulez-vous pas les appeler les « méchants » ou les « rapaces »,…
M. Jean-Marc Todeschini. Les voyous !
M. Jean Desessard. …mais quoi qu’il en soit, elles ont mis en danger l’épargne pour se remplir les poches !
Que signifie la liberté dans un régime capitaliste inégalitaire, sinon la possibilité d’en prendre toujours plus pour en laisser moins aux autres ?
Si nous étions dans un régime de solidarité, la liberté pourrait s’exercer. Mais aujourd'hui, la liberté que vous voulez mettre en place, c’est celle de personnes qui ont déjà beaucoup, qui font un travail intéressant et qui sont bien payées !
En outre, comme nous l’avons vu lors de l’examen de l’article 59, non seulement vous allez les laisser travailler plus longtemps, mais, de surcroît, vous supprimez le plafonnement.
S’il s’était juste agi de permettre de continuer à travailler à des personnes qui s’ennuient ou qui ne supportent pas leur conjoint, pour reprendre ce qui a été indiqué tout à l’heure, vous n’auriez pas prévu une telle disposition ! Mais là, la personne va pouvoir rester plus longtemps – et cette personne, on le sait très bien, sera en bonne santé, aura un poste de cadre, sera chef et sera bien payée, et c’est pourquoi elle pourra rester ! –,…
Mme Catherine Procaccia. C’est une caricature !
M. Jean Desessard. …et elle pourra cumuler la retraite et l’emploi, et ce sans plafonnement.
En réalité, il s’agit d’une mesure idéologique favorable à une classe sociale qui souhaite toujours bénéficier d’avantages,…
M. Alain Vasselle. Et votre opposition, elle n’est pas idéologique ?
M. Jean Desessard. … et rien n’est fait en faveur de ceux qui n’ont pas suffisamment d’annuités par suite d’un licenciement ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur Adnot, l'amendement n° 356 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Philippe Adnot. Mon intention n’était pas de proposer cette rédaction. Je voulais simplement que, au-delà de soixante-cinq ans, soit prévu l’accord à la fois du salarié et de l’employeur. Mais on m’a expliqué que, dans la mesure où il s’agissait de droit du travail, mon amendement ne pouvait prévoir la nécessité d’un accord des deux parties. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement n° 356 rectifié bis, qui n’est effectivement pas satisfaisant. Dans ces conditions, je n’ai aucun mal à accepter de le retirer.
Néanmoins, j’attire votre attention sur le fait que, en l’absence de la nécessité d’un accord des deux parties, nous serons confrontés à des situations conflictuelles qui poseront des problèmes aux entreprises. Et lorsque nous découvrirons ces difficultés auxquelles vous n’avez pas pensé, nous serons bien obligés de les prendre en compte !
M. le président. L'amendement n° 356 rectifié bis est retiré.
Madame Procaccia, l'amendement n° 245 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Catherine Procaccia. Contrairement à M. Adnot, quand je dépose un amendement, j’ai envie que ce dernier soit mis aux voix !
M. le ministre a évoqué la médecine du travail. Selon moi, la question ne se limite pas simplement à la médecine du travail, mais s’étend également à la visite médicale.
Que les choses soient bien claires. À l’article L. 4624-1 du code du travail, il est précisé que « le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles […], justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ».
Je souhaite que, dans le cadre des négociations, soit prévue une modification du code du travail visant à ce que le médecin du travail puisse être également saisi sur l’initiative de l’employeur. Je ne vois pas en quoi cette proposition poserait problème à partir du moment où tout le monde est d’accord !
Et si nous n’y arrivons pas, comme M. le ministre a rendu un hommage un peu excessif à ma ténacité, je déposerai une proposition de loi qui visera à modifier cet article du code du travail.
Mais puisque cet amendement était cosigné et que mes collègues m’ont fortement suggéré de le retirer, je le retire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L’amendement n° 245 rectifié ter est retiré.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’article 61.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est nécessaire ! On ne sait pas ce qu’elle en pense !
M. Bernard Frimat. Chacun a le droit de s’exprimer !
M. Alain Vasselle. Mais tout a été dit ! Qu’allez-vous inventer d’autre ?
Mme Annie David. J’entends des signes d’enthousiasme, et j’en suis ravie ! (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme mes collègues du groupe CRC et du groupe socialiste, je voterai résolument contre cet article, malgré les propos de M. le ministre qui se voulaient rassurants mais qui m’ont, au contraire, confortée dans mon choix. Demain, cet article sera source d’inégalités entre nos concitoyens et ne répondra pas durablement et solidairement au problème du faible niveau des pensions de nos retraités.
Nous avons bien compris, au cours de l’échange qui vient d’avoir lieu, que tel n’est pas votre souci puisque les salariés que vous souhaitez voir continuer leur activité après soixante-cinq ans ne devront pas être trop fatigués ni trop mal en point : il s’agit surtout de cadres de haut niveau. Seuls ces salariés vous intéressent, car ce sont eux que vous souhaitez maintenir dans leur emploi.
Monsieur le ministre, comme mes collègues l’ont indiqué avant moi, cet article est un mauvais signal envoyé à nos concitoyens : vous leur dites qu’il est impossible, malgré une vie de travail, malgré leurs cotisations et l’allongement de durée de cotisation, de prétendre à une pension de retraite digne. Vous voudriez, en quelque sorte, leur faire accepter de devenir une nouvelle catégorie de notre population : les retraités pauvres qui se voient contraints de continuer à travailler.
Mais cet article est également scandaleux, tant dans sa forme que dans sa construction. En effet, sa rédaction est principalement issue d’un amendement défendu par un député de votre majorité, amendement auquel le Gouvernement ne s’est pas opposé alors que les partenaires sociaux n’ont pas été consultés. Il faut dire que vous ne connaissiez que trop les réactions de ces derniers ! Sans doute vouliez-vous éviter une mobilisation comme celle qu’avait subie, en son temps, M. Juppé !
Monsieur le ministre, je vous ai même entendu défendre cet amendement sous prétexte qu’il serait le fruit du travail parlementaire et témoignerait du renforcement du rôle des parlementaires. Après votre façon de procéder un peu « cavalière » – je reprends le terme de M. Bel – à l’égard des présidents de nos deux groupes, je ne vois pas bien en quoi consiste ce renforcement du rôle des parlementaires !
De plus, comment pouvez-vous justifier les conditions de travail dans lesquelles ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est étudié au Sénat ? Nous avons disposé de moins d’une semaine de travail entre l’adoption de ce texte par l’Assemblée nationale et le début de son examen par le Sénat.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est exact !
Mme Annie David. Cela nous a conduits, comme nos collaborateurs et les fonctionnaires du Sénat, à travailler samedi, dimanche et jour férié.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est l’enfer !
Mme Annie David. Est-ce là le respect du Parlement ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non !
Mme Annie David. Au-delà des questions humaines, du droit à la vie de famille et à des rythmes de travail décents, il faut cesser, vous qui voulez revaloriser les droits des parlementaires, de nous présenter des projets de loi en urgence !
Pour en revenir aux partenaires sociaux, ceux-ci n’ont pas été consultés sur ce sujet. Mais s’il n’y avait que cela ! Vous avez déjà trahi votre engagement en matière de temps de travail en ne respectant pas les règles de la « position commune » ; vous privez les organisations syndicales présentes dans les conseils d’administrations des établissements publics de santé de la moindre information les concernant, dès lors que l’hôpital est placé sous administration provisoire ; vous poursuivez l’allongement de la durée de cotisations sans les consulter,… et cette liste n’est pas exhaustive !
Les partenaires sociaux apprécieront, par ailleurs, que ce projet de loi, sous prétexte de respecter la prétendue liberté des uns à travailler plus longtemps, durcisse les conditions d’accès au mécanisme de départ anticipé à la retraite pour carrière longue. Au final, qu’en est-il du droit de celles et de ceux de nos concitoyens qui ont travaillé depuis des années – depuis l’âge de quatorze ans parfois – à partir à la retraite ? C’est vrai qu’ils sont libres, mais cette liberté est payante puisqu’il leur faudra valider 172 trimestres, soit quarante-trois ans de travail – et cela sera pis demain –, pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Ils partiront avant l’âge de soixante ans, c’est vrai, mais après avoir travaillé quarante-trois ans !
Nous avons également parlé de santé dans cet hémicycle. Je voudrais donc revenir sur les conclusions d’une étude publiée le 2 septembre faisant état d’une augmentation constante en France, entre 1968 et 1996, des inégalités sociales de mortalité par cancer. Le risque de surmortalité face au cancer en fonction du niveau d’études s’est en effet aggravé : pour un homme peu diplômé, il était multiplié par 1,52 entre 1968 et 1974, par 2,12 entre 1975 et 1981, puis par 2,2 pour la période allant de 1982 à 1988 et, enfin, par 2,29 de 1990 à 1996.
L’équipe qui a produit cette étude estime même que ce phénomène doit être impérativement pris en compte par les responsables des politiques de lutte préventive ou curative contre les affections cancéreuses, dès lors que l’objectif prioritaire est de rester dans une société solidaire. C’est bien de cela qu’il s’agit : faire travailler les gens jusqu’à soixante-dix ans n’a pas de sens si l’on ne tient pas compte de leur état de santé ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, je tiens à attirer l’attention du membre du bureau du Sénat que vous êtes sur l’urgence d’une modification de notre règlement intérieur. Ce débat a été assez éclairant à cet égard ! Nous ne pouvons plus continuer à travailler dans de telles conditions. J’invite donc le Sénat à y réfléchir d’urgence ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Mon cher collègue, le Sénat a engagé une réflexion à cet égard sur l’initiative de son nouveau président.
Mais pour l’instant, nous devons poursuivre la discussion sur cet article 61, entamée voilà deux heures…
La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Je souhaite répondre à M. Vasselle. (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) Nous voyons bien ce que veut la majorité : ne plus reconnaître aux parlementaires le droit fondamental de s’exprimer. Mais, croyez-moi, il en faudra plus pour nous bâillonner ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Mais il n’en est pas question !
Je mets aux voix l’article 61.
(L’article 61 est adopté.)
5
Désignation des membres de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes
M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des membres de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
En application des articles 110 et 8, alinéas 2 à 11 du règlement du Sénat, la liste des candidats présentés par les groupes a été affichée. La présidence n’a reçu aucune opposition. En conséquence, elle est ratifiée et je proclame tous les candidats membres de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
6
Financement de la sécurité sociale pour 2009
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale.
Articles 61 bis et 61 ter
M. le président. Je vous rappelle que les articles 61 bis et 61 ter ont déjà été examinés.
Article 62 (priorité)
I. - Après l’article 1er-2 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public, il est inséré un article 1er-3 ainsi rédigé :
« Art. 1er-3. - Sous réserve des droits au recul des limites d’âge prévus par l’article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires régis par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires appartenant à des corps ou des cadres d’emplois dont la limite d’âge est inférieure à soixante-cinq ans, sont sur leur demande, lorsqu’ils atteignent cette limite d’âge, maintenus en activité jusqu’à l’âge de soixante-cinq ans, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État, sous réserve de leur aptitude physique.
« Dès lors que le fonctionnaire a atteint la limite d’âge applicable à son corps, les 3° et 4° de l’article 34, les articles 34 bis et 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, les 3°, 4° et 4° bis de l’article 57 et les articles 81 à 86 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ainsi que les 3° et 4° de l’article 41, les articles 41-1 et 71 à 76 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ne sont pas applicables. Lorsque le maintien en activité prend fin, le fonctionnaire est radié des cadres et admis à la retraite dans les conditions prévues au 1° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
« Les périodes de maintien en activité définies au présent article sont prises en compte dans la constitution et la liquidation des droits à pension des fonctionnaires et peuvent ouvrir droit à la surcote, dans les conditions prévues à l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite. »
II. - Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2010.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.
M. Michel Mercier. C’est un phénomène ! Il a toujours quelque chose à dire !
M. Dominique Leclerc. C’est merveilleux !
Mme Annie David. Pourquoi la majorité ne s’exprime-t-elle pas ?
M. Guy Fischer. Nous venons de parler du secteur privé et, maintenant, le Gouvernement et sa majorité veulent transposer le même état d’esprit chez les fonctionnaires. Il s’agit notamment de lever les obstacles empêchant certains fonctionnaires âgés de moins de soixante-cinq ans de prolonger leur activité professionnelle s’ils le souhaitent, sans toutefois aller au-delà de soixante-cinq ans, d’après ce que j’ai cru comprendre.
Là encore, vous entendez « libérer l’initiative » et permettre le libre choix des fonctionnaires. Ce discours commence à nous être familier, même s’il ne nous convainc pas. En effet, nous savons que, dans le même temps, le Gouvernement entend réduire considérablement le nombre de fonctionnaires – plus de 30 000 suppressions de poste en 2009 – en procédant à une véritable casse de l’emploi public au niveau tant du nombre de salariés que du statut. Je pense, par exemple, au paiement d’une partie des primes au mérite – on voit mal comment le mérite se mesure dans un service public dont le service rendu est le seul à pouvoir être pris en compte – ou encore à l’intéressement : la répartition se fera « à la tête du client », si j’ose dire !
Tous ces projets mis bout à bout, on voit bien que le Gouvernement cherche d’abord et avant tout à réduire les coûts financiers. Cette disposition permettra également de retarder le départ à la retraite des fonctionnaires, donc la liquidation des pensions. Nous voterons par conséquent contre cet article.
M. le président. Je mets aux voix l’article 62.
(L’article 62 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 62 (priorité)
M. le président. L’amendement n° 358, présenté par M. Leclerc, est ainsi libellé :
Après l’article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 7 de la loi n°84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« En l’absence de dispositions particulières prévues par les textes législatifs ou règlementaires régissant l’établissement, la limite d’âge des présidents de conseil d’administration des établissements publics de l’État est fixée à soixante-dix ans, celle des directeurs généraux et directeurs des établissements publics de l’État est fixée à soixante-cinq ans. Toutefois, les fonctionnaires ou magistrats dont la limite d’âge est fixée à soixante-huit ans en application de l’article premier continuent à présider, jusqu’à ce qu’ils atteignent cette limite, les établissements publics dont les statuts leur confèrent de droit la présidence.
« Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2009. »
La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Cet amendement vise à étendre les dispositions que nous venons de voter à l’article 61 aux présidents de conseil d’administration des établissements publics de l’État, sachant – je tiens à le rappeler – qu’il s’agit de fonctions bénévoles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 62.
L’amendement n° 512, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. La section II du chapitre V du titre IV du livre VI du code de la sécurité sociale est abrogée.
II. Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2009
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Cet amendement vise à supprimer toute la compensation démographique existant entre les différents régimes d’avantage social vieillesse, ou ASV.
Une réforme a été entreprise sur certains régimes ; elle a été possible grâce à la concertation avec certaines professions et grâce à l’article 77 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, qui en avait fixé le cadre.
Actuellement, des distorsions démographiques subsistent, d’une part, et certains régimes ont fait l’effort de se réformer, d’autre part. Pour nous, il est indispensable de clarifier les choses et d’accorder une reconnaissance à ceux qui ont fait l’effort de discuter et de se réformer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 62.
Article 63 (priorité)
I. - L’indemnité temporaire accordée aux fonctionnaires pensionnés relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite majore le montant en principal de la pension d’un pourcentage fixé par décret selon la collectivité dans laquelle ils résident.
L’indemnité temporaire est accordée aux pensionnés qui justifient d’une résidence effective dans les collectivités suivantes : La Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et Polynésie française.
II. - À compter du 1er janvier 2009, l’attribution de nouvelles indemnités temporaires est réservée aux pensionnés ayants droit remplissant, à la date d’effet de leur pension, en sus de l’effectivité de la résidence, les conditions suivantes :
1° a) Justifier de quinze ans de services effectifs dans une ou plusieurs collectivités mentionnées au I à partir d’un état récapitulatif de ces services fourni par les pensionnés et communiqué par leurs ministères d’origine ;
b) Ou remplir, au regard de la collectivité dans laquelle l’intéressé justifie de sa résidence effective, les critères d’éligibilité retenus pour l’octroi des congés bonifiés à leur bénéficiaire principal ;
2° a) Soit justifier d’une durée d’assurance validée au titre d’un ou des régimes de retraite de base obligatoires égale au nombre de trimestres nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum de la pension civile ou militaire de retraite mentionné à l’article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
b) Ou bénéficier d’une pension dont le montant n’a pas fait l’objet de l’application du coefficient de minoration prévu à l’article L. 14 du même code.
Ces nouveaux bénéficiaires doivent, en outre, avoir été radiés des cadres depuis moins de cinq ans.
Les pensionnés dont la date d’effectivité de la résidence est postérieure au 13 octobre 2008 sont éligibles au versement de l’indemnité temporaire au titre du présent II.
L’indemnité temporaire de retraite ne sera plus attribuée à de nouveaux bénéficiaires à compter du 1er janvier 2028.
III. - Le montant des indemnités temporaires octroyées à compter du 1er janvier 2009 est égal au montant fixé à la date de première mise en paiement de l’indemnité et ne peut excéder un montant annuel défini par décret selon la collectivité de résidence. Ce plafond décroît dans des conditions prévues par décret. Il devient nul à compter du 1er janvier 2028.
Lorsque l’indemnité temporaire est attribuée en cours d’année, les plafonds fixés par le décret prévu à l’alinéa précédent sont calculés au prorata de la durée effective de l’attribution de l’indemnité temporaire sur l’année considérée.
Les indemnités temporaires accordées aux pensionnés au titre du a du 1° du II ouvrent droit à réversion au bénéfice du conjoint survivant sous réserve du respect, par ce dernier, de la condition d’effectivité de résidence fixée au I.
Les indemnités temporaires accordées aux pensionnés au titre du b du 1° du II ouvrent droit à réversion au bénéfice du conjoint survivant sous réserve du respect, par ce dernier, de la condition d’effectivité de résidence sur le territoire de la collectivité au titre de laquelle l’indemnité temporaire a été octroyée.
IV. - Le montant des indemnités temporaires octroyées avant le 1er janvier 2009 est fixé à la valeur en paiement au 31 décembre 2008 et ne peut excéder un montant annuel défini par décret selon la collectivité de résidence. Ce montant décroît jusqu’au 1er janvier 2018.
Les indemnités temporaires accordées aux pensionnés au titre du présent IV ouvrent droit à réversion au bénéfice du conjoint survivant sous réserve du respect, par ce dernier, de la condition d’effectivité de résidence fixée au I.
V. - L’indemnité temporaire accordée avant le 1er janvier 2009 aux pensionnés relevant du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre qui justifient d’une résidence effective dans les collectivités mentionnées au I est égale au pourcentage du montant en principal de la pension fixé par le décret prévu au I.
Le montant de cette indemnité est égal au montant fixé à la date de première mise en paiement pour les indemnités accordées à compter du 1er janvier 2009. Il est égal au montant mis en paiement au 31 décembre 2008 pour les indemnités accordées avant le 1er janvier 2009.
L’indemnité temporaire n’est plus attribuée à de nouveaux bénéficiaires à compter du 1er janvier 2028.
VI. - Les services de la direction générale des finances publiques contrôlent l’attribution des indemnités temporaires. À ce titre, les demandeurs et bénéficiaires ainsi que les administrations de l’État et les collectivités territoriales sont tenus de communiquer les renseignements, justifications ou éclaircissements nécessaires à la vérification des conditions d’octroi et de l’effectivité de la résidence.
L’indemnité temporaire cesse d’être versée dès lors que la personne attributaire cesse de remplir les conditions d’effectivité de la résidence précisées par décret.
En cas d’infraction volontaire aux règles d’attribution des indemnités temporaires, leur versement cesse et les intéressés perdent définitivement le bénéfice de l’indemnité visée.
VII. - L’indemnité temporaire est soumise, en matière de cumul, aux mêmes règles que les pensions auxquelles elle se rattache.
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse, sur l’article.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement nous demande d’approuver un projet de loi qui va porter gravement atteinte aux populations d’outre-mer, Calédoniens, Polynésiens, Wallisiens, notamment. Tous nos fonctionnaires seront touchés. Même les retraités actuels, qui auraient dû pouvoir compter sur la sécurité juridique d’une pension légalement acquise, seront plafonnés, sans considération pour leurs différentes fonctions antérieures. Un fonctionnaire qui prendra sa retraite à partir de 2009 perdra, du jour au lendemain, la moitié de ses revenus. Celui qui partira en retraite dans vingt ans perdra 60 % de ses revenus. Est-ce légitime ? Est-ce équitable ?
Si c’est juste, alors, il faut aussi réduire de moitié les revenus des fonctionnaires métropolitains qui prennent leur retraite. Cela vous paraît déraisonnable, n’est-ce pas ? Vous pensez que ce serait une provocation inacceptable. Alors, pourquoi, monsieur Jégo, voulez-vous faire subir ce traitement injuste à vos concitoyens éloignés ? Oui, pourquoi ? Nous connaissons tous, malheureusement, la honteuse réponse : parce qu’ils sont loin, parce qu’ils sont dispersés parce qu’ils n’ont aucun pouvoir de nuisance pour troubler votre quiétude et votre autosatisfaction !
Avant même que les premières répercussions financières ne se concrétisent, la future « loi Jégo » fait déjà pas mal de dégâts. En Polynésie française, par exemple, environ 150 enseignants ont décidé de prendre leur retraite immédiatement pour ne pas être lourdement pénalisés pendant tout le reste de leur vie. Nous aurons, jusqu’à la fin de l’année scolaire, 150 classes, soit près de 4 000 enfants sans enseignant qualifié. Mais quelle importance ? Après tout, ce ne sont que de petits indigènes. Ils ont déjà la chance de vivre au soleil toute l’année ; on ne va pas, en plus, se soucier de la qualité de l’enseignement qu’ils reçoivent ! (Exclamations sur plusieurs travées de l’UMP.) Faire sa cour à Bercy, aux frais de quelques milliers de fonctionnaires sans se rendre impopulaire en métropole, c’est tellement plus important et plus gratifiant !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Comment peut-on dire cela !
M. Gaston Flosse. Les élus, les organisations syndicales et l’ensemble des populations se sont émus de la brutalité de cette réforme ; ils se sont indignés de l’absence totale de concertation entre toutes les parties concernées.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On en parle depuis tant d’années !
M. Gaston Flosse. Je partage évidemment ce point de vue et je me joins à leurs protestations.
Mais je voudrais surtout mettre en évidence ce qui me choque le plus : le mensonge et l’hypocrisie du Gouvernement dans cette affaire. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. André Lardeux. Il ne faut pas exagérer !
M. Gaston Flosse. Pour s’assurer le soutien du Parlement et de l’opinion publique, le Gouvernement a fondé sa communication sur deux énormes mensonges.
Premier mensonge : on vous a dit et répété, chers collègues, que l’indexation des retraites dans les collectivités d’outre-mer était injuste parce qu’elle profitait à des milliers de fonctionnaires qui, après avoir accompli toute leur carrière en métropole, venaient s’installer en outre-mer pour leur retraite, afin de bénéficier de cette aubaine. C’est une grossière caricature de la réalité. C’est un mensonge.
Certes, il y a en Polynésie française quelques dizaines de retraités qui n’avaient jamais exercé chez nous avant leur retraite. Mais, à une écrasante majorité, les retraités vivant actuellement en Polynésie française sont des Polynésiens d’origine ou des métropolitains qui y ont travaillé très longtemps.
La mesure que nous propose ou plutôt que nous impose le Gouvernement ne vise pas à mettre fin à une aubaine injustifiée pour des fonctionnaires métropolitains. Elle légalise la situation de ces quelques profiteurs et tricheurs mais, surtout, elle pénalise les populations autochtones que sont les Calédoniens, les Polynésiens, les Wallisiens.
D’ailleurs, s’il y avait une once de sincérité dans le discours de M. Jégo, il suffirait que ce dernier nous propose un article unique imposant aux fonctionnaires dix ans d’activité outre-mer pour pouvoir bénéficier des conditions actuelles de retraite.
Vous voyez bien que cet article n’a rien à voir avec le discours officiel ! Vous voyez bien que quelques dizaines de métropolitains opportunistes servent de paravent commode à une opération de Bercy contre les populations d’outre-mer ! Vous voyez bien que les vraies victimes sont les fonctionnaires d’État originaires de l’outre-mer : ce sont les Calédoniens, Polynésiens et Wallisiens !
Je peux vous assurer que nos populations ne s’y trompent pas. Juste avant mon départ, un fonctionnaire polynésien âgé d’une quarantaine d’années m’a dit avec une grande amertume : « tant que la retraite indexée bénéficiait surtout aux métropolitains, ils l’ont maintenue. Maintenant que c’est nous, les Maohi – comprenez “ les indigènes ” –, qui occupons la majorité des emplois de la fonction publique, ils la suppriment ».
Deuxième mensonge : l’indexation, d’après M. Jégo, n’aurait rien à voir avec le coût de la vie.
Lors de sa dernière visite touristique en Polynésie française, le secrétaire d’État chargé de l'outre-mer, qui s’est plus intéressé aux mânes de Jacques Brel qu’aux angoisses des fonctionnaires polynésiens (Rires sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) a consenti, lors d’une brève escale à Tahiti à son retour des îles Marquises, à s’exprimer sur les ondes de RFO.
