M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
Mme Éliane Assassi. … reconnaissant, lui aussi, que cet amendement créait un délit continu alors que la loi sur la presse repose sur des délais brefs.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes d’accord !
Mme Éliane Assassi. Il ne voyait pas comment « pour des délits de même nature, et quel que soit le support, on pourrait avoir des délais de prescription différents ». Il terminait en ces termes : « Il faut qu’il y ait le même régime pour tous les moyens de diffusion d’informations ».
Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition au motif que « la différence de régime instaurée, en matière de droit de réponse et de prescription, par les dispositions critiquées dépasse manifestement ce qui serait nécessaire pour prendre en compte la situation particulière des messages exclusivement disponibles sur support informatique ».
De son côté, la Cour de cassation maintient une jurisprudence constante, considérant que le point de départ de la prescription pour le réseau internet se situe à la date « à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau. Ce principe a été rappelé à maintes reprises dans des arrêts de la Cour, en 2001 comme dans celui du 19 novembre 2006.
La présente proposition de loi vise donc à mettre fin à cette jurisprudence qui, d’une certaine manière, protège la liberté d’expression.
Certes, vous n’allez pas aussi loin que tendait à le faire l’amendement de M. Trégouët, puisque vous ne remettez pas en cause le point de départ du délai de prescription, …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela n’a rien à voir !
Mme Éliane Assassi. … mais vous créez un statut différent de l’information selon que celle-ci se trouve sur un support papier ou sur Internet, ce qui change du même coup le régime juridique qui lui est applicable.
Cette distorsion n’existe pas dans le cas des infractions à caractère raciste commises par voie de presse, pour lesquelles le délai de prescription, certes est dérogatoire, puisqu’il est d’un an, mais s’applique quel que soit le support.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. C’est exact !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes d’accord !
Mme Éliane Assassi. En l’espèce, c’est la gravité même des infractions qui justifie l’allongement du délai de prescription, non le support de l’information.
Vous souhaitez donc mettre sur le même plan des infractions à caractère raciste commises par voie de presse et les diffamations, injures et provocations commises par l’intermédiaire d’Internet. La prochaine étape devrait être logiquement une nouvelle prolongation du délai de prescription pour les infractions à caractère raciste.
En bref, cette proposition de loi risque de constituer la première étape d’une surenchère pénale que je trouve inopportune.
Par ailleurs, elle nous est présentée dans un climat qui n’est guère favorable à la liberté d’expression. J’en veux pour preuve la coïncidence entre son examen par notre Haute Assemblée et l’inflation des procédures judiciaires entamées par le Président de la République. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Cela n’a rien à voir !
Mme Éliane Assassi. Permettez tout de même que je m’interroge sur cette coïncidence !
Depuis février 2008, Nicolas Sarkozy a engagé pas moins de six procédures judiciaires, dont trois concernaient directement son image. En ce qui concerne la dernière en date, relative à la poupée vaudou à son effigie,…
M. François Zocchetto. Quel rapport ?
Mme Éliane Assassi. … le Président de la République a d’ailleurs été débouté, le tribunal de grande instance de Paris ayant considéré, dans son ordonnance du 29 octobre dernier, que « cette représentation s’inscrit dans les limites autorisées de la liberté d’expression et du droit à l’humour ».
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. C’est hors sujet !
Mme Éliane Assassi. Non, ce n’est pas hors-sujet !
La liberté d’expression est une liberté fondamentale dans une société démocratique. Elle est garantie par l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
La Cour européenne des droits de l’homme considère d’ailleurs qu’elle a, en la matière, un rôle de surveillance qui lui commande « de prêter une extrême attention aux principes propres à une société démocratique ». Dans un arrêt du 7 décembre 1976, elle a donné une définition extensive de la liberté d’expression. Selon ses termes, celle-ci « vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture, sans lesquels il n’est pas de société démocratique. »
Les délits de presse sont considérés comme étant instantanés, c’est pourquoi un délai de prescription très court leur est applicable.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
Mme Éliane Assassi. Or sur Internet, le flot d’informations est continu. Nous sommes noyés sous une masse d’images et d’écrits portant sur tous les sujets. Comme pour la presse écrite, il faut donc pouvoir considérer qu’après un temps relativement court, les écrits n’ont plus la même portée, …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
Mme Éliane Assassi. … ce que vous refusez de faire en voulant allonger le délai de prescription.
