M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le dernier alinéa de l'article 100-7 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune interception ne peut avoir lieu sur un service téléphonique ou sur un service de communications électroniques d'un journaliste, ou de toute autre personne visée aux troisième et quatrième alinéas de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, y compris à son domicile pour un acte ressortissant de son activité professionnelle. »
La parole est à M. Michel Boutant.
M. Michel Boutant. Cet amendement vise à accorder aux journalistes les mêmes garanties, en matière d'interceptions téléphoniques, que celles dont bénéficient les parlementaires, les avocats et les magistrats.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, pour la simple et bonne raison qu’aucune profession, y compris celles qui ont été visées par notre collègue, ne bénéficie aujourd’hui de ce type de protection.
S’agissant des parlementaires, existe seulement une obligation d’informer le président de l’Assemblée nationale ou celui du Sénat, selon le cas, d’une mise sur écoute. Pour les avocats, c’est le bâtonnier qui est informé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je souscris entièrement aux propos de M. le rapporteur : il n’est pas envisageable de mettre en place un régime dérogatoire au bénéfice d’une profession. Même les avocats, dont les relations avec leurs clients sont confidentielles, peuvent faire l’objet d’écoutes téléphoniques.
Le présent amendement a pour objet d’exclure toute écoute visant un journaliste pour un acte ressortissant de son activité professionnelle. Or un journaliste peut avoir commis une infraction dans le cadre de son activité professionnelle. Par conséquent, on ne peut accorder à une profession un privilège qui confinerait à l’immunité.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3 bis
I. - L'article 60-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À peine de nullité, ne peuvent être versés au dossier les éléments obtenus par une réquisition portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »
II. - Les articles 77-1-1 et 99-3 du même code sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du dernier alinéa de l'article 60-1 sont également applicables. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 15, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application
par les mots :
prise en violation des dispositions
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’expression « de façon disproportionnée », qui laisse à penser qu’une condition supplémentaire à celles qui sont prévues à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 est créée pour apprécier la légalité d’une atteinte au secret des sources.
M. le président. Les amendements nos 37 et 46 sont identiques.
L'amendement n° 37 est présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 46 est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le second alinéa du I de cet article, supprimer les mots :
de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l’infraction, à la protection qui est due
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 37.
M. Jean-Pierre Sueur. L’article 3 bis tend à affirmer que toute réquisition judiciaire qui porterait illégalement atteinte « de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l’infraction, à la protection qui est due au secret des sources » des journalistes serait nulle.
La notion d’atteinte « disproportionnée » nous paraît une nouvelle fois particulièrement floue et de nature à restreindre de manière significative la portée effective du droit posé à cet article.
Par conséquent, nous proposons de supprimer cette qualification, qui introduit une fois de plus dans ce texte du clair-obscur, du flou, du vague, de l’imprécis, ce qui pourrait conduire à l’inverse de ce qui est recherché, à savoir la protection du secret des sources.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 46.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cette référence à la « disproportion » de l’atteinte atténuera considérablement la protection dont bénéficieront les sources. On peut d’ailleurs se demander selon quels critères objectifs une réquisition sera considérée comme portant une atteinte « proportionnée » à la protection due au secret des sources et n’encourra pas la nullité…
Les réquisitions sont des actes assez graves, à l’instar des perquisitions. Nul n’ignore en effet que c’est un moyen efficace et discret, pour la police et le juge, de remonter aux sources d’un journaliste sans l’en tenir informé.
En outre, cet article 3 bis, quand bien même notre amendement serait adopté, n’aura qu’un effet limité en termes de protection des sources, puisque la nullité de la procédure ne sera prononcée qu’a posteriori.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces amendements identiques étant satisfaits par celui de la commission, je demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Sueur, l'amendement n° 37 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. M. le rapporteur a raison, monsieur le président. Aussi, pour la deuxième fois cet après-midi, je retire mon amendement ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 37 est retiré.
Madame Mathon-Poinat, l'amendement n° 46 est-il maintenu ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 46 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 15 ?
