M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Je veux rappeler à M. Assouline que le seul Président de la République qui ait fait prendre des sanctions contre des parlementaires pour des propos qu’il estimait déplacés à son égard, c’est François Mitterrand à l'Assemblée nationale,…
M. Michel Charasse. C’est faux !
M. Michel Charasse. Il n’a jamais rien demandé ! C’est faux !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. En tout cas, le président de l'Assemblée nationale a affirmé que c’était à la demande du Président de la République !
M. Michel Charasse. C’est archifaux !
M. Jean-Michel Baylet. C’est l’Assemblée nationale qui a sanctionné !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur Charasse, ne revenons pas sur ce point !
Monsieur Bel, j’ai sincèrement beaucoup de respect pour vous, comme pour l’ensemble des parlementaires qui sont ici, parce que j’ai longtemps siégé à vos côtés et que j’estime que la démocratie est un combat. Elle se mérite et se conquiert.
Mais nous présenter les propos d’un parlementaire, aussi respectable soit-il, comme la vérité du Gouvernement et le fondement de la réforme constitutionnelle,…
M. Jean-Pierre Bel. Je n’ai pas dit cela !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. …par avance votre opinion. En fait, avant même que nous n’entamions ce débat, vous ne vouliez pas de la réforme !
M. Jean-Pierre Bel. Vous savez bien que non !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Jamais, à l'Assemblée nationale, les élus socialistes, ou communistes, d’ailleurs, n’ont dit, pendant tout le débat, que la réforme se réduisait à cette question. La preuve en est, plus de vingt amendements de gauche ont été adoptés sur le référendum d’initiative populaire et sur l’extension des pouvoirs du Parlement.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le vrai débat concerne l’extension des pouvoirs du Parlement. Vous savez parfaitement que la réforme est centrée sur cette question (M. Jean-Pierre Bel fait un signe de dénégation), et vous essayez a priori de trouver des prétextes pour ne pas l’accepter !
M. Dominique Braye. En fait, vous la refusez !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je vous le dis, monsieur Bel, ou bien nous travaillons ensemble pour trouver un terrain d’entente sur l’ensemble des pouvoirs du Parlement, ou bien vous dites d’office que vous ne souhaitez pas avancer sur ce point,…
M. David Assouline. Quelles avancées ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. …et là, c’est vous qui fermez le débat ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Charasse. Un mot pour l’Histoire, monsieur le président !
M. le président. Vous vous êtes déjà exprimé, mon cher collègue !
M. Michel Charasse. Je ne puis laisser dire – mais M. Karoutchi a pu se tromper – que le président Mitterrand a demandé des sanctions contre des parlementaires !
M. Michel Charasse. Lorsque M. Toubon l’a interpellé violemment à l'Assemblée nationale, c’est un groupe de députés de droite résistants dirigé par le général de Bénouville…
M. Robert Badinter. Tout à fait !
M. Michel Charasse. …qui a demandé aux autorités de l'Assemblée nationale de prendre des sanctions ! François Mitterrand était trop fier pour s’abaisser à ce genre de choses !
En revanche, monsieur le secrétaire d'État, lorsque le député socialiste Berson a mis en cause publiquement et gravement Roger Frey, alors président du Conseil constitutionnel, en l’accusant de s’opposer aux nationalisations pour défendre ses intérêts personnels, le Président de la République a publié un communiqué pour regretter ces propos, soulignant en particulier qu’ils visaient une personne qui, en raison de son statut et de sa stricte obligation de réserve, ne pouvait se défendre publiquement.
L’incident est clos, mais, je vous en prie, ne mêlez pas François Mitterrand à ce type de bassesse !
M. Jean-Michel Baylet. Très bien !
M. Jean-Pierre Bel. Concernant l’intervention de M. le secrétaire d’État, puis-je avoir un droit de réponse, monsieur le président ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !
M. le président. Non, cette discussion est close !
M. Jean-Pierre Bel. Je ne peux vraiment pas répondre ?
M. le président. C’est terminé !
M. Bernard Frimat. Vive la démocratie !
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
(M. Philippe Richert remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
Article additionnel après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin, Laffitte, Marsin et A. Boyer, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'article 19 de la Constitution, les références : « 56 et 61 » sont remplacées par les références : « 56, 61 et 65 ».
