M. le président. Vosgien, par exemple !

M. Yves Détraigne. En tant que Marnais, je pourrais par exemple exiger la reconnaissance constitutionnelle de la cathédrale de Reims, qui a accueilli le baptême de Clovis par Saint Remi. C’est évidemment également un élément constitutif de notre patrimoine.

M. Nicolas About. Et le château de Versailles !

M. Yves Détraigne. En effet, pourquoi ne pas évoquer aussi dans la Constitution le château de Versailles ? Nous pourrions même y faire figurer nos spécialités culinaires. Le cassoulet, c’est important ; cela participe à notre réputation ! (Rires.)

M. Philippe Marini. Et le champagne ! Ne l’oublions pas ! (Mêmes mouvements.)

M. Yves Détraigne. Effectivement, mon cher collègue.

Quoi qu’il en soit, préservons notre loi fondamentale. N’entrons pas dans ce jeu qui consisterait à y faire figurer de simples déclarations – ce n’est pas l’objet d’une Constitution – pour faire plaisir aux uns ou aux autres. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUC-UDF et de lUMP.)

Article 1er A (début)
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Discussion générale

7

Nomination de membres d'une commission spéciale

M. le président. Je rappelle qu’il a été procédé à l’affichage de la liste des candidats aux fonctions de membre de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, de modernisation de l’économie.

Le délai fixé par le règlement est expiré.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame membres de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi de modernisation de l’économie : Mme Marie-France Beaufils, MM. Laurent Béteille et Claude Biwer, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cambon, Jean-Claude Carle, Gérard Cornu et Serge Dassault, Mmes Isabelle Debré et Christiane Demontès, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Émin, François Fortassin, Alain Fouché, Jacques Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac et Jean-Jacques Jégou, Mme Bariza Khiari, MM. Pierre Laffitte et Serge Lagauche, Mme Élisabeth Lamure, MM. Gérard Larcher, Gérard Longuet, Philippe Marini, Marc Massion et Jean-Marc Pastor, Mmes Anne-Marie Payet et Catherine Procaccia, MM. Daniel Raoul, Thierry Repentin, Bruno Retailleau, Henri de Richemont et Jean-Pierre Sueur, Mme Odette Terrade et M. Richard Yung.

8

Article 1er A (interruption de la discussion)
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Article 1er A

Modernisation des institutions de la Ve République

Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République.

Nous poursuivons l’examen de l’article 1er A.

Discussion générale
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Rappel au règlement

Article 1er A (suite)

M. le président. Six des onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune ont déjà été présentés.

L'amendement n° 95, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

I. L'article 1er de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les langues régionales appartiennent à son patrimoine. »

II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. »

III. En conséquence, le dernier alinéa de l'article 3 de la Constitution est supprimé.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Cet amendement a deux objets. C’est en cela que la situation est un peu plus compliquée.

D’ailleurs, si les amendements identiques tendant à supprimer l’article 1er A étaient adoptés, nous serions amenés à scinder cet amendement en deux, pour n’en conserver que la seconde partie.

La commission des lois du Sénat a décidé de maintenir l’article 1er A dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, où les débats ont été extrêmement longs et parfois vifs. En effet, les commissaires ont estimé que la reconnaissance constitutionnelle de l’appartenance des langues régionales à notre patrimoine n’aurait pas pour effet d’obliger la France à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. De ce point de vue, j’ai suivi les débats sur le sujet à l’Assemblée nationale.

La commission a jugé qu’il n’était pas nécessaire de supprimer la disposition adoptée par nos collègues députés.

Un autre point a été très débattu. Faut-il mentionner les langues régionales dès l’article 1er de la Constitution, alors que la disposition selon laquelle la langue de la République est le français ne figure qu’à l’article 2 ? C’est effectivement une question importante.

Certes, la solution retenue par nos collègues députés me laisse un peu sceptique. Mais il est vrai que l’article 2 de la Constitution fait partie des dispositions relatives à la « souveraineté ». Or, si la langue française relève bien de la souveraineté, ce n’est certainement pas le cas des langues régionales. Vous le voyez, nous sommes dans une situation difficile.

Ce qu’il nous faudrait, ce serait, en quelque sorte, un « article-balai » qui contiendrait des dispositions à caractère déclaratif, mais sans grande portée juridique. Malheureusement, un tel article n’existe pas dans la Constitution… (Sourires.)