La journaliste qui l’interrogeait lui a naturellement demandé si l’indexation des fonctionnaires en activité allait être également supprimée puisque le coût de la vie est en principe équivalent pour un actif et pour un retraité. C’était une bonne question.
Savez-vous ce qu’a répondu notre ineffable secrétaire d’État ? (Protestations sur plusieurs travées de l’UMP.) Je vais vous le dire, car vous ne le devineriez jamais ! M. Jégo a tout bonnement osé dire que l’indexation des fonctionnaires en activité n’avait rien à voir avec le coût de la vie ! Selon lui, l’indexation des fonctionnaires en activité reste indispensable parce qu’il faut bien une carotte pour que des fonctionnaires métropolitains acceptent de venir travailler chez nous.
Je suis un vieux routier de la politique, vous le savez, monsieur le président ! (Rires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela se voit et surtout s’entend !
M. Gaston Flosse. Je croyais avoir tout vu et tout entendu en matière d’arrogance parisienne et de mépris colonial, mais là, vraiment, je tire mon chapeau à M. ]égo ! (Exclamations au banc de la commission.) Il a battu tous les records. Je n’arrive pas à voir comment on pourrait accumuler autant d’insultes et de mensonges en une seule phrase. Il y aurait des quantités de réponses à faire à ce monument d’âneries.
Je me contenterai de deux questions.
Tout d’abord, pourquoi l’indexation s’applique-t-elle aux instituteurs, aux agents de service, aux douaniers et aux agents de l’administration pénitentiaire qui sont des autochtones ? Si l’indexation n’est pas justifiée par le coût de la vie, il faut les « désindexer » tout de suite. Ils n’ont pas besoin d’une belle carotte, pour travailler chez eux.
Par ailleurs, lorsqu’il ne sera plus nécessaire de tendre des carottes aux fonctionnaires métropolitains pour les attirer chez nous parce que les autochtones occuperont tous les emplois, on supprimera l’indexation des actifs. Nous apprécierions que M. Jégo nous dise plus précisément combien de métropolitains nous devrons garder chez nous pour éviter que nos fonctionnaires ne subissent le sort de nos retraités.
Évidemment, vous avez tous compris comme moi que ce discours était absurde. L’indexation des fonctionnaires actifs et retraités est uniquement justifiée par le coût de la vie. Ceux qui ont vécu chez nous le savent ; l’argument de M. Jégo n’est qu’une hypocrisie de plus pour tenter de justifier le mauvais coup qu’il porte à nos retraités.
Mes chers collègues, je sais que cet article a déjà été adopté par l’Assemblée nationale et je connais aussi les moyens de pression que le Gouvernement sait mettre en œuvre. Je n’ai pas d’illusions. J’ai proposé, comme beaucoup de mes collègues d’outre-mer, quelques amendements pour tenter de réduire un peu les plus gros dégâts qu’occasionnera cet article. J’espère que vous les adopterez.
Mais en vérité, c’est le dispositif tout entier qu’il faudrait rejeter afin d’entreprendre une concertation sereine et honnête avec toutes les parties concernées.
Je sais que les élus de l’outre-mer n’ont pas un poids suffisant pour parer le coup qu’on leur porte.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Flosse !
M. Gaston Flosse. Mais avant que vous ne preniez votre décision, chers collègues, permettez-moi de vous adresser deux messages.
Demandez-vous, avant de voter, ce que vous feriez si le Gouvernement proposait que tous les fonctionnaires de votre circonscription perdent la moitié de leurs revenus le jour où ils prendront leur retraite. Essayez de penser aux sentiments qu’éprouvent les populations d’outre-mer. Je sais bien que les mouvements de grève et de protestations à 20 000 kilomètres de la métropole ne vous émeuvent pas beaucoup. Mais si l’image de la France dans l’esprit de ces populations et la pérennité de sa présence vous intéressent, vous devriez bien réfléchir avant de vous déterminer.
Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, je voterai contre cet article inique et injuste, monsieur Jégo !
M. le président. La parole est à M. Richard Tuheiava, sur l’article.
M. Richard Tuheiava. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la France, comme le rappelait voilà peu le Président de la République, Nicolas Sarkozy, « ne peut s’imaginer sans l’outre-mer ». Est-ce la ligne politique adoptée par le Gouvernement ?
L’indexation des traitements des fonctionnaires expatriés et locaux fut fondée sur la loi de 1950 afin de pallier les inconvénients de la vie chère, l’éloignement géographique et les conditions de vie résultant de la résidence dans les colonies françaises ultramarines.
Le 10 septembre 1952, fut aussi adopté un décret portant attribution d’une indemnité temporaire aux personnels retraités en résidence dans la plupart des colonies d’outre-mer.
En Polynésie, l’implantation en 1966 du Centre d’expérimentation du Pacifique s’est s’accompagnée de la création du corps d’État pour l’administration de la Polynésie française », le CEAPF, qui a aussi bénéficié de la même indexation outre-mer.
La politique ultramarine d’après-guerre de la France a donc provoqué le bouleversement d’une société traditionnelle en équilibre avec son environnement et ses ressources propres. C’est un véritable modèle social « artificiel » qui s’est rapidement imposé dans chacune des contrées lointaines de la France d’outre-mer. Toutes les tentatives locales de résistance politique à ce modèle social étaient neutralisées au nom de la « raison d’État ».
On ne peut refaire l’histoire passée, certes, mais nous sommes là pour écrire le futur en tenant compte du présent.
Aujourd’hui, pour la Polynésie, le versement de l’indexation des traitements des fonctionnaires actifs s’élève à 250 millions d’euros.
Le versement de l’ITR représente une ressource pour la Polynésie évaluée à plus de 83 millions d’euros, soit 0,02 % du budget de l’État pour la Polynésie française.
Ces deux ressources réunies équivalent donc, pour l’économie de la Polynésie, à un montant total de 333 millions d’euros. C’est peu à côté de l’incidence du bouclier fiscal : 3 milliards d’euros. Voilà ce qu’est le poids financier de la fonction publique en Polynésie. Et vraisemblablement dans tout le reste de l’outre-mer, son poids dans les économies locales est substantiel.
Sur la base de rapports datant de 1990, de 2003, puis de 2006, le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'État, a voulu, au travers de cet article 63, opérer une réforme, que je qualifierai de « sournoise », de réforme menée « à la hussarde », du régime des surpensions en outre-mer.
« À la hussarde », car il n’y a eu aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux et les organisations représentatives d’outre-mer.
« À la hussarde » aussi, car cet article 63 ne repose sur aucune argumentation chiffrée actualisée.
« À la hussarde » enfin, car ni les élus locaux ni les parlementaires, d’outre-mer en premier lieu, n’ont été associés à l’élaboration de cette réforme.
Où sont les mesures de contrôle de nature à enrayer les abus tant dénoncés ? Où sont les éléments comparatifs du coût de la vie dans chaque collectivité d’outre-mer ? Quels systèmes de compensation des retraites envisagez-vous concrètement, pour toutes les fonctions publiques d’outre-mer ?
Cette réforme est sournoise, car, planifiée depuis 2006 – avouez-le ! – par le Gouvernement, elle a été proposée sciemment en pleine période de récession économique.
Sournoise encore, car le Gouvernement a annoncé une réaffectation des économies résultant de la réforme de l’ITR vers l’outremer ; or j’ai relevé qu’un amendement, récemment adopté par l’Assemblée nationale, prévoyait un redéploiement des crédits résultant de la réforme de l’ITR en faveur de programmes pédagogiques inscrits au budget général de la nation. Où sont ces redéploiements ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Sournoise enfin, car cette réforme de l’ITR en cache une autre, en embuscade, celle sur la désindexation des rémunérations de nos fonctionnaires. Nous ne sommes pas dupes !
Les fruits de ce cynisme sont déjà là. Mon collègue sénateur de la Polynésie française, M. Gaston Flosse, l’a rappelé : d’ores et déjà, 150 enseignants, parmi les plus expérimentés, souvent des directeurs d’établissement, ont posé leurs droits à la retraite. À l’échelle de la Polynésie, c’est près de 10 % du corps enseignant. Cela représente aussi plus de 5 000 jeunes élèves qui vont ainsi aborder la rentrée prochaine sans avoir la garantie d’un enseignement qualifié.
Faut-il vous rappeler, monsieur le secrétaire d’État, que, les 27 octobre et 4 novembre derniers, plusieurs milliers de fonctionnaires d’État en outre-mer sont descendus dans les rues afin de s’opposer à cette réforme ? On me rétorquera sans doute que tout cela est scandaleux. Mais, ne l’oublions-pas, une grève illimitée de tous les services de la fonction publique d’État frappe actuellement la Polynésie, avec pour revendication principale la suspension de cette réforme.
Vous le voyez, mes chers collègues, avant même son application, cette réforme de l’ITR, à peine annoncée, provoque déjà des dégâts !
Non, monsieur le secrétaire d’État, il ne s’agit pas simplement d’une réforme budgétaire. Vous vous attaquez, rien qu’en Polynésie française, à 6 300 fonctionnaires retraités et à 11 000 fonctionnaires actifs.
C’est un bouleversement du « modèle de société artificiel » qui s’annonce, celui-là même qui nous avait été imposé depuis les années soixante et en échange duquel vous ne nous offrez ni perspective concrète ni visibilité en matière de développement économique et social.
Bien au contraire, l’article 43 du projet de loi de finances initiale pour 2009 peut déjà s’analyser comme un sérieux coup porté au développement économique de l’outre-mer, par la restriction significative des mesures d’incitation fiscale.
En tant que souverainiste, je devrais plutôt me réjouir de ce véritable effort mené par le Gouvernement pour doper notre électorat local. Pourtant, en tant que sénateur de la République, et au nom du respect de cette fraternité inscrite au frontispice de notre maison, nous ne pouvons accepter que l’on brade ainsi le destin de l’outre-mer français.
Ainsi que le montrent les amendements que nous vous soumettrons, il ne s’agit pas pour nous d’aller à l’encontre du sens de l’histoire. Nous vous proposons simplement de prendre le temps de la concertation.
Une suspension de l’application de cette réforme de l’ITR serait accueillie comme une preuve de respect et de considération de la part de l’État pour l’outre-mer français.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur ce dossier sensible pour l’outre-mer, voilà les convictions que je voulais partager avec vous en guise de préliminaire aux amendements que je soutiendrai. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Bernard Frimat. Une intervention de qualité !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais des chiffres inexacts !
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, sur l’article.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion de cet article constitue un moment difficile parce que ce texte tend à remettre en cause une situation acquise pour les fonctionnaires en exercice et à plafonner les retraites des futurs fonctionnaires. C’est pourquoi je voudrais revenir à la source du débat qui nous rassemble aujourd'hui.
Depuis quatre ans, à l’occasion de chaque discussion budgétaire, un certain nombre de nos collègues, sur toutes les travées, se posent la question de savoir s’il est juste que des fonctionnaires qui n’avaient pas travaillé outre-mer viennent passer leur retraite au soleil, en profitant d’une combine : leur pension sera indexée et ils bénéficieront d’un système d’imposition avantageux, notamment en Polynésie. Il est vrai, comme l’a indiqué mon collègue Gaston Flosse, que ces fonctionnaires sont en nombre limité, mais la situation, elle, est bien réelle et concerne même des personnes extrêmement importantes : on parle d’amiraux, de généraux, de hauts fonctionnaires…
Cela étant dit, à partir du moment où le ver était dans le fruit, il était évident que la représentation nationale se devait de prendre ce sujet à bras-le-corps, parce que ce problème risquait d’entraîner une remise en cause de l’indexation pour tous les fonctionnaires. Je veux être très clair : personnellement, j’estime que l’abus du système tue le système !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela a doublé en douze ans !
M. Jean-Paul Virapoullé. Par conséquent, il était temps que les parlementaires aient le courage de supprimer ce que j’appelle la « retraite cocotier » : les fonctionnaires qui n’ont pas quinze ans d’exercice outre-mer et qui n’ont pas un lien matériel avec l’outre-mer ne doivent pas avoir droit à cet avantage. Sur ce sujet, il n’y a pas de désaccord.
Je voudrais attirer l’attention de l’ensemble de la représentation nationale et du Gouvernement sur le point suivant : les choses sont rendues un peu plus compliquées par le fait que nous discutons du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui sera obligatoirement soumis à l’examen de la plus haute juridiction française, le Conseil constitutionnel.
N’étant pas un fin connaisseur du droit constitutionnel, je me dois, en tant que modeste sénateur, de vérifier comme chacun d’entre vous s’il n’y a pas péril en la demeure pour la réforme pour le cas où l’article 63 serait examiné en l’état par le Conseil constitutionnel. Or, j’ai deux inquiétudes à cet égard.
Ma première inquiétude concerne le plafonnement de l’ITR, qui sera prévu par décret, pour les fonctionnaires en exercice et pour ceux qui sont déjà à la retraite. Cela ne pose-t-il pas un problème de rétroactivité ?
M. le président de la commission des affaires sociales connaît bien la question et sait que le Conseil constitutionnel a, en matière fiscale, bien encadré le principe de la rétroactivité : il peut y avoir rétroactivité de la loi eu égard, notamment, à l’autorité de la chose jugée, mais à condition qu’elle serve un seul objectif, à savoir l’intérêt général. Les économies financières ne sont pas reconnues comme un motif valable par le Conseil constitutionnel.
Or nous sommes ici dans le cas d’économies budgétaires. J’attire donc l’attention de la Haute Assemblée sur la situation de ceux qui sont déjà à la retraite et qui vont connaître une régression, même si elle est faible, de leur pouvoir d’achat. Il n’échappera à mon avis pas au Conseil constitutionnel que le principe de la non-rétroactivité de la loi est remis en cause, et le Conseil sera peut-être amené à sanctionner cette disposition.
J’en viens à ma seconde inquiétude, qui concerne un problème plus grave. Ceux qui prendront leur retraite en 2009 subiront un plafonnement, ce que je veux comprendre, mais ceux qui partiront à partir de 2019 se verront appliquer une dégressivité. Selon l’année de votre départ à la retraite, le montant total perçu – retraite de base plus ITR – variera.
À mon avis, il aurait été préférable de traiter la question de la dégressivité dans la loi plutôt que de renvoyer au décret, lequel n’est pas publié puisque la loi n’est pas encore votée. Sur le plan de la sécurité juridique, je ne suis pas membre du Conseil constitutionnel, mais il me semble que cela risque de soulever un problème. Il sera en tout cas intéressant d’analyser la décision que rendra le Conseil constitutionnel sur cette question.
Monsieur le secrétaire d’État, c'est la raison pour laquelle j’ai déposé l’amendement n° 226 rectifié, qui ne remet en cause que la dégressivité à partir de 2019. Pourquoi vouloir tout réformer tout de suite au risque de précipiter les choses et de créer un traumatisme outre-mer ? J’ai envie de dire : « basta » ! Nous pouvons faire un grand pas ce soir, puis marquer une pause et examiner la situation dans les mois qui viennent, voire dans un ou deux ans. D’ailleurs, il nous a bien fallu quatre ans pour en arriver là ce soir !
Il y a déjà des avancées : certains syndicats à la Réunion discutent de la durée de résidence, qu’ils préféreraient voir fixée à dix ans au lieu de quinze ans. S’ils débattent sur les chiffres, c’est bien qu’ils admettent le principe de la résidence. Il y en a même qui acceptent le principe du plafonnement.
Pourquoi prévoir la dégressivité dans cet article, au risque d’encourir la censure du Conseil constitutionnel ? Ce n’est raisonnable ni socialement, ni politiquement, ni juridiquement.
L’approche qu’il convient, à mon sens, de privilégier est la suivante : nous devons faire évoluer le dispositif, mais avec mesure, humanité et raison. Il n’est pas nécessaire de chambarder l’économie de l’outre-mer, comme l’ont si bien indiqué les orateurs précédents. L’économie de l’outre-mer, ce sont le sucre, le tourisme, la pêche, l’industrie du bâtiment, ainsi – il faut bien le dire – que la fonction publique. Si vous touchez un pan de cette économie, vous mettez en péril l’économie de l’outre-mer, et ce à un moment où personne dans le monde ne peut prédire quelles seront les conséquences économiques de la crise financière.
Je ne suis pas en train de faire un caprice pour exiger que rien ne bouge et que l’on en reste aux avantages acquis. J’indique juste que nous devons procéder avec raison et mesure, en respectant les droits fondamentaux et l’équilibre économique des territoires d’outre-mer. Nous ne devons pas aller trop vite, car la loi risque d’être jugée contraire à la Constitution de notre pays par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP, de l’Union centriste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous expliquer les raisons pour lesquelles le Gouvernement – point n’est besoin, me semble-t-il, de personnaliser cette réforme ; du reste, selon l’adage, tout ce qui est excessif est insignifiant – a proposé cette réforme de l’ITR et vous préciser en quoi consiste cette dernière.
Cette réforme est indispensable, et ce pour deux raisons majeures.
Premièrement, le système actuel est inéquitable. Tout d’abord, il s’applique non pas à toutes les fonctions publiques, mais seulement à la fonction publique d’État. Quid de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale ? Ensuite, il ne concerne pas tous les territoires : je vous rappelle que les Antilles et la Guyane en sont privées, pour des raisons que personne n’est capable d’expliquer. Enfin, les taux de l’ITR, qui est une prime perçue en complément de la pension de retraite, sont variables, passant de 75 % en Polynésie à 40 % à Saint-Pierre et Miquelon et à 35 % dans l’océan Indien. L’ITR n’a d’ailleurs jamais été une prime de compensation de la vie chère. À l’origine, en 1952, elle a été créée par décret pour compenser les taux de change et figure toujours dans le système administratif de notre pays sur cette base.
Deuxièmement, nous sommes face à un système qui connaît une croissance exponentielle. Voilà douze ans, on comptait 17 000 bénéficiaires de l’ITR dans l’ensemble de l’outre-mer ; aujourd'hui, ils sont 34 000. Toutes nos prévisions montrent que ce chiffre va croître de façon exponentielle.
Le coût pour l’État est passé de 120 millions d’euros à plus de 300 millions d’euros, et les perspectives sont élevées.
Certains estiment que cette réforme est brutale, d’autres qu’elle n’a pas fait l’objet d’une expérimentation ou d’une évaluation, ce qui n’est pas vrai ! Le premier rapport parlementaire qui recommandait de modifier le dispositif de l’ITR date de 1990. Voilà dix-huit ans que s’accumulent les rapports, dont celui par lequel la Cour des comptes, en 2003 – M. le sénateur de la Polynésie ne peut l’oublier –, imposait au Gouvernement de procéder à cette réforme, avant de le lui rappeler en 2006.
Voilà les raisons qui ont poussé le Gouvernement à vous proposer aujourd'hui cet article 63.
Pourquoi avons-nous choisi de transformer complètement le dispositif de l’ITR ? Comme M. Virapoullé l’a très justement indiqué, nous aurions en effet pu nous contenter de nous attaquer aux excès du dispositif, à ces fonctionnaires profiteurs qui ne sont certes pas la majorité, mais qui sont toujours plus nombreux : ils ont choisi de s’installer dans un territoire d’outre-mer avec lequel ils n’ont aucun lien pour cumuler les avantages financiers ; en Polynésie, par exemple, le taux de l’ITR est de 75 %, et il n’y a pas d’impôt sur le revenu.
Pourquoi ne pas tout simplement fermer le robinet aux profiteurs ? C’est impossible pour des raisons juridiques. Le dispositif de l’ITR étant inéquitable, puisqu’il ne concerne pas tous les fonctionnaires ni tous les territoires, une réforme qui ne serait que partielle entraînerait la sanction du Conseil constitutionnel, ce qui aurait pour conséquence de supprimer purement et simplement ce système.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. La situation deviendrait alors bien pis que celle que nous dénonçons aujourd’hui.
Le Gouvernement propose donc de transformer le dispositif sur vingt ans en apportant quatre garanties importantes aux fonctionnaires de l’outre-mer.
Premier engagement, tous les retraités qui bénéficient actuellement de l’ITR la conserveront à vie. Je dis bien « à vie » ! Leur pouvoir d’achat ne baissera donc pas. Seuls ceux qui perçoivent les plus hautes retraites, soit 12 % des pensionnés, verront l’ITR plafonnée sur dix ans. En Polynésie, le plafond sera fixé à 18 000 euros par an. Compte tenu du montant des retraites dans le secteur privé, en particulier en Polynésie française, je ne pense pas qu’une telle indemnité, qui plus est garantie à vie et versée en plus de la retraite, puisse être considérée comme un scandale républicain. L’avantage me paraît maintenu dans de bonnes conditions.
Deuxième engagement, tous les fonctionnaires qui prendront leur retraite dans les dix prochaines années, pour peu qu’ils aient un lien avec le territoire d’origine ou qu’ils aient servi quinze ans outre-mer, bénéficieront à vie de l’ITR.
L’Assemblée nationale a voulu distinguer les territoires situés dans le Pacifique et ceux situés dans l’océan Indien. Les députés ont considéré à juste titre que partir d’une majoration de 75 % ou de 35 % d’ITR pour amener tout le monde au même plafond nécessitait un traitement par pallier pour les territoires du Pacifique, d’où l’amendement adopté par l’Assemblée nationale.
Afin que la Haute Assemblée soit pleinement informée, j’indique que le plafond pour tous les fonctionnaires qui partiront à la retraite dans les dix prochaines années dans l’océan Indien sera fixé à 8 000 euros au maximum ; cette indemnité est garantie à vie et versée en plus de la retraite.
Monsieur Flosse, votre calcul est faux. On ne peut pas additionner les choses comme vous le faites. En affirmant que les fonctionnaires perdront la moitié de leur revenu, vous comptabilisez le traitement du fonctionnaire en activité et l’ITR du fonctionnaire à la retraite. Vous savez très bien que, en partant à la retraite, le revenu d’un fonctionnaire subit une décote de 25 %. Vos chiffres sont donc destinés à frapper les esprits, mais ils ne correspondent pas à la réalité.
Il en va de même des 300 millions d’euros que l’État voudrait, selon vous, économiser sur le dos de la Polynésie. Cette somme de 300 millions d’euros représente l’ITR pour l’ensemble de l’outre-mer. Pour la Polynésie, la dépense de l’État s’élève à 88 millions d’euros. Dans dix ans, si la réforme est adoptée et appliquée, il y aura donc 10 millions d’euros en moins. Mais ne venez pas me dire que cela mettra à mal l’économie de la Polynésie, même si j’ai bien conscience du poids des fonctionnaires dans l’économie locale !
Je le répète, le Gouvernement n’a pas pour ambition de faire de la Polynésie un lieu de résidence pour retraités de la fonction publique ! Il souhaite que ce territoire puisse prospérer grâce au tourisme et à l’activité des entreprises. Dans dix ans, les 10 millions d’euros de dépenses en moins de l’État seront largement compensés par les efforts qu’il réalisera dans ces secteurs.
Troisième engagement, pour les fonctionnaires qui prendront leur retraite entre les années 2019 et 2028, il y aura chaque année un plafond différent d’ITR, mais nous leur garantissons à eux aussi une indemnité à vie.
Quatrième engagement, le Gouvernement mettra en place un système de retraite complémentaire fondé sur des cotisations. Ce système de prélèvement sera cette fois-ci juste et incontestable, puisque tous les agents de toutes les fonctions publiques sur tous les territoires, y compris les Antilles qui pour l’instant ne bénéficient pas du dispositif, seront concernés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, le Gouvernement ne supprime pas l’ITR pour laisser les fonctionnaires en déshérence. Les réalités économiques ne lui ont pas échappé. Nous transformons un système injuste afin de parvenir à plus d’équité, en prévoyant une génération pour le faire.
Je sais que beaucoup de parlementaires sur les travées de cette assemblée auraient souhaité que nous allions plus vite et plus fort. Cela me permet de répondre à l’argument de brutalité que l’on oppose au secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Pour ma part, j’ai essayé de préserver les équilibres du dispositif et d’éviter les effets négatifs qui ont été soulignés.
Enfin, je voudrais dire que le Gouvernement n’impose rien. Il ne cherche pas à vous priver du débat ni de votre droit d’amendement, que vous exercerez très librement ce soir.
Je veux surtout souligner que le dialogue social a bien eu lieu. Ce n’est pas parce qu’un consensus ne s’est pas dégagé que la concertation ne s’est pas déroulée. J’ai en effet passé de longues heures avec l’ensemble des organisations syndicales (M. Gaston Flosse fait un signe de dénégation.) à discuter de la mise en œuvre de ce dispositif dans les territoires. Contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure, je n’ai pas le sentiment qu’en réalisant vingt et un déplacements en neuf mois, en passant quarante-deux nuits dans les avions et en parcourant plus de 350 000 kilomètres, j’ai fait du tourisme. J’ai fait mon métier, celui qui consiste à être proche des territoires.
Je le répète, j’ai rencontré toutes les organisations syndicales. La CFDT, qui est un grand syndicat et l’un des premiers dans le Pacifique, a approuvé cette réforme et annoncé qu’elle l’accompagnera. Tel n’aurait pas été le cas si aucune concertation n’avait eu lieu. Ce n’est pas parce qu’un certain nombre de syndicats ne sont pas d’accord avec ce dispositif qu’il n’y a pas eu de discussions préalables.
