Mme la présidente. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par Mme B. Dupont, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° de l’article L. 2242-8 du code du travail, après les mots : « travail à temps partiel », sont insérés les mots : « ou l’augmentation de la durée du travail ».
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Cet amendement me tient particulièrement à cœur puisqu’il vise à insérer dans le contenu de la négociation annuelle obligatoire engagée par l’employeur la question de l’augmentation du temps de travail pour les salariés qui souhaiteraient passer d’une activité à temps partiel subi à une activité à temps plein.
Dans le droit en vigueur, il n’est fait référence qu’à la mise en place du temps partiel à la demande des salariés, or un tiers des salariés à temps partiel souhaiteraient voir augmenter leur temps de travail. Nous voulons favoriser le recul du travail précaire dans notre pays ; toutefois la disposition introduite par cet amendement est peu contraignante pour les employeurs qui ne sont pas tenus de conclure un accord, mais seulement de négocier. Elle a été accueillie très favorablement par les partenaires sociaux lors des auditions réalisées par la commission des affaires sociales.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Je vais vous donner l’avis du Gouvernement après avoir consulté mes collègues. Cet amendement présenté par la commission propose une extension du champ de la négociation annuelle obligatoire en matière de travail à temps partiel. Il ne me semble pas inintéressant, loin de là.
Dans son rapport sur le RSA, le Conseil d’orientation pour l’emploi a proposé d’instaurer des négociations sur la formation des salariés à temps partiel dans les branches professionnelles et/ou sur un volume minimal d’heures pour un travail à temps partiel.
De telles conventions collectives existent déjà dans certaines branches, telle la grande distribution – qui prévoit un minimum de 26 heures par contrat –, elles pourraient être étendues. Les solutions à envisager sont sans doute différentes d’une branche à l’autre et très liées à ce qui se fera en matière de formation professionnelle. Dans la branche propreté, l’enjeu est sans doute de développer la polyvalence des agents et la pluriactivité pour accroître les horaires de travail.
Ce point a été abondamment débattu dans le cadre du « Grenelle de l’insertion » qui a prévu, dans sa feuille de route, d’introduire le thème de l’insertion dans le champ du dialogue social, en laissant aux partenaires sociaux le soin de fixer le périmètre et les modalités de ce dialogue. Nous serons attentifs à ce que cela soit suivi d’effets.
C’est pourquoi Xavier Bertrand réunira, à la fin du mois de novembre ou au début du mois de décembre, une conférence avec les confédérations professionnelles et les principales branches concernées – propreté, grande distribution, entreprises de services à la personne, hôtellerie-restauration, aide à domicile, industrie laitière – afin de réfléchir, sur la base de bonnes pratiques conventionnelles, aux moyens d’améliorer la qualité des emplois à temps partiel, de favoriser le temps partiel choisi et d’augmenter la durée de travail de ces salariés.
Le souhait du Gouvernement est précisément de faire entrer cette question dans le champ de la négociation collective. Mais il revient aux partenaires sociaux d’en définir les contours : faut-il négocier d’abord dans la branche ou dans l’entreprise ? Faut-il une négociation annuelle ou pluriannuelle ? Ce sont des questions sur lesquelles le Gouvernement souhaite discuter avec les partenaires sociaux.
Au bénéfice de ces explications, le Gouvernement souhaiterait que cet amendement soit retiré.
Mme la présidente. Madame Dupont, l’amendement n° 30 rectifié est-il maintenu ?
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Puisqu’il ne s’agit que d’une négociation entre l’employeur et son salarié, dans le cadre d’un entretien individuel annuel, je ne vois pas en quoi le ministre du travail pourrait être gêné dans ses négociations avec les partenaires sociaux. Je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.
