M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est effectivement insupportable !
M. Alain Vasselle, rapporteur. J’ajouterai à la liste des éléments auxquels nous devrions être plus attentifs la multiplication des agences, des structures, voire des autorités ad hoc.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Toutes ces nouvelles agences ! Il faut arrêter de créer des structures inutiles !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il ne se passe pas un jour, mes chers collègues, sans que les textes de loi que nous examinons prévoient la création d’une structure ou d’une autorité. Pas plus tard que demain, à travers le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, il nous sera demandé d’instituer encore une « haute autorité », pour laquelle il faudra encore rémunérer des agents, et qui coûtera donc encore quelque argent. Au-delà des normes, posons-nous également la question de la pertinence de la multiplication des structures de ce type !
Pour ce qui concerne la branche vieillesse, le Gouvernement a rendu public le 28 avril dernier un document d’orientation issu de ses premières concertations. Ces orientations sont bonnes sur le plan général, mais il faudra que leur déclinaison permette de réduire véritablement le déficit de la branche.
Tout d’abord, nous devons obtenir des résultats en matière de promotion de l’emploi des seniors : sur ce point, mes chers collègues, la France est la lanterne rouge de l’Europe ! Je considère pour ma part que, si cela s’avère nécessaire, il ne faudra pas hésiter à en passer par la pénalisation des entreprises !
Ensuite, nous devons agir sur le dispositif des carrières longues. Nous avons en effet constaté que les critères retenus pour permettre à un certain nombre de personnes de faire valoir leurs droits avaient conduit à divers abus et effets d’aubaine. Des mesures ont déjà été prises par le Gouvernement pour les contenir. Il nous faudra rester vigilants pour éviter que ne se perpétue le dérapage constaté depuis la mise en place de la réforme de 2003.
En ce qui concerne la pénibilité, enfin – ce sujet a été intégré au cadre des discussions –, il faudra en mesurer la dimension de coût et de soutenabilité financière ; celle-ci a fait défaut au moment de l’examen de la réforme de 2003 et de l’adoption de la mesure sur les carrières longues.
Est également dans l’air une idée à laquelle, je crois, seul Nicolas About a fait une très rapide allusion : la possibilité d’aller « piocher » dans les excédents de la branche famille.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est dangereux !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce serait un choix politique ; je ne le conteste pas, et il mérite effectivement réflexion. Cela étant, attention ! Ne créons pas l’illusion que les excédents de la branche famille deviendront tels qu’ils permettraient de tout financer ! On envisage déjà de les utiliser pour financer une partie de la réforme des retraites ; on les a évoqués dans le cadre du financement de la perte d’autonomie ; on voudrait maintenant les appeler à la rescousse de la branche maladie…
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela fait partie des besoins familiaux !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait ! Je mets simplement en garde contre le fait que cela nécessitera une étude d’impact !
D’une manière générale, comme la mission « dépendance » le soulignait dans son rapport d’étape, l’ensemble des besoins et des coûts liés au vieillissement de la population devra faire l’objet d’une approche globale, prospective et, surtout, plus approfondie. Les besoins de financement devront être chiffrés le plus correctement possible, de façon à éviter une nouvelle impasse.
Soit dit en passant, monsieur le ministre, mes chers collègues, je trouverais dommage que nous ne saisissions pas l’occasion que nous fournit l’examen de la réforme constitutionnelle pour introduire dans la loi fondamentale l’obligation pour le Gouvernement d’adjoindre à chaque projet de loi des études d’impact.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est particulièrement nécessaire lorsqu’une mesure est proposée dans la loi de finances ou dans la loi de financement de la sécurité sociale. Philippe Marini le rappelait tout à l’heure en évoquant l’amendement portant sur les exonérations que la commission des finances et la commission des affaires sociales avaient défendu en commun : pas un texte de loi qui ne contienne des mesures d’exonération…
M. Philippe Marini, rapporteur général. Aberrant !
M. Alain Vasselle, rapporteur. … sans que nous ayons l’assurance que la compensation soit au rendez-vous.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Évidemment !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous rejoignons là le problème plus général des niches.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous ne pourrons pas non plus échapper à la nécessité de poser la question de l’âge du départ à la retraite et du nombre d’années d’activité.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tous nos voisins européens ont fait cet effort. Il est à mon avis illusoire de penser régler le problème de l’équilibre de la branche vieillesse sans toucher à l’âge du départ à la retraite. Il y faudra du courage politique, il y faudra beaucoup de pédagogie et de sensibilisation auprès de nos concitoyens, mais cela me paraît être un élément essentiel à prendre en considération.
J’en viens enfin à quelques observations sur le financement de notre protection sociale, sur la préservation des recettes actuelles et sur l’apport de ressources nouvelles.
La préservation des recettes nécessite de limiter le développement des dispositifs d’exonération de charges sociales, qui, comme Philippe Marini le rappelait, atteignent aujourd’hui un niveau record de plus de 30 milliards d’euros. Ces dispositifs sont, pour leur grande majorité, compensés par l’État, et le Gouvernement a particulièrement été attentif à ce qu’il en soit ainsi. Je remercie et félicite Éric Woerth de veiller à ce que la compensation se fasse à l’euro près.
Les exonérations restent néanmoins une source de fragilité réelle pour les finances de la sécurité sociale : aujourd’hui – et M. le ministre le sait bien –, 2,4 milliards d’euros ne sont toujours pas compensés. Une partie de cette somme est liée aux mesures antérieures à la loi de 1974. Par ailleurs, on considère que l’intéressement et la participation ne sont pas l’équivalent d’un revenu ou d’un salaire, et que l’on peut se dispenser de les compenser.
Nous devrons nous interroger sur la pertinence du maintien de ces dispositions. Ces questions ont amené la Cour des comptes – M. le président de la commission des affaires sociales l’a indiqué à la fin de son propos – à se poser la question de la certification des comptes de l’ACOSS.
Cette préservation des recettes passe aussi par une réflexion sur les diverses exemptions d’assiette ou « niches sociales », qui représentent 40 milliards d’euros. Si l’on ajoute les pertes liées aux 40 milliards d’euros d’exemption d’assiette et les 30 milliards d’euros d’exonérations, on n’est pas loin des 75 milliards d’euros de niches fiscales dont vous avez parlé.
Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, vous avez évoqué la nécessité de s’orienter vers un plafonnement des niches fiscales.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mes chers collègues, nous devons veiller à ce que le budget ne se serve pas de la loi de financement de la sécurité sociale et des niches sociales pour apporter une compensation aux bénéficiaires des niches fiscales, qui seront plafonnées. En effet, nous avons trop souvent constaté que la loi de financement de la sécurité sociale servait de variable d’ajustement pour les comptes du budget de l’État. J’espère donc que les niches sociales ne serviront pas à régler le problème des niches fiscales !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il vaudrait mieux supprimer les niches que les plafonner !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je partage votre point de vue, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général : lorsque nous traitons des comptes publics, il faut bien les étudier dans leur globalité, en ce qui concerne tant les dépenses sociales que les dépenses fiscales.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout à fait d’accord !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Notre collègue député Yves Bur vient de publier un rapport complet sur cette question. Il en ressort que toute une série de dispositions pourraient être adoptées pour limiter la prolifération de ces exonérations.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je vous rappelle que, de notre côté, nous avons proposé un système de validation des mesures d’exonération en loi de financement de la sécurité sociale ; M. le rapporteur général l’a évoqué, et je n’y reviendrai pas.
La commission des lois considère que cette disposition relève non pas de la Constitution mais de la loi organique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des lois de l’Assemblée nationale !
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. About et moi-même avons déposé une proposition de loi organique que le Sénat a approuvée. Monsieur le ministre, puisque vous partagez également notre point de vue, j’attends que cette proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour que celle-ci l’approuve.
Parmi les nouvelles contributions qui pourraient être envisagées figure l’instauration d’une contribution forfaitaire de faible montant sur l’ensemble des niches sociales, ou flat-tax, proposition que nous avions avancée lors de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
De même, nous avons également proposé une nouvelle taxe sur les boissons sucrées et les produits de grignotage, dans un souci autant sanitaire que financier. Monsieur le ministre, il s’agit d’une question sur laquelle vous vous étiez engagé à produire une étude. J’aimerais savoir si vous l’avez menée à bien et quelles en sont les conclusions.
Dans le même ordre d’idée, des marges existent-elles encore sur la taxation de certains produits alcoolisés ?
S’agissant d’autres modes de financement, la réflexion sur une modification de la répartition des charges entre le régime obligatoire et les assurances complémentaires devra être poursuivie. C’est un chantier que M. le Président de la République avait annoncé, mais qui n’a pas encore été mis en œuvre.
Mes chers collègues, compte tenu du temps de parole qui m’était imparti, je ne peux vous parler de la dépendance ; mais nous aurons ultérieurement l’occasion d’évoquer le cinquième risque.
En conclusion, je souhaite que les prochaines lois financières permettent de traiter en profondeur dans la transparence et dans le souci des générations futures l’ensemble des textes que nous aurons à examiner. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur deux sujets qui relèvent des secteurs de compétences de la commission des affaires culturelles : le financement du patrimoine et la mise en œuvre de la TNT.
Tout d’abord, le problème du financement de notre patrimoine historique et architectural est revenu au premier rang des préoccupations de la commission des affaires culturelles et surtout de son groupe d’études sur le patrimoine, grâce aux auditions auxquelles nous avons procédé et aux constatations que nous avons effectuées.
Monsieur le ministre, les orientations qui seront retenues dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009 sont attendues avec appréhension par les différents acteurs concernés : notre commission a pu en prendre la mesure en entendant notamment, ces dernières semaines, les propriétaires de monuments privés et les élus des villes à secteurs sauvegardés. Ces inquiétudes concernent à la fois le niveau des crédits budgétaires qui seront consacrés à ce secteur et l’avenir des politiques fiscales qui contribuent à son financement, venant ainsi en appui de l’investissement privé.
En effet, les récentes annonces concernant une « remise à plat » des « niches fiscales » – vous l’avez évoqué ce matin dans votre propos liminaire, monsieur le ministre – ont visé, en particulier, deux des principaux leviers de notre politique patrimoniale : le régime fiscal des monuments historiques et le régime adossé à la loi Malraux, concernant les secteurs sauvegardés et les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager.
Tout en saluant le courage avec lequel le Gouvernement s’attache à évaluer l’efficacité de nos dépenses fiscales, afin de lutter contre les effets d’aubaine que certaines mesures peuvent susciter, j’insiste auprès de vous, monsieur le ministre, sur les différences essentielles qui séparent les deux dispositifs que j’ai évoqués des produits d’optimisation fiscale.
Comme l’ont d’ailleurs reconnu les rapports de l’Assemblée nationale et de l’Inspection générale des finances, dans ces deux cas, la dépense fiscale vient directement se substituer à la dépense budgétaire. Il s’agit non pas d’inciter mais d’accompagner les investissements nécessaires par une juste compensation des contraintes architecturales et environnementales que le législateur impose à ces propriétaires.
Notons par ailleurs que cette dépense publique est, en outre, largement compensée par les retombées économiques et fiscales – directes ou indirectes – qu’elle suscite, en termes d’emploi, de recettes de TVA ou, bien sûr, de tourisme.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, la commission des affaires culturelles est attachée à ce que ces leviers essentiels de notre politique patrimoniale ne soient pas vidés de leur efficacité, par des ajustements qui méconnaîtraient leurs spécificités.
Contrairement à des conclusions hâtivement formulées et qui ne paraissent pas répondre à la réalité, instituer un plafonnement pourrait ainsi s’avérer problématique, sauf à définir, en concertation avec les acteurs concernés, un niveau réaliste et raisonnable.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà une ouverture !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Par ailleurs, d’autres points de convergence semblent pouvoir aisément émerger en vue de mieux encadrer ces dispositifs et d’accroître la lisibilité de l’effort public consenti.
Ne cédons toutefois pas à la tentation de la complexité, comme cela avait été pointé par notre commission avant d’être finalement sanctionné par le Conseil constitutionnel dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006.
Quelles sont dans ce contexte, monsieur le ministre, les évolutions envisagées concernant ces deux régimes fiscaux et, surtout, quelle sera la méthode de concertation retenue afin de définir leurs aménagements éventuels ?
En parallèle, un maintien à niveau de l’effort budgétaire en faveur de la sauvegarde de notre patrimoine historique sera-t-il assuré pour 2009 ? Un nouveau fléchissement enverrait en effet un signal très négatif à l’ensemble du secteur et aurait des conséquences préoccupantes sur l’activité des entreprises d’entretien et de restauration concernées par le patrimoine.
J’en viens au second sujet que je voudrais aborder rapidement : il s’agit du financement du déploiement de la TNT.
Je vous rappelle que la loi du 5 mars 2007 avait prévu la création d’un groupement d’intérêt public, ou GIP, chargé de mettre en œuvre les mesures propres à l’extinction de la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique. Le GIP France Télé numérique gère aussi le fonds chargé d’aider les foyers exonérés de redevance audiovisuelle à financer le passage à la TNT.
Ce GIP doit être financé à parité par l’État et les chaînes de télévision ; c’est pourquoi je me permets d’insister, monsieur le ministre, pour que le groupement soit doté dès 2009 des moyens indispensables à son intervention tant au profit des collectivités locales confrontées à des difficultés dans la couverture numérique de leur territoire que pour l’aide apportée aux personnes les plus fragiles : personnes âgées, handicapées ou isolées.
Selon la première étude de perception du grand public menée par France Télé numérique, un Français sur dix est réfractaire au passage au tout numérique et démuni face à ce dernier.
Au regard de l’importance de ce nouveau chantier qui place la France en position éminente, il est primordial d’aider et d’assister nos concitoyens les plus démunis à effectuer l’adaptation et les branchements nécessaires poux continuer à regarder la télévision, une télévision contemporaine dotée de la technologie la plus avancée.
Monsieur le ministre, je limiterai là mon propos dans le cadre du temps qui m’a été imparti, mais nous serons bien évidemment attentifs à tous les autres domaines de la compétence de la commission des affaires culturelles et participerons à la discussion budgétaire correspondante. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, le débat d’orientation budgétaire pour 2009 se déroule sous des auspices pour le moins pessimistes et, dans ce contexte, vous persistez dans la même stratégie, avez-vous dit ce matin.
Alors que la croissance est en berne, que les comptes publics sont dans le rouge, que des perspectives sombres s’annoncent pour 2009 – des économistes parlent d’une croissance de 1 % –, la précarisation de l’emploi est accélérée, les comptes sociaux sont en difficulté. Tel est le résultat patent de plus d’un an de politique du Gouvernement
Même le CAC 40 est en chute libre, puisqu’il a perdu plus de 30 % de sa valeur ! Seules les distributions de dividendes et l’augmentation du nombre des contribuables de l’ISF montrent que tout ne va pas si mal pour certains !
Nous devons donc mettre en question les choix opérés depuis le printemps 2007 – pour certains bien avant, d’ailleurs – avant que de donner sens à ce qui pourrait constituer une alternative à une politique de plus en plus inefficace et de plus en plus décriée par l’opinion publique.
Dans quel contexte nous trouvons-nous ?
Si l’on s’arrête aux seuls comptes publics, ce débat d’orientation est marqué par la situation préoccupante des finances publiques et sociales, situation dont personne, au demeurant, ne paraît aujourd’hui, et particulièrement ce matin, devoir contester la gravité.
Point d’orgue de cette situation, la dette publique d’État galope, atteignant désormais un encours de 966 milliards d’euros, niveau jamais égalé auparavant.
Fait plus préoccupant, la part de la dette constituée de titres de court terme – les Bons du Trésor à un an – est en progression sensible depuis le début de l’année, atteignant désormais 102 milliards d’euros.
S’agissant de l’exécution budgétaire 2008 en cours, malgré les habituelles mesures de gel mises en œuvre depuis le début de l’année, la situation présentait fin mai un découvert de plus de 50 milliards d’euros, et ce malgré la bonne tenue des rentrées de l’impôt sur les sociétés et d’une TVA portée par la hausse des prix de l’énergie et des carburants.
Ce n’est d’ailleurs qu’au prix de manœuvres dilatoires sur les dépenses d’intervention que le solde budgétaire global n’est pas plus dégradé.
De plus, les prévisions de croissance de l’INSEE demeurent relativement modestes puisque l’on parle d’un taux de 1,6 % cette année, et d’un taux inférieur à deux points l’an prochain.
Comment, avec 5 % de croissance mondiale, les pays de la zone euro et la France en particulier présentent-ils de telles faiblesses de leur taux de croissance ?
Si une maturité économique différente de chaque pays peut expliquer cette situation, nous croyons pour notre part que cet échec des politiques européennes sur la croissance économique tient bien sûr à d’autres raisons.
Le frein principal à la croissance économique, qu’on le veuille ou non, ce ne sont pas les garanties collectives accordées aux salariés ou l’absence de flexibilité du marché du travail, c’est bien plutôt la politique économique et monétaire européenne, qui impose l’austérité pour les dépenses budgétaires, la liberté de circulation des capitaux, des taux d’intérêt élevés et la raréfaction de la création monétaire. Ne sont pas non plus en cause les collectivités territoriales, qui seraient trop « dépensières », aux yeux de certains, et devraient appliquer la même rigueur que l’État en matière budgétaire. Encore heureux qu’elles n’aient pas trop réduit leurs dépenses d’investissement, sinon nous aurions déjà connu la récession !
Ce qui est aujourd’hui en cause, ce sont bel et bien les politiques guidées par le respect des critères de convergence, par le pacte de stabilité, ainsi que par l’autisme de la Banque centrale européenne, la BCE. À quoi sert-il d’économiser quelques centaines de millions d’euros en supprimant des emplois publics quand le seul relèvement des taux directeurs de la BCE, dont l’indépendance est consacrée par le traité de Lisbonne que vous avez voté, mes chers collègues, coûte de 2 à 3 milliards d’euros de plus, en année pleine, au service de la dette ?
Les politiques d’austérité mises en place depuis longtemps conduisent donc à peu près partout aux mêmes résultats : mauvais état des comptes publics, dette de plus en plus importante, faible croissance globale des économies et aggravation continue des inégalités sociales, minant ainsi le pacte républicain.
De ce point de vue, le Gouvernement s’est particulièrement distingué avec la loi TEPA, la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, qui n’a trouvé une véritable traduction que pour ce qui concerne la fiscalité du patrimoine.
Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, le budget, déjà mal en point, va enregistrer une moins-value fiscale de 400 millions d’euros au moins, pour permettre à 3 000 contribuables de l’ISF de se libérer de tout ou partie de leur impôt, en finançant prétendument les PME : 400 millions d’euros pour 530 millions de capitaux mobilisés, quel gaspillage de fonds publics pour un résultat ridicule sur le plan macroéconomique, d’autant que 450 millions d’euros suffisent à défiscaliser les intérêts du Livret A et du livret de développement durable, qui représentent un encours de 200 milliards d’euros !
Voilà un exemple clair et net des gâchis qui conduisent aujourd’hui le budget de l’État au déficit ! Il faut donc mettre un terme à ce que le rapport d’information Migaud-Carrez appelle « l’évolution déraisonnable » de la dépense fiscale. Actuellement, le premier poste budgétaire de l’État est non pas l’éducation nationale, mais bel et bien la masse considérable des dépenses fiscales.
Cette année, ce sont 73 milliards d’euros de recettes fiscales qui vont ainsi disparaître, et la perte sera plus grande encore l’an prochain ! Et ce montant ne tient pas compte des 30 milliards d’euros de recettes fiscales que l’État a cantonnés au financement des allégements de cotisations sociales, des 12 milliards d’euros destinés à compenser la réforme de la taxe professionnelle et des 5 milliards d’euros de recettes utilisés à mal compenser le transfert de la gestion du RMI aux départements, sans parler de l’allocation personnalisée d’autonomie, et j’en passe !
Entre dépenses fiscales et recettes dédiées, ce sont des milliards et des milliards d’euros qui manquent aujourd’hui pour assurer l’équilibre des comptes publics ! Et ce, pour quelle efficience de la dépense fiscale ? Depuis 2003, l’essentiel de la progression de la dépense fiscale, soit 23 milliards d’euros – c’est une somme que vous avez validée à travers vos votes, mes chers collègues –, ne semble pas avoir atteint ses objectifs en matière de croissance et d’emploi ! Mais il en a atteint un autre, qui n’était pas prévu : celui de laisser le déficit persister à un haut niveau !
Dans le même temps, l’impôt sur les sociétés a baissé, l’imposition des revenus du capital s’est allégée et l’imposition des patrimoines s’est fortement réduite !
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Thierry Foucaud. Nous ne souhaitons pas que la loi de finances de 2009 se contente d’apporter quelques modifications cosmétiques, associées à une nouvelle purge de la dépense publique. L’annonce de la suppression de 30 000 à 35 000 emplois publics laisse pourtant craindre que tel sera le choix opéré par le Gouvernement.
De même, il est de plus en plus question que les collectivités territoriales soient mises à contribution. Le pacte de stabilité s’annonce sévère : blocage de la dotation globale de fonctionnement, mise en cause du fonds de compensation pour la TVA, nouvel allégement de la taxe professionnelle sans compensation ; vous lancez une véritable déclaration de guerre aux élus locaux ! Comme si les termes « dépense » et « publique » étaient incompatibles à vos yeux, monsieur le ministre !
Il est vrai que la dépense privée est tellement plus vertueuse, comme le montrent les milliards que Total engloutit chaque année dans le rachat de ses propres actions – le litre de super à 1,60 euro sert donc à quelque chose ! –, ou encore les dizaines de milliards que nos banques ont dilapidé – « claqué », oserai-je même dire – dans la crise des subprimes américaines et qui se traduisent aujourd’hui par des suppressions d’emploi massives !
En transformant ces milliards d’euros de dépense fiscale inefficiente en dépense publique utile, nous répondrons aux besoins populaires en matière d’emploi, de logement, de protection sociale, de vie sociale et associative, de sécurité et de développement des services publics. Pour retrouver le chemin de la croissance, la France doit retrouver celui de la dépense publique, un chemin qui est aussi celui de la justice fiscale ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un an après l’élection du Président de la République, les Français sont impatients de constater les effets des réformes votées par la majorité.
Tous les observateurs internationaux en conviennent, notre pays a besoin de profondes transformations pour sortir de la léthargie dans laquelle il est engoncé depuis plus de vingt-cinq ans. Il est vital que nous ne nous enfoncions pas dans une spirale sans fin de déficits et de perte de compétitivité, alors que nos partenaires bénéficient d’une croissance vertueuse. Nous en sommes tous convaincus mais, jusqu’à présent, nous n’avions que peu réagi. Le monde ne nous attendra pas. Comme l’écrivait Voltaire, « les Français arrivent tard à tout, mais enfin ils arrivent ». Donnons-lui tort et montrons-nous enfin des précurseurs de la réforme.
Sans réforme, donc sans croissance, la France ne pourra atteindre aucun des objectifs auxquels elle aspire : ni la création de richesses, ni la compétitivité, ni la paix sociale, et nous reculerons encore au sein de la hiérarchie économique mondiale. Bien sûr, monsieur le ministre, le contexte économique international accroît la difficulté de votre tâche. Mais nos compatriotes attendent des résultats, et vous le savez.
Cette situation exige de votre part, et de la part de l’ensemble du Gouvernement, une politique très volontariste, lisible et transparente. Crise des crédits hypothécaires américains aux conséquences plus catastrophiques qu’il était envisagé, renchérissement du prix des hydrocarbures, hausse continue du prix des matières premières et des produits alimentaires, surévaluation patente de l’euro : tout contribue à ralentir la croissance de la zone euro et de l’économie française. Même si l’annonce d’Alexeï Miller, président directeur général de Gazprom, selon laquelle, avant la fin de l’année, le baril de pétrole atteindra 250 dollars et les 1 000 mètres cubes de gaz frôleront les 1 000 dollars, frise l’action psychologique, elle n’est pas absurde.
L’entrée en récession, pour les deux premiers trimestres de l’année, du Danemark, pays vertueux et souvent cité en exemple, constitue un signal d’alarme fort sur les risques encourus par notre pays à moyen terme.
L’état de nos finances publiques reste très préoccupant. « Il faut arrêter la fuite en avant », déclarait encore récemment M. le Premier ministre. Néanmoins, on constate un nouveau creusement de 41 milliards d’euros au cours du premier trimestre, la dette publique dépassant désormais les 1 250 milliards d’euros, soit 65,3 % du PIB, et ce sans tenir compte des engagements hors bilan qui excèdent les 300 milliards d’euros.
La récente hausse du taux de refinancement de la BCE à 4,25 % vient encore surenchérir le coût des intérêts de notre dette, second budget de l’État, je le rappelle. Il serait dangereux, car irresponsable, que quiconque mise sur un surcroît d’inflation pour rogner une partie de ces engagements vu l’augmentation des coûts qui en découleraient, sauf à vouloir rembourser cette dette au détriment des ménages, déjà suffisamment mis à contribution.
Cela dit, monsieur le ministre, votre hypothèse d’une inflation à 2 % et d’un baril de pétrole à 125 dollars ne me semble pas du tout réaliste.
Je regrette, comme certains de mes collègues, que n’ait pas abouti le débat engagé sur les lois de finances, à l’occasion de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République. L’adoption de la mesure proposée aurait eu le grand mérite de contraindre chaque année le Gouvernement à présenter un budget en équilibre – c’est une impérieuse nécessité –, et aussi à renforcer la clarté et la sincérité des comptes. Le déficit de nos comptes a, de plus, pour corollaire d’affaiblir l’autorité qui devrait être la nôtre au moment où la France préside l’Union européenne.
Avoir les moyens de nos ambitions politiques suppose l’exemplarité, et ce d’abord sur le plan budgétaire. Dès lors, comment prétendre insuffler une nouvelle dynamique à une Union européenne résignée à jouer les seconds rôles ? Sur quelle autorité morale pouvons-nous nous appuyer lorsque nos comptes publics sortent des limites, déjà extensibles, du pacte de stabilité ? Les références à une histoire glorieuse, mais déjà lointaine, sont dépassées, voire contre-productives. La méfiance de nos concitoyens envers l’Europe ne risque pas de s’amenuiser. Il est d’ailleurs symptomatique de constater l’hostilité grandissante à l’égard de la BCE, alors que celle-ci peine de plus en plus à trouver des arguments pour justifier sa politique des taux.
Certes, la BCE confirme son inflexible indépendance face aux politiques, mais il n’est pas hérétique de s’interroger sur la pertinence même de son ancre nominale : est-il définitivement opportun qu’une banque centrale ne poursuive qu’un objectif de stabilité des prix ou bien est-il envisageable de lui assigner, au même rang, un objectif de soutien à l’activité ?
L’engagement du Gouvernement à tenir les critères de stabilité avant 2012 est modérément ambitieux, mais demande néanmoins de réels efforts. La série de mesures structurelles fortes, à l’instar du projet de loi de modernisation de l’économie, a été saluée par le Fonds monétaire international, pour son effet dynamisant.
Enfin, la révision générale des politiques publiques donnera une vision globale de leur efficacité ou de leur inefficacité. Nous en attendons les conclusions définitives avec impatience. Les audits menés par votre prédécesseur au ministère du budget permettent déjà de rationaliser certains postes de dépenses. Mais beaucoup reste à faire, et, disant cela, je pense entre autres à la politique erratique de la gestion immobilière de l’État. Il est tout simplement ubuesque que l’État ne connaisse pas l’étendue de son parc immobilier !