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Logement et lutte contre l'exclusion
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (no 497, 2007-2008 ; nos 8, 11 et 10).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 20.
Article 20
I. - Le code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :
1° Les articles L. 442-4-1 et L. 442-4-2 deviennent respectivement les articles L. 442-4-3 et L. 442-4-4 ;
2° L'article L. 442-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 442-4. - En cas de sous-occupation telle que prévue par l'article L. 621-2, le bailleur propose au locataire un nouveau logement correspondant à ses besoins, nonobstant les plafonds de ressources prévus à l'article L. 441-1.
« Le loyer principal du nouveau logement ne doit pas être supérieur à celui du loyer d'origine.
« Les conditions d'une aide à la mobilité prise en charge par l'organisme bailleur sont définies par décret.
« Sur les territoires définis au 7° de l'article 10 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, le bailleur donne congé au locataire ayant refusé trois offres de relogement conformes aux dispositions prévues par l'article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948 précitée. Le délai de préavis applicable est de six mois. À l'expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d'occupation des locaux loués.
« Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont applicables ni à l'égard des locataires âgés de plus de soixante-dix ans, ni lorsque le locataire est une personne handicapée à mobilité réduite ou a à sa charge une personne handicapée à mobilité réduite. » ;
3° Il est créé un article L. 442-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 442-4-1. - Le contrat passé entre un bailleur et un locataire d'un logement adapté aux personnes handicapées au sens de l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles comporte une clause de résiliation du bail sous réserve de propositions adaptées de relogement par le bailleur dès lors que les occupants de ce logement ne présentent plus un tel handicap. Toutefois, cette résiliation ne peut prendre effet que lorsqu'au moins trois propositions non acceptées ont été faites par le bailleur. Le contrat prévoit un préavis de six mois en cas de résiliation.
« L'offre de relogement doit être conforme aux dispositions prévues par l'article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948 précitée. Le logement est attribué nonobstant les plafonds de ressources prévus à l'article L. 441-1.
« Les dispositions du second et du troisième alinéas de l'article L. 442-4 s'appliquent. » ;
4° Il est créé un article L. 442-4-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 442-4-2. - Pour les personnes mentionnées au 12° de l'article 10 de la loi du 1er septembre 1948 précitée, le contrat de location est requalifié en contrat de location de trois ans non renouvelable au premier janvier de l'année qui suit les résultats de l'enquête mentionnée à l'article L. 441-9. Six mois avant la fin du bail, le bailleur notifie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postale ou signifie par acte d'huissier la date d'expiration de son contrat au locataire.
« Au terme du contrat, le locataire est déchu de tout titre d'occupation des locaux loués.
« Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont applicables ni à l'égard des locataires qui l'année suivant les résultats de l'enquête précitée atteignent leur soixante-dixième anniversaire, ni lorsque le locataire est une personne handicapée à mobilité réduite ou a à sa charge une personne handicapée à mobilité réduite. » ;
5° Il est créé un article L. 442-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 442-5-1. - Lorsque l'enquête mentionnée à l'article L. 441-9 fait apparaître qu'un locataire est assujetti au supplément de loyer de solidarité défini à l'article L. 411-3 ou lorsque le locataire est dans un cas de sous occupation telle que prévue par l'article L. 621-2, l'organisme procède avec le locataire à un examen de sa situation et des possibilités d'évolution de son parcours résidentiel.