L’amendement n° 31 rectifié, présenté par Mme B. Dupont, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 1er juin 2010, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport sur la situation des jeunes non-étudiants, âgés de moins de vingt-cinq ans, au regard de l’insertion sociale et professionnelle, de l’accès au service public de l’emploi et des sommes qu’ils perçoivent au titre de la prime pour l’emploi et du revenu de solidarité active.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. M. le haut-commissaire nous a annoncé la mise en place d’une expérimentation pour les jeunes, ce que nous approuvons tout particulièrement. Nous souhaitons que le Gouvernement transmette au Parlement, avant le 1er juin 2010, un rapport sur la situation des jeunes non étudiants, âgés de moins de vingt-cinq ans, au regard de l’insertion sociale et professionnelle, de l’accès au service public de l’emploi et des sommes qu’ils perçoivent au titre de la prime pour l’emploi et du revenu de solidarité active.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement, qui rétablit le rapport sur la situation des jeunes et précise son contenu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 31 rectifié.
Mme Annie David. Madame la présidente, je vous prie de m’excuser mais j’aurais voulu intervenir sur l’amendement n° 30 rectifié. Je sais qu’il est trop tard parce que cet amendement est déjà adopté…
Je souhaite cependant m’exprimer car, pour une fois, j’étais tentée d’approuver l’argumentation de M. Hirsch.
En effet, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, vous proposez de modifier le code du travail alors qu’un accord national interprofessionnel a été signé, nous en avons parlé ici-même, prévoyant que les partenaires sociaux doivent être consultés ou, pour le moins, informés avant toute modification du code du travail. Dans le cas présent, vous voudriez nous faire modifier arbitrairement le code du travail, sans passer au préalable par la négociation ! Je soutiens donc la position de M. le haut-commissaire et je tenais à le signaler.
M. Jean Desessard. Oui, mais il ne fallait pas le dire trop tard !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Désormais, il faudrait négocier pour savoir de quoi on va parler ! Ma chère collègue, reconnaissez-vous aux parlementaires le droit d’avoir une idée de ce dont pourraient parler les partenaires sociaux dans leurs négociations ? Je crois qu’entre parlementaires nous pouvons encore nous accorder ce droit…
M. François Autain. C’est un droit formel !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. …ou alors nous pouvons aller nous coucher tout de suite ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Je souhaite simplement rappeler que la négociation sur le temps partiel date de 1992, époque à laquelle on encourageait le temps partiel choisi. La conjoncture économique a évolué en France : à l’heure actuelle, beaucoup de nos concitoyens souffrent du temps partiel subi et souhaiteraient pouvoir travailler plus longtemps.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.
L’amendement n° 153, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller, est ainsi libellé :
Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les modalités de mise en place d’un revenu d’existence individuel, cumulable avec d’autres revenus, d’un montant égal au niveau du seuil de pauvreté défini par l’Institut national de la statistique et des études économiques, sans condition de ressources et ouvert à toutes les personnes majeures résidant en France de manière régulière depuis plus de deux ans.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le présent amendement vise à engager une réflexion et un débat sérieux sur la question du revenu universel citoyen. J’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de défendre cette idée dans cet hémicycle : il s’agit de mettre en place, à terme, un revenu universel citoyen ouvert à toutes les personnes vivant régulièrement sur le territoire français, sans aucune condition d’âge, de ressources, de situation familiale et sans contrepartie en matière de recherche d’emploi. Ce revenu citoyen constitue un droit inaliénable reconnu à tout individu, au nom du droit à une existence décente ; il serait fixé, pour le moment, au niveau du seuil de pauvreté.
Dans la crise actuelle, financière mais aussi écologique, économique et sociale, les ressources de la personne doivent, plus que jamais, être déconnectées des revenus du travail productif. C’est dans le sens du progrès social et humain que je vous demande d’adopter cet amendement.
L’idée du RSA est d’abord d’instaurer un forfait garanti – pour nous, c’est un forfait inconditionnel destiné aux jeunes de 18 à 25 ans. Vous mettez en place une aide supplémentaire qui permet d’atteindre un niveau de revenus proche du SMIC ou légèrement supérieur. Or cette aide va créer un effet de seuil : si les salariés, dans leur ensemble, ne bénéficient pas de ce revenu universel et citoyen, un conflit surgira entre les bénéficiaires du RSA et les travailleurs dont les revenus sont justes supérieurs au SMIC. Pour dépasser ce conflit, il faut que tout le monde bénéficie de la prestation que vous mettez en place.
Vous allez m’opposer la crise actuelle. Mais justement, cette crise est artificielle, c’est une crise financière, de distribution, ce n’est pas une crise de production, parce que nous avons encore les moyens de vivre. On ne doit pas être à la recherche de la croissance à tout prix, mais c’est un autre débat !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. M. Desessard n’aurait-il pas voulu écrire « sous condition de ressources » au lieu de « sans conditions de ressources » ? Je ne comprends pas très bien sa proposition : s’agit-il de mettre en place un revenu d’existence identique pour tous, même pour les riches ?
M. Nicolas About. Même pour Mme Bettancourt ?
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Quoi qu’il en soit, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement parce que la logique du revenu d’existence est tout à fait différente de celle du RSA qui s’insère dans le cadre de l’exercice de droits et de devoirs et dans une perspective d’insertion professionnelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Le Gouvernement est défavorable à votre amendement, monsieur Desessard, puisque c’est moi qui m’exprime. Vous auriez peut-être trouvé une oreille plus attentive chez ma collègue Christine Boutin, ministre du logement, qui est très favorable à cette idée. Quant à moi, je me sens plus proche de l’avis exprimé par la commission.
La mesure que vous proposez, avec le montant de revenu que vous indiquez, se chiffre à 500 milliards d’euros. L’OCDE explique très bien ce qui se passe en France : on brasse des milliards sans réduire notablement la pauvreté, parce que trop de prestations ne sont pas soumises à condition de ressources. Plus vous donnez aux riches, moins vous avez à redistribuer aux pauvres !
Je préfère la mise en place d’un revenu de solidarité active, concentré sur les salariés modestes – je considère bien évidemment comme des salariés modestes les personnes qui gagnent le SMIC –, à l’instauration d’une prestation dispersée sur l’ensemble de la population. Le bouclier social que nous construisons avec le revenu de solidarité active est concentré sur les plus modestes.
Je me sens incapable de rendre un rapport sur ce sujet, sur lequel j’ai pourtant souvent débattu. En revanche, nous vous rendrons un rapport sur le RSA dans les mêmes délais.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je sais que Mme Boutin n’est pas opposée au revenu universel d’existence, mais c’est une position très minoritaire à droite. Vous aviez l’air de dire que c’était une idée de droite très largement partagée. Il n’en est rien !
M. Laurent Béteille. Nous ne sommes pas pour l’assistanat !
M. Jean Desessard. Mais vous serez quand même obligés d’envisager une solidarité internationale et de raisonner dans le cadre des ressources actuelles. Cela dit, c’est un autre problème !
En tout cas, nous défendons bien le droit à un revenu d’existence individuel « sans condition de ressources ». Évidemment, il n’y a pas de bouclier fiscal dans mon dispositif. Pour éviter un problème de contrôle social, pour éviter les effets de seuil, il vaut mieux que tout le monde puisse percevoir ce revenu.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Où trouvera-t-on l’argent ?
M. Jean Desessard. En revanche, les impôts sur le revenu sont appliqués à tous sans bouclier fiscal ; il y a réduction de la hiérarchie des salaires ; on peut même discuter de la taxation sur le patrimoine immobilier.
Au niveau de l’arsenal fiscal, on ne va pas se gêner, il n’y aura pas de bouclier fiscal. On ne part pas avec ce handicap, monsieur le haut-commissaire.
Donc, ce revenu est servi sans condition de ressources, ce qui évitera tout effet de seuil. Ainsi, on pourra donner 600 euros au riche directeur qui a mis la banque en faillite et qui a touché 4,5 millions d’euros si on taxe à 50 ou 60 % les sommes qu’il a perçues quand il est parti. Si on taxe le parachute doré à 50 %, cela fait 2 millions pour l’État ; on peut sans problème lui accorder 500 euros.
M. Laurent Béteille. Vous êtes trop bon !
M. Jean Desessard. Il faut mettre en œuvre une autre politique, qui taxe effectivement les riches. Dès lors, il importe peu de leur donner un revenu d’existence.
Mme Marie-Thérèse Hermange. M. Desessard est bien seul ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Je suis quand même un peu déçu ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 197, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les entreprises de plus de 10 salariés qui comportent plus d'un quart de leurs salariés à temps partiel, ne peuvent bénéficier des dispositions de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, en matière d'exonérations fiscales et sociales des heures supplémentaires ou complémentaires qui s'appliquent depuis le 1er octobre 2007.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, vous l’aurez compris, l’une des craintes des sénatrices et sénateurs du groupe CRC est que le RSA, loin de lutter durablement contre la pauvreté, ne se transforme au final en un simple outil de gestion des ressources humaines, permettant aux employeurs les moins soucieux du respect de la responsabilité sociale de l’entreprise de recourir abusivement au revenu de solidarité active.
Nous connaissons au Sénat les effets contreproductifs des exonérations de cotisations sociales. De très nombreux sénateurs et sénatrices, de gauche comme de droite, ont dénoncé ces exonérations contreproductives en matière d’emploi, puisque favorisant non pas l’emploi des moins diplômés, mais plutôt l’emploi le moins payé.
Même le sénateur Serge Dassault les dénonce. Mais il est vrai que, dans le même temps, il préconise la suppression totale des aides sociales pour les chômeurs, considérant que « le problème n’est pas seulement de trouver de l’emploi mais aussi que l’assistance et les aides diverses aux chômeurs sont trop élevées pour qu’ils aient une certaine envie de travailler ». Et de proposer : « On réduirait carrément les aides aux chômeurs, ce serait quand même plus efficace si on veut les faire travailler que de vouloir donner de l’argent sur denier de l’État ».
À défaut de le satisfaire sur la question des exonérations de charges sociales, au moins le contentez-vous sur son exigence de suppression des aides accordées aux chômeurs et aux bénéficiaires de minima sociaux, puisque celui de ces derniers qui refuserait deux offres d’emploi se verrait interdire toute aide sociale.
L’amendement que nous avons déposé vise donc à limiter pour les entreprises embauchant au moins un quart de leurs salariés à temps partiel – parmi lesquels les bénéficiaires du RSA seront vraisemblablement nombreux - le bénéfice des dispositions prévues dans la loi TEPA en matière d’exonérations fiscales et sociales.
Mme la présidente. L'amendement n° 100, présenté par Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Godefroy, Daudigny, Desessard, Cazeau, Krattinger et Le Menn, Mmes Printz et Chevé, MM. Lise, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les entreprises de plus de vingt salariés qui emploient plus d'un quart de leurs salariés à temps partiel ne peuvent bénéficier des dispositions de la loi n°2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, en matière d'exonérations fiscales et sociales des heures supplémentaires ou complémentaires.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Cet amendement a pour objet d’enrayer le développement inéluctable du travail à temps partiel subi et des travailleurs pauvres que celui-ci engendre.
Comme trop de dispositifs, le RSA risque de n’être qu’un partage - un peu amélioré par rapport à l’existant - de la pénurie, laquelle, personne n’en doute, va s’aggraver dans les semaines et les mois qui viennent en raison de l’incurie du capitalisme financier.
Nous sommes donc en présence d’un problème de justice et d’équilibre. II est évident que certains employeurs auront tout intérêt à développer le nombre d’emplois à temps partiel subventionnés par les contribuables, en majorité ceux qui ne bénéficient pas du bouclier fiscal mis en place par la loi TEPA.
De plus, l’employeur fera réaliser par ces salariés des heures complémentaires, au titre desquelles il bénéficiera des exonérations de cotisations sociales prévues par la loi TEPA. De leur côté, les salariés en question ne bénéficieront d’aucun abattement de l’impôt sur le revenu, puisqu’ils n’y sont pas assujettis en raison de la faiblesse de leurs revenus.
Chacun sait que certaines branches, notamment celles qui sont dites en tension, usent largement de ce procédé.
Mais nous savons tous que si ces branches sont en tension, c’est parce que les salaires sont à peine au niveau du SMIC, quand ils ne font pas l’objet d’une dérogation, comme dans le secteur de l’hôtellerie-restauration
C’est aussi parce que les horaires sont tantôt démentiels, tantôt à temps très partiel et décalés. S’y ajoutent des conditions de travail souvent inacceptables. Cela n’a d’ailleurs pas empêché les derniers gouvernements de droite de subventionner largement de tels secteurs, jusqu’à 697 millions d’euros pour les hôtels, cafés et restaurants.
C’est toute l’absurdité du système qui apparaît. Encore que cela ne soit pas absurde pour ceux qui vont en tirer bénéfice et qui ne seront, à l’évidence, ni les salariés à temps très partiel ni les allocataires du RSA.
Nous proposons donc que, dans les entreprises de plus de vingt salariés, ce qui est un seuil assez élevé, les employeurs qui ont plus d’un quart de salariés à temps partiel ne bénéficient pas de la loi TEPA.
Au contraire, afin de ne pas faire définitivement du RSA une machine à multiplier les travailleurs pauvres et à inciter au temps partiel, nous proposons que le bénéfice des exonérations prévues par la loi TEPA soit réservé aux entreprises qui font un effort pour développer l’emploi à temps plein.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Tout à l’heure, à propos du temps partiel, j’ai indiqué que les négociations devaient également concerner le temps plein. Là encore, il me paraît important de ne pas stigmatiser le temps partiel, parce qu’il peut être choisi et non pas subi et qu’il dépend aussi du secteur d’activités.
De plus, le temps partiel peut permettre, dans certains cas, de franchir une première étape d’insertion professionnelle.
Pour ces raisons, je demande donc le retrait de ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Voilà !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. En 1992, la majorité de l’époque avait consenti des exonérations de charges plus importantes sur le temps partiel de telle sorte que l’embauche de deux personnes à mi-temps coûtait moins cher à l’employeur que celle d’une personne à plein temps. Il en est résulté une explosion du temps partiel subi. En 1998, la même majorité est revenue sur cette disposition et, aujourd’hui, on en est resté à la neutralité entre temps partiel et temps complet pour l’employeur.
Ce que nous proposons est simple : l’aide doit aller vers les salariés et non pas vers les employeurs ; donc, les 1,5 milliard d’euros serviront à soutenir les salariés et non les employeurs.
Il est légitime qu’un débat ait lieu sur le temps partiel. Mais ce débat – et c’est sur ce point que nous aurons à travailler - devra tenir compte de la diversité des situations dans chaque secteur. Les situations ne sont pas les mêmes dans les petites entreprises et dans les grandes, dans l’artisanat, ou dans le secteur des services à la personne.
Je fais partie de ceux qui pensent - et cela rejoint les propos tenus par M. Vasselle tout à l’heure sur les allègements de charges - que c’est certainement là une piste à creuser. Mais il importe de ne pas traiter de manière uniforme l’ensemble des secteurs ou des entreprises sans discussion, sans négociation, sans évaluations préalables.
Je me réjouis que le revenu de solidarité active, qui va aider les salariés à temps partiel sans créer d’effet d’aubaine pour les entreprises, soit l’occasion de poser ce débat dans des termes nouveaux : les salariés à temps partiel seront plus à l’aise pour en discuter puisqu’ils percevront déjà 250 euros de plus par mois.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je suis d’accord avec M. Hirsch sur les différents textes dont il a parlé précédemment : en 1992, l’embauche de deux salariés à mi-temps devenait moins coûteuse en charges sociales que l’embauche d’un seul. Des modifications sont ensuite intervenues. Soit ! Mais, en 2007, la loi TEPA a accordé de nouvelles exonérations sur les temps partiels.
Ce sont à ces exonérations-là que nous faisons allusion quand nous vous disons qu’il faut les supprimer dans les entreprises qui emploient plus de 25 % de leur effectif à temps partiel. Évidemment, la combinaison de la loi TEPA et du RSA aura pour conséquence que les employeurs embaucheront des salariés à temps partiel pour bénéficier des exonérations de la loi TEPA. Les salariés pourront peut-être bénéficier du revenu de solidarité active que vous voulez mettre en place, mais ils seront maintenus dans le temps partiel puisque, tant qu’ils y seront, les entreprises bénéficieront des exonérations prévues par la loi TEPA.
Qu’il y ait eu des évolutions de la législation en ce qui concerne les exonérations de charges sociales sur les temps partiels, j’en conviens. Mais de plus récentes modifications que celles auxquelles vous faites allusion sont intervenues au travers de la loi TEPA. C’est à celles-là que nous nous attaquons.
Mme la présidente. L'amendement n° 101, présenté par Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Godefroy, Daudigny, Desessard, Cazeau, Krattinger et Le Menn, Mmes Printz et Chevé, MM. Lise, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les entreprises de plus de vingt salariés qui emploient plus d'un quart de leurs salariés à temps partiel sont soumises à un forfait minimal de cotisations patronales afin de créer une forte incitation à l'accroissement de la durée d'activité de leurs salariés à temps très réduit.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Cet amendement vise le même objectif que le précédent, mais par d’autres moyens.
Il s’agit de soumettre les employeurs, dans les entreprises de plus de vingt salariés qui emploient plus du quart de leurs salariés à temps partiel, à un forfait minimal de cotisations sociales patronales. C’est en somme l’instauration d’un malus, afin d’éviter l’encouragement au temps très partiel imposé.
Permettez-nous de rappeler les conclusions de la Cour des comptes sur les exonérations de cotisations : pour un coût qui dépasse maintenant les 30 milliards d’euros, elles ont pour premier effet de développer les emplois peu qualifiés et faiblement rémunérés, et à temps partiel pour la plupart.
En un peu plus de vingt ans, l’emploi peu qualifié à temps partiel a doublé, tandis que l’emploi peu qualifié à temps complet est resté stable. L’augmentation du nombre d’emplois comptabilisés repose donc très largement sur du temps partiel subi. Les femmes en sont à 90 % les victimes.
La Cour des comptes estimait donc dans son rapport que les exonérations devaient être réservées aux petites entreprises qui en ont besoin, afin d’éviter les effets d’aubaine. Cela permettrait d’éviter la multiplication des emplois sous-rémunérés, qui maintiennent les salariés dans la pauvreté malgré un coût de subventionnement important pour la collectivité.
En un mot, dans un élan de bon sens auquel il faut rendre hommage, la Cour des comptes proposait tout bonnement que les entreprises paient les salariés et acquittent les cotisations sociales correspondantes, plutôt que de reporter une partie des salaires et des cotisations sur les contribuables et les cotisants, ce qui ne fait que nuire à la consommation et à la solvabilisation de la demande.
Pour dire les choses simplement, l’argent tourne, mais il ne s’arrête pas là où l’économie et les citoyens peuvent en tirer un légitime et utile avantage.
Le RSA ne modifie en rien cette perversion du système. II s’y engouffre et risque fort de l’aggraver. S’il est indispensable, pour de multiples raisons que nous avons tous déjà expliquées, que les personnes peu qualifiées trouvent ou retrouvent un emploi, il est encore plus important pour elles et pour l’équilibre de notre société qu’elles ne soient pas enkystées dans la pauvreté, et que les entreprises ne soient pas encouragées à continuer dans la voie actuelle.