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement qui, comme l’amendement n° 4, rappelle de manière plus précise le principe général posé à l’article 2 de la loi de 1881.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis, modifié.
(L'article 3 bis est adopté.)
Article 3 ter
L'article 100-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un journaliste portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, après le mot :
correspondances
insérer les mots :
ou communications de toute nature
La parole est à M. Michel Boutant.
M. Michel Boutant. L'article 3 ter, qui tend à frapper de nullité la transcription des écoutes judiciaires lorsque celles-ci portent atteinte au secret des sources des journalistes, ne vise que les correspondances. Par cet amendement, nous souhaitons inclure dans le champ du dispositif les communications de toute nature, y compris celles qui transitent par internet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Dans la mesure où l’article 100 du code de procédure pénale vise les « correspondances émises par la voie des télécommunications », cet amendement n’est pas nécessaire. En conséquence, la commission y est défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur. Votre explication sera utile !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Cet amendement paraît en effet inutile, puisque les dispositions du code de procédure pénale sur les écoutes visent les « correspondances émises par la voie des télécommunications », c’est-à-dire toutes les formes de correspondances, même dématérialisées : mails, SMS, fax.
Cette précision risquerait en outre, si elle était introduite dans ce seul article, d’induire des a contrario avec les dispositions du code de procédure pénale dans lesquels elle ne figure pas.
En tout état de cause, dans les débats parlementaires, il sera très clair que la notion de correspondance s’entend bien de la manière la plus large.
M. le président. Monsieur Boutant, l’amendement n° 38 est-il maintenu ?
M. Michel Boutant. Après les précisions de M. le rapporteur et de Mme la ministre, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 38 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots :
portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application
par les mots :
permettant d'identifier une source en violation
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement a le même objet que l’amendement n° 15, adopté tout à l’heure.
En premier lieu, il vise à supprimer l’expression « portant atteinte de façon disproportionnée ». J’ai déjà expliqué les raisons pour lesquelles la commission souhaitait cette suppression, je n’y reviens donc pas.
En second lieu, il tend à corriger une erreur matérielle. En effet, c’est non pas la correspondance elle-même, mais la transcription à laquelle elle donne lieu, qui porte atteinte au secret des sources.
M. le président. Les amendements nos 39 et 47 sont identiques.
L'amendement n° 39 est présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 47 est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le second alinéa de cet article, supprimer les mots :
de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 39.
M. Jean-Pierre Sueur. Je le retire.
M. le président. L’amendement n° 39 est retiré.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 47.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Je le retire également.
M. le président. L’amendement n° 47 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 16 ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 ter, modifié.
(L'article 3 ter est adopté.)
Article 4
La présente loi est applicable sur tout le territoire de la République française. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Malgré les tentatives de M. le rapporteur d’améliorer ce texte, celui-ci laisse subsister de trop nombreuses possibilités d’atteinte à la protection du secret des sources des journalistes.
Bien que la commission ait, par son amendement n° 1, supprimé la référence à l’intérêt général, le champ des exceptions au principe de protection du secret des sources reste beaucoup trop imprécis, s’agissant par exemple d’un impératif prépondérant d’intérêt public, la rédaction retenue par la commission laissant tout de même planer le doute sur la portée effective de la protection.
Par ailleurs, la définition des personnes pouvant être couvertes par ce principe de protection, très restrictive, n’est pas sans soulever des difficultés. L’encadrement légal des perquisitions concernant des journalistes ne nous satisfait pas non plus.
Nous regrettons de n’avoir pas été entendus. Nos amendements reflétaient les légitimes interrogations des journalistes quant à l’avenir de leur profession, dans un contexte, il faut le dire, particulièrement tendu.
Il ressort de l’examen de ce texte une impression de méfiance à l’encontre d’une profession qui s’efforce d’exercer ses missions de façon indépendante du pouvoir politique et qui est de plus en plus malmenée. L’adoption des amendements de la commission ne nous rassure pas vraiment à cet égard.