« L'organisme informe le locataire des différentes possibilités d'accession à la propriété auxquelles il peut prétendre. »
6° Après le quatrième alinéa de l'article L. 442-8-1, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa de l'article L. 442-8, les locataires des organismes mentionnés à l'article L. 411-2 peuvent, après en avoir informé le bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception, sous-louer temporairement pour une durée maximale d'un an renouvelable, une partie de leur logement à des personnes jeunes répondant aux conditions d'âges définies par décret en Conseil d'État. Celles-ci ne bénéficient pas du droit au maintien dans les lieux. Le prix du loyer de la ou des pièces principales sous-louées est calculé au prorata du loyer total rapporté à la surface habitable du logement. »
II. - La loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement est ainsi modifiée :
1° À la première phrase du 7° de l'article 10, les mots : « à Paris, dans un rayon de 50 kilomètres de l'emplacement des anciennes fortifications de Paris et dans les communes dont la population municipale est égale ou supérieure à 10 000 habitants » sont remplacés par les mots : « dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants et dans les communes dont la population est de plus de 20 000 habitants » et les mots : « 327 du code de l'urbanisme et de l'habitation » sont remplacés par les mots : « L. 621-2 du code de la construction et de l'habitation » ;
2° L'article 10 est complété par un 12° ainsi rédigé :
« 12° Qui occupent des locaux appartenant aux organismes mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, et dont les ressources, au vu des résultats de l'enquête mentionnée à l'article L. 441-9 du code de la construction et de l'habitation, sont au moins deux fois supérieures aux plafonds de ressources pour l'attribution des logements locatifs sociaux fixés en application de l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation. »
III. - La dernière phrase du premier alinéa du I de l'article 40 de la loi du 6 juillet 1989 précitée et le troisième alinéa du III du même article sont modifiés comme suit :
« Les dispositions de l'article 14 leur sont applicables à condition que le bénéficiaire du transfert du contrat remplisse les conditions d'attribution et que le logement soit adapté à la taille du ménage.
« Ces deux conditions ne sont pas requises envers le conjoint ou le partenaire lié au conjoint par un pacte civil de solidarité, et, lorsqu'ils vivaient effectivement avec lui depuis plus d'un an, les ascendants, les personnes handicapées. »
IV. - Les dispositions du présent article sont applicables aux contrats en cours.
À compter de la publication de la présente loi, le contrat passé entre un bailleur et un locataire comporte une clause prévoyant l'application du présent article.
V. - Les conditions d'application des dispositions du présent article sont définies par décret en Conseil d'État.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.
Mme Odette Terrade. Madame la ministre, avec cet article 20, que ce soit dans sa rédaction initiale ou dans la version modifiée par la commission des affaires sociales, nous en avons la preuve : tout est bon pour expulser du logement social quelques centaines de foyers que vous mettez à l’index.
Vous les désignez comme d’affreux profiteurs. Vous tentez ainsi de monter les populations les plus pauvres contre leurs voisins, un peu plus heureux. Vous voulez faire croire que le manque de logements sociaux est dû à la présence de locataires qui ne devraient pas bénéficier de ce type d’habitat.
Tout cela est faux, et vous le savez bien. Tenir de tels propos est même inacceptable.
Nous pensons avoir identifié la cible que vous visez par vos mesures d’expulsion. Il s’agit pour l’essentiel des couples âgés de 50 ans à 70 ans, tout particulièrement de ceux qui ont entre 50 et 60 ans. (Mme la ministre s’exclame.) En effet, ce sont les seuls qui peuvent se retrouver dans les situations décrites par l’article 20 du projet de loi : leur appartement est parfois devenu trop grand et leur revenu est enfin décent, avant de subir une forte baisse une fois qu’ils seront à la retraite.
Aussi, pour l’une ou l’autre de ces raisons, vous décidez de les expulser du logement dans lequel ils ont vécu souvent durant de très nombreuses années.
Il est vrai que, parfois, l’appartement dans lequel ils ont élevé leurs enfants se révèle trop grand, quand, adultes, ces derniers quittent le logement familial. Mais, en ne considérant que cet aspect des choses, madame la ministre, vous oubliez une dimension essentielle de la vie de tout être humain, celle du souvenir du bonheur familial.
Comme le chante Bénabar, ces appartements sont « hantés ». Chaque jour, chaque minute, leurs occupants y croisent le souvenir de leurs enfants, de leurs rires et de leurs larmes. L’ensemble des étapes de leur vie est inscrit entre les murs de ce logement qu’ils occupent depuis des années.
Toute notre littérature met en scène la place unique de la maison familiale dans laquelle se croisent, s’entremêlent, s’entretiennent les souvenirs familiaux. C’est le lieu de rencontre, de croisement, d’échanges entre toutes les générations. C’est le lieu où se construisent des relations et des parcours de vie sans cesse renouvelés. C’est le lieu presque magique où les petits-enfants découvrent la chambre de leurs parents, leurs souvenirs, leurs photos, leurs livres, leurs cahiers et leurs dessins. C’est le lieu de la transmission entre générations.
