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Candidatures aux fonctions de secrétaire du Sénat
M. le président. Mes chers collègues, j’informe le Sénat que, à la suite de l’élection de MM. Jean-Léonce Dupont et de Guy Fischer comme vice-présidents du Sénat, la liste des candidats aux fonctions de secrétaire du Sénat, établie par les présidents de groupes selon la représentation proportionnelle des groupes, a été affichée.
Les candidatures proposées par les groupes intéressés seront ratifiées, en l’absence d’opposition, dans le délai d’une heure.
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Financement de la sécurité sociale pour 2009
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. André Lardeux, rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’année dernière, vous vous en souvenez peut-être, nous constations tous avec satisfaction que la branche famille dégagerait en quelques années des excédents de plusieurs milliards d’euros – jusqu’à 5 milliards d’euros pour la seule année 2012 –, et nous réfléchissions à la meilleure manière d’utiliser ces fonds au profit des familles.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est bien fini, hélas !
M. André Lardeux, rapporteur. Cette année, compte tenu de la situation financière de la branche, cette réflexion prospective n’est plus à l’ordre du jour. La Caisse nationale des allocations familiales, ou CNAF, enregistra un déficit d’au moins 200 millions d’euros en 2009, et les prévisions d’excédents ont été divisées par trois pour atteindre tout juste 1,5 milliard d’euros en 2012.
Au-delà de la conjoncture, qui pèse sur les recettes de la branche puisque celles-ci dépendent pour 80 % de la masse salariale, la dégradation que je viens de décrire est essentiellement due à la mise à la charge de la branche famille des dépenses nouvelles. Ainsi, les majorations de pensions pour enfants, actuellement assurées pour 60 % par le fonds de solidarité vieillesse, seront intégralement assumées par la CNAF d’ici à 2011.
Je crois que nous avons absolument besoin d’un débat de fond sur cette question.
Permettez-moi tout d’abord de succomber à la tentation de faire un peu d’histoire et de rappeler quelques propos ou prises de position des uns et des autres sur ce sujet, qui n’est pas nouveau.
À l’origine, la prise en charge intégrale de ces majorations par la CNAF est une idée du gouvernement Jospin, qui en avait inscrit le principe dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. L’opposition de l’époque avait vigoureusement réagi, et c’est peu de le dire. Pour ne donner qu’un exemple, l’actuel président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, avait alors jugé cette décision « atterrante d’irrationalité ».
Deux ans plus tard, lorsque le gouvernement Raffarin a proposé à son tour d’accélérer la prise en charge pour la faire passer de 30 % à 60 % du total,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout avait changé !
M. André Lardeux, rapporteur. …c’est le groupe communiste républicain et citoyen qui a alors déposé un amendement de suppression.
Mme Annie David. Oui !
M. André Lardeux, rapporteur. Ce jeu de rôle montre que la mesure ne convainc personne. Quand nous sommes dans l’opposition, nous osons la dénoncer, et quand nous sommes dans la majorité, la solidarité gouvernementale nous pousse à nous taire !
Je propose donc que, une fois pour toutes, nous prenions collectivement nos responsabilités, majorité comme opposition, pour trancher cette question très politique : faut-il transférer à la branche famille des avantages retraites jusqu’ici pris en charge par la solidarité nationale ?
J’écarte tout de suite l’argument selon lequel il s’agirait cette fois du tout dernier transfert que l’on infligerait à la branche famille. J’en veux pour preuve que l’on envisage déjà de faire porter à la branche, une fois que les avantages retraites seront absorbés, le congé de maternité, qui relève pour l’instant de l’assurance maladie. Là aussi, on dira que le congé maternité est un avantage familial et qu’il est donc juste qu’il soit assumé par la CNAF !