Voilà donc une disposition qui était attendue : elle est juste, parce qu’elle évolue dans le temps ; elle prend en compte les réalités très différentes des territoires ; elle apporte une garantie forte aux fonctionnaires, celle que l’ITR sera transformée en retraite complémentaire pour l’outre-mer.
Ce système juste répond aux attentes et aux nombreux rapports des parlementaires, qui, depuis dix-huit ans, demandent cette réforme. Ce sera l’honneur de cette majorité de l’avoir accomplie dans des conditions aussi souples et négociées que celles que vous propose le Gouvernement aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote, sur l'article.
M. Simon Loueckhote. J’aimerais faire part du sentiment de malaise que j’éprouve au moment d’examiner l’article 63, qui ne concerne finalement que quelques collectivités d’outre-mer.
Hier, j’ai été présent en séance tout l’après-midi et toute la soirée. J’ai donc assisté à une grande partie de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’ai tout entendu et tout compris ! C’est pourquoi je crains que les gens de l’outre-mer ne soient un peu perçus comme des profiteurs du système. Je m’en explique.
Au cours de la séance de nuit, un débat de trente à quarante-cinq minutes a eu lieu sur le montant de la retraite devant être versé à une partie de nos concitoyens. Quel était le montant de la retraite concerné ? 550 euros !
En l’occurrence, nous parlons d’une indemnité qui s’ajoute à la retraite et qui pourrait être plafonnée à 8 000 euros, voire davantage selon ce que décidera le Parlement. Je me dis que le combat que nous menons peut paraître totalement injuste vis-à-vis de ceux qui ne percevront qu’une retraite de 550 euros !
Dans le même temps, M. le secrétaire d’État nous indique que le système en place est inéquitable, puisqu’une partie de l’outre-mer bénéficie de l’indemnité – la Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna –, et l’autre pas – la Guadeloupe, la Martinique, les Antilles en général, et la Guyane.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ce sont des départements !
M. Simon Loueckhote. Certes, monsieur le rapporteur, mais les fonctionnaires d’État en poste dans ces départements d’outre-mer n’ont pas les mêmes avantages que les fonctionnaires originaires de collectivités comme la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française ou Wallis-et-Futuna.
Il faut également savoir que les fonctionnaires d’État originaires de la Guadeloupe, de la Réunion, de la Martinique ou de la Guyane qui sont en poste en métropole ont un certain nombre d’avantages que n’ont pas les fonctionnaires de l’État originaires de la Nouvelle Calédonie. C’est aussi une injustice.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il y a des injustices dans le système !
M. Alain Vasselle. Il faut effectivement faire quelque chose !
M. Simon Loueckhote. C’est la raison pour laquelle je réitère une demande que j’avais déjà formulée à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2008, alors que siégeaient au banc du Gouvernement Christian Estrosi et Éric Woerth. J’avais en effet proposé de créer un groupe de travail chargé de réfléchir à toutes ces questions. En effet, une vraie politique de l’outre-mer ne consiste pas simplement à verser de l’argent à ces territoires, elle doit tout remettre à plat !
En 1952, lorsque les autorités de l’époque ont décidé par décret que la majoration serait de 35 % à la Réunion, de 75 % en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna et de 40 % à Saint-Pierre-et-Miquelon, aucun d’entre nous n’était encore présent pour dire que cette décision était injustifiée. Nous ne pouvons donc pas pointer du doigt un système qui existe depuis longtemps.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Autre temps, autre monnaie …
M. Simon Loueckhote. Je ne connais aucun parlementaire d’outre-mer qui ne soit pas favorable à une réforme, mais à condition que tout soit remis à plat et que l’on regarde précisément ce qu’il convient de faire pour l’outre-mer. Nous avons en effet toujours demandé que l’on ne fasse pas n’importe quoi !
Évitons d’opposer les Français entre eux !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. C’est un raccourci !
M. Simon Loueckhote. Je ne le crois pas, car c’est mon sentiment.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les agents hospitaliers ont-ils droit à ces faveurs ?
M. Simon Loueckhote. Certains y ont droit, et d’autres non.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et pourquoi ?
M. Simon Loueckhote. Je le reconnais, c’est aussi une injustice.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Quid des salariés du privé ?
M. le président. Ne recommencez pas le débat, mes chers collègues !
M. Simon Loueckhote. Il ne faut donc pas seulement traiter une petite partie, mais l’ensemble du problème. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. M. Loueckhote a raison : ce système comporte beaucoup d’injustices comme, par exemple, les avantages qu’ont les fonctionnaires originaires des Antilles et de Guyane et dont ne bénéficient pas les fonctionnaires originaires d’autres parties de l’outre-mer.
C’est pourquoi je proposerai une réforme concernant l’ensemble de l’outre-mer. Il n’y a pas de raison que des avantages en matière de retraite – j’ai parlé de la retraite complémentaire qui remplacera l’ITR – ou les congés bonifiés bénéficient aux uns et pas aux autres.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. La volonté du Gouvernement est de traiter l’ensemble de l’outre-mer de façon égalitaire et le mieux possible. C’est la raison pour laquelle nous engageons cette réforme, qui était souhaitée, je crois, depuis longtemps. En tout cas, nous avons le courage de le faire.
Il est toujours plus difficile de réformer que de ne rien faire, mais un certain nombre d’avantages nouveaux viendront apporter des réponses aux demandes légitimes des territoires de la Polynésie et de l’océan Indien. C’est le travail qui m’a été demandé et que j’ai entrepris au sein du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous aurez donc satisfaction de ce point de vue-là.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements déposés à l’article 63, appelé en priorité.
Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 464 rectifié, présenté par MM. Tuheiava, S. Larcher, Lise, Gillot, Patient et Antoinette, est ainsi libellé :
I - Au début du II de cet article, remplacer le millésime :
2009
par le millésime :
2010
II - En conséquence, dans le premier alinéa des III et IV et dans les premier et deuxième alinéas du V, remplacer le millésime :
2009
par le millésime :
2010
La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Le présent amendement a pour objet de repousser l’entrée en vigueur de la réforme de l’ITR du 1er janvier 2009 au 1er janvier 2010.
En suspendant momentanément l'application de la loi, il s'agit, dans l'intervalle, de réaliser une étude de l'impact économique et social de la réforme, micro-économiquement et macro-économiquement, dans chacune des collectivités d'outre-mer concernées.
L'examen au Parlement de cette évaluation créera, à notre sens, les conditions d'une véritable concertation avec les élus de l’outre-mer et les partenaires sociaux locaux.
Les effets d'aubaine doivent être corrigés et le dispositif datant de 1952 doit être adapté, tout le monde en convient.
Toutefois, vous savez comme moi, mes chers collègues, que certaines collectivités françaises d’outre-mer connaissent une situation de marasme économique au plan local. Cette situation ne doit pas être confondue avec la récession économique nationale et internationale que nous connaissons aujourd'hui.
Aussi, trop rapidement mise en œuvre, mal calibrée, la réforme risque de produire l’effet inverse de sa destination première. Au lieu de corriger les abus et de rassurer les populations ultramarines quant au soutien indéfectible de l'État, elle crée d'ores et déjà un climat de défiance amplifiant les effets dévastateurs de la crise.
Plusieurs préavis de grève générale et illimitée ont été déposés dans plusieurs services de la fonction publique d’État en Polynésie française. M. le haut-commissaire de la République en Polynésie française, M. le directeur de l’institut universitaire de formation des maîtres, Mme la directrice du centre pénitencier de la Polynésie française, M. le Premier président et M. le procureur général près la cour d’appel de Papeete, M. le contre-amiral du commandement supérieur des forces armées en Polynésie française ont été les destinataires de préavis de grève le 4 novembre dernier, avec effet à compter du 12 novembre.
Nous sommes donc actuellement en pleine grève générale et illimitée des services de la fonction publique d’État en Polynésie française. C’est dans un tel contexte que je présente cet amendement.
Je voudrais également revenir sur la question du redéploiement des économies résultant de la réforme de l’ITR, qui ne me semble pas suffisamment clairement définie.
Bien évidemment, la question ne sera pas résolue dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais il serait fortement souhaitable que tout ou partie des économies réalisées par l’effet des dispositions du présent article fasse l'objet d'un redéploiement prioritaire en faveur des collectivités d'outre-mer concernées, afin de compenser l'impact de cette réforme sur les économies locales.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, agissons avec sagesse et repoussons l’entrée en vigueur de la réforme de l’ITR d’au moins une année ! Toute la fonction publique d’État en outre-mer et les populations derrière elle se souviendront de notre geste. En revanche, si cette réforme est appliquée dès le 1er janvier 2009, je puis vous assurer que les collectivités d’outre-mer y verront une trahison éhontée !
M. le président. L'amendement n° 226 rectifié, présenté par MM. Virapoullé, Detcheverry et Cointat, est ainsi libellé :
I. - Supprimer le dernier alinéa du II de cet article.
II. - Remplacer les deux dernières phrases du premier alinéa du III de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Ce plafond décroît selon les modalités fixées par le décret mentionné au IV.
III. - Supprimer le dernier alinéa du V de cet article.
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Tout d’abord, cet amendement ne s’est pas vu opposer l’article 40 de la Constitution parce qu’il ne coûte rien ; je tiens à souligner qu’il a été examiné à ce titre.
Ensuite, cet amendement concourt à la sécurisation juridique du texte du Gouvernement ; il ne va pas à l’encontre du processus mis en œuvre par le projet de loi.
Comme je l’ai indiqué en intervenant sur l’article, je dis oui à l’arrêt immédiat des abus du système, oui à la mise en place d’un plafonnement, mais non à la dégressivité à partir de 2018 et, surtout, non à la fin du système à la date couperet de 2028 !
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous dites que vous allez consulter très rapidement tous les partenaires sociaux et tous les intéressés afin d’instituer une retraite plus juste dans toutes les collectivités d’outre-mer, fondée sur un nouveau système. Dans ces conditions, pourquoi susciter de l’émotion, des grèves, bref créer des problèmes pour l’année 2008 ?
Je vous demande donc, mes chers collègues, de voter cet amendement. Tout en conférant une sécurité juridique au texte et en apaisant le climat, vous ferez œuvre utile en sanctionnant ce soir deux grandes avancées : l’arrêt des abus et le plafonnement du dispositif.
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du II de cet article :
L'indemnité temporaire de retraite n'est plus attribuée à de nouveaux bénéficiaires à compter du 1er janvier 2015.
La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai simultanément l’amendement n° 47.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 47, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du III de cet article :
Le montant des indemnités temporaires octroyées à compter du 1er janvier 2009 est égal au montant fixé à la date de première mise en paiement de l'indemnité. Il ne peut excéder un niveau annuel défini par décret selon la collectivité de résidence, dans le respect d'un montant maximum de 8 000 euros et d'un plafond maximum de 35 % du montant de la pension. Ce plafond décroît dans des conditions prévues par décret et devient nul à compter du 1er janvier 2018.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous débattons en ce moment des surpensions des fonctionnaires de l’État outre-mer. Cet avantage, baptisé indemnité temporaire de retraite ou ITR, est en fait une majoration des pensions de retraite de 35 % à 75 %.
La Cour des comptes a dénoncé son caractère inéquitable, mais aussi quelques abus et fraudes auxquels ce dispositif datant de 1952 donne lieu. De surcroît, bon nombre des quelque 33 000 bénéficiaires sont soumis à une imposition que l’on pourrait qualifier de « bienveillante ».
À ce sujet, tout a été dit et écrit. Depuis 2003, nous avons eu chaque année des débats passionnés…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. … et, chaque fois, le statu quo a perduré. La position de la commission des affaires sociales, au demeurant très proche de celle de la commission des finances, n’a pas changé sur ce dossier.
Nous considérons que, compte tenu de ses graves effets pervers, l’accès au bénéfice des surpensions doit être fermé le plus rapidement possible aux fonctionnaires partant en retraite, quitte à prendre des mesures en faveur des anciens bénéficiaires. Par là, nous ne faisons que reprendre les conclusions et les propositions du rapport conjoint de l’inspection générale des finances, de l’inspection générale de l’administration et du contrôleur général des armées remis au mois de novembre 2006.
En l’état actuel, les dispositions du projet de loi reposent sur un schéma d’une extrême progressivité et d’une très grande complexité puisqu’il sera toujours possible de partir en retraite avec une surpension jusqu’en 2028. Un tel délai nous semble beaucoup trop long. C'est pourquoi la commission des affaires sociales propose de « fermer le robinet » des surpensions aux nouveaux bénéficiaires dans six ans, à compter du 1er janvier 2015.
En ma qualité de rapporteur de la réforme des retraites de 2003, je puis vous assurer qu’il s’agit d’une position de compromis avantageuse pour les intéressés, tant ce dispositif est discutable.
Notre système de retraite comporte, il est vrai, de nombreuses dispositions inégalitaires et inéquitables. Mais, et je pèse mes mots, l’ITR est selon moi une vraie anomalie dans notre droit social. Rien ne justifie plus le maintien de cette mesure qui date de l’après-guerre. Il est même proprement stupéfiant qu’il ait fallu pas moins de cinq années et tant d’efforts pour que cette question fasse enfin l’objet d’une mesure législative dans le PFLSS ; je remercie, à cet égard, M. le secrétaire d’État.
Après avoir présenté la position de la commission des affaires sociales, je voudrais ajouter quelques propos plus personnels.
J’ai été pris à parti à maintes reprises au sujet des surpensions. Mon implication dans ce dossier depuis cinq années m’a valu, n’en doutez pas, un abondant courrier, de nombreuses lettres de soutien, mais aussi des lettres déplaisantes dont certaines se voulaient intimidantes. Cependant, je suis loin d’être un homme seul emporté par la passion de son sujet, puisque la commission des affaires sociales a adopté, pour la quatrième année consécutive, ces amendements.
Par ailleurs, la proposition de loi d’inspiration similaire que nous avions déposée conjointement au mois de juillet 2007 avec Catherine Procaccia et André Lardeux a été cosignée par un tiers du Sénat, soit par les deux tiers des sénateurs de la majorité.
Dans cette proposition de loi, nous souhaitions que les économies réalisées sur l’ITR soient réinvesties dans les territoires, et l’on ne peut guère nous suspecter de clientélisme ! Il n’est pas acceptable que l’enveloppe budgétaire destinée au logement social outre-mer soit presque deux fois moindre que celle qui est accordée à ces majorations de pension. Il s’agit, je le répète, d’un avantage non contributif, financé par l’ensemble des contribuables. À nos yeux, l’ITR est une question qui relève non pas de l’outre-mer mais de notre système de retraites.
J’entends tous les ans mettre en avant le coût de la vie et les difficultés inhérentes aux territoires d’outre-mer. Mais, tout en étant autant que vous, mes chers collègues, extrêmement attachés à ces territoires, je pense que tous les problèmes économiques et sociaux qu’a évoqués notamment Simon Loueckhote depuis qu’il est élu doivent faire l’objet d’une réflexion et être mis en œuvre dans des programmes spécifiques.
Sur les retraites, nous avons demandé des efforts très importants à nos concitoyens depuis 2003, voire, pour certains d’entre eux, depuis 1993. Hier, nous avons longuement discuté de la difficile revalorisation des petites pensions, qui concernent des millions de personnes.
Nous nous sommes engagés – et c’est l’une des seules avancées que nous ayons réussi à faire inscrire dans le code de la sécurité sociale – à ce que l’équité et la transparence soient les bases de notre système de retraites par répartition. Depuis la loi de 2003, des indications personnelles sont adressées à chaque assuré lorsqu’il approche de la retraite.
Aujourd’hui, on se rend compte que les efforts sont inégalement répartis. Or nous devons préserver le tissu social national.
Des réformes ont donc été décidées pour améliorer l’équité du dispositif. Avec les régimes par répartition, dont certains oublient totalement le sens, ce sont les cotisations d’aujourd’hui qui paient les pensions de demain. Aussi, le déficit démographique entraînera obligatoirement des difficultés.
Il est évident que, si l’on ne prend pas des mesures, forcément difficiles à mettre en œuvre et réparties sur l’ensemble de la population, le système s’écroulera. C’est mathématique !
La réforme de 2003 a été un énorme progrès. Pour la première fois depuis le rapport Rocard sur les retraites de 1991, resté sans suite pendant des années, un pouvoir politique, issu de notre majorité, a avancé des propositions pour placer le régime des retraites dans une meilleure perspective.
Il est très facile d’ironiser sur cette réforme de 2003, qui, selon certains, aurait échoué. C’est faux ! Jamais nous n’avions prétendu que cette réforme réglerait toute la question des retraites. Nous espérions un règlement des problèmes financiers à 30 %.
Or, parallèlement, il existe d’heureux allocataires bénéficiant de surpensions, assorties, pour certains, d’avantages exorbitants. On a parlé d’une fiscalité allégée, pour ne pas dire mieux ! Dans certains cas, cotiser 30 annuités valide 40 annuités.
Je m’inquiète donc vivement de la perspective de voir apparaître un mécanisme de relève des surpensions qui les étendrait à des territoires qui n’y ont pas droit aujourd’hui. Les exposés des motifs de certains amendements y font directement allusion.
Pour éclairer nos débats, il est indispensable de connaître la position du Gouvernement sur ce point. Sinon, à quoi servirait cet article du projet de loi de financement de la sécurité sociale ?
Par conséquent, mes chers collègues, la commission vous propose d’en finir une fois pour toutes avec ce véritable serpent de mer de la vie parlementaire qu’est l’indemnité temporaire de retraite.
J’ai entendu au cours de ce débat des propos très réalistes sur lesquels je suis totalement d’accord, n’est-ce pas cher collègue Virapoullé. Aujourd’hui, nous avons l’occasion de prendre des mesures nécessaires, dans l’intérêt des ressortissants des territoires concernés, mais aussi de l’ensemble de nos concitoyens.
Pour un grand nombre de nos concitoyens, l’avenir de leur retraite constitue un motif d’angoisse totalement légitime. La commission, pour sa part, reste attachée à certains principes d’équité et de transparence, ce qui est facile à dire, mais n’est pas toujours facile à appliquer. En tout cas, c’est dans cet état d’esprit qu’elle a tenu à travailler.
M. le président. L'amendement n° 407, présenté par MM. Flosse et Loueckhote, est ainsi libellé :
Après le mot :
excéder
rédiger ainsi la fin du premier alinéa du III de cet article
10 000 euros par an à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon et 18 000 euros par an en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française et à Wallis-et-Futuna. Ce plafond est supprimé à compter du 1er janvier 2028.
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Il s’agit de prendre en compte la différence du coût de la vie dans les départements et territoires d’outre-mer, entre la Réunion, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon d’une part, et les territoires du Pacifique d’autre part.
Nous demandons que le plafond soit élevé à 18 000 euros par an pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie Française et Wallis-et-Futuna.
M. le président. L'amendement n° 409, présenté par MM. Flosse et Loueckhote, est ainsi libellé :
Supprimer le IV de cet article.
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Il s’agit de supprimer les dispositions rétroactives qui prévoient un plafonnement de l’indemnité temporaire de retraite à partir du 1er janvier 2009.
Je voudrais maintenant m’adresser à M. Leclerc. Ce n’est pas la coutume qu’un sénateur demande au rapporteur de retirer ses amendements, c’est habituellement le contraire qui se produit. (M. le rapporteur sourit.) Mais, monsieur le rapporteur, la situation dans les pays d’outre-mer, et plus particulièrement ceux du Pacifique, est suffisamment difficile, nous sommes déjà suffisamment pénalisés par cet article 63, tel que l’a prévu le Gouvernement, pour que l’on n’en rajoute pas.
On nous dit qu’il y a eu une concertation, certes, mais seulement après que le Gouvernement a arrêté sa position en conseil des ministres ! Il y a eu des consultations à Paris avec les syndicats les plus importants, Force Ouvrière, CGT et autres. Puis, lorsque le ministre est venu en Polynésie Française, il y a eu également des discussions. Mais, je le répète, elles ont eu lieu après la décision prise par le Gouvernement d’arrêter ces différentes mesures, et force est de constater qu’aucune des suggestions, aucune des demandes formulées par les syndicats n’ont été retenues.
D’ailleurs, les syndicats sont à nouveau présents à Paris pour essayer une fois encore – j’ai l’impression que c’est peine perdue – d’infléchir la décision du Gouvernement. En fait, on leur tient ce langage : « Venez à Paris, non pour discuter de la loi elle-même, elle sera telle que nous l’avons décidée, mais, si vous le voulez, sur les décrets d’application de cette loi. »
Nous n’en sommes pas là ! Ce que nous demandons, avec nos amendements nos 464 rectifié bis et 405, c’est un délai d’un an pour nous permettre de nous asseoir autour d’une table et de discuter franchement des répercussions de ces mesures.
Bien sûr, nous parlons des retraites. Mais n’oublions pas que ces retraites d’État représentent un revenu financier important pour le territoire et qu’elles viennent en deuxième position après le tourisme et avant la perliculture.
Aussi, monsieur le rapporteur, les Polynésiens, les Calédoniens, les Wallisiens et tous les ressortissants d’outre-mer, vous seraient vraiment reconnaissants de bien vouloir retirer vos deux amendements.
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa du IV de cet article :
Le montant des indemnités temporaires octroyées avant le 1er janvier 2009 est plafonné à la valeur en paiement au 31 décembre 2008 et ne peut excéder un montant annuel défini par décret selon la collectivité de résidence.
La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n °48 est dans la continuité des deux précédents amendements de la commission. Il concerne les anciens bénéficiaires entrés dans le dispositif avant la date du 1er janvier 2009 et consiste à plafonner les surpensions à leur valeur du 31 décembre 2008. Ainsi, l’avantage n’augmentera plus en fonction de la hausse des prix mais il sera stabilisé en euros courants.
M. le président. L'amendement n° 408, présenté par MM. Flosse et Loueckhote, est ainsi libellé :
Après le mot :
défini
rédiger ainsi la fin de la première phrase du premier alinéa du IV de cet article :
selon le calcul suivant : le montant du plafond de l'indemnité temporaire au 1er janvier d'une année ultérieure à 2008 est égal au montant de l'indemnité temporaire constaté au 31 décembre 2008, minoré d'un dixième de l'écart entre ce montant et le plafond final multiplié par le solde de la soustraction entre l'année en cours et 2008.
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Cet amendement prévoit que le calcul de la différence de plafond entre l’océan Indien et le Pacifique soit basé sur le rapport existant entre les taux d’indexation, 35 % et 75 %.
Par conséquent, si le plafond est de 10 000 euros pour l’océan Indien, il devrait être de 24 400 euros pour le Pacifique, c’est-à-dire la Polynésie Française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna.
On nous a dit cet après-midi qu’il n’y avait pas d’impôt sur le revenu en Polynésie Française ; c’est vrai. Mais, alors que les fonctionnaires d’État en activité ne paient aucun impôt sur le revenu, les retraités, eux, paient un impôt, même s’il est très faible, je le reconnais. Par ailleurs, ils contribuent au fonds de solidarité territoriale qu’est le revenu de solidarité de la Polynésie Française, le RSPF. Pour ce fonds, les salariés en activité et les fonctionnaires paient une contribution directe plus lourde que l’impôt sur le revenu.
M. Gaston Flosse. Ajoutons qu’en Polynésie Française, le RMI n’existe pas.
M. Gaston Flosse. Il n’y a pas de caisse de chômage financée par l’État.
Ne m’en veuillez pas, monsieur Virapoullé, mais je dois dire que les fonctionnaires de la Réunion bénéficient à la fois des avantages des fonctionnaires métropolitains et des avantages des fonctionnaires résidant à la Réunion ! Ce n’est pas le cas pour les fonctionnaires retraités en Polynésie Française.
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du V de cet article :
L'indemnité temporaire de retraite n'est plus attribuée à de nouveaux bénéficiaires à compter du 1er janvier 2015.
La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n °49 vise à accélérer le calendrier de la mise en œuvre de la réforme des surpensions. Il reprend l’esprit des dispositions de la proposition de loi que j’évoquais tout à l’heure, cosignée par André Lardeux, Catherine Procaccia et un grand nombre de nos collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les différents amendements ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Vous comprendrez aisément, monsieur le président, que les amendements nos 464 rectifié, 226 rectifié, 407 et 409 reçoivent un avis défavorable de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 464 rectifié, qui vise à suspendre momentanément l’entrée en vigueur du dispositif institué par l’article 63.
Honnêtement, je ne vois pas l’intérêt de différer d’une année l’entrée en vigueur d’une réforme dont on accepte le principe.
M. Gaston Flosse. L’intérêt, c’est tout simplement de permettre la concertation !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Mais, monsieur le sénateur, contrairement à ce que certains prétendent, la concertation a déjà eu lieu.
M. Gaston Flosse. C’est faux !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Mais non ! L’examen du dispositif en conseil des ministres a été précédé d’une concertation.
À cet égard, je souhaite apporter une précision qui fera sans doute plaisir à M. le rapporteur. À l’origine, la position du Gouvernement était très proche de celle qui est aujourd'hui défendue par la commission des affaires sociales. Nous proposions également de stopper l’attribution de cette indemnité à de nouveaux bénéficiaires à compter du 1er janvier 2015, ce qui aurait conduit à l’extinction progressive du dispositif.
Et c’est justement en écoutant les syndicats, en négociant longuement avec eux, que nous avons écarté cette option. Bien entendu, il était impossible de rencontrer toutes les organisations représentatives au plan local, mais ce n’est pas très grave puisqu’elles sont toutes affiliées à de grandes centrales syndicales. C’est donc avec ces dernières que nous avons discuté et conçu la réforme.