C’est dire l’importance de ce lieu dans la formation de tous les êtres humains. Il recèle même une part de notre humanité.
Pourtant, quand il s’agit des familles de milieu populaire, vous n’avez que faire de cette dimension, madame la ministre. Vous leur déniez le droit de vivre ce petit bonheur enfin acquis et de le partager avec leur descendance. Vous considérez que, lorsque l’on n’a pas eu les moyens de vivre en dehors d’un logement social ou que l’on a fait le choix de continuer à y bâtir sa vie, on doit être contraint de construire les dernières étapes de son parcours dans un lieu sans mémoire.
Ne pensez-vous pas que la liberté et le respect d’une certaine humanité imposeraient de laisser le choix ?
Aussi, parce que nous trouvons particulièrement injustes et inefficaces les dispositions de ce projet de loi, notamment celles qui sont inscrites à cet article, car elles ne concernent que 9 000 logements environ sur 4 millions, le groupe CRC demandera la suppression de l’article 20.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, sur l’article.
Mme Dominique Voynet. Selon vous, madame la ministre, l’article 20 vise à « mieux adapter l’offre et la demande de logements sociaux ». Si cette ambition est noble, les moyens que vous déployez pour y parvenir nous paraissent inquiétants et nous les désapprouvons.
Convenons-en d’emblée : déloger pour reloger ne crée pas de logements supplémentaires. Déloger pour reloger ne constitue pas une réponse digne de l’attente de nos concitoyens, en particulier des 1,2 million d’entre eux qui figurent sur les listes d’attente du parc social !
Le problème que pose cet article peut se résumer en trois points.
Tout d’abord, par cet article, madame la ministre, vous tentez encore une fois de faire passer une certaine catégorie de locataires du parc locatif social pour des « profiteurs » responsables de la crise du logement. Il est inutile de le rappeler, ce ne sont pas les éventuels 9 000 ménages visés qui résoudront le problème du logement en France. Cet article s’inscrit en plein dans la philosophie globale de ce texte : dénoncer les prétendus responsables pour mieux dissimuler l’absence de solution que le Gouvernement est censé apporter à la crise du logement.
Ensuite, nous ne comprenons pas les termes employés : vous évoquez un projet de loi qui contribuerait fortement à lutter contre l’exclusion et vous ne trouvez pas meilleur dispositif qu’une atteinte grave au droit au maintien dans les lieux, notamment pour les cas de sous-occupation.
Je ne saurais ici vous faire part de toutes les situations absurdes auxquelles votre texte donnerait lieu s’il était voté en l’état. Nombre d’associations, de ménages, de parents isolés et de futurs retraités nous ont alertés sur les risques que représente une telle disposition. Ils sont inquiets, madame, et à juste titre. Car une chose est sûre : voilà une disposition préparée en dehors de toute considération pour le mode de vie réel de nos concitoyens.
Que faites-vous, par exemple, du cas de M. B., 30 ans, conjoint divorcé, qui n’a pas obtenu la garde de ses enfants, mais qui doit cependant être en mesure de les accueillir dans de bonnes conditions, même si c’est seulement pendant les vacances ou les week-ends ?
Que faites-vous du cas de Mme F., 55 ans, proche de la retraite, habitant un trois-pièces depuis son divorce et dont les enfants vont voler de leurs propres ailes ? Allez-vous réellement permettre aux maires d’avoir recours à la force publique pour déloger une femme seule ?
À ce rythme-là, madame la ministre, tout ce à quoi vous parviendrez, c’est à effrayer les ménages de quinquagénaires dont les enfants arrivent à l’âge de l’indépendance, qui seront menacés d’expulsion. Ils sont nombreux dans ce cas, alors que, comme nous tous, ils ont projeté leur avenir dans leur logement.
Madame la ministre, au cours de la nuit dernière, vous nous avez invités à sourire, en soulignant que, si beaucoup d’entre nous jugeaient inutile ce nouveau projet de loi sur le logement, qui par ailleurs n’est pas financé, ils ne se privaient pas d’y introduire telle ou telle amélioration ! C’est vrai, mais, puisque nous sommes ici, autant nous rendre utiles !
Enfin, madame la ministre, faut-il légiférer sur tout ? La réponse au problème de la mobilité ne serait-elle pas dans la proximité de la gestion ? N’est-il pas plus efficace et plus pertinent de laisser aux territoires la possibilité de faire du cas par cas, pour éviter que ne surviennent des situations absurdes ? En laissant le pouvoir local intervenir dans le cadre des politiques publiques de l’habitat pour mieux gérer l’occupation du parc HLM, vous permettriez une réelle adaptation des besoins de chaque territoire à l’offre proposée. De même, si vous laissiez à ceux qui le désirent la possibilité de changer de logement pour des appartements plus adaptés à leurs attentes, si vous laissiez aux offices ou aux équipes la possibilité d’assister, voire d’encourager ces personnes, sans qu’aucune menace de sanction pèse, vous favoriseriez une pratique du « gré à gré ».
Pour ma part, je plaide pour la mise en place dans les territoires de maisons du logement. Elles pourraient non seulement garantir la sécurité de la relation entre le petit propriétaire bailleur et le locataire, que ce dernier préfère sortir du parc social ou qu’il souhaite ne pas y entrer, mais aussi organiser cette mobilité.
Nous avons décrit cette situation à maintes reprises : les personnes sans domicile fixe ne peuvent avoir accès à une place en résidence sociale ou en hébergement d’urgence, parce que ceux qui y séjournent ne trouvent pas de place dans le parc social. Pour quelle raison ? Parce que ceux qui sont dans le parc social ne trouvent pas eux-mêmes de logements adaptés à leurs ressources, à leur pouvoir d'achat et à leurs besoins. Il s’agit évidemment là d’un problème tout à fait prégnant !
Convenons que les mesures que vous nous proposez, qui mettront à l’index certaines catégories de familles, et qui plongeront dans l’insécurité des milliers d’autres, ne sont pas de nature à résoudre structurellement le problème posé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, sur l'article.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article 20, dont nous demanderons la suppression, tente par différentes approches de contraindre au départ, voire d’expulser certaines familles de leur logement.
Le Gouvernement n’est pourtant pas sans savoir que les familles dont les enfants vivent encore au foyer et qui disposent d’un appartement trop grand, cela n’existe quasiment pas ! L’immense majorité d’entre elles se trouvent plutôt en situation de surpopulation. On rencontre plus souvent des familles avec deux enfants dans des trois pièces que des familles avec un enfant dans des six pièces !
Quant aux foyers qui disposent de ressources égales à plus de deux fois le plafond, ils se comptent sur les doigts de quelques mains.
Je m’adresse ici aux nombreux maires qui composent cette assemblée : connaissez-vous beaucoup de familles qui, tout à la fois, élèvent encore leurs enfants, vivent dans les quartiers populaires et gagnent plus de 70 000 euros par an ? Ceux qui parviennent à ce type de salaires entre 30 et 50 ans sont en fait tellement rares que, pour ma part, je n’en connais pas !
En revanche, il existe, et heureusement pour elles, quelques familles qui disposent de ressources supérieures au plafond. Celles-là, vous allez les matraquer avec des surloyers prohibitifs pour, elles aussi, les chasser de leur logement.
Mme Mireille Schurch. La chasse est ouverte et vous allez sonner l’hallali. En fait, cet article 20 vise, pour l’essentiel, les couples en fin de carrière professionnelle dont les enfants ont quitté le foyer, les familles d’enfants handicapés et les couples dont l’un des deux membres est handicapé.
Ainsi, quand la personne handicapée quitte le foyer, pour quelque raison que ce soit, la ou les personnes qui restent sont sommées de quitter leur appartement. Il y a là une certaine forme d’inhumanité.
Quant aux rares couples qui, en fin de carrière, dépassent les plafonds, ils sont souvent proches de la retraite et ne trouveront, aujourd’hui moins encore qu’hier, aucune banque disposée à leur prêter de quoi acheter un logement, même petit. De plus, une fois retraités, la quasi-totalité d’entre eux verront leurs ressources largement réduites. Ils seront alors, de nouveau, susceptibles de bénéficier d’un logement social. Mais, compte tenu du déficit existant en la matière, ils seront contraints de subir la cherté des loyers privés, ce qui réduira encore leur pouvoir d’achat. C’est pourquoi il est profondément injuste et inhumain, à la veille de leur départ en retraite, de les expulser du logement dans lequel ils ont fait leur vie.
Pour toutes les situations, parfois douloureuses, prévues dans cet article, il faudrait mettre en place des incitations et favoriser des parcours résidentiels choisis qui répondraient à la situation de chacun. Or, avec l’article 20, vous ne faites qu’instaurer la mise à l’index, la contrainte et l’expulsion. Enfin, alors que les besoins en logements sociaux se comptent en centaines de milliers, les mesures prévues dans cet article n’en libéreraient, au plus, que quelques milliers, peut-être même moins si l’amendement de la commission était retenu.
Nous sommes donc très loin du titre de votre projet de loi dit « de mobilisation pour le logement ». Vous allez diviser les habitants, les dresser les uns contre les autres et tout faire ensuite pour tenter de vous dédouaner des responsabilités directes que vous avez dans cette crise du logement qui frappe notre société.
Aussi, pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article.
(M. Bernard Frimat remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
vice-président
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, permettez-moi d’exposer ici les répercussions qu’aura la réforme du surloyer sur la situation des habitants de mon département, la Seine-Saint-Denis.
La suppression, cette nuit, de l’article 17, dont je me félicite, ne saurait en effet cacher le reste de votre texte, notamment cet article 20, qui consiste à abaisser le plafond des ressources permettant de désigner les locataires assujettis au surloyer. Des milliers de locataires de logements sociaux seront ainsi concernés par la réforme du surloyer dans ce département.
Actuellement, et jusqu’au mois de décembre 2008, sont contraints de payer ce surloyer les locataires du parc public dont les ressources excèdent de 60% le barème établi par les organismes d’habitations à loyer modéré.
Si votre réforme était adoptée, madame la ministre, ce plafond serait fixé dès le 1er janvier 2009 à seulement 20 % de ce même barème. Le surloyer concernerait par conséquent davantage de foyers, parmi lesquels des locataires aux revenus plus modestes que ceux qui étaient concernés jusqu’ici.
Je ne vais prendre qu’un seul exemple. En Seine-Saint-Denis, dans le parc de l’office départemental HLM, le surloyer concerne actuellement 42 locataires. Si votre texte était adopté, madame la ministre, ce seraient environ 500 personnes, soit onze fois plus, qui devraient payer le surloyer à partir du début de l’année prochaine.
La réforme du surloyer aurait par ailleurs pour conséquence d’inciter les foyers aux revenus moyens à quitter le logement social. Vous favoriseriez ainsi la progression de la ghettoïsation des quartiers populaires ! Au lieu de répondre à l’ambition d’un logement de qualité pour tous, y compris dans le parc public, vous institutionnaliseriez une périlleuse division entre, d’une part, un logement social uniquement dédié aux personnes les plus en difficulté et, d’autre part, un logement privé réservé de fait aux classes intermédiaires et aisées.
Il en résulterait une accentuation de l’exclusion, ce qui constituerait une terrible régression et une inacceptable relégation des personnes les plus fragilisées.
Par le biais de cette mesure sur le surloyer, le Gouvernement exhorte également les foyers percevant des revenus moyens à se loger dans le privé. Pourtant, ces classes intermédiaires jugées « trop aisées » pour vivre dans un logement social ne le sont souvent pas assez pour assumer un loyer dans le privé ou une lourde mensualité dans le cadre d’un achat immobilier.
Cette incitation à l’accession « à tout prix » au logement privé n’est pas sans rappeler la spirale générée par ce type d’orientation dans d’autres pays du monde, notamment aux États-Unis, où la politique du logement a mené tout droit à la crise des subprimes, responsable aujourd’hui d’un grave crash financier mondial.
Comme si cette crise financière considérable n’était pas déjà une source suffisante d’inquiétude pour les Français, après des années de stagnation des salaires, des mois de baisse du pouvoir d’achat, d’augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, vous vous attaquez à un autre élément essentiel de la vie quotidienne, le logement.
Voilà donc la réponse du Président et du Gouvernement aux difficultés quotidiennes, à l’heure où, selon un récent sondage, plus de la moitié des Français redoutent de devenir SDF.
Selon nous, la vraie réponse au problème du logement ne se trouve pas dans la division des locataires français mais bien dans la construction de logements sociaux supplémentaires, car c’est un fait établi : notre pays souffre cruellement de cette pénurie.
Mme Éliane Assassi. En Seine-Saint-Denis, on dénombre 60 000 demandes d’HLM en souffrance pour cause de manque de logements dans le parc public.
Une récente étude montre que 70 % des Franciliens sont éligibles à l’attribution d’un logement social. Or, madame la ministre du logement, à en croire la diminution de 30 % de l’enveloppe ministérielle dédiée à l’habitat, vous n’envisagez aucune politique de construction de nouveaux logements.
Mme Éliane Assassi. N’est-ce pas là une curieuse décision en temps de crise du logement ? Il est pourtant évident que le déplacement des locataires, sous couvert de sélection par le niveau de revenus, ne fera pas sortir de nouveaux logements du sol.
L’État doit donc prendre ses responsabilités, répondre aux véritables problématiques et cesser de contourner les véritables enjeux en matière de logement. Il doit offrir à tous le droit à un logement décent, dans le public comme dans le privé, et imposer un cadre légal des plus stricts, en veillant à la salubrité et à la sécurisation des logements.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 206 est présenté par Mme Terrade, M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et rattaché.
L'amendement n° 429 est présenté par MM. Repentin et Raoul, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Voynet et Khiari, MM. Caffet, Courteau, Lagauche, Ries et Godefroy, Mmes M. André et Ghali, MM. Collombat, Jeannerot et Patient, Mme Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l’amendement n° 206.
Mme Odette Terrade. Nous venons de le dire, cet article 20 est l’une des clés de voûte du présent projet de loi. Nous désapprouvons totalement celui-ci. Vous ne serez donc pas étonnée, madame la ministre, que nous demandions la suppression de cet article.
Plusieurs de nos collègues ont d’ores et déjà développé des arguments qui plaident largement en faveur de cette demande de rejet. Ils ont montré combien cet article comportait des mesures à la fois injustes, inhumaines et inefficaces.
Pour ma part, je considère également que vos propositions sont dangereuses pour l’équilibre de notre société.
L’art de gouverner, c’est aussi permettre à une population diversifiée de vivre en bonne intelligence, à partir d’un pacte social qui assure, entre autres, la mixité en toute chose, en tout lieu et en toute circonstance. Sinon, ce sont les thèses du développement séparé qui, peu à peu, prennent le pas sur toutes les autres.
Votre projet est inacceptable car il prévoit la mise en place d’un véritable apartheid social territorialisé. En effet, sous couvert d’un discours sur la nécessité de favoriser la mobilité résidentielle, vous organisez le départ ou l’expulsion des couches moyennes des logements sociaux et des quartiers dans lesquels ceux-ci sont construits.
Ainsi, après des décennies de politiques publiques favorisant l’investissement locatif privé et l’accession à la propriété au détriment du développement du parc social, vous présentez un projet de loi qui vient parachever l’œuvre de destruction entreprise. Ce faisant, vous entendez transformer les quartiers populaires en ghettos de pauvres, en supprimant toute la richesse de la mixité sociale qui y subsiste encore aujourd’hui. Vous prenez ainsi le risque de la marginalisation de ces quartiers, avec toutes les conséquences néfastes que cela comporte pour les populations qui y vivront, en particulier dans le domaine de la formation, de l’école, de l’emploi, de la santé, des loisirs, du sport et de la culture.
Les riches resteront dans leurs quartiers et dans les villes qui leur sont, d’ores et déjà, réservées. Les couches moyennes, de plus en plus exclues du centre des métropoles, habiteront soit dans les zones résidentielles périurbaines, soit dans les centres-villes de banlieue. Quant aux pauvres, ils seront exclus de certaines villes et vivront entre eux, dans des quartiers ghettoïsés, dans des poches urbaines qu’il leur sera difficile de quitter et que vous déciderez de déplacer en périphérie pour mieux les sécuriser.
Voilà l’avenir que vous nous préparez, madame la ministre. Évidemment, nous ne pouvons l’accepter !
À l’inverse de ce que vous préconisez dans cet article 20, il faudrait développer l’offre de logements sociaux sur l’ensemble du territoire et permettre à tous ceux qui le souhaitent de pouvoir y habiter. L’article 20 fait un autre choix, que nous refusons. C’est pourquoi nous en demandons la suppression.