M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote sur l'amendement n° 358 rectifié.
M. Richard Yung. Nous maintiendrons l’amendement, non pas par obstination, mais parce que les raisons que vous venez de nous donner, monsieur le secrétaire d’État, non seulement ne sont pas convaincantes, mais en outre suscitent de fortes craintes.
Nous sommes tout à fait d’accord pour débattre de questions telles que le périmètre de l’action collective ou l’indemnisation des préjudices, car il est vrai qu’un certain nombre de réglages restent à faire.
Mais, sur le fond, nous ne pouvons pas accepter la démarche qui consiste à inscrire ce dispositif dans le projet de loi de dépénalisation du droit des affaires. Dans notre esprit, la création d’un recours collectif a pour but non pas de « fluidifier l’économie », monsieur le secrétaire d’État, mais bien d’accroître les droits des consommateurs. C’est d’ailleurs le sens de la modification que nous venons d’adopter pour l’intitulé du chapitre Ier. Avouez qu’il y aurait de notre part une certaine incohérence à ne pas prendre cette position.
Et, quand nous parlons d’accorder par cette action de groupe de nouveaux droits aux consommateurs, nous entendons aussi leur donner du pouvoir d’achat supplémentaire. Voilà pourquoi de telles propositions trouvent pleinement leur place dans ce projet de loi de modernisation de l’économie.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. C’est la troisième fois que nous évoquons les actions de groupe dans cet hémicycle, dont deux fois en votre présence, monsieur Chatel.
Voilà presque deux ans, j’avais interrogé le Gouvernement sur ce sujet et l’on m’avait alors annoncé la création d’un groupe de travail. J’observe qu’il semble se mettre effectivement en place aujourd’hui. Mais cela fait deux ans que les consommateurs continuent à être obligés de payer sans pouvoir se défendre !
Je vous donnerai l’exemple d’une disposition que nous avons votée avec enthousiasme sur le temps d’attente téléphonique, lequel, désormais, ne doit pas être surtaxé. Mais savez-vous ce que font les opérateurs ? Ils décrochent à la troisième sonnerie, recherchent la personne chargée du dossier et font attendre leur interlocuteur environ cinq minutes, qui sont bien évidemment payantes. (M. le secrétaire d’État fait un geste de dénégation.)
Je l’ai vérifié auprès de deux opérateurs qui procèdent de la même façon !
Voilà comment sont détournées un certain nombre des dispositions que vous nous avez proposées et auxquelles j’ai adhéré !
Pour le moment, rien n’avance en ce qui concerne les actions de groupe. La grande nouvelle, ce soir, c’est qu’elles font désormais l’objet de recommandations européennes.
Telle est la raison pour laquelle, contrairement à la position adoptée par mon groupe, je voterai l’amendement n° 358 rectifié déposé par le groupe socialiste.
M. Richard Yung. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Je veux bien croire aux promesses et aux engagements de M. le secrétaire d’État, mais, comme viennent de le dire certains de mes collègues, ce n’est pas la première fois que nous entendons prononcer de tels propos, avec la même sincérité et le même enthousiasme !
On nous avait dit que l’action de groupe serait adoptée dans le cadre de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie. Aujourd’hui, le dispositif serait reporté à l’examen du projet de loi de dépénalisation du droit des affaires. Mais est-il vraiment judicieux d’inscrire dans un même texte la défense des consommateurs et la dépénalisation du droit des affaires ? J’en doute, ne serait-ce qu’en termes d’affichage !
Cette innovation a été maintes fois annoncée puis reportée. Il est temps que le Gouvernement accède enfin à la demande des consommateurs.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 505.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 21 A
I. - L'article L. 120-1 du code de la consommation est complété par un alinéa et un II ainsi rédigés :
« Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.
« II. - Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales, les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 122-11 et L. 122-11-1. »
II. - Le II de l'article L. 121-1 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après le mot : « utilisé », sont insérés les mots : « et des circonstances qui l'entourent » ;
2° Dans le deuxième alinéa, après le mot : « commerciale, », sont insérés les mots : « constituant une invitation à l'achat et ».
III. - Après le mot : « national, », la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 121-2 du même code est ainsi rédigée : « les pratiques commerciales trompeuses. »
IV. - L'article L. 121-6 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 121-6. - Les pratiques commerciales trompeuses sont punies des peines prévues au premier alinéa de l'article L. 213-1.
« L'amende peut être portée à 50 % des dépenses de la publicité ou de la pratique constituant le délit.
« Les dispositions de l'article L. 213-6 prévoyant la responsabilité pénale des personnes morales sont applicables à ces infractions. »
V. - L'article L. 122-11 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : «, et compte tenu des circonstances qui l'entourent » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. - Afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique, ou à une influence injustifiée, les éléments suivants sont pris en considération :
« 1° Le moment et l'endroit où la pratique est mise en œuvre, sa nature et sa persistance ;
« 2° Le recours à la menace physique ou verbale ;
« 3° L'exploitation, en connaissance de cause, par le professionnel, de tout malheur ou circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d'influencer la décision du consommateur à l'égard du produit ;
« 4° Tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ;
« 5° Toute menace d'action alors que cette action n'est pas légalement possible. » – (Adopté.)
Articles additionnels avant l'article 21 B
M. le président. L'amendement n° 522, présenté par Mmes Terrade, Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 21 B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 122-1 du code de la consommation est ainsi rédigé :
« Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service et de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit, sauf mauvaise foi ou abus du consommateur. »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement a pour objet d’éclaircir le problème de la vente liée, qui est pourtant encadrée par les articles L. 122-1 et L. 113-3 du code de la consommation.
L’article L. 122-1 interdit explicitement la vente liée d’un service avec un autre produit, qu’il s’agisse d’un service ou d’un bien.
L’article L. 113-3 dispose que : « Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services doit, par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur sur les prix, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle et les conditions particulières de la vente […] ».
Selon nous, ces dispositions vont dans le sens de la concurrence au service du consommateur, qui est informé du prix du produit qu’il achète et des différents services qui sont vendus avec le produit. Le consommateur peut alors faire son choix en connaissance de cause.
Selon la logique que nous défendons, cet amendement donne la possibilité au consommateur de demander que l’article lui soit vendu soit avec les services, soit sans les services s’il les juge superflus.
Il s’agit bien là de donner tous les éléments nécessaires au consommateur pour qu’il fasse son choix en conscience, en toute liberté.
Or l’exemple récent de la vente liant l’ordinateur à un système d’exploitation illustre le problème du monopole entretenu par les revendeurs, qui ne permet pas l’émergence de produits concurrents et donc la baisse des prix en faveur des produits concernés.
L’argument opposé par le tribunal de grande instance de Paris lors de l’assignation par UFC-Que Choisir de Darty est édifiant sur le flou de notre législation, puisque le TGI de Paris a rendu un jugement en faveur de l’enseigne dans les termes suivants : « La substitution d’un logiciel par un autre est une tâche particulièrement délicate […] hors de portée du consommateur moyen […] » la demande de produits “nus” étant à ce jour confidentielle ».
Cet argument ne tient aucun compte de l’évolution possible des choses, alors même que le secteur concerné, en l’occurrence, l’informatique, est relativement nouveau et en perpétuel mouvement.
Et quid des consommateurs qui sont capables de faire cette opération ? Ils vont payer un logiciel qu’ils n’utiliseront pas !
Le véritable intérêt du consommateur réside dans son pouvoir de choisir entre un ordinateur préinstallé et un ordinateur « nu », sachant que sa préférence peut évoluer dans le temps en fonction de ses besoins et des matériels disponibles. Ne préjugeons pas des besoins du consommateur. D’autres exemples pourraient être cités, mais le domaine de l’informatique est significatif, comme nous l’avons dit.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande, chers collègues, de voter notre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. L’adoption de cet amendement supprimerait, dans l’article du code de la consommation relatif à l’interdiction des refus de vente de produits ou de prestations de service, la référence au motif légitime autorisant de tels refus.
Dans la pratique, cet amendement autoriserait un consommateur à exiger de tout vendeur la vente d’une partie d’un bien ou d’une prestation de service. Ainsi, un concessionnaire serait tenu d’accepter de vendre uniquement une partie d’un véhicule, par exemple, le moteur, les roues, et non pas le véhicule entier. Vous voyez la difficulté… (Sourires.)
En réalité, il est véritablement avantageux pour le consommateur d’autoriser la vente de biens prêts à l’emploi et standardisés. L’amendement va trop loin dans les droits accordés aux consommateurs, ce qui pourrait être contraire aux intérêts de ces derniers.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Je profite de cet amendement pour dire la position du Gouvernement sur les ventes liées.
Bien que je ne partage pas le point de vue des auteurs de l’amendement, et je m’en expliquerai, je tiens à souligner qu’ils ont le mérite de soulever un problème très important pour les consommateurs.
Le Gouvernement souhaite davantage de transparence et de concurrence, notamment dans le secteur du matériel informatique, compte tenu également de l’évolution des attentes des consommateurs. Actuellement, plus de la moitié des consommateurs en France souhaiteraient qu’on leur donne le choix entre plusieurs systèmes d’exploitation et près de 10 % d’entre eux préféreraient qu’aucun système d’exploitation ne soit préinstallé sur l’ordinateur qu’ils achètent.
L’article L. 122-1 actuellement en vigueur du code de la consommation prohibe la vente liée de deux produits ou services dès lors qu’il n’est pas possible de les acquérir chacun séparément sur le lieu de vente.
La jurisprudence avait validé, voilà déjà une dizaine d’années, la pratique de la vente liée d’un ordinateur et d’un système d’exploitation préinstallé, au motif que l’avantage pour le consommateur de pouvoir disposer d’un ordinateur complet prêt à l’emploi était plus important.
Le Tribunal de grande instance de Paris a rendu récemment une décision importante, considérant que l’ordinateur et le système d’exploitation constituaient bien deux éléments distincts et que le consommateur devait connaître le prix de chacun de ces deux éléments.
C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ici présent et que je salue, de réunir hier l’ensemble des acteurs afin que nous nous orientions vers un système permettant d’afficher en magasin non seulement le prix du système d’exploitation mis en vente sur place, mais aussi le montant du remboursement dont le consommateur pourrait bénéficier. Ainsi, par déduction, ce dernier connaîtrait le prix de l’ordinateur « nu », sans système d’exploitation.
Un certain nombre d’acteurs, d’opérateurs, d’industriels et de distributeurs sont prêts à aller dans ce sens. Certes, cela ne fait pas l’unanimité, mais nous poursuivons les discussions et nous verrons à la rentrée quel est leur état d’avancement.
Je rappelle également que le Gouvernement peut prendre, par arrêté, des dispositions en la matière pour que le consommateur soit mieux informé de la possibilité qu’il a d’acheter séparément ces éléments.
Pour en revenir à votre amendement, madame Terrade, qui vise à supprimer, au sein de l’article L. 122-1, la référence au motif légitime, je vous rappelle qu’il existe actuellement des cas de vente de produits où, pour motif légitime, la vente liée est de l’intérêt du consommateur.
J’ajouterai aux exemples cités par Mme le rapporteur celui d’un téléphone portable vendu avec sa batterie de recharge ou des écouteurs, cas dans lesquels le motif légitime qui permet la vente liée favorise le consommateur.
M. Daniel Raoul. Pas franchement !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Si la mention était supprimée, ce serait au détriment du consommateur.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement, comme la commission, émet un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Les cas cités par Mme le rapporteur et M. le secrétaire d'État sont des contre-exemples parfaits du développement durable !
En réalité, on nous impose l’achat d’un chargeur à chaque changement de modèle de téléphone portable, y compris de même marque ! Je possède, chez moi, une collection de chargeurs qui sont incompatibles avec les différents appareils !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est juste !
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Si vous êtes vendeur, je suis preneur ! (Sourires.)
M. Daniel Raoul. Je ne considère pas que ce soit un avantage ni pour le consommateur ni pour l’environnement. (M. le secrétaire d État s’exclame.) En tous les cas, ce ne sont pas ces exemples-là qu’il aurait fallu prendre !
M. le président. L'amendement n° 531 rectifié, présenté par Mmes Terrade, Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 21 B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 113-3 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d'offre commerciale regroupant des produits distincts, le prix affiché doit individualiser celui de chacun des produits contenus dans l'offre. »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement, dont l’objet est similaire au précédent, se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Cet amendement est satisfait par le droit en vigueur, plus particulièrement par l’arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l’information du consommateur sur les prix, qui prévoit, dans son article 7, que les produits vendus par lots doivent comporter un écriteau mentionnant le prix total du lot, ainsi que le prix de chaque produit composant le lot.
Le jugement que vous avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, rendu par le Tribunal de grande instance la semaine dernière, donc tout récemment, est un très bon exemple, qui prouve que cette disposition est bel et bien applicable.
Aussi, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement, madame Terrade.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Pour les excellentes raisons développées par Mme le rapporteur, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Madame Terrade, l’amendement n° 531 rectifié est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. C’est une disposition qui est peut-être applicable, mais qui n’est pas appliquée, …
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Si, elle l’a été la semaine dernière !
Mme Odette Terrade. …. si l’on reprend notre exemple du téléphone et de tout ce qui est vendu avec, notamment les écouteurs ou la batterie de rechange.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 529 rectifié est présenté par Mmes Terrade, Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 663 rectifié est présenté par M. Biwer et les membres du groupe Union centriste - UDF.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 21 B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du second alinéa de l'article L. 420-2 du code du commerce est complétée par les mots : « notamment par le biais d'accords d'exclusivité ».
La parole est à Mme Odette Terrade, pour défendre l’amendement n° 529 rectifié.
Mme Odette Terrade. Cet amendement concerne les accords d’exclusivité.
En France tout comme dans le reste de l’Union européenne, des règles de concurrence préviennent les ententes et les abus de position dominante. Pourtant, la vente liée des ordinateurs et des logiciels persiste.
En effet, les accords que l’éditeur monopolistique Microsoft passe avec les constructeurs de matériel informatique, pour que ceux-ci équipent à moindre coût les ordinateurs qu’ils produisent pour le marché grand public avec le système d’exploitation Windows, de Microsoft, sont de réels abus de position dominante : l’entreprise impose aux constructeurs, pour pouvoir profiter de ces accords, qui se sont généralisés, d’équiper leur production exclusivement avec Windows.
Ainsi, il est pratiquement impossible, dans les circuits de grande distribution qui alimentent l’essentiel du marché grand public, de se procurer un ordinateur neuf sans que Windows soit préinstallé.
De telles pratiques ont des conséquences néfastes sur la consommation et la concurrence.
Pour les consommateurs, cela se traduit par une vente forcée de logiciels et des ordinateurs plus chers qu’ils ne devraient l’être.
Pour les concurrents de Microsoft, ce mécanisme de vente liée est une barrière infranchissable à l’entrée sur le marché.
En imposant des accords d’exclusivité, l’éditeur de Windows se dote ainsi d’un avantage considérable sur ses concurrents. Il use de sa position d’acteur dominant monopolistique : Windows prend 95 % des parts de marché grand public, notamment grâce aux accords passés avec les industriels pour conforter cette position.
Face à la réalité de ces pratiques, qui échappent à nos instances de régulation, telles que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, il apparaît nécessaire de clarifier les règles de la concurrence en précisant l’article L. 420-2 du code de commerce. Les accords imposant l’exclusivité à des partenaires commerciaux doivent être explicitement interdits, car ils sont nuisibles à la concurrence et causent un préjudice aux consommateurs.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande de voter notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, pour présenter l'amendement n° 663 rectifié.
M. Claude Biwer. Je n’aurai pas grand-chose à ajouter à l’argumentation strictement identique à la mienne qui vient d’être développée.
Je considère cependant, monsieur Raoul, qu’il existe une différence entre l’appareil téléphonique et son chargeur, qui ne s’adapte pas, et l’ordinateur dans lequel on adapte le logiciel qui convient à l’acheteur.
Ne pourrait-on trouver une solution permettant au consommateur de n’acheter et donc de ne payer que ce qu’il choisit et qui lui est utile ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Les amendements identiques nos 529 rectifié et 663 rectifié nous paraissent plutôt inutiles sur un plan juridique, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, les autorités communautaires et nationales chargées de la concurrence s’attachent à proscrire de manière systématique de telles pratiques, qui donnent lieu à des sanctions élevées, ainsi qu’en témoignent les amendes prononcées par la Commission européenne à l’encontre de Microsoft entre mars 2004 et février dernier, qui atteignent un total de 1,4 milliard d’euros.
En outre, l’enquête menée récemment par la DGCCRF a établi que les contrats passés avec la société Microsoft n’imposent pas aux constructeurs d’installer exclusivement Windows sur leurs ordinateurs, d’autres systèmes étant possibles. C’est ainsi que certains constructeurs d’ordinateurs proposent également d’autres logiciels au grand public, comme Linux, en lieu et place de Windows.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’est pas favorable, lui non plus, à ces deux amendements, pour les mêmes raisons que celles qu’a énoncées Mme le rapporteur.
D’une part, les autorités européennes, très vigilantes sur cette question, ont eu l’occasion de faire condamner lourdement certaines pratiques ; d’autre part, comme l’a indiqué également Mme Lamure, la DGCCRF a pu constater que des constructeurs offrent aujourd’hui au grand public la possibilité d’utiliser d’autres systèmes d’exploitation que le système Windows.
Comme je vous l’indiquais tout à l’heure, le Gouvernement préfère agir dans deux autres directions, qui lui semblent plus appropriées : offrir la possibilité au consommateur de choisir, en magasin, entre plusieurs systèmes d’exploitation ; améliorer la procédure du remboursement, qui, quoique possible aujourd’hui, est encore mal connue et complexe à mettre œuvre.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Monsieur le secrétaire d'État, le remboursement est une fausse piste.
Je ne sais pas quelles sont vos compétences en informatique, si vous êtes un virtuose, ou même un hacker (Sourires.), mais, pour faire court, essayez donc d’installer le système Linux sur une machine qui vous a été livrée avec Windows !
Mme Marie-France Beaufils. Exactement !
M. Daniel Raoul. C’est une véritable épreuve ! Je puis vous assurer que vous y passerez du temps !
Même si l’on vous rembourse le logiciel préinstallé, vous n’y gagnerez pas beaucoup, car vous serez sans doute incapable d’installer vous-même Linux à la place.
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 529 rectifié et 663 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)