D’ailleurs, la CFDT, qui est – je le rappelle – le premier syndicat de Nouvelle-Calédonie et l’un des plus importants de Polynésie française, est favorable au dispositif que nous vous proposons. Qui peut croire qu’elle soutiendrait une réforme décidée en l’absence de toute négociation ? Ce serait lui faire insulte ! En réalité, nous avons longuement discuté.
M. Gaston Flosse. C’est faux !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. À mon sens, la proposition des auteurs de cet amendement est un peu démagogique. Contrairement à ce que certains voudraient faire croire, il n’est pas possible de modifier l’équilibre général de la réforme, car nous sommes bel et bien parvenus à un point d’équilibre. On peut l’accepter ou le refuser, ce qui est tout à fait légitime, mais différer d’un an l’entrée en vigueur du dispositif ne changerait rien.
D’ailleurs, cela fait dix-huit ans, depuis 1990, que l’on reporte une telle réforme. Il est un moment où les atermoiements doivent cesser.
L’amendement n° 226 rectifié concerne le système de retraite complémentaire. Nous devons effectivement travailler sur cette question en discutant avec les organisations syndicales, fidèles à l’esprit de dialogue qui a été le nôtre jusqu’à présent.
Simplement, dans la mesure où la réforme n’entrera en vigueur dans son intégralité que dans vingt ans, nous avons largement le temps de concevoir et d’instituer un dispositif adapté d’ici à cette échéance. Il n’y a donc aucune raison de ne pas mettre la réforme en œuvre ou de ne l’appliquer que partiellement.
Au demeurant, monsieur Virapoullé, sans une réforme d’ensemble, il y aurait un grand risque de voir l’ITR disparaître complètement pour des raisons constitutionnelles. En effet, ce dispositif, qui ne s’adresse pas à tous les territoires, n’est pas équitable. Si nous ne mettions pas un terme à cet état de fait, sa pérennité serait à la merci de n’importe quelle saisine du Conseil constitutionnel, voire du Conseil d'État.
Nous devons donc mettre en œuvre la réforme dans son intégralité et, au cours des vingt prochaines années, pendant qu’une génération continuera de bénéficier de l’ITR, nous pourrons faire monter en puissance le dispositif appelé à remplacer cette indemnité.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 226 rectifié.
Monsieur le rapporteur, je ne vous cache pas que l’amendement n° 46 pose un problème au Gouvernement.
En proposant qu’aucun nouveau bénéficiaire ne perçoive l’ITR à compter du 1er janvier 2015, vous suggérez de revenir à ce qui était notre position initiale. Mais, comme je l’ai déjà indiqué, l’option que nous avons retenue résulte des discussions que nous avons eues avec les organisations syndicales.
Certes, je sais bien que la représentation nationale n’est pas engagée par les négociations que nous menons.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, mais elle les respecte !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. À l’instar de M. le président de la commission des affaires sociales, je pense effectivement qu’elle en sera respectueuse.
L’équilibre auquel nous sommes parvenus est un équilibre fragile. Nous voulons concilier les exigences de rationalisation formulées par les assemblées parlementaires et par la Cour des comptes, qui est tout de même – faut-il le rappeler ? – une juridiction, et les intérêts des fonctionnaires de l’État en poste dans les territoires concernés. À ce sujet, je profite de l’occasion qui m’est offerte pour exprimer la reconnaissance du Gouvernement envers ces agents et pour saluer la qualité de leur travail.
Monsieur le rapporteur, si nous adoptions votre amendement, nous remettrions en cause l’équilibre que je viens de décrire. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 46.
L’amendement n° 47 vise à déterminer le montant du plafond des indemnités temporaires octroyées à compter du 1er janvier 2009. Or il s’agit d’une disposition d’ordre réglementaire. Au demeurant, le Gouvernement a pris des engagements, et je vous confirme que le plafond sera bien fixé à 8 000 euros.
En outre, grâce à l’adoption d’un amendement déposé par des députés du Pacifique, les disparités entre les collectivités de cette zone et celles de l’océan Indien ne seront pas trop significatives. D’ailleurs, monsieur Flosse, j’ai proposé aux intersyndicales de venir me rencontrer pour évoquer cette disposition.
Vous le voyez, pour moi, le mot « concertation » a une signification. Quand je convie les partenaires sociaux, c’est pour négocier sur des éléments concrets, et non pour adopter des postures dans un sens ou dans un autre.
Par conséquent, monsieur le rapporteur, le Gouvernement sollicite également le retrait de cet amendement.
L’amendement n° 407 vise aussi à inscrire dans la loi le plafond de l’indemnité pour les nouveaux bénéficiaires dans certaines collectivités ou départements ultramarins. Là encore, il s’agit d’une mesure d’ordre réglementaire.
En outre, afin de répondre à certaines critiques, pas toujours injustifiées, portées à l’encontre de l’application du dispositif dans le Pacifique, nous avons décidé d’instituer un palier spécifique à cette zone. Je le rappelle, l’ITR est de 75 % dans le Pacifique, contre 35 % dans l’océan Indien. Déterminer un plafond à l’ITR nécessite de fixer un palier pour le Pacifique, faute de quoi la réduction de l’indemnité serait trop brutale dans les premières années pour les populations concernées, même si, s’ajoutant aux pensions, il s’agit de sommes tout à fait considérables.
Quoi qu’il en soit, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement n° 409.
L’amendement n° 48, qui concerne le lissage du plafonnement prévu par l’article 63, va me donner l’occasion de montrer à M. le rapporteur que le Gouvernement n’est pas fermé à tous les amendements déposés par la commission des affaires sociales. (Sourires.) En effet, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
L’amendement n° 408, qui vise à fixer un plafond identique entre les bénéficiaires actuels de l’ITR et les futurs entrants, va à l’encontre de notre objectif de sortie en sifflet, voire de suppression progressive, du dispositif. Si nous instituons des plafonds très hauts, il y aura des problèmes de décrochage, même dans vingt ans, et nous ne parviendrons pas à amorcer l’évolution que nous souhaitons.
Par ailleurs, et je réponds ainsi à une question qui m’a été adressée, nous avons réalisé des simulations, mais je tiens à préciser que cette réforme a pour objectif principal non pas de permettre des économies, mais de rendre juste un système qui ne l’est pas.
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, sur les 80 millions d’euros concernant la Polynésie française, si la réforme est adoptée, dans une dizaine d’années, nous pouvons espérer une économie de 10 millions d’euros, dont 60 % serviront à abonder le fonds exceptionnel d’investissement pour l’outre-mer.
Vous le voyez, il s’agit de montants extrêmement faibles. Comme le démontrent les études réalisées sur le sujet, la réforme que nous proposons ne déséquilibrera pas les économies locales. Ceux qui prétendent le contraire font de la désinformation. Mais peut-être ont-ils des arrière-pensées liées à des combats autres que la recherche d’un système de retraites plus rationnel et plus juste…
Enfin, monsieur le rapporteur, l’amendement n° 49 appelle les mêmes observations que l’amendement n° 46.
Si nous décidions de cesser d’attribuer l’ITR à de nouveaux bénéficiaires dans six ans, nous déséquilibrerions la réforme, nous ne respecterions pas la négociation sociale et nous mettrions en difficulté l’accord que j’ai évoqué tout à l’heure.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la position du Gouvernement est une position d’équilibre. À ce titre, elle ne satisfait ni ceux qui voudraient aller plus vite et plus loin ni les partisans du statu quo. Ainsi, le chemin que nous avons choisi est sans doute étroit, mais je remercie ceux qui accepteront de l’emprunter, car c’est le chemin du progrès !
M. Michel Mercier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse, pour explication de vote sur l'amendement n° 464 rectifié.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, je souhaiterais joindre l’amendement n° 405, que j’ai cosigné avec M. Simon Loueckhote, à la discussion de l’amendement n° 464 rectifié. Ces deux amendements ont le même objet, à savoir le report de l’entrée en application du dispositif prévu par l’article 63 au 1er janvier 2010, plutôt qu’au 1er janvier 2009.
M. le président. Monsieur Flosse, l’amendement n° 405 ne peut faire l’objet d’une discussion commune avec l’amendement n° 464 rectifié, dans la mesure où il vise à compléter l’article 63 par un nouveau paragraphe.
En revanche, si vous le rectifiez en le rendant identique à l’amendement n° 464 rectifié, je pourrai donner satisfaction à votre demande. Que décidez-vous ?
M. Gaston Flosse. Les deux amendements ayant le même objet puisqu’ils tendent l’un et l’autre à repousser l’application de la réforme au 1er janvier 2010, j’accepte de rectifier l’amendement n° 405 dans le sens que vous indiquez.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dans ces conditions, l’amendement n° 405 rectifié visera uniquement les paragraphes II, III, IV et V, sans incidence sur les autres dispositions de l’article.
Est-ce bien là votre souhait, monsieur Flosse ?
M. Gaston Flosse. Tout à fait, monsieur le président de la commission !
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 405 rectifié, présenté par MM. Flosse et Loueckhote, et ainsi libellé :
I - Au début du II de cet article, remplacer le millésime :
2009
par le millésime :
2010
II - En conséquence, dans le premier alinéa des III et IV et dans les premier et deuxième alinéas du V, remplacer le millésime :
2009
par le millésime :
2010
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Gaston Flosse. Lors de la reprise de la séance, j’ai cherché à dépassionner le débat.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous l’avons bien senti !
M. Gaston Flosse. Je voulais que nous puissions discuter sereinement de l’article 63 et de ses amendements. Mais, monsieur le secrétaire d’État, vos commentaires sur nos propositions me poussent à sortir encore de mes gonds !
Il est tout de même regrettable que vous osiez accuser les élus ultramarins de désinformation, alors que c’est vous qui vous en rendez coupable !
Vous prétendez que des discussions auraient été menées avec les syndicats. Mais la vérité est que vous avez seulement consulté les grandes centrales syndicales, comme la CFDT ou FO, c'est-à-dire des organisations qui ne représentent pas les fonctionnaires d’État en Polynésie française. Ces derniers ont leurs propres syndicats, purement locaux, bien que parfois rattachés à de grandes centrales. Et ce n’est pas aux directions parisiennes de la CFDT ou de FO de s’exprimer au nom des fonctionnaires basés en Polynésie française, à 20 000 kilomètres de distance ! Soyons raisonnables.
Vous n’avez procédé à aucune consultation avant la décision du Conseil des ministres. C’est après cette dernière que vous êtes venu rencontrer les syndicats en Polynésie française.
Il est faux de prétendre, comme vous le faites, que les discussions durent depuis 1990. Certes, les présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat ont essayé chaque année de faire adopter cette réforme de l’ITR, mais ils n’y sont jamais parvenus, parce que le Président de la République de l’époque, Jacques Chirac (Murmures sur les travées du groupe socialiste), s’est toujours opposé à toute atteinte aux droits des populations d’outre-mer. Il faut dire qu’il existait alors une culture de l’outre-mer qui a disparu aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Richard Tuheiava, pour explication de vote.
M. Richard Tuheiava. L’article 63 a suscité le dépôt de vingt amendements, soit le nombre le plus élevé d’amendements par article au sein de ce PLFSS, hormis l’article 45, ce qui donne une idée de l’importance de ce débat.
Nous discutons en ce moment non pas uniquement d’un article relatif à une réforme budgétaire, mais du modèle de société que le Gouvernement entend mettre en place en outre-mer pour les vingt prochaines années.
Il a été question tout à l’heure d’un fonds exceptionnel d’investissement pour l’outre-mer. Dès lors, pourquoi l’Assemblée nationale a-t-elle adopté un amendement de M. Censi visant à redéployer les économies réalisées par la réforme de l’ITR au profit de la ligne budgétaire « éducation et programmes pédagogiques » dans le cadre du budget général de l’État ? Nous nous attendons d’ailleurs à voir surgir d’autres amendements de ce type dans les prochains mois !
S’agissant de la consultation préalable, à l’évidence, nous, parlementaires, la concevons d’une certaine manière, et le Gouvernement, d’une autre. C’est déjà ce que j’ai constaté hier soir, lors du débat sur l’article visant les retraites des pilotes de transports aériens.
Il faut tout de même rappeler que, selon l’information qui avait été donnée aux organisations syndicales, représentatives ou non, le projet de réforme de l’ITR visé par l’article 63 était destiné à corriger les abus et non pas à aller jusqu’à la suppression de l’indemnité.
Il est certes possible de consulter les organisations syndicales sur une partie d’un projet de loi, mais, en l’occurrence, la question qui se pose est de savoir si les organisations syndicales représentatives de l’outre-mer ont été consultées au sujet de la suppression de l’ITR.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Monsieur Flosse, je n’ai aucune envie de polémiquer avec vous ni avec aucun des membres de cette assemblée et je me félicite que, à la reprise de nos travaux, vous ayez trouvé un ton nouveau et cessé de personnaliser le débat à l’extrême, comme vous l’avez fait en fin d’après-midi. En effet, le projet qui vous est soumis émane non pas d’un homme en particulier, fût-il secrétaire d’État, mais du Gouvernement de la France, que j’ai l’honneur de représenter dans cette enceinte. Nous ne gagnerons rien à personnaliser le débat, sauf à changer sa nature, qui est celle de la défense de l’intérêt général.
Je vous confirme à vous-même, ainsi qu’à monsieur Tuheiava, que les consultations ont eu lieu dès la fin août et durant tout le mois de septembre, avant le passage du texte en Conseil des ministres, lequel l’a approuvé le 13 octobre, après que la CFDT, notamment, a donné son accord. En effet, c’est grâce à la discussion avec les syndicats que le texte qui vous est soumis aujourd'hui est beaucoup moins restrictif. Je l’ai déjà dit à deux reprises, mais j’espère que, cette fois-ci, vous me croirez.
Quant aux organisations syndicales de terrain, elles ont toutes été entendues. Je n’ai pas la totalité du dossier entre les mains, mais je peux vous citer le texte suivant émanant de la Confédération syndicale des travailleurs de Nouvelle-Calédonie, qui compte parmi les nombreux syndicats d’outre-mer ayant apporté leur soutien à cette réforme : « Dans un pays où beaucoup de retraités touchent moins de 50 000 francs de retraite par mois pour survivre, il est malsain et provocateur que des soi-disant responsables syndicaux appellent à manifester pour maintenir un système d’injustice sociale qui fait augmenter de manière injustifiée les retraites de certains. Nous conseillons au gouvernement français de supprimer d’urgence cette prime qui lui ferait économiser environ 1,5 milliard d’euros par an, rien qu’en Nouvelle-Calédonie. »
Ce n’est pas parce que vous êtes contre cette réforme qu’il faut nier le fait qu’un certain nombre de syndicats la soutiennent. Ils en ont le droit et sont aussi représentatifs que les autres. Il faut respecter ceux qui n’ont pas la même position que vous : c’est cela la démocratie sociale, c’est cela la démocratie telle qu’elle doit s’exercer dans cette assemblée.
Je vous invite à abandonner l’idée selon laquelle nous aurions effectué un passage en force, sans aucune concertation. D’ailleurs, le débat de ce soir montre que chacun peut s’exprimer. Je conçois parfaitement que des divergences existent, mais, de grâce, ne dites pas des choses qui ne sont pas vraies !
J’ai la preuve que les organisations syndicales nationales et locales ont été consultées et que certaines d’entre elles ont donné leur accord, notamment l’Union des syndicats des ouvriers et employés de Nouvelle-Calédonie, l’USOENC, le premier syndicat représentatif de la Nouvelle-Calédonie, dont les représentants, que j’ai rencontrés la semaine dernière à Nouméa, ont réitéré publiquement leur soutien à cette réforme.
Il ne s’agit pas d’opposer les uns aux autres. Je comprends parfaitement que certains syndicats soient contre ces dispositions, en raison notamment d’intérêts corporatistes, tout à fait légitimes au demeurant. En revanche, je ne peux laisser penser que le Gouvernement n’aurait pas joué le jeu de la concertation.
Croyez-moi, j’ai dépensé beaucoup d’énergie, passé du temps, de nombreuses nuits dans les avions, pour faire en sorte que cette concertation existe. Si le texte qui vous est proposé aujourd’hui n’est pas la traduction exacte de la position de la commission des affaires sociales et de la commission des finances de la Haute Assemblée, c’est bien parce que des progrès ont été faits grâce aux discussions avec les syndicats. C’est ainsi que je conçois le dialogue social.
M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote, pour explication de vote.
M. Simon Loueckhote. Monsieur le secrétaire d’État, je regrette que vous vous référiez à ce syndicat, dont les membres sont opposés à la France.
Voilà tout juste six mois, ce syndicat a bloqué une grande entreprise française présente en Nouvelle-Calédonie depuis plus de cent ans et lui a fait perdre plusieurs centaines de millions d’euros ! (MM Jean-Paul Virapoullé et Gaston Flosse applaudissent.)
Le leader signataire du texte que vous nous avez lu a été payé plusieurs dizaines de millions d’euros pour rester tranquille ! Et c’est cette référence que vous prenez ?
M. Simon Loueckhote. Ce faisant, vous condamnez l’ensemble des Français qui vivent dans cette collectivité d’outre-mer.
M. Jean-Paul Virapoullé. Oui !
M. Simon Loueckhote. Peut-être devrais-je entonner la Marseillaise dans cet hémicycle ? Est-ce cela que vous voulez, monsieur le secrétaire d'État ?
M. Simon Loueckhote. Souvenez-vous, mes chers collègues, j’ai tenu les mêmes propos de révolte lorsque l’on a empêché les Français de s’exprimer sur une partie du territoire national, en Nouvelle-Calédonie en l’occurrence.
Je suis scandalisé par les propos que je viens d’entendre, monsieur le secrétaire d'État ! La CFDT n’est pas présente en Nouvelle-Calédonie !
M. Simon Loueckhote. L’USOENC n’est pas la CFDT ! Vous avez parlé de la CFDT ! Cessez la désinformation ! Contrairement à ce que vous dites, ce n’est pas nous qui faisons de la désinformation, c’est vous !
M. Jean-Paul Virapoullé. Voilà !
M. le président. Mes chers collègues, gardons autant que faire se peut le ton calme qui sied au Sénat !
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Virapoullé. Je fais partie de ceux qui veulent avancer, faire deux grands pas, comme je l’ai dit précédemment, c'est-à-dire supprimer les abus et plafonner l’ITR.
En revanche, je ne veux pas avancer dans le brouillard et dans le mensonge.
En 2000, la suppression des primes de déménagement a été votée. Le gouvernement Jospin à l’époque – tous les gouvernements tiennent le même discours, quelle que soit leur couleur politique – nous avait annoncé que les collectivités d’outre-mer allaient récupérer le produit de cette réforme. Or c’est budgétairement impossible.
Aujourd'hui, je vote la réforme de l’ITR parce que les abus sont intolérables et que le plafonnement du dispositif s’impose, mais non pas pour la carotte, autrement dit pour l’illusoire récupération des économies réalisées au profit des investissements outre-mer.
Ainsi, lorsque le ministère de l’éducation nationale, comme les autres ministères, les douanes, la police, la fonction publique gèrent leur budget du personnel, ils gardent les crédits qui lui sont affectés. Personne ne vient en fin d’année apporter son obole pour l’investissement outre-mer.
Cette carotte, c’est de la roupie de sansonnet ; elle ne vaut pas un kopek ! Je vous en prie, monsieur le secrétaire d’État, soyons responsables et dignes dans cette réforme. Ne racontons pas n’importe quoi pour endormir les gens !
J’ai quarante ans de vie politique. Grâce à ceux qui m’ont fait confiance et, peut-être pour cette raison, j’avance dans la transparence, dans l’honnêteté. Je suis pour une réforme, pour que nous avancions dans un climat de responsabilité et de solidarité partagées.
Mais, de grâce, ne faites pas croire aux départements et territoires d’outre-mer qu’ils vont récupérer un seul centime d’euro de cette réforme. Je n’accuse personne de mensonge, mais je dis cela au nom du respect que je dois à celles et à ceux qui m’ont fait confiance en m’envoyant dans cette Haute Assemblée qui fait honneur à la France et à la démocratie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 464 rectifié et 405 rectifié
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 40 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 144 |
Contre | 196 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 226 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, les amendements nos 46 et 47 sont-ils maintenus ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La démarche de la commission des affaires sociales, les propositions qu’elle a avancées, les positions qu’elle a prises ne se sont jamais situées que dans le cadre des retraites.
Nous le savons, il existe depuis un certain temps des spécificités dans certains corps sociaux ou dans certaines zones géographiques, qui permettent que trente années cotisées équivalent à quarante annuités validées, avec des fiscalités très éloignées des nôtres, puisque certaines sont même négligeables.
La commission des affaires sociales considère qu’aujourd'hui les paramètres doivent se rapprocher et devenir identiques pour tous nos concitoyens, quel que soit le régime dont ils relèvent.
Notre discussion porte sur les pensions d’État. Dans le cadre de la réforme de 2003, certains efforts ont été demandés aux agents des trois fonctions publiques de la métropole. En contrepartie de ces avancées, qui tendaient à se rapprocher de celles qui étaient exigées des salariés du privé, certains accommodements ont été créés. Je pense plus particulièrement au régime additionnel de la fonction publique qui est en place, à la satisfaction de tous les fonctionnaires de l’État, depuis maintenant un certain nombre d’années.
M. Guy Fischer. Quatre ans !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Oui !
Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai alerté sur le problème des compensations. Vous comprendrez qu’aujourd'hui, dans un souci d’équité, de transparence, de rapprochement de certains critères, nous imaginions la création d’un régime additionnel, identique à celui des fonctionnaires de la métropole, qui soit applicable à l’ensemble des territoires ultramarins. Nous sommes là dans une démarche de logique et de justice.
J’ai évoqué les courriers électroniques que j’ai reçus. Si certains étaient agressifs, d’autres nous encourageaient à continuer, sur le fondement de considérations semblables.
Toutes ces iniquités, toutes ces différences sont de plus en plus difficilement comprises, et je n’évoque pas les abus, car nous sommes bien conscients qu’ils sont marginaux.
Mes chers collègues, je vous rappelle, car d’aucuns l’oublient souvent, que le salaire des fonctionnaires ultramarins est composé du traitement indiciaire, auquel s’ajoutent des indemnités et des primes diverses, qui sont la contrepartie de la vie chère et de l’éloignement. Une fois à la retraite, le montant de la pension de ces fonctionnaires est calculé sur le seul régime indiciaire, hors primes : pour les plus petits salaires, cela peut provoquer une baisse conséquente !
C’est pour cette raison qu’il serait intéressant de faire bénéficier du régime additionnel de la fonction publique l’ensemble des agents de la fonction publique d’État et de la fonction publique territoriale, qu’ils soient de métropole ou d’outre-mer.
Nous sommes conscients d’avoir fait avancer la réflexion aujourd'hui et nous assumons la responsabilité du débat qui vient d’avoir lieu.
Nos collègues de gauche ont beau jeu de protester : il est plus facile de ne rien faire, cela permet d’éviter les critiques. Il n’est qu’à voir le destin du rapport Rocard que j’ai évoqué tout à l’heure !
Aujourd'hui, notre système de retraite est en difficulté pour les raisons que vous connaissez. Il revient donc au Parlement de prendre avec le Gouvernement des mesures courageuses. Celle qui est proposée à l'article 63 en est une. Je regrette seulement, mais très vivement, la date qui a été retenue car, d’une certaine façon, elle nous déconsidère : 2028, c’est vraiment trop loin ! Un terme médian aurait pu être trouvé : j’ai proposé la date de 2015, un peu par esprit de provocation, il est vrai, mais nous aurions pu nous accorder sur une échéance plus réaliste.
Cela dit, monsieur le président, je retire l'amendement n° 46 ainsi que l'amendement n° 47.
M. le président. Les amendements nos 46 et47 sont retirés.
Monsieur Flosse, l'amendement n° 407 est-il maintenu ?
M. Gaston Flosse. Oui, monsieur le président !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 408 n'a plus d'objet.
Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 49 est-il maintenu ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je rappelle que cet amendement visait à aligner la situation des militaires sur celle des fonctionnaires civils de l’État. La commission venant de retirer les amendements touchant les mêmes modalités, elle retire celui-ci.
M. le président. L'amendement n° 49 est retiré.
Mes chers collègues, en une heure dix, nous avons examiné neuf amendements ! (Applaudissements ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est un record ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle. Et nous n’en avons adopté qu’un seul !
M. le président. L'amendement n° 406, présenté par MM. Flosse et Loueckhote, est ainsi libellé :
Dans le a) du 1° du II de cet article, remplacer le mot :
quinze
par le mot :
dix
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, je tiens tout d’abord à adresser mes remerciements au rapporteur de la commission des affaires sociales, Dominique Leclerc, qui a bien voulu retirer ses amendements et aller dans le sens que nous souhaitons.
L’amendement n° 406 vise à ramener la durée minimale de séjour exigée des fonctionnaires pour déterminer une résidence durable outre-mer de quinze ans à dix ans.
En effet, la durée de quinze ans est excessive, alors qu’une durée minimale de dix ans semble largement suffisante pour exclure tout effet d'aubaine.
