M. le président. La parole est à M. René Beaumont, pour explication de vote.
M. René Beaumont. Étant par nature plus biologiste que juriste, j’arrive mal à cerner les différences entre l’amendement de M. Alfonsi et celui de M. Frimat, que je m’apprêtais à voter. Je crois comprendre qu’ils sont les mêmes, l’un précédant l’autre. Ce que je souhaite, moi, c’est que la commission soit supprimée. Dans ces conditions, quel amendement dois-je voter ? (Exclamations sur plusieurs travées, où certains suggèrent à l’orateur de voter l’amendement n° 386 rectifié et d’autres l’amendement n° 427.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Les arguments développés par M. Badinter m’ayant convaincue, je retire mon amendement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission des lois aurait souhaité qu’on ne modifie pas le texte voté par l’Assemblée nationale.
M. Charles Pasqua. Nous sommes souverains !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On peut faire ce qu’on veut, mais si on détricote le texte d’un bout à l’autre, il va finir par être difficile de progresser.
L’amendement de M. Alfonsi en reste à la situation actuelle. Celui de M. Frimat vise à supprimer les grâces collectives, mais aussi la commission chargée d’émettre un avis sur les grâces individuelles. Je le dis à l’intention de M. Beaumont, ce ne sont pas les mêmes.
Certains souhaitent en rester à la situation actuelle. Ce qui m’apparaît, c’est que nombreux sont ceux qui ne veulent pas que le droit de grâce du Président de la République soit encadré. Mais, en même temps, ils ne souhaitent pas le maintien des grâces collectives. C’est une autre chose, la nuance est importante.
M. Michel Charasse. Le Président de la République fait ce qu’il veut !
M. le président. En conséquence, l'article 6 est supprimé et les amendements nos 427, 177 et 8 rectifié n’ont plus d’objet.
Article 7
L'article 18 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l'objet d'aucun vote. » ;
2° Dans le dernier alinéa, les mots : « le Parlement est réuni » sont remplacés par les mots : « les assemblées parlementaires sont réunies ».
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 7 constitue en quelque sorte le prétexte du dépôt de ce projet de loi constitutionnelle.
En effet, la réforme de nos institutions, qui nous réunit aujourd’hui, est principalement issue du souhait de l’actuel Président de la République de venir s’exprimer devant le Parlement. C’était d’ailleurs un désir qu’il avait exprimé au préalable lorsqu’il n’était que candidat à l’élection présidentielle. Je ne reprendrai que quelques mots de son programme de campagne, mais ils sont significatifs.
Nicolas Sarkozy tenait alors ces propos : « Je rendrai compte régulièrement de mon action devant les Français et devant le Parlement. » Il est donc clair qu’il se voyait en chef de l’exécutif. « Je renforcerai les pouvoirs de celui-ci, notamment de l’opposition, parce que je ne veux pas gouverner seul et que je pense qu’une démocratie se protège des risques de dérive lorsqu’elle est capable d’organiser et d’accepter ses propres contre-pouvoirs. ».
Je ne suis pas la seule à le dire, on peine à trouver le renforcement des pouvoirs du Parlement et ceux de l’opposition. Mais, en tout cas, on voit bien la concrétisation législative de la première idée du Président.
Le risque de dérive existe donc bel et bien, puisque le Parlement ne disposera pas des moyens de résister à la pression politique exercée par le Président lors de sa venue devant le Congrès.
Le projet de loi ne prévoit aucune contrepartie à cet article, puisque le débat ne sera même pas suivi d’un vote et le Président ne sera évidemment pas responsable devant l’Assemblée nationale. Le Président de la République nous propose bel et bien, contrairement à ce qu’il affirmait durant la campagne présidentielle – les propos de campagne, on sait ce que cela vaut ! – de gouverner seul. Là encore, les mots sont importants.
Dans notre Constitution, ce n’est pas le Président qui gouverne, mais le Premier ministre et le Gouvernement. Cependant, le fait de venir s’exprimer, autant de fois qu’il le souhaitera, devant le Parlement aura justement pour effet de rendre en réalité caduque la responsabilité du Gouvernement.