Je ne crois pas non plus que la prise en charge par la CNAF soit une manière de sanctuariser ces majorations de pension. Je reconnais que c’est une façon habile de présenter les choses, mais elle n’emporte pas ma conviction, et ce pour une raison simple : qu’est-ce qui empêchera le Gouvernement, qu’est-ce qui nous empêchera, mes chers collègues, de remettre en cause ces avantages si l’urgence ou la situation financière de la sécurité sociale l’exigent un jour ? En quoi une question de tuyauterie financière peut-elle bien restreindre ou figer les choix du législateur ? Nous gardons tous en mémoire l’exemple du défunt FOREC, le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l’assurance maladie. Eh oui !
M. André Lardeux, rapporteur. La logique qui consiste à transférer les fonds d’une branche excédentaire vers une autre branche est donc sans fin et occulte l’essentiel. Je suis prêt à admettre qu’il serait anormal qu’une branche soit structurellement excédentaire, car on pourrait en conclure que ses ressources sont excessives.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est vrai !
M. André Lardeux, rapporteur. Mais nous savons aussi tous ici – notre expérience d’élu local nous l’apprend quotidiennement – que les besoins des familles, notamment les besoins de garde, ne sont pas satisfaits sur notre territoire. Il y a certes des excédents, mais il y a surtout des besoins à satisfaire ! Préservons donc les fonds de la branche famille pour les familles qui nous le demandent !
J’ajouterai un mot sur ce sujet. Les dépenses de la politique familiale sont un investissement pour l’avenir. Elles ont un effet positif direct sur l’ensemble des autres branches, puisqu’elles soutiennent la natalité et donc le volume des futures cotisations. Dans ces conditions, veut-on vraiment diminuer ces investissements pour financer indirectement la branche retraite, dont chacun sait ici – notre collègue Dominique Leclerc l’a maintes fois rappelé – qu’elle est en déficit parce qu’elle est particulièrement difficile à réformer ?
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a pris l’initiative de supprimer l’article 70, qui vise à poursuivre la prise en charge des majorations de pensions pour enfants par la CNAF.
J’en viens maintenant aux trois autres mesures importantes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale concernant la branche famille.
Tout d’abord – vous l’avez rappelé, madame la ministre –, le projet de loi vise à ce que le complément de libre choix du mode de garde, que les parents perçoivent quand ils font garder leur enfant, soit modulé en fonction du moment de la garde dans la journée. Ainsi, ce complément sera plus important pour les heures de garde dites « atypiques », c’est-à-dire les heures de soirée et de nuit, pour aider davantage les parents qui travaillent en horaires décalés. Il ne faudrait pas pour autant qu’il ait l’effet pervers d’encourager les entreprises à imposer des horaires « anormaux » à leurs salariés, notamment aux femmes.
Ensuite, le projet de loi de financement tend à porter de trois à quatre le nombre d’enfants qu’une assistante maternelle peut légalement prendre en charge simultanément. Grâce à cette mesure, qui ne devrait coûter que 25 millions d’euros au titre de la PAJE, la prestation d’accueil du jeune enfant, 10 000 places d’accueil supplémentaires seront créées en 2009.
L’idée d’augmenter le nombre d’enfants gardés par personne est très intéressante ; la commission propose d’ailleurs de l’étendre aux crèches. Si l’on considère qu’une assistante maternelle peut désormais s’occuper de quatre enfants, au lieu de trois enfants jusqu’à présent, pourquoi les professionnels travaillant en crèche ne pourraient-ils pas s’occuper eux aussi de plus d’enfants ?
Enfin, le projet de loi prévoit que les assistantes maternelles, qui doivent normalement accueillir les enfants chez elles, pourront désormais se regrouper dans un local commun en dehors de leur domicile.