En outre, les personnes justifiant de dix ans ou de quinze années de services effectifs outre-mer sont pratiquement les mêmes. En effet, les agents de l'État exerçant outre-mer sont de deux types : les agents « sous contrat », ne pouvant effectuer plus de quatre ans de service outre-mer, cette autorisation pouvant parfois être renouvelée une fois au cours de leur carrière ; les « résidents », ayant obtenu de leur ministère de tutelle la reconnaissance de leurs intérêts matériels et moraux. Ces derniers effectuent en général la plus grande partie de leur carrière outre-mer et justifient donc de plus de quinze années de service, a fortiori de plus de dix années.
Par ailleurs, est en attente devant l’assemblée de la Polynésie française une proposition de loi de pays, qui découle du statut de 2004 et tend à protéger l’emploi polynésien. Actuellement à l’étude sur le bureau de l’assemblée, ce texte prévoit de fixer à cinq ans la durée de séjour en Polynésie française pour pouvoir bénéficier d’un emploi.
Si M. le secrétaire d'État nous annonce ce soir qu’une telle durée est beaucoup trop courte et qu’il faut imposer aux métropolitains qui viennent en Polynésie française un séjour de quinze ans pour se voir reconnaître la résidence habituelle en Polynésie et bénéficier d’un emploi, j’en prendrai acte. Mais je pense que nombre de métropolitains seront obligés de reprendre l’avion pour rentrer dans l’hexagone !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Pourquoi le Gouvernement a-t-il souhaité imposer la durée minimale de quinze ans de services effectifs en outre-mer ? Tout d’abord, je tiens à préciser que cette durée est la même pour l’ensemble de l’outre-mer et ne concerne pas seulement un territoire particulier. De surcroît, ces quinze années correspondent à la durée minimale requise pour prétendre à une pension dans la fonction publique.
Il convient de rappeler que le système de l’ITR, tel qu’il est maintenu, doit privilégier les personnes originaires d’outre-mer. Comme cela a été indiqué tout à l’heure, le nombre des personnes qui ne sont pas originaires des territoires d’outre-mer et qui s’y implantent est assez faible.
Dans ces conditions, le Gouvernement émet, à regret, un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Flosse, l'amendement n° 406 est-il maintenu ?
M. Gaston Flosse. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 463 rectifié, présenté par MM. Tuheiava, S. Larcher, Lise, Gillot, Patient et Antoinette, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le b) du 1° du II de cet article :
b) Ou justifier de ses intérêts matériels et moraux au regard de la collectivité de résidence effective ;
La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Les situations des fonctionnaires concernés par l'ITR sont extrêmement diverses et vont du militaire ayant été envoyé sur des théâtres d'opération étrangers au fonctionnaire ultramarin ayant effectué l'essentiel de sa carrière en métropole.
La réécriture que je propose dans l’amendement n° 463 rectifié a un double objectif : donner un maximum de critères objectifs aux autorités amenées à étudier les cas d'éligibilité et renforcer la sécurité juridique des fonctionnaires concernés.
M. le président. L'amendement n° 482 rectifié, présenté par Mme Payet et MM. Zocchetto et Maurey, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa (b) du 1° du II de cet article :
b) Ou avoir, dans la collectivité dans laquelle l'intéressé justifie de sa résidence effective, le centre de ses intérêts moraux et matériels appréciés notamment au regard de ses liens familiaux, de ses précédents lieux de résidence ou d'affectation professionnelle, ou de la détention de biens mobiliers ou immobiliers ;
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Le Gouvernement, par le présent projet de loi, propose une réforme de l’indemnité temporaire de retraite qui semble moins brutale que celles qu’ont suggérées certains de nos collègues jusqu’ici puisqu’elle vise non pas à supprimer purement et simplement ladite indemnité mais à limiter le caractère parfois disproportionné du montant dont bénéficient certaines personnes.
Le dispositif proposé permettra de continuer à attribuer cette indemnité qui sera plafonnée tant aux personnes qui ont servi outre-mer pendant au moins une quinzaine années qu’à celles qui, originaires d’une collectivité ultramarine, ont dû servir l’État en métropole ou dans une autre collectivité territoriale d’outre-mer.
Pour prendre en compte la situation des ultramarins qui exercent leur activité en métropole et qui, une fois à la retraite, regagnent leur collectivité d'origine, l'article 63 prévoit qu’ils peuvent bénéficier de l'ITR s’ils remplissent, au regard de la collectivité dans laquelle ils justifient d'une résidence effective, « les critères d'éligibilité retenus pour l'octroi des congés bonifiés ».
Ces critères comportent notamment la nécessité de justifier, pour un fonctionnaire d'État, que le centre de ses intérêts moraux et matériels se trouve outre-mer.
Dans la pratique, ce fonctionnaire se heurte à une interprétation restrictive par différentes administrations de la notion de « centre des intérêts moraux et matériels », plus communément appelé CIMM. Cette interprétation restrictive est sans conteste contraire à la position des services des ministères de l’outre-mer et de la fonction publique.
Ainsi, la circulaire du ministère de la fonction publique du 3 janvier 2007 a rappelé que le critère du centre des intérêts devait s’apprécier par la prise en compte d’un faisceau d’indices qui n’avait un caractère ni exhaustif ni cumulatif. Parmi les indices qui doivent être pris en considération ont été cités le domicile des père et mère ou des parents les plus proches, les biens fonciers situés sur le lieu de la résidence habituelle dont l’agent est propriétaire ou locataire, le domicile avant l’entrée dans l’administration, le lieu de naissance de l’agent, le bénéfice antérieur d’un congé bonifié ainsi que d’autres éléments d’appréciation pouvant, en tout état de cause, être utiles aux gestionnaires.
Malgré ces rappels, cette interprétation a la vie dure et a engendré de nombreux contentieux. Elle annihilerait le droit que nous souhaitons reconnaître aux ultramarins dans le cadre du nouveau régime de l’ITR.
Le présent amendement vise à éviter une telle interprétation en prévoyant, au titre des conditions d'octroi de l'ITR, que le pensionné doit avoir dans la collectivité où il justifie de sa résidence effective le centre de ses intérêts moraux et matériels et que ceux-ci doivent être appréciés notamment au regard de ses liens familiaux, de ses précédents lieux de résidence ou d'affectation professionnelle ou de la détention de biens mobiliers ou immobiliers. Il s'agit d’inscrire dans la loi que ces indices n'ont pas un caractère exhaustif et ne sauraient être cumulatifs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. La définition du centre des intérêts matériels et moraux joue non seulement pour le déclenchement de l’ITR, mais également pour les congés bonifiés, par exemple. Le Gouvernement réfléchit à la réforme de ces dispositifs et veut engager une discussion avec les organisations syndicales à ce sujet.
Je souhaite que les auteurs des amendements nos 463 rectifié et 482 rectifié acceptent de retirer leurs propositions pour que nous puissions engager la discussion avec lesdites organisations avant d’emprunter la voie réglementaire.
Si certains membres de la Haute Assemblée souhaitent participer à ce groupe de travail, ils seront les bienvenus. L’objectif est d’aboutir, au cours du premier trimestre de l’année 2009, à l’élaboration d’un décret qui précisera quels sont les centres d’intérêts matériels et moraux qui déclenchent le bénéfice de la retraite.
Comme l’a indiqué Mme Payet, à l’heure actuelle, certains ministères, la fonction publique hospitalière ou la fonction publique d’État ont des approches très différentes.
L’occasion nous est donnée d’essayer de remettre à plat l’ensemble du dispositif, en parfaite concertation avec les organisations syndicales.
Sous le bénéfice de ces explications, monsieur Tuheiava, madame Payet, je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements. Vous serez bien évidemment les bienvenus au sein du groupe de travail.
M. le président. Monsieur Tuheiava, l'amendement n° 463 rectifié est-il maintenu ?
M. Richard Tuheiava. Je le retire au profit de l’amendement que vient de présenter Mme Payet, qui comporte une définition plus précise que celui que j’ai déposé.
M. le président. L'amendement n° 463 rectifié est retiré.
Madame Payet, l'amendement n° 482 rectifié est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet. Non, je le retire, monsieur le président, tout en étant quelque peu gênée eu égard à la décision que vient de prendre M. Tuheiava.
M. le président. L'amendement n° 482 rectifié est retiré.
L'amendement n° 400, présenté par M. Loueckhote, est ainsi libellé :
Après le b) du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
L'attribution des indemnités temporaires reste accordée aux fonctionnaires qui auraient déposé leur dossier de demande de retraite avant le 31 décembre 2008.
La parole est à M. Simon Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. Cet amendement tend à assurer à celles et ceux qui demanderaient à partir en retraite avant le 31 décembre prochain alors que leur administration d’origine ne leur permettrait de cesser leur activité que dans le courant de l’année 2009 que leur demande sera prise en considération.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Je veux à mon tour rassurer les personnes qui souhaitent partir en retraite. Tous ceux qui ont rempli leur dossier et qui ont demandé à être rayés des cadres de la fonction publique d’État avant le 31 décembre doivent pouvoir bénéficier du dispositif antérieur. C’est bien la constitution du dossier et la demande à être rayé des cadres qui déclenchent la procédure.
Le cas particulier des instituteurs doit être étudié. En effet, ces enseignants doivent pouvoir finir l’année scolaire. Or, lorsque cette dernière coïncide, comme en Polynésie française, avec l’année civile, il convient de trouver une solution.
J’espère que mes explications vous auront satisfait, monsieur Loueckhote, et que vous accepterez de retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Loueckhote, l'amendement n° 400 est-il maintenu ?
M. Simon Loueckhote. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 400 est retiré.
L'amendement n° 50, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du premier alinéa du VI de cet article :
À ce titre, les demandeurs et les bénéficiaires, les administrations de l'État, les collectivités territoriales ainsi que les opérateurs de téléphonie fixe et de téléphonie mobile sont tenus de communiquer les renseignements, justifications ou éclaircissements nécessaires à la vérification des conditions d'octroi et de l'effectivité de la résidence.
La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Certains ont évoqué les fraudes, qui sont choquantes même si elles n’existent qu’à la marge. Dans son rapport, la Cour des comptes, comme l’inspection générale des finances, avait jugé impossible de contrôler l’effectivité des conditions d’éligibilité au mécanisme des surpensions et de mettre totalement fin aux fraudes constatées en la matière.
La commission vous propose, mes chers collègues, de permettre aux autorités de contrôle de s’assurer de l’effectivité de la condition de résidence des bénéficiaires de l’ITR, notamment sur la base des informations relatives au lieu d’où sont émis les appels téléphoniques. Nombre de nos concitoyens ont été choqués par différentes émissions de télévision et par des articles publiés dans la presse. Les faits relatés ont fait beaucoup de mal aux territoires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Effectivement, une demande générale tendant à renforcer un certain nombre de contrôles pour éviter les fraudes a été formulée, y compris par les organisations syndicales. Le Gouvernement ne peut qu’y être favorable.
Par ailleurs, lors de la discussion que nous allons avoir cette semaine avec les syndicats doit être étudiée la question des fonctionnaires qui bénéficient de l’ITR et qui sont obligés de sortir du territoire pour des raisons impérieuses de santé. Il convient d’assurer, de façon intelligente, à celui qui est obligé d’aller suivre un traitement pouvant durer quelques mois sur un territoire voisin qu’il ne sera pas privé du bénéfice de l’ITR.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 236, présenté par Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
VIII. - La rédaction des décrets mettant en œuvre le présent article se fera en concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux.
Les décrets seront soumis à l'avis des partenaires sociaux.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, si vous me le permettez, je souhaite présenter en même temps les amendements nos 236 et 237 rectifié.
M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.
M. Guy Fischer. L’article 63 vise à réformer l’indemnité temporaire de retraite des fonctionnaires d’État.
Consciente qu’il faille limiter les effets d’aubaine en restreignant l’octroi de cette indemnité aux fonctionnaires ayant exercé leur activité en outre-mer pendant un certain nombre d’années ou y ayant des intérêts moraux et matériels, notre collègue Mme Hoarau est toutefois en net désaccord avec le Gouvernement quant à la mise en œuvre du projet de suppression de l’ITR.
Elle déplore surtout la précipitation avec laquelle le Gouvernement souhaite mettre en place cette réforme, qui s’appliquera dès le 1er janvier 2009.
C’est pour cette raison qu’elle a demandé à inscrire la suppression de l’ITR dans le projet de loi de financement pour 2010. Ce moratoire permettrait, tout d’abord, d’associer d’avantage les partenaires sociaux et les acteurs politiques au projet de réforme de cette indemnité, ensuite, de réaliser une étude d’impact sur les économies ultramarines.
Ces deux amendements visent également à rendre acceptable par toutes les parties en présence une réforme unanimement jugée nécessaire.
Il est préjudiciable pour tous que le dialogue social n’ait pas été assuré et que l’application de cet article soit vécue comme violente et surtout arbitraire dans les territoires d’outre-mer.
M. le président. L'amendement n° 461 rectifié, présenté par MM. Tuheiava, S. Larcher, Lise, Gillot, Patient, Antoinette et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions réglementaires permettant la mise en œuvre du présent article sont rédigées en concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux des départements et collectivités d'outre-mer concernés. En outre, les projets de décret sont soumis à l'avis des organisations représentatives.
La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Avant tout, je ne puis m’empêcher d’éprouver un réel sentiment d’amertume en défendant ces dispositions. En effet, je suis amené à souligner combien l’article 63 et le projet de loi ont été élaborés sans consultation préalable.
À travers cet amendement, dont les termes sont très proches de ceux de l’amendement n° 236, déposé par Mme Hoarau, je demande que les décrets d’application de cette réforme soient rédigés après une concertation préalable. Ce faisant, j’ai l’impression d’avoir raté un train et de m’efforcer de prendre le suivant !
Monsieur le secrétaire d'État, je tiens à vous dire que les membres des organisations syndicales représentatives de Polynésie française, qui se trouvent présents ce soir dans les tribunes – et non les représentants de la CFDT –, viennent de me confirmer que les seules démarches de concertation auxquelles ils ont participé furent engagées par le Président de la République au mois d’avril 2008 et par le ministère de l’outre-mer en juillet 2008, et qu’elles ont porté uniquement sur la suppression des abus.
Il est donc clair que ce ne sont pas les parlementaires de l’outre-mer qui déforment le débat !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Compte tenu des propos que nous avons tenus jusqu’à présent, vous comprendrez, mes chers collègues, que la commission émette un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 237 rectifié, présenté par Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La réforme des mesures relatives à l'indemnité temporaire de retraite de ce présent article sera débattue lors du projet de loi de finance de la sécurité sociale 2010.
Ce délai sera utilisé à la réalisation d'une étude chiffrée portant sur l'impact d'une telle réforme sur la vie économique et sociale de chacun des territoires concernés, et en partenariat avec les élus et les partenaires sociaux.
Cette étude sera alors soumise au Parlement au plus tard au 30 juin 2009.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 392 rectifié, présenté par MM. Detcheverry, Virapoullé, Loueckhote et Cointat, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le Gouvernement dépose dans un délai de deux ans un rapport présentant le niveau des prix et du coût de la vie de chacune des collectivités énumérées au I ainsi que l’impact de l’évolution de l’indemnité temporaire de retraite sur les économies de chacune des collectivités énumérées au I.
La parole est à M. Denis Detcheverry.
M. Denis Detcheverry. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 391 rectifié bis, qui a presque le même objet.
M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.
M. Denis Detcheverry. Dans les territoires où les retraités de l’État perçoivent l’ITR, cette indemnité compense partiellement la forte perte de revenu qui se produit lors du départ en retraite.
Par exemple, un fonctionnaire de l’État en poste à Saint-Pierre-et-Miquelon qui prend sa retraite à taux plein reçoit, avec l’ITR, une pension totale représentant 60 % de son revenu d’activité. Sans cette indemnité, il ne percevrait que 43 % de sa rémunération antérieure.
Cette forte baisse de revenu au moment du départ en retraite vient de ce que les primes, importantes outre-mer, comme celle qui est destinée à compenser la vie chère, ne sont pas intégrées dans le calcul de la pension.
Il est donc utile d’évaluer rapidement le coût de la vie dans les territoires d’outre-mer ainsi que l’impact de l’évolution de l’ITR.
En effet, nous ne disposons actuellement d’aucun indicateur pour anticiper les conséquences d’une réforme qui, si un système de retraite complémentaire n’est pas mis en place au plus vite, conduira à une baisse de pouvoir d’achat et peut-être à un exode.
Les économies et les budgets des collectivités locales risquent d’être fortement touchés. Afin d’éviter d’avoir à supporter une crise qui coûterait beaucoup plus cher que ne rapporteraient les économies dégagées par la réforme de l’ITR, il est important de surveiller de près ces indicateurs économiques !
J'ajoute que ce qui m’attriste le plus, c’est que l’ITR, que la majorité des acteurs jugent inéquitable, est devenue partie intégrante des économies locales. Les collectivités d’outre-mer sont enfermées dans un système qui, selon moi, relève de l’assistanat ; elles ont peur de l’avenir, ce qui est tout à fait dommage.
Nous devons donc nous pencher sur les compensations nécessaires avant d’envisager de nouvelles économies outre-mer.
J’en viens à l’amendement n° 391 rectifié bis.
Dans l’exposé des motifs de l’article 63 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement annonce une réflexion sur la mise en place d’un dispositif de retraite complémentaire. Il est essentiel qu’un tel système apporte une solution à la chute brutale de revenus entre l’activité et la retraite que subissent les fonctionnaires servant outre-mer, et que compense en partie l’ITR dans certains territoires.
Si ce système de compensation était mis en place au plus vite, nous n’aurions pas à nous inquiéter des dates butoirs, que ce soit 2018 ou 2028, l’ITR s’éteindrait d’elle-même.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur Detcheverry, j’ai écouté avec attention vos propos, auxquels nous ne pouvons que souscrire.
Deux difficultés se présentent à nous, que nous avons voulu distinguer soigneusement dans notre réflexion comme dans ce débat.
Le problème de la vie chère, tout d'abord, dépend du contexte socio-économique. Il se pose différemment d’un territoire à un autre et il est sans doute crucial à Saint-Pierre-et-Miquelon. Des études ont été réalisées sur ce sujet, d’autres devront être diligentées, et il faudra sûrement adopter certaines mesures.
Le problème des retraites, ensuite, a suscité la mise en place de règles spécifiques, et je pense que vous les approuvez, même si certaines améliorations peuvent sans doute être apportées au dispositif prévu, comme vous l’avez souligné.
Je souscris donc à vos réflexions, qu’elles portent sur l’économie des territoires d’outre-mer ou sur les retraites. Toutefois, vous comprendrez que, dans le cadre de notre discussion d’aujourd'hui, je ne puis qu’émettre un avis défavorable sur votre amendement n° 392 rectifié, même si j’espère que vos préoccupations pourront être prises en compte dans d’autres enceintes.
De même, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 237 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. En ce qui concerne l’amendement n° 237 rectifié, le Gouvernement émet un avis défavorable, car l’étude d’impact qui est réclamée existe déjà.
Je vous propose d'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous reporter au rapport réalisé par la Cour des comptes, qui constitue la plus formidable étude d’impact dont nous disposions sur ce dispositif, et surtout à celui qui a été rédigé par le député Jean-Pierre Brard et qui a inspiré nombre des dispositions du présent projet de loi.
En ce qui concerne l’amendement n° 392 rectifié, le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Certes, la cherté de la vie pose un problème outre-mer, mais je rappelle que l’ITR n’a pas été conçue pour la compenser, même si elle est vécue comme telle.
Les préfets ont pour mission de mettre en place le plus vite possible, en liaison avec l’INSEE, l’Institut national de la statistique et des études économiques, des indicateurs mesurant le coût de la vie dans chaque territoire, afin que nous puissions connaître le plus précisément possible le panier de la ménagère à Saint-Pierre-et-Miquelon et en Seine-et-Marne, par exemple, et juger ainsi des différences de prix entre ces deux territoires.
Ce travail est complexe, car nous voulons qu’il soit scientifique, et bien sûr tout n’est pas comparable, mais nous espérons aboutir dans les dix-huit mois qui viennent et disposer enfin d’un indicateur clair.
Toutefois, ces évaluations ne devront pas inspirer directement le niveau de l’ITR, car elles pourraient, dans certains territoires, se révéler défavorables aux bénéficiaires de cette indemnité. Imaginons en effet que l’ITR s’élève à 40 % à Saint-Pierre-et-Miquelon et que l’étude du panier de la ménagère conclut que le différentiel de coût de la vie dans ce territoire n’est que de 15 % !
Il serait donc dangereux d’introduire un tel indicateur dans ce projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 391 rectifié bis, présenté par MM. Detcheverry, Virapoullé, Loueckhote et Cointat, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le Gouvernement dépose dans un délai d’un an un rapport présentant les perspectives d’instauration ou d’extension de dispositif de retraite complémentaire pour les fonctionnaires servant outre-mer.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement. En effet, les organisations syndicales et les élus doivent très vite commencer à travailler sur le dispositif de retraite complémentaire destiné aux fonctionnaires de l’outre-mer.
Dans cette perspective, nous mettrons en place un groupe de travail dès le début du mois de décembre prochain, ce qui nous permettra d’y voir plus clair et, comme l’a souhaité M. Detcheverry, de fixer un calendrier susceptible de rassurer ceux qui prendront leur retraite après 2028. En effet, certains fonctionnaires d’État pensent déjà à l’année 2029 ! (Sourires.) Ils doivent savoir de quelle retraite ils pourront bénéficier, et dans quelles conditions.
J'ajoute que le Gouvernement, dans un souci d’équité auquel la Haute Assemblée, je l’espère, sera sensible, souhaite que ce dispositif bénéficie aussi aux territoires où, pour l’instant, il n’existe pas d’ITR, c'est-à-dire aux Antilles et à la Guyane. Nous devons savoir rapidement quand et comment mettre en place ce système dans chacune des collectivités d’outre-mer.
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse, pour explication de vote sur l'article.
M. Gaston Flosse. Je voterai résolument contre cet article, car le Gouvernement n’a fait aucun effort ni accepté aucun de nos amendements.
Nous sommes traités comme des moins que rien ! Le Gouvernement ne montre aucune considération pour les élus d’outre-mer.
M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. Je voudrais simplement présenter mes excuses au Sénat car, tout à l'heure, j’ai élevé un peu trop la voix et certainement outrepassé les limites acceptables dans cette assemblée.
Je voudrais également demander à M. le secrétaire d'État de bien vouloir excuser les propos que je lui ai adressés et qui, peut-être, auront été blessants. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous n’avez aucune excuse à présenter.
Ayant moi-même parfois le tempérament quelque peu sanguin, je comprends parfaitement que le ton puisse monter. Au reste, il serait bien pis de ne rien se dire !
Article 64 (priorité)
Pour l'année 2009, les objectifs de dépenses de la branche Vieillesse sont fixés :
1° Pour l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, à 190,3 milliards d'euros ;
2° Pour le régime général de sécurité sociale, à 100,3 milliards d'euros.
M. le président. L'amendement n° 501, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
1° Au deuxième alinéa (1°) de cet article, remplacer le montant :
190,3 milliards d'euros
par le montant :
189,7 milliards d'euros
2° Au dernier alinéa (2°) de cet article, remplacer le montant :
100,3 milliards d'euros
par le montant :
100,0 milliards d'euros
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le présent amendement tend à tirer les conséquences de la révision des hypothèses macroéconomiques en ce qui concerne les dépenses de la branche vieillesse.
Pour 2009, les objectifs de dépenses de la branche vieillesse s’établiraient à 189,7 milliards d'euros pour l’ensemble des régimes obligatoires et à 100 milliards d'euros pour le régime général en raison, notamment, de la révision de l’hypothèse d’inflation de 2 % à 1,5 %, qui rend nécessaire cet ajustement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 64, modifié.
(L'article 64 est adopté.)
Section 1
Dispositions relatives aux dépenses d'assurance maladie
M. le président. Au sein de la quatrième partie, nous en revenons à la section 1 relative aux dépenses d’assurance maladie.
Articles additionnels avant l'article 31
M. le président. L'amendement n° 121, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tout dépassement facturé en violation des dispositions du premier alinéa de l'article 39 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 est illicite et peut faire l'objet d'une action en récupération de l'indu par l'assuré social. S'il existe un organisme d'assurance maladie complémentaire, l'action en récupération est engagée par celui-ci pour la totalité du dépassement facturé. L'organisme d'assurance maladie complémentaire restitue à l'assuré social le montant que celui-ci a effectivement supporté. Le directeur de l'organisme local d'assurance maladie informe l'assuré et, le cas échéant, l'organisme d'assurance maladie complémentaire, de l'existence de tout dépassement facturé en méconnaissance des dispositions de l'alinéa précédent et des sanctions financières prononcées.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Les quatre amendements visant à introduire des articles additionnels avant l’article 31 que j’ai déposés sont relatifs aux dépassements d’honoraires.
Ces dépassements constituent un véritable scandale face auquel vous vous montrez, hélas, madame la ministre, d’une inefficacité coupable et d’une passivité hautement critiquable.
Augmentant de 100 millions d’euros par an, ces dépassements ont représenté en 2006 la bagatelle de 2,1 milliards d’euros pour l’ensemble des médecins libéraux, sur un total d’honoraires supérieur à 19 milliards d’euros. Si l’on y ajoute les 4 milliards d’euros de dépassements d’honoraires des dentistes, nous parvenons à un montant total de 6 milliards d’euros, somme considérable, vous en conviendrez.