À l’avenir, il n’est pas difficile d’imaginer que c’est le Président qui, à la tribune du Congrès, fera le discours de politique générale que fait aujourd’hui le Premier ministre.
Ce faisant, il devient officiellement le chef de l’exécutif, le chef de la majorité parlementaire – ce qu’il est déjà dans les faits – et perd de facto sa qualité d’arbitre et de Président censé représenter tous les Français.
Sur ce sujet, on a déjà dit beaucoup de choses : il est aussi le chef du parti de la majorité et, lors de ses visites en province, il réunit les parlementaires de la majorité, mais aussi les militants du parti majoritaire… Tout cela est déjà connu, et on nous propose de le constitutionnaliser !
Voilà pourquoi cet article rompt à l’évidence l’équilibre déjà fragile de nos institutions : il met en cause le principe de la séparation des pouvoirs, que la Constitution avait précisément entendu respecter en instaurant, certes de façon bien imparfaite et insuffisante, quelques contre-pouvoirs égalisant un tant soit peu les relations entre l’exécutif et le législatif. Et encore, je n’évoquerai ni le droit de dissolution, ni l’article 16 de la Constitution !
M. Alain Gournac. Non, surtout pas !
M. le président. Veuillez conclure, madame Nicole Borvo Cohen-Seat !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet article, qui est tout à fait révélateur, peut donc se définir en quelques mots : prééminence institutionnelle et irresponsabilité politique du président. À ce titre, il est totalement inacceptable.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, sur l'article.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je n’ai pas déposé d’amendement sur cet article. Je souhaite simplement indiquer que mon groupe est très favorable à l’intervention directe du Président de la République devant le Parlement.
En effet, dans une démocratie moderne, il n’y a aucune raison pour qu’un tel dialogue n’ait pas lieu. Il me semble tout à fait normal et actuel que le chef du pouvoir exécutif puisse venir s’exprimer devant le Parlement. Pour ma part, je souhaite même que cette intervention soit suivie d’un débat et que le Président de la République reste présent pour l’écouter.
En effet, dans le cas contraire, nous nous réunirons tous à Versailles, le Président de la République s’exprimera et à la fin de son intervention tout le monde partira aussitôt, sans qu’il y ait de débat, et nous aurons donc manqué l’occasion d’inscrire dans la Constitution la modernité et la sérénité de notre vie politique. D'ailleurs, je suis certain que le Président de la République serait heureux de nous écouter.
M. Christian Cointat. Alors, pourquoi avez-vous cosigné un amendement qui l’interdit ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 178 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 329 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 428 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 178.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mes chers collègues, honnêtement, quelle raison aurions-nous de maintenir cet article dans le projet de loi constitutionnelle, si ce n’est la volonté de satisfaire l’obsession d’omniprésence de l’actuel chef de l’État ?
Le Président de la République veut être partout et occuper toutes les fonctions dans le moindre détail. Un jour il est chef de l’État, un autre ministre de la pêche ou de l’industrie. Il multiplie les déplacements, au Guilvinec, à Gandrange, à Rungis, mais aussi les annonces, qui d'ailleurs relèvent avant tout de l’affichage.
On a même vu, ce qui est tout de même terrible quand il s’agit d’un Président de la République, des annonces présidentielles qui sont aussitôt contredites par des membres du Gouvernement ou de la majorité, et qui finalement disparaissent – qu’on se rappelle la proposition de faire « parrainer » par chaque élève de primaire un enfant victime de la Shoah.
Aujourd'hui, le Président de la République veut également occuper le poste de Premier ministre, ce qui a au moins le mérite d’être cohérent. Contrairement à la lettre de la Constitution, Nicolas Sarkozy veut diriger l’action du Gouvernement officiellement et sans intermédiaire. Que lui manque-t-il pour parvenir à ses fins, sinon la prérogative, dont seul le Premier ministre dispose, de s’exprimer devant le Parlement ?