Ce point a provoqué, je dois le dire, un large débat au sein de la commission des affaires sociales. Cette dernière, si elle n’est pas par principe opposée à cette nouvelle possibilité, souhaite néanmoins mieux l’encadrer, au moins de deux manières : d’abord, en prévoyant que les CAF, les caisses d’allocations familiales, ne pourront pas imposer un niveau de rémunération déterminé aux assistantes maternelles qui continueront de négocier leur salaire avec leurs employeurs, c’est-à-dire avec les parents ; ensuite, en incitant les collectivités territoriales, qui ont tout à gagner à ce regroupement, à s’investir dans le dispositif en fournissant le local de travail commun. Ces deux mesures devraient permettre d’instaurer la confiance nécessaire à la réussite de cette initiative.
Je souhaiterais pour finir présenter rapidement deux autres mesures que propose la commission des affaires sociales pour compléter le volet famille de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La première mesure a pour objectif de mettre fin à la fraude – encore que le mot soit un peu fort : c’est plutôt une sorte d’arrangement avec le droit – qui concerne la déclaration légale par les parents des heures de garde de leurs enfants afin de bénéficier à plein des allégements de cotisations sociales.
La seconde mesure tend à recentrer le crédit d’impôt famille accordé aux entreprises sur les vraies dépenses de crèches des entreprises et non sur des actions de formation destinées aux salariés qui viennent de bénéficier d’un congé lié à la naissance d’un enfant.
Tels sont les propos qu’appellent de ma part les dispositions relatives à la famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Hormis la prise en charge des majorations de pensions pour enfants, ces dispositions paraissent globalement satisfaisantes à la commission des affaires sociales. C’est pourquoi cette dernière, sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle a déposés, vous demande de les voter, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 consacre quatorze articles à l’assurance vieillesse Il propose ainsi une traduction législative des conclusions du premier rendez-vous quadriennal sur les retraites prévu par la loi du 21 août 2003. C’est dire l’importance extrême qu’il porte à cette branche.
Quelle est la situation financière de la branche vieillesse ? Pour ma part, je la qualifierai de très préoccupante. En dépit de la réforme de 2003, son déficit n’a cessé de se creuser depuis quatre ans, passant de 1,8 milliard d’euros en 2005 à 5,7 milliards d’euros en 2008. La branche vieillesse est, pour la deuxième année consécutive, la plus déficitaire des quatre branches de la sécurité sociale.
Cette dégradation continue des comptes ne s’explique pas seulement par les facteurs démographiques que nous connaissons tous : l’arrivée à l’âge de la retraite des générations issues du baby-boom et l’augmentation de l’espérance de vie. Elle résulte à nouveau de la montée en charge du dispositif des retraites anticipées pour carrière longue, instauré par la loi du 21 août 2003. En effet, depuis la mise en œuvre de ce dernier, plus de 450 000 retraites anticipées ont été accordées à ce titre par le régime général. Le coût du dispositif pour la seule CNAV, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, devrait encore augmenter de 300 millions d’euros pour atteindre 2,4 milliards d’euros en 2008, soit trois fois plus qu’on ne le prévoyait voilà cinq ans.
Le creusement du déficit de la branche vieillesse est d’autant plus inquiétant que les projections pour les années 2020 à 2050 font état d’une dégradation financière accrue des régimes de retraite, principalement due au choc démographique. En conséquence, notre système de retraite devra faire face à un besoin de financement croissant, estimé à 24,8 milliards d’euros pour 2020 et à 68,8 milliards d’euros pour 2050.
Tel est le rapide panorama que l’on peut dresser de la situation financière de notre système de retraite à court, à moyen et à long terme.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est donc dominé, une nouvelle fois, par la nécessité et l’urgence du retour à l’équilibre des comptes de la branche vieillesse.
Voyons d’abord quelles sont les mesures du PLFSS pour l’assurance vieillesse.
Le Gouvernement s’engage dans trois directions, et la commission des affaires sociales soutient pleinement ses choix.