La note de l’assurance maladie du 5 juin 2008 indique que, après avoir explosé de 10,4 % entre 2000 et 2004, les dépassements d’honoraires ont continué à progresser de 4,6 % entre 2004 et 2006.
Dans certaines régions, dans certaines villes et dans certaines spécialités médicales, il n’existe pas de praticiens appliquant les tarifs opposables, ce qui ne manque pas, vous vous en doutez, de compromettre l’égal accès aux soins pour tous, pourtant garanti par notre système de santé. Parfois, cela peut même conduire des patients à renoncer aux soins.
Dans certains départements, comme le Gard, les chirurgiens du secteur 1 ont disparu. Dans le Val-de-Marne, les gynécologues, les stomatologues, les otorhinolaryngologistes pratiquent des dépassements d’un montant de 40 euros par acte. À Belfort, deux spécialistes de secteur 1 pratiquent des dépassements dont les montants s’élèvent au double du tarif opposable. En Saône-et-Loire, 71,5 % des dépassements pratiqués par les médecins de secteur 1 sont des dépassements non autorisés. Et je pourrais multiplier ces exemples à l’envi ! Ils sont tirés de l’enquête réalisée en juin dernier par le collectif inter-associatif sur la santé, le CISS, auprès de 82 caisses d’assurance maladie.
Parmi les causes de cette dérive, l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, retient particulièrement l’inertie des organismes d’assurance maladie dans la répression des anomalies tarifaires. L’amendement n° 121 procède de ce constat.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 dispose que les professionnels de santé sont soumis à des obligations de transparence vis-à-vis de leurs patients. Ils doivent notamment préciser, avant la réalisation de l’acte, le montant des dépassements d’honoraires qu’ils entendent réclamer.
L’an dernier, je vous avais présenté, madame la ministre, cet amendement qui vise à reconnaître comme illégaux les dépassements ne correspondant pas aux devis ainsi qu’à permettre aux assurés ou, le cas échéant, à leur organisme d’assurance complémentaire de récupérer les paiements indûment facturés. Vous aviez réservé un accueil plutôt favorable à cet amendement…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Favorable dans l’esprit !
M. François Autain. … en précisant qu’une discussion était engagée et qu’elle pourrait aboutir à la rédaction d’un décret permettant au patient de saisir directement les sections des assurances sociales des chambres disciplinaires de première instance de l’ordre.
Je voudrais savoir ce que vous avez finalement décidé. Ce décret a-t-il été pris ?
S’agissant par ailleurs de la possibilité d’ouvrir la procédure de récupération des versements indus aux organismes d’assurance complémentaire, vous envisagiez, avant de légiférer, de laisser l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’UNCAM, et l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, l’UNOCAM, s’entendre. Or il semblerait que l’UNCAM et l’UNOCAM ne se soient toujours pas entendues. N’est-il donc pas temps d’inscrire ce dispositif dans la loi ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l’assurance maladie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je rappellerai que le Gouvernement a renforcé les obligations d’information des patients. Il a notamment prévu de sanctionner financièrement le défaut de publicité.
M. François Autain. Il ne sanctionne rien du tout !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous ne pouvons donc émettre un avis favorable sur l’amendement de M. Autain.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je partage avec M. Autain le souci de lutter contre les dépassements abusifs. Le Gouvernement a d’ailleurs pris cette année, à cet égard, un certain nombre de mesures, ainsi que je m’y étais engagée lors de la discussion du dernier PLFSS, vous avez bien voulu le rappeler, monsieur le sénateur.
Oui, nous avons pris le décret imposant l’affichage des honoraires incluant un dépassement et excédant le montant de 70 euros. Nous avons renforcé l’obligation d’affichage des honoraires dans les salles d’attente. Nous avons également permis aux caisses d’assurance maladie de sanctionner financièrement les professionnels outrepassant le tact et la mesure et/ou s’affranchissant de l’obligation d’information écrite.
Quant au décret relatif aux sanctions administratives, il est actuellement examiné par le Conseil d’État. Les choses suivent donc leur cours. Nous allons tout à fait dans le sens que vous souhaitez et sur la voie que j’évoquais à l’occasion de l’examen du précédent PLFSS.
Le recours de l’assuré pour obtenir le remboursement d’un trop-perçu par le médecin existe déjà. Il doit être exercé auprès des instances de l’ordre des médecins. Celles-ci peuvent être saisies par les caisses primaires d’assurance maladie, les CPAM, et les directions régionales des affaires sanitaires et sociales, les DRASS, à la demande d’un patient. Une réflexion est engagée pour systématiser l’information de l’ordre en cas de dépassements détectés et sanctionnés par les CPAM. Une telle mesure ne relève pas du domaine de la loi, mais de celui du décret.
La réflexion sur la manière d’associer concrètement les organismes d’assurance complémentaire à ce genre de procédures n’est pas encore aboutie. Dans la mesure où l’assurance maladie n’est pas toujours informée de la couverture complémentaire des assurés, je souhaite que, avant toute nouvelle législation ou réglementation en la matière, l’UNCAM et l’UNOCAM se concertent, sachant que les complémentaires ne prennent finalement en charge que 30 % des dépassements d’honoraires, comme l’a montré le rapport publié en 2007 par l’IGAS sur ce sujet.
Toutes ces raisons me conduisent à émettre un avis défavorable sur votre amendement, monsieur le sénateur. Les exigences qu’il exprime sont effectivement déjà très largement satisfaites.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je regrette que le dérouleur ait placé l’examen de ces articles additionnels à ce moment de notre discussion. En effet, M. Bizet, Mme Escoffier et moi-même allons présenter des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 77 sur le problème des dépassements d’honoraires.
Puisque nous abordons cette question dès maintenant, je précise que je proposerai que le conseil de l’ordre soit obligatoirement saisi par les caisses et par les organismes complémentaires et qu’il puisse sanctionner financièrement les dépassements.
Je crois que la difficulté consiste ici à apprécier ce qui outrepasse « le tact et la mesure », exigés notamment dans le serment prononcé par les médecins. C’est, à mon avis, aux ordres professionnels qu’il revient de déterminer dans quelles conditions les praticiens soumis à leur juridiction les outrepassent.
M. François Autain. Mais oui, les ordres, bien sûr…
M. Gilbert Barbier. Je regrette donc que l’on ne puisse pas discuter de l’ensemble de ce problème à l’occasion de l’examen des amendements relatifs aux articles additionnels après l’article 77.
M. le président. Mon cher collègue, c’est l’auteur d’un amendement qui décide de le rattacher à tel article ou à tel autre : le service de la séance n’y peut rien. Le seul « coupable », s’il en faut un, est l’auteur de l’amendement. (Sourires.)
La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. La réponse que vous venez de me faire, madame la ministre, ressemble étrangement à celle que vous m’aviez faite l’année dernière. Je constate qu’aucun progrès n’a été accompli sur le sujet des dépassements d’honoraires au cours de l’année écoulée. Ne risquons-nous pas d’en être encore au même point l’an prochain ? Je me le demande !
Pendant ce temps, les médecins continuent à pratiquer leurs dépassements d’honoraires, le conseil de l’ordre continue à ne rien faire et le Gouvernement continue à regarder tout cela comme si c’était normal. Je vous reproche précisément cette attitude de passivité, madame la ministre. C’est à cause d’elle que de graves problèmes se posent dans certaines régions. Des personnes ne peuvent effectivement plus se soigner dans des conditions normales parce qu’elles ne trouvent plus de praticiens appliquant les tarifs opposables.
Bien sûr, vous êtes catastrophée devant cette situation… Mais il me semble que vous disposez tout de même des moyens de la résoudre !
Je sais bien qu’il faut ménager les médecins. Il faut d’ailleurs les ménager bien plus que les patients, car ils constituent un réservoir électoral dont la défection peut être lourde de conséquences pour l’actuelle majorité. Nous le savons : en 1997, vous aviez rencontré quelques difficultés avec les médecins à la suite du plan Juppé. Je crois que vous éprouvez actuellement la même hantise de perdre cette clientèle électorale…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n’est pas sûr que les médecins soient la clientèle de la droite !
M. François Autain. Vous vous dites donc : « Gardons-nous de les mécontenter ! »
Je crois qu’il faut savoir, dans certains cas, dépasser ces préoccupations bassement électoralistes pour se pencher sur l’intérêt des patients. Or, de ce point de vue, il est évident que nous sommes confrontés à un véritable scandale, devant lequel le Gouvernement demeure inerte. Et je ne suis pas le seul à faire ce constat : le CISS a fait le même dans le rapport qu’il a rendu public en juin. Il me semble qu’on ne peut que souscrire aux conclusions de l’enquête qu’il a menée.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, je ne vous autorise pas à déclarer que, dans ma politique de santé, je serais mue par des préoccupations clientélistes. Je ne suis guidée que par le souci de garantir à tous mes concitoyens un accès à des soins de qualité.
Je ne vous autorise pas non plus à affirmer que rien n’a été accompli au cours de cette année. (M. François Autain proteste.) Peut-être ne m’avez-vous pas écoutée lorsque j’ai évoqué les mesures qui ont été prises : renforcement de l’obligation d’affichage ; institution d’une obligation d’information du patient dès lors que les honoraires incluant un dépassement excèdent 70 euros ; instauration de sanctions administratives jusqu’alors inexistantes.
Ces sanctions peuvent être prises si l’obligation d’affichage n’est pas respectée, si l’information écrite – le « devis » – n’est pas remise et si l’obligation de tact et de mesure n’est pas respectée. En outre, je le dis notamment à M. Barbier, non seulement les sanctions administratives peuvent être prononcées, mais l’ordre est nécessairement averti…
M. François Autain. Oh, l’ordre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … pour qu’il puisse prendre en outre des sanctions ordinales.
Compte tenu de tout ce qui a été réalisé concernant les dépassements abusifs, monsieur Autain, comment pouvez-vous penser que nous sommes restés inactifs au cours de cette année ?
Et croyez bien que le clientélisme que vous me prêtez dans cette affaire m’est totalement étranger. En l’occurrence, cette attaque personnelle n’est vraiment pas de mise ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L'amendement n° 122, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L.162-1-14 du code de la sécurité sociale, les mots : « le tact et la mesure » sont remplacés par les mots : « les plafonds de dépassement mentionnés à l'article L. 162-5-13 du code de la sécurité sociale ».
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Il s’agit de remplacer la notion de « tact et mesure », parfaitement dénuée de sens – comme le disait récemment avec ironie le président de la mutualité française, aujourd’hui, c’est du blabla ! –, par une référence quantifiable objective, soustraite à la seule appréciation, très subjective, du médecin.
Nous pouvons d’ailleurs nous interroger sur la légitimité du droit ainsi accordé au médecin de pratiquer des honoraires variables, à la tête du patient, sans avoir de comptes à rendre à quiconque, dans un système de santé comme le nôtre, fondé sur la solidarité et le financement collectif, où chacun cotise selon ses moyens et est pris en charge en fonction de ses besoins.
Il n’existe aucune raison valable de surtaxer un patient ayant déjà normalement cotisé à l’assurance maladie au seul motif qu’il bénéficierait d’une situation financière que, en son âme et conscience, et en fonction de critères inconnus, le médecin aurait jugée de nature à lui permettre d’acquitter un dépassement d’honoraires.
La fixation des dépassements fait également problème.
Pour l’ordre national des médecins, depuis décembre 2005, les « critères directeurs » sur lesquels le « tact et mesure » se fonde consistent dans la prestation effectuée, le temps consacré au patient et le service rendu.
S’y ajoutent des « critères seconds », qui tiennent à la notoriété du praticien et à la situation de fortune du patient.
Il est intéressant de noter que, dans les – rares – décisions du Conseil national de l’ordre des médecins qui concluent au non-respect de l’obligation du « tact et mesure », les niveaux d’honoraires pratiqués sont généralement trois à quatre fois supérieurs au tarif opposable.
J’ai dit « rares » à dessein : la rareté de ces décisions prouve vous avez tort, madame la ministre, de vous en remettre au Conseil national de l’ordre des médecins, car, dans ce domaine-là, il est totalement inefficace.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais non, je vous ai dit l’inverse ! J’ai pris des sanctions administratives ! Écoutez ce que je vous dis ! Vous avez des difficultés d’audition, ce soir ?
M. François Autain. J’insiste : pour que le Conseil national de l’ordre des médecins consente enfin à considérer que le « tact et mesure » n’a pas été respecté, il faut que ces honoraires soient de trois à quatre fois supérieurs au tarif opposable. Il y a là, me semble-t-il, une marge d’interprétation dont on pourrait débattre.
Il n’en demeure pas moins que l’ordre continue d’écarter toute référence au tarif opposable, qui, selon lui, « ne saurait constituer le juste prix » de l’acte médical, selon le rapport du Conseil national de l’ordre des médecins de 1998 sur les dépassements d’honoraires.
Par ailleurs, si la jurisprudence du Conseil d’État n’a jamais fixé un montant plafond pour ces dépassements, elle en a cependant fixé des limites. Le manquement au « tact et mesure » a ainsi été caractérisé par le juge suprême des juridictions administratives pour des honoraires « dépassant le double du tarif conventionnel, à l’occasion d’actes ne comportant pas d’investigations particulières en matière de diagnostic ni d’actes thérapeutiques longs et délicats ». Il faut savoir que certains médecins ou chirurgiens multiplient par quinze le prix du tarif opposable !
M. François Autain. En outre, le Conseil d’État a pu juger que le « mode d’exercice de la profession médicale et sa notoriété ne justifiaient pas l’importance et le caractère systématique des dépassements d’honoraires » pratiqués par le médecin, ce qui constituait également un manquement au tact et à la mesure.
Enfin, toujours pour le Conseil d’État, le fait que le patient bénéficie d’une mutuelle qui couvrirait entièrement les honoraires réclamés ne peut justifier à lui seul les dépassements.
Il ne reste donc des critères du Conseil national de l’ordre des médecins que celui de la « situation de fortune ». Est-ce à dire qu’un signe extérieur de richesse peut justifier un dépassement d’honoraires ? Je ne le pense pas. Au contraire, j’estime qu’il est raisonnable de revenir aux fondamentaux qui disposent que chacun doit être soigné selon ses besoins et cotiser selon ses moyens.
C’est pourquoi cet amendement vise à fixer une limite claire aux dépassements d’honoraires en substituant à la notion fourre-tout de « tact et mesure » un plafond conventionnel qui permet d’en contenir le montant.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il est défavorable, pour les raisons qu’a développées précédemment Mme le ministre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je ne doute pas que la préconisation de M. Autain parte d’une bonne intention, mais elle aurait inévitablement pour effet pervers que, sitôt un plafond fixé, les dépassements d’honoraires viendraient mécaniquement s’y fixer.
L’étude de la structure des dépassements d’honoraires laisse apparaître que, sur les 2 milliards d'euros qu’ils représentent, 1,5 milliard résulte de tout petits dépassements, d’un ou deux euros ; les dépassements d’honoraires importants, qui s’élèvent donc globalement à environ 500 millions d'euros, portent sur des actes thérapeutiques, ou encore, pour 40 millions d'euros, sur les honoraires du secteur libre de l’hôpital.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Dans ce dernier, les dépassements d’honoraires sont parfois très importants.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les médecins concernés manquent de tact !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Si vous fixez un plafond de dépassement, vous allez nécessairement le situer à un niveau moyen. Or, je l’ai dit, tous les dépassements tendront inévitablement à se rapprocher dudit plafond. Ainsi, monsieur Autain, si votre proposition était adoptée, elle irait contre l’intérêt des malades, que vous voulez défendre.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’insiste : il s’agit d’un très mauvais amendement.
Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas lui réserver un sort favorable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. François Autain. Je suis désolé de prolonger ainsi la séance, mais ces manifestations d’impatience ne font que m’inciter à aller vraiment au bout de mon argumentation. Rien ne me stimule davantage que ces encouragements émanant des bancs de la droite ! Je vous en remercie, chers collègues de la majorité sénatoriale ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. – M. le président de la commission des affaires sociale s’esclaffe.)
Madame la ministre, je comprends bien ce que vous me dites, mais je me permets de vous rappeler que, dans les discussions sur le secteur optionnel, qui sont d’ailleurs actuellement en panne – j’aurai l’occasion d’y revenir tout à l'heure –, a été évoquée la fixation d’un plafond de 50 %. Pourquoi, lorsqu’un plafond est fixé à l’occasion d’une négociation qui se déroule entre l’UNCAM et les professionnels – avec, je l’imagine, la bénédiction du Gouvernement –, ledit plafond n’a, comme par hasard, pas d’effet pervers, tandis que, quand je propose d’en fixer un dans un amendement, ne faisant en cela que m’inspirer de cet exemple, on me rétorque qu’il va avoir des effets pervers ?
Peut-être vous ai-je mal comprise, madame la ministre, mais souffrez que je vous fasse remarquer cette contradiction !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La négociation sur le secteur optionnel n’est pas achevée. Nous verrons bien ce qu’il en sortira. Elle soulève de grandes difficultés entre les syndicats représentatifs de médecins eux-mêmes.
La définition du secteur optionnel ne se limite pas, évidemment, à celle d’un plafond de dépassement. Il s’agit d’un « paquet » global, qui prévoit notamment l’offre d’un certain pourcentage de prestations à tarif opposable, à hauteur de 30 %.
Autrement dit, monsieur Autain, il ne faut pas, si j’ose m’exprimer ainsi, « vendre par appartements » les discussions sur le secteur optionnel : il faut les considérer dans leur globalité.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Guy Fischer. Et il y aura ensuite augmentation des consultations !
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. J’approuve cet amendement.
Je ne dirai pas, madame la ministre, que vous n’avez rien fait, mais j’estime que les mesures que vous avez prises sont des « mesurettes », ou du moins des mesures qui ne font absolument pas peur à ceux des médecins qui pratiquent des dépassements d’honoraires importants. Beaucoup de médecins ne tiennent aucun compte des obligations d’affichage dans leur cabinet ou d’établissement de devis.
Je profite de l’occasion pour vous demander s’il est vrai que le Conseil de l’assurance maladie s’est prononcé contre le projet de décret, au motif qu’il serait très difficile à appliquer.
M. François Autain. Eh oui ! Ce décret sur les pénalités n’est pas encore paru !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’information écrite que nous imposons aux médecins – il s’agit non pas à proprement parler d’un devis, car ce mot a un sens juridique bien précis, mais d’une information écrite – est, certes, une contrainte administrative.
Le Conseil de l’assurance maladie aurait d'ailleurs souhaité que le seuil de déclenchement de l’obligation soit fixé à 50 euros, tandis que les syndicats représentatifs de médecins désiraient, eux, qu’il soit plus haut, à 100 euros. Dans ma grande « sagesse » – ne voyez là aucune vanité de ma part, monsieur Cazeau ! – j’ai fixé ce seuil à 70 euros.
Cette contrainte administrative est-elle trop forte ? Je ne le pense pas. J’estime que nos concitoyens méritent une information complète. C’est pourquoi j’ai tenu à ce que cette démarche réglementaire aille jusqu’au bout, malgré l’avis négatif du Conseil de l’assurance maladie. J’ai considéré que c’était conforme à l’intérêt des malades.
M. le président. L'amendement n° 123, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase de l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Cette commission peut être saisie par les patients ou leurs représentants associatifs. ».
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Madame la ministre, nous avons déjà eu, l’année dernière, une discussion sur l’opportunité de donner la possibilité aux assurés de saisir la commission visée à l’article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale. Vous m’aviez alors fait observer que cette disposition était inutile puisque les patients pouvaient déjà saisir les directeurs des CPAM, qui ont, contrairement à la commission en question, le pouvoir de prononcer une sanction pécuniaire à l’encontre des professionnels de santé pratiquant des dépassements d’honoraires abusifs.
J’ai néanmoins souhaité déposer à nouveau cet amendement, car cela me fournit l’occasion de vous faire part de mes craintes quant à la persistance du problème de la prise en compte de l’usager dans les CPAM : ainsi, même si vous prenez des mesures – ou des « mesurettes » ! –, elles n’ont apparemment pas une grande efficacité.
Les difficultés rencontrées par le collectif des associations de santé dans son enquête, que j’ai déjà évoquée, auprès des CPAM démontrent bien qu’il reste extrêmement malaisé pour les usagers de s’y faire entendre quand il s’agit du problème des dépassements d’honoraires.
Aussi, lorsque les représentants du CISS, qui siègent par ailleurs aux conseils des quatre-vingt-deux CPAM, ont sollicité des informations concernant les dépassements d’honoraires, seules vingt-deux d’entre elles leur ont fourni une réponse nourrie. Beaucoup d’autres ont préféré ignorer leur requête et certaines les ont renvoyés vers des sources d’information « grand public », ce qui en dit long sur le poids des associations d’usagers au sein des CPAM.
Je souhaite, madame la ministre, que vous gardiez à l’esprit que le problème de la prise en compte des usagers n’est pas réglé, ce qui contribue à rendre la relation entre le médecin et le patient déséquilibrée, au détriment de ce dernier.
J’aimerais aussi profiter de l’occasion pour connaître votre sentiment sur une proposition formulée par le CISS : il s’agirait de permettre aux usagers d’intégrer les commissions qui veillent au respect des engagements conventionnels souscrits par l’assurance maladie et la profession médicale.
Depuis la loi de 2004, en effet, les représentants des usagers sont victimes d’une injustice puisqu’ils sont invités à siéger au sein des conseils et dans plusieurs commissions des CPAM et que, bien qu’éligibles, ils restent exclus de la commission paritaire locale. Ne pourrait-on imposer, au minimum, la présence d’un conseiller représentant les usagers parmi le collège des trois conseillers ? Celui-ci pourrait être issu de l’UNAF – l’Union nationale des associations familiales –, de la FNATH, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, c'est-à-dire l’association des « accidentés de la vie », ou encore du CISS.
De cette façon, le quorum de la section sociale de la commission paritaire locale devrait requerrait la présence obligatoire d’un conseiller issu des associations de d’usagers aux côtés des deux conseillers issus des syndicats d’employeurs et des syndicats d’employés.
J’attends avec impatience votre réponse, madame la ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous avons décidément du mal à nous faire comprendre par M. Autain et les collègues de son groupe sur ce sujet, madame la ministre !
M. François Autain. D’autant que vous êtes très laconique !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Car ce n’est pas la première fois que M. Autain dépose ce type d’amendement.
Je le renvoie d'ailleurs aux réponses qu’il fit parfois, sur des propositions d’amendement émanant de notre groupe, à l’époque où il soutenait le gouvernement en place,…
M. François Autain. Il y a si longtemps que je ne m’en souviens même pas ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. … réponses dans lesquelles il nous rappelait systématiquement que les partenaires sociaux, jusqu’à preuve du contraire, représentent les usagers au sein de la commission paritaire locale.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tant que ce mode de représentation ne sera pas modifié, monsieur Autain, je vous ferai la même réponse ! Il serait donc opportun que vous l’acceptiez, ce qui vous épargnerait la peine, l’année prochaine, de déposer de nouveau le même amendement !
M. François Autain. Je vous répondrai tout à l’heure, monsieur le rapporteur !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, je vous répondrai d’abord sur l’amendement, avant d’en venir à votre question complémentaire, qui n’avait, du reste, rien à voir.
M. François Autain. Madame la ministre, nous avons tellement peu d’occasions de nous rencontrer que j’en profite ! (Sourires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous souhaitez permettre la saisine de la commission des pénalités de la Caisse primaire d’assurance maladie par les patients ou les associations. Or un tel amendement n’a pas sa place dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cela étant, loin de moi l’idée de me réfugier derrière des arguties juridiques pour éviter de vous répondre sur le fond.
D’une part, les patients peuvent saisir les conseils départementaux de l’ordre des professionnels concernés. À partir des faits qui leur sont signalés, ceux-ci sont en mesure d’engager la procédure ordinale prévue par le code de la santé publique, dont la première étape passe par une phase de conciliation entre le patient et le professionnel.
D'autre part, l’assuré a désormais aussi la possibilité de signaler à l’organisme local d’assurance maladie dont il dépend les dépassements qui ne respecteraient pas le tact et la mesure. Lorsqu’il a affaire à des dépassements exorbitants, le directeur de la CPAM déclenche la procédure administrative, dans le respect du principe contradictoire et après avis de la commission des pénalités. Il reste que certains dépassements sont pratiqués à bon escient et ne justifient pas l'engagement de poursuites à l’encontre du professionnel concerné. En l’état, le dispositif permet évidemment d’éviter les déclenchements intempestifs de la procédure de sanction administrative. Or le fait d’autoriser les patients à procéder à cette saisine directe aurait pour effet de rompre un tel équilibre.
Pour vous répondre le plus complètement possible à la question que vous m’avez posée, permettez-moi, d’abord, de dire que je souscris totalement aux excellents propos de M. le rapporteur : il importe en effet de ne pas opposer les représentants des assurés sociaux et les usagers des systèmes de santé ; la présence des usagers est naturellement assurée au sein des caisses et des différentes commissions. D’ailleurs, les syndicats représentatifs tiennent beaucoup au qualificatif de « représentants des usagers ».
