M. Aymeri de Montesquiou. Nos collègues Bernard Angels, Marie-France Beaufils, Paul Girod et Adrien Gouteyron avaient parfaitement analysé ces dysfonctionnements dans leur rapport d’information. L’État doit élaborer une politique immobilière d’ensemble, qui ne saurait ni se résumer à des opérations de cession, qui ne sont pas sa finalité, ni se cantonner à une logique essentiellement ministérielle, donc cloisonnée.
Sur ce point, je salue votre heureuse initiative visant à mettre en place un opérateur unique de rationalisation et de valorisation de 45 milliards d’euros d’actifs.
Vous souhaitez réinstaurer la confiance, alors qu’un grand nombre de nos compatriotes souffrent aujourd’hui du retour de l’inflation. La hausse des prix des hydrocarbures serait peut-être plus supportable si elle ne s’accompagnait de la peur du déclassement social.
Certes, les instituts statistiques annoncent, depuis des années, une inflation comprise entre deux points et trois points, mais de nombreux Français constatent quotidiennement que les prix des produits de consommation courante augmentent beaucoup plus.
Les plus modestes, alors qu’ils peinent, chaque mois, à subvenir à leurs besoins élémentaires ou même à se loger, sont modérément heureux de savoir que le prix en valeur absolue des produits de haute technologie n’a jamais été aussi bas. Il faut savoir que les dépenses contraintes – logement, assurances, transports, téléphone – atteignent aujourd’hui, en moyenne, 30 % des revenus ; elles n’étaient que de 12 % en 1960.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. N’oublions pas non plus que ceux qui gagnent entre 20 000 euros et 55 000 euros par an, c’est-à-dire 50 % des Français, constituent le véritable baromètre d’une consommation dont ils sont le principal moteur. Trop riches pour toucher des aides sociales, trop pauvres pour jouer des multiples outils d’allégements fiscaux, ils souhaitent – et ce n’est que justice élémentaire ! – pouvoir vivre décemment de leur travail. C’est un objectif prioritaire qui est loin d’être atteint.
Leur incompréhension est manifeste envers la multiplication inconsidérée des niches fiscales, « mauvaise herbe fiscale », comme les qualifie Philippe Marini. Entre 1997 et 2006, 227 nouvelles niches ont été créées, pour un total estimé à 650. En 2008, l’État aura ainsi abandonné 72,3 milliards d’euros de recettes fiscales, soit 27 % de l’ensemble de celles-ci et 3,8 % du PIB !
Si certaines niches répondent à un souci légitime d’allégement de la pression fiscale ou d’allocation des ressources, leur prolifération pose un vrai problème d’équité fiscale. Elle souligne aussi que l’aspect parfois confiscatoire de notre système fiscal en est venu à engendrer de telles injustes absurdités.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Aymeri de Montesquiou. Notre collègue député Charles de Courson soulignait à bon droit que « les mille premiers bénéficiaires, par ordre décroissant, des niches fiscales sont des contribuables qui, par le truchement des investissements outre-mer, réussissent à faire baisser de plus de la moitié leur impôt sur le revenu et obtiennent une réduction moyenne d’impôt de 300 000 euros ».
Mieux ou pis, les 100 000 contribuables tirant le meilleur profit des dérogations fiscales catégorielles ont réduit leur impôt de 15 240 euros en moyenne, soit un manque à gagner pour l’État de 1,5 milliard d’euros. Ce n’est ni équitable ni juste.
De surcroît, un grand nombre d’entre elles ont une efficacité douteuse.
Le dispositif Robien a atteint ses limites et amplifie même le retournement spectaculaire du marché de l’immobilier dans certaines villes moyennes. La défiscalisation des investissements outre-mer, n’en déplaise peut-être à mes collègues ultramarins, a, quant à elle, favorisé la cherté du logement et accru les difficultés des opérateurs de logements sociaux.
La mise à plat de ce système est certes ardue. En effet, l’impact macroéconomique des niches fiscales n’est pas nul, mais, surtout, comme aime à le rappeler Gilles Carrez, « dans chaque niche, il y a un chien qui mord ».
M. Alain Vasselle, rapporteur. Oh là là !
M. Aymeri de Montesquiou. Le degré de sophistication dans l’exception fiscale est tel que le législateur se heurte désormais à l’objectif constitutionnel d’intelligibilité et de clarté de la loi, comme en 2005, lorsque le Conseil constitutionnel avait censuré le plafonnement de certains avantages dans le secteur sauvegardé.
Pourtant, des solutions existent. Je vous propose une idée simple : dès lors qu’un avantage fiscal perd sa finalité d’allocation de ressources pour devenir un simple instrument d’optimisation fiscale pour les mieux informés, il n’a plus sa raison d’être.
La mission d’information de l’Assemblée nationale sur les niches fiscales a rendu des conclusions intéressantes à cet égard. Elle propose, entre autres, d’instaurer un maximum global de réduction fixe : l’avantage diminuerait en proportion du revenu quand ce dernier augmenterait. En associant ce dispositif à un véritable toilettage des niches inutiles ou inéquitables, l’État économiserait certainement plusieurs milliards d’euros.
Monsieur le ministre, les attentes de réforme des Français sont considérables. Nous avons déjà trop tardé. Non seulement nos partenaires européens ne nous attendront pas dans le grand jeu économique mondial, mais, aujourd’hui, la Chine, l’Inde, le Brésil sont devenus nos concurrents directs. Je crains que nous ne puissions entraver notre déclin si vous ne parvenez pas à tenir vos engagements budgétaires d’ici à 2012, lesquels ne sont pas excessivement ambitieux.
Votre volonté est évidente, vos efforts certains. Aussi, je souhaite que, dans quatre ans, vous puissiez dire que mes propos d’aujourd’hui n’étaient que ceux d’un Cassandre mal avisé. (Applaudissements au banc de la commission.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d’orientation budgétaire qui nous intéresse aujourd’hui doit être un point clé dans la vie des finances publiques et sociales de notre pays. Il intervient en effet à un moment charnière de la préparation du projet de loi de finances pour l’année 2009, lequel sera sans nul doute, et je le regrette, l’un des plus difficiles à boucler depuis de nombreuses années.
Avant toute chose, je souhaite vous remercier, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, de nous permettre de débattre des orientations budgétaires de la France à un moment si important économiquement, mais aussi si dense en matière législative, au milieu de cette session extraordinaire.
On évoque beaucoup le renforcement des pouvoirs du Parlement. Celui-ci passe par plus de contrôle, notamment budgétaire, et également par une plus grande écoute des parlementaires eux-mêmes sur les grandes orientations à prendre. Je ne doute pas que tel sera le cas pour le débat qui nous intéresse désormais.
Nous avons constaté et adopté la semaine dernière le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007 ; il a été l’occasion de faire le point sur l’exercice de l’année dernière et de tirer le bilan financier de nos comptes. Les résultats constatés sont loin d’être satisfaisants. Ils doivent nous alerter, nous inquiéter, sur la situation de notre économie, de nos finances publiques, et sur leur avenir.
Je vous l’avoue, je suis en effet très inquiet sur la situation financière de notre pays et, en l’état, je suis plutôt pessimiste sur la possibilité de dégager des marges de manœuvre pour prendre toutes les mesures nécessaires à leur redressement. Mais je ne suis pas résigné ; c’est pourquoi, à cette inquiétude, il faut opposer un devoir de responsabilité fort et ferme de notre part, de la part du Gouvernement et, sans doute, de la part de tous les Français.
Avant d’aborder ce point sur la responsabilité, j’aimerais revenir sur ce qui me préoccupe et justifie mon appréhension.
Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes analyse les causes et les conséquences de leur dégradation. Un certain nombre de critiques déjà évoquées sont sans appel.
Tout d’abord, avec une remontée du déficit public français à 2,7 % du PIB, la situation financière s’est aggravée en 2007, à contre-courant du retour à l’équilibre observé en moyenne dans les autres pays de la zone euro, notamment en Allemagne. Cette aggravation d’origine structurelle est due à une insuffisante maîtrise des dépenses pour compenser les réductions d’impôts et de cotisations sociales.
Ce résultat est très loin d’être satisfaisant. Si on le compare au solde de l’année 2006, qui était de moins 39 milliards d’euros, en prenant en compte l’incidence de la modification du calendrier de versement des pensions des agents de l’État, le résultat ne s’améliore que de 0,6 milliard d’euros. C’est la fin d’une lente diminution du poids du déficit public dans notre économie.
Par ailleurs – c’est la deuxième critique –, le déficit de l’État augmente en 2007, quel que soit le référentiel comptable retenu. Le besoin de financement des collectivités locales reste limité, mais s’alourdit aussi sous l’effet d’une forte croissance des dépenses. Le besoin de financement de l’ensemble des régimes de base de sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, s’alourdit également. Rappelons que le déficit de la sécurité sociale, régimes de base et FSV, reste de l’ordre de 11 milliards d’euros, avec une « dette sociale » qui augmente de 9 milliards d’euros.
Ensuite, troisième critique, la dette publique, qui avait baissé en 2006, a de nouveau augmenté en 2007, contrairement, là encore, à la tendance observée dans les autres pays européens, pour atteindre 63,9 % du PIB à la fin de l’année 2007 – soit 47 000 euros par actif, sans même tenir compte d’une partie des dettes de RFF, que seul l’État pourra rembourser –, ce qui entraîne une charge d’intérêt de 52 milliards d’euros, soit 2 000 euros par actif. L’augmentation de ce ratio de dette est le résultat mécanique du niveau actuel du déficit.
Enfin, l’équilibre des comptes publics en 2012, inscrit dans le programme de stabilité, suppose de ramener la croissance des dépenses en volume de 2,2 % en moyenne sur les dix dernières années à 1,1 % par an, alors qu’elle a encore été de 2,5 % en 2007. Le respect du pacte implique donc une économie de 46 milliards d’euros à l’horizon de 2012 ! Nous devons équilibrer et planifier cet effort.
Comme le disait notre éminent collègue Alain Lambert, en réunion de commission des finances la semaine dernière, nous connaissons l’objectif pour 2012. Il est donc nécessaire de répartir très précisément les efforts annuels à réaliser et, surtout, de s’y tenir, afin de ne pas, une nouvelle fois, reconstruire l’an prochain un nouveau plan de redressement pluriannuel qui décale encore d’une année le retour à l’équilibre.
Monsieur le ministre, vous l’avez souligné et je salue votre réalisme, les contraintes qui vont peser sur le budget de la France vont être croissantes.
Le contexte économique mondial et national est de plus en plus « tendu », avec, d’une part, un ralentissement attendu de la croissance et, d’autre part, la flambée de l’inflation. Comment ne pas évoquer le renchérissement des matières premières, au premier rang desquelles le pétrole, et le déséquilibre flagrant entre l’évaluation du dollar et celle de l’euro ?
Ces deux constats, dans un contexte de crise financière internationale, ont et auront, dans les années à venir, des conséquences dramatiques : une croissance atone, l’inflexion du marché immobilier, la faiblesse de la consommation et des investissements, l’augmentation des prix énergétiques et alimentaires, le déséquilibre de la balance commerciale, etc.
Mes chers collègues, il est de notre devoir de parlementaires de mettre des mots sur une réalité toujours plus difficile. Dans ce contexte, je vous appelle peut-être à plus de prudence, notamment sur les prévisions de croissance. Mieux vaudrait les sous-estimer, comme l’a longtemps fait le Canada, quitte à ensuite enregistrer des plus-values qui nous permettraient de diminuer le montant de notre dette publique. Ne pas surévaluer nos capacités correspondrait à une gestion « en bon père de famille », dont la France a bien besoin. Aujourd’hui, nous ne pouvons plus, je crois, prendre de risques financiers.
Par ailleurs, nous avons des contraintes structurelles internes très fortes et quasiment inévitables. Vous évoquiez, monsieur le ministre, le poids croissant des pensions de retraite et de la charge de la dette. Il est dramatique de penser que la dynamique de ces deux dépenses absorbera dans les années à venir près de 70 % des augmentations, déjà faibles, de la dépense de l’État. Les marges de manœuvre seront bientôt nulles.
Ce qui m’inquiète le plus, c’est à la fois l’avenir de nos enfants et l’image que notre pays donne à ses différents partenaires aux échelons européen et mondial.
Concernant ce que nous allons laisser à nos enfants et à nos petits-enfants, des réformes structurelles sont nécessaires et requièrent une forte volonté politique. Lorsque nous acceptons les déficits et la dette publique, c’est à eux que nous devons penser. Nos décisions d’aujourd’hui créent leur dépendance de demain. Nous sommes liés aux générations futures par un pacte tacite. Ne transformons pas ce lien en une dépendance financière pour eux à cause d’un héritage qu’ils pourraient refuser !
Par ailleurs, notre attitude financière a des conséquences sur nos relations avec nos partenaires européens, principalement ceux de la zone euro. Nous sommes dépendants de tous les pays du marché commun, comme eux le sont de nous. Le respect des critères du pacte de stabilité doit sous-tendre nos réflexions sur l’évolution des finances publiques. Les signes que nous envoyons aujourd’hui à nos amis européens ne sont pas très convaincants quant à notre bonne volonté. Pour la plupart de nos partenaires, nous profitons de la zone euro pour amortir la dégradation de nos finances publiques.
Dans ce contexte extrêmement contraint, les possibilités d’évolution sont très limitées. Les marges de manœuvre économiques restent extrêmement réduites pour le pays.
L’ensemble des dépenses publiques ne peut absolument plus augmenter, pas plus en volume qu’en valeur. En outre, ces limitations devront concerner toutes les administrations, de l’État au système social, en passant par les collectivités territoriales.
Concernant les recettes, nous pourrons difficilement en créer de nouvelles ; il paraît donc nécessaire de limiter leur affaissement. Il en va de la « soutenabilité » de nos finances publiques.
Comme je le disais au début de mon propos, cette inquiétude ne traduit aucune résignation. Alors, profitons-en pour réformer en profondeur nos méthodes de travail, en particulier en matière budgétaire.
Pour cela, il me paraît indispensable de développer une véritable culture de la responsabilité.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Christian Gaudin. Nous sommes des élus. Les Français nous ont confié des mandats ; nous devons les respecter.
Être responsable, c’est dire la vérité à nos concitoyens sur les difficultés qui s’annoncent.
Être responsable, c’est être persévérant dans les réformes, même si elles sont impopulaires.
Être responsable, c’est bien évidemment être fidèle à nos engagements, en particulier à ceux qui ont été pris à l’égard de nos voisins européens.
À l’heure actuelle, parmi les évolutions envisageables à plus ou moins long terme, on évoque beaucoup les fameuses dépenses fiscales. Évaluées à 73 milliards d’euros en 2008, elles ne sauraient être écartées a priori de tout mécanisme de régulation. Leur croissance est souvent sous-estimée, car certains dispositifs sortent de la liste des dépenses fiscales annexée au projet de loi de finances, en raison de leur histoire, et sans autre précision, ce qui n’a pas de justification économique.
Malgré un tel biais, on observe un fort développement des dépenses fiscales, surtout depuis l’instauration d’une norme de dépenses budgétaires en 2001. On en comptait 398 en 2000, et leur nombre est passé à 486 en 2008. Dans le projet de loi de finances pour 2008, seulement 80 % sont chiffrées. Et encore, pour la moitié d’entre elles, il ne s’agit que d’un ordre de grandeur.
Pour apprécier la croissance de leur montant total, il faut tenir compte des variations annuelles de ce taux de chiffrage, qui augmente depuis 2005. Il apparaît alors que le coût total des dépenses fiscales a crû en moyenne de 5 % par an de 2004 à 2007 et qu’il augmentera encore de 5 % en 2008, rythme bien supérieur à celui des dépenses couvertes par la norme. Parallèlement à une amélioration de leur recensement et de leur chiffrage, il pourrait être envisagé d’encadrer leur évolution par une norme spécifique.
Comme cela est évoqué dans le rapport qui a été remis au Parlement, nous pourrions imaginer des limitations dans le temps ou en volume de ces dépenses fiscales. Nous ne manquons pas d’imagination à ce sujet, et vous savez bien que le Sénat et sa commission des finances se sont déjà largement penchés sur la suppression de niches fiscales ; je n’y reviendrai donc pas.
Il serait également souhaitable de réserver à la loi de finances la possibilité de créer des dépenses fiscales. Toutefois, je ne m’étendrai pas sur le débat qui a lieu à propos de la modification de l’article 34 de la Constitution. Un système de caducité automatique des dépenses fiscales qui ne seraient pas reprises dans la plus prochaine loi de finances pourrait être instauré. M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, vous en parlerait beaucoup mieux que moi !
Toujours en matière de recettes, je voudrais évoquer brièvement la TVA sociale, ou « TVA de compétitivité », selon les sensibilités de chacun.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bonne idée !
M. Christian Gaudin. Je connais la fragilité de ce sujet, mais vous savez que les centristes y sont très attachés. Je souhaite savoir où en sont les réflexions sur cette réforme, qui pourrait participer au rééquilibrage de notre compétitivité internationale.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Christian Gaudin. Cette dernière remarque me permet d’évoquer la structure économique de notre pays. Nous venons d’examiner longuement le projet de loi de modernisation de l’économie.
Je voudrais une nouvelle fois vous convaincre de l’importance dans notre paysage économique de la valeur ajoutée des petites et des moyennes entreprises ; je parle de celles qui embauchent entre cent salariés et trois cents salariés. L’exemple allemand est à ce titre très régulièrement évoqué. Pourquoi nos PME manquent-elles de compétitivité sur le plan international ? Nous devons investir et créer un environnement favorable à l’investissement pour l’innovation dans nos PME. Je crois beaucoup en elles pour emmener notre pays sur le chemin du redressement.
À présent, je souhaiterais encore et toujours rappeler quelques mesures d’ordre fiscal que M. Philippe Marini, rapporteur général, et moi-même avions formulées dans notre rapport d’information intitulé La bataille des centres de décision : promouvoir la souveraineté économique de la France à l’heure de la mondialisation.
La fiscalité française et son environnement sont complexes, instables et insuffisamment attractifs. Nous pourrions proposer une diminution du taux facial de l’impôt sur les sociétés, ainsi qu’une harmonisation et une consolidation de son assiette. La France ne peut pas se permettre de demeurer durablement hors du jeu de la compétition fiscale. Nous avions ainsi suggéré l’objectif d’un taux légèrement inférieur à 30 %.
J’en viens à l’assiette de ce prélèvement. Il nous semble opportun de faire aboutir l’initiative européenne de l’assiette commune, optionnelle et consolidée d’impôt sur les sociétés. Cette harmonisation au niveau de l’Union européenne serait un premier pas vers la possibilité de légiférer à l’unanimité en matière de fiscalité des entreprises à l’échelon communautaire. Les débats sur les taux étant actuellement bloqués, ceux qui sont relatifs à l’assiette semblent moins problématiques.
En outre, je veux évoquer rapidement le problème de la stabilité de nos règles fiscales. Comment ne pas rappeler le besoin, en ce domaine, de prévisibilité et de lisibilité de notre droit, principalement aux yeux de nos voisins étrangers ? Il y va aussi de notre responsabilité de décideurs politiques.
J’aimerais également évoquer l’importance des collectivités territoriales dans le redressement de nos finances publiques. En tant que sénateurs, nous nous devons d’être réalistes à l’égard de leur rôle, de leurs missions et de leurs responsabilités.
Comme nous l’avons vu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2008, l’insertion des prélèvements en faveur des collectivités locales au sein de l’enveloppe normée des dépenses est une nouvelle contrainte budgétaire pour l’État et, bien sûr, pour les collectivités elles-mêmes. Nous devons en être conscients, la hausse des dotations des collectivités sera extrêmement limitée pour 2009 et pour les années suivantes. Elle ne devrait atteindre que 2 % pour 2009.
En tant que représentants des collectivités territoriales, notre responsabilité est de faire comprendre que tout le monde doit participer à l’assainissement de nos finances publiques. L’État doit jouer non pas contre, mais avec les collectivités locales. Ainsi, régions, départements et communes devront également contribuer à l’effort de maîtrise des dépenses publiques.
Bien entendu, les relations ne doivent pas se concentrer dans une seule direction. Ainsi, l’État doit également s’appliquer à lui-même la fameuse « règle d’or » imposée aux collectivités locales en matière de gestion budgétaire. Par ailleurs, l’instauration d’un dialogue permanent et récurrent en vue de la réforme tant attendue de la fiscalité locale est une condition sine qua non de l’apaisement des relations entre tous les acteurs.
Pour conclure, monsieur le ministre, je vous demande –mais je sais que vous partagez cette éthique de responsabilité –de ne pas enjoliver la situation économique et financière de la France dans la construction du budget pour 2009. Nous devons être clairs et transparents pour les Français, pour l’avenir et pour l’ensemble de nos partenaires européens. (Applaudissements au banc de la commission. – MM. Roland du Luart et Éric Doligé applaudissent également
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat est passionnant et chacune des interventions est extrêmement riche.
Toutefois, le temps passe et nous ne pourrons pas clore cette discussion avant la suspension du déjeuner.
Par conséquent, je propose au Sénat que nous puissions entendre nos collègues Nicole Bricq et Roland du Luart avant la suspension, et que nous reprenions le débat après le déjeuner.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette proposition ?
Mme la présidente. Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. « Je réduirai la dette et le déficit, qui ont été creusés par l’échec des politiques antérieures, alors que nos politiques réussiront. Les générations futures ne peuvent pas accepter que les générations actuelles vivent à leur crédit ». Voilà ce qui figurait dans la profession de foi du candidat de l’UMP à l’élection présidentielle, M. Nicolas Sarkozy, au printemps 2007.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous sommes d'accord ! Nous partageons totalement ce point de vue ! Vous aussi, non ?
Mme Nicole Bricq. À peine élu, le Président de la République s’affranchit du retour à l’équilibre des comptes publics, repousse cette échéance à 2012 et engage son Gouvernement dans une politique de baisses d’impôts et de dépenses fiscales pour la plupart improductives, dilapidant ainsi les quelques marges de manœuvre dont il disposait, alors que la crise financière démarre aux États-Unis.
Le Gouvernement justifiera après coup son plan de l’été 2007 par une nécessaire relance censée soutenir l’économie réelle quand celle-ci serait affectée. Mauvaise pioche : à l’été 2008, nous y sommes : tous les indicateurs sont au rouge !
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres. Selon la Cour des comptes, il faudrait 46 milliards d’euros d’économie. Et, d’après M. le rapporteur général, pour satisfaire d’ici à 2012 la trajectoire transmise aux instances de l’Union européenne, le montant des économies et des redéploiements nécessaires s’élèverait à 65 milliards d’euros.
Avec de tels choix politiques, l’équation est impossible à résoudre. La baisse de la croissance et la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt alourdissent mécaniquement la dette. D’ailleurs, la charge de la dette devient bondissante ou, selon le joli mot de M. Philippe Marini dans son rapport écrit, « dynamique ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !
Mme Nicole Bricq. Aujourd'hui, elle atteint 52 milliards d’euros.
Dans le même temps, les recettes se contractent. Les dépenses fiscales engagées dans les trois dernières années pèseront sur les budgets en 2009 et en 2010. Le scénario du Gouvernement qui a été communiqué à Bruxelles est intenable. Nul ici ne s’illusionne sur ce point.
Cela dit, comme je connais le sort qui attendait les messagers porteurs de mauvaises nouvelles dans les temps anciens, je préfère m’arrêter là ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui, nous tenons à vous ! (Nouveaux sourires.)
Mme Nicole Bricq. Mais j’y reviendrai !
La vérité est que le Gouvernement n’a plus de marges de manœuvre. Alors qu’il a lancé de multiples chantiers, inspirés par le Président de la République, et retardé l’ajustement budgétaire, il a négligé le principal : toute réforme a un coût initial si l’on veut s’assurer de sa fluidité, de son acceptation et de l’adhésion de ceux qui sont concernés. Et si économies il y a, elles ne se produiront qu’à moyen ou à long terme.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Exact !
Mme Nicole Bricq. Condamné à une discipline financière qu’il n’a pas anticipée, le Gouvernement n’a plus guère de cartouches dans sa gibecière.
C’est là où l’injustice du paquet fiscal pèse de tout son poids, car elle a miné la confiance. En privilégiant les situations rentières, en proposant un agenda partisan et des mesures socialement biaisées, le Gouvernement et sa majorité ont ruiné toute possibilité de mobilisation des salariés, qui seront – et ils l’ont bien compris – les grands perdants de la crise.
Dès lors que les causes de l’inflation sont exogènes – le phénomène est lié à la hausse des prix des matières premières et de l’énergie –, les salaires n’y sont pour rien. Pourtant, et c’est un paradoxe effrayant, ce sont les salariés qui paieront les aléas de la conjoncture et de la finance. Au moment où il faudrait mener une politique contracyclique, vous n’en avez plus les moyens.
Les déficits qui s’accumulent serviront à justifier les coupes dans les politiques publiques. Or le pays a besoin de dépenses publiques. Je pense notamment aux dépenses d’avenir pour la recherche, pour l’éducation, pour l’enseignement supérieur, pour l’innovation, afin de disposer de petites et moyennes entreprises fortes, avec des produits et des services bien orientés à l’exportation.
La dépense publique est également utile pour développer les solidarités. Étant donné le bouleversement – je dirai même le « décentrement » – du monde que nous vivons actuellement, et qui va sans doute encore durer plusieurs années, il faut précisément multiplier les solidarités à l’égard de ceux qui peuvent perdre dans cette mutation.
À cet égard, le débat sur le financement du revenu de solidarité active est emblématique. C’est la prime pour l’emploi, la PPE, qui sera redéployée vers lui. J’admets que c’est un raccourci, mais songez que le message porté par cette réforme est terrible : la redistribution se fera désormais des pauvres vers les encore plus pauvres.
Il y a, de plus, le risque que le revenu de solidarité active, le RSA, ne devienne une subvention au temps partiel et aux bas salaires. L’effet de substitution de la prime ou l’emploi, ou PPE, vers le RSA pénalisera les couples biactifs, car ces deux dispositifs n’ont pas la même base de calcul. Je suppose que nous en reparlerons.
Pour en finir avec l’état des lieux, j’indique que la mise en œuvre d’un plan de rigueur d’ampleur – c’est ce que le Gouvernement s’apprête à faire – amputera une croissance déjà faible et fera repartir le chômage à la hausse. Dans tous les cas de figure, il n’y a pas d’issue heureuse.