Tout d’abord, la première priorité du Gouvernement en faveur de l’emploi des seniors est aussi la nôtre, car notre pays continue d’être l’un des pays européens dans lequel le taux d’emploi des cinquante-cinq–soixante-quatre ans est le plus faible, en raison principalement de l’existence de nombreux dispositifs de départ précoce, ainsi que de la faible intégration des seniors dans la politique de gestion des ressources humaines des entreprises.
Il est donc heureux que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 introduise de nouvelles dispositions visant à inciter les salariés à prolonger leur parcours professionnel, et ce au-delà de l’âge moyen de cessation d’activité. Ce dernier s’établit aujourd’hui autour de cinquante-sept–cinquante-huit ans. On peut aussi espérer que les employeurs et les partenaires sociaux joueront enfin le jeu de ces actions incitatives en faveur de l’emploi des seniors. Toutefois, l’expérience nous conduit à faire preuve de circonspection. Il est certes probable que toutes les entreprises négocieront un accord collectif d’ici à 2010, mais quelle assurance peut-on avoir sur la nature concrète des engagements qui seront pris ?
Je regrette aussi que, contrairement à ce qui avait été annoncé durant l’été, le Gouvernement ait finalement renoncé à remettre à plat et à harmoniser le régime fiscal et social des indemnités de départ en retraite et de licenciement des chômeurs âgés. Là est le talon d’Achille de ce rendez-vous de 2008. Il faudra s’y attaquer en 2010, puisque cette étape a été ajoutée à notre échéancier.
Dans un contexte très difficile, où le déficit de la CNAV représente déjà plus de 5 % des prestations versées chaque année, l’issue des négociations en cours sur la pénibilité du travail inspire à la commission des affaires sociales de réelles inquiétudes. Bien sûr, nous ne doutons pas que cette notion fasse partie de la réflexion sur l’allongement de la durée d’activité. Nous n’en rappelons pas moins que les critères selon lesquels la définir demeurent incertains, d’autant que le bon sens nous conduit plutôt à penser qu’il serait préférable de prévenir les situations de pénibilité au travail et d’en tenir compte durant la vie active plutôt qu’au moment de la cessation d’activité.
Le risque majeur de cette négociation, qui peine d’ailleurs à aboutir, tient à la création d’un nouveau mécanisme de préretraite déguisé, à l’heure où la question de la soutenabilité financière du dispositif des carrières longues est posée. À titre personnel, je ne partage pas du tout les recommandations faites par le député Jean-Frédéric Poisson dans le rapport d’information qu’il a consacré à cette question au début de cette année, en particulier la création de mesures de compensation, qui apparaissent comme l’ouverture d’un départ anticipé à la retraite.
La deuxième priorité du Gouvernement est la concrétisation des engagements du Président de la République en faveur des retraités aux revenus les plus modestes. La commission des affaires sociales souscrit pleinement à cet objectif. En effet, la pauvreté touche encore aujourd’hui près de 10 % de l’effectif des soixante ans et plus. Il est urgent de réduire ces poches de pauvreté. Vous avez d’ailleurs tous pris connaissance du dernier rapport de l’INSEE qui confirme et aggrave ces chiffres, mes chers collègues.
Nous sommes donc favorables aux propositions en faveur du relèvement de 25 % d’ici à 2012 du minimum vieillesse des personnes seules, de la majoration des petites pensions de réversion, de la revalorisation des petites retraites agricoles et du ciblage du minimum contributif sur les petites retraites.
Enfin, la troisième réforme attendue est celle de l’indemnité temporaire de retraite versée aux pensionnés civils et militaires de l’État en outre-mer. C’est un dispositif de sur-pension que nous dénonçons depuis longtemps. Il est particulièrement coûteux et inéquitable. En outre, symboliquement, il va à l’encontre des efforts demandés à l’ensemble des assurés pour garantir la viabilité financière des régimes de retraite.
Catherine Procaccia, André Lardeux et moi-même avions d’ailleurs déposé en juillet dernier une proposition de loi pour mettre fin à cet avantage, proposition cosignée par 109 de nos collègues, c’est-à-dire par le tiers du Sénat.