Cette proposition de loi s’inscrit dans la tendance à la judiciarisation qui se manifeste actuellement dans notre société.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Et Robert Badinter ?
Mme Éliane Assassi. Mme le rapporteur, permettez-moi de vous le dire en toute modestie, je ne supporte pas d’être interrompue de cette façon ! (Rires sur plusieurs travées du groupe UMP.)
Ainsi, cette proposition de loi conduit également à s’interroger dans la mesure où elle survient à un moment où certaines personnes se crispent quand il s’agit de liberté d’expression. C’est pourquoi nous voterons contre ce texte.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, je voudrais commencer par dire à Marcel-Pierre Cléach que j’approuve totalement la proposition qu’il a déposée, notamment en ce qu’elle distingue Internet de la presse écrite.
Internet, en effet, peut laisser circuler indéfiniment des rumeurs, de fausses informations, des calomnies, alors que, dans la presse écrite, la vitesse de propagation des informations est tout autre. Je pense donc qu’il fallait envisager un traitement différencié.
Mais j’aurais également souhaité que l’on aborde également une autre question, à mes yeux fondamentale. En effet, si l’allongement du délai va permettre d’agir plus efficacement, il ne change rien au fait que l’on peut aujourd’hui, sur Internet, écrire tout et n’importe quoi, et cela sans que soit vraiment recherchée la personne responsable.
Aujourd’hui, quand un organe de presse traditionnel autorise un de ses journalistes à écrire un article, il est tenu pour responsable du contenu. En revanche, quand il s’agit d’un texte publié sur Internet, il est autrement plus difficile de gagner un procès !
Je ne pense pas que, dans une société comme la nôtre, l’on puisse laisser se développer la faculté de calomnier ou de faire circuler de fausses informations sans que jamais personne ne soit tenu pour responsable de ce qui a été dit. En l’occurrence, l’anonymat permet tout ! On n’ose pas imaginer ce que cet anonymat lié à Internet permettrait de faire dans un contexte plus grave !
Je suis donc de ceux qui pensent, d’une part, qu’Internet est un extraordinaire moyen d’expression, que la liberté à cet égard doit être totale et ne saurait être brimée, mais, d’autre part, que celui qui écrit sur quelqu’un d’autre doit pouvoir être recherché et que, le cas échéant, l’anonymat doit pouvoir être levé. Il faudra bien que, un jour ou l’autre, ce principe soit traduit dans un texte de loi !
Tous ceux qui ont été en situation d’être calomniés sans pouvoir se défendre vous diront qu’il s’agit là de quelque chose de très difficile à vivre et qui mérite qu’on s’y intéresse.
Bref, je me réjouis pour l’instant de la proposition de Marcel-Pierre Cléach, que je voterai bien sûr sans aucun état d’âme, mais je souhaite que nous soyons prochainement saisis d’un autre texte venant approfondir la question dans le sens que je viens d’indiquer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est particulièrement émouvant de débattre de la présente proposition de loi alors même que le Sénat vient de rendre un hommage solennel à notre regretté collègue Michel Dreyfus-Schmidt, auteur avec Robert Badinter, il y a quatre ans, d’une proposition de loi identique à celle-ci.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Richard Yung. Depuis la fin des années 1990, qui a vu le début en France du développement à grande échelle du réseau Internet, se pose la question très controversée du délai de prescription des infractions de presse commises sur la Toile.
La question est bien sûr légitime dans la mesure où ce moyen d’expression et de communication est, pour reprendre les termes utilisés en 2004 par notre collègue Robert Badinter, « sans commune mesure avec la presse écrite ». Elle doit aussi être replacée dans le débat plus général sur la régulation d’Internet.
Il est intéressant de relever que c’est le juge et non le législateur – cela arrive souvent – qui a d’abord pris en considération les spécificités du réseau Internet en matière de prescription des infractions de presse, et il a eu en premier lieu à étudier la question très délicate du point de départ du délai de prescription.
Je ne rappellerai pas, à cet égard, l’évolution de la jurisprudence de la cour d’appel de Paris et de la chambre criminelle de la Cour de cassation, déjà mentionnée par les orateurs précédents.
