M. le président. Je mets aux voix l'article 19.
(L'article 19 est adopté.)
Article 20
Le deuxième alinéa de l'article 46 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Le projet ou la proposition ne peut, en première lecture, être soumis à la délibération et au vote des assemblées qu'à l'expiration des délais fixés au troisième alinéa de l'article 42. Toutefois, si la procédure accélérée a été engagée dans les conditions prévues à l'article 45, le projet ou la proposition ne peut être soumis à la délibération de la première assemblée saisie avant l'expiration d'un délai de quinze jours après son dépôt. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 69 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 126 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'avant-dernier alinéa du même article est supprimé.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 69.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous demandons la suppression du droit de veto dont dispose le Sénat en matière de loi organique le concernant en vertu du quatrième alinéa de l’article 46 de la Constitution.
En prévoyant que « les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées », cette disposition donne à notre assemblée un droit de veto, alors même que sa légitimité démocratique est inférieure à celle de l’Assemblée nationale.
Ce droit de veto apparaît de plus en plus incompréhensible compte tenu du mode de désignation des sénateurs, qui entraîne un décalage flagrant entre la réalité des collectivités territoriales telle qu’elle ressort du suffrage universel et la composition politique de notre assemblée.
Dans ces conditions, il est inacceptable que le Sénat ait les mêmes pouvoirs que l’Assemblée nationale, et même des pouvoirs supérieurs, d’autant plus que le droit de veto du Sénat s’applique non seulement aux lois organiques le concernant, mais également en matière de révision constitutionnelle et lors des délibérations portant sur certains textes législatifs.
Sans compter que la large interprétation qui est faite des termes « lois organiques relatives au Sénat » conduit à considérer non seulement celles qui sont réservées exclusivement au Sénat, mais au-delà, également celles qui s’appliquent aux deux chambres.
Pour des considérations de légitimité démocratique, nous ne pouvons continuer dans cette voie.
Le dernier mot doit revenir aux députés, élus par le peuple au suffrage universel direct, et qui peuvent donc légitimement représenter le peuple.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 126.
M. Bernard Frimat. Cet amendement ayant été excellemment défendu, je m’en tiendrai là.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme en première lecture, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 69 et 126.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Naturellement, l’obligation de voter dans les mêmes termes les lois organiques relatives au Sénat correspond à la nécessité de respecter l’indépendance de chacune des assemblées.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. En aucun cas, le Sénat ne peut imposer ses vœux à l’Assemblée nationale en ce qui concerne les règles qui lui sont applicables ni d’ailleurs dans un autre domaine.
Il est normal que l’Assemblée nationale n’ait pas non plus le dernier mot quand sont en cause les dispositions qui intéressent le Sénat.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Ce sont les propos de M. le secrétaire d'État qui m’amènent à intervenir.
Permettez-moi de vous rappeler un exemple, monsieur le secrétaire d'État, illustrant un cas où le veto du Sénat a limité le pouvoir de l’Assemblée nationale en raison de la conception très large de la notion de lois organiques relatives au Sénat.
Il s’agit du cumul des mandats – mais je sais que ce n’est pas votre tasse de thé ! Alors que l’Assemblée nationale avait limité à deux le cumul des mandats nationaux, le Sénat l’a porté à trois, à la condition que le troisième mandat soit celui de conseiller municipal d’une ville de moins de 3 000 habitants. Dans la mesure où la disposition touchait le Sénat, l’Assemblée nationale a dû revenir en arrière et l’accepter.
On le voit, il y a des cas où le droit de veto du Sénat bloque une initiative de l’Assemblée nationale, sans que cela touche la constitution même du Sénat.
Nous sommes hostiles à un droit de veto. C’est pourquoi nous voterons en faveur de ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 69 et 126.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 20.
(L'article 20 est adopté.)
Article additionnel avant l'article 21
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :
Avant l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l'article 47 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au début de la discussion générale en première lecture devant chaque assemblée, le ministre chargé du budget et le chef de l'administration en charge de la préparation du projet de loi de finances prêtent serment du respect par le projet de loi de finances du principe de sincérité. »
La parole est à M. Alain Lambert.
M. Alain Lambert. Un des cancers expliquant la situation très dégradée de nos comptes publics depuis trente-cinq ans est le mensonge budgétaire : les projets de loi de finances sont présentés avec quelques artifices – et aucune majorité ne peut dire qu’elle n’en a pas connu –, telles les sous-budgétisations, les débudgétisations. Bref, ces pratiques traduisent des manques de sincérité évidents.
Pour progresser vers la sincérité budgétaire, qui est un principe de nature constitutionnelle, il me paraît nécessaire d’en revenir à une solennité ayant beaucoup de poids.
Dans cet esprit, je propose d’introduire la prestation de serment, à l’image de celles auxquelles donnent lieu les commissions d’enquête.
