M. Daniel Raoul. Cela arrive !
M. Dominique Braye, rapporteur. Ce document avait d’ailleurs servi de base de travail, mais également de source d’inspiration, pour l’élaboration de bon nombre de dispositifs introduits dans ce texte, qui comptait onze articles à l’origine et qui, à la faveur des enrichissements parlementaires successifs, en comporta finalement cent douze !
Le projet de loi instituant le droit au logement opposable, dont la présentation a suivi de quelques mois seulement l’adoption définitive de la loi portant engagement national pour le logement, avait en revanche appelé de ma part un certain nombre de réserves, que j’avais exprimées à l’époque.
Je pense en effet que le secteur du logement ne saurait faire l’objet de politiques successives que je qualifierai de stop and go, au risque de fragiliser ses fondamentaux et de favoriser la réalisation d’opérations ne présentant aucun caractère durable.
Un peu plus de deux années après sa promulgation, la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement commence à donner des résultats, même si certains des dispositifs qu’elle a créés n’ont été mis en œuvre que très récemment.
Ainsi en est-il, par exemple, des modifications de l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, puisque le système de commissions départementales et de commission nationale, mis en place sur l’initiative de la commission des affaires économiques, n’est opérationnel que depuis peu, la commission nationale ne s’étant à ce jour pas encore réunie.
Ces réflexions ne rendent pas pour autant illégitime un nouveau projet de loi sur le sujet.
D’une part, ce texte comporte des réformes de nature à favoriser l’émergence d’une offre nouvelle.
D’autre part, il offre la possibilité de corriger, d’aménager et de poursuivre certaines réformes entreprises au cours des dernières années, au travers de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, de la loi portant engagement national pour le logement ou de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
En outre, ce projet de loi s’inscrit dans le droit fil de la démarche de révision générale des politiques publiques entreprise, dès son élection, par le Président de la République, puisque bon nombre de dispositions traduisent en droit des mesures qui avaient été annoncées lors du conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008.
Le contexte budgétaire de l’année à venir étant particulièrement contraint, ce projet de loi n’offre que très peu de marges de manœuvre…
M. Thierry Repentin. C’est une litote !
M. Dominique Braye, rapporteur. … en termes de dépenses nouvelles ou de diminutions incitatives des prélèvements obligatoires.
Cette contrainte a conduit le Gouvernement à entamer des négociations avec les partenaires sociaux, parallèlement à la réforme de la gouvernance du 1 % logement qu’il proposait, afin de mobiliser les fonds de la participation des employeurs à l’effort de construction au profit du financement d’actions relevant auparavant des moyens budgétaires.
À cet égard, la commission des affaires économiques a vivement déploré les conditions dans lesquelles ont pu se dérouler, jusqu’à vendredi dernier, ces négociations dont le Parlement a été totalement exclu.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Dominique Braye, rapporteur. Il s’agit pourtant d’un domaine dans lequel il eût été pleinement légitime que le Parlement puisse exercer son contrôle.
En ce qui concerne les propositions qu’elle vous fera, la commission des affaires économiques, soucieuse elle aussi de l’équilibre des finances publiques, s’est, pour sa part, astreinte à la même ligne de conduite que le Gouvernement et n’a pas souhaité préconiser, sinon de manière très marginale, de mesures présentant un coût pour l’État ou les collectivités territoriales.
Cette exigence ne nous a pas pour autant empêchés de réfléchir à d’autres types d’actions incitatives pouvant favoriser l’augmentation de l’offre de logements, qui continue à être cruellement insuffisante dans notre pays.
Avant d’évoquer rapidement les principales propositions de la commission des affaires économiques, je souhaiterais présenter notre position sur l’article 17 du projet de loi, qui prévoit de modifier la liste des logements sociaux éligibles au quota des 20 % inscrit à l’article 55 de la loi SRU en y intégrant deux catégories de logements en accession sociale à la propriété.
Je tiens à dire en préalable, solennellement et fortement, que la commission des affaires économiques est très favorable au développement de l’accession sociale à la propriété et adoptera toutes les mesures qu’elle jugera aller dans ce sens.
