M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’émettrai un avis global sur l’ensemble de ces amendements, puisqu’ils ont tous le même objet, à savoir accorder le droit de vote aux résidents étrangers non communautaires.
Tout d’abord, certains orateurs ont rappelé que les citoyens des pays membres de l’Union européenne résidant en France bénéficiaient déjà d’un tel droit pour les élections municipales. Comme l’a rappelé M. Bret, cette disposition résulte du traité de Maastricht.
M. Michel Charasse. Qui a été adopté par référendum !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Effectivement, mon cher collègue.
Outre que le droit de vote des résidents communautaires aux élections locales est prévu par un traité, il s’applique sous réserve de réciprocité.
M. Robert del Picchia. Exactement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est tout de même une notion importante !
Par ailleurs, le traité de Maastricht a institué une citoyenneté européenne. Cela déplaît peut-être à certains, mais c’est pourtant le cas. C’est d’ailleurs ce qui fonde le droit de vote des ressortissants de l’Union européenne aux élections locales.
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous pourrions éventuellement sous-amender l’un de nos amendements pour y inscrire une obligation de réciprocité !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Veuillez me laisser poursuivre, mon cher collègue !
Plusieurs orateurs ont mentionné les pays européens qui accordent le droit de vote aux étrangers non communautaires. De tels exemples seraient pertinents si un tel octroi ne résultait pas de traités et n’était pas soumis à des conditions de réciprocité. Or ce n’est le cas dans aucun des pays qui ont été évoqués.
M. Jean-Patrick Courtois. Exactement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Par conséquent, pour pouvoir accorder le droit de vote aux étrangers non communautaires, nous devrions conclure des traités contenant des clauses de réciprocité avec d’autres États.
D’ailleurs, il serait intéressant d’établir des règles de réciprocité avec certains pays, y compris sur d’autres sujets, par exemple la liberté religieuse… (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n’a rien à voir !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais si ! Nous ne plaçons peut-être pas ces valeurs au même niveau, mais elles sont tout de même très importantes.
M. Frimat va me dire que l’on pourrait autoriser le vote des étrangers au bout de dix ans de résidence, mais je rappelle qu’il est possible d’acquérir la nationalité française au bout de cinq ans. C’est de très longue date notre modèle d’intégration, qui nous a d'ailleurs longtemps protégés des problèmes rencontrés par d’autres pays qui n’accordaient pas la nationalité, par exemple en vertu du droit du sang, même si certains d’entre eux ont évolué depuis, comme l’Allemagne.
Pour toutes ces raisons, nous exprimons un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements. Il est vrai que des positions différentes sont défendues. Nous en restons au fait qu’il est possible de devenir citoyen français facilement, sans même parler de la double nationalité, que certains conservent.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Mais il n’est pas facile d’obtenir la nationalité française !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il conviendrait sans doute d’examiner les conditions dans lesquelles sont accordées les naturalisations ; c’est un authentique sujet. Nous pourrions le faire lorsque nous évaluerons les lois relatives à la nationalité,…
Mme Alima Boumediene-Thiery. J’attends !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … même si l’organisation très compliquée des services, en particulier au sein du ministère de l’intérieur, ne facilite guère les choses.
Quoi qu’il en soit, dans l’immédiat, la commission des lois émet un avis défavorable, je le répète, sur l’ensemble des amendements en discussion.
Personnellement, j’avais été extrêmement sensible au rapport, quelque peu oublié, de la commission Marceau Long : Être Français aujourd’hui et demain. Cette commission avait conclu qu’ouvrir aux résidents étrangers la possibilité de voter aux élections locales pourrait ne pas constituer un motif d’intégration et risquait au contraire d’encourager le communautarisme. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Peyronnet. En quoi ?
M. Dominique Braye. Lisez le rapport !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Les auteurs des amendements souhaitent inscrire dans la Constitution le droit de vote des étrangers, voire leur éligibilité, s’agissant des élections municipales ou, plus largement, des élections locales.