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Alors que le président de la République, aux termes de l’article 64 de la Constitution, « est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire », il est la seule des autorités de nomination énumérées à l’article 65 de la Constitution qui est soumise à la règle du contreseing pour nommer une personnalité qualifiée au Conseil supérieur de la magistrature.
Les présidents des assemblées, le défenseur des droits des citoyens et le président du Conseil économique et social n’étant soumis à aucune formalité particulière, hormis les consultations parlementaires préalables, il est suggéré d’ajouter l’article 65 à la liste des formalités que le président de la République peut accomplir sans contreseing. Il est en effet la seule personne à être tenue à cette obligation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La règle du contreseing n’apparaît pas, en l’occurrence, comme une limitation du pouvoir de nomination du président de la République, qui sera par ailleurs soumis à l’avis du Parlement.
Par définition, il n’y a pas de contreseing pour les autres autorités, puisque le président de la République est le seul ! Par conséquent, cet amendement ne nous paraît ni indispensable, ni même très utile, et la commission des lois y est défavorable.
Nous verrons pour la désignation des membres du Conseil supérieur de la magistrature.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Le président de la République ne peut pas être la seule autorité à avoir besoin d’un contreseing pour désigner librement un membre du Conseil supérieur de la magistrature ! On pourrait quand même ajouter l’article 65 à la liste des actes dispensés de contreseing.
Le président du Conseil économique et social, qui est élu dans les conditions que vous savez, pourrait librement désigner, et le président de la République, après l’avis de la commission, ne pourrait nommer que si le Premier ministre veut bien contresigner ? Non, mais, franchement !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je vous rappelle que nous ne souhaitons pas que le défenseur des droits des citoyens et le président du Conseil économique et social désignent des membres du Conseil supérieur,...
M. Michel Charasse. D’accord !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. ...sinon on tombe dans l’anecdotique !
M. Michel Charasse. Mais les présidents des assemblées n’ont pas besoin de contreseing !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Par définition ! Tous les pouvoirs du président de la République nécessitent un contreseing.
M. Michel Charasse. Non, pas tous !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quand ce n’est pas le cas, il y a des raisons !
M. Michel Charasse. Des exceptions !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais il y a des raisons majeures !
Personnellement, je ne suis donc pas favorable à votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Je me rallie à ce que vient de dire M. Hyest.
M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 9 rectifié bis.
M. Michel Charasse. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié bis est retiré.
Article additionnel après l'article 7, après l'article 8 ou avant l'article 9
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 179, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, le mot : « parlementaire » est remplacé par le mot : « électif ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’article 23 de la Constitution stipule que « Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle ».
En 1997, la décision du gouvernement Jospin d’ajouter à cette liste d’incompatibilités tout mandat exécutif local a créé une véritable jurisprudence, reconduite par les gouvernements successifs et qui, à quelques exceptions près, est devenue la norme.
Véritable progrès démocratique, adopté par des gouvernements de gauche comme de droite, cette règle aurait dû tout naturellement passer du statut coutumier au statut constitutionnel. C’est d’ailleurs ce que proposait le comité présidé par M. Balladur.
Je vous épargne des épisodes récents – dont beaucoup des acteurs sont aujourd’hui ministres ou secrétaires d’État – qui illustrent combien cette règle a été largement abandonnée, permettant aux cumuls des mandats de croître de nouveau !
Madame le garde des sceaux, vous êtes bien placée pour savoir que la tâche de ministre est exigeante et qu’elle demande une disponibilité quasiment absolue, peu conciliable avec une fonction d’élu.
Il nous paraît absolument nécessaire de redonner aujourd’hui à la règle de non-cumul toute sa place en l’inscrivant dans l’article 23 de la Constitution.
M. le président. L'amendement n° 364, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé : Le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les fonctions de membre de Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, la présidence d'un exécutif ou d'une assemblée d'une des collectivités territoriales mentionnées à l'article 72, les fonctions de maire, toute fonction de représentation professionnelle à caractère national, tout emploi public et toute activité professionnelle.
« Un membre du Gouvernement ne peut exercer qu'un seul mandat électif au sein d'une assemblée territoriale. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. La question de la possibilité pour les ministres d’être également élus est une question centrale. Elle a fait l’objet d’une attention particulière de la part du comité Balladur. Selon un extrait de son rapport, « rien ne justifie qu’un ministre ne se consacre pas exclusivement à sa tâche ».