Comme souvent en matière de délai de prescription de l’action publique, c’est la détermination du point de départ qui pose problème. Lors de l’examen de la proposition de loi du président Hyest sur la prescription en matière civile, nous avions été confrontés à la même difficulté. Nous avions alors décidé de consacrer la jurisprudence en retenant « le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
Il a aussi été rappelé que notre ancien collègue René Trégouët avait voulu fixer le départ du délai en question à compter à la date à laquelle cesse la mise à disposition du public, ce qui avait soulevé une très vive émotion dans l’ensemble de la communauté Internet.
Le Syndicat de la presse magazine et d’information, par exemple, avait alors affirmé que cette disposition rendait imprescriptibles les infractions commises sur Internet « sauf à renoncer à toute exploitation d’archives sur les sites ». Le groupement des éditeurs de services en ligne, ou GESTE, jugeait quant à lui ces dispositions « très graves pour la liberté d’expression », car « il est matériellement impossible de supprimer définitivement un message sur le net ».
C’est vrai, et nous le savons tous, sur Internet, une fois que le message est parti, il voyage et peut se retrouver dans des dizaines de milliers d’ordinateurs, où il restera plus ou moins longtemps selon les utilisateurs des machines.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Richard Yung. Par conséquent, même si l’auteur du message d’origine l’enlève de la Toile, cela n’implique évidemment pas que disparaîtra la longue chaîne des autres messages identiques au premier. Il ne peut donc, de fait, y avoir de date de cessation de la mise à disposition, indépendamment même de la question des archives sur Internet.
Le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs censuré cette disposition.
Pour autant, cela ne doit pas nous dispenser d’adapter la loi aux spécificités d’Internet, car la situation actuelle du droit régissant la prescription de l’action publique sur ce réseau informatique mondial n’est pas satisfaisante. C’est d’ailleurs le constat dressé en 2007 dans le rapport de la mission que nous avions conduite, le président Hyest, notre collègue Hugues Portelli et moi-même.
L’évolution technologique et le développement d’Internet posent des problèmes considérables. Les infractions de presse sont considérées comme des infractions instantanées, mais, lorsqu’elles sont commises sur la Toile, elles se réalisent par une action qui se prolonge dans le temps, et ce temps est d’ailleurs, dans la plupart des cas, indéfini. Autant dire qu’elles deviennent permanentes.
Le réseau offre donc la possibilité de donner davantage de publicité aux diffamations, aux attaques, aux injures ou aux provocations. De ce fait, la publication sur Internet constitue un facteur d’aggravation des infractions.
Le législateur a commencé à s’occuper de ce problème en 2004. Vous le savez, la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, a fait passer le délai de prescription de l’action publique de trois mois à un an lorsque l’infraction commise par voie de presse concerne une provocation à la discrimination ou à la violence à caractère raciste, une contestation de crimes contre l’humanité ou une diffamation ou injure commise en raison de la race.
Dans la mesure où ces dispositions laissaient de côté la question des autres infractions de presse, qui restaient soumises au délai spécial de trois mois, notre ami Robert Badinter et notre très regretté collègue Michel Dreyfus-Schmidt avaient fait adopter, par souci de cohérence, un amendement visant à étendre à tous les messages diffusés sur Internet l’allongement à un an du délai de prescription de l’action publique.
Lors du débat du 20 janvier 2004, Michel Dreyfus-Schmidt affirmait en effet que « ce qui est vrai pour les messages racistes diffusés sur Internet vaut pour tous les messages diffusés sur Internet ». Malheureusement, cet excellent amendement avait été « retoqué » en commission mixte paritaire. On avait alors argué qu’il fallait…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Réfléchir !
M. Richard Yung. … davantage de temps et le recul de l’expérience. Nous venons d’ailleurs d’entendre le même argument lors de la discussion de la précédente proposition de loi ! Comme quoi, certains arguments resservent toujours…
Depuis lors, aucune autre réforme n’a été adoptée et la dualité de délais qui prévaut actuellement nuit à la cohérence du régime applicable aux infractions de presse. Auparavant, celui-ci avait l’avantage d’être simple et lisible, ce qui est toujours important pour la bonne compréhension des dispositions, et donc leur bonne application.