Telle est la difficulté dans laquelle nous nous trouvons. J’ai écouté les différents arguments qui ont été échangés. D’ailleurs, des problèmes similaires risquent d’apparaître dans quelques instants, lorsque nous examinerons les propositions ayant trait à la francophonie, sujet sur lequel notre collègue Legendre a émis des suggestions extrêmement intéressantes.

En revanche, la seconde partie de l’amendement vise à insérer les dispositions relatives à l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales, à l’article 1er de la Constitution.

Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi constitutionnelle tend à faire figurer « l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales » à l’article 34. Pour ma part, je pense qu’une telle disposition a tout à fait sa place à l’article 1er.

Monsieur le président, si vous le permettez, je propose de vous donner tout de suite l’avis de la commission sur les amendements tendant à supprimer l’article 1er A.

Comme vous l’avez compris, la commission souhaite le maintien de la mention des langues régionales dans la Constitution. (Murmures ironiques.)

M. Michel Charasse. Le rapporteur rapporte !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dès lors, je suis tenu d’émettre un avis défavorable sur les amendements de suppression.

Toutefois, comme d’éminents membres de la commission qui avaient voté le maintien de l’article 1er A en demandent à présent la suppression, je suis extrêmement embarrassé sur le sujet. (Exclamations amusées.)

M. le président. L’amendement n° 95 est assorti de huit sous-amendements.

Le sous-amendement n° 304 rectifié, présenté par MM. Béteille et de Richemont, est ainsi libellé :

Supprimer le I de l'amendement n° 95.

La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. J’aurais pu reprendre la plupart des arguments qui ont été évoqués par les différents orateurs ayant défendu des amendements de suppression de l’article 1er A.

Cela dit, j’ai préféré déposer un sous-amendement à l’amendement de la commission. J’en profite pour signaler à M. le président de la commission que je regrette de n’avoir pas pu assister à la réunion au cours de laquelle cet amendement a été approuvé.

L’amendement n° 95 a deux objets. Il vise, d’une part, à reprendre le texte relatif aux langues régionales adopté par l’Assemblée nationale et, d’autre part, à insérer des dispositions relatives à l’égalité professionnelle et sociale des femmes et des hommes.

Pour ma part, je ne souhaite pas la suppression de la seconde partie de cet amendement. En effet, dès lors que l’article 1er de la Constitution vise à proscrire toute discrimination, on peut y faire figurer une disposition destinée à lutter contre les discriminations entre les hommes et les femmes.

Certes, le texte qui nous est proposé manque un peu de concision. Personnellement, j’aurais volontiers suivi les explications que M. Robert Badinter nous a apportées tout à l’heure. Nous aurions ainsi pu insérer les mots «  de sexe » après les mots « d’origine, de race ou de religion » à l’article 1er de la Constitution.

Ce sous-amendement vise à supprimer la référence totalement incongrue et baroque aux langues régionales. Je ne reprendrai pas les arguments qui ont été énoncés de manière tout à fait convaincante par les différents intervenants. Mais je pense qu’une telle phrase n’a sûrement pas sa place dans notre Constitution. (Mme Janine Rozier et M. Jackie Pierre applaudissent.)

M. le président. Le sous-amendement n° 38 rectifié bis, présenté par M. Cointat et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du I de l'amendement n° 95 par le mot :

culturel

La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. J’aurais été tenté de soutenir les amendements tendant à supprimer la référence aux langues régionales dans la Constitution.

Mais, nous devons en être bien conscients, l’histoire des peuples et celle de leur langue sont intimement liées. Nos concitoyens qui vivent dans des régions sont très attachés à cet héritage du passé que représentent les langues régionales.

Certes, le patrimoine de la République française est très vaste. Mais les langues doivent faire l’objet d’un traitement séparé, car elles font partie des racines de certains de nos concitoyens.

Un poète breton a prononcé cette phrase très belle : « La Bretagne est une province de l’âme avant d’être une terre que l’on habite. » Cela vaut également pour toutes les autres régions. L’histoire de la langue fait également partie intégrante de l’individu.

Dans ces conditions, faut-il supprimer l’article 1er A du projet de loi constitutionnelle ? Peut-être.

Mais n’y a-t-il pas une autre manière de contourner l’obstacle ? Si nous devons faire en sorte que les langues régionales ne deviennent pas un outil de communication, car cela créerait des frontières linguistiques portant atteinte à l’unité de la République, elles constituent également une richesse culturelle.