Je vous rappelle que le Président lui-même était favorable à la règle de non-cumul de la fonction de ministre avec l’exercice d’un mandat exécutif local. Je vous renvoie à sa lettre de mission envoyée au Premier ministre à l’époque. Bref, nous avions là un consensus, mais sa traduction a disparu du projet de loi constitutionnelle...
Nous pensons aujourd’hui qu’il est inconcevable d’être ministre et maire d’une commune, notamment de plus de 20 000 habitants. La fonction de ministre est une fonction à plein temps. À défaut de preuve scientifique du don d’ubiquité, cette fonction est incompatible avec toute fonction exécutive ou tout emploi. C’est la raison du dépôt de cet amendement.
Je vous rappelle que les ministres disposeront bientôt d’un parachute leur permettant de retrouver leur siège de parlementaire : il me semble qu’il s’agit là d’une compensation suffisante à l’interdiction de cumul des mandats.
M. Alain Gournac. Et pour Mme Voynet, qu’est-ce qu’on fait ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Elle est cosignataire, donc décidée à s’appliquer la règle. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous propose d’arrêter les discussions particulières, sinon M. Frimat ne pourra pas présenter ses excellents amendements !
L'amendement n° 429, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, le mot : « parlementaire » est remplacé par le mot : « électif ».
L'amendement n° 430, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, après les mots : « mandat parlementaire, », sont insérés les mots : « de tout mandat de maire dans une commune de plus de 3 500 habitants, de toute fonction de président de conseil général ou de conseil régional, de toute fonction exécutive au sein d'un établissement public de coopération intercommunale, ».
L'amendement n° 431, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Les incompatibilités applicables aux membres du Parlement le sont également aux membres du Gouvernement. »
Vous avez la parole, monsieur Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Je vous remercie, monsieur le président, d’avoir qualifié ces amendements d’excellents. C’est un jugement de valeur qui me va droit au cœur (Sourires), d’autant qu’ils reprennent, pour partie, les amendements qui ont été défendus par Mme Assassi et par Mme Boumediene-Thiery. Je constate que la présidence trouve son chemin de Damas, ce qui ne peut que réjouir celui qui ne connaît pas ce chemin !
L’amendement no 430 est une disposition de repli par rapport à l’amendement n° 429, qui pose le problème, important me semble-t-il, de l’exercice des fonctions ministérielles.
Nous sommes tout à fait persuadés que, même en ces temps de travail précaire ou de développement du travail à mi-temps, la fonction de ministre exige d’être exercée à plein temps. On ne peut pas être ministre trois jours par semaine et, le reste de la semaine, regagner son département, sa collectivité territoriale, sa ville. Cela ne nous semble pas sain.
Dans l’opinion publique, d’ailleurs, cette idée se répand de plus en plus. Le président de la République lui-même – Alima Boumediene-Thiery le rappelait –, dans sa lettre de mission, avait clairement évoqué ce thème dans le sens du non-cumul de la fonction ministérielle et de l’exercice d’un quelconque mandat électif. L’ancien Premier ministre Édouard Balladur et les membres de son comité, à l’unanimité, sont arrivés à une conclusion identique.
Par conséquent, il nous semble que cette modification est nécessaire dans un souci de modernisation.
Monsieur Karoutchi, vous devez être sensible à ce sujet de cumul de fonctions ministérielles avec d’éventuelles autres fonctions. Mais ne dites pas que nous abordons ce débat de manière fermée. Nous avons suffisamment dit que nous attendions de connaître l’attitude du Gouvernement et que nous l’écouterions dans le débat. Or de quoi nous apercevons-nous ? Après les déclarations qui sont faites, quand nous engageons le débat, les positions ne varient jamais !
Pourtant, une telle modification s’inscrit vraiment dans la modernisation de la vie politique. Le fait que des ministres soient des ministres à plein temps semble être une nécessité.
Permettez-moi, monsieur le président, de faire allusion à quelque chose que vous avez bien connu dans une vie antérieure : le développement de la décentralisation. Les fonctions au sein des collectivités locales ont connu un tel développement que, de la même façon, elles réclament un temps de plus en plus important. En vérité, c’est le problème général du cumul qui est posé.
Ne sombrons pas dans le travers qui consiste à nous renvoyer les exemples de la situation d’un tel ou d’un tel. Dépassons ce stade ! Si nous voulons véritablement que les ministres assument leurs fonctions, il faut qu’ils l’exercent à plein temps. À mes yeux, il en va de même pour les parlementaires.
Voilà les raisons pour lesquelles nous soutenons ces amendements de principe. Ces dispositions seront d’autant plus comprises par les citoyens qu’elles correspondent parfaitement à leur attente.
Certes, je comprends très bien le déchirement qu’elles provoqueront pour un certain nombre des personnes qui cumulent aujourd’hui des fonctions. Il faudra sans doute que le changement s’opère à une vitesse permettant qu’un tel déchirement ne se transforme pas en arrachement, mais ce changement est nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cointat, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Le président Jean-Jacques Hyest, rapporteur, m’a demandé de le remplacer quelques instants. Je vais donc m’efforcer de le suppléer le mieux possible.
Mes chers collègues, là encore, ces amendements constituent une série cohérente traitant du même sujet : le cumul des mandats.
La majeure partie de ces amendements tend à restreindre les règles d’incompatibilité applicables aux fonctions gouvernementales.
Ainsi, l’amendement n° 429 mais aussi l’amendement n° 364 de Mme Boumediene-Thiery et l’amendement n° 179 du groupe CRC interdisent tout cumul entre une fonction gouvernementale et un mandat électif.
L’amendement n° 430 du groupe socialiste est plus restrictif en posant une incompatibilité entre une fonction gouvernementale et une fonction exécutive locale, à l’exception du mandat de maire d’une commune de moins de 3 500 habitants, et l’amendement n° 431 des mêmes auteurs prévoit l’application aux ministres des incompatibilités en vigueur pour les parlementaires, définies aux articles L.O. 137 à L.O. 153 du code électoral.
Sur la forme, il faut tout d’abord souligner que la révision constitutionnelle examinée ne traitait pas initialement de ce sujet et que l’article 23 de la Constitution n’a pas été modifié par le projet de loi initial.
Bien sûr, monsieur Frimat, les ministres doivent bénéficier d’assez de temps pour assumer leurs responsabilités. Mais, si j’en crois le nombre de ministres qui ont aujourd’hui un mandat local, c’est tout à fait possible, car ils remplissent parfaitement leur mission. De plus, cet ancrage local est, à notre sens, tout à fait essentiel pour un membre du Gouvernement qui doit vraiment « coller » à la réalité du terrain.
Un mandat local peut précisément aider un ministre « à garder un pied dans la réalité », puisqu’il est sollicité par les électeurs de sa commune ou de sa circonscription, et qu’il a donc à justifier ses choix devant eux.
En outre, je l’ai dit, l’amendement n° 431 du groupe socialiste prévoit d’appliquer l’intégralité des incompatibilités parlementaires aux membres du Gouvernement. Mais, vous le savez, mes chers collègues, il faudrait au préalable « nettoyer » le droit existant, car ces incompatibilités ne sont souvent plus adaptées, visant des fonctions obsolètes ou oubliant certaines fonctions essentielles aujourd’hui.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois est défavorable à ces différents amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour compléter les observations qui viennent d’être faites, je dirai que les amendements limitent ou excluent la possibilité pour un ministre d’exercer des responsabilités locales.
Le Gouvernement considère que ce n’est absolument pas une bonne idée, puisque les Français reprochent souvent – on l’a constaté lors des dernières élections – à ceux qui les gouvernent d’être éloignés de leurs préoccupations. Il est donc utile que les ministres puissent avoir un ancrage local ou en tout cas le conserver quand ils l’ont déjà.
Ils doivent disposer du temps suffisant pour se consacrer à leurs responsabilités nationales. Il n’est absolument pas impossible, on l’a d’ailleurs vu, de concilier une fonction ministérielle et la responsabilité d’élu d’une collectivité.
Par conséquent, le Gouvernement n’est pas favorable à une interdiction pure et simple. Il ne l’est pas non plus à la limitation que certains d’entre vous proposent, à savoir une distinction selon la taille de la commune, car elle n’est pas pertinente. En effet, beaucoup de maires de petites communes sont extrêmement sollicités sur le terrain et ont une tâche parfois aussi lourde que des maires de grandes villes qui, eux, sont entourés de collaborateurs et dotés d’une administration.
Par ailleurs, je rappelle que, dans beaucoup de grandes démocraties, le parlementaire qui devient ministre demeure parlementaire. Ce n’est pas le cas dans notre régime, puisque notre Constitution interdit radicalement le cumul des fonctions ministérielles et parlementaires.
Il faut donc laisser le dernier mot aux électeurs : soit un élu est capable d’assumer à la fois des fonctions ministérielles et un mandat local, soit il ne le peut pas, et les électeurs trancheront.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'amendement n° 179.
M. Robert Badinter. Il s’agit d’une question essentielle dont, malheureusement, du moins je le crains, on ne mesure pas l’importance dans la perception qu’ont les citoyens français de la vie politique.
Être ministre de la République, c’est un grand honneur ! Les citoyens considèrent avec raison qu’on doit alors tout son temps au gouvernement de la France.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et Mauroy ? Et Fabius ?
M. Robert Badinter. Ils considèrent qu’on ne doit pas se consacrer, fût-ce partiellement, à une fraction du territoire national, qu’on ne doit à aucun moment détourner son attention de cette première responsabilité.
M. Josselin de Rohan. Et Gaston Defferre ?
M. Robert Badinter. Le cumul est un mal français. Que des ministres en exercice cumulent leur devoir – qui devrait les accaparer sans discontinuer, même pendant les jours de repos, et plus encore au moment de la construction européenne – et la gestion d’une collectivité territoriale – c’est tout à fait respectable, mais cela relève d’une autre fonction –, à laquelle ils consacrent une partie de leur temps, de leur énergie et de leur réflexion, est un défi jeté aux citoyens.
Mes chers collègues, je vais vous dire ce que pensent les citoyens. Selon eux, la seule chose qui intéresse ceux qui assument des responsabilités nationales, c’est leur carrière, qui, politiquement, se joue d’abord sur le terrain.
M. Robert Badinter. On y pourvoit maintenant précisément par la disposition concernant le ministre lorsqu’il est parlementaire. N’allez pas au-delà ! Ce n’est pas sans raison que tous les comités, les uns après les autres, préconisent la fin des cumuls.
C’est un défi que vous lancez à la face de tous les citoyens : on pourrait être ministre et s’occuper d’une grande ville ou d’un exécutif local !
M. Josselin de Rohan. Et M. Mauroy ?
M. Robert Badinter. Vous plaisantez ! Quand on veut véritablement assumer un ministère, on est occupé le matin, l’après-midi et le soir, monsieur de Rohan !
M. Dominique Braye. Pas d’exagération !
M. Robert Badinter. À cet égard, il n’y a pas de surhomme ! Et dites-vous bien que les citoyens ne croient pas au surhomme ! Ils croient en la réalité du cumul des fonctions et ils nous interpellent sur ce sujet !
M. Dominique Braye. Calmez-vous !
M. Josselin de Rohan. Oui, calmez- vous !
M. Robert Badinter. Pour ma part, je n’ai jamais cumulé deux fonctions !
M. Dominique Braye. Vous n’êtes pas assez proche des citoyens !
M. Robert Badinter. Écoutez-moi bien, monsieur de Rohan. Le nom que portent ceux qui se livrent à cette double activité, c’est celui de cumulard ! Je vous le laisse.
M. Josselin de Rohan. Comme Mme Voynet !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je dis toujours qu’il ne faut pas cumuler des fonctions qu’on ne peut pas assumer, ce qui n’est pas la même chose.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quand on a des mandats locaux, on doit parfois y renoncer, parce qu’on estime qu’on ne peut pas tout accomplir.
Monsieur Badinter, je conçois très bien votre position et je la respecte. D’ailleurs, avec toutes les fonctions que vous avez occupées, vous ne pouviez pas, en outre, avoir des mandats locaux !
M. Josselin de Rohan. Tout le monde n’était pas comme ça !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous avez tellement d’activités, d’ailleurs extrêmement importantes, sur le plan international !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quoi qu’il en soit, ne dites pas, monsieur Badinter, que des Premiers ministres ou des ministres – je pourrais vous citer de nombreux noms – n’ont pas assumé pleinement leurs fonctions alors même qu’ils conservaient des mandats locaux importants.
Je pense notamment à un maire de Lille, pour qui j’ai beaucoup de respect et qui siège dans notre assemblée. Il fut parallèlement Premier ministre. A-t-on considéré à l’époque qu’il faisait du mi-temps ? Non, il faisait du double temps ! En tant que maire, il était apprécié de ses concitoyens lillois. Pour autant, on ne peut pas dire qu’il était un mauvais Premier ministre, même si je n’avais pas les mêmes idées que lui.
M. Josselin de Rohan. Et Gaston ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On pourrait également évoquer, en effet, Gaston Defferre, ou encore Laurent Fabius !
M. Christian Cambon. Très bien !