Nous nous réjouissons donc de la fin du statu quo. Cependant, je voudrais aussi exprimer la déception que m’inspirent le rythme et l’ampleur de cette réforme. En effet, le dispositif ne sera pas fermé aux nouveaux bénéficiaires avant 2028 !
M. Guy Fischer. C’est progressif !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très progressif !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. C’est pourquoi, la commission des affaires sociales a adopté, sur ma proposition, plusieurs amendements visant à accélérer le calendrier de mise en œuvre de cette réforme.
Au moment de conclure mon propos, j’éprouve un vrai regret, ce qui ne vous étonnera sans doute pas. Nous constatons en effet que le Gouvernement a retenu, dans la continuité de 2003, l’option d’une réforme paramétrique pour ce rendez-vous de 2008. Si le fait de privilégier les transferts financiers à partir de la branche famille et de l’assurance chômage est un choix compréhensible, il occulte cependant la nécessité d’une réflexion à moyen et à long terme pourtant exigée par la situation financière très dégradée de la branche vieillesse et les perspectives de celle-ci.
La confiance des Français, en particulier des jeunes actifs, en l’assurance vieillesse connaît une crise qui montre bien que nous sommes arrivés à un point de rupture. Le pacte social sur lequel est fondé notre système de retraite risque de se déliter à brève échéance, sous l’effet de deux phénomènes : la montée des inégalités entre générations et, surtout, la répartition inéquitable de l’effort contributif demandé aux différentes catégories d’assurés sociaux.
En conséquence, nous sommes convaincus que des ajustements paramétriques ne suffisent plus et qu’il est désormais indispensable d’engager une réforme profonde du système de retraite. C’est pourquoi la commission des affaires sociales souhaite, madame, monsieur le ministre, que nos débats d’aujourd’hui préparent les étapes de demain.
Pouvez-vous nous dire si vous envisagez de mener d’ici à 2010 une réflexion approfondie sur la faisabilité d’une réforme structurelle du système de retraite français ? Je plaide, pour ma part, pour qu’elle puisse inclure l’étude du mécanisme des comptes notionnels dit « à la suédoise » et son système d’ajustement financier, qui fonctionnent depuis plus de dix ans de manière convaincante, semble-t-il.
Pour conclure, je soulignerai la volonté de la commission des affaires sociales d’être partie prenante à ce rendez-vous de 2008 sur les retraites. Nous nous y étions préparés de longue date, et avions formulé dans cette perspective, voilà un an, à l’occasion du précédent PLFSS, un vaste ensemble de propositions, dont certaines ont été reprises. Tout ce travail de réflexion demeure valable pour préparer le prochain rendez-vous, en 2010 ou en 2012.
Compte tenu de l’ampleur du déficit de la branche vieillesse, la commission des affaires sociales a délibérément choisi de ne présenter qu’un nombre très limité d’amendements, aucun d’entre eux n’entraînant de dépense supplémentaire,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. … ceux qui portent sur les surpensions outre-mer visant, à l’inverse, à réaliser des économies.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement tendant à lancer les travaux d’expertise sur les comptes notionnels a pour objet d’ouvrir un débat public. Nous connaissons, monsieur le ministre, votre attachement à la concertation. Nous attendons donc beaucoup de vous sur ce point capital, d’autant qu’il ne s’agit que de préparer l’avenir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, rapporteur.
M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale se trouve dans une situation financière plutôt satisfaisante puisqu’elle devrait dégager un excédent de 389 millions d’euros en 2008 et être à peu près à l’équilibre l’an prochain, en dépit des dépenses nouvelles que le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de mettre à sa charge.
Je voudrais tout d’abord dire un mot sur les statistiques récentes relatives aux risques professionnels. Elles indiquent plutôt une stabilisation du nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Certes, le nombre d’accidents du travail remonte légèrement depuis deux ans, mais cette contre-performance s’explique par le niveau des créations d’emploi, la fréquence des accidents du travail demeurant pour sa part inchangée.