On le sait, ce sujet est délicat et controversé. Jusqu’à présent, la Constitution ne permet que le droit de vote des étrangers communautaires,…
M. Michel Charasse. Des étrangers ressortissants d’un État membre de l’Union européenne : soyons précis !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. … au sens juridique de ce terme, aux élections municipales. Comme l’a rappelé M. le rapporteur, l’octroi de ce droit de vote est soumis à la condition de réciprocité, y compris pour les citoyens communautaires.
Il est vrai que certains étrangers intégrés dans notre pays depuis très longtemps souhaitent participer à la vie locale, et je peux comprendre leur attente. Le Président de la République avait d'ailleurs évoqué cette question pendant la campagne électorale pour l’élection présidentielle. Pour autant, c’est un sujet qui ne fait pas consensus parmi nos concitoyens. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Michel Charasse. Organisons un référendum !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il existe un lien particulier entre l’électeur et la nation, ainsi qu’entre la citoyenneté et la nationalité. La conception française de la nationalité et de la citoyenneté est fondée sur la notion d’une communauté de destin.
En vue d’accorder le droit de vote et d’éligibilité aux résidents étrangers extracommunautaires, on pourrait définir des conditions de durée de résidence, de paiement d’impôts, mais il faut aussi retenir une condition de réciprocité, qui ne peut être remplie aujourd’hui.
Un autre moyen d’accéder au droit de vote consiste, comme l’a rappelé M. le rapporteur, à demander la nationalité française.
Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est difficile !
M. Robert Bret. Bien sûr !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Non, la procédure de la naturalisation a été nettement améliorée ces cinq dernières années, et les délais sont aujourd’hui strictement encadrés. Près de 80 000 personnes sont ainsi naturalisées chaque année.
M. Patrice Gélard. C’est vrai !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Alors que l’on pouvait attendre jusqu’à dix ans avant d’obtenir la nationalité française, le délai a été ramené à moins de cinq ans, grâce à l’action de Jean-Louis Borloo.
Acquérir la nationalité française est un moyen de manifester sa volonté de participer activement à la vie publique.
Par ailleurs, si le droit de vote aux élections locales était accordé aux étrangers extracommunautaires, les pouvoirs publics pourraient très bien estimer que, puisqu’ils sont déjà engagés dans la vie démocratique à l’échelon local, il n’est pas urgent de leur conférer, le cas échéant, la nationalité française.
Voilà pourquoi nous sommes totalement défavorables à l’octroi du droit de vote aux étrangers extracommunautaires, dans les conditions actuelles du débat.
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote sur l'amendement n° 163 rectifié.
M. Pierre Fauchon. Je suis particulièrement intéressé par ce débat, car j’ai été voilà bien longtemps, lorsque M. Chevènement était ministre de l’intérieur, le rapporteur pour le Sénat du texte visant à accorder le droit de vote aux citoyens européens aux élections locales.
Ce texte suscitait bien des réserves à l’époque, il faut le dire. Cela est d’ailleurs normal, toute mutation se heurtant à un certain scepticisme, à des interrogations sur les inconvénients qu’elle peut comporter. Finalement, lors des dernières élections, dans mon département, des ressortissants d’États membres de l’Union européenne ont été élus conseillers municipaux, et je constate que les choses se passent bien.
Ne ressortons pas, dans ce débat, des arguments qui étaient pertinents il y a vingt ou trente ans, parce que le monde change profondément et très rapidement sous nos yeux, caractérisé qu’il est par un mouvement de mondialisation et d’échanges de population. Nous avons d’ailleurs nous-mêmes besoin d’apports de population, et je suis tout à fait partisan de la mise en œuvre de la politique dite d’immigration « choisie » – je préfère pour ma part parler d’immigration « gérée et assumée » –, espérant que la présidence française de l’Union permette de l’instaurer à l’échelon européen. C’est dans cette perspective qu’il faut réfléchir au problème qui nous occupe.
Je n’accepte pas l’argument selon lequel, dès lors que les ressortissants européens peuvent voter, il serait injuste que les étrangers extracommunautaires ne le puissent pas. Cher M. Bret, il y a une énorme différence,…
M. Dominique Braye. Absolument ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Pierre Fauchon. … mais peut-être est-ce parce que vous n’êtes guère favorable à l’Europe que vous la méconnaissez !