Telle est l’unique raison de l’inscription de cette disposition dans le projet de loi constitutionnelle. Je le répète, nous doutons qu’il respecte le principe de la séparation des pouvoirs, mais nous ne sommes pas les seuls à être circonspects : la quasi-unanimité des personnalités entendues par la commission des lois ont exprimé leur scepticisme quant à cette disposition. Afin de vous éclairer, mes chers collègues, je reprendrai les propos qu’elles ont tenus lors de ces auditions.
M. Jean-Pierre Duprat, professeur de droit public à l’université Montesquieu Bordeaux-IV, a relevé quelques contradictions. Ainsi, le Président de la République se verrait autorisé à prendre la parole devant le Parlement réuni en Congrès, suivant l’exemple américain, alors que son droit de dissoudre l’Assemblée nationale se trouverait maintenu – mes chers collègues, nous devrions tout de même réfléchir sur ce point !
Il a également estimé que le projet de loi constitutionnelle fragilisait l’institution du Premier ministre – tout le monde le savait ! –, déjà mise à mal par la réduction à cinq ans de la durée du mandat du Président de la République.
De son côté, M. Jean-Claude Colliard, professeur à l’université de Paris-I Panthéon-Sorbonne et ancien membre du Conseil constitutionnel, s’est montré sceptique quant à l’apport de l’amendement, adopté par les députés, qui tend à permettre au Président de la République de prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès, mais qui prévoit que sa déclaration pourra donner lieu à un simple débat, organisé « hors sa présence » et, de surcroît, ne faisant l’objet d’aucun vote.
Il s’est en outre demandé si ce nouveau droit d’expression accordé au chef de l’État, et qui est susceptible de traduire une forte impulsion politique, n’était pas contraire au rôle d’arbitre reconnu au Président de la République par la Constitution – pour ma part, j’en suis persuadée !
Enfin, – nous avons déjà évoqué ce point en défendant la motion d’irrecevabilité que nous avions déposée – Mme Élisabeth Zoller, professeur à l’université de Paris-II, a considéré que la modification du droit de message proposée par ce texte entraînerait un bouleversement institutionnel, qu’elle a qualifié de « changement de régime ». Comme tout le monde, elle a noté que l’on entendait inscrire dans notre Constitution des dispositions calquées sur le modèle américain,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quelle horreur ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. …mais avec cette différence que le président des États-Unis ne dispose pas du droit de dissoudre le Congrès. Les interventions du président Sarkozy, que l’on peut qualifier de partisanes, montrent parfaitement que l’ambition du chef de l’État ne peut guère être transposée dans notre Constitution. D'ailleurs, – c’est un signe qui ne trompe pas ! – les critiques formulées sur cet article sont venues de toute part, y compris, je vous le fais observer, mes chers collègues, de membres de la majorité !
M. Alain Gournac. Cette intervention est bien longue !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je crois qu’il faut revenir à la raison : nous ne sommes pas là pour constitutionnaliser l’emploi du temps du Président de la République !
C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 329.
M. Alain Gournac. C’est le même amendement !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Oui, monsieur Gournac, mais je le défendrai avec un argumentaire différent, si vous me le permettez, et je serai certainement plus brève.
Même si cette disposition a déjà suscité bien des commentaires, il me semble important de rappeler qu’elle participe d’une réelle défiance à l’égard du Parlement, tout comme d'ailleurs l’article 16 de la Constitution. Dans une réforme qui vise à moderniser notre loi fondamentale, elle n’est donc pas la bienvenue.
En effet, le Président de la République est aujourd'hui partout. Il n'y a pas un champ qu’il ne puisse investir, pas un média où on ne l’ait pas vu, que ce soit en famille, au travail ou en vacances. Il est omniprésent et souhaite même désormais être omniscient ! L’interdiction qui lui est faite de s’exprimer devant le Parlement se justifie à mon sens aussi bien historiquement que politiquement et juridiquement. Elle s’appuie sur plusieurs raisons, dont la première est l’irresponsabilité politique du chef de l’État : celui-ci ne doit pas se présenter devant une chambre sur laquelle il dispose par ailleurs pratiquement d’un droit de vie et de mort.