Par conséquent, il nous apparaît opportun d’harmoniser la durée du délai de prescription applicable aux infractions de presse commises sur Internet. L’allongement de ce délai répondrait en particulier à la recommandation que nous avions formulée dans le rapport d’information déjà mentionné. Il répondrait aussi à la nécessité de veiller à la cohérence du droit de la prescription de l’action publique.
Il ne semble pas que l’allongement à un an du délai de prescription porte atteinte de manière disproportionnée à la liberté de la presse. Dans la mesure où la publication sur Internet accroît la gravité des infractions, il paraît légitime d’augmenter raisonnablement ce délai de prescription. J’ajoute que la loi de 1881 n’est pas immuable, qu’elle n’est pas un « éléphant sacré » : elle a déjà été modifiée au moins vingt-deux fois ! La société évolue, il est normal que la loi en tienne compte. Il faut donc continuer de l’adapter aux spécificités du réseau en prenant soin de ne pas défaire l’équilibre entre liberté de la presse, droits des personnes et ordre public.
Au demeurant, si des menaces pèsent actuellement sur la liberté de la presse, elles ne proviennent pas, à mon sens, du législateur ou du juge, mais bien plutôt des dirigeants politiques, au premier rang desquels je dois citer le chef de l’État – les précédents Présidents avaient adopté une attitude tout à fait contraire –, qui érigent la poursuite en diffamation en politique systématique. C’est cela qui pourrait, à terme, entraver la liberté de la presse !
Enfin, je pense que l’harmonisation du délai de prescription pour les infractions de presse pourra utilement contribuer à la nécessaire régulation de l’Internet et à la responsabilisation des acteurs de la toile.
Compte tenu de ces remarques, le groupe socialiste a décidé de voter les conclusions de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je dirai d’abord ma satisfaction d’avoir à étudier ce soir la proposition de loi de M. Marcel-Pierre Cléach.
Ce texte marque en effet l’aboutissement d’un débat qui, engagé voilà plusieurs années, avait connu une actualité toute particulière en 2004, lorsque nous avions travaillé sur la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite plus communément « loi Perben II ».
À l’époque, sur l’initiative de notre collègue M. Robert Badinter et du regretté Michel Dreyfus-Schmidt, nous avions tenté, comme cela a été rappelé, de faire avancer notre législation en la matière. Nous y étions parvenus pour les infractions à caractère raciste commises dans les publications, mais non pour celles qui étaient commises sur Internet. Cela montre bien que, parfois,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut savoir réfléchir !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et attendre le bon moment !
M. François Zocchetto. … il faut savoir attendre que le débat mûrisse, prendre le temps de la réflexion et, surtout, le temps de convaincre les personnes concernées, en l’occurrence, pour l’essentiel, la presse.
Outre les spécificités techniques d’Internet, nous nous heurtons à un problème de jurisprudence dans la mesure où, en la matière, le point de départ d’une infraction est le jour de la publication de l’information. Il s’agit donc de ce que l’on appelle un « délit instantané », ce qui n’est pas du tout adapté aux caractéristiques de l’internet.
Bien évidemment, la loi de 1881 nous oblige à respecter un certain équilibre entre les garanties fondamentales de la liberté d’expression qu’elle accorde à la presse et la nécessité, pour tout citoyen, de pouvoir se défendre, intenter une action lorsqu’il est visé par la publication d’injures ou de diffamations. Il me semble que la proposition de loi que nous examinons ce soir obéit à cet impératif d’équilibre.
En effet, notre collègue Marcel-Pierre Cléach a bien pris en compte la spécificité des informations qui sont également publiées sur un support papier : dès lors que le texte diffusé sur Internet ne fait que reprendre un article déjà paru sur papier, il faut évidemment en rester au délai de prescription de trois mois.
La commission s’est cependant interrogée sur le traitement qu’il fallait réserver à la reprise sur Internet d’informations délivrées par les organes de communication audiovisuelle. Sur ce point, notre collègue Catherine Troendle a su faire la synthèse de la discussion de la commission et la formuler dans un amendement qui apporte une réponse satisfaisante au problème soulevé.
Nous aurions pu envisager d’autres voies. Nous aurions pu considérer qu’un délai de prescription de six mois était plus adapté ; mais le Sénat a toujours été soucieux d’éviter en la matière la multiplication de délais de prescription différents, qui n’est pas souhaitable. Nous aurions pu aussi, dans notre rôle de législateur, peser sur la jurisprudence en transformant l’infraction instantanée en une infraction continue.