C’est pourquoi ce sous-amendement a pour objet d’ajouter l’adjectif  « culturel » après les mots « Les langues régionales appartiennent à son patrimoine » Ce n’est pas anodin. Une telle précision a pour vocation de démontrer que les langues régionales sont un élément de richesse culturelle, et en aucun un vecteur de communication.

La langue française fait également partie du patrimoine. Mais, en plus d’un élément culturel, c’est un outil de communication. Les langues régionales, quant à elles, doivent seulement faire partie de la richesse culturelle.

M. le président. Le sous-amendement n° 4 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et M. Fortassin, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du I de l'amendement n° 95 par une phrase ainsi rédigée :

Leur usage et leur pratique ne peuvent remettre en cause les principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du Peuple français.

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, lorsque vous consulterez le Sénat tout à l’heure, nous aurons finalement deux solutions.

La première, c’est la suppression de l’article introduit par l’Assemblée nationale. Là, ce sera clair et net. Et nous venons de voir l’ensemble des amendements de suppression, auxquels je rajouterai celui qui a été défendu voilà quelques instants par M. Béteille, qui est un sous-amendement, mais qui revient au même, pour la première partie de l’amendement de la commission.

Ou bien, seconde solution, adopter l’amendement de M. Hyest. Le sous-amendement que je vous propose est la transformation d’un amendement qui figure un peu plus loin dans le dérouleur distribué.

Dans l’hypothèse où l’amendement de la commission serait adopté, je vous proposerais d’en préciser le paragraphe I en ajoutant la phrase suivante : « Leur usage et leur pratique ne peuvent remettre en cause les principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du Peuple français. »

Il s’agit exactement des mentions utilisées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 juin 1999, décision qui nous met à l’abri de toute tentative de transposition « à la hussarde » des dispositions de la Charte européenne des langues régionales qui ont été jugées incompatibles avec les grands principes de la République française.

M. le président. Le sous-amendement n° 276 rectifié, présenté par M. Détraigne, Mmes Férat et Dini et MM. Arthuis, Biwer, Deneux, Merceron, Nogrix, J.L. Dupont, Dubois et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Supprimer les II et III de l'amendement n° 95.

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Ce sous-amendement porte sur la seconde partie de l’amendement de M. Hyest.

Par ce sous-amendement, nous demandons la suppression de l’alinéa qui dispose : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

Cet alinéa a pour objet de permettre une politique dite de « discrimination positive ». Nous nous situons bien loin du principe d’égalité, devise de la République, bien en deçà du principe d’égalité entre les hommes et les femmes, affirmé et réaffirmé en droit.

L’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 stipule que « Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

Comment ne pas rappeler le Préambule de la Constitution du 17 octobre 1946, dans son article 3, qui dispose que « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. »

On retrouve cette affirmation de l’égalité entre hommes et femmes au niveau des textes européens. C’est le cas de l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, aux termes duquel « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe ». Il en est de même de l’article 2 du traité de Rome, aux termes duquel la Communauté européenne a notamment pour mission de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes. C’est sur la base de ce dernier que plusieurs directives communautaires ont été élaborées.

En droit interne, l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est posée au travers notamment de la loi du 13 juillet 1983, qui a opéré la transposition de la directive du 9 février 1976 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, et surtout de la loi du 23 mars 2006 qui a trait à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Ces lois ont pour objectif une véritable mixité dans tous les secteurs et à toutes les étapes de la vie professionnelle. Parallèlement, il existe un arsenal juridique, en constante adaptation, permettant d’éliminer à tous les stades de l’activité professionnelle toute forme de discrimination.

Le dispositif juridique existe donc. Faut-il en rajouter, notamment dans le corps de la Constitution ? Faut-il, comme le propose la commission des lois, compléter le cinquième alinéa de l’article 3 de la Constitution ? Je ne le crois pas.

Introduire, comme le fit la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999, l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives répondait à la nécessité de la juste représentation de notre humanité sexuée, composée à égalité d’hommes et de femmes, dans les lieux où se décide notre vie quotidienne, c’est-à-dire dans les instances élues.

Cette disposition trouvait naturellement sa place dans la Constitution, du fait que celle-ci fixe l’organisation des pouvoirs publics. Cela dit, à plusieurs reprises, j’ai eu à regretter, dans cet hémicycle, que ce dispositif de parité n’ait que très peu fait évoluer le nombre des femmes élues au sein du Parlement.