La France était déjà très en retard en matière de protection du secret des sources des journalistes. Le présent texte ne lui permettra pas de se mettre en conformité avec les principes du droit européen ni avec la jurisprudence européenne.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi, en espérant que la navette nous permettra d’aboutir à un texte digne de notre pays en matière de protection du secret des sources des journalistes.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Nous ne pouvions que nous réjouir d’avoir enfin l’occasion d’examiner un texte tendant à protéger les sources des journalistes. Hélas, une fois de plus, cela semble être un rituel, aucun de nos amendements n’a été accepté, comme si ceux qui détiennent le monopole du pouvoir au sein de la Haute Assemblée détenaient aussi le monopole de la vérité !
À plusieurs reprises, on nous a opposé des arguments reposant sur le postulat qu’il ne faut pas traiter les journalistes comme une catégorie à part. Or je considère au contraire que les « chiens de garde » de la démocratie et leurs sources d’information méritent d’être protégés par des dispositions particulières.
C’est la raison pour laquelle nous voterons contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Lors de la discussion générale, nous avions énoncé les points importants qui détermineraient notre vote à l’issue de l’examen de ce texte. Malheureusement, sur certains de ces points, aucune évolution n’a pu être obtenue.
Certes, et je tiens à le souligner, M. le rapporteur a proposé la suppression de la référence aux « questions d’intérêt général », ce qui est un progrès.
Cependant, il subsiste quatre points sur lesquels ce texte doit, à notre sens, évoluer de manière significative. Les troisième et quatrième points revêtant une importance toute particulière, nous avons souhaité que le Sénat se prononce sur les amendements correspondants par scrutin public.
Premier point : il convenait de définir quels seront les personnes et les professionnels concernés, les journalistes stricto sensu n’étant pas seuls en cause. Nous n’avons pu obtenir l’élargissement du champ de la protection des sources. De ce point de vue, des lacunes évidentes et importantes apparaissent dans le texte tel qu’il résulte de nos travaux.
Deuxième point : des lacunes existent également en ce qui concerne les perquisitions et les lieux dans lesquels elles peuvent avoir lieu, avec les protections prévues. Il faudra y remédier.
Troisième point : on nous a objecté qu’il serait redondant de prévoir de manière explicite dans la loi que la garde à vue ne peut avoir pour objet ou pour effet d’aller à l’encontre de ce que le texte vise à inscrire dans le droit. Je n’ai pas compris pourquoi cela nous a été refusé. Le problème s’est déjà posé et il continue de se poser, on le sait bien. Il s’agit donc d’une réalité tout à fait concrète.
Enfin, le quatrième point est à nos yeux le plus lourd de conséquences : le texte comporte un grand nombre d’imprécisions sémantiques, qui ne sont pas dues à des difficultés de rédaction, mais procèdent d’un dessein consistant à donner à la protection des sources une valeur très relative.
Nous n’avons pu obtenir la suppression de la référence à l’« impératif prépondérant ». Nous avons pourtant démontré que le concept d’« impératif » ne signifiait pas grand-chose, non plus que le qualificatif « prépondérant ». À ma connaissance, personne n’a rien objecté à cette démonstration.
Alors pourquoi maintenir cette expression dans le projet de loi ? Le corollaire en est que l’on nous refuse que les exceptions au principe de protection des sources soient précisément définies. Nous avons proposé une définition des menaces de commission d’un crime ou de mise en cause de l’intégrité physique des personnes. Certes, et nous ne le contestons pas, il revient au juge d’apprécier quels éléments peuvent revêtir le caractère d’une menace. Il ne s’agit pas de quelque chose d’automatique.
Il faut également, nous le savons, prendre en compte la protection du secret-défense et la répression de la diffamation. On ne peut pas tout publier dans un journal. Il existe des voies de recours, et, en tout état de cause, le directeur de la publication et les auteurs des articles doivent respecter le droit qui leur est applicable. Cela ne soulève pas de difficulté.