Tout cela sera dépassé ce soir grâce à la proposition de loi qui nous est soumise. J’imaginais d’ailleurs que nous la voterions à l’unanimité, car elle répond à une demande de tous. Sans polémique aucune, j’avoue avoir été très surpris d’entendre au cours du débat que tel ne serait pas le cas, contrairement à ce que donnaient à penser les travaux de la commission. Ce n’est pas très grave, mais c’est dommage !
Pour sa part, le groupe Union centriste votera sans hésitation en faveur de cette proposition de loi qui vient concrétiser l’aboutissement d’une démarche engagée voilà longtemps, et je remercie nos collègues d’avoir présenté ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, tel qu’il ressort des conclusions de la commission des lois.
Article unique
Le dernier alinéa de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigé :
« Le délai de prescription prévu au premier alinéa est porté à un an si les infractions ont été commises par l’intermédiaire d’un service de communication au public en ligne, sauf en cas de reproduction du contenu d’une publication de presse légalement déclarée. »
M. le président. L’amendement no 1, présenté par Mme Troendle et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
Après les mots :
public en ligne
rédiger comme suit la fin du second alinéa de cet article :
« . Ces dispositions ne sont toutefois pas applicables en cas de reproduction du contenu d’un message diffusé par une publication de presse ou par un service de communication audiovisuelle régulièrement déclaré ou autorisé lorsque cette reproduction est mise en ligne sous la responsabilité de leur directeur de publication. »
La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Permettez-moi en préalable de saisir l’occasion qui m’est donnée ce jour pour remercier Mme le garde des sceaux d’avoir évoqué l’objet de mon amendement au cours de son excellente intervention dans la discussion générale. J’en suis bien évidemment confortée dans ma démarche.
La commission des lois a très utilement précisé que le maintien d’un délai de prescription de trois mois pour la reproduction sur Internet d’un message diffusé par voie de presse ne profiterait qu’aux publications légalement déclarées.
Il me semblait pour ma part opportun de considérer que, dans le même esprit, cette dérogation devait être étendue aux autres moyens de communication, régulièrement déclarés ou autorisés, disposant de sites sur Internet, en l’occurrence les chaînes de radio et de télévision. Ces moyens de communication audiovisuelle, je le rappelle, sont soumis aux mêmes règles de professionnalisme et de déontologie que la presse écrite.
Il me semblait cependant tout aussi important de préciser expressément le champ d’application de cette dérogation, de façon à lever toute ambiguïté. En effet, le dispositif dérogatoire ne doit s’appliquer qu’à la reproduction sur un site relevant de l’organe de presse ou de l’antenne qui a diffusé le message par ses moyens habituels. Vous comprendrez, mes chers collègues, qu’il ne serait pas justifié de garantir une protection comparable à un particulier qui, par exemple, reprendrait des extraits d’une publication aux seules fins de diffamation. C’est la raison pour laquelle l’amendement indique que la mise en ligne doit intervenir sous la responsabilité du directeur de publication.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Très favorable, monsieur le président.
Cet amendement complète très utilement la modification déjà apportée par la commission des lois à la proposition de loi présentée par M. Cléach.
La commission a en effet précisé que seules les publications de presse légalement déclarées bénéficieraient du maintien d’un délai de prescription de trois mois pour la reproduction sur Internet d’un message diffusé sur support papier. Mme Catherine Troendle souhaite, à juste titre, faire bénéficier de cette dérogation à la règle d’une prescription annuelle les médias audiovisuels qui disposent aussi de sites Internet, car ils sont soumis aux mêmes règles de professionnalisme et de déontologie que les organes de la presse écrite.
L’amendement précise cependant, et c’est très important, que cette protection ne devrait concerner que les sites relevant des organes de presse ou des services de communication audiovisuelle correspondants : l’utilisation par un particulier, à des fins diffamatoires, d’extraits de la presse écrite ou d’émission radiodiffusées ou télévisées doit tomber, quant à elle, sous le coup de la prescription d’un an que vise à instaurer la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les raisons que j’ai exposées lors de mon intervention dans la discussion générale, le Gouvernement émet le même avis favorable que la commission.
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)