La Constitution doit-elle aller jusqu’à poser le principe de parité dans les sphères professionnelles et sociales ? Je le répète, je ne le crois pas. Ce principe d’égalité existe. Les femmes, individuellement, doivent s’en emparer. Comme le dit fort justement Guy Carcassonne, « seuls les individus sont titulaires de droits égaux, la République ignore les groupes qui, par leur nature, introduiraient des discriminations ».

Les femmes disposent de droits égaux à ceux des hommes. Le vrai challenge est non pas d’établir des quotas par sexe, mais de permettre à chaque français, homme ou femme, de faire sien ce principe d’égalité, de poursuivre l’évolution de notre société en ce sens et de garantir, notamment dans le monde du travail, en plus de l’égal accès, l’égalité de traitement.

Cela dit, Mme le garde des sceaux a rappelé que le comité de réflexion sur le Préambule de la Constitution, dont Mme Simone Veil assure la présidence, a été chargé d’examiner cette question. Doit-on permettre au législateur de mieux garantir l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités, en dehors même de la sphère politique ? Attendons les conclusions dudit comité. Je fais toute confiance à Mme Veil pour réaffirmer que l’égalité entre les hommes, c’est aussi l’égalité entre les hommes et les femmes.

Je tiens à rappeler que l’article 1er de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 stipule : « Tous les êtres humains – donc les hommes et les femmes – naissent libres et égaux en dignité et en droits. » Ne galvaudons pas ce principe en le glissant au détour d’un article, en le découpant en petits morceaux et en lui enlevant ainsi toute sa valeur et son importance.

Notre sous-amendement, en supprimant cet alinéa, vise donc à redonner toute sa dignité au principe d’égalité entre les hommes et les femmes. (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF.)

M. Bernard Frimat. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

Article 1er A
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Article 1er A

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, il me paraît difficile de continuer à avoir un débat de qualité en mêlant la question des langues régionales et celle de l’égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités professionnelles et sociales.

Ayant le privilège de ne pas présider, monsieur le président, je me permets de vous demander s’il ne serait pas possible de disjoindre ces deux questions et d’organiser nos débats de telle sorte que nous finissions d’abord de traiter du problème des langues régionales. En effet, nous sommes en train de rendre confus un débat qui me semblait relativement clair, sans préjuger des positions de chacun.

M. le président. Monsieur Frimat, il aurait fallu prévoir cette distinction dès le départ. Maintenant, le débat est engagé. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Charasse. Rien n’interdit de faire voter d’abord sur les amendements de suppression !

M. Patrice Gélard. Les sous-amendements doivent pouvoir être défendus !

M. le président. L’amendement de M. Hyest est assorti de huit sous-amendements que je suis obligé de faire présenter dans la foulée. Ensuite, nous en viendrons de nouveau à des amendements concernant les langues régionales. C’est le débat !

M. Bernard Frimat. Dont acte !

Rappel au règlement
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Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. Les deux premiers de ces huit sous-amendements sont identiques.

Le sous-amendement n° 156 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Le sous-amendement n° 349 est déposé par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard et Muller.

Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :

Dans l'avant-dernier alinéa de l'amendement n° 95, remplacer le mot :

favorise

par le mot :

assure

La parole est à Mme Annie David, pour présenter le sous-amendement n° 156.

Mme Annie David. Monsieur le président, il est vrai que, pour la clarté des débats, il aurait sans doute été préférable de clore la question des langues régionales.

Quoi qu’il en soit, pour défendre ce sous-amendement, je reprendrai une partie des arguments de ma collègue Muguette Dini, même si je n’en tire pas les mêmes conclusions - je suis d’ailleurs assez surprise que Mme Dini termine ses propos de la sorte.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Moi aussi !

Mme Annie David. Dans l’article 3 du Préambule de la Constitution du 17 octobre 1946, il est effectivement écrit que « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ». Jusque-là, madame Dini, je vous suis.

Depuis cette date, vous le savez, comme dans beaucoup d’autres domaines, l’égalité telle qu’elle est énoncée dans la devise de la République française est un combat de chaque jour, et l’égalité homme-femme ne déroge pas à cette règle. J’ai eu l’occasion de le rappeler encore récemment, lors de la transposition de directives concernant les discriminations, au sujet d’un amendement proposé par le Gouvernement qui remettait en cause la mixité dans les écoles.

Certes, notre société a évolué, les mentalités aussi, mais nous sommes encore loin du compte. Le simple exemple des écarts de salaire, à qualification égale, entre hommes et femmes nous prouve que ce combat n’est pas terminé.

L’égalité entre hommes et femmes, c’est aussi l’égalité d’accès aux responsabilités, comme élu, comme représentant dans une institution publique ou dans un conseil d’administration d’une grande entreprise. Partout où les décisions sont prises, il faut que les femmes puissent être représentées au même titre que les hommes. C’est seulement lorsque nous donnerons aux femmes le pouvoir d’être représentées à égalité avec les hommes que nous pourrons parler de parité.

Or le terme « favorise », qui figure dans l’amendement de M. Hyest, ne nous semble pas à la hauteur de cette ambition. C’est pourquoi nous proposons de lui substituer le mot « assure ».

Voilà quelques instants, nous évoquions justement, au sein de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, le rapport concernant l’accès des femmes aux études et aux hautes responsabilités qui doit être rendu cette année. Il est prouvé que les jeunes filles et les femmes réussissent très bien à l’école, mais qu’elles n’accèdent malheureusement que très rarement aux hautes responsabilités dans notre société.

M. Patrice Gélard. Ce n’est pas tout à fait vrai !

Mme Annie David. Il faut donc continuer à défendre la parité en tous lieux ; tel est le sens de notre sous-amendement.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter le sous-amendement n° 349.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Le fait que nous traitions en même temps de la question de l’égalité homme-femme et des langues régionales complique quelque peu nos débats. Ceux-ci mériteraient une meilleure organisation sur ces questions.

Pour en venir à notre proposition, il s’agit d’un sous-amendement de repli, qui vise à remplacer le mot « favorise » par le mot « assure ». Je doute en effet de la cohérence rédactionnelle de l’article. Nous proposons d’instaurer une obligation positive d’assurer l’égalité entre les hommes et les femmes. En fait, dans ce domaine, il s’agit non pas d’une obligation de moyens, mais d’une obligation de résultat.

Or favoriser, c’est donner un plus ; assurer, c’est garantir. Nous devons considérer que la parité nous incombe comme une règle, pas comme un objectif. C’est pourquoi le mot « assure » me paraît préférable.

M. le président. Le sous-amendement n° 399 rectifié, présenté par M. About, Mme Payet et M. Merceron, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du II de l'amendement n° 95 par les mots :

, et l'accès à l'emploi des personnes handicapées en mesure de travailler

La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, curieusement, je suis le premier surpris d’avoir déposé ce sous-amendement ainsi que le suivant (Sourires), mais il me paraissait nécessaire de le faire dès lors que l’on introduit dans la Constitution une précision sur l’égalité homme-femme, question que le Préambule de la Constitution de 1946 semble avoir réglée.

Si la loi doit défendre les plus faibles, la loi fondamentale – la Constitution – doit défendre les plus faibles parmi les faibles. Aussi, les sous-amendements nos 399 rectifié et 400 rectifié ont pour objet de rappeler l’obligation de favoriser l’égal accès à l’emploi des personnes handicapées et le maintien en activité des personnes les plus âgées.

J’espère cependant que toutes ces mentions vont disparaître pour sauvegarder la qualité de notre Constitution !

M. le président. Le sous-amendement n° 400 rectifié, présenté par M. About, Mme Payet et M. Merceron, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du II de l'amendement n° 95 par les mots :

, ainsi que le maintien en activité des personnes âgées de plus de cinquante ans

La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 315, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'article 1er de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage. Les langues régionales appartiennent à son patrimoine ».

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 315 et l'amendement n° 57 rectifié.

Tout le monde l’a constaté : la référence aux langues régionales pose problème et place bon nombre d’entre nous dans l’embarras.

Sur l'article 1er A du projet de loi constitutionnelle, je suis à la fois l’auteur de l'amendement n° 315 et un des cosignataires des amendements nos 77 et 57 rectifié.

Si, je l’avoue, c’est à l'amendement de suppression n° 77 présenté par Patrice Gélard que va ma préférence, je reste conscient non seulement de l’attachement de notre population aux langues régionales – je pourrais poursuivre cette intervention dans la langue du Nord chère à Jules Mousseron qu’évoquait tout à l’heure notre collègue Ivan Renar, mais je m’en abstiendrai, rassurez-vous ! (Sourires) – mais aussi du régime bicaméral qui est le nôtre, lequel nous impose d’être attentifs aux souhaits exprimés par l'Assemblée nationale.