Toutefois, dès lors que vous refusez de définir ce qui est susceptible de donner lieu à exception et que vous utilisez, de façon tout naturellement complémentaire, des formules sémantiques volontairement floues et vagues, le présent projet de loi ne peut permettre d’atteindre l’objectif fixé dans son intitulé.
Nous soumettons ces réflexions au Sénat, en espérant vivement que les choses évolueront à la faveur des prochaines lectures, car nous souhaitons que ce projet de loi fasse l’objet d’un large accord. Nous avons précisé sur quels points il est à nos yeux essentiel de progresser pour parvenir à un tel accord.
Dans l’immédiat, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, nous voterons contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Il est rare que l’unanimité se fasse au sein du groupe du RDSE. Je me réjouis donc aujourd’hui que l’ensemble de notre groupe s’accorde à voter en faveur de l’adoption de ce projet de loi.
Si nous avons pu être sensibles aux arguments qu’a exposés M. Sueur, notamment à l’occasion de l’examen des articles, je considère pour ma part que les principes du droit transcendent les cas particuliers de telle ou telle profession. (Mme la ministre approuve.)
M. François Trucy. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je souhaite remercier les membres de la commission des lois et tous ceux de nos collègues qui ont pris part à ce débat, ainsi que les membres du Gouvernement qui sont intervenus dans cet hémicycle.
Je reprendrai les propos que j’ai tenus dans la discussion générale : si je suis tout à fait favorable à ce que l’on aille très loin dans la protection de certains droits, j’apprécie que, en regard des droits, on place des obligations et des devoirs, sauf, me semble-t-il, à faire fausse route.
Ce projet de loi constitue à l’évidence une avancée importante pour les journalistes, et tous ceux que nous avons auditionnés l’ont souligné. Sans doute, ils auraient aimé que nous allions encore plus loin, mais je pense que la balle est maintenant dans leur camp et qu’il leur appartient désormais, comme un certain nombre d’entre eux le souhaitent, de s’organiser sur le plan professionnel, de façon qu’il soit possible, le moment venu, de parvenir à étendre encore les droits, mais également de définir ensemble des devoirs, ce qui me paraîtrait constituer un juste équilibre. J’insiste sur cette idée, même si je n’ignore pas qu’elle n’est pas facile à mettre en œuvre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre. Au nom de la garde des sceaux et en mon nom propre, je voudrais remercier le Sénat de la qualité du débat sur cet important projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes.
Je veux tout spécialement remercier la commission des lois, son président, M. Jean-Jacques Hyest, son rapporteur, M. François-Noël Buffet, de la qualité particulière de leur travail et des améliorations qu’ils ont apportées au texte. Tous les amendements de la commission des lois ont d’ailleurs été adoptés par la Haute Assemblée, avec l’accord du Gouvernement.
Ce projet de loi apporte des garanties nouvelles et considérables en matière de liberté de diffusion de l’information par les journalistes. Il mettra notre pays en conformité totale avec les exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Certains auraient voulu aller plus loin, mais nous nous devions, avec ce texte, de parvenir à un équilibre entre la liberté de l’information et les exigences de l’action de la justice dans un État de droit. Tel a été l’objectif du Gouvernement et du Parlement, et cet objectif a été atteint.
Désormais, les atteintes au secret des sources, qu’elles soient directes ou indirectes, ne seront possibles qu’en cas d’impératif prépondérant d’intérêt public, donc dans des situations très exceptionnelles.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas évident !
Mme Christine Albanel, ministre. Les perquisitions dans les entreprises de presse ou assimilées seront strictement encadrées et réglementées. Il en sera de même des écoutes téléphoniques et des réquisitions concernant les journalistes. Le droit pour le journaliste de taire ses sources en toute hypothèse et à toutes les phases de la procédure est solennellement affirmé. Enfin, les journalistes poursuivis pour diffamation pourront toujours librement se défendre sans risquer d’être condamnés pour recel du secret de l’instruction ou – cela a été ajouté par la commission – pour recel du secret professionnel.
Notre pays affirme ainsi sans ambiguïté son attachement à la liberté d’expression, avec un texte qui fait honneur à notre démocratie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)