M. Alain Vasselle, rapporteur. Absolument, notamment la CGT !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Toutefois, dans le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », j’ai souhaité que les associations d’usagers se voient attribuer une place tout à fait éminente dans les nouveaux organes de gestion, en particulier les agences régionales de santé.
M. Guy Fischer. Enfin !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cela nous a d’ailleurs valu les avis positifs du CISS, que vous avez cité à de nombreuses reprises, lequel a salué ce texte comme une avancée remarquable de la démocratie sanitaire, même si, bien évidemment, il faisait référence à un autre niveau, et non aux caisses primaires d’assurance maladie.
M. François Autain. N’allons pas trop vite : à chaque jour suffit sa peine…
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Madame la ministre, je vous remercie de vos précisions.
Monsieur le rapporteur, j’ai bien entendu vos conseils : l’année prochaine, je m’efforcerai donc de faire preuve de nouveauté et de créativité, en vous présentant des amendements qui vous inspireront peut-être des réponses, disons, plus argumentées. En effet, je le répète, force est de constater que vos réponses laconiques, ce soir, sont pour le moins décevantes !
M. le président. L'amendement n° 449, présenté par M. Autain, Mme David, M. Fischer, Mmes Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 162-5-13 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« III - Le plafond de dépassement mentionné au précédent alinéa ne peut excéder par acte facturé 50 % des tarifs opposables. Il peut être modulé par spécialité et par région. »
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Il s’agit de pallier l’échec éventuel – je n’ai pas dit « prévisible » ! – des négociations conventionnelles sur l’option conventionnelle. Ces négociations ont été entamées en 2004 dans un contexte assez tendu puisque, vous vous en souvenez certainement, nos chirurgiens menaçaient alors de s’installer en Angleterre !
Un protocole d’accord a finalement été signé en août de la même année, en particulier par deux syndicats. Il prévoyait notamment trois mesures : la revalorisation des actes chirurgicaux, la création d’un nouveau secteur, baptisé « secteur optionnel », et la réouverture du secteur 2.
Si la revalorisation a bien eu lieu, les deux autres mesures se sont, en revanche, avérées bien plus complexes à mettre en œuvre. Elles ont, en effet, dès le début, été sujettes à des différences d’interprétation entre, d’une part, l’UNCAM et l’UNOCAM et, d'autre part, les syndicats, pour finalement être rejetées par les premières.
Dans deux rapports publiés en 2006 et 2007, l’IGAS rend parfaitement compte des réticences des caisses.
Dans le premier, rédigé avec la collaboration du professeur Guidicelli, il est précisé que la réouverture du secteur 2, comme, d’ailleurs, l’instauration du secteur optionnel, pourtant à dépassements négociés, constituerait une barrière à l’accès aux soins. Il y est également indiqué que le coût des compensations nécessaires pour y attirer les spécialistes de secteur 2 est lourd, a fortiori si ce secteur optionnel était ouvert à tous les praticiens, et pas seulement aux chirurgiens.
Dans son second rapport d’avril 2007, intitulé : « Les dépassements d’honoraires médicaux », l’IGAS pointe le risque d’augmentation du reste à charge pour les assurés qu’entraînerait la création d’un nouveau secteur pour lequel les remboursements de l’assurance maladie resteraient fondés sur le tarif opposable. Elle estime, par ailleurs, que la création du secteur optionnel à dépassements « encadrés » n’est pas de nature à remettre en cause l’existence du secteur 2 à dépassements « libres ».
Les négociations ont repris l’été dernier sur une base tripartite. Si l’UNCAM et l’UNOCAM y sont associées, le problème reste entier, puisque ces deux caisses maintiennent comme préalable la question de l’accès aux soins et aspirent, en conséquence, à attirer les praticiens de secteur 2 dans un secteur optionnel où serait garanti le plafonnement – il est donc bien prévu ici un plafonnement ! – des compléments d’honoraires à 50 % par acte, ainsi que le tarif opposable pour les patients en situation de précarité.
Or, de leur côté, les syndicats de médecins libéraux souhaitent voir le secteur optionnel ouvert à toutes les spécialités : dans les faits, cela concerne les praticiens qui, en application de l’accord d’août 2004 précité, auraient pu accéder au secteur 2 en raison de leurs titres.
En réponse, l’UNCAM et l’UNOCAM demandent à ce que, parallèlement à la création du secteur optionnel, soit envisagée une régulation du secteur 2, autrement dit sa disparition.
Madame la ministre, devant ce blocage – cela fait tout de même quatre ans que les négociations piétinent ! –, le Gouvernement doit prendre ses responsabilités, car, pour l’instant, il n’a, me semble-t-il, pas fait grand-chose : pardonnez-moi de le dire ainsi, mais tel est bien mon sentiment ! Il est donc temps d’agir, en fixant par la loi une limite quantitative aux dépassements d’honoraires.
Tel est l’objet de cet amendement, que, je tiens à le préciser, je n’ai pas déposé l’année dernière ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur Autain, vous n’avez certes pas déposé un amendement similaire l’année dernière, mais cela ne vous a pas empêché d’interpeller la commission et le Gouvernement tout à l’heure sur le même sujet !
M. François Autain. J’ai manqué d’imagination cette année !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je peux au moins partager un constat avec vous : les négociations sur le secteur optionnel durent depuis trop longtemps.
M. François Autain. C’est un fait que vous ne pouvez pas nier !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En effet, je ne peux pas le contester. Mme la ministre vous expliquera sans doute les raisons pour lesquelles elles n’ont pas abouti aussi rapidement que nous pouvions le souhaiter.
M. François Autain. Elles vont aboutir !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela étant, nous avons la même préoccupation : privilégier, autant que faire se peut, les négociations entre les professionnels de santé et la CNAM, plutôt que de légiférer trop rapidement.
M. François Autain. Comme pour les pilotes d’Air France…
M. Alain Vasselle, rapporteur. Pour les pilotes de ligne, M. Xavier Bertrand vous a précisé que les négociations étaient engagées depuis un certain temps déjà.
M. François Autain. On dépose un amendement et on négocie ensuite !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ne rouvrons pas le débat sur les pilotes de ligne, qui n’a rien à voir avec celui-ci !
Il importe de faire passer au Gouvernement le message suivant : en cas d’échec, il devra saisir le Parlement de cette question et lui demander de légiférer ; telle est d’ailleurs, me semble-t-il, son intention.
M. François Autain. Nous sommes donc d’accord !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Comme quoi, monsieur Autain, il ne faut jamais désespérer !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, il faut bien le dire, votre amendement n° 449 ressemble furieusement à votre amendement n° 122, même si, en l’espèce, la fixation du plafond est affectée d’une modulation régionale, dont on a d’ailleurs du mal à saisir la pertinence tant les critères à envisager pour permettre une modulation régionale opérante sont extrêmement complexes.
Lors de l'examen de l’amendement n° 122, j’ai déjà indiqué les raisons pour lesquelles je n’étais pas favorable à la fixation d’un plafond sur les dépassements d’honoraires. Je l’ai dit, une telle disposition aurait pour effet, pervers, d’entraîner une hausse des dépassements constatés à hauteur dudit plafond.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, je suis défavorable à l’amendement n° 449.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 449.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 31
I. - Après l'article L. 162-14-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-14-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-14-3. - L'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire peut participer à la négociation et à la conclusion d'un accord, d'une convention ou d'un avenant prévus aux articles L. 162-1-13, L. 162-12-17, L. 162-12-18, L. 162-12-20, L. 162-14-1, L. 162-16-1, L. 162-32-1, L. 165-6 et L. 322-5-1. L'Union nationale des caisses d'assurance maladie informe l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire de son intention d'ouvrir une négociation. L'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire fait part, dans un délai fixé par décret, de sa décision d'y participer. En ce cas, elle peut demander à être auditionnée par le conseil de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.
« Les accords, conventions ou avenants concernant des professions ou prestations, définies par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, pour lesquelles la part des dépenses prises en charge par l'assurance maladie est minoritaire, ne sont valides que s'ils sont également conclus par l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire.
« En cas de refus de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire de conclure un accord, une convention ou un avenant, constaté dans des conditions fixées par décret, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie fait part aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale du constat de désaccord. S'il s'agit d'un accord, d'une convention ou d'un avenant mentionnés au deuxième alinéa, elle ne peut alors leur transmettre l'accord, la convention ou l'avenant en vue de l'approbation prévue à l'article L. 162-15 qu'après un délai minimal fixé par décret.
« Un décret fixe les conditions d'application du présent article. »
II. - Le dernier alinéa de l'article L. 162-15 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le présent alinéa ne s'applique pas lorsque l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire participe aux négociations dans les conditions prévues à l'article L. 162-14-3. »
III. - Le dernier alinéa de l'article L. 182-2 du même code est supprimé.
IV. - L'article L. 182-3 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La décision de signer un accord, une convention ou un avenant mentionnés à l'article L. 162-14-3 est prise par le conseil de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire. Elle est prise à la majorité de 60 % au moins des voix exprimées en ce qui concerne les accords mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 162-14-3.
« L'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire transmet, avant le 15 juin de chaque année, au Parlement et au ministre chargé de la sécurité sociale, un bilan détaillé des négociations auxquelles elle a décidé de participer en application de l'article L. 162-14-3, ainsi que de la mise en œuvre des accords, conventions ou avenants qu'elle a signés à l'issue de ces négociations. »
V. - L'article 44 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 est ainsi modifié :
1° Supprimé........................................................................... ;
2° Le deuxième alinéa du II est ainsi rédigé :
« Un arrêté du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la sécurité sociale précise les limites dans lesquelles les missions régionales de santé fixent les montants des rémunérations des médecins assurant la permanence des soins, ainsi que le montant maximal de dépenses au titre de ces rémunérations pour chaque mission régionale volontaire. » ;
3° Au troisième alinéa du II, les mots : « au fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins de ville » sont remplacés par les mots : « aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ».
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, sur l'article.
Mme Gisèle Printz. Dès lors que l’on fait participer le système mutualiste au financement de notre sécurité sociale, à la hauteur de ce que nous impose l’article 12 du présent projet de loi, il est normal qu’il y ait des compensations et l’on peut concevoir que ce système participe davantage à la gestion d’un risque qu’il connaît mieux. Il est même souhaitable de l’associer systématiquement lorsque l’on traite, notamment, des secteurs optique ou dentaire, dans lesquels les organismes complémentaires supportent l’essentiel des remboursements.
Quant aux expérimentations de nouveaux modes de rémunération, elles sont importantes et nécessaires. Toutefois, le texte nous paraît trop limité en la matière.
Ainsi, l’organisation et la gestion des maisons de santé interdisciplinaires, auxquelles nous sommes très attachés, offrent souvent l’occasion d’expérimenter des démarches de prévention impliquant des modes de rémunération innovants sous forme de forfait.
C’est une démarche innovante, et j’espère que nous aurons l’occasion de progresser et de favoriser l’essor d’un tel mode rémunération au cours de la discussion du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires ».
M. le président. L'amendement n° 124, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 162-14-3 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots :
l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire
par les mots :
les représentants des organismes visés à l'article L. 111-1 du code de la mutualité
II. - Procéder à la même substitution dans le second alinéa du II ainsi qu'au début du dernier alinéa du IV de cet article.
III. - Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 162-14-3 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots :
de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire
par les mots :
des représentants des organismes visés à l'article L. 111-1 du code de la mutualité
IV. - Procéder à la même substitution dans le deuxième alinéa du IV de cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet article 31 revêt un caractère particulier puisqu’il constitue, en quelque sorte, une faveur accordée aux organismes complémentaires en vue de compenser l'augmentation du taux de la taxe sur le chiffre d’affaires instaurée à l’article 12. En contrepartie de cette augmentation, l’UNOCAM obtient des avancées sur quatre points.
Ainsi, l’UNOCAM ne se contenterait plus de donner un avis sur les projets de convention ; elle serait associée à la négociation. Pour les secteurs coûteux, la validité de la convention serait soumise à l’approbation de cet organisme. C’est une démarche nouvelle et importante qui s’engage.
Effectivement, il est logique de considérer que les organismes qui assurent, à eux seuls, plus de 27 milliards d’euros de dépenses de santé, peuvent avoir leur mot à dire quant aux dépenses publiques en matière de santé. Mais, paradoxalement, on peut craindre que le refus de l’UNOCAM de signer une convention ne conduise à une augmentation de la part non remboursée et, partant, du reste à charge pour l’assuré social.
Toutefois, nous ne pouvons que regretter le choix fait par le Gouvernement d’associer indistinctement, dans la gestion de l’assurance maladie, les organismes privés à but non lucratif et leurs homologues à but lucratif. C’est sur ce point, bien sûr, que nous sommes en désaccord. À notre sens, vous avez fait « entrer le loup dans la bergerie ».
C’est pourquoi notre amendement n° 124 a pour objet d’ouvrir le champ de la négociation conventionnelle aux seuls organismes à but non lucratif, autrement dit aux mutuelles.
En effet, chacun en est bien conscient, les assurances privées qui offrent des prestations de santé poursuivent un objectif relativement simple à comprendre, à savoir la recherche de bénéfices, et cela non pour les réinvestir au profit des malades, mais pour les redistribuer aux actionnaires.
Comme vous le savez, madame la ministre, cela est d’autant plus dangereux que certains établissements de santé privés, et à but « très » lucratif, sont totalement ou partiellement détenus par les sociétés d’assurance elles-mêmes ou par des fonds de pension, les unes et les autres occupant en effet une place de plus en plus importante au sein de notre système de protection sociale.
Le risque est donc grand de construire un système dans lequel les assurances privées, qui ont des intérêts parfois contradictoires avec ceux de la sécurité sociale, seront à la fois juge et partie.
Il n’en va pas de même pour les organismes mutualistes puisque ceux-ci ne font pas de bénéfices, contrairement à ce que le Gouvernement laissait entendre lors de sa campagne médiatique. Ils réalisent certes des excédents, mais ils les réinvestissent au profit des mutualistes. Leurs objectifs sont, de ce fait, compatibles avec notre système de protection sociale. Sans doute le tropisme qui vous incite à généraliser le système assurantiel à l’américaine vous a-t-il pas empêché de mesurer cette différence !
Loin de nous l’idée de comparer notre système avec le système anglo-saxon, notamment celui qui prévaut aux États-Unis, qui laisse « sur le carreau » 50 millions d’Américains. Néanmoins, nous nous interrogeons quant au sens de la démarche engagée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Fischer souhaite exclure des négociations conventionnelles les organismes privés d’assurance et de prévoyance, ce qui inclut la Fédération française des sociétés d’assurance, la FFSA, et l’ensemble des institutions de prévoyance. Il fait, en revanche, une confiance aveugle à la Mutualité française, qu’il considère comme plus vertueuse.
Il sera intéressant de vous écouter intervenir dans la suite de la discussion, monsieur Fischer, à propos de certains amendements relatifs à la mutualité. Vous nous expliquerez alors que vous ne lui faites pas tant confiance que cela. En effet, vous ne croyez pas un seul instant à l’engagement pris par cette dernière devant le Gouvernement de ne pas répercuter la contribution de 1 milliard d’euros sur les cotisations.
L’avis de la commission est donc défavorable. Je ne suis d’ailleurs pas persuadé que vous soyez vous-même convaincu du bien-fondé de ce que vous proposez !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. M. Fischer vient très justement de dire qu’il serait anormal d’exclure les organismes qui assurent une part non négligeable de la prise en charge solidaire des dépenses maladie de nos concitoyens – prise en charge qu’ils assument d’ailleurs grâce à des aides massives de l’État – puisque l’ensemble du secteur assure au total 27 milliards d’euros.
Les sociétés d’assurance et les organismes de prévoyance représentent 40 % des financements complémentaires. Il ne serait donc vraiment pas raisonnable de les exclure des négociations conventionnelles et de réserver aux seuls mutualistes la capacité de négociation ainsi ouverte.
L’UNOCAM compte trente-trois membres : dix-sept délégués de la Fédération nationale de la mutualité française, huit de la Fédération française des sociétés d’assurance, sept du Centre technique des instituts de prévoyance, le CTIP, et un de l’instance de gestion du régime d’Alsace-Moselle. Aux termes des dispositions que je vous propose d’adopter, une majorité qualifiée de 60 % des votes sera nécessaire. Cela signifie qu’aucune décision ne pourra être prise sans la Mutualité française.
Rien ne pouvant se faire contre ou sans la Mutualité française, cet amendement est satisfait. Je vous demande donc, monsieur Fischer, de bien vouloir le retirer.
M. le président. Monsieur Fischer, l’amendement n° 124 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Cette fois, nous ne sommes pas d’accord avec M. Fischer. En effet, les représentants de la Mutualité française nous ont tenu les mêmes propos que Mme la ministre. Nous ne voterons donc pas cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 359, présenté par MM. Leclerc et Bizet, est ainsi libellé :
I. - Compléter la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 162-14-3 du code de la sécurité sociale par les mots :
, en présence des représentants des professionnels de santé concernés
II. - Supprimer les deuxième et troisième alinéas du même texte.
La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Il convient de modifier cet article pour plusieurs raisons.
L’UNOCAM se voit offrir la possibilité de participer systématiquement aux négociations et conclusions d’accords conventionnels entre l’UNCAM et les professionnels de santé. On peut considérer comme légitime que l’UNOCAM apporte son expertise à l’UNCAM, étant donné leur complémentarité sur le plan économique. Cette expertise est apportée sous forme d’une audition.
Pour respecter les aspects paritaires et transparents des négociations entre professionnels de santé et UNCAM, qui sont la base du fonctionnement conventionnel, il conviendrait – cela semble évident ! – de prévoir la présence des représentants des professionnels de santé concernés durant ces auditions.
La prépondérance de la signature de l’UNOCAM n’est pas acceptable.
Les prises de décisions conventionnelles s’appuient sur la parité entre la collectivité représentée par l’UNCAM, d’une part, et les professionnels de santé, d’autre part.
M. le président. L’amendement n° 125, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 162-14-3 du code de la sécurité sociale, après les mots :
est minoritaire
insérer les mots :
par rapport à la totalité des dépenses engagées par les assurés sociaux dans les domaines concernés
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à apporter une précision importante à la rédaction actuelle de l’article 31.
Cet article prévoit en effet que les accords, les conventions ou les avenants concernant certaines professions ou certaines prestations ne seront valides qu’à la condition qu’ils soient également conclus par l’UNOCAM, si la dépense prise en charge par la sécurité sociale est minoritaire. Et le texte s’arrête là.
On peut donc légitimement se poser la question suivante : minoritaire par rapport à quoi ? Et quelles sont ces professions ou ces prestations pour lesquelles la sécurité sociale interviendrait à titre, disons-le, très accessoire ?
Chacun ici aura compris qu’il s’agit de l’optique ainsi que des soins et de l’appareillage dentaires, deux domaines très peu couverts par la solidarité nationale, ce que je regrette. Cela est si vrai que ceux de nos concitoyens qui renoncent aux soins ou les retardent le plus le font avant tout dans ces domaines, toutes les études le prouvent. Quant à ceux qui souscrivent une mutuelle complémentaire, ils le font en grande partie en prévision de soins dentaires ou d’optique.
Nous considérons, au groupe CRC, qu’il est grand temps d’en finir avec ce non-dit et de préciser qu’il s’agit bien d’une participation minoritaire de la sécurité sociale, mais surtout minoritaire par rapport à la totalité des dépenses engagées par les assurés sociaux dans les domaines concernés. En effet, qu’il s’agisse de la prise en charge complémentaire assumée par les mutuelles, voire les sociétés d’assurance, ou de la dépense assumée par l’assuré social lui-même sous la forme d’un reste à charge, ce sont bien les cotisants qui devront payer de leur poche.
Pour être tout à fait francs, nous craignons que cette situation ne s’aggrave avec le temps. C’est pourquoi il nous paraît important d’adopter cet amendement de précision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. L’amendement n° 359 tend à associer les représentants des professionnels de santé dans le cadre des négociations conventionnelles aux côtés de l’UNOCAM.
Ce changement des modalités de participation de l’UNOCAM aux négociations conventionnelles pose un problème au regard des accords qui ont été signés entre le Gouvernement et l’UNOCAM. Je laisserai donc le soin à Mme la ministre de répondre à votre question, monsieur Leclerc, et de juger de la pertinence de votre proposition.
Quant à la deuxième partie de votre amendement, qui tend à supprimer les deuxième et troisième alinéas du texte proposé par le I de cet article pour l’article L. 162-14-3 du code de la sécurité sociale, elle aurait pour conséquence de supprimer les dispositions relatives à la conclusion de ces accords et à leur approbation. Ces dispositions constituant un élément essentiel du dispositif, il serait gênant de les faire disparaître.
Compte tenu de ces observations et sachant que l’avis que formulera Mme le ministre ne manquera pas de vous éclairer, la commission juge plus sage de vous demander de bien vouloir retirer votre amendement. Je vous remercie à l’avance de votre compréhension.
S’agissant de l’amendement n° 125, je vous informe, madame David, qu’un arrêté ministériel est prévu pour déterminer les cas dans lesquels la signature de l’UNOCAM est nécessaire.
Ne sachant pas si la précision que vous souhaitez apporter au texte peut être utile, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement avant de se prononcer sur votre proposition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je comprends le sens des questions posées par MM. Leclerc et Bizet. Je vais tenter d’y répondre, en espérant que les assurances que je vais leur donner permettront un retrait de l’amendement n° 359.
Dans un premier point, monsieur Leclerc, vous exprimez le souhait que les représentants des professionnels de santé soient présents lors de l’audition de l’UNOCAM par l’UNCAM. Je vous rappelle que les représentants des professionnels de santé, lorsqu’ils siègent à la table des négociations conventionnelles, peuvent d’ores et déjà prendre connaissance en toute transparence des positions de l’UNOCAM. Il n’y a donc pas là de véritable difficulté.
Dans un second point, vous vous inquiétez d’une éventuelle situation de blocage et vous mettez en quelque sorte en pièces le dispositif proposé. Je comprends votre position, mais il a été prévu dans le texte un mécanisme aux termes duquel, à défaut d’accord avec l’UNOCAM, ce qui peut toujours arriver, l’accord entre l’UNCAM et les représentants des professionnels de santé entrera en vigueur avec un différé, la durée de ce différé étant fixée par voie réglementaire. Je puis vous indiquer que je retiendrai certainement un délai de six mois.
Les risques de blocage étant ainsi levés, je vous demande, monsieur Leclerc, de bien vouloir retirer votre amendement.
Je comprends également la position exprimée par Mme David au travers de l’amendement n°125, présenté comme un amendement de précision. L’objectif est bien, comme le prévoit l’article, de comparer les dépenses de l’assurance maladie obligatoire avec toutes celles qui sont supportées par les assurés, qu’elles soient prises en charge ou non par les organismes complémentaires.
Or la rédaction de l’amendement, du fait de la notion de « dépenses engagées », est ambiguë. En effet, l’assuré n’engage pas toujours la dépense lui-même, au sens strict du terme, lorsqu’il bénéficie du tiers payant. Il est donc préférable de s’en tenir à la rédaction du Gouvernement, étant entendu que des dispositions réglementaires fixeront la liste des prestations.
Sous le bénéfice de ces explications et de celles de M. le rapporteur, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Leclerc, l’amendement n° 359 est-il maintenu ?
M. Dominique Leclerc. J’ai écouté vos explications, madame la ministre, et j’ai pris bonne note de la solution que vous préconisez en cas de blocage.
Je vous fais confiance et retire donc mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 359 est retiré.
Madame David, retirez-vous également l’amendement n° 125 ?
Mme Annie David. Une certaine inquiétude subsiste puisque nous devons nous en remettre à un arrêté.
Cela dit, je concède à Mme la ministre l’ambiguïté des termes « dépenses engagées », que nous n’avions pas mesurée. Pour cette raison, j’accepte de retirer cet amendement, en lui faisant confiance sur l’écriture de l’arrêté en question.
M. le président. L’amendement n°125 est retiré.
L'amendement n° 126, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 162-14-3 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :
« Les mutuelles régies par l'article L.111-1 du code de la mutualité volontaires pour participer à une ou plusieurs expérimentations sont signataires de la convention passée entre les professionnels de santé, les centres de santé et les maisons de santé volontaires et la mission régionale de santé. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Avant son passage à l’Assemblée nationale, la rédaction de cet article 31 faisait explicitement référence à la possibilité d’étendre et de généraliser les expérimentations dont le Sénat a longuement débattu l’année dernière, lors de l’examen de l’article 44 de la loi de finances pour 2008.
Pour mémoire, celui-ci prévoit que des expérimentations concernant de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé ou de financement des centres de santé peuvent être menées. Il s’agissait de trouver les moyens efficaces de rémunération pour désengorger les services hospitaliers – notamment les urgences – et éviter le mitage médical qui touche particulièrement les zones rurales ou les quartiers de périphérie.
Or, après l’adoption d’un amendement déposé par le député UMP Jean-Pierre Door, il n’est plus fait mention dans cet article de ces expérimentations. Cette suppression, votre collègue de la. majorité l’a défendue en ces termes : « Il convient de supprimer ces deux alinéas car l’élaboration d’un rapport sur les conditions, les modalités et le calendrier de généralisation des expérimentations de nouveaux modes de rémunération des professionnels, maisons ou centres de santé, s’apparente à une pétition de principe. »
Je lui donne acte qu’il était franchement prématuré de dresser le bilan d’une expérimentation qui n’a pas duré onze mois. Au demeurant, bon nombre d’expérimentations n’ont même pas encore été menées. Dès lors, il suffisait de retarder l’application de ce rapport d’une année. Je crains fort que cette démarche ne soit, au final, qu’une étape vers la suppression de ces expérimentations.