Ceux d’entre vous qui ont participé à de telles commissions savent comment les choses s’y déroulent. Toute personne auditionnée est tenue de prêter serment, après avoir entendu la lecture, par le président de la commission, de quelques articles du code pénal et l’énumération des peines encourues en cas de témoignage mensonger. Je vous livre quelques ordres de grandeur des peines prévues : cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Si nous instituions un serment de cette nature au moment de la présentation du projet de loi de finances, nous ferions largement réfléchir le ministre en charge du budget lors du travail de préparation budgétaire, ainsi qu’à ses côtés le chef de son administration, qui pourrait très utilement compléter et prolonger sur le plan technique le serment ainsi prononcé.
J’ai lu le compte rendu des débats de la première lecture, qui m’a quelque peu blessé, je ne vous le cache pas, car l’ironie était présente sur toutes les travées, me donnant l’impression que certains collègues n’avaient même jamais entendu parler de commissions d’enquête. Pour certains, je me référais à des époques anciennes. Or je combats le mensonge ! Il ne sert à rien de pleurer sur la situation de nos comptes publics, de nous accuser mutuellement, majorité et opposition, d’être responsables de la situation des comptes publics : nous sommes solidairement responsables de la situation des comptes publics vis-à-vis des générations à venir !
Comme il faut remédier à cette situation, prenons les moyens appropriés, par exemple en recourant à une telle prestation de serment.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est vrai que si l’on imposait une prestation de serment aux ministres du budget, il n’y aurait plus beaucoup de volontaires pour occuper cette fonction ! Franchement, une telle pratique ne se situe pas tellement dans notre tradition.
Il n’en est pas de même des commissions d’enquête auxquelles il est obligatoire de communiquer tous les éléments d’information demandés, sous peine de sanctions pénales particulières.
Dans l’amendement, c’est le principe de sincérité budgétaire qui est visé. Or je rappelle que le respect de ce principe est soumis à la fois au contrôle du Conseil constitutionnel et à l’examen du Parlement lors de la discussion du projet de loi de finances. Par conséquent, la prestation de serment dans ce cadre ne me paraît pas cohérente avec nos principes institutionnels.
D’ailleurs, monsieur Lambert, vous le savez bien, une telle disposition impliquerait la nécessité de faire respecter le serment. S’il ne l’était pas, qui vérifierait la sincérité ?
M. Alain Lambert. La loi de règlement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En effet, mais il conviendrait alors de prévoir des peines, puisque celles que vous avez citées pour les commissions d’enquête ne s’appliqueraient pas dans ce cas, sauf disposition particulière du code pénal. À l’heure actuelle, il n’existe aucune sanction pour non-respect du serment.
Au demeurant, je comprends bien votre préoccupation, d’autant que vous avez été ministre, qui plus est, chargé des comptes, vous aussi.
M. Alain Lambert. Il m’en reste des souvenirs !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais je n’ose imaginer que votre administration aurait pu vous mentir, c’est impossible !
M. Alain Lambert. N’en dites pas trop sur les comptes, monsieur le président, parce que je vais vous répondre !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Moi, je ne suis pas expert en matière de comptes !
M. Alain Lambert. Ça se voit !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Permettez-moi de vous rappeler aussi que la Cour des comptes est également chargée de vérifier et de certifier les comptes.
Mme Nicole Bricq. On va en reparler !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En effet, nous en avons déjà parlé, mais nous en reparlerons.
Pour toutes ces raisons, estimant que cet amendement n’est pas indispensable, la commission en demande le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur Lambert, le Gouvernement comprend les préoccupations fortes que vous exprimez par cet amendement.
Il est vrai que l’État doit respecter sa parole. C’est un élément essentiel dans le rapport de confiance qui doit s’instaurer entre les citoyens et l’État.
Vous avez plus raison encore concernant la sincérité du budget qui engage notre pays. C’est d’ailleurs une question que vous aviez abordée de manière très approfondie dans votre rapport sur la loi organique relative aux lois de finances en 2000.
Vous y indiquiez alors que l’application du principe de sincérité s’appréciait pleinement lors de la reddition des comptes plutôt que lors du dépôt du budget.
À la suite d’un premier débat au Sénat, le Gouvernement a pris en compte cette préoccupation et a ainsi proposé à l’Assemblée nationale une disposition relative à la sincérité des comptes des administrations publiques.
Cet amendement du Gouvernement réaffirme ce principe important, qui est le corollaire direct de l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, lequel dispose que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».
Concernant la sincérité budgétaire stricto sensu, votre idée de serment serait sans doute un moyen très solennel de donner tout son poids à ce principe. Cela marquerait évidemment les esprits.
Néanmoins, le Gouvernement est réservé pour une raison de fond importante. Il estime que la responsabilité du budget incombe au Gouvernement dans son ensemble, sous l’autorité du Premier ministre, comme d’ailleurs toute la politique de la nation – c’est l’article 20 de la Constitution.
Le Gouvernement s’interroge sur la possibilité de faire supporter cette responsabilité au seul ministre du budget, ou plus encore au directeur du budget, même si leur rôle est essentiel dans la procédure budgétaire.
Si nous allions dans cette direction, nous risquerions d’introduire une forme de responsabilité individuelle indirecte des ministres, ce qui serait probablement contraire à l’esprit de la Constitution de 1958.
Cette raison de fond, qui n’est pas l’une des moins importantes, me conduit à vous suggérer, monsieur le sénateur, le retrait de l’amendement, même si, je le réaffirme, nous partageons amplement votre souci tout à fait justifié concernant la sincérité du budget et des comptes.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettra malheureusement un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Lambert, l'amendement n° 69 est-il maintenu ?
M. Alain Lambert. Monsieur le président de la commission des lois, quelle que soit l’amitié bien ancienne qui nous unit, vos réponses m’incitent à maintenir mon amendement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’aurais pu dire simplement « avis défavorable » !
M. Alain Lambert. D’abord, vous commencez par me dire qu’avec une telle disposition il n’y aura pas beaucoup de ministres qui accepteront la responsabilité du budget.
M. Thierry Repentin. C’est vrai !
M. Alain Lambert. Tout est dit ! On part même du postulat que tous les budgets sont insincères ! (M. le rapporteur s’exclame.) C’est ce que j’ai compris.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce sont les comptes qui sont insincères ! Les budgets sont sincères au moment où ils sont déposés ! Ce n’est pas pareil ! Les budgets sont des prévisions !
M. Alain Lambert. Qu’il s’agisse du budget ou des comptes, tout cela me paraît se ressembler !
Ensuite, vous essayez de me donner un motif juridique, expliquant que la disposition serait contraire aux grands principes de la République.
Votre première affirmation comme les explications que vous m’avez données me conduisent à maintenir mon amendement pour que chacun prenne ses responsabilités au regard de l’essentiel, que nous avons jusqu’alors oublié, à savoir les conséquences que le mensonge budgétaire peut avoir sur la situation de nos comptes publics et sur ce que nous allons laisser aux générations de nos enfants.
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien écouté votre réponse qui est beaucoup plus équilibrée, et même finement ciselée.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Moi, je ne suis pas aussi doué que M. le secrétaire d'État ! C’est pourquoi je ne suis que rapporteur !
M. Alain Lambert. Monsieur le président de la commission des lois, vous êtes absolument irremplaçable dans la spécialité des lois, mais, en matière budgétaire, vous pouvez encore progresser,…
M. Robert Bret. Peut mieux faire !
M. Alain Lambert. …comme tout un chacun, car nous avons tous une marge de progrès dans la vie !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est ce que je vous ai dit ! D’ailleurs, je vais peut-être aller aux finances !
M. Alain Lambert. Cela étant, je ne veux pas vous froisser, mais je ne souhaite pas non plus être froissé. Donc, vous le voyez, chacun doit rester à sa place.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je n’ai été froissé à aucun moment !
M. Alain Lambert. Si vous voulez m’interrompre, je vous en prie, monsieur le président de la commission…
Je reviens à votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Vous craignez que je ne fasse commettre une erreur à la Haute Assemblée en focalisant la responsabilité sur un seul des ministres et vous me rappelez la responsabilité ministérielle, principe que j’avais intégré dans ma réflexion, même si cette dernière n’était pas aussi aboutie, naturellement, que la vôtre. Là encore, chacun sa place !
En tout état de cause, si mon amendement est imparfait, je ne vois aucun inconvénient à ce que vous le rectifiiez.
De deux choses l’une : soit le Gouvernement estime mon idée juste et suggère une rectification que je m’empresserai d’accepter ; soit il considère que ma démarche est inutile, ce dont je prends acte, mais cela signifie que la sincérité budgétaire est un principe qu’on pose mais que l’on n’a pas l’intention de respecter.
Dans ces conditions, je n’ai pas eu la réponse me permettant de retirer mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 21
I. - Non modifié.
II. - Après l'article 47-1 de la Constitution, il est inséré un article 47-2 ainsi rédigé :
« Art. 47-2. - La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l'information des citoyens.
« Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. »
M. le président. L'amendement n° 127, présenté par M. Frimat, Mme Bricq, MM. Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Massion, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. Après la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 47-2 de la Constitution, insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle exprime son opinion sur la sincérité des comptes de l'État et de la sécurité sociale.
II. Supprimer le second alinéa du même texte.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Nous allons continuer à parler de sincérité budgétaire.
Mes chers collègues, l’Assemblée nationale a supprimé la disposition introduite par le Sénat aux termes de laquelle la Cour des comptes « exprime son opinion sur la sincérité des comptes de l'État et de la sécurité sociale ». Elle a adopté un amendement du Gouvernement lui substituant le texte suivant : « Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ». Cet amendement, qui s’inspire directement des dispositions de l'article 27 de la LOLF, a été adopté – et cela doit être noté – sans qu'aucune explication ait été donnée en séance publique.
Notre amendement vise à rétablir le texte proposé pour l'article 47-2 dans sa rédaction adoptée par le Sénat en première lecture. Nous souhaitons donner au régime de certification des comptes prévu par la loi organique du 1er août 2001 un fondement constitutionnel en y introduisant la notion essentielle de sincérité des comptes.
Cette démarche conditionne la valeur de l'autorisation budgétaire ainsi que la bonne information du citoyen, et elle conforte les acquis des lois organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale en liant, conformément à l'interprétation du Conseil constitutionnel, la notion de sincérité des comptes et leur nécessaire certification.
L’introduction de la notion de sincérité est essentielle, d’une part, parce que le vote de la loi de règlement est amené à prendre de plus en plus d’importance, d’autre part, parce que le Conseil constitutionnel a considéré, dans la décision qu’il a rendue sur la LOLF, que « la sincérité de la loi de règlement s’entend en outre comme imposant l’exactitude des comptes ».
En votant cet amendement en première lecture, nous savions parfaitement ce que nous faisions. Il est absolument inadmissible de voter des dispositions sans que le Parlement en ait débattu. Même si nous avons bien compris que vous voulez un vote conforme, il n’en demeure pas moins qu’une disposition de cette importance mérite un débat.
À l’Assemblée nationale, la majorité s’est rangée à l’avis du Gouvernement en votant son amendement. Nous considérons que ce n’est pas ainsi que le Parlement sera mieux à même de contrôler l’action du Gouvernement ou d’évaluer les politiques publiques. On ne peut prétendre vouloir revaloriser les droits du Parlement et, s’agissant d’un point aussi important, lui demander de voter les yeux fermés une disposition dont il n’a pu préalablement mesurer les enjeux.
Mes chers collègues, en première lecture, vous avez voté la disposition que nous vous proposons à travers cet amendement. Si vous êtes sincères et honnêtes intellectuellement, vous aurez à cœur de la voter en deuxième lecture afin de ne pas vous déjuger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ainsi que je l’ai rappelé au cours de la discussion générale, le Sénat, lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle en première lecture, avait effectivement modifié son article 21 en disposant que la Cour des comptes « exprime son opinion sur la sincérité des comptes de l’État et de la sécurité sociale – et, par conséquent, les certifie ». Bien entendu, M. le Premier ministre et Mme le garde des sceaux ont tous deux confirmé qu’il ne s’agissait absolument pas de remettre en cause la mission de certification des comptes de la Cour des comptes.
Les députés, s’ils sont revenus sur ces dispositions, se sont cependant efforcés de répondre aux préoccupations exprimées par le Sénat en prévoyant que « les comptes des administrations publiques sont équilibrés et sincères » et qu’ils « donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».
Cette disposition, inspirée de l’article 27 de la loi organique relative aux lois de finances, a pour objet d’affirmer dans la Constitution un principe de fond applicable à toutes les administrations publiques et cohérent avec l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».
Compte tenu de ces éléments et des efforts faits par l’Assemblée nationale pour prendre en considération les préoccupations du Sénat, la commission considère qu’il n’y a pas lieu de revenir sur cet article et, par conséquent, émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Comme vous l’avez rappelé, le Sénat avait adopté, en première lecture, l’amendement que vous lui soumettez de nouveau.
Je le répète, le Gouvernement est favorable à ce que figure dans la Constitution le principe de la sincérité des comptes, dont le Conseil constitutionnel a d’ailleurs déjà fait mention dans sa jurisprudence.
À l’Assemblée nationale, c’est à l’article 21 du projet de loi qu’a été introduite une disposition qui, me semble-t-il, devrait vous donner satisfaction. Le principe est clairement affirmé que les comptes des administrations publiques, et donc pas seulement ceux de l’État, doivent être sincères et réguliers. Cette règle de fond ainsi inscrite dans notre Constitution va au-delà de la règle de compétence que vous proposez d’introduire au profit de la Cour des comptes.
Cette disposition, d’ailleurs, ne porte évidemment pas atteinte aux prérogatives actuelles de la Cour des comptes. La rédaction que vous proposez, en vertu de laquelle la Cour « exprime son opinion », manque un peu de précision. La Cour constate et certifie ; elle n’exprime pas, me semble-t-il, une opinion sur de tels sujets.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je déduis du refus du Gouvernement, qui a introduit cette modification, de se prononcer favorablement sur notre amendement qu’il se défie de l’opinion de la Cour des comptes. C’est cela qui le gêne.