Nous qui croyons à la construction européenne pensons que la citoyenneté européenne, en voie d’instauration, doit être complémentaire de la citoyenneté nationale, et non pas contradictoire avec elle.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Pierre Fauchon. Nous estimons que les choses peuvent s’ajuster, mais en tout état de cause cette question ne doit pas être confondue avec celle qui nous est soumise ce soir.
Cela étant, il ne doit pas non plus y avoir d’exclusive : ce n’est pas parce que l’on ouvre aux citoyens européens la possibilité de participer aux élections locales que l’on va forcément la refuser aux résidents extracommunautaires.
J’en reviens donc à cette seconde catégorie d’étrangers. J’entends dire qu’il serait injuste qu’ils ne puissent pas voter lors des élections locales, mais j’avoue n’être guère sensible à cet aspect des choses.
En effet, sous cet angle, on peut s’en tenir à la position assez logique et traditionnelle selon laquelle les étrangers établis en France depuis au moins cinq ans peuvent devenir Français et obtenir ainsi le droit de vote et d’éligibilité.
À mon sens, cependant, une telle réponse ne suffit pas. Je verrais, pour ma part, plutôt des avantages à ce que des étrangers qui vivent en France, y travaillent, contribuent à notre prospérité, participent à la vie communale et associative, puissent voter lors des élections locales sans pour autant renoncer nécessairement à leur nationalité d’origine. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Pourquoi faudrait-il leur imposer un tel arrachement ?
Il me paraîtrait plutôt positif que des personnes qui choisissent de passer leur vie active chez nous avant peut-être de retourner dans leur pays d’origine puissent participer aux élections locales sans qu’on les oblige à renoncer à leurs racines. Il convient bien évidemment de préciser les conditions de l’ouverture d’une telle possibilité, en particulier en termes de délai de résidence.
Il semble que M. Sarkozy, en qui j’ai une très grande confiance (Sourires.), est favorable à une telle mesure, pour les résidents étrangers extracommunautaires pouvant justifier de dix années de résidence. Je m’en réjouis !
Naturellement, comme c’est déjà la règle pour les citoyens européens, les personnes concernées ne pourraient exercer de fonctions exécutives ni participer à certaines élections exceptionnelles, en particulier aux élections sénatoriales. Tous ces points pourraient faire l’objet d’une loi organique.
En conclusion, ouvrir une telle possibilité ne comporterait que des avantages et s’inscrirait dans notre politique d’intégration. L’argument selon lequel cela favoriserait le communautarisme me surprend quelque peu ; je crois, au contraire, que cela permettrait de lutter contre celui-ci.
M. Jean Desessard. Absolument ! Bravo !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela créerait des groupes de pression.
M. Pierre Fauchon. Nos sociétés évoluent de manière telle qu’il faudra d’ailleurs probablement réviser notre conception du communautarisme, mais c’est un autre problème !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Pierre Fauchon. Les membres de mon groupe, du moins ceux qui sont présents ce soir, souhaitent que nous avancions dans cette direction. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Mes chers collègues, l’idée de permettre aux étrangers de participer aux élections m’est très sympathique, et je serais prêt à l’accepter, à condition que les Français résidant à l’étranger obtiennent les mêmes droits.
M. Michel Charasse. Il faut une réciprocité !
M. Robert del Picchia. Or tel n’est pas le cas aujourd’hui hors de l’Union européenne.
Aujourd’hui, au bout de cinq ans de résidence, il est très facile de devenir Français sans perdre sa nationalité d’origine, seuls les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne étant contraints d’y renoncer, en vertu de la convention du Conseil de l’Europe de 1975 interdisant la double nationalité.
En revanche, nos compatriotes vivant à l’étranger ne se voient pas offrir la même possibilité en dehors de l’Union européenne, hormis au Canada, où les Français obtiennent presque automatiquement la nationalité au bout de quatre ans de résidence. Là aussi, la réciprocité est nécessaire !
