Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas le cas aujourd’hui ?
M. Robert Bret. Il suffit de lire Le Monde !
M. Josselin de Rohan. Quoi qu’il en soit, personne ne peut dire que cette mesure ne représente pas une nouveauté dans la pratique de la Ve République. J’espère qu’elle sera probante et que nous ne serons pas un jour obligés de revenir en arrière parce que trop de dysfonctionnements auront été constatés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je suis d’accord sur un point avec M. de Rohan : il s’agit en effet d’une novation importante. Cependant, la proposition que Patrice Gélard et moi-même avions faite était plus encadrée. Je ne suis donc pas sûr que tout le monde mesure bien les conséquences et le travail qu’il reste à faire.
Par exemple, que devient le droit d’amendement des non-commissaires ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On se pose la question !
M. Jean-Claude Peyronnet. Un membre de la commission des finances ou de la commission des affaires économiques pourra-t-il amender un projet de loi dont la commission des lois aura été saisie au fond ?
M. Philippe Marini. Évidemment !
M. Jean-Claude Peyronnet. Certes, cela semble logique, mais qui portera cet amendement ?
M. Philippe Marini. Vous le savez !
M. Jean-Claude Peyronnet. La commission s’adjoindra-t-elle des membres d’autres commissions ? Ou bien l’initiateur de l’amendement le déposera-t-il avec des membres de son groupe ?
Par ailleurs, quelle sera la publicité des travaux ? En effet, il n’est pas concevable que la commission travaille en catimini. Le système ne peut fonctionner que si les débats en commission font l’objet, comme les débats en séance publique, d’un compte rendu publié au Journal officiel. Sinon, l’opposition risque de perdre la réalité de ses droits.
Autres questions importantes : le Gouvernement pourra-t-il être entendu par les commissions ? Viendra-t-il défendre son texte devant elles ? Qui interviendra ?
Si le projet de loi constitutionnelle est adopté – ce que je ne souhaite pas, globalement –, c’est cette mesure qui sera la plus importante, mais à condition que tout le monde joue le jeu. Autrement dit, le fait majoritaire ne doit pas neutraliser le débat. Cette innovation pourrait nous faire gagner beaucoup de temps en séance publique, en nous épargnant d’avoir à reprendre des discussions qui ont déjà eu lieu en commission. La suppression de cette redondance, chacun en conviendra, permettra au Parlement de mieux exercer sa mission de contrôle.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme M. le secrétaire d’État l’a fort bien noté, nous avons des points de vue différents avec le groupe socialiste sur ce sujet. Les questions que vient de soulever Jean-Claude Peyronnet illustrent d’ailleurs parfaitement les raisons de notre totale hostilité à cet article.
En séance publique, un parlementaire en vaut un autre. Chacun, quelle que soit la commission à laquelle il appartient, dispose, fort heureusement, du droit d’amender et peut s’exprimer. Traiter une grande partie des textes en commission rendra assez complexe le maniement de ce droit.
En outre, une telle procédure favorisera les groupes les plus importants et le bipartisme. Les défauts qui sont déjà constatés aujourd'hui vont donc se trouver accentués, et j’ai l’impression que certains, à l’UMP, ne s’en rendent pas compte.
Compte tenu de la nécessaire adéquation entre le Président de la République et la majorité présidentielle, comment imaginer qu’un texte issu de la commission puisse être contraire au projet initial du Gouvernement ? C’est quasiment impossible ! Le cas de figure peut toujours se présenter, mais il créerait une crise dont il faudrait bien tirer les conséquences.
Discuter le texte issu des travaux de la commission revient donc à favoriser les groupes parlementaires les plus importants, à favoriser la majorité présidentielle et à dévaloriser le débat en séance publique, qui est pourtant le moment privilégié de la discussion parlementaire.
Pour toutes ces raisons, nous maintenons notre opposition résolue à cet article.
M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, pour explication de vote.
M. Alain Lambert. Je souhaite retirer mon amendement n° 23, car l’interprétation qui en est faite va totalement à rebours de mes convictions.
Lors des débats précédents, on a un peu trop affirmé, sur le banc du Gouvernement comme sur celui de la commission, que, en voulant accorder l’exclusivité des dispositions fiscales et sociales respectivement aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, nous cherchions à conférer à ces textes une suprématie. Et l’on nous a opposé de grands discours sur la hiérarchie des normes, que nous avons bien sûr écoutés avec révérence.
Mais voilà que, tout à coup, à l’occasion de l’examen de l’article 16 du présent projet, nous entendons dire que les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale constituent, selon M. le secrétaire d’État, des choix « déterminants » du Gouvernement, le président de Rohan allant jusqu’à parler d’éléments « essentiels » de l’action gouvernementale, dont ces textes constitueraient le « fondement ».
On ne peut pas dire tout un jour et son contraire le lendemain.
M. le président. L’amendement °23 est retiré.
La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. J’aimerais ajouter quelques mots aux propos d’Alain Lambert.
Certes, les projets de loi de finances et leur duplication, les projets de loi de financement de la sécurité sociale, sont des textes fondamentaux. Dans la logique de la Ve République, ils occupent une place toute particulière au sein de notre ordre juridique. Il est donc dommage que les conséquences n’en aient pas été tirées pour leur réserver l’exclusivité de toutes dispositions venant « impacter » le solde public.
La position que le Sénat avait adoptée en première lecture me semblait plus cohérente au regard de l’équilibre des institutions de la Ve République, laquelle s’est bâtie sur une vision de l’intérêt général. Or l’intérêt général s’exprime mieux dans un document global, axé sur la recherche d’une cohésion d’ensemble, telle une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale, que dans une loi sectorielle qui s’efforce de résoudre des problèmes particuliers.
Cela étant, nous sommes en seconde lecture et tous ces débats ont déjà eu lieu. Il va donc de soi qu’il convient de repousser les amendements de suppression, d’autant que celui de Mme Borvo Cohen-Seat, en particulier, me semble reposer sur une véritable confusion.
M. Robert Bret. Elle est dans votre esprit !
M. Philippe Marini. Il ne s’agit pas ici de légiférer en commission, mais de légiférer sur le texte adopté par la commission, ce qui est tout à fait différent.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’avais très bien compris !
M. Philippe Marini. En séance publique, le Gouvernement et tous les parlementaires – quelle que soit la commission permanente à laquelle ils appartiennent – pourront amender le texte.
À la différence de ce qui eût existé si l’on avait choisi le mode de législation en commission, il s’agit simplement ici d’une disposition d’ordre et de procédure qui valorise le travail de la commission parlementaire, ni plus ni moins. Le droit d’amendement des parlementaires n’est aucunement limité, contrairement à ce que M. Peyronnet et Mme Borvo Cohen-Seat ont pu dire tout à l’heure. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Indépendamment des dispositions portant sur la circonscription que j’ai l’honneur de représenter, l’article 16 et celui consacré à l’exception d’inconstitutionnalité sont, à mes yeux, les deux plus importants du projet de loi constitutionnelle. À eux seuls, ils justifient l’adoption de ce texte : ils représentent une avancée considérable tant pour le Parlement que pour les citoyens.
Je rejoins M. Peyronnet lorsqu’il dit que l’article 16 du présent projet de loi va tout changer, si tant est qu’on le veuille bien. Cette mesure offrira en effet un véritable pouvoir et une responsabilité supplémentaire au Parlement. C’est la raison pour laquelle je ne peux partager le point de vue du groupe CRC exprimé par sa présidente, Mme Borvo Cohen-Seat, car c’est justement là que le travail parlementaire prendra toute sa force.
Le Gouvernement ne se rend d’ailleurs peut-être pas compte du travail qui l’attend demain pour convaincre les parlementaires du bien-fondé de ses projets de loi.
Quoi qu’il en soit, nous devons absolument voter le texte en l’état et donc repousser ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 16.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
L'article 43 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 43. - Les projets et propositions de loi sont envoyés pour examen à l'une des commissions permanentes dont le nombre est limité à huit dans chaque assemblée.
« À la demande du Gouvernement ou de l'assemblée qui en est saisie, les projets ou propositions de loi sont envoyés pour examen à une commission spécialement désignée à cet effet. »
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 43 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« Les commissions permanentes ou spéciales n'ont pas la personnalité juridique. À ce titre, elles n'ont pas vocation à contracter, fût-ce par la voie de leur président. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je saisis l’occasion offerte par ce débat pour opérer une petite mise au point.
Lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’économie, le 4 juillet dernier, le ministre de l'économie a fait savoir au Sénat que le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale et l'auteur d'un rapport avaient conclu une convention avec des représentants du secteur bancaire.
Cette pratique, outre le fait qu'elle méconnaît complètement le bicamérisme puisque le Sénat n'avait pas été informé de cette démarche, constitue un précédent dont la valeur juridique est discutable.
La réforme de la Constitution semble le cadre idéal pour préciser que les commissions permanentes ou spéciales n’ont pas la personnalité juridique et n’ont donc pas vocation à contracter, fût-ce par la voie de leur président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Une telle disposition n’a pas sa place dans la Constitution.
Par ailleurs, il ne semble pas usuel que les commissions passent stricto sensu des conventions de quelque nature que ce soit.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Contrairement au ministre de l’économie, je ne connais pas les détails juridiques de la convention conclue par la commission des finances de l’Assemblée nationale.
Quoi qu’il en soit, une commission, en elle-même, n’a pas la personnalité juridique, même si elle peut éventuellement passer une convention par le biais de son assemblée.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Par les questeurs !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. En tout état de cause, l’amendement proposé ne vise pas à accorder la personnalité juridique à une commission. Quand bien même ce serait le cas, une telle disposition n’aurait pas sa place dans la Constitution, comme vient de le souligner M. Gélard.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je souhaitais juste obtenir cette précision, monsieur le président, et je retire donc mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 27 est retiré.
Je mets aux voix l'article 17.
(L'article 17 est adopté.)
Article 18
Le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce droit s'exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. »
M. le président. Je suis saisi, par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n°148, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale, l'article 18 du projet de loi constitutionnelle relatif à la modernisation des institutions de la Ve République (n° 459, 2007-2008).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour cinq minutes, et un orateur d’opinion contraire pour cinq minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 18 du projet de loi constitutionnelle est extrêmement lourd de conséquences, car il ouvre la porte à un encadrement très strict du droit d’amendement et le remet en cause. Je n’ai pas cessé de le dire en première lecture et mon opinion n’a pas changé sur ce point.
Durant les dernières semaines, les auteurs du projet de loi, ceux qui le soutiennent ainsi que le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement ont vanté sur toutes les ondes, dans tous les organes de presse, les bienfaits de cette réforme et son caractère historique, voire « révolutionnaire », selon M. Karoutchi !
Évidemment, dans toutes ces déclarations, il n’a jamais été question de l’encadrement du droit d’amendement. Pourtant, ce qui est ici en jeu, c’est bien la réduction de ce droit démocratique essentiel.
Nous nous sommes évertués, ainsi que nos collègues de l’opposition, à dénoncer cet état de fait, mais, évidemment, en raison de la nécessité de voter ce texte et bien qu’il n’accroisse qu’optiquement les droits du Parlement, la propagande a marché à fond !
Le Président de la République, dans l’entretien accordé au Monde daté du 17 juillet, reconnaît explicitement les limites du texte puisqu’il estime nécessaire de s’autoproclamer garant du droit d’amendement de l’opposition.
Pour notre part, nous préférerions évidemment que les garanties figurent dans la Constitution et ne dépendent pas du bon-vouloir du Président de la République.
Le débat ne peut se poursuivre sérieusement sur un point aussi essentiel pour la démocratie parlementaire sans un éclaircissement sur les intentions présidentielles et, surtout, sans un échange en commission des lois. Nous devons adopter un texte qui apporte les garanties nécessaires, c'est-à-dire un texte conforme aux engagements que prend le Président de la République, mais uniquement par voie de presse !
C’est au Parlement de défendre ses prérogatives. Voilà pourquoi il est tout à fait nécessaire de renvoyer cet article en commission pour l’examiner de manière plus approfondie.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Naturellement, la commission n’a pas eu à se prononcer sur cette motion puisqu’elle vient d’être déposée.
À titre personnel, et compte tenu de ce qui a été adopté en commission des lois, je suis défavorable à cette demande de renvoi en commission.
Certes, nous abordons ici les conditions d’exercice du droit d’amendement. Je rappelle que le cadre en sera fixé par une loi organique, qui sera par définition relative au Sénat. Les deux assemblées devront donc trouver un accord. Nous en débattrons de nouveau tous ensemble à cette occasion.
Pour cette raison, le renvoi en commission de cet article est inutile.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l’analyse de M. le vice-président de la commission des lois.
M. le président. En conséquence, nous poursuivons la discussion de l’article 18.
Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 62 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 121 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 62.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article du projet de loi ne devait pas constituer pour le Gouvernement et pour les membres de l’UMP un élément important de débat. En effet, leur leitmotiv au sujet de ce texte est qu’il renforce le rôle du Parlement et qu’il encadre les pouvoirs du Président de la République. Il leur fallait donc minimiser, voire un peu dissimuler cet article 18, qui tend pourtant à limiter le droit d’amendement.
Nombreux sont ceux qui croyaient une telle duplicité impossible : affirmer la revalorisation du Parlement alors que la séance publique et le droit d’amendement sont mis à mal est en effet un exercice quelque peu ardu !
L’amendement est un outil essentiel du parlementaire pour faire valoir son opinion, engager le débat et soumettre ses idées au vote. C’est d’ailleurs le seul moyen dont dispose réellement l’opposition pour proposer d’autres solutions que celles qui sont avancées par le Gouvernement et la majorité. Réduire le droit d’amendement revient donc à tuer le débat démocratique.
Nous l’avons souligné en première lecture, l’articulation de la promotion du travail en commission, l’inscription de l’encadrement du droit d’amendement par les règles des assemblées après le vote d’une loi organique et la réduction du nombre de séances consacrées au débat législatif préparent une réorganisation profonde de la procédure législative, au détriment du débat pluraliste, démocratique et transparent.
Il faut le rappeler inlassablement, le comité Balladur a clairement préconisé la mise en place d’un « 49-3 » parlementaire aux mains de la majorité de chaque assemblée.
Monsieur le président, je considère que, par cette intervention, j’ai également défendu les amendements nos 63, 64, 65 et 66 déposés par mon groupe sur cet article.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l'amendement n° 121.
Mme Christiane Demontès. Initialement, l'article 18 du projet de loi constitutionnelle complétait l'article 44 de la Constitution afin de préciser que le droit d'amendement s'exerce en séance ou en commission selon les conditions et les limites fixées par le règlement des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique.
En première lecture, le Sénat a supprimé la mention des limites, incluse dans celle des conditions. Il a également supprimé la référence à la loi organique. Le rapporteur de la commission des lois a notamment constaté : « La référence faite ici à la loi organique limite la compétence de principe que la Constitution reconnaît aux règlements des assemblées et contredit l'autonomie des assemblées pour fixer les modalités d'exercice du droit d'amendement. »
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a introduit de nouveau la possibilité d'adopter une loi organique relative au droit d'amendement.
Cette réforme, présentée dans le but de mieux organiser les débats en séance publique, va faciliter le recours aux procédures simplifiées d'adoption des projets et propositions de loi et ainsi conférer à terme un véritable pouvoir législatif aux commissions, sans aucune ratification en séance plénière.
Cette crainte est justifiée par le fait que le droit d'amendement s'exercera dorénavant en séance publique ou en commission et par la réintroduction de la référence à la loi organique, dont l’objet est de définir non seulement le régime des amendements parlementaires, mais aussi le régime des amendements gouvernementaux, afin de fixer un cadre commun de discussion.
Comme vient de le dire Mme Mathon-Poinat, le droit d'amendement est un droit intrinsèque à la fonction de parlementaire. Or il risque de devenir un droit accessoire, cantonné dans la future programmation de la durée du débat public et encadré par les règles relatives à l'irrecevabilité financière ainsi que l'irrecevabilité matérielle nouvelle relative au respect du domaine de la loi, prononcée à la demande du président de l'assemblée.
Les déclarations contradictoires émanant du président de l'Assemblée nationale, des rapporteurs et du Gouvernement nous laissent dans le flou, sans aucune prévisibilité puisque l'article 18 se contente de renvoyer pour son application aux futures dispositions des règlements des assemblées et à celles d'une loi organique.
Ce sujet transcende les clivages partisans. Il concerne aussi bien les parlementaires qui appartiennent à la majorité que ceux qui appartiennent à l'opposition. Ensemble, nous devons nous montrer vigilants et ne toucher au droit d'amendement que si l'on bénéficie de nombreuses garanties.
Ces dernières n'étant pas réunies au stade de la deuxième lecture, nous réitérons avec encore plus d'insistance notre demande de suppression de l'article 18 du projet de loi constitutionnelle.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Dans le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, après le mot : « ont », sont insérés les mots : « à tout moment du débat ».
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 64, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le Gouvernement ne peut introduire, par amendement à un projet de loi ou une proposition de loi, de dispositions nouvelles autres que celles qui sont en relation directe avec une des dispositions du texte en discussion ou dont l'adoption est soit justifiée par des exigences de caractère constitutionnel soit nécessitée par la coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. »
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 65, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le troisième alinéa de l'article 44 de la Constitution est supprimé.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 8, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le second alinéa de cet article :
« Ce droit s'exerce en séance et en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L’Assemblée nationale a rétabli l’intervention d’une loi organique pour fixer le « cadre » dans lequel sera exercé le droit d’amendement.
Après les limites et les conditions, voici donc le cadre !
En réalité, il s’agit de synonymes, l’idée de fond étant toujours la même : le Gouvernement entend encadrer le droit d’amendement par une loi organique.
À ce sujet, je rejoins parfaitement les conclusions formulées par M. Hyest lors de la première lecture. Je me permettrai donc, afin de défendre cet amendement, de citer in extenso les propos tenus alors par notre rapporteur : « Votre commission s’est interrogée sur le renvoi à la organique pour déterminer le “cadre” dans lequel s’inscriraient les règlements des assemblées. Dans deux autres articles de la Constitution, les articles 12 et 24, la compétence donnée aux assemblées pour définir les règles qui les concernent n’est pas encadrée. La référence faite ici à la loi organique limite la compétence de principe que la Constitution reconnaît aux règlements des assemblées et contredit l’autonomie des assemblées pour fixer les modalités d’exercice du droit d’amendement. Aussi, nous proposons de supprimer cette référence ».
Je vous propose donc, aujourd'hui, de prendre acte des propos lumineux de notre rapporteur, prononcés ici même voilà quelques semaines, pour supprimer la référence à la loi organique.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Richert.)