Disant cela, je mesure combien l’amendement que nous avons déposé est important. Il permet, en effet, d’aborder ce sujet tout en rappelant notre attachement à la poursuite de ces expérimentations. J’en veux pour preuve que nous entendons permettre aux organismes mutualistes, qui participent déjà à ces expérimentations, de pouvoir le faire aujourd’hui de manière contractuelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Sur cet amendement, qui rejoint une précédente proposition de M. Fischer, je dirai qu’il aurait été plus cohérent d’associer l’ensemble des complémentaires à l’expérimentation plutôt que de réserver un sort particulier aux mutuelles. En tout cas, madame Pasquet, il me semble qu’il serait plus sage, dans l’hypothèse où le Gouvernement s’en remettrait à la sagesse du Sénat, de rectifier votre amendement en ce sens. À défaut, l’avis de la commission serait de toute façon défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Votre amendement est déjà satisfait, madame Pasquet, puisque la mise en œuvre de l’article 44 de la loi de finances pour 2008 a exigé un décret d’application. Des concertations ont été menées avec les organismes complémentaires, qui ont reçu pour avis le projet de décret.
Dans la mesure où vous avez satisfaction, je vous suggère de retirer votre amendement. Sinon, je serai contrainte d’émettre, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.
M. le président. Madame Pasquet, accédez-vous à la demande de Mme la ministre ?
Mme Isabelle Pasquet. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 126 est retiré.
L'amendement n° 127, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 162-14-3 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :
« La rémunération forfaitaire se substitue au paiement à l'acte dans le cadre des expérimentations de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé conduites sur la prévention et le suivi des malades chroniques. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement est dans la continuité du précédent, qui vient d’être retiré ; je serai donc bref dans ma présentation.
Les nouveaux modes d’expérimentation, y compris la rémunération au forfait, ne peuvent suffire à eux seuls à régler le problème de la démographie médicale. Celui-ci appelle une réponse globale, appréhendant l’aménagement du territoire, la place et le rôle des services publics. La réalisation des maisons médicales de garde et la dynamique développée en milieu rural ainsi que dans les grands quartiers populaires montrent que tout repose bien souvent sur les collectivités territoriales.
S’il y a lieu de conforter ces expérimentations, le Gouvernement doit lui-même donner l’exemple quand il demande des efforts aux praticiens. Comment pouvez-vous attendre des médecins qu’ils s’installent dans des territoires où les écoles ferment, où les ASSEDIC ont fusionné avec l’ANPE, où les bureaux de poste sont menacés par la privatisation ? Ce décalage entre les besoins et la réalité des services publics en milieu rural soulève de plus en plus de difficultés !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais oui, madame le ministre, mais M. Fischer, après avoir brièvement évoqué la rémunération au forfait, a dérivé sur d’autres sujets… Nous en avons l’habitude !
Quoi qu'il en soit, monsieur Fischer, votre amendement est satisfait par la rédaction de l’article auquel vous faites référence puisque le texte que nous avons adopté en 2008 – vous devez le savoir : vous étiez présent – a prévu que les expérimentations porteraient notamment sur de nouveaux modes de rémunération, dont la rémunération forfaitaire.
Sans doute souhaitez-vous que Mme le ministre vous confirme que cette éventualité sera envisagée par le Gouvernement. Si tel est le cas, vous pourrez retirer votre amendement, comme l’a fait tout à l’heure Mme Pasquet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous le savez, l’un des axes forts de ma politique de santé est d’expérimenter de nouveaux modes de rémunération. Je suis en effet fondamentalement persuadée qu’un certain nombre de politiques de santé ne reçoivent pas une juste rémunération à travers le paiement à l’acte. Je pense, en particulier, à deux grands secteurs : les politiques de prévention et l’accompagnement des malades chroniques.
C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 autorise ces nouveaux modes à titre expérimental. Au cours de l’année 2008, nous avons réfléchi à la manière de lancer cette première salve d’expérimentations au 1er janvier 2009. D’autres dispositifs seront mis en place et monteront en puissance tout au long de l’année prochaine.
Ce qui me gêne dans votre amendement, monsieur Fischer, c’est qu’il réduit le champ de l’expérimentation à la rémunération forfaitaire. Or ce que nous souhaitons, c’est justement tester toutes sortes de solutions : la rémunération forfaitaire, bien sûr, mais aussi le salariat ou un panachage de paiement à l’acte et de rémunération forfaitaire. Nous ne devons pas nous interdire, au stade expérimental de notre démarche, de tester toute une palette de modalités de rémunération.
Je suis d’accord avec vous et avec beaucoup de membres de cette assemblée : oui à la rémunération forfaitaire, mais allons au bout de l’expérimentation !
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. La vérité, madame le ministre, c’est que les syndicats de médecins ne veulent pas renoncer au paiement à l’acte, et vous le savez très bien. Peut-être les choses évolueront-elles un jour, mais, pour l’instant, s’ils ont le choix entre la rémunération forfaitaire et le paiement à l’acte, ils opteront à 98,5 % pour le paiement à l’acte.
Certes, quelques médecins commencent à y croire, mais, en vérité, si vous ne réglementez pas, si vous laissez le choix, cela ne servira pas à grand-chose, car c’est le paiement à l’acte qui l’emportera.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, ne voyez pas là attaque personnelle – puisque je crois me souvenir que vous êtes médecin –, mais je peux vous dire qu’il y a à cet égard une véritable fracture générationnelle entre les médecins. Ce culte du paiement à l’acte, c’est chez les médecins les moins jeunes qu’on l’observe.
Lorsque nous avons réuni, au cours des états généraux de l’organisation de la santé, tous les représentants des médecins, y compris les jeunes, qui n’avaient jamais été associés à ces discussions, ces derniers, tout particulièrement les jeunes femmes médecins, ont manifesté une très grande appétence pour les modes de rémunération alternatifs.
Je ne vous suis donc pas du tout sur le fait que les médecins ne sont pas intéressés par ces modes de rémunération. Quand je vois l’intérêt que les jeunes leur portent, je ne doute pas qu’ils sont la voie d’avenir.
D’ailleurs, l’appel à projets que nous avons lancé cette année a reçu un accueil très favorable de la part des missions régionales de santé, les MRS : douze d’entre elles étaient candidates pour un total de soixante-cinq sites, dont vingt-huit maisons de santé pluri-professionnelles, quatre pôles de santé, trois réseaux de santé, vingt-sept centres de santé. Je le précise, étaient concernés tant des sites en zones rurales sous-dotées que des sites en zones urbaines défavorisées. Et les projets étaient de tailles très différentes.
Je vous invite donc à réviser vos « classiques », monsieur Cazeau : en lançant de nouveaux modes de rémunération, nous allons dans le sens de l’histoire et les médecins sont avec nous.
M. Bernard Cazeau. Nous prenons le pari !
M. le président. Monsieur Fischer, que répondez-vous à la sollicitation de retrait que vous a adressée Mme la ministre ?
M. Guy Fischer. Madame la ministre, nous vous avons déjà donné satisfaction à deux reprises… (Sourires.)
M. Guy Fischer. Irai-je jusqu’à la troisième ? (Nouveaux sourires.)
Sur un point, en tout cas, je vais vous rejoindre.
Je collabore régulièrement – notamment pour réfléchir sur les questions que soulèvent les différents PLFSS – avec un médecin de Vénissieux, par ailleurs représentant très dynamique du syndicat MG France.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je l’accueille souvent au Sénat !
M. Guy Fischer. Nous avons, nous aussi, tenté des expériences : le système du médecin référent, qu’on ne pouvait pas généraliser car cela aurait été trop coûteux ; le forfait de 40 euros pour les médecins suivant des personnes âgées en affection de longue durée ; les maisons de santé, dont l’une, située à Lescheraines, un petit village de Savoie, est remarquable.
M. Guy Fischer. Bien sûr ! Pas de problème !
M. le président. Voilà donc une « invitation au voyage » ! (Nouveaux sourires.)
M. Guy Fischer. Mais il faudrait quand même que j’en parle aux parlementaires de ce département ! (Nouveaux sourires.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Oui, ce serait bien le moins !
M. Guy Fischer. Pour connaître très bien la maison de santé en question, où toute une série de professions médicales sont regroupées, je crois pouvoir dire que cette expérience présente un caractère exemplaire.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui ! D’ailleurs, ses responsables font fortune !
M. Guy Fischer. Je suis d’autant plus intéressé par ce genre d’expériences que je sais que, dans un quartier comme celui des Minguettes, aujourd'hui, il faut absolument pouvoir lancer de telles initiatives pour assurer la permanence des soins.
Cela étant dit, à titre exceptionnel, je retire mon amendement. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On ose à peine y croire !
M. Guy Fischer. Ne considérez pas pour autant que nous lâchions un seul pouce de terrain !
M. le président. Tout de même, quel pouvoir de séduction, madame la ministre ! (Nouveaux sourires.)
L'amendement n° 127 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 132 rectifié, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Pasquet, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après le III de cet article, insérer un III bis ainsi rédigé :
III bis - Après le cinquième alinéa (3°) de l'article L. 182-2-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Un représentant des associations d'usagers agréées au titre de l'article L. 1114-1 du code de la santé publique. »
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Il s’agit, à travers cet amendement, d’intégrer les usagers au sein de l’UNCAM, instance qui joue un rôle déterminant dans la conduite de la politique conventionnelle, la définition du champ des prestations admises au remboursement ainsi que la fixation du taux de prise en charge des soins.
Elle a été créée par la loi du 13 août 2004, mais celle-ci ne fixait pas les modalités de composition des conseils de l’UNCAM. Les seules précisions données indiquaient que les représentants des salariés et ceux des employeurs y siégeraient en nombre égal, et que la mutualité en ferait partie.
Dans le décret publié, on a choisi d’écarter les associations d’usagers de la représentation du conseil de la CNAM au sein de l’UNCAM, alors que ces associations disposaient d’un « strapontin » au conseil de la CNAM. Cela est tout à fait regrettable dans la mesure où les enjeux débattus au sein de l’UNCAM restent particulièrement déterminants en termes de politique de santé et d’accès aux soins. En outre, il semble tout à fait utile de permettre aux usagers du système de soins de participer à des négociations qui les concernent directement ; je pense notamment aux négociations conventionnelles.
Par ailleurs, compte tenu de l’augmentation constatée du reste à charge, on peut même considérer que les usagers sont devenus des financeurs à part entière de notre système de soins et qu’ils doivent donc être traités comme tels.
Certes, la représentation syndicale au sein de l’UNCAM est déjà censée y représenter les cotisants. Tout à l’heure, madame la ministre, vous nous avez ainsi indiqué que les usagers étaient représentés par le biais des représentants des cotisants. Cela est vrai si l’on considère que les usagers sont des cotisants. Mais ce n’est pas le cas, par exemple, des bénéficiaires de la CMU-c ; et ils ne sont pas les seuls !
Je pense qu’il y a là un véritable problème. Il serait donc utile, à défaut d’approuver immédiatement le présent amendement, d’engager une réflexion à l’intégration, la plus rapide possible, de représentants des usagers au sein de l’UNCAM, comme vous l’avez fait pour la CNAM.
M. le président. L'amendement n° 330, présenté par Mme Dini, MM. Mercier, J. Boyer, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après le III de cet article, insérer un III bis ainsi rédigé :
III bis - Après le cinquième alinéa (3°) de l'article L. 182-2-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Un représentant des associations d'usagers désignés par le conseil de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés en son sein. »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. L'objet de cet amendement est de prévoir la participation d'un représentant des usagers au sein du conseil de l'UNCAM. Si l’on se place dans la logique, suivie par le présent PLFSS, d’amélioration de la représentativité des structures décisionnaires de l’assurance maladie, il convient de ne pas oublier les usagers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les amendements nos 132 et 330 sont presque identiques.
Monsieur Autain, vous avez pris le soin de préciser, lors de la présentation de votre amendement, que votre objectif était en fait de permettre aux usagers non cotisants d’être représentés au sein de l’UNCAM.
M. François Autain. C’était un argument parmi d’autres !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En effet, ayant considéré que les partenaires sociaux représentaient les cotisants, vous avez donc admis que, à ce titre, les usagers étaient, d’une certaine manière, représentés.
Cela étant, madame le ministre, je pense qu’il faudra un jour mettre fin, une bonne fois pour toutes, à cette ambiguïté sur la représentation des usagers. Si les partenaires sociaux représentent les usagers, on peut s’interroger sur la présence de représentants spécifiques de ces derniers au sein du conseil d’administration de la CNAM. (Mme la ministre manifeste sa surprise.) Mais oui : à partir du moment où les partenaires sociaux sont réputés représenter les usagers, à quoi bon avoir en plus un représentant de ces derniers au sein du conseil d’administration de la CNAM ?
Au contraire, si l’on considère – et ce point de vue, qui explique sans doute le dépôt des deux amendements, est également légitime – que les partenaires sociaux ne suffisent pas en eux-mêmes à représenter les usagers, on peut réclamer que ceux-ci disposent d’un siège dans les deux instances.
M. François Autain. Oui, ce serait un supplément !
M. Alain Vasselle, rapporteur. À moins, bien sûr, monsieur Autain, que vous rectifiiez votre amendement pour viser plus spécifiquement les usagers non-cotisants.
Je crois donc, madame le ministre, qu’il faudrait que vous nous expliquiez quelle est l’interprétation du Gouvernement sur la place des usagers dans ces instances. Par qui doivent-ils être représentés ?
Enfin, je tiens tout de même à préciser à M. Autain que, si les représentants des usagers au conseil de la CNAM n’ont pas été désignés pour siéger à l’UNCAM, c’est parce qu’ils n’ont pas réussi à se faire élire pour cela.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Et s’ils n’ont pas été élus, c’est parce qu’ils n’ont pas réussi à peser. Les représentants des partenaires sociaux ont considéré qu’ils suffisaient à représenter aussi les usagers.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande donc le retrait de ces amendements, à moins que le Gouvernement ne soit prêt à les accepter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je me demande si les auteurs de ces deux amendements ont pris l’attache des syndicats de salariés qui sont représentés à la CNAM-TS et à l’UNCAM. Car je peux vous garantir que, si vous interrogez la CGT, mais aussi la CFDT, FO et l’ensemble des partenaires sociaux, ils vous diront tout le mal qu’ils pensent de ces amendements !
M. François Autain. Nous sommes indépendants !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je rappelle qu’au conseil d’administration de la CNAM-TS sont représentés deux groupes d’usagers : le CISS, que vous avez déjà évoqué, monsieur Autain, et la FNATH.
Comme l’a excellemment dit M. le rapporteur, ces groupes n’ont pas été élus pour siéger au conseil d’administration de l’UNCAM ! Ils font partie de la CNAM-TS, mais nous ne pouvons pas utiliser la faculté de désignation que possède cet organisme pour lui dire quels doivent être ses représentants.
Il me paraît d’ailleurs extraordinaire qu’une telle proposition puisse venir des bancs de la gauche ! Laissons les représentants à la CNAM-TS disposer comme ils l’entendent de leurs sièges à pourvoir à l’UNCAM !
Il reste que ces deux amendements nous conduisent à aborder une question faisant effectivement débat, et qui est beaucoup plus complexe : les syndicats de salariés sont-ils les représentants des usagers ? Il s’agit là d’un débat de fond !
Je peux vous dire, pour avoir négocié avec les syndicats de salariés sur le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires » tout au long de l’année 2008, qu’ils estiment être les représentants des usagers. Ils le revendiquent clairement et, selon moi, ils ont légitimité à le faire.
M. le président. Monsieur Autain, l'amendement n° 132 rectifié est-il maintenu ?
M. François Autain. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 132 rectifié est retiré.
Madame Dini, l'amendement n° 330 est-il également retiré ?
Mme Muguette Dini. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 330 est retiré.
M. le président. L'amendement n° 416, présenté par M. Gilles, est ainsi libellé :
I. - Compléter la première phrase du deuxième alinéa du IV de cet article par les mots :
à la majorité des deux tiers au moins des voix exprimées
II. - En conséquence, supprimer la seconde phrase du même alinéa.
La parole est à M. Bruno Gilles.
M. Bruno Gilles. Au sein du conseil de l’UNOCAM, les voix se répartissent ainsi : dix-sept pour le collège des mutuelles, qui est majoritaire, huit pour celui des sociétés d’assurance, sept pour celui des organismes de prévoyance et une pour l’instance de gestion du régime d’Alsace-Moselle.
L’objet de cet amendement est de donner tout son sens à la signature de l’UNOCAM dans le cadre de conventions, d’accords ou d’avenants conclus avec les professionnels de santé et l’assurance maladie. Il s’agirait de faire en sorte que la décision soit prise au sein de ce conseil à la majorité qualifiée des deux tiers, au lieu des 60 % prévus, ce qui permettrait que les engagements pris soient partagés par un nombre significatif de partenaires.
En fixant le seuil de la majorité qualifiée aux deux tiers, soit vingt-deux voix, on s’assure en effet que le conseil de l’Union se prononce avec l’accord d’au moins deux collèges, dont celui qui est majoritaire. Nous avons eu, au sein de la commission, une longue discussion sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je suis chargé, au nom de la commission, d’émettre un avis de sagesse en attendant de recueillir le sentiment du Gouvernement sur cette proposition.
Cela étant, à titre personnel, monsieur Gilles, je considère que votre amendement est tout à fait pertinent. En effet, je trouve que la ficelle est un peu grosse, si je puis m’exprimer ainsi : le système envisagé permet à la mutualité, forte de dix-sept voix, de s’associer au régime local d’Alsace-Moselle, qui pèse une voix, pour emporter toute décision !
M. Bernard Cazeau. Cela va à l’encontre de ce que vous avez dit tout à l’heure !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela veut dire que, si cette entente se fait, les assurances et les institutions de prévoyance sont quasiment certaines de voir toutes les décisions être prises sans elles. Tout au moins, ce risque existe.
Pour ces raisons, j’aimerais que Mme le ministre puisse nous éclairer, de manière à lever toute inquiétude et toute ambiguïté sur le sujet. Si la réponse vous satisfait, mon cher collègue, peut-être accepterez-vous de retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je voudrais commencer par rappeler la constitution du conseil de l’UNOCAM : dix-sept représentants de la Fédération nationale de la Mutualité française, huit de la Fédération française des sociétés d’assurance, sept pour les institutions de prévoyance et un pour l’Alsace-Moselle.
Par conséquent, la majorité qualifiée de 60 % ne correspond pas à dix-huit voix, comme l’a suggéré M. le rapporteur – dix-sept plus une –, mais à vingt.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ah !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est donc impossible que l’alliance entre la FNMF et l’Alsace-Moselle permette d’atteindre la majorité de 60 %. Il est indispensable, pour cela, que s’ajoutent des voix des institutions de prévoyance, c'est-à-dire du CTIP, ou de la Fédération française des sociétés d’assurance.
Monsieur le rapporteur, votre inquiétude était légitime, mais il est clair que vous n’avez pas à redouter la coalition de l’Alsace-Moselle et des mutuelles !
J’aimerais maintenant expliquer les raisons qui nous conduisent à fixer la majorité qualifiée à 60 %, et non à 66 % comme le propose M. Gilles.
Il s’agit d’éviter deux écueils. D’un côté, il faut une majorité qualifiée afin qu’un autre organisme joigne ses voix à celles de la mutualité – celle-ci disposant à elle seule de la majorité simple – soit nécessaire pour la constituer. Mais, de l’autre, il ne faut pas non plus monter à 66 %, pour éviter qu’un seul des deux organismes minoritaires, la FFSA ou le CTIP, dispose d’une minorité de blocage.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous sommes d’accord !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Voilà pourquoi, avec l’aval des différents partenaires de l’UNOCAM, nous avons très précisément fixé le pourcentage à 60 %. Nous passons ainsi entre les deux écueils que j’évoquais.
Je vous demande donc, M. Gilles, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. Guy Fischer. C’était très bien expliqué !
M. le président. Monsieur Gilles, l'amendement n° 416 est-il maintenu ?
M. Bruno Gilles. Non, je le retire avec plaisir, monsieur le président. Mme la ministre nous a suffisamment éclairés !
M. le président. L'amendement n° 416 est retiré.
Je mets aux voix l'article 31.
(L'article 31 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 31
M. le président. L'amendement n° 240, présenté par M. Lardeux, est ainsi libellé :
Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 162-32 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les accords, conventions ou avenants prévus à l'article L. 162-14-1 prévoient une modulation de la participation des caisses aux cotisations sociales des professionnels de santé au titre du 5° du I dudit article, les modalités de cette participation s'appliquent de plein droit à la subvention visée à l'alinéa précédent, pour la catégorie de professionnels salariés du centre de santé relevant de la même profession. »
La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. L'article L. 162-32 du code de la sécurité sociale permet aux caisses primaires d'assurance maladie de verser aux centres de santé une subvention égale à une partie des cotisations dues par ces centres en application de l'article L. 241-1 pour les personnes qu'ils emploient et qui relèvent des catégories de praticiens ou d'auxiliaires médicaux relevant des sections 1 et 2 du présent chapitre. Cette subvention s'élève à 11, 5 % des salaires bruts.
Cette disposition est la déclinaison, pour les centres de santé, de la prise en charge par les caisses primaires d'assurance maladie de la cotisation relative à l'assurance maladie des professionnels de santé.
L'objet de l’amendement est de rendre applicables aux centres de santé les dispositions de l'article L. 162-14-1 concernant les professionnels de santé libéraux, dans un souci d'équité entre les différents modes de distribution des soins.
Il faut rappeler que les derniers avenants ou conventions nationales signés prévoient une modulation de cette participation en fonction des dépassements pratiqués. Or les centres de santé pratiquent des dépassements d'honoraires pour les soins prothétiques et orthodontiques. Cette situation est donc pour le moins incohérente.
Cet amendement permettra d'appliquer les mêmes règles et modalités de participation à cette subvention, de manière à rétablir l'équité économique entre le secteur libéral et les centres de santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans l’attente de l’avis du Gouvernement, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les situations des uns et des autres ne pouvant être comparées, je vais, avant d’exprimer mon avis, tenter de clarifier les choses.
L’accord conventionnel qui est passé entre les chirurgiens-dentistes et l’UNCAM ne prévoit pas, à proprement parler, de modulation de la prise en charge des cotisations sociales par l’assurance maladie ; il prévoit simplement une modification de l’assiette prise en compte pour le calcul de la part des cotisations prise en charge par l’assurance maladie. Celle-ci exclut dorénavant de l’assiette les dépassements pratiqués par les professionnels pour les actes prothétiques et les actes d’orthodontie, ce qui paraît normal.
La cotisation des centres de santé est totalement différente. L’assiette servant de base au calcul des cotisations prises en charge par l’assurance maladie correspond à la masse salariale des professionnels des centres de santé.
Il est donc très difficilement envisageable d’étendre automatiquement aux centres de santé les modulations d’assiette qui seraient décidées par voie conventionnelle entre les chirurgiens-dentistes libéraux et l’UNCAM, car cela n’a rien à voir.
Je précise, par ailleurs, que les centres de santé sont régis par une convention particulière qui prend en compte la spécificité de leur environnement et les contraintes liées à leur mode d’exercice. Par conséquent, il est souhaitable que les décisions qui les concernent soient prises en concertation avec eux.
Au bénéfice de ces explications, je vous invite donc, monsieur le sénateur, à retirer votre amendement, sur lequel j’émettrai sinon un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Lardeux., l'amendement n° 240 est-il maintenu ?
M. André Lardeux. Je retire cet amendement qui aura au moins eu le mérite de permettre à Mme la ministre d’apporter d’utiles précisions.
M. le président. L'amendement n° 240 est retiré.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget rectificatif n° 11 au budget général 2008 - État des dépenses par section - Section III - Commission.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3770 (annexe 11) et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4094 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 713/2005 du Conseil instituant un droit compensateur définitif sur les importations de certains antibiotiques à large spectre originaires de l’Inde.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4095 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/48/CE en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4096 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le régime applicable aux autres agents des Communautés européennes.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4097 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Lettre rectificative n° 3 à l’Avant-projet de budget 2009 - État des dépenses par section - Section II – Conseil.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4098 et distribué.
8
Dépôt de rapports d'information
M. le président. J’ai reçu de MM. Jean-Pierre Fourcade, Michel Charasse et Edmond Hervé un rapport d’information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l’enquête de la Cour des comptes relative aux procédures publiques gérées par la COFACE.
Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 95 et distribué.
J’ai reçu de MM. Gérard Longuet et Thierry Foucaud un rapport d’information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l’enquête de la Cour des comptes relative à l’école maternelle.
Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 96 et distribué.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 19 novembre 2008 à quinze heures et le soir :
- Suite de la discussion du projet de loi (n° 80, 2008-2009), adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;
Rapport (n° 83, 2008-2009) de MM. Alain Vasselle, André Lardeux, Dominique Leclerc, Gérard Dériot et Mme Sylvie Desmarescaux, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 84, 2008-2009) de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 19 novembre 2008, à une heure cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD