compte rendu intégral
Présidence de Mme Monique Papon
vice-présidente
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Revenu de solidarité active
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion (nos 7, 25, 32).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 1er, à l’amendement n° 161.
Article 1er (suite)
I. - Il est institué un revenu de solidarité active qui a pour objet d'assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d'existence, afin de lutter contre la pauvreté, encourager l'exercice ou le retour à une activité professionnelle et aider à l'insertion sociale des bénéficiaires. Le revenu de solidarité active remplace le revenu minimum d'insertion, l'allocation de parent isolé et les différents mécanismes d'intéressement à la reprise d'activité. Sous la responsabilité de l'État et des départements, sa réussite nécessitera la coordination et l'implication des acteurs du champ de l'insertion, des entreprises et des partenaires sociaux.
II. - Le chapitre V du titre Ier du livre Ier du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L'article L. 115-1 est abrogé ;
2° L'article L. 115-2 devient l'article L. 115-1 ;
3° Il est rétabli un article L. 115-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 115-2. - L'insertion sociale et professionnelle des personnes en difficulté concourt à la réalisation de l'impératif national de lutte contre la pauvreté et les exclusions.
« Le revenu de solidarité active, mis en œuvre dans les conditions prévues au chapitre II du titre VI du livre II, complète les revenus du travail ou les supplée pour les foyers dont les membres ne tirent que des ressources limitées de leur travail et des droits qu'ils ont acquis en travaillant ou sont privés d'emploi.
« Il garantit à toute personne, qu'elle soit ou non en capacité de travailler, de disposer d'un revenu minimum et de voir ses ressources augmenter quand les revenus qu'elle tire de son travail s'accroissent. Le bénéficiaire du revenu de solidarité active a droit à un accompagnement social et professionnel, destiné à faciliter son insertion durable dans l'emploi.
« La mise en œuvre du revenu de solidarité active relève de la responsabilité de l'État et des départements. Les autres collectivités territoriales, l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail, les maisons de l'emploi ou, à défaut, les plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi lorsqu'ils existent, les établissements publics ainsi que les organismes de sécurité sociale y apportent leur concours.
« Dans ce cadre, les politiques d'insertion relèvent de la responsabilité des départements.
« La définition, la conduite et l'évaluation des politiques mentionnées au présent article sont réalisées selon des modalités qui assurent une participation effective des personnes intéressées. » ;
4° Après l'article L. 115-4, il est inséré un article L. 115-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 115-4-1. - Le Gouvernement définit, par période de cinq ans, après la consultation des personnes morales mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 115-2, un objectif quantifié de réduction de la pauvreté, mesurée dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Il transmet au Parlement, chaque année, un rapport sur les conditions de réalisation de cet objectif, les modalités de financement des budgets qui lui sont affectés et les mesures prises pour y satisfaire. »
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que l’amendement n° 161 a été présenté hier soir par M. Guy Fischer. La commission et le Gouvernement ont émis un avis favorable, sous réserve d’une rectification.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, l’amendement n° 161 prévoit que les employeurs apportent leur concours à la mise en œuvre des objectifs du revenu de solidarité active, le RSA.
La commission et le Gouvernement ont émis un avis favorable sur cet amendement, à condition qu’il figure à la fin du quatrième alinéa du texte proposé pour le 3° du II de l’article 1er pour l’article L. 115-2 du code de l’action sociale et des familles.
La dernière phrase du quatrième alinéa serait ainsi rédigée : « Les autres collectivités territoriales, l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail, les maisons de l’emploi ou, à défaut, les plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi lorsqu’ils existent, les établissements publics, les organismes de sécurité sociale ainsi que les employeurs y apportent leur concours. »
Mme la présidente. Acceptez-vous cette rectification, monsieur Fischer ?
M. Guy Fischer. Madame la présidente, la nuit ayant porté conseil, nous acceptons la suggestion de la commission, qui a été approuvée par le Gouvernement, car elle répond à l’attente que nous avons exprimée.
Notre amendement avait pour objet de rappeler combien la participation des employeurs est nécessaire pour favoriser l’insertion durable des bénéficiaires du RSA dans l’emploi. C’est avec plaisir que je constate que le Gouvernement et la commission nous ont rejoints sur ce sujet.
La proposition que vous formulez, madame le rapporteur, ne nous satisfait pas entièrement puisqu’elle tend à limiter le concours des employeurs à la seule mise en œuvre du revenu de solidarité active. Toutefois, nous l’acceptons, tout en précisant que nous n’aurons de cesse de redire, tout au long du débat, combien il est nécessaire de développer et de renforcer la responsabilité sociale des entreprises.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 161 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
établissements publics,
Rédiger comme suit la fin du quatrième alinéa du texte proposé par le 3° du II de cet article pour l'article L. 115-2 du code de l'action sociale et des familles :
les organismes de sécurité sociale ainsi que les employeurs y apportent leur concours
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Madame la présidente, je confirme l’avis favorable du Gouvernement sur cet amendement ainsi modifié.
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par Mme B. Dupont, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du quatrième alinéa du texte proposé par le 3° du II de cet article pour l'article L. 115-2 du code de l'action sociale et des familles, supprimer les mots :
ou, à défaut, les plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi lorsqu'ils existent
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Les plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, les PLIE, ne sont pas dotés de la personnalité morale nécessaire pour participer à la mise en œuvre du RSA, le revenu de solidarité active. C’est pourquoi nous proposons de supprimer la référence à ces plans dans le quatrième alinéa.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 167, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
À la fin de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le 3° du II de cet article pour l'article L. 115-2 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots :
des départements
par les mots :
partagée de l'État et des départements
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Chacun d’entre nous en est conscient, la lutte contre la pauvreté doit être une priorité à tous les échelons. Les départements sont d’ores et déjà les grands acteurs de la solidarité, puisqu’ils participent, par les mécanismes qu’ils mettent en place, par la gestion du RMI, le revenu minimum d’insertion, et la prise en charge de son volet insertion, ainsi que par les subventions qu’ils versent aux associations d’insertion par l’activité économique à lutter concrètement contre la pauvreté et la précarité.
Les communes viennent aussi souvent compléter leur action par le biais des CCAS, les centres communaux d’action sociale, et des PLIE, car elles sont reconnues pour leur grande capacité à coordonner et mobiliser localement, c'est-à-dire au plus près du terrain, les différents acteurs concernés, ainsi que les maisons de l’emploi.
De leur côté, les régions participent également de plus en plus, en intervenant notamment sur la question de la formation.
Cet amendement vise à préciser que l’État ne doit pas être absent de l’ensemble de ces dynamiques. Nous ne pouvons nous satisfaire d’une rédaction prévoyant que les politiques d’insertion relèvent de la seule et entière responsabilité des départements. L’État ne doit pas se désengager des politiques d’insertion précisément parce que celles-ci dépendent en partie des financements publics.
Depuis le début, les politiques de décentralisation des compétences se sont traduites par une explosion des inégalités entre les départements. Comme l’a montré le débat, selon que vous habitez un département riche ou pauvre, les politiques mises en œuvre sont différentes, avec des financements différents. C’est pourquoi le rôle de l’État doit être renforcé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, car le projet de loi confirme le transfert des politiques d’insertion aux départements. Il ne s’agit pas de revenir sur le mouvement engagé, qui clarifie les responsabilités de chacune des collectivités.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Il ne s’agit absolument pas pour l’État de se désengager. Nous avons discuté de ce point avec l’Assemblée des départements de France. La phrase que vous évoquez, monsieur le sénateur, a été pesée au trébuchet pour parvenir à un équilibre. La rédaction retenue témoigne d’une articulation délicate, dont il faut avoir conscience, entre une politique de l’emploi, qui relève de l’État, et une politique de solidarité et d’insertion, qui est pour partie de la responsabilité des départements. L’État et les départements constituent donc les deux leviers de cette politique.
Vous le verrez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’État reste la colonne vertébrale de ce texte. Il n’y a, je le répète, aucun désengagement de l’État, qui va travailler conjointement avec les départements, quelquefois à travers des conventions, pour se mobiliser et venir en aide aux populations les plus défavorisées.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 167.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°20 :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 3, présenté par Mme B. Dupont, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après les mots :
réalisation de cet objectif,
rédiger comme suit la fin de la seconde phrase du texte proposé par le 4° du II de cet article pour l'article L. 115-4-1 du code de l'action sociale et des familles :
ainsi que sur les mesures et les moyens financiers mis en œuvre pour y satisfaire.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'article.
M. Guy Fischer. Alors que nous avons commencé la discussion des articles, il apparaît, monsieur le haut-commissaire, que le RSA, tel que vous nous le présentez aujourd’hui, est conçu comme une allocation, versée non pas en fonction de la situation du bénéficiaire, mais de celle du foyer dont il fait partie.
Vous faites ainsi du RSA une aide familialisée, alors qu’il eût été préférable selon nous de le concevoir de manière individualisée.
On peut donc s’interroger sur les raisons qui vous ont conduit à formuler de la sorte votre proposition. Est-ce la faute à Bercy ou bien au Président Nicolas Sarkozy ?
La réponse semble être claire : vous voulez faire des économies sur le compte des bénéficiaires du RSA. En effet, vous cherchez à économiser sur le coût que représentent les minima sociaux, plus particulièrement le RMI et l’allocation de parent isolé, ou API. Nous aurons l’occasion de développer dans la suite du débat nos vues sur ces questions.
Il y a fort à parier que, si vous aviez conçu cette allocation de manière individualisée, il aurait pu y avoir parfois dans un même foyer deux bénéficiaires, …
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Guy Fischer. … ce qui aurait représenté une plus grande somme à sortir des caisses de l’État. Ce n’est pas plus compliqué !
Mais cela aurait également été contre-productif dans la logique d’incitation au retour à l’emploi qui est la vôtre, puisque vous considérez que les bénéficiaires de minima sociaux se complaisent, selon vous, dans l’assistance.
Ne craignez-vous pas que cette allocation familialisée ne replonge notre pays des années en arrière, à l’époque où les femmes n’avaient pour ressources que ce que leurs maris acceptaient de leur donner ? Nous mettrons en évidence dans la suite de la discussion des cas où le RSA incitera certaines épouses à cesser de travailler, pour ne pas y perdre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l'article.
Mme Raymonde Le Texier. Cet article 1er signe la disparition du RMI et illustre la philosophie qui est celle du RSA.
Nous savons à quel point le déficit d’accompagnement a constitué, dans le cas du RMI, le principal frein à l’insertion des publics éloignés de l’emploi.
Or, c’est précisément la question de l’accompagnement qui est la grande absente du RSA, alors même que les expérimentations, dont les résultats sont censés éteindre toute velléité de critique ou de contestation, ont toutes mis l’accent sur le suivi et l’accompagnement social comme facteurs de réussite.
Pourquoi mettre en avant des expérimentations en occultant les conditions qui en ont fait le succès ? Le contrat unique qu’est le RSA suppose du sur-mesure, d’où l’importance des moyens mis en œuvre dans les sites-pilotes. Pourquoi ne pas en tirer les conclusions qui s’imposent ?
Dans l’Eure, par exemple, l’expérimentation s’est appuyée sur la création d’une plate-forme unique et transversale prenant en charge toutes les problématiques posées par les bénéficiaires du RSA : santé, formation, logement, transport ou encore garde d’enfant. Chaque démarche a été adaptée à la situation du bénéficiaire.
Le conseil général de l’Eure évalue ainsi à vingt-cinq équivalents temps plein l’effort nécessaire en termes de personnel pour que la généralisation du RSA puisse donner de tels résultats. Si les besoins sont de cet ordre dans un département comme l’Eure, imaginez le coût de la généralisation du dispositif en Seine-Saint-Denis ou encore dans le Val-d’Oise !
En ce qui concerne la proposition de reporter une partie de cette charge en comptant sur la mobilisation du nouveau service public de l’emploi, la suggestion est pour le moins optimiste. Elle feint surtout d’oublier qu’en France le ratio entre agents et demandeurs d’emploi est déjà largement en dessous de la moyenne européenne.
Vous avez fait le choix de n’accorder aucun moyen supplémentaire pour l’accompagnement. Sans financement adéquat, vous demandez aux départements de faire avec le RSA ce qu’ils n’ont pu accomplir en vingt ans avec le RMI. Les mêmes causes engendrant les mêmes effets, l’insertion risque d’être à nouveau l’angle mort du présent dispositif.
Or, sans accompagnement, il ne reste du RSA qu’une allocation différentielle liée à la reprise d’activité. L’initiative est utile sans doute car, lorsqu’on n’a rien – ou si peu –, un peu plus que rien, c’est toujours précieux !
Mais c’est une initiative dont les effets pervers sont bien réels. Votre texte ne s’appliquera pas hors de tout contexte. Il s’inscrit dans une politique gouvernementale qui réduit les droits et les protections des salariés comme peau de chagrin, tandis que la crise, avec son cortège habituel – chômage et destructions d’emploi – pèsera sur les niveaux de salaires, la qualité des emplois et les conditions de travail des salariés.
Dans un pays où le travail ne paie plus, où les gens peinent à vivre de leur salaire, votre gouvernement choisit de faire financer le coût social de la dérégulation par la collectivité, au lieu de remettre en cause la politique salariale des entreprises.
En mettant le couvercle sur les revendications salariales, en subventionnant le travail à temps partiel et les petits boulots, le RSA va constituer un formidable effet d’aubaine pour les entreprises et entretenir la pression à la baisse sur les salaires, avec la bonne conscience en plus.
Couplé à la loi sur les offres raisonnables d’emploi, il dépouille à terme le salarié de toute prise sur ses conditions de travail et sa rémunération.
Avec le RSA, on acte le fait que l’accès au travail ne garantit plus l’autonomie de la personne. C’est aller à rebours de tout le processus de construction de notre protection sociale. En effet, le choix de mettre en place une indemnisation du chômage visait à construire des digues pour éviter l’institutionnalisation d’un travail émietté et permettre ainsi au travailleur de n’accepter d’emploi que décent, c’est-à-dire lui permettant d’assurer son autonomie.
« Mieux vaut être chômeur que travailleur pauvre », pensait Beveridge, constatant à quel point l’économie du xixe siècle se satisfaisait du sous-emploi chronique, de l’émiettement du travail et de salaires indignes. C’est la révolte des ouvriers face à des conditions de vie inhumaines, puis l’instauration d’allocations chômage, qui ont conduit le monde du travail à fonctionner autrement.
Or un siècle plus tard, avec le RSA, mieux vaut être travailleur pauvre que chômeur… Est-ce vraiment un progrès ? Est-ce vraiment redonner sa valeur au travail que de l’accepter sous-payé, sans perspective et contraint ?
C’est parce que ces interrogations ne peuvent pas être si aisément balayées que nous ne voterons pas cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Je souhaite répondre aux propos que je viens d’entendre, même si je cherche plus à être constructif qu’à balayer systématiquement les critiques.
À un certain moment, il faut cesser d’aller à l’encontre de ses propres convictions comme de l’intérêt des personnes en difficulté. Or, ce que j’ai entendu, aussi bien de la part de M. Fischer sur la familialisation que de la vôtre, madame Le Texier, sur les travailleurs pauvres, me choque profondément.
Le RMI était, lui aussi, déjà familialisé pour éviter que l’on ne verse l’allocation quand l’un des deux conjoints a des revenus très élevés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui ! C’est le minimum de l’honnêteté !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Nous essayons donc de proposer un dispositif qui soit socialement juste, comme c’est le cas depuis vingt ans. Soyez donc plus rigoureux dans vos appréciations !
La familialisation est, selon moi, la meilleure solution, parce qu’elle permet de tenir plus compte des enfants à charge que ce n’est le cas dans les mécanismes d’intéressement. Ainsi, on n’arrive pas à une situation où un salarié modeste ayant un enfant à charge se retrouve à toucher seulement 75 euros de plus, ce qui ne lui permet pas de faire sortir ses enfants de la pauvreté.
Par conséquent, il est faux de dire que la familialisation se fait au détriment des personnes ! Elle est au contraire destinée à aider celles et ceux qui sont chargés de famille, et non pas celles et ceux dont le conjoint dispose d’un revenu élevé !
Vous dites – mais vous ne pouvez pas le croire ! – que nous voulons faire des économies sur les minimas sociaux, alors que les dépenses liées au RMI représentent 5 milliards d’euros, auxquels nous prévoyons d’ajouter 1,5 milliard d’euros !
Pour justifier votre opposition au RSA, vous invoquez des arguments qui auraient dû vous conduire à ne pas mettre ce dispositif dans vos programmes.
Le RSA concerne le problème des minimas sociaux, mais aussi des travailleurs pauvres. Il s’agit donc non pas de transformer les personnes en travailleurs pauvres, mais de diminuer, vous le savez pertinemment, le nombre de travailleurs pauvres. Les personnes qui ne connaîtraient pas bien ce sujet ou qui débarqueraient de Vénus ou de Mars pourraient avoir l’impression que l’on multiplie le nombre de travailleurs pauvres !
Le RSA n’a pas été conçu par des réactionnaires, puisque la CGT, la CFDT, ATD-Quart Monde, Emmaüs et d’autres ont été associés à l’élaboration d’un rapport, que j’ai cosigné.
M. Guy Fischer. La CGT a voté contre !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Par ailleurs, vous avez fait référence, madame Le Texier, à la plate-forme de l’Eure, que je connais, puisque j’en ai été à l’origine avec le président du conseil général, Jean-Louis Destans. Nous en avions assez que 16 % des allocataires du RMI de ce département aient un contrat d’insertion et donc que 84 % n’en aient pas. Nous nous sommes organisés pour que les allocataires du RMI n’aient pas à faire trois mois de démarches auprès de la CAF, la caisse d’allocations familiales, la CPAM, la caisse primaire d’assurance maladie, le conseil général et le CCAS, le centre communal d’action sociale. Nous avons demandé à leurs représentants de se mettre dans la même pièce, et on est passé, en trois jours, à un taux de 95 % de contractualisation ! Je connais cette expérience par cœur. Martine Aubry, qui s’est rendue sur place la semaine dernière, a reconnu que nous avions accompli ce qu’en général on n’arrive jamais à faire !
Cette opération n’a pas coûté 25 postes supplémentaires, elle a coûté un demi-poste de coordinateur, que le haut-commissariat a financé. Ainsi, un département qui ne proposait pas de contrats d’insertion a profité du revenu de solidarité active pour développer des postes d’accompagnement. Parallèlement, le service public de l’emploi a l’obligation de les prendre en charge gratuitement.
Par ailleurs, nous créons des postes dans les caisses d’allocations familiales, grâce à une enveloppe qui atteint 100 millions d’euros, pour permettre l’accompagnement de celles et ceux qui ont des problèmes de garde d’enfants.
Il y a des moments où il faut remettre les pendules à l’heure ! C’est la raison pour laquelle je vous réponds de façon aussi virulente, madame Le Texier ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)