En résumé, je ne puis, pour l’heure, voter en faveur de l’adoption de la disposition qui nous est présentée, même si elle recueille ma sympathie, la condition de réciprocité n’étant pas remplie. Je ne pourrai réviser mon vote que quand il en sera autrement. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret. Madame la garde des sceaux, quel meilleur moyen d’intégrer les étrangers extracommunautaires résidant dans notre pays et de créer une communauté de destin que de leur permettre de participer à la vie démocratique de la cité en votant aux élections locales ?
Pour une fois, je serai d’accord avec le camarade Fauchon (Rires sur les travées de l’UMP) : pourquoi leur demander de renoncer à leur nationalité ? La naturalisation ne doit pas conditionner la reconnaissance de la citoyenneté, elle ne peut constituer l’unique critère d’attribution du droit de vote et d’éligibilité.
Il faut à mon sens adopter une autre conception de la société, plus ouverte, afin d’éviter de tels cloisonnements.
Alima Boumediene-Thiery a mis en évidence le paradoxe de la situation actuelle : si les résidents étrangers non communautaires ne peuvent participer à la démocratie locale, ils sont pris en compte pour déterminer l’effectif des conseillers municipaux ou le montant de la dotation globale de fonctionnement attribuée aux collectivités territoriales. C’est là une contradiction que la majorité devra un jour assumer !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je trouve que le terme « étrangers » est inapproprié dans le présent débat. Ce qui importe, en l’occurrence, c’est la relation que ces personnes résidant dans notre pays, qui n’ont pas la citoyenneté française, entretiennent avec la société qui les entoure : ils vivent en France, y travaillent, y scolarisent leurs enfants, payent des impôts, participent à la vie sociale et associative. C’est précisément dans la mesure où ils ne sont pas étrangers à notre société que nous nous intéressons à eux ce soir.
Leur accorder le droit de vote aux élections locales serait un signal fort d’intégration. Cela étant, s’intégrer ne signifie pas nécessairement acquérir la nationalité du pays d’accueil.
Ainsi, j’ai vécu quinze ans en Allemagne, en participant à la vie allemande, y compris dans sa dimension politique. Pour autant, je n’ai jamais eu l’idée de demander la nationalité allemande : je suis culturellement Français,…
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Richard Yung. … je me revendique et me sens Français. En revanche, résidant à Munich, il était normal que je m’implique dans la vie locale.
Par conséquent, annoncer à celui qui vient s’installer en France que la « grande République » lui ouvre les bras, lui accorde la nationalité française et le déclare descendant des Gaulois correspond à une conception quelque peu vieillotte, datée, aux relents d’impérialisme… Il faut évoluer !
J’ajoute que la frilosité du Gouvernement sur ces questions trahit une peur de l’étranger. Vous nous rétorquez que si les étrangers veulent voter, ils n’ont qu’à devenir Français, mais vous êtes les premiers à avoir multiplié les obstacles et entraves à l’acquisition de la nationalité française par les étrangers qui la souhaitent !
M. Jean Desessard. C’est vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le conjoint, par exemple !
M. Richard Yung. Ceux qui veulent épouser un Français ou une Française doivent demander un visa de longue durée, voire retourner dans leur pays pour y attendre pendant six mois celui-ci, qui leur permettra enfin de revenir en France pour se marier.
M. Richard Yung. Tel est l’esprit qui sous-tend les textes que, depuis deux ou trois ans, vous nous donnez régulièrement en pâture ! Cela témoigne de votre frilosité et de votre peur de l’étranger !
Je ne suis donc guère étonné que vous vouliez également refuser le droit de vote aux étrangers : c’est assez logique et cohérent. Pour notre part, nous pensons au contraire qu’il faut le leur accorder. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. À vous entendre, chers collègues de droite, on a l’impression que c’est un cadeau que vous feriez en accordant le droit de vote aux étrangers !
M. Dominique Braye. Vous n’avez rien compris ! Le cadeau, on ne le fera pas !
M. Jean Desessard. Or la question de la démocratie et du droit de vote touche à l’universel. Il s’agit d’exprimer sa conception de l’avenir, de donner son avis, d’orienter des décisions concernant, par exemple, les transports, les crèches, l’enseignement dans la commune ; cela signifie s’impliquer, être citoyen dans la ville.
Or, pour vous, accorder aux résidents étrangers le droit de participer à la démocratie locale reviendrait à leur faire un cadeau ! Eh bien non ! La démocratie n’est pas un cadeau, elle est nécessaire pour permettre aux gens de s’impliquer dans la vie de la cité !
M. Alain Vasselle. On ne leur a pas demandé de venir ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Annie David. C’est une honte !
M. Jean Desessard. Pierre Fauchon l’a dit, c’est le contraire du communautarisme ! Il faut impliquer dans la vie locale les étrangers qui vivent sur notre territoire.
J’en viens maintenant à la question de la réciprocité, que certains voudraient apparemment traiter au cas par cas. Imaginons qu’un pays africain accepte ce principe : ses seuls ressortissants seront-ils admis à voter lors des élections locales ? Ce n’est pas possible, ce n’est pas réalisable techniquement !
Quel est votre projet de société, mes chers collègues ? Ne faut-il pas promouvoir la démocratie ? Serait-ce gênant si la France donnait l’exemple ? Serait-il si grave pour notre pays de se montrer plus démocratique que d’autres, en attendant qu’on l’imite ?
M. Dominique Braye. C’est le seul argument valable !
M. Jean Desessard. Ne serait-ce pas faire œuvre utile, dans le monde tel qu’il est, que de prendre un peu d’avance sur le plan de la démocratie ?
À la suite de Pierre Fauchon, je soulignerai par ailleurs que, la société ayant évolué, la notion de citoyenneté française n’a plus la même force. Richard Yung a eu raison de rappeler que l’on peut résider dans un pays, s’y investir à l’échelon local, avoir envie d’y vivre, s’y trouver bien, tout en gardant des attaches avec son pays d’origine.
Le monde évolue, la question d’une citoyenneté européenne et, au-delà, internationale, est posée. Nous sommes des citoyens du monde ! (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
Monsieur le rapporteur, nous percevons vos réticences. Vous avez affirmé que, tout en étant citoyens européens, nous demeurions citoyens français, et vous avez invoqué le traité de Maastricht pour justifier la condition de réciprocité, qui vous serait donc en quelque sorte imposée. Mes chers collègues, avançons !
M. Christian Cointat. Avançons dans la bonne direction !
M. Jean Desessard. Soyez plus audacieux, y compris à l’occasion de l’examen de ce projet de loi constitutionnelle « plan-plan » que vous allez avoir du mal à faire voter ! Si vous accordez le droit de vote aux étrangers aux élections locales, imaginez l’impact politique qu’aura une telle mesure ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
Vous refusez de vous projeter dans l’avenir, et c’est dommage !
Mme Éliane Assassi. C’est pour flatter un certain électorat !
M. Jean Desessard. Mais n’ayez crainte : nous reviendrons bientôt au pouvoir, et nous le ferons alors pour vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. « On ne leur a pas demandé de venir » : c’est vous qui avez prononcé cette phrase, monsieur Vasselle !
Mme Éliane Assassi. Et vous parliez de racisme tout à l’heure !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Savez-vous seulement de qui vous parlez ? Je ne sais quelle image vous vous faites de ces milliers d’ouvriers que l’on a fait venir dans notre pays,…
M. Robert Bret. Les saisonniers de l’agriculture !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … pour travailler chez Citroën ou Panhard, dans l’agriculture… Croyez-vous qu’ils soient venus de leur propre chef ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. On est allé les chercher !
M. Alain Vasselle. Les saisonniers ne viennent pas pour rester ! Ils ne sont que de passage !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils sont restés ! Aujourd'hui, leurs enfants, leurs petits-enfants sont Français. Ne dites pas qu’on ne leur a pas demandé de venir ! Quelle vision magnifique des choses !
M. Robert Bret. Elle résume tout !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh bien si ! On les a fait venir, pour qu’ils travaillent dans le bâtiment, dans les usines… Vous étiez pourtant déjà né à l’époque, monsieur Vasselle, vous n’êtes pas si jeune ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Il est juste un peu plus jeune que vous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ignorez donc qui travaillait dans les usines ? C’est honteux !
M. Dominique Braye. Ce que vous dites est honteux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous voulons une Europe démocratique,…
M. Dominique Braye. C’est ce que vous dites !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … mais, alors que les Irlandais viennent de rejeter le traité de Lisbonne,…
M. Dominique Braye. Cela vous fait plaisir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … le moment est venu de s’interroger sur les véritables aspirations des citoyens européens et d’y répondre. Voilà en quoi nous sommes partisans d’une Europe démocratique, voilà ce que nous voulons !
M. Dominique Braye. Vous êtes anti-européens !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La France a une spécificité : elle a fait venir de l’autre rive de la Méditerranée la plupart des immigrés qui vivent aujourd'hui sur son sol. Nous leur sommes redevables !
Ils habitent en France depuis longtemps et ne votent pas, alors que leurs voisins portugais ou espagnols le peuvent. Les Britanniques qui achètent des résidences secondaires en Normandie ont le droit de vote aux élections locales, alors qu’on ne les a pas fait venir, eux !
M. Patrice Gélard. Ils sont Européens !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette situation est tout de même profondément anormale et injuste, voire complètement ridicule. Un couple de Tunisiens ou d’Algériens qui vit en France, dont les enfants et les petits-enfants sont Français, ne peut pas voter ou participer à la vie de la cité. En revanche, des ressortissants de l’Union européenne, plus aisés, qui possèdent une résidence secondaire dans notre pays, sont admis à voter même s’ils ne vivent en France que depuis très peu de temps. Peut-être contribuent-ils à repeupler des villages en voie de désertification, mais tout de même !
La revendication du droit de vote aux élections locales pour les résidents étrangers extracommunautaires a d’ailleurs pris un nouvel élan en France avec l’apparition de la citoyenneté européenne. Tous les pays européens ne sont pas dans la même situation : de ce point de vue, la nôtre est assez singulière.
Vous êtes généralement favorables à l’harmonisation européenne, chers collègues de la majorité, sauf, il est vrai, sur le plan social ! Or votre refus d’accorder le droit de vote aux immigrés a quelque chose de malsain et s’apparente à un réflexe de classe !
La France ne cesse de donner des leçons à tout le monde, mais les Pays-Bas, la Belgique ont une vision un peu plus large de la citoyenneté. La citoyenneté n’a rien à voir avec la nationalité, cela a été rappelé. Or vous entendez « octroyer » la nationalité française à des gens qui n’en veulent d’ailleurs pas, souvent parce qu’ils ne peuvent pas avoir la double nationalité et risquent donc de se trouver confrontés à de nombreuses difficultés en perdant leur nationalité d’origine. J’ajoute qu’on a parfaitement le droit de vouloir garder sa nationalité : la nationalité n’est pas octroyée, on la choisit !
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je trouve votre attitude méprisante : vous ne vous honorez pas en refusant encore une fois, comme vous le faites depuis bientôt dix ans, de faire un petit pas vers plus de démocratie !
M. le président. Chacun doit respecter son temps de parole, sinon le débat ne peut pas se dérouler dans de bonnes conditions.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je voudrais dépassionner quelque peu le débat.
Nous éprouvons tous le plus profond respect pour tous ces étrangers non communautaires qui ont participé à la reconstruction de la France après la Seconde Guerre mondiale,…
M. Jean Desessard. L’amour, ce sont des preuves d’amour !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. … qui, pour certains d’entre eux, ont donné leur vie, qui ont contribué à la croissance et à la prospérité de notre pays.
Ne parlez pas de réflexe de classe ! N’employez pas de tels mots ! Ces cinq dernières années, Nicolas Sarkozy a brisé le tabou qui pesait sur le sujet de l’immigration, exploité par le Front national. Nous savons comment la question avait été traitée par la gauche dans le passé !
Le Président de la République a été élu sur des engagements clairs. S’agissant de la question qui nous occupe, il avait estimé que, sur un sujet ne faisant pas consensus à l’heure actuelle, un débat serait nécessaire.