Par conséquent, l’article 7 du projet de loi constitutionnelle sert tout simplement, me semble-t-il, à permettre à M. Sarkozy de faire sauter le seul verrou qui lui résiste à ce jour, le seul endroit où il reste persona non grata, c'est-à-dire le Parlement.
Si cette réforme vise à rééquilibrer les pouvoirs, je ne vois pas la pertinence de cette disposition, à laquelle je m’oppose au nom de la séparation des pouvoirs.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 428.
M. Richard Yung. Nous examinons un projet de loi constitutionnelle qui vise prétendument la modernisation des institutions, et en l’occurrence du droit de message, mais qui selon nous ne modernise rien !
Si le Président de la République souhaite s’adresser à la nation, il en a la possibilité, et il en use déjà quotidiennement ! Cette disposition, qui lui permettrait de s’exprimer devant les deux chambres réunies en Congrès à Versailles, symbolise à nos yeux une évolution, lourde de conséquence, de nos institutions vers un régime que certains qualifieraient de « présidentiel », mais qui ne l’est pas vraiment, tant il prend en réalité dans tous les systèmes afin de concentrer tous les pouvoirs entre les mains d’une seule personne. Or ce régime, nous ne l’appelons pas de nos vœux.
Selon nous, cette mesure mettrait gravement en cause l’équilibre actuel des institutions, parce qu’en même temps qu’elle permettrait au Président de la République de s’exprimer devant le Parlement, elle amoindrirait les pouvoirs du Premier ministre, qui est le chef naturel de la majorité.
En outre, cette atteinte à la composante parlementaire du régime ira crescendo, car le Président de la République ne s’arrêtera pas à un seul discours : nous serons bientôt réunis tous les deux mois à Versailles pour entendre la bonne parole !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Formidable ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Richard Yung. Quant au Premier ministre, il se verra de plus en plus cantonné dans un rôle de coordinateur, peut-être même seulement de collaborateur.
L’intervention du Président de la République devant le Congrès ne fera qu’ajouter à la confusion observée aujourd'hui entre les deux têtes de l’exécutif, en rendant leurs rapports plus difficiles encore.
Par ailleurs, on ne peut tracer un parallèle entre les discours prononcés par le Président de la République devant les deux chambres réunies à Versailles et ceux qu’il tient devant les parlements étrangers : dans ce dernier cas, le chef de l’État évoque les questions internationales et la relation du pays où il se trouve avec la France – les présidents étrangers qui s’expriment devant le Parlement français font d'ailleurs de même.
On affirme que le Président de la République, s’il ne dispose pas du droit de prendre la parole devant l’Assemblée nationale et le Sénat, sera encouragé à aller s’exprimer ailleurs. Mais c’est précisément ce qu’il fait, tous les jours !
Nous reprenons donc à notre compte l’analyse développée par Mme Élisabeth Zoller, professeur de droit constitutionnel américain à l’université de Paris-II, que certains orateurs ont déjà évoquée. Celle-ci, au cours d’une audition très marquante, à laquelle certains d’entre vous ont assisté, mes chers collègues, a dénoncé cette réforme en des termes forts.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Yung !
M. Richard Yung. Elle a souligné qu’avec cette disposition nous retournerions au régime consulaire, celui de la Constitution de l’an VIII !
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 7 du projet de loi constitutionnelle.
M. le président. L'amendement n° 268 rectifié bis, présenté par MM. Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, MM. Fauchon et Merceron, Mme Morin-Desailly, MM. J.L. Dupont, Dubois, Zocchetto, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa du 1° de cet article :
Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat. Elle ne fait l'objet d'aucun vote.
La parole est à M. Pierre Fauchon.
M. Pierre Fauchon. « Nous retournerions au régime consulaire » ! Voilà typiquement un phantasme de professeur de droit ! (Sourires sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP.) Mes chers collègues, nous sommes très loin du Consulat ! Je vous signale que nous sommes en 2008 ! Ces propos ne sont pas sérieux !
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Pierre Fauchon. J’entends dire que le Président de la République peut intervenir partout, à la radio comme à la télévision, qu’il a la possibilité de réunir les parlementaires à l’Élysée, qu’il dispose d’innombrables moyens pour s’exprimer, et que, par conséquent, il ne doit pas bénéficier en outre de cette occasion-là.
Mais précisément, c’est parce qu’il dispose de tous les autres moyens de s’exprimer qu’il doit pouvoir, aussi, avoir recours à celui-là, qui est le plus sûr ! (M. Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, je suis content de vous faire rire, car généralement vous me faites la grimace ! Pour une fois que je vous mets en joie, j’en suis ravi, continuez ! Votre réaction m’encourage à vous dire que s’il existe un milieu que le Président de la République ne peut influencer par des effets oratoires suspects, c’est bien, du moins je l’espère, le Parlement, dont les membres en ont vu et en verront d’autres !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça, c’est vrai !
M. Pierre Fauchon. Nous entendrons donc le chef de l’État, dont je suis content qu’il se donne la peine de nous exposer sa politique directement, plutôt qu’à travers de petites lucarnes ou à l’Élysée lors de réunions particulières ou de cocktails – qui sont d'ailleurs excellents, je le reconnais bien volontiers, et je ne sais pas si l’on fera aussi bien à Versailles ! (Sourires.)
Nous nous faisons une montagne d’une procédure banale.
Madame Alima Boumediene-Thiery, vous avez affirmé que, depuis un an, le Président de la République se répandait dans tous les médias, en abusait, savait tout, etc. Mais avez-vous vu le résultat de cette politique dans l’opinion ? Ne croyez-vous pas que s’il avait été un peu moins présent, sa cote serait un peu moins basse dans les sondages ? Apparemment, le peuple français, lui aussi, en a vu d’autres et conserve sa liberté d’appréciation,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Plus que les parlementaires en tout cas !
M. Pierre Fauchon. …tout autant, bien sûr, que le Parlement.
Monsieur le président, je rectifie cet amendement n° 268 rectifié bis, pour y supprimer les mots : « hors sa présence », car cette précision, elle aussi, est puérile. Pour le coup, il s'agit d’un cérémonial qui fleure bon l’Ancien Régime, avec un personnage qui prononce son discours puis s’en va, tandis que les parlementaires ont fait à grands frais le déplacement à Versailles !
M. Alain Gournac. Le Président de la République ne doit pas se faire insulter !
M. Pierre Fauchon. Mais mon cher collègue, il ne sera pas assommé, nous ne sommes pas des sauvages ! Pour ma part, je préfère faire confiance. Comme le disait le cardinal de Retz, que j’ai déjà cité hier : « L’on est plus souvent dupe par la défiance que par la confiance ».
Sous le signe de la confiance, je vous propose donc de préciser que la déclaration du Président de la République pourra donner lieu, en sa présence, à un débat. Naturellement, il ne faut pas que celui-ci soit suivi par un vote, car dans ce cas nous changerions de régime.
Comme je l’ai expliqué hier, je suis partisan d’un régime présidentiel, dans lequel, par conséquent, le Président de la République et le Parlement disposent tous deux de la plénitude de leurs pouvoirs et de leurs responsabilités. Le présent amendement me semble tout à fait cohérent avec ce souci.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 268 rectifié ter, présenté par MM. Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, MM. Fauchon et Merceron, Mme Morin-Desailly, MM. J.L. Dupont, Dubois, Zocchetto, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste-UDF, et qui est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa du 1° de cet article :
Sa déclaration peut donner lieu à un débat. Elle ne fait l'objet d'aucun vote.
Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Beaucoup d’entre nous considèrent, ainsi que je l’ai dit dans la discussion générale, que les dispositions de l’article 18 étaient un anachronisme et qu’elles étaient d’ailleurs très datées historiquement. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Mme Nicole Bricq m’interrompt tout le temps, monsieur le président, je vais me plaindre, si ça continue.
M. Bernard Frimat. C’est une rivalité locale ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas du tout, il n’y a aucune rivalité entre nous !
M. Michel Charasse. C’est l’amour ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements de suppression ainsi que sur l’amendement présenté par M. Fauchon, à partir du moment où les mots « hors sa présence » ont été supprimés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Je rappellerai simplement que le droit de message du Président de la République a besoin d’être modernisé, ce qui, bien entendu, ne signifie ni hyperprésidentialisation ni confusion des genres.
Une telle modernisation tient simplement compte du fait que le Président de la République peut d’ores et déjà s’exprimer à la télévision pour annoncer les grandes orientations de la nation. Il serait peut-être plus pertinent qu’il s’adresse directement aux représentants de la nation dans le cadre du Congrès. Bien évidemment, son allocution ne serait suivie d’aucun vote, de telle sorte que cela ne modifie en rien la nature du régime ou l’équilibre des institutions de la Ve République.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à tous les amendements.
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 178, 329 et 428.
M. Josselin de Rohan. C’est avec un intérêt amusé que j’ai écouté ce débat.
En effet, quand Adolphe Thiers, dont tout le monde connaissait l’éloquence, a été accusé par ses adversaires de certaines pratiques que l’on reproche aujourd’hui à Nicolas Sarkozy, à savoir un activisme excessif, c’est la majorité monarchiste de l’Assemblée nationale qui lui a mis des bâtons dans les roues pour l’empêcher de venir s’exprimer devant l’Assemblée !
Aujourd’hui, c’est la gauche qui reprend cet argumentaire.
M. Dominique Braye. Ce sont en fait des conservateurs !
M. Josselin de Rohan. Il est assez plaisant d’entendre cela, surtout quand on est l’arrière petit-fils de l’un des députés qui avaient alors interdit à M. Thiers de venir s’exprimer devant l’Assemblée nationale !
D’ailleurs, les monarchistes étaient un peu gênés, Thiers étant tout de même le libérateur du territoire. C’est ce qui explique qu’ils ne lui avaient pas interdit expressément de parler, mais ils y avaient mis tellement de réserves que le Président de la République de l’époque avait estimé qu’il ne pourrait jamais surmonter les obstacles qu’on lui opposait et que, dans ces conditions, il était préférable de démissionner, ce qu’il avait fait.
Par conséquent, dès les débuts de la IIIe République, le Président de la République avait la possibilité de s’exprimer devant l’Assemblée nationale.
Les pratiques ont changé, mais, aujourd’hui, le Président de la République désire s’exprimer devant le Parlement. Le général de Gaulle l’avait lui-même souhaité,…
M. Alain Gournac. Oui !
M. Josselin de Rohan. …mais les juristes qui l’entouraient lui avaient fait remarquer que cela n’était pas possible. Dès lors, quand le général de Gaulle souhaitait faire passer des messages à sa majorité, il réunissait très régulièrement les parlementaires à l’Élysée et communiquait avec eux. Je pense d’ailleurs que ses successeurs ont tous fait la même chose.
Le fait que le Président de la République puisse venir s’exprimer devant le Parlement ne représente donc pas un bouleversement.
Pourquoi, alors qu’il peut s’exprimer à la télévision et dans toutes les autres enceintes, lui serait-il interdit d’expliquer les grandes orientations de sa politique devant les parlementaires ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce serait curieux !
M. Josselin de Rohan. Simplement, il convient d’y mettre les formes.
M. Josselin de Rohan. Le Président de la République, qui représente l’État et la République, ne peut pas, lorsqu’il s’adresse aux parlementaires, être traité comme le chef d’un gouvernement qui serait responsable devant l’Assemblée, tant la nature des fonctions est différente.
Lorsque le président des États-Unis s’adresse au Congrès américain lors du message sur l’état de l’Union, les pires de ses adversaires – je dis bien « les pires » – se lèvent pour l’accueillir, pour l’applaudir, et pour l’écouter dans le silence le plus respectueux, même si aucun d’entre eux ne partage sa vision de ce que doivent être les États-Unis ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Je souhaite que lorsque le Président de la République française vient devant le Parlement exposer les grandes lignes de sa politique, il soit écouté avec l’attention et le respect que mérite sa fonction !