En revanche, la commission des affaires économiques ne veut pas que soit relancé tout à fait inutilement, à l’occasion de la discussion de ce projet de loi, un débat portant sur les conditions d’application de l’article 55 de la loi SRU, même s’il s’agit là d’une tendance récurrente du législateur.
M. Jean-Pierre Caffet. Très bien !
M. Dominique Braye, rapporteur. Le Parlement a déjà consacré des dizaines d’heures de débat à cette question, et nous sommes parvenus, dans le cadre de l’élaboration de la loi portant engagement national pour le logement, à un dispositif équilibré, auquel il faut maintenant laisser le temps de s’appliquer,…
M. Roland Courteau. N’y revenons pas !
M. Dominique Braye, rapporteur. … sans d’ailleurs opposer, comme semble le faire le projet de loi, le logement locatif social à l’accession sociale à la propriété, qui malheureusement, madame le ministre, ne sont pas destinés aux mêmes ménages. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Thierry Repentin. C’est vrai !
M. Dominique Braye, rapporteur. C’est dans cet esprit que la commission des affaires économiques présentera un amendement de suppression de l’article 17, car elle est totalement persuadée que cette disposition ne favorisera nullement l’accession sociale à la propriété. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
En ce qui concerne le 1 % logement, nous avons pris acte du résultat des négociations entre l’État et les partenaires sociaux. Nous proposerons donc simplement de ne pas afficher le fait que la participation des employeurs à l’effort de construction finance la politique de la ville, même si elle est effectivement employée à cette fin, et de prévoir que le droit de veto des commissaires du Gouvernement au sein du conseil d’administration de l’Union d’économie sociale pour le logement, l’UESL, s’exercera de manière conjointe.
M. Thierry Repentin. Nous sommes d’accord !
M. Dominique Braye, rapporteur. Par ailleurs, la commission des affaires économiques s’est attachée à conforter la place des collectivités territoriales dans la conduite des politiques de l’habitat, à clarifier les dispositions relatives aux organismes d’HLM et à améliorer, ainsi qu’à compléter, celles qui concernent les copropriétés et la mobilité des locataires dans le parc social.
En ce qui concerne le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, le PNRQAD, la commission des affaires économiques, jugeant intéressante la faculté offerte aux collectivités concernées par le programme de créer des fonds locaux de réhabilitation de l’habitat privé, a souhaité étendre cette possibilité à l’ensemble du territoire.
S’agissant des mesures fiscales prévues dans le projet de loi, la commission des affaires économiques proposera de maintenir les avantages fiscaux accordés aux investissements locatifs dans les zones de revitalisation rurale et de prolonger d’une année le bénéfice du taux réduit de TVA à 5,5 % pour les opérations d’accession sociale à la propriété réalisées dans le secteur individuel au moyen d’un Pass-Foncier, pour harmoniser le Pass-Foncier individuel et le Pass-Foncier collectif.
Au sujet des logements relevant du dispositif du « Robien » ou de celui du « Borloo », je souhaiterais appeler l’attention du Sénat sur le fait que nous préconisons d’encadrer leur construction, par l’intermédiaire de documents d’orientation et d’urbanisme, pour limiter les risques d’implantation dans des bassins d’habitat où ils ne correspondent nullement à la demande locale…
M. Thierry Repentin. Excellent !
M. Dominique Braye, rapporteur. … et éviter ainsi les dérapages que nous avons connus, même si ces derniers sont manifestement mineurs au regard de tout ce que ces dispositifs ont apporté.
M. Jean-Pierre Caffet. Cela reste à voir !
M. Dominique Braye, rapporteur. Enfin, la commission des affaires économiques a souhaité compléter le projet de loi sur deux points.
Le premier point concerne l’amélioration des procédures de lutte contre les logements insalubres ou indécents. La commission propose notamment une modification des modalités d’évaluation, par les juges de l’expropriation, des fonds de commerce des hôtels meublés. Il sera ainsi beaucoup moins profitable d’exploiter la misère des plus démunis en étant marchand de sommeil.
Le second point a trait au foncier. Ce volet est réduit à sa plus simple expression dans le texte, or nombre d’acteurs nous ont fait part de leur étonnement de ce qu’un projet de loi sur le logement ne comprenne pas, ou presque, de mesures sur ce sujet, alors même que la mobilisation du foncier constitue le premier maillon de la chaîne de réalisation de logements.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Thierry Repentin. Il est très critique !
M. Dominique Braye, rapporteur. Le foncier utilisable pour la construction de logements reste, mes chers collègues, très insuffisant : certains observateurs avancent le chiffre de 70 000 hectares pour le logement, contre 215 000 hectares supplémentaires consacrés chaque année à l’activité économique.
M. Charles Revet. Il est très important de le souligner !
M. Dominique Braye, rapporteur. C’est pourquoi la commission des affaires économiques vous proposera, à partir des auditions menées sur le sujet, de compléter le volet relatif au foncier par un certain nombre de mesures tendant essentiellement à donner davantage d’outils aux maires ou à rendre plus opérationnels ceux qu’ils ont déjà à leur disposition.
Monsieur le président, mes chers collègues, vous le voyez, la commission des affaires économiques souscrit aux objectifs visés au travers du projet de loi et vous invitera à l’adopter, sous réserve de l’adoption des cent-dix-neuf amendements (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste) qu’elle vous présentera. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis.
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, après les différentes présentations complètes et très claires du projet de loi qui viennent d’être faites, il me revient d’insister plus particulièrement sur ses aspects sociaux.
Nous avons retenu trois thèmes, qui forment le cœur des dispositions proposées : la mobilité dans le parc locatif social, la promotion de l’accession sociale à la propriété et la mise en place d’un programme de rénovation des anciens quartiers dégradés. La commission des affaires sociales en a ajouté un quatrième, dont le texte ne traite pas directement mais sur lequel elle a beaucoup travaillé : celui de l’hébergement d’urgence. J’y reviendrai ultérieurement.
Avant d’entamer ma présentation du texte, je voudrais souligner, madame le ministre, que nous n’avons malheureusement pas encore obtenu, à cette heure, toutes les réponses à nos questions. Certes, le Gouvernement avait, ces jours-ci, d’autres sujets bien plus urgents à traiter, mais vous savez comme moi que la qualité du débat démocratique s’améliore quand le Gouvernement et le Parlement échangent leurs informations et discutent à partir des mêmes données.
L’introduction d’une certaine mobilité dans les HLM est le premier objectif social visé au travers du texte. Si plus de 1,2 million de personnes sont encore aujourd’hui en attente d’un logement social, c’est en partie parce que, à l’intérieur du parc locatif social, personne ne bouge : une fois que le logement a été attribué, les ménages ont tendance à y rester, quelle que soit l’évolution de la famille et de ses ressources.
M. Christian Cambon. Tout à fait !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Ces habitudes conduisent à des situations anormales, parfois injustes : un couple ou une personne seule peut continuer d’habiter dans un appartement de cinq pièces après le départ du dernier enfant, alors qu’aucun grand logement social n’est disponible et que d’autres familles de la commune attendent.
De même, des personnes peuvent avoir eu accès à un logement HLM à une époque où elles gagnaient modestement leur vie, et continuer d’y demeurer vingt ans plus tard alors que leurs revenus ont doublé ou triplé.
C’est à ce genre de situations que ce projet de loi mettra fin. Vous l’avez dit, madame le ministre, grâce à une aide du bailleur et seulement si on leur propose un autre domicile, les ménages qui habitent des logements sociaux sous-occupés devront désormais les quitter.
Il en ira de même pour les logements accessibles aux personnes handicapées : dès lors qu’un tel logement ne sera plus effectivement occupé par une personne handicapée, les locataires qui y demeurent devront déménager, là aussi sous réserve d’une aide du bailleur et de propositions de relogement.
Enfin, les locataires dont les ressources sont deux fois supérieures au plafond fixé seront également concernés par la suppression du droit au maintien dans les lieux.
Je n’ai pas caché mon sentiment : j’estime que ces mesures sont courageuses. Elles dessinent une politique sociale claire, qui a pour objet, tout simplement, d’attribuer les logements sociaux à ceux qui en ont le plus besoin. Dans un contexte où la demande se fait sans cesse plus pressante, où le poids des dépenses de logement dans le budget des ménages français s’alourdit chaque année, les logements sociaux doivent être avant tout destinés aux classes populaires.
Il est invraisemblable que nous ayons oublié ces évidences. Intimidés par le poids des habitudes, nous acceptions sans mot dire des situations injustes, parfois intolérables, et qui étaient presque devenues taboues. Je ne peux que vous remercier, madame le ministre, d’avoir la volonté de clore cette époque.
Je voudrais apporter une dernière précision sur ce sujet. Certains prétendent que le texte menace la mixité sociale. Cela est tout à fait inexact, et un seul chiffre suffit à le prouver : après l’entrée en vigueur du projet de loi, 60 % des ménages français resteront éligibles à un logement social standard. Qui peut donc prétendre que les classes moyennes seront refoulées des HLM ?
J’en viens rapidement à ce qui constitue à mon sens le deuxième point essentiel du projet de loi : la promotion de l’accession sociale à la propriété, qui fait l’objet de l’article 17.
Il n’est pas utile, je crois, de rappeler en détail les dispositions de la loi SRU, que nous connaissons tous. Je me permettrai cependant de souligner, mes chers collègues, que le champ de la définition du logement social au sens de la loi SRU a beaucoup évolué depuis 2000.
On y a inclus en 2005, lors de l’élaboration de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, les lits des foyers réservés aux personnes handicapées mentales. La même année, nous avons estimé que les logements loués ou vendus aux harkis pouvaient également être considérés comme des logements sociaux.
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Enfin, en 2006, les logements HLM vendus à leurs locataires ont aussi été intégrés dans le calcul du quota des 20 %, pour cinq ans à compter de leur vente.
Si nous avons voté en faveur de ces mesures, c’est évidemment parce que nous les avons jugées légitimes. J’estime que la disposition du présent texte tendant à qualifier de « sociaux » les logements acquis grâce à un dispositif d’accession sociale à la propriété l’est tout autant.
Je vous en laisse juges : les logements bénéficiant du régime de l’accession populaire à la propriété sont destinés aux mêmes personnes et font l’objet du même niveau d’aide de la collectivité que les logements HLM.
M. Christian Cambon. Eh oui !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Alors, pourquoi considérer que des personnes ayant le même niveau de revenus, exerçant souvent le même métier, sont « riches » quand elles sont propriétaires et « pauvres » quand elles sont locataires ?
M. Charles Revet. Il n’y a en effet pas de raison !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. C’est un préjugé que je trouve malheureux et, surtout, nuisible aux ménages les plus modestes.
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Ce sont eux qui ont le plus besoin d’épargner, ce sont eux qui ont le plus besoin de se constituer un capital pour faire face aux accidents de la vie et pour aider leurs enfants à vivre plus confortablement.
M. Gérard Le Cam. Augmentez les salaires !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales vous propose donc de ne pas remettre en cause cette disposition, qui lui a paru profondément juste socialement.
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. J’en viens maintenant au troisième point.
Le projet de loi crée un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, ou PNRQAD, qui répond à une attente maintes fois formulée par le Sénat. Concrètement, ces quartiers feront l’objet d’une réhabilitation du parc privé et d’une redynamisation économique par l’implantation de commerces.
Toutefois, je ne vous le cache pas, ce plan pose plusieurs problèmes.
Le premier a trait au maintien dans ces quartiers, après leur réhabilitation, de la population y résidant : comment s’assurer que cette réhabilitation n’aboutisse pas à l’éviction des plus pauvres, comme cela s’est déjà produit dans plusieurs villes ? Il me semble important de garantir le maintien dans les quartiers rénovés des populations résidantes et la commission des affaires sociales présentera un amendement en ce sens.
Le deuxième problème tient tout simplement au financement du plan. Les besoins ont été chiffrés à 9 milliards d’euros. L’État apportera 2,5 milliards d’euros, qui seront prélevés sur le 1 % logement. On attend des collectivités locales, souvent parmi les plus pauvres, qu’elles financent également ce plan à hauteur de 2,5 milliards d’euros. Il reste donc au moins 4 milliards d’euros à trouver, au moyen, nous a-t-on indiqué, de prêts de la Caisse des dépôts et consignations. Le contexte économique et financier nous incite à la prudence sur ce point. Pouvez-vous, madame le ministre, nous apporter quelques éclaircissements supplémentaires ?
M. Daniel Raoul. Ah !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Pour finir, je souhaite aborder un sujet qui n’est qu’effleuré par le projet de loi mais auquel la commission des affaires sociales accorde une importance particulière : la régulation de l’hébergement d’urgence. Notre ancien collègue Bernard Seillier, ainsi que le docteur Xavier Emmanuelli, fondateur du SAMU social, nous ont alertés sur un grave problème dans ce domaine.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Voici deux ans, le mouvement des tentes du canal Saint-Martin nous avait conduits à considérer que l’ensemble des places d’hébergement existantes devaient être utilisées afin que personne ne dorme dehors.
Cette considération avait, et conserve, sa légitimité, mais elle a abouti à transformer presque toutes les places d’hébergement d’urgence en places de stabilisation, qui ont, elles, vocation à accueillir les personnes pour une durée beaucoup plus longue. Il en résulte aujourd’hui qu’il ne reste plus de places d’hébergement d’urgence libres à partir de 22 heures à Paris, alors que l’hiver n’a pas commencé.
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Aucune place n’est donc disponible pour accueillir les personnes en détresse qui subissent des accidents de la vie. On pense, par exemple, aux femmes victimes de violences conjugales qui ne veulent pas rentrer chez elles.
M. Roland Courteau. C’est sûr ! Et pas seulement à Paris !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis. Cette situation est potentiellement dramatique et appelle une large réflexion de notre part sur la spécificité de l’hébergement d’urgence. Mais, en attendant, il faut au moins que les places existantes soient utilisées le mieux possible. Or tel n’est pas le cas. Tous les soirs, on refuse un hébergement d’urgence à des personnes, alors que des places restent libres, parce qu’aucune autorité n’est en mesure de les localiser. Cette situation n’est plus tenable : nous n’avons pas le droit d’attendre le grand froid et son lot de nouvelles tragiques pour agir !
La commission des affaires sociales vous proposera donc, mes chers collègues, un dispositif permettant de connaître enfin, en temps réel, le nombre et la localisation des places d’hébergement d’urgence disponibles et créant une autorité chargée de réguler leur attribution.
Voilà, mes chers collègues, les observations qu’appelle de ma part ce projet de loi courageux – je le répète –, que la commission des affaires sociales vous invite à adopter, sous réserve des amendements qu’elle vous soumettra. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des finances, en liaison avec la commission des affaires économiques saisie au fond et avec la commission des affaires sociales, s’est saisie pour avis des articles de ce texte ayant une portée fiscale ou budgétaire directe, ainsi que des articles relatifs à des dispositifs ayant récemment fait l’objet de contrôles budgétaires.
Des dispositions de quatre types sont donc concernées : tout d’abord, à l’article 3, la réforme du 1 % logement, tant dans sa gouvernance que dans l’emploi des sommes collectées ; ensuite, aux articles 7, 8 et 14, les dispositions relatives au programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, ou PNRQAD, ainsi qu’aux règles d’intervention de l’ANRU ; aux articles 15 et 16, les dispositions relatives aux dépenses fiscales ; enfin, aux articles 23 et 24, la mise en œuvre du droit opposable au logement ainsi que l’article relatif à l’hébergement.
Votre projet de loi, madame la ministre, arrive en discussion dans un contexte difficile pour le secteur du logement qui, depuis plusieurs mois, fait face à un ralentissement devenu soudainement brutal, bien plus brutal qu’imaginé à la fin de l’année dernière, lorsque s’en dessinaient les prémices.
Ce retournement de conjoncture, après plusieurs années de hausse ininterrompue de l’activité, a déjà des conséquences importantes : baisse du nombre des mises en chantier, difficultés financières des entreprises du secteur, diminution du nombre des ventes.
Mais, après tout, on pourrait considérer qu’à quelque chose malheur est bon, comme dit le proverbe, puisque nous enregistrons – enfin, oserais-je dire – une baisse des prix dans le neuf comme dans l’ancien, à l’exception, pour le moment, des zones les plus « tendues ».
En effet, force est de reconnaître que la très forte activité de ces dernières années, si elle avait permis de relancer fortement la construction de logements pour atteindre des sommets historiques l’an dernier, avait aussi eu pour corollaire un emballement des prix du foncier, des coûts de la construction et, au final, du prix des logements neufs ou anciens et des loyers. Cet emballement des prix a placé beaucoup de nos concitoyens dans l’impossibilité d’accéder à la propriété et – plus grave encore – nombre d’entre eux ne peuvent tout simplement plus trouver de logement dont la taille et le loyer soient compatibles avec la composition et les ressources de leur famille.
Une fois de plus, il sera donc vérifié, à la bourse comme dans l’immobilier, que les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel !
Cependant, si nous pouvons nous réjouir du coup d’arrêt porté à la hausse déraisonnable des prix, nous devons aussi souhaiter que cette inversion de tendance ne porte pas un coup trop dur à la construction de logements dont notre pays à éminemment besoin, tant dans le secteur privé que dans le secteur social.
Or, à l’heure actuelle, tous les indicateurs nous montrent que le ralentissement en cours est déjà sévère dans le secteur privé. Et, comme si cela ne suffisait pas, s’ajoutent désormais à ce contexte difficile les conséquences de la crise financière internationale, avec un resserrement du crédit et une augmentation des taux d’intérêt.
Madame la ministre, le présent projet de loi, élaboré avant les débuts de cette crise financière, est également fortement contraint par le contexte budgétaire français.
En effet, celui-ci a conduit le Gouvernement à présenter un projet de loi de finances pour 2009 et un projet de programmation des finances publiques pour la période 2009-2011, marqués par une limitation stricte de l’évolution des dépenses publiques en général, ce dont je me félicite, et, pour certaines missions, par des économies budgétaires.
Mais, dans le cadre de la mission « Ville et logement », c’est bien une débudgétisation de sommes importantes qui nous est proposée : je ne peux bien évidemment pas m’en féliciter et la commission des finances le regrette.
M. Thierry Repentin. Je vous rejoins !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Le projet de loi de finances pour 2009, dont nous discuterons dans quelques semaines, anticipe en effet sur un éventuel accord, toujours en cours de négociation avec les partenaires sociaux qui gèrent le 1 % logement, et sur l’adoption en l’état du projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui, madame la ministre.
Ainsi, le projet de loi de finances affiche une débudgétisation de la part de l’État, totale dans le financement de l’ANRU et quasiment totale dans le financement de l’ANAH.
L’article 3 de votre projet de loi, madame la ministre, et le projet de loi de finances pour 2009 remettent en cause l’acquis d’une des lois les plus emblématiques adoptées par le Parlement ces dernières années. Ils remettent également en cause les conventions signées avec les partenaires sociaux lors du lancement du programme national de rénovation urbaine, qui prévoyaient que, lorsque l’État investirait un euro pour financer l’ANRU, le 1 % logement en ferait autant. (Mme Dominique Voynet applaudit.)
M. Jean-Pierre Caffet et M. Daniel Raoul. Exact !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Revenant de manière unilatérale sur cet accord, l’État demande aujourd’hui au 1 % logement de compenser auprès de l’ANRU les sommes qu’il ne versera plus. Il lui demande également de prendre en charge le financement de l’ANAH et celui du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés.
M. Thierry Repentin. C’est tout à fait ça !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Je considère, madame la ministre, que cette décision n’est pas un bon signal adressé à tous ceux qui se sont engagés – j’allais dire corps et âme – dans ces projets souvent très lourds financièrement pour les collectivités locales et les bailleurs, qui les portent à bout de bras pour réintégrer dans la République des quartiers partis à la dérive depuis parfois des dizaines d’années.