M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet bien entendu un avis défavorable sur l’amendement n° 16, qui vise à supprimer une partie du dispositif. Je ne me lancerai pas aujourd’hui dans une dissertation sur l’esprit de l’éducation républicaine selon Jules Ferry, mais nous pourrons peut-être en discuter en d’autres occasions…
S’agissant de l’amendement n° 12, le Gouvernement aurait plutôt tendance à s’en remettre à la sagesse du Sénat.
La rédaction antérieure, issue de la loi du 20 décembre 1993, vous l’avez mentionnée, madame Le Texier, prévoyait explicitement la concertation avec les partenaires sociaux.
Depuis la loi du 31 janvier 2007, le Gouvernement a l’obligation de consulter les partenaires sociaux sur les décrets relatifs à l’emploi. Il est donc superfétatoire de le préciser dans le présent projet de loi.
Supprimer la radiation pour absence d’accomplissement d’actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, vous l’avez dit vous-même, madame David, et je vous remercie de votre honnêteté, équivaudrait à un retour en arrière par rapport au droit existant. Dans ces conditions, vous vous doutez bien que le Gouvernement ne peut être favorable à l’amendement n° 46.
À propos des amendements nos 13 et 47, je dirai que nous n’avons pas de doute sur la bonne application du dispositif par les agents du service public de l’emploi. C’est juste pour la clarté que le dispositif est ainsi expliqué. Monsieur Fischer, surtout un jour comme aujourd’hui, il n’est pas question de vous tacler. (Sourires.) Le Gouvernement émet cependant un avis défavorable.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 3. Il s’agit d’un apport intéressant de la commission, qui permet d’éclaircir la manière dont le dispositif fonctionnera au début.
Les amendements nos 14 et 48 visent à supprimer des dispositions qui existaient avant la rédaction de ce projet de loi. Comme sur l’amendement n° 46, le Gouvernement a émis un avis défavorable.
M. le président. En ce qui concerne l’amendement n° 12, la commission souscrit-elle à l’avis de sagesse du Gouvernement ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La commission considère que cet amendement n’est pas nécessaire, puisque le comité supérieur de l’emploi est de toute façon saisi pour avis. Pour la beauté des textes, elle préfère éviter d’ajouter des dispositions redondantes. Elle persiste donc dans son avis défavorable.
M. Jean Desessard. Le Gouvernement n’aurait pas dû en appeler à la sagesse du Sénat, mais à sa raison !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 47.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 3.
Mme Annie David. J’ai eu l’occasion de le dire cet après-midi, on voit là en quoi consistera le projet personnalisé d’accès à l’emploi.
M. le rapporteur estime que les cas visés par son amendement seront rarissimes. Or, avant même que le dispositif ne soit en place, pour une ou deux personnes qui ne voudraient pas s’engager dans le PPAE, on prévoit déjà des sanctions.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si l’on ouvre la porte, il y aura plus qu’une ou deux personnes !
Mme Annie David. C’est l’une des raisons pour lesquelles ce texte me choque.
Vous nous reprochez de faire des procès d’intention. En l’occurrence, c’est vous qui en faites à l’ensemble des demandeurs d’emploi. Qu’ils recherchent un emploi depuis longtemps ou depuis peu, vous les mettez tous dans le même sac !
De plus, M. le secrétaire d’État considère que cet amendement est un apport intéressant au fonctionnement du futur PPAE.
Décidément, je ne parviens pas adhérer à la philosophie de ce texte.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 48.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 2
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 49, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions de la présente loi entreront en vigueur concomitamment à la mise en œuvre de la nouvelle offre de service par l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail et au plus tard douze mois à compter de sa promulgation.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous considérons que le projet personnalisé d’accès à l’emploi ne peut en aucun cas être efficient s’il n’est pas couplé avec l’offre de service qui sera proposée par la nouvelle institution et dont le contenu dépend de la conclusion de la négociation relative à l’assurance chômage.
Comme je l’ai dit au cours de la discussion générale, nous avons du mal à comprendre que le présent texte puisse entrer en application alors même que la nouvelle institution ne verra le jour qu’à compter du 1er janvier 2009. Certes, le Gouvernement et la commission nous disent qu’il ne faut pas perdre de temps et mettre tout de suite ce texte en route pour aller dans le sens qu’ils souhaitent. Cette manière de procéder n’en est pas moins paradoxale.
Il convient donc de préciser que les dispositions de la loi entreront en vigueur concomitamment à la mise en œuvre de la nouvelle offre de service par le nouvel opérateur et, afin de ne pas risquer de priver d’efficacité des dispositions législatives, au plus tard douze mois à compter de sa promulgation.
M. le président. L’amendement n° 51, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Jusqu’à la date de création de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail et prévue par l’article 9 de la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi, l’Agence nationale pour l’emploi se substitue à l’institution susmentionnée pour l’application des dispositions de la présente loi.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 49.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. L’amendement n° 51, qui répond d’ailleurs à une interrogation de Mme Le Texier, a pour objet d’organiser la période transitoire durant laquelle le nouvel opérateur ne sera pas encore en charge de l’application du dispositif.
Sur l’amendement n° 49, le Gouvernement émet un avis défavorable pour une raison sur laquelle nous avons eu l’occasion de nous expliquer en commission. En effet, le nouvel opérateur ne va pas naître du big-bang. Il ne suffira pas, le 1er janvier 2009, comme par magie, d’allumer la lumière.
Durant la période transitoire, on n’arrêtera pas bien évidemment de s’occuper des demandeurs d’emploi. Des améliorations concrètes ont déjà été mises en place, et le dispositif doit continuer à se perfectionner petit à petit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a émis le même avis défavorable que le Gouvernement sur l’amendement n° 49. L’ANPE dispose de tout le savoir-faire. Les contrats de progrès qu’elle a signés avec l’État en 2006 préfiguraient déjà certaines mesures contenues dans le projet de loi.
Quant au petit hiatus juridique qui aurait pu exister entre aujourd’hui et le 1er janvier 2009, l’amendement n° 51 vise à y remédier. La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l’amendement n° 51.
Mme Raymonde Le Texier. Je souhaite poser une question.
Monsieur le secrétaire d’État, au travers de cet amendement, vous proposez que l’ANPE se substitue provisoirement à l’organisme qui sera chargé de mettre en application cette loi.
Je souhaite simplement vous interroger sur le fait que les personnels de l’ANPE qui accompagnent actuellement les demandeurs d’emploi prennent en charge environ 90 personnes, s’agissant des demandeurs d’emploi de plus de quatre mois qui sont les seuls à bénéficier d’un suivi un peu personnalisé, et près de 130 à 140 personnes si l’on inclut tous les demandeurs d’emploi qui ont affaire à eux.
Or il ne s’agit pas uniquement de suivre les demandeurs d’emploi. Il me semble également indispensable que les conseillers aient des contacts avec les entreprises, et pas uniquement des contacts téléphoniques. Ils ne doivent pas se contenter de classer les offres d’emploi. Ils doivent se rendre sur place, voir ce qui est proposé, à quoi ressemblent les postes, etc.
Ce n’est pas la peine que je développe plus longuement mes propos. Il doit paraître évident à chacune et à chacun d’entre nous que ce que vous proposez dans ce texte de loi ne peut pas être réalisé par un conseiller, qui a en charge 130 ou 140 demandeurs d’emploi.
Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d’État, que vous me précisiez votre façon de voir les choses.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’avais préparé une longue explication de vote, mais tout a été dit au cours de ce débat. Je vous épargnerai donc la répétition des propos que j’ai tenus tout au long de cette soirée.
Pour mon groupe, véritablement, le Gouvernement et sa majorité viennent de franchir un pas supplémentaire dans la mise en œuvre de leur politique libérale.
Vous l’avez admis vous-même, monsieur le secrétaire d’État, c’est un projet très cohérent qui s’inscrit dans une logique tout à fait construite, texte après texte, quel que soit le thème abordé ou la commission concernée : pour la commission des affaires culturelles, c’est l’école et l’université ; pour la commission des affaires sociales, c’est le monde du travail.
Quoi qu’il en soit, dans toutes les commissions, nous constatons que vous proposez à nos concitoyens un nouveau projet de société. Cette politique libérale, malheureusement, amplifiera la précarité pour un plus grand nombre. Nous ne pouvons évidemment pas soutenir votre projet.
Nous nous sommes inscrits dans une dynamique constructive. Nous l’avons dit d’entrée de jeu : nous étions opposés à ce texte. Cependant, nous avons tenté de l’améliorer en déposant un certain nombre d’amendements. L’un d’entre eux seulement a été adopté. Je m’en réjouis, même si ce n’est bien évidemment pas suffisant ; cela ne nous conduira pas à voter en faveur de ce texte.
Mes chers collègues, j’espère que parmi vous ou parmi les vôtres personne n’aura à subir dans sa vie quotidienne les conséquences du texte que nous allons adopter, car les demandeurs d’emploi seront bien malmenés dans un futur proche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi est sous-tendu par l’idée que les chômeurs ne sont pas totalement innocents de leur sort, surtout s’il se prolonge.
Les chômeurs, qui n’ont pas demandé à être licenciés, sont mis en grande difficulté par le licenciement et doivent de surcroît supporter l’opprobre et le soupçon constant de ne rien faire pour retravailler.
Toutes les études montrent pourtant que les contraintes ne sont d’aucune utilité si, en face, il n’y a pas de vrais emplois à proposer, à moins, bien sûr, que l’on ne se résigne à voir réapparaître par milliers et par millions ces travailleurs que l’on appelait autrefois le sous-prolétariat.
Ce texte est donc constitué d’obligations, d’injonctions et de menaces qui serviront non pas à développer l’économie, mais plutôt à réaliser des économies sur les dépenses sociales, au détriment des plus pauvres d’entre nous.
Son objet n’est pas de favoriser la création d’emploi, mais de diminuer le nombre d’allocataires de l’assurance chômage par tous les moyens possibles, même au prix d’une petite politique démagogique, et de faire, bien sûr, baisser les statistiques !
C’est la croissance qui fait les emplois, et la croissance n’est pas au rendez-vous.
On peut incriminer la conjoncture et les excès du capitalisme financier, celui que M. Bébéar appelle le « capitalisme du désastre ». On peut raconter que les caisses sont vides après avoir promis monts et merveilles. Mais tout cela ne fait pas une politique économique digne de ce nom !
Jusqu’ici, c’est la consommation qui tirait le peu de croissance de notre économie. La consommation, malgré un rebond au mois de mai, suit une tendance à la baisse. La croissance également. Nous ne la retrouverons pas en augmentant le nombre des travailleurs pauvres, le nombre de ceux qui s’échinent pour ne pas gagner de quoi vivre.
C’est une véritable poudrière, qui touche maintenant par contagion les petits entrepreneurs, les commerçants et les artisans. Aucune perspective n’est aujourd’hui offerte, si ce n’est celle d’une aggravation de la condition de la plupart de nos concitoyens. Ce texte contribue à cette aggravation de manière modeste, mais significative.
Quant aux salariés, on leur a promis qu’ils pourraient travailler plus pour gagner plus. Ce texte leur intime l’ordre, en toutes lettres, de travailler plus pour gagner moins, en faisant peser sur eux la menace terrifiante de ne plus rien gagner du tout !
Nous exprimons notre totale désapprobation à l’égard d’une politique qui laisse filer les profits spéculatifs aux dépens du partage équitable des richesses, d’une politique entièrement soumise au libéralisme le plus doctrinaire, loin de tout réalisme, loin de ce « bon sens » que vous revendiquez.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous trouvez durs avec ce texte, mais c’est parce qu’il est dur avec les Français ! Vous nous dites qu’il ne faut pas tomber dans la caricature. Pourtant, sous le vernis de la raison, ce texte frôle la caricature !
Vous nous dites que ce texte correspond à ce que les Français attendaient. Pour notre part, nous croyons que les Français n’attendent pas plus de précarité, pas plus de bas salaires. Nous croyons que ce n’est pas ce que les Français vous ont demandé.
Nous croyons que les Français n’attendent pas de voir la baisse du chômage sur le petit théâtre de la politique, mais qu’ils attendent juste de pouvoir vivre décemment des fruits de leur travail. Ce texte ne les y aidera probablement pas.
« La croissance, j’irai la chercher avec les dents », avait lancé M. Sarkozy pendant sa campagne. Malheureusement, même avec les dents, cela ne suffira pas !
Mme Annie David. Il faut croire qu’il a un mauvais dentier !
Mme Raymonde Le Texier. La croissance et son corollaire, l’emploi, ne reviendront dans notre pays qu’avec une politique favorisant l’investissement productif, la recherche, les travaux d’infrastructure, des emplois convenables et des salaires corrects. Vous accomplissez méthodiquement l’inverse, ce qui justifie notre opposition.
Le groupe socialiste votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai déjà dit dans la discussion générale, au nom du groupe du RDSE, le bien que nous pensions de ce texte.
Au moment de conclure et de voter sur l’ensemble, je ne peux que réaffirmer cette position et m’étonner de l’opposition de certains de nos collègues.
Je connais bien leur humanité. Or, s’il y a une chose qui me semble caractéristique de ce texte et qui constitue un progrès considérable par rapport aux méthodes antérieures, c’est bien le projet personnalisé d’accès à l’emploi, son évolutivité, le fait qu’il instaure un suivi dans le temps, une relation personnelle entre des agents du service public et les demandeurs d’emploi.
C’est donc, au contraire, une relation humaine qui s’établit. Comme toute relation humaine, elle ne fera que s’enrichir dans la durée et deviendra de plus en plus compréhensive à l’égard de la situation difficile des demandeurs d’emploi.
Autrement dit, une humanité est sécrétée automatiquement par la procédure elle-même. Ne sont aveugles, ne sont inhumains, ne sont complètement abstraits que les mécanismes informatiques, les applications de techniques pures, exemptes de contact humain.
La méthode mise en place par l’évolution de cet équilibre réciproque entre les droits et les devoirs, aussi bien pour les services publics que pour les demandeurs d’emploi, me semble être un gage d’humanité, de compréhension mutuelle.
C’est pourquoi le groupe du RDSE votera dans sa grande majorité en faveur de ce projet de loi, qui constitue un progrès non seulement technique, mais surtout humain en matière d’accès à l’emploi.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, permettez-moi de vous remercier, vous et les différents présidents de séance qui se sont succédé aujourd’hui, de la bonne tenue de nos débats.
Je vous remercie également, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir pris le temps de nous expliquer les points qui nous semblaient difficiles à comprendre. Un court instant, en début de soirée, j’ai eu peur, car les réponses étaient laconiques ; mais le débat avançant, vous avez pris le temps de bien vous expliquer, et je vous en sais gré.
J’ai admiré la contribution des sénateurs du groupe UMP durant tout le débat (Sourires sur diverses travées), de leurs amendements, de leurs interventions, et j’ai été émerveillé…
Mme Annie David. Du silence assourdissant de la majorité !
M. Jean Desessard.… par leurs différentes prises de parole ! (Nouveaux sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Qui ne dit mot consent !
M. Jean Desessard. Sur le fond, je suis obligé de dire qu’il existe un désaccord profond entre la droite et la gauche sur ce projet de loi, ce qui s’est vu. Ça ne s’est pas entendu, parce qu’on n’a pas entendu grand-chose à droite, mais ça s’est vu !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Quand la gauche est au pouvoir, elle ne change pas grand-chose sur les sanctions !
M. Jean Desessard. Non, parce que la gauche pense que le problème de l’emploi est d’abord lié au système économique !
Elle pense qu’il est également lié à des mesures politiques qui peuvent être prises à certains moments pour aider le développement économique, par exemple en lançant des plans nationaux en faveur de l’emploi dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de la justice.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Par exemple, les 35 heures !
M. Jean Desessard. À la suite du Grenelle de l’environnement, nous attendons que soit mis en place un plan pour développer l’éolien ou que soient prises des mesures environnementales.
Notre analyse est donc que l’emploi résulte d’abord d’une organisation économique. Mais la droite n’est pas d’accord ! Elle affirme que, si l’emploi n’est pas au rendez-vous, c’est la faute aux chômeurs ! Elle pense qu’il suffit de réorganiser l’ANPE, d’élaborer un projet personnalisé d’accès à l’emploi pour créer, d’un seul coup, de l’emploi !
C’est sur cette analyse qu’il existe entre nous une différence fondamentale !
Nous pensons qu’en prenant de telles dispositions, vous stigmatisez le chômeur. Vous, vous leur dites que, s’ils n’ont pas d’emploi, c’est leur faute, car ils ne sont pas capables d’en trouver, soit parce qu’ils sont trop fainéants, soit parce qu’ils ne sont pas assez formés !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Sauf qu’en 1995 il y avait 3 millions de chômeurs et que la situation s’est améliorée !
M. Jean Desessard. J’ai du mal à saisir la cohérence de ce projet de loi.
Vous affirmez qu’il y a entre 400 000 et 500 000 offres d’emploi non pourvues, et seulement 5 % des chômeurs seraient réticents à travailler. Pourquoi aurait-on du mal à faire la liaison entre ces 95 % de chômeurs qui seraient prêts à travailler et les 400 000 à 500 000 offres d’emploi non pourvues ?
Il ne vous vient pas à l’esprit que ce pourrait être en raison des bas salaires, de la pénibilité du travail, de la formation ! Sur tous ces points, vous n’avez apporté aucune réponse.
Vous nous dites qu’il faut établir un bilan personnalisé, accepter de parcourir un certain nombre de kilomètres pour aller trouver du boulot. À quoi cela sert-il ?
Regardez ce qui se passe aujourd’hui ! Un cadre refuse qu’on passe l’aspirateur dans son bureau à dix heures du matin : on oblige donc des personnes à venir passer l’aspirateur à sept heures. Les boulots les plus pénibles, les moins payés, sont effectués de sept heures à neuf heures du matin pour ne pas déranger ceux qui travaillent, eux, entre dix heures et dix heures et demie !
Pour adapter l’organisation du travail à la clientèle, on fait venir le personnel quand les clients sont là, mais on ne va pas le payer quand il y aura moins de clients ! Donc les personnes viennent le matin, repartent, puis reviennent !
Est-ce là le projet de société que vous proposez ?
Quelles sont les propositions du Gouvernement sur ces conditions de travail, sur ces horaires ? Car c’est là qu’est la vraie question ! Si l’on proposait d’autres salaires, d’autres conditions de travail, d’autres horaires, peut-être davantage d’offres d’emploi seraient-elles satisfaites ! Après tout, les gens ne sont pas obligés de tout accepter !
Indiscutablement, nous n’avons pas la même approche du problème.
En fin de compte, votre projet, sous couvert de faire travailler tout le monde, a pour objet d’adapter l’économie française en « cassant » le droit du travail, en ajustant les conditions de travail des salariés français à la compétitivité internationale. Du reste, ce n’est pas la première fois que le Gouvernement nous soumet un texte allant dans ce sens, et M. Sarkozy a bien expliqué que telle devait être l’orientation à suivre.
Mieux vaudrait, dans la perspective du « projet humain » dont parlait M. Seillier, s’interroger sur l’évolution de la société au regard des exigences écologiques, sur les ressources qu’il faut garantir pour demain, sur le type de travail que l’on souhaite promouvoir. Veut-on que les personnes vivent décemment de leur travail ? Peut-on se satisfaire que, au contraire, perdant sans cesse de leur pouvoir d’achat, elles soient obligées d’aller habiter de plus en plus loin de leur lieu de travail parce qu’elles ne peuvent plus payer leur loyer ?
Au lieu de s’interroger sur le projet de société que l’on veut pour demain, on tente de s’adapter aux systèmes économiques des pays émergents et à la pauvreté.
Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, vous croyez que vous allez enrichir la France. Au contraire, avec ce projet de loi, et d’autres, les pauvres vont s’appauvrir. Peut-être les riches vont-ils s’enrichir…
Mme Annie David. C’est sûr !
M. Jean Desessard. Mais les riches n’apportent rien ! Ils investissent leur argent dans d’autres pays. Ils établissent leur domicile fiscal à l’étranger afin de bénéficier de dispositions plus favorables. Donc, lorsque les pauvres s’appauvrissent, c’est tout le pays qui s’appauvrit.
Vous croyez développer l’économie de notre pays, alors que vous participez à un mouvement qui ne fait qu’accentuer son appauvrissement. Non seulement vous allez faire souffrir les pauvres, qui vont devenir de plus en plus en pauvres, mais vous allez également contribuer à appauvrir l’ensemble de la population.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble des intervenants de la qualité des discussions que nous avons eues sur ce texte. En effet, s’agissant d’un sujet qui met profondément en cause nos conceptions de la politique sociale et la solidarité, nous sommes malgré tout parvenus à débattre de manière constructive et respectueuse.
Ce moment était pour moi d’autant plus important que c’était la première fois que je défendais un projet de loi devant le Parlement ; ce fut pour moi un honneur de le présenter devant le Sénat.
Je veux plus particulièrement dire ma gratitude à M. Dominique Leclerc pour la qualité du travail qu’il a accompli en tant que rapporteur et dont il nous a su nous faire profiter. Il nous a vraiment permis d’enrichir le texte sur des aspects déterminants, sans parler des amendements dont ont fait l’objet certains points sur lesquels il nous a alertés.
Je remercie également le président About, qui, tout au long de ces débats, m’a prodigué de sages conseils, que j’ai grandement appréciés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous me flattez ! (Sourires.)
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie tous ceux qui, sur l’ensemble des travées, ont permis, par leurs contributions au débat, de clarifier les positions et d’éclairer les votes.
Je salue aussi le président Adrien Gouteyron, avec qui je partage la même terre d’élection, qui nous est à tous deux très chère.
Enfin, je remercie les services du Sénat qui ont, par leur compétence, leur travail et leur disponibilité, ont contribué à la qualité de ce débat.
Permettez-moi, en conclusion, de revenir sur quelques idées très simples.
Je rappelle que ce projet de loi s’insère dans un dispositif d’ensemble destiné à améliorer le fonctionnement du service public de l’emploi. Il repose sur deux idées essentielles.
La première, c’est qu’il faut être capable de développer une logique de sur-mesure permettant de prendre en compte la diversité des trajectoires de nos concitoyens. Depuis vingt ans, nous étions enfermés, face à une situation de chômage de masse, dans une logique administrative et anonyme qui n’est pas pertinente pour favoriser un vrai retour à l’emploi.
La deuxième idée fait, c’est vrai, l’objet d’une profonde divergence entre la majorité et l’opposition, mais nous l’assumons totalement : nous pensons, nous, qu’il faut trouver un équilibre entre, d’une part, le fait de mieux accompagner ceux qui cherchent un emploi et, d’autre part, le fait de mieux contrôler ceux qui, fussent-ils très minoritaires, abusent du système.
Nous considérons en effet qu’il y a là un principe d’équité, dont le respect permettra d’assurer la pérennité d’un dispositif d’indemnisation généreux. Cela met bien en jeu une certaine conception de la politique sociale.
Nous ne pouvons maintenir une politique sociale généreuse qu’à deux conditions : d’abord, en arrivant à sortir de dispositifs de pure indemnisation administrative et, d’autre part, en assumant - ce que notre pays n’a sans doute pas suffisamment fait par le passé - le fait de contrôler les abus.
Ce contrôle des abus n’est pas un sujet anecdotique. Que 5 % des allocataires puissent abuser du système n’est pas un fait négligeable. L’équité nous impose de lutter contre ces abus, car ce système suppose que des budgets importants y soient consacrés, budgets dont nous sommes comptables devant l’ensemble de nos concitoyens. De ce point de vue, c’est bien la façon dont on conçoit la politique sociale qui est en cause.
S’agissant des résultats de la politique de l’emploi, vous me permettrez de souligner que ceux que nous avons obtenus sont les meilleurs qui aient été enregistrés en trente ans. C’est tout de même un élément qui mérite d’être relevé.
Il nous reste d’autres pages à écrire ensemble : l’avancée concrète du service public de l’emploi, la réforme de la formation professionnelle - vous avez été nombreux à l’évoquer, notamment M. Seillier – et, enfin, le retour vers l’emploi des seniors et des jeunes, qui, de façon plus ou moins tacite, sont depuis trop longtemps exclus du marché du travail. Ces pages futures donneront lieu, je l’espère, à d’autres débats tout aussi constructifs. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)