De même, si le nombre de personnes reconnues atteintes d’une maladie professionnelle est toujours en augmentation, c’est sur un rythme ralenti par rapport à celui qui était observé au début des années 2000. Les cas demeurent concentrés sur un petit nombre de pathologies, parmi lesquelles les maladies causées par l’amiante figurent encore en bonne place.
Il est toujours difficile de déterminer si l’augmentation statistique du nombre de maladies résulte d’une réelle dégradation de la santé au travail ou d’une amélioration du taux de déclaration et de reconnaissance des maladies professionnelles. Je rappelle en effet qu’un nombre non négligeable de maladies professionnelles n’est pas déclaré aux caisses de sécurité sociale ou reconnues comme telles, et ce pour des raisons diverses tenant, par exemple, au manque d’information des médecins et des assurés sociaux ou à des retards dans l’actualisation des tableaux des maladies professionnelles.
Une commission se réunit d’ailleurs régulièrement pour évaluer l’ampleur de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance ainsi que le coût de celles-ci pour la branche maladie. Dans son rapport de juillet 2008, elle évalue ce coût entre 564 millions et 1 milliard d’euros. Chaque année, la branche accidents du travail et maladies professionnelles effectue un reversement à la branche maladie pour le compenser.
Comme je vous l’indiquais en introduction, la branche devrait être nettement excédentaire en 2008, alors qu’elle était encore déficitaire l’an dernier. Ce retournement de situation s’explique notamment par la suppression de certaines exonérations de cotisations AT-MP, qui a rapporté 180 millions de recettes supplémentaires, et par le dynamisme de la masse salariale.
L’an prochain toutefois, la branche devrait être tout juste à l’équilibre en raison des charges nouvelles que le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de lui faire assumer.
Ces charges nouvelles se répartissent en trois catégories.
Il est tout d’abord prévu de mieux indemniser les victimes, ce qui occasionnerait une dépense supplémentaire évaluée à quelque 35 millions d’euros.
Il est ensuite proposé d’augmenter de 300 millions d’euros le versement à la branche maladie au titre de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance.
Enfin, la dotation de la branche au fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, va encore s’accroître de 30 millions d’euros pour compenser la suppression de l’une de ses recettes.
Le FCAATA verse une allocation de préretraite aux salariés qui ont été exposés à l’amiante au cours de leur carrière. Son financement provient essentiellement d’une dotation de la branche AT-MP complétée par une fraction des droits de consommation sur les tabacs et par une contribution due par les entreprises lorsque l’un de leurs salariés est admis au bénéfice de l’allocation, contribution qui a rapporté à peu près 30 millions d’euros l’an dernier.
Le projet de loi de financement propose de supprimer cette contribution au motif qu’elle n’a jamais permis de percevoir les recettes escomptées – on tablait à l’origine sur 120 millions d’euros de recettes par an –, qu’elle a suscité un très important contentieux, et donc des coûts de recouvrement extrêmement élevés, et qu’elle dissuade parfois des repreneurs potentiels de s’intéresser à une entreprise en difficulté.
La commission des affaires sociales s’est interrogée sur le bien-fondé de cette suppression, qui peut être mal ressentie par les victimes de l’amiante. (M. Jean-Pierre Godefroy acquiesce.) Ces dernières soulignent à juste titre que cette mesure aura pour effet de mutualiser entièrement le financement du FCAATA, alors que la contribution visait justement à pénaliser les entreprises ayant une responsabilité directe dans le drame de l’amiante.
Compte tenu de son faible rendement et des difficultés de recouvrement auxquelles se heurtent les URSSAF, la commission des affaires sociales est arrivée à la conclusion que la suppression de la contribution était la solution la plus raisonnable. Je souligne que les entreprises qui ont exposé leurs salariés à l’amiante ont souvent disparu ou ont été rachetées, de sorte qu’il est assez illusoire de penser sanctionner les véritables responsables par le biais de cette contribution.
Pour en terminer avec la question des transferts financiers à la charge de la branche AT-MP, la commission des affaires sociales souhaite connaître la position du Gouvernement sur l’intérêt d’envisager un versement de la branche AT-MP à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, laquelle prend en charge des personnes qui se retrouvent en situation de handicap à la suite d’un accident du travail. Il ne serait pas illégitime que la branche AT-MP compense les dépenses qui lui incombent à ce titre.
Les maisons départementales des personnes handicapées accueillent de plus en plus de personnes qui ont un handicap à la suite d’un accident du travail et qui se retrouvent à la charge des départements, alors qu’elles relèvent de la branche AT-MP. Ce transfert financier de la branche AT-MP vers la CNSA permettrait de compenser la prise en charge des personnes handicapées. Je soumets à la réflexion du Gouvernement et de mes collègues cette proposition, qui me semble opportune.
Enfin, je souhaite faire le point sur les réformes et les réflexions en cours.
La mise en œuvre des deux accords signés par les partenaires sociaux, sur la gouvernance de la branche en 2006 et sur la prévention, la tarification et la réparation des risques professionnels en 2007, est maintenant engagée.
Deux articles du texte, relatifs à l’indemnisation des victimes, sont directement inspirés de l’accord de 2007. Ils prévoient de mieux rembourser certains dispositifs médicaux, d’autoriser les victimes à avoir accès à des formations tout en leur permettant de continuer à percevoir leurs indemnités journalières et de maintenir le versement des indemnités journalières pendant le délai séparant la reconnaissance de l’inaptitude du salarié de la décision de l’employeur de le reclasser ou de le licencier.
Sur ce dernier point, la commission aurait souhaité que les indemnités journalières soient également versées pendant la période de quinze jours qui sépare, habituellement, les deux examens médicaux requis avant qu’une décision d’inaptitude soit prononcée. Nous avions même déposé un amendement en ce sens, tout en sachant qu’il serait déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, afin que le Gouvernement nous indique pour quelles raisons cela n’a pas été prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
D’autres dispositions réclamées par les partenaires sociaux seront prises en compte dans la prochaine convention d’objectifs et de gestion liant l’État et la branche AT-MP. Cette convention, qui va couvrir la période 2009-2012, devrait s’attacher à mieux cerner les priorités de l’action de la branche, par exemple la prévention au profit des publics prioritaires – salariés des PME et TPE, seniors ... – ou la réforme des règles de tarification, dans le but de renforcer les incitations à la prévention.
Sur l’indemnisation des victimes de l’amiante, je constate que la question d’une réforme éventuelle du FCAATA reste en suspens. Pourriez-vous nous indiquer, madame la ministre, si vous comptez appliquer les recommandations du rapport que vous a remis, au mois d’avril dernier, Jean Le Garrec, qui suggérait de mettre en place un système plus individualisé ?
Plusieurs de nos collègues ont également attiré notre attention sur une inégalité de traitement entre les salariés victimes de l’amiante qui relèvent du régime général et du régime agricole et ceux qui relèvent des régimes spéciaux : les premiers disposent d’un délai pour demander la réouverture de leur dossier, délai qui n’est pas garanti aux seconds. Cette question n’a pu être traitée à l’Assemblée nationale ; j’espère que nous pourrons avancer sur ce sujet au Sénat. (Mme Annie David approuve.)
En conclusion, la commission des affaires sociales se félicite de la bonne santé retrouvée de la branche AT-MP sur le plan financier, ainsi que des initiatives prises par les pouvoirs publics en matière de prévention et de réparation des risques professionnels. Elle propose donc d’approuver les articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